Lothaire Ferbois était un homme qui avait tout pour être heureux. Une femme nommée Aubrée, belle, passionnée, intelligente, cultivée, l’assistant avec ferveur. Une fille, Aude, un amour, obéissante, gentille, jamais avare de démonstration d’affection. Une bonne situation, celle d’un médecin respectable et respecté, reconnu pour son efficacité. Une réputation, celle d’un homme honnête, celle d’un homme de science reconnu, celle d’un père et mari aimant.
Mais à présent, si vous nommer son nom, à ceux qui le connaissent bien, ce seront des regards empreints de pitié et de dégoût. Teints de peur et de consternation. Tous s’accorderont à vous dire qu’effectivement, il fut un homme bon. Certains vous diront qu’il était déjà un peu trop attiré vers les expérimentations à l’époque, traînant, fouinant, concluant des pactes avec des trafiquants de cadavres, soignant certains individus louches, des étrangers, mais aussi d’étranges affaires avec l’aristocratie et le clergé, des affaires nécessitant la plus grande discrétion, mais après tout, c’était un médecin, un homme de science, il restait discret, c’était l’essentiel et après tout, il n’était sans doute pas le seul.
Mais s’était avant d’avoir été puni par les Dieux pour son orgueil et ses propos hérétiques.
Non, à présent, si le regard qu’on tourne sur cet être erratique est empreint de gêne et de pitié, c’est en raison de ce qui s’est passé cette nuitée-là. Dire que l’hiver 1164 n’avait pas été facile pour Lothaire était un euphémisme. Imaginer donc ! Entre l’arrivée grouillante de nombreux étrangers, porteurs de germes, le froid et la faim faisant de nombreuses victimes. Le brave Ferbois était débordé, tant de miséreux demandant l’aumône, demandant des soins pour eux et leurs proches, des hommes vous proposant de vous rembourser plus tard, prêt à s’endetter, des femmes, proposant de rogner leurs vertus, et les enfants … les enfants… Lothaire sentait son cœur se serrer en voyant tant de marmots, seuls, pouilleux, les côtes à l’air, le ventre gonflé, le regard hagard. Il voyait toute autant de petites Aude brunes, blondes, rousses, filles et garçons, crier, rire, pleurer, se chamailler, tomber, jouer, mourir…
Certains rétorqueront que tout le monde a subit la violence de cet hiver et que ça n’excusait pas la conduite du Ferbois. Bien sûr que chercher à endiguer tout ce malheur est une bonne chose mais arriver à de tels extrémités. En arriver à voir cet honnête homme chercher à guérir les Fangeux était proprement inconcevables ! Les Fangeux n’étaient pas des malades, c’était des macchabées, et ils n’étaient pas issu une infection ou d’un peste, mais bien d’un véritable châtiment divin, un funeste miracle. Pourtant Lothaire persista dans cette voie impie, malgré les avertissements. Peut-être était-ce dû aux nombreux services qu’il rendait grâce aux patients qu’il soignait, à sa bonne réputation, ou encore aux nombreux débordements, mais il put continuer ces expériences sur la Fange, collectant des informations, disséquant les cadavres des rares Fangeux circulant dans la ville.
Et une maudite journée, l’incident bouleversa la vie du brave médecin. Personne ne sût exactement ni comment ni pourquoi. Les autorités ne donnèrent rien de satisfaisant à l’époque. Son diagnostic s’était révélé faux, le malade, un fils de fermiers des alentours, roux, barbu, la vingtaine au visage taillé en serpe, avait fini par rendre l’âme malgré les efforts du Ferbois, jonglant sans cesse entre les nombreux patients. Il s’était absenté à peine une heure, laissant sa femme Aubrée, devenu presque aussi douée qu’elle, malgré son absence de formation, ainsi que sa petite Aude.
Le mari et le père qu’il était les revoyait, Aubrée, forte et déterminée, elle qui était si timide quand ils s’étaient rencontrés, osant à peine lui décocher un regard avant de virer au pourpre, la voilà maintenant mettant au pas de solides gaillards la dépassant de deux têtes. Et sa petite fée, Aude, son pinson, son moineau, son petit rossignol, qui transportait courageusement à toute allure des seaux d’eau chaude et des fournitures, voletant de patient en patient. Cette gamine, haute comme trois pommes, en avait plus dans le pantalon qu’une belle tripotée des hommes qu’il avait rencontrés, la voilà souriant à un malade, chantant une chansonnette à une pauvre fille de joie enceinte jusqu’au cou, déposant un innocent baiser sur le front de ce vieillard, taisant d’un câlin ce veuf braillard et ses deux marmots silencieux.
Il avait eu cette étrange pensée au moment de quitter cette maudite tente.
‘’Ces deux femmes ont fait de moi un homme’’
Il n’aurait su dire pourquoi cette pensée lui était apparu, mais il y voyait quelque chose de réconfortant, quelque chose de lumineux, de chaud, comme lorsqu’on place ces mains devant un doux feu, après une rude journée d’hiver.
A présent, il s’en voulait d’avoir repoussé la bâche de cette tente, il aurait mille fois préféré se retourner et les embrasser, les tenir contre ses bras, ne serait-ce que leurs accorder un bref regard et elles auraient sût tout l’amour qu’elles lui inspiraient. Mais non ! Sombre idiot qu’il était, il s’en était allé, toute juste décochant un sobre ‘’ Je reviens !’’ à son épouse avant de traverser le seuil de la porte.
Il avait suffi d’une simple heure pour que sa vie change du tout au tout. Comme dans un affreux casse-tête dément dont on aurait retrouvé la tortueuse solution de l’énigme, l’esprit sous-pression du médecin commençait à se revivre mentalement la scène qui s’était déroulé. Le voilà à présent, à genoux, dans sa tente, un heure près, couvert d’un sang qui n’est pas le sien, tremblotant, suant, pleurant, le corps ensanglanté d’une petite fille dans les bras, celui d’une autre femme blonde comme l’orge derrière lui, feu son épouse, la gorge arrachée, ici une pauvre fille ballonnée au ventre à présent crevé, là un vieillard agonisant, tentant de retenir ses dernières tripes de son ventre, encore un autre homme tenant deux marmots déchiquetés et finalement lui.
La carcasse défoncée d’un Fangeux roux gisait au sol devant lui, à quelques mètres à peine. Lothaire se disait que la créature avait dû passer un sale quart d’heure vu l’état du corps, visage tuméfié, tronc contusionné, yeux crevé, jusqu’à que les poings du Ferbois s’enflamment soudainement. Les levant immédiatement devant ses yeux, les voilà ensanglantés, bleuis, son majeur droit épousant un angle pas vraiment naturel ; à présent, tout lui revenait, c’était lui, qui avait tué cette bête !
Lui, qui devant le spectacle du massacre de ceux qu’il s’était juré de protéger, s’était jeté sur l’infâme créature, trop occupé à trouver ripaille et pitance sur le corps de sa femme !
Lui qui s’était esquinté les poings sur la figure du macchabée !
Lui qui, jetant un nouveau regard sur l’être exsangue, avait tué sa propre famille !
C’était le corps d’un jeune homme roux qui se tenait devant lui, malgré les crocs acérés, la pâleur inhumaine, les bleus et les yeux crevés à mains nues, c’était bien son patient, le fils de fermier décédé.
A présent, il comprenait pourquoi son diagnostic s’était révélé faux, il ne s’était pas trompé sur le traitement, celui d’une banale morsure de chien de ferme, étant donné la profondeur de la morsure et la lacération trop importante pour être celle d’un homme ; mais sur le diagnostic lui-même, ce n’était pas un chien avec une gueule étroite qui avait attaqué le garçon, mais un homme, un Fangeux. Blessé, affolé, il avait dû chercher secours chez Marbrumes, espérant quelques remèdes sans signifier l’origine de sa morsure.
La suite fit déglutir dans un raclement sourd la gorge du Ferbois, après être décédé des suites de la morsure, sans doute une fièvre septicémique, il avait dû se réveiller pendant son départ, refermant sa maudite gueule sur tous ceux qui se trouvaient sous sa tente. Le vieillard décharné, la fille de pauvre vertu au ventre à présent dégonflé, le père et ses deux marmots et son Aubrée.
Et sa petite Aude.
Il serrait la petite dans ses bras, toute froide qu’elle était, cherchant en vain à la réchauffer de son amour. Il se jurait qu’à présent, qu’importent les conséquences, qu’importe sa propre survie, il trouverait un moyen de lutter contre la Fange. Quelques soit les épreuves qu’il devrait traverser, il trouverait le remède, la solution de l’énigme que les Dieux nous avait imposé.
Vaincre la Fange !
En retrouver le remède !
Non pour la gloire, la reconnaissance, la célébrité mais pour pouvoir dire, une fois de l’autre côté, à sa femme et sa fille qu’il a réussi. Que leurs morts n’aura pas été vaine.
Résumé de la progression du personnage :
Lothaire a avancé dans sa quête, doucement, petit pas à petit pas, trop sûrement peut-être ? Il a pourtant bien failli y passer suite à un attentat contre sa modeste compagnie partie en mission ; le commanditaire de ladite mission s’étant révélé un dangereux énergumène assoiffé de sang. Enfin, il en est revenu entier, claudiquant sur sa pauvre jambe droite, mais entière, entreposant juste un étrange emballage de taille humaine stockée dans sa vieille cabane au Labour…
…Une expérience ne respectant pas vraiment le protocole expérimentale, Lothaire ayant voulu vérifier de manière un peu brusque si une tête coupée de Fangeux dont on actionnait les mandibules pour provoquer une morsure infectieuse sur un sujet vivant. Le résultat ?
Lothaire n’est pas encore partie jeté un coup d’œil à la vieille bicoque, se contentant d’un solide cordage pour attacher la potentielle future goule. Il devrait bien finir par revenir y jeter un coup d’œil, mais il a pour l’instant sans cesse repoussé le projet, la perspective de recroiser un visage familier déformé par la Pestilence l’ayant considérablement refroidi...
Il a également réussi à se faire quelques connaissances amicales, le décoinçant quelques peu, bien qu’il conserve son attitude bougonne et sèche. Il a continué à étendre ses réseaux au sein de la petite délinquance contrebandière, dont un banni et de la milice, n’hésitant pas à jouer sur les deux tableaux. Après tout, nous vivons dans une ère désespérée, aux grands maux les grands remèdes !
Soi réel
Certifiez-vous avoir au moins 18 ans ? Oui mais pour ce qui est de l’âge mental, je ne garantis rien.
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