Les premiers pas de Dante dans le monde.
En l’an 1142 naquit dans les entrailles d’une petite forge du grand marché de Marbrume un jeune garçon du nom de Dante. Son père forgeron depuis plusieurs années, avait ouvert son établissement avec l’aide de sa femme, fille d’un grand marchand. Ils eurent quatre enfants, trois ravissantes filles et enfin un petit garçon. Le jour de sa naissance fut considéré comme un miracle pour son père, en effet résolu à ne pas avoir de garçon après trois essais, le forgeron s’était résigné à être le dernier des Nuitnoire.
Dès son plus jeune âge son père lui appris à manier les instruments nécessaires aux forgerons, petit à petit Dante maitrisa tout ce qu’il y avait à savoir sur le métier de son père et il comprit bien qu’au moment venu ce serait aussi le sien. Quand il fut assez grand pour manier une épée son père lui en forgea une et dans l’arrière-cour de leur maison il l’exerça. Toute la famille fut surprise de la facilité avec laquelle le jeune garçon arrivé à manier la lame, mais il excédait surtout dans le lancer de dague.
Tout allait bien dans cette petite famille modeste, chacun s’attelait à sa tâche, aucun orage à l’horizon pour les Nuitnoire.
Les jours sombres.
Dante était âgé de douze ans lorsque le jour le plus funeste de sa vie arriva. Alors que sa mère était partie acheter des provisions depuis déjà quelques heures des soldats vinrent dans la petite forge ou se trouvaient père et fils en plein travail. L’un des soldats pris le père à part, Dante qui était en train d’asséner des coups de marteau sur de l’acier encore brûlant entendit son père crier, en se retournant il le vit s’effondrer par terre en sanglots. La femme du forgeron avait été retrouvée égorgée dans une petite ruelle.
La nouvelle s’abattit sur la famille comme un ouragan balayant tout sur son passage, les jeunes filles s’enfermèrent dans une pièce de la maison pleurant cœur et âme, le père ferma la forge et disparut. Dante resta seul avec son chagrin ne sachant pas comment réagir de son jeune âge, il pleura puis il se mit en colère puis vint le déni, il ne pouvait concevoir que sa mère soit morte. La famille Nuitnoire était au bord de l’agonie.
Un mois passa avant que le forgeron ne rentra chez lui, il trouva ses enfants affamés et pâles, telle des fantômes venus de monde inconnu. Après une longue discussion avec eux il s’excusa de les avoir abandonnés et leur promis qu’à l’avenir il serait toujours là pour eux. La famille se remit au travail la forge tourna comme jamais, chacun travaillant d’arrache-pied afin d’oublier son chagrin.
La manifestation de l’ombre.
Plusieurs années plus tard, Dante était devenu un jeune garçon fort et endurant, du haut de ses quinze ans il pouvait passer des nuits entières à travailler comme un forcené sans se plaindre, faisant un travail remarquable. Son paternel était très fier de lui, mais il savait que toute cette hargne que son fils mettait dans son travail n’était qu’une façon pour lui de cacher la douleur encore vive des jours funestes que la famille avait connu et il remarqua vite les sautes d’humeur que pouvait avoir son garçon. Un jour prit de colère, Dante se mit à jurer, il empoigna son marteau et le lança à travers l’établissement, celui-ci alla se loger dans une porte.
Son père qui avait assisté à la scène, le prit vivement par le bras et l’amena dans l’arrière-cour, il le força à s’asseoir par terre et lui tenu le visage entre ses main afin de capter son regard. Le forgeron commença un long récit sur la famille Nuitnoire, lui expliquant que tous les hommes de la famille avaient été des guerriers, des combattants et que cela était encré dans son sang, après avoir fait l’éloge de ses ancêtres, il fit une pause avant de reprendre sur un ton beaucoup plus sérieux et triste, il prononça une phrase que Dante ne pourrait oublier
* Etre un grand guerrier ne veut pas dire être bon et faire le bien, tous les Nuitnoire ont une ombre qui se cache au plus profond de leurs cœurs…. Combat cette ombre comme je l’ai fait jadis…. *. Sur ce son père reparti reprendre le travail.
Dante resta là, au milieu de la cour, une question lui trottait dans la tête, mais qu’est-ce que cette ombre. Et il ne tarda pas à le découvrir. En effet deux semaines plus tard alors qu’il était parti acheter des maies avec sa plus jeune sœur, un groupe de jeune garçon les encerclèrent au détour d’une petite ruelle. L’un des jeunes assaillants qui semblait être le chef de la petite bande s’approcha de Dante pour lui prendre sa sacoche de provision fraîchement achetée, mais le jeune forgeron sûr de lui ne se laissa pas faire et assaini un coup de poing violent dans la mâchoire de son adversaire, celui-ci tomba à terre, les autres se mirent à jurer et l’un d’eux eut le malheur d’attraper la sœur de Dante par le bras. A ce moment précis alors qu’il était encerclé et sa sœur prise en otage, Dante ressenti une émotion inconnue jusqu’à ce jour monté en lui, de la peur… Non ce n’était pas cela…. De la colère…. Non quelque chose d’autre, oui voilà ! De l’excitation, c’était de l’excitation qui venait de saisir toutes les parties de son corps. La bagarre commença, après avoir repoussé facilement tous les assauts des jeune voleurs en les mettant tous à terre, Dante se tourna vers le dernier qui tenait sa sœur comme bouclier, il s’approcha d’un pas sûr vers lui, le preneur d’otages recula jusqu’à ce qu’il se trouve coincé contre un mur, quand il vit le jeune forgeron se rapprocher de lui avec une lueur démoniaque dans les yeux il lâcha la jeune fille et implora le garçon de le laisser tranquille, mais Dante n’entendait plus rien, il attrapa le garçon par le coup et l’étrangla, sa sœur se jeta à son bras le priant d’arrêter mais c’était trop tard après quelque minute le voleur devint blême. Dante le lâcha et reprit ses esprits, regardant autour de lui tout le mal qu’il avait fait.
Arrivé à la forge il fit promettre à sa sœur de garder tous ce qui venait de se passer sous silence et surtout de ne jamais en parler à leur père. Dante savait qu’en aucun cas le vieux Nuitnoire ne devait apprendre les faits, car à cet instant précis au moment où il avait tué ce jeune garçon, il avait touché du bout des doigts l’ombre dont lui avait parlé son père.
Le tournant de sa vie.
Bien des années passèrent, maintenant Dante était un jeune homme, deux de ses sœurs s’étaient mariés avec de riches marchands, alors que la plus jeune était restée à ses côtés pour travailler à la forge, elle était devenue aussi douée que son frère et de plus en plus de clients venaient la voir car elle ajoutait une touche de raffinement sur chaque objet qui sortait de la forge. Le père moins robuste qu’auparavant avait quelques problèmes d’articulation et ne pouvait plus travail l’acier, alors il s’était mis en tête de chercher de riche client.
Un jour ce dernier rentra en fanfare dans la salle à manger où se trouvait le reste de la famille attablé. Il leur annonça qu’il avait trouvé un riche marchand qui lui avait proposé de lui vendre à prix cassé l’acier le plus robuste de toute la région, mais le marchand vivant à deux semaines à cheval de Marbrume n’était pas très enclin à faire le voyage. Ainsi le lendemain aux premières lueurs de l’aube alors que Dante était déjà en train d’éveiller la forge, son père l’embrassa et partit pour un long voyage lui promettant qu’il rentrerait au plus tard dans un petit mois.
Les mois passèrent, la forge tournée à plein régime, les clients affluaient, mais toujours aucun signe du vieux Nuitnoire. Dante se prit d’inquiétude mais il connaissait son père, s’il avait promis de revenir alors il reviendrait. Jusqu’au jour où des groupes de migrants de plus en plus nombreux commencèrent à affluer dans la ville, emmenant avec eux des rumeurs concernant un fléau nommé Fangeux….
La menace était bien réelle, mais au plus profond de lui Dante avait le sentiment que son père était toujours en vie quelque part à l’extérieur, attendant qu’on vienne lui porter secours. Ainsi le jeune forgeron n’avait qu’une seule idée en tête, allé chercher son père. Mais il ne pouvait pas juste prendre ses affaires et partir….
Un sergent de la milice passait souvent à la forge des Nuitnoire afin de contempler leur travail, mais le forgeron s’était vite rendu compte que le Sergent s’intéressait surtout à sa sœur, alors qu’il regardait le soldat discuter avec cette dernière, il lui vint une idée. Dante interpella le sergent en lui disant qu’il pourrait lui forger l’épée courte la plus belle et le plus meurtrière du pays. Le sergent d’abord eut un ricanement moqueur, mais quand il vit que le jeune homme était sérieux, il accepta l’offre, lui faisant comprendre que si celle-ci n’était pas exceptionnelle il ne la paierait pas, mais le forgeron ne voulait pas d’argent, il expliqua au sergent qu’il lui demanderait un service en échange, le soldat accepta et lui donna rendez-vous deux semaines plus tard.
Durant ce laps de temps, Dante travailla jour et nuit, peaufinant chaque détail avec soin. Le délai écoulé le sergent revint dans l’établissement des Nuitnoire, Dante l’attendait, devant lui était étalé un drap sous lequel se trouvait l’épée. Le sergent souleva le drap, il eut un léger plissement des yeux au moment où la lumière vint se refléter sur la lame de l’épée, elle était magnifique, le sergent l’a pris dans ses mains avec délicatesse, la garde lui épousait chaque contour de sa paume comme si elle avait été fait sur mesure, elle était légère, l’équilibre était parfait, il caressa doucement la lame, celle-ci était douce et glaciale, sans impureté, lisse comme la peau neuve d’un nourrisson et les arêtes étaient tranchantes à souhait. Dante avait rempli son contrat, l’arme été à la fois belle et meurtrière. Le sergent le félicita avant de luis demander en quoi il pouvait lui être utile. Le forgeron voulait devenir un soldat, ainsi il avait besoin de l’aide du sergent pour rentrer dans la milice extérieure, il l’implora de le prendre sous son aile, de l’entrainer au mieux, et surtout il voulait être affilié à l'exploration des terres. Cette demande étonna le sergent qui examina de haut en bas Dante, fort, endurant, agile, déterminé, il ne pouvait être qu’une bonne recrue, alors il accepta et lui donna rendez-vous le lendemain à la caserne.
Sang-Froid.
Le sergent avait tenu sa promesse, cela faisait à peine deux mois que Dante était rentré dans la milice mais il avait déjà fait ses preuves et beaucoup le connaissaient déjà comme étant le meilleur lanceur de couteau de la ville. Le sergent lui avait appris beaucoup de choses sur l’art du combat et le jeune homme avait rapidement assimilé les enseignements de son supérieur.
Un ordre de mission venait d’arriver, le sergent avait réuni sa troupe de soldats, il leur annonça que demain ils allaient partir en mission avec lui, ce qui étonna toute l'unité, mais apparemment cette mission était d'une importance capitale ainsi les hauts gradés avaient décider d'envoyer le sergent au front avec ses hommes. Des éclaireurs ont rapporté la disparition, dans un petit village abandonné des marais, d'un convoi transportant des marchandises de grandes valeurs. Leur mission était de trouver ce village et de récupérer la marchandise. C’était la première mission à l’extérieur de Dante, il était sur le qui-vive, prêt à affronter le monde extérieur.
La troupe partie à l’aube, celle-ci était constituée principalement de soldats aguerris, les meilleurs de la milice extérieure, Dante se réjouissait de pouvoir apprendre à leurs côtés. Il ne fallut qu’une journée de marche pour arriver dans le village abandonné, le soleil se couchant le sergent entonna l’ordre à ses hommes de prendre possession de la grande maison qui se trouvait au centre du village. Les soldats barricadèrent au mieux chaque ouverture vers l’extérieur. Alors que les derniers rayons de soleil disparaissaient lentement, Dante sentait que la tension au sein du groupe montait petit à petit, tous avaient déjà combattu des Fangeux, seul le jeune Nuitnoire était encore novice dans cet exercice, peut-être allait-il pouvoir enfin s’exercer, du moins il l’espérait.
La nuit tomba, tous les soldats étaient à leurs postes, Dante avait été assigné avec un autre à une fenêtre dans une petite pièce adjacente à l’entrée. Il faisait noir, mais la pleine lune jetée une lumière grise sur le village fantôme. Aucun bruit n’était perceptible, le novice de la troupe avait les paupières lourdes, il allait s’endormir quand un cri effrayant venu de l’extérieur vint faire crisser les dents des soldats. Le sergent ordonna à tout le monde de tenir leurs positions, l’ennemi était là et il nous épiait. Il ne fallut pas attendre longtemps avant le premier assaut des Fangeux. Les bêtes foncèrent comme des béliers enragés contre les ouvertures barricadées, celles-ci ne tinrent pas longtemps, une première brèche se fit dans l’entrée principale, les bêtes s’engouffrèrent dans l’ouverture…. La bataille commença.
Des cris, des grognements, des hurlements, du sang… Dante arriva dans la pièce principale où se déroulait le massacre, il fut tétanisé à la vue du bain de sang, mais une émotion s’empara de lui, une émotion qu’il avait déjà ressentie aux parts avant…. De l’excitation, un léger sourire se dessina sur le coin de sa bouche, à ce moment-là il n’était plus lui-même, il se jeta dans la bataille, lança sa dague à travers la pièce, celle-ci vint se loger dans la poitrine blafarde d’un monstre, il dégaina son épée courte et d’un sang-froid inégalable il frappa avec agilité et de toutes ses forces chaque bête qui se mettait en travers de son chemin…..
Après quelques heures de lutte acharnée la troupe était venue à bout tant bien que mal des assaillants. Dante se trouvait au milieu de la pièce alors que les premières lueurs du soleil apparaissaient, regardant les morceaux de corps de ses compagnons éparpillés dans une mare de sang, un constat lui vint rapidement à l’esprit, seulement cinq de ces monstres avaient réussi à tuer une quinzaine des meilleurs soldats qu’il connaissait.
Un appel à l’aide le sorti de ses songes, il se dirigea vers la pièce derrière lui, là se trouvait le reste de la troupe autour du sergent assit contre un mur, il était recouvert de sang, un morceau de sa gorge avait été arraché. Le coutilier essayait de rassurer le sergent lui disant qu’ils allaient le ramener au plus vite en ville pour le soigner, mais le sergent n’était pas dupe, il savait que sa fin était proche, il attrapa son second avec le peu de force qu’il lui restait et lui donna l’ordre de l’achever et de bruler son corps, il ne savait pas ce qui allait se passer après sa mort mais il ne voulait surtout pas finir en monstre. Le coutilier se releva pris de terreur, un silence de mort régnait au sein de la troupe, tous tétanisés par la demande de leur sergent, pour la plus part d’entre eux il était comme un père, un frère, un modèle. C’est à ce moment que Dante s’avança, sorti sa dague qu’il venait de récupérer sur le Fangeux mort, il s’accroupit, serra fort la tête du sergent contre son torse, il lui glissa ces quelques mots à l’oreille
* Qu’Anür t’accueille à bras ouverts mon frère * avant d’enfoncer d’un coup sec et rapide sa lame dans le cœur du mourant, il soupira avant de faire faire une ration d’un demi-tour sur la droite à sa dague, le sergent poussa son dernier souffle. La troupe était silencieuse, les yeux fixés sur le jeune homme qui nettoyait son arme avec un morceau de tissu, le sang-froid dont avait fait preuve Dante provoqua un vent d’inquiétude parmi les spectateurs. Dante se planta devant le coutilier, qui le dévisageait, il ouvrit la bouche pour faire tomber ce silence de mort demandant à l’homme quels étés les ordres à présent.
Le jeune homme eut pour mission de réunir tous les corps des soldats morts et d’y mettre le feu, pendant que les autres cherchaient en vains la marchandise pour lesquelles ils étaient venus. Les fouilles ne donnant rien le coutilier prit ses hommes et ils repartirent à vive allure vers Marbrume, espérant arriver avant la nuit. Avant de partir Dante avait récupéré l’épée du sergent, la même qu’il avait forgé de ses mains. Les hommes avaient marché sans pause durant toute la journée, pressent le pas au fur et à mesure que le temps passait.
Ils arrivèrent enfin aux portes de Marbrume mais l’accueil ne fut pas celui escompté, en effet le jour précédant la panique avait pris une partie de la ville, une brèche s’était faite dans le quartier de la Hanse, les Fangeux s’étaient déchainés sur les habitants, heureusement la ville avait réussi tant bien que mal à repousser l’assaut. Quand Dante eut vent de la nouvelle il pensa directement à aller voir sa sœur à la forge, mais le coutilier l’attrapa et l’entraina dans un coin. Au début l’homme lui parla d’un ton amical, le félicitant pour ce qu’il avait accompli, mais son visage se referma rapidement et d’un ton dur et froid il lui confia qu’il avait regardé le jeune homme pendant la bataille et qu’il avait vue dans ses yeux une lueur qui lui avait glacé le sang, cette même lueur qu’il avait retrouvée lorsque Dante avait abrégé les souffrances du sergent. Il finit par lui dire qu’il ne voulait plus l’avoir sous ses ordres et que dès demain il serait affecté dans une autre troupe. Avant de partir le coutilier se retourna et lança
* Bon vent Sang-Froid *.
Après avoir pris des nouvelles de ses sœurs, Dante rentra à la caserne, la nuit fut agitée, le sommeil le fuyait laissant place à une interminable remise en question. Son cerveau bouillonnait, des questions revenaient sans cesse dans son esprit. Pourquoi avaient-ils été envoyés dans ce village alors qu’il n’y avait rien, à part la mort, peut-être un piège, mais dans quel but ? Tuer le sergent…. Tout cela ne rimait à rien. Puis vint le moment où il se remémora le massacre et le sang-froid dont il avait fait preuve, il savait qu’à ce moment précis alors que le combat battait son plein il avait ouvert son cœur à l’ombre et que celle-ci lui avait permis de rester en vie, mais surtout il se rendit compte qu’il avait apprécié toutes les sensations qu’il avait ressenti durant le combat. Il comprit alors qu’il avait embrassé l’héritage des Nuitnoire, au final était-il réellement rentré dans la milice pour se donner tous les moyens de retrouver son père ou cela était juste un moyen de servir des ambitions plus sombres….
Deux mois passèrent, Dante n’avait toujours pas eu de nouvelle affectation, il passait ses journées à s’entrainer attendant patiemment. Il était seul, personne n’osait l’approcher, il comprit que tout le monde avait eu vent du déroulement de leur mission. A présent dans toute la caserne il était connu sous le nom de Sang-Froid.