Marbrume


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 Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé]

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Matteu
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MessageSujet: Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé]   Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé] EmptyJeu 15 Nov 2018 - 23:41





Matteu, une fleur sans nom




Identité



Nom : Aucun

Prénom : Matteu

Age : 21 ans

Sexe : Masculin

Situation :Célibataire

Rang : Vendeur de fleurs et Garçon de passe

Lieu de vie :Marbrume - Quartier du Goulot

Carrière envisagée & tableau de départ avec les 4 PCs :

Carrière du commerçant : +2 HAB, +1 CHA, +1 INI

Compétences et objets choisis :

Connaissance végétale
Séduction
Comédie
Bas fonds


Matteu ne possède qu'une dague en guise d'arme et d'outil.




Apparence


"Oui...Je me souviens de lui. Je ne sais pas pourquoi maintenant, mais son visage me revient en mémoire. Peut-être est-ce parce que son sourire m'a redonné, l'espace d'un instant, le sentiment que tout dans ce monde n'était pas froid et meurtri. Il m'avait donné une fleur...et elle a fâné. Pourquoi me souviens-je de lui? Il paraissait grand, pourtant il ne l'était pas plus que les hommes de mon village, et malgré ses linges tâchés de boue qui trahissaient sa provenance du bas peuple, il arborait une allure fière et forte. Je m'en souviens.

Ses cheveux noirs de jais, à peine coiffés du bout des doigts dansaient sur la brise ce matin là, et ses yeux riaient subtilement, semblant refléter l’émeraude des feuilles de menthe qu'il tenait dans ses mains. Je m'en souviens, je suis restée un long moment à l'observer, l'extrémité du fil de mon rouet à la main, complètement hypnotisée par ce garçon que je n'avais jamais vu. Je me souviens, la porte derrière moi claqua brusquement, je sursautai et mon vacillement fit rompre l'un des pieds de mon vieux tabouret. Je me souviens que je me trouvais là, dans la paille et la terre, éhontée et peinant à me redresser.

Il m'a tendu la main, affichant ce sourire....ce sourire adamantin. Ma tête vibrait et mon cœur battait la chamade, jamais je n'avais vu de si beau garçon. A y voir de plus près, ses habits étaient vraiment de piètre facture, et raccommodés en plusieurs endroits. Son aube de coton se devait être certainement blanche à l'origine, et l'usure de ses braies de cuirs trahissait des heures de récoltes à genou dans les fourrés. Il n'en paraissait pas moins digne, comme s'il voulais singer le premier bourgeois qui daignerait le remarquer. J'ai pris sa main et me relevai tant bien que mal. Lorsque mon regard plongea dans le sien, le monde autour se figea. Son odeur était mêlée d'herbes et de sueur, et de si près, il semblait plus vulnérable. Je ne sais ce qui me poussait à penser cela, mais je pouvais sentir comme une blessure ouverte qu'il cachait au fond de lui. Je m'en souviens, il semblaient entier et brisé à la fois, d'une beauté terrible que nulle ne saurait voir.

Je ne sais pas pourquoi maintenant, mais son visage me revient en mémoire. . Peut-être est-ce parce que son sourire m'a redonné, l'espace d'un instant, le sentiment que tout dans ce monde n'était pas froid et meurtri. Les fangeux cognent de plus belle sur la cabane, et les craquements du bois de plus en plus prononcés me font savoir qu'il ne va pas tarder à rompre. Si c'est ici, dans cette étendue rouge rubis qui imbibe les planches en s'échappant du corps encore chaud de ma mère, si c'est ici...que je dois rendre mon âme à Anur... alors...je suis heureuse de m'être souvenue de lui... Il m'avait donné une fleur...et elle a fané.
Maintenant, moi aussi je m'en vais.  "

Dernières pensées d'une villageoise.



Personnalité


Qui suis-je?...hmm...C'est vrai, qui suis-je? Pour commencer, les dieux n'ont pas jugé utile de me donner un nom. Peut-être ne suis-je personne? Ils n'ont pas jugé utile de me donné une condition, qui ne m'aurait fait connaître ni le froid mordant de l'hiver, ni la faim qui vous tord les boyaux et vous vide le cul par giclées brûlantes. Mais j'imagine que ceci n'est pas sans raison, peut être est-ce pour que je me trouve moi même, que j'ai les armes pour me forger mon propre nom. J'aime à le croire. Mais il est aussi possible que je ne sois qu'un pion subalterne sur un échiquier céleste d'une perversité horrifique. Suis-je un cancrelat qui se débat sous les expérimentations d'une force infiniment plus grande? Cela reste possible. Ô Anur, me répondrez vous un jour? Ou l'avez vous déjà fait?

Les nobles sont riches, les gueux sont pauvres. Donnez de l'argent à un gueux, il n'en deviendra pas pour autant un noble. Enlevez son argent à un noble, il gardera son nom. Tout est question de "place" dans ce bas monde. Même si l'idée me fait vomir, je sais où se trouve la mienne....et c'est ce que tout ceux d'au-dessus aime entendre. Et c'est ce que je fais, rester à ma place ou bien à celle où l'on veut que je sois. De ce fait, je vais où je veux, et c'est là ma richesse, ma liberté. Après tout, nous sommes toujours le riche ou le pauvre de quelqu'un.  Je pense que la question n'est pas "Qui je suis?", mais plutôt "Qui je veux être?". Ô Serus, mon labeur sera-t-il suffisant pour m'accordé une seconde naissance?

Les autres? Je les aime, bien égoïstement. Je les aime pour ce qu'ils ont à m'apporter. Mais aucun scrupule ne m'habite, parce qu'après tout si je les aime autant, c'est bien bien parce qu'eux aussi sont égoïstes. Ne pas parler et écouter, ils aiment tous s'écouter parler. Acquiescer, sourire et conforter, voila tout ce qu'il faut. J'aime les histoires de misère qui apitoient les cœurs tendres, ou les états-d'âmes d'un mari insatisfait qui veut se sentir puissant. Plus j'écoute d'histoires, plus je peux en raconter, et être celui qui me plait. Et si moi je sais qui je suis à cet instant, il n'est pas anormal que beaucoup ne savent pas qui ils sont, et il est alors aisé de le leur faire croire, même pour un instant. Ô Rikni, suis-je celui que tu souhaites, ou souhaites-tu que je sois un autre?
J'admire les dieux, et je les envie. Non pas que j'aimerais être tout puissant, il ne fait aucun doute pour moi que chacun aura déja rêver secrètement de dompter les abysses aux côtés d'Anur ou encore de charrier les cieux en compagnie de Rikni, et pour d'autre de faire bourgeonner la vie dans de luxuriantes et verdoyantes forêts tout comme Serus. Les dieux font et défont, ils créent et ils détruisent. Leurs créations m'inspirent et me pousse. Moi aussi je veux créer, comme ma mère avant moi et sa mère avant elle. Les fleurs sont belles et criantes de vérités. Cueillir une rose bien éclose, juste avant qu'elle ne fâne, la mettre aux côtés d'une fleurs de lila et d'un gerbera, où toutes ensemble elles offrent un spectacle de couleurs détonantes et d'odeurs suaves, c'est la pour moi la meilleurs façon de rendre à Serus  ce qu'il nous a donné. Peut-être m'invente-je encore une fois en régalant les idoles des dieux de ces présents, mais c'est bien la seule chose qui me rende vraiment heureux.

Ô puissants et indomptables dieux,
Je vous appelle de mes prières,
Recevez ce simple vœu,
Que demain soit meilleur qu'hier!




Histoire


Avril 1156 - Semence


~
    -"Mère, mes pieds me font mal!
    - Tait-toi, et marche! Nous n'arriverons que dans pas moins d'une lieue!" pesta-t-elle à voix basse.

Sans un mot, je continuai péniblement d'avancer. Je voyais bien que mère était elle aussi à bout de force, mais elle gardait à l'esprit que s'arrêter serait pire encore. Cela faisait un moment qu'elle tirait la chariote de père, pendant que celui-ci était encore à compter et recompter les pistoles de sa bourse. Lorsque qu'une pièce tombait à terre, il me fallait très vite la ramasser pour la remettre auprès de ses sœurs, sinon père se fâchait. Mère et moi n’aimions pas quand il se fâchait... Mes pieds brûlaient, et mon ventre se tordait à mesure que nous avancions, mais si j'eus oser demander, mère aurait été encore agacée, et ce n'est pas le genre de requête qu'il m'eut été possible d'exposer à père.

Soudain, l'une des roues de la chariote se mit à vriller avant de s'écraser au sol. Le tintement des bibelots qui s'entrechoquèrent sous le tissu fut court mais assourdissant. Père se retourna, le regard noir et glacé. En lâchant les poignées, mère perdit aussitôt l'équilibre et se retrouva à quatre pattes dans la poussière du chemin, aux pieds de père, comme pour lui demander pardon. Et sans un mot aucun, ce dernier lui flanqua sa chausse crasseuse sous la nuque et plaqua sa victime au sol.

-"Arrêtez, s'il vous plait!" criai-je.

Mes mains vinrent sceller ma bouche, tant je regrettais déjà mes paroles. Mes yeux s'embuèrent déjà, en réalisant l'énormes erreur que bien malgré moi je venais de commettre. Personne ne donne d’ordre à père! Ce dernier me toisa de longues secondes qui m'oppressèrent de plus en plus, quand finalement un rictus de bien mauvaise augure se dessina sur son visage. Il retira doucement son pied de la pauvre femme et s'avança doucement vers moi. La tête subtilement inclinée, je savais ce qu'il cherchaient. Et sans le moindre avertissement, son poing se ficha dans mon ventre, si fort que j'en perdis mon souffle. Je me retrouvai moi aussi au sol, face contre terre. Un convulsion me prit, puis une seconde, et je vomis. Mon père se mit à rire, avant de déclarer :

- "Ça vaut bien le coup de te nourrir toi ! Réparez-moi cette roue, ou de mes chausses, en plus d'en connaitre la couleur, vous en connaîtrez le goût!"

Il s'en retourna vers la chariote, sifflotant et bombant le torse, fier de son dressage. Il saisît sa cassette et nos quelques vivres dans la chariote, et repris sa pérégrination. Une fois à quelques mètres de nous, sans même se retourner, il lança :

-"Vous avez intérêt d'arriver tôt, sinon...."

Nulle besoin qu'il eu finit sa phrase, nous comprenions. Une fois qu'il fut assez loin, mère se releva avant de se précipiter à mes côtés. Je tâchai de ne laisser échapper aucune larme, pendant qu'elle me redressait pour m'enlacer. Elle me rassura, et sans doute que se faisant, c'était elle-même qu'elle essayait de rassurer. Ma mère était une femme soumise et veule, mais elle savait que sans mon père nous n'aurions ni couche, ni pitance, ni vêtement. Pour lui nous ne valions pas mieux que des porcs, mais sans lui, nous aurions été moins encore. Cela, je pouvais le comprendre. Mais vivre au dépend d'un camelot, ivrogne et violent, sans même se défendre, cela me fendait le cœur pour cette femme pourtant si douce et aimante. Aussi, je commençai à me dire que finalement j'avais bien fait de parler, pour elle.

Après quelques minutes, elle me regarda dans les yeux, et un large sourire fit son apparition sur son visage. Désormais, père n'étais plus avec nous, déjà loin devant, et c'est dans ces moment là que mère s'autorisait à être celle aurait voulu être. Elle attrapa rapidement un grand broc dans la chariote et me demanda d'aller le remplir de moitié, dans la rivière qui s'écoulait en contrebas. Malgré la douleur que je ressentais, je m'y ruai tel un zouave car je savais ce que cela signifiait. Nous allions faire cueillette le long de la route restante, de toute façon nous étions sûr que peu importe le temps que nous mettrions à arriver, cela serait toujours trop pour père.

Nous tirions la chariote à tour de rôle, et à mesure que nous avancions, elle s'emplissait de fleurs toujours plus belles, plus colorées et plus parfumées les unes que les autres. Nous riions de bon cœur, et nous chantions. j'aurais voulu connaitre plus de moment comme celui là avec ma mère, où elle me racontait toutes les fables de Serus, il y en avait au moins une pour chaque variété de fleurs. Et d'autres fois elle m'en racontait aussi sur Anur et Rikni, et c'est là que j'ai commencé à prier ces dieux chaque soirs dans ma couche, pour que nos jours soit moins tristes et douloureux.~



Juin 1164 - Germination



~
     J'arpentai les ruelles du Goulot, ici-même où j'avais vu le jour il y a de cela 19 ans. Je retardais autant que possible le moment où je devrais rejoindre mes parents, sur la place du marché. Ma mère avait moult fleurs à vendre, la glane de la veille fut fort généreuse, et personne n'était aussi à même de parler de chacune des fleurs de son étal qu'elle. Mon père quant à lui, vendait sa camelote comme à l'accoutumée, en promettant monts et merveilles à qui voulait l'entendre. Lui aussi savait parler, et vendre son fatras au prix fort. Je crois que c'est comme cela que mes parents se sont rencontrés, il y a fort longtemps, sur la place du marché de Marbrume. Fort à parier que "la fille au fleurs" devait être un trophée de choix pour tout les rustres de la cité. Parfois, je me demande à quel point elle regrette cette rencontre, je me demande si elle aurait préféré ne pas me mettre au monde et s'enfuir avant de se retrouver trop affaiblie par les coups et les années. Je l'aurais comprise.

A force de rêveries, je me rendis compte que je m'étais enfoncé si loin dans les ruelles que je me trouvais déjà de l'autre côté du Goulot, où je croisai Evelynn, une prostituée que j'avais rencontré quelques années auparavant. De quelques années mon aînée, elle m'avait fait du gringue alors même que j'ignorais tout de l'existence de son "gagne-pain". Je l'avais inviter à boire dans une taverne avec 3 pistoles que j'avais volé à père, et après deux longues heures à lui raconter toute sorte de chose sans importance, elle avait finit par me demander quand est-ce que j'allais me décider à la baiser. J'en étais resté pantois , et ma réaction ne fut pas sans provoquer en elle un fou rire incommensurable quand elle s'est aperçue que je n'avais pas la moindre idée que c'en était une, de prostituée. Par la suite, nous nous étions liés d'amitié, et nous en rions encore. Je lui fit un signe de la main, et en m'apercevant, elle se rua vers moi pour déposer un baiser sur ma joue. Et après quelques civilités, nous marchâmes jusqu'au port, et nous discutâmes un long moment, assis sur le rebord d'un vieux tonneau. Comme je me trouvais rarement en ville, cela nous faisait un bien fou de pouvoir se confier l'un l'autre, sans retenue aucune. Elle me parlait de ses clients les plus étranges et de leurs envies parfois très glauques, et je lui parlais de nos itinérance de village en village, ainsi que de mon con de géniteur. Cela faisait du bien.

Lorsque je vis le soleil commencer à décliner à l'horizon, je réalisai que j'étais en retard, j'attrapai alors rapidement ma sacoche et salua mon amie avant de partir à toute jambe. Mes parents devaient encore se trouver au marché mais moi je devais trouver une taverne avec encore trois lits de libres. Nous n'avions plus de "chez nous" depuis des années. Etant toujours sur les routes, nous nous accommodions d'une chambre ou de lits dans une auberge. Parfois, il nous fallait camper, mais j'adorais cela, car je pouvais dormir loin de mon père et de ses ronflements porcins. Et depuis peu, nous avons une plus grande charrette, dans laquelle il nous est possible de bivouaquer à l'occasion. Quoiqu'il en disait, c'était bien grâce aux fleurs de mère si cela eut été possible, car depuis que je me chargeais de la glane, ma mère n’eut jamais autant de fleurs à vendre, ni de clientes pour les acheter, ce qui n'était pas sans blesser l'orgueil de ce vieux con qui, dès lors, ne rata pas le moindre prétexte pour la rabrouer. La taverne où ce dernier avait ses habitudes pu nous accueillir in extremis,  fort heureusement pour moi, car le temps ayant poursuivi son oeuvre, je courrais à présent plus vite que lui, mais pas ma mère, qui devait sans-doute parfois payer mes écarts.

Dès le lendemain, nous repartions pour une itinérance de plusieurs semaines, et nous devions aller plus loin encore qu'à notre habitude, très proche des frontières du duché.
Deux semaines plus tard, nous arrivions dans un village tout proche d'Estaing. Nous nous étions arrêter dans plusieurs villages sur la route, et ma foi, les affaires se portaient plutôt bien. Les bouquets de mère ornaient presque tout les autels que nous avions pu croiser, et père avait dû visiter autant de tavernes et même un peu plus. Ma mère m'avait confié que bientôt j'allais devoir reprendre le flambeau, leur état de santé à tout les deux se dégradait petit à petit. Mais pour l'heure, les jeux d'été venaient de s'achever et l'effervescence générale commençait à retomber lentement. Dans ce village, ils avaient visiblement coutume de prolonger la fête par la plus grosse beuverie imaginable dans les champs avoisinants, et père ne manqua pas de se joindre à eux , "pour ne pas offenser nos hôtes" comme il se plaisait à répéter.

Ma mère et moi, restâmes au village, où nous nous sommes autorisés quelques excès grâce aux pièces qu'elle avait habilement dissimulées lorsque père était trop occupé à s'écouter parler. Nous nous régalâmes, chantâmes et dansâmes dans notre petit coin d'auberge, a tel point que la femme du tenancier restée au village, se joignit à nous. Dans la nuit, nous nous écroulâmes de fatigue, le sourire au lèvres, mais au petit matin, nous n'étions toujours que deux. Mais où était père? Je me rendis aux champs pour le chercher, et je pu constater que nombre d'entre eux gisaient ivres dans les friches, baignant dans leurs fluides. Le ciel était couvert, l'orage menaçait. Plus loin, j'aperçus mon père vautré sur une meule, une bouteille d'hydromel fermement accroché dans une main, et une putain mal fagotée dans l'autre. Visiblement, lui non plus ne s'était pas privé. Je ne sais pas ce qui m'a empêché de lui mettre mon poing dans la figure, mais après quelques secondes d'hésitation, je renonçai à cette idée. Je décidai de le laisser la, et rentrai au village, en me gardant bien de préciser tout les détails à ma mère. Et puis, un bon rinçage ne pouvait pas faire de mal à ce charlot.

Assis derrière la petite lucarne de l'auberge, je contemplai les premières gouttes de pluies dehors, qui s’écrasaient au sol en ruisselant de plus en plus vite vers le bas du village, emportant avec elles les dernières traces de ces nuits de fête. Puis le grondement du tonnerre se fit entendre, je me sentais presque réjoui de savoir père la dessous, je n'osais pas lui souhaiter réellement du mal...mais j'en avais envie. A ce moment la je me dit que c'était peut-être Anur, qui le punissait...peut être après tout. A côté, ma mère finissait ses trocs avec l'aubergiste pour que nous ayons des linges propres lorsque nous reprendrions la route, quand un cri vint fendre l'air et dressa tout les poils de mon corps. Nous sortîmes tous en trombe de l'auberge, dehors, et nous vîmes une femme débraillée courir au milieu du village, le visage figé dans une terreur intense. Elle peinait à aligner  ses pas dans sa robe trempée, et son souffle court lui rendait la course difficile. Un homme s'empressa de la saisir par les épaules et la secoua un peu pour lui faire reprendre ses esprits. "Mais que se passe-t-il, madame?" lui cria-t-il pour essayer de couvrir le battement assourdissant de la pluie. A ce même instant, d'autre gens affolés arrivèrent au village en hurlant, et la plupart se hâtèrent de rejoindre leurs pénates pour s'y barricader.

Après quelques bégaiements, la femme encore horrifiée réussît à articuler :
-"Du sang! Mort! MORT! Le monstre! Le m...."
Elle s'évanouît avant d'avoir fini. Sans même un instant d'hésitation, l'homme qui la tenait la confia à l'un de ses comparses, puis demanda à tout le monde de s'enfermer chez eux. Un vent de panique prit le village, mais il se calma promptement une fois chacun chez lui. Moi et ma mère guettâmes plusieurs heures le retour de père par la fenêtre, mais il n'arriva jamais. Un flot de pensées en tout genre me prît le jonc, si bien que je finis par m'endormir tard, assis à la table près de la lucarne, bercé par le bruit de cette pluie ravageuse.

Au petit jour, le soleil avait repris place dans le ciel, et seuls quelques nuages et d'immenses flaques d'eau témoignaient de cette nuit orageuse. Le village semblait immaculé. Nous nous rendîmes tous aux champs, où nous fîmes une découverte des plus macabres. Ceux qui n'était pas rentrés n'étaient plus que des carcasses sanguinolentes, négligemment reparties dans les friches courbées par la pluie. Les trombes d'eau avec enfoncé les restes humains dans le sol, formant des crevasses où ils flottaient dans leur propre jus. Un frisson remonta soudain le long de mon échine, et me glaça le sang. Je me mis à courir vers l'endroit où j'avais vu mon père pour la dernière fois, la meule avait bougé de plusieurs mètres sans que les pluies diluviennes semblent en être la cause. Je contournai cette gigantesque masse de foin mouillé, et mon souffle s'arrêta d'un trait. A mon expression, ma mère eut tout compris sur l'instant, sans même savoir ce que j'avais vu. De mon côté, le foin ne tenait plus aucune forme, des trous et des marque de griffures ornaient toute cette face de la meule. Mais surtout, la paille avait laisser son teint jaune à l'averse, et revêtait à présent, un funeste rouge grenat.
~


Décembre 1164 - Pousse




~
    Je frottai frénétiquement mes mains l'une contre l'autre, pour tenter de récupérer un semblant de sensation dans mes extrémité. Le froid intense de cet hiver n'a pas eu son pareil d'aussi loin que ma mémoire remonte. Nous étions assis dans la charrette dont le bois semblait plus froid que les étangs gelés sur lesquels je courrais étant petit. Ma mère grelottait de tout son être, même emmitouflée dans tout les linges qu'il nous restait. Nous n'avions presque plus un sou en poche, le froid et la population grandissante de la ville, rendaient les excursions en dehors des murs assez difficiles. Mais le plus gros problème, c'était les fangeux, on en avait déjà aperçu à tout juste quelques lieues de Marbrume, mais même sans les voir, je savais ce dont ils étaient capables. Je n'avais guère mis longtemps à faire le lien entre les rumeurs qui se propageaient ça et là, et la disparition horrible de père. Je n'arrivais pas à me dégager de ce sentiment de culpabilité, j'avais l'impression de les avoir fait apparaître...J'avais prier tellement fort....Mais ce qui pendant un temps me paraissait une punition adéquate pour cet ivrogne violent, se mua lentement en un châtiment global pour tout les autres. Est-ce la ma punition pour avoir été aussi prompt à condamner les exactions d'un autre? La peine me semble démesurée, mais qui suis-je pour le dire? Et toute ces questions me prennent vraiment la tête. Je me levai subitement comme pour mettre un terme à ma confusion intérieure.

- "Je vais chercher du travail, mère! Ce soir nous dormiront au chaud!" lui assurai-je.

Pourtant, j'étais loin d'être aussi confiant. Je m'enfonçai dans le Goulot d'un pas décidé. En regardant autour de moi, j'aperçu l'échoppe du maréchal ferrant qui avait traité de nombreuses fois avec mon père. "Peut-être que lui pourrais m'offrir un travail!" pensai-je avec optimisme. La déception n'en fut que plus rude lorsqu'il refusa ma demande, prétextant ne pas se souvenir de père. Sans doute peinait-il déjà à nourrir sa propre famille. Je tentai ma chance à deux ou trois autres endroits dont je savais père coutumier, mais le résultat restait invariablement le même. Épuise et transi de froid, j'arrivai à côté de l'endroit où vivait et travaillait Evelynn, que je n'apercevait nulle part. Même elle ne devait pas se risquer à se geler la couenne pour quelques passes. Pourtant deux mains gelées vinrent se plaquer sur mes yeux, tant et si bien que je pouvais sentir le froid s'insinuer dans mon crâne. "C'EST QUI?" cria-t-elle à mon oreille. Je me dégageais d'un geste brusque, j'étais déjà bien assez pétrifié comme cela. Elle me lança une moue boudeuse lorsque je me tournai vers elle. "T'es pas drôle, Matt!" s'exclama-t-elle. D'un côté, je n'avais pas le cœur à plaisanter, de l'autre côté de la ville ma mère était dans un bien triste état. Elle reprit son air enjoué habituel, puis me tira par le bras jusqu'à la ruelle adjacente, où moult torche brûlaient à l'unisson en réchauffant l'atmosphère même. Evelynn me toisa d'un air inquisiteur, comme pour me pousser à lui parler.

-" Eve....Je suis désolé de te demander cela, mais peux-tu me prêter un peu...d'argent? Seulement de quoi faire dormir ma mère à l'auberge ce soir....et demain! osai-je.
- Oh, je peux pas mon chou, glissa-t-elle toute gênée. Je gagne tout juste de quoi me nourrir et me loger."

Je la sentais vraiment embarrassée par cette situation, aussi arborai-je aussitôt un grand sourire pour la rassurer.

-"Ce n'est pas grave va ! Je trouverais bien autre chose !
- Si tu veux....tu n'as qu'à faire comme moi! "

C'est ce qui m'avait plu chez cette fille, sa légèreté et sa désinvolture faisait d'elle quelqu'un d'unique. Je savais qu'elle plaisantais, mais sans pouvoir dire pourquoi, cette idée avait ouvert quelque chose en moi . Pendant un court instant, je commençai à y réfléchir sérieusement avant de me reprendre, et lui rétorquer avec humour :

-"Ahhh, mais tu n'en rate vraiment pas une!!
- Mais si aller, c'est facile regarde, je vais te montrer!"

Tout en me singeant elle commença à héler un ou deux hommes qui passèrent à sa portée, juste pour me faire rire. Son sur-jeu amusa même plusieurs autre personnes, puis elle finît par revenir vers moi en faisant quelques entrechats. Nous rigolâmes un bon coup, puis elle conclu d'un ton moqueur :

- Je suis sûre et certaine que tu aurais des tas, et des tas de clientes !
- Une seule peut suffire après tout ! Penses-tu que je puisse la vendre chère, ma vertu ?" dit-je avec légèreté en la singeant à mon tour.

Sa mâchoire tomba et ses yeux s'écarquillèrent. Elle ne se doutait pas le moins du monde que j'eusse pu être encore vierge. Elle m'attrapa vivement par les épaules.

- "C'est ... pas...vrai ! Mon chou, tu est encore...tout neuf?
- Quoi de mal à cela ? Je n'ai encore rencontré personne.
- Tu m'as rencontrée, moi!
- Oui, et tu es mon amie, mais...Juste ma meilleure amie !
- C'est déjà cela ! Mais je vous aurais, très cher! dit-elle en reprenant son sur-jeu de séduction de plus belle. Je vous aurais!"

Elle glissa sa main autour du coup d'un homme qui passait par là, tout en poursuivant sa parade. Cependant, l'homme mystérieux et froid, ne semblait guère impressionné ni même amusé par mon amie. Il la repoussa calmement d'un geste de la main, avant de poursuivre sa route, impassible, emportant avec lui toutes les ardeurs de la jeune femme, encore outrée d'avoir été mise sur le carreau de la sorte. Nous le regardâmes s'en aller sans un mot, et je ne pu refréner un petit rire étouffé. Eve me frappa le bras en signe de vengeance enfantine et d'agacement, puis rejetant un œil vers le mystérieux inconnu, elle tira discrètement un bout de mon veston, comme pour attirer mon attention. Je regardai à mon tour, et je vis ce dernier au bout de la rue, me scrutant de tête en pied avant de venir ficher son regard dans le mien avec insistance. Ses yeux d'un gris bleuté, si clairs, semblaient m'appeller. Ce que je ressentais était à la fois dérangeant, et intriguant, voire un peu excitant. Evelynn m'extirpa de cette transe contemplatoire, en me tirant vers elle pour me faire remarquer à quel point il était étrange. J'acquiesçai négligemment, encore troublé par ces sensations nouvelles, puis je me rappelai qu'il me fallait encore trouver quelques sous, pour offrir à mère un toit pour la nuit. Je saluai mon amie, et m'en allai.

A peine avais-je fait quelques pas, que le frottement de mes braies contre mon entre-jambes, me firent sentir de façon très nette qu'il y avait bien de l'excitation dans ce que j'avais ressenti plus tôt. Gêné de la situation, je tachai de camoufler cette "véhémence" du mieux que je pouvais tout en poursuivant mon chemin.  Mais en tournant la tête au premier angle de rue, je constatai que l'inconnu se trouvait là, adossé à une poutre, semblant scruter la foule. Quand, une fois encore, son regard croisa le mien, un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres, puis faisant volte-face, il disparut dans la ruelle derrière lui. Sans même réfléchir, je lui emboîtai le pas à bonne distance .  Il pausait régulièrement pour capter mon attention, avant de reprendre son pèlerinage, et tout que je voyais de lui étaient sa longue veste d'étoffe verte finement ciselée, ainsi que ses chausses noire de belle facture. Finalement, il s’arrêta dans une ruelle tout près du port. Il me scruta une dernière fois , puis il s'engouffra dans une petite maison, dont la porte resta grande ouverte derrière lui. Transi par la peur et le froid, j’hésitai de longues secondes avant d'avancer vers la maisonnette, et en arrivant devant la porte, je pouvais distinguée sa silhouette au bout du couloir central, qui m'invitait à entrer d'un geste de la main. Je pris une grande inspiration, j'entrai et refermai la porte derrière moi.

Je me trouvai alors dans une chambre à coucher, où trônait un lit qui semblait fort confortable. L'homme m'injoncta d'enlever mon veston, et je m’exécutai . Sa voix rauque fit trembler chacun de mes os. Ses grandes mains explorèrent brièvement mon corps par dessus mes vêtements, elles étaient si chaudes. Il m'ordonna alors de me déshabiller totalement. J'avais très froid...mais plus pour longtemps...

~




~
    Une violente giffle s'abattit sur ma joue .

-" MAIS TU EST COMPLÈTEMENT INCONSCIENT! hurla Evelynn, en me fusillant du regard. As-tu seulement une idée de ce qu'il aurait pu t'arriver?"

Bien entendu, mieux valait pour moi ne même pas essayer de répondre, au risque de me prendre un retour encore plus violent que l'aller. Je connaissait ces choses là, mais ce qui me troublait, c'était la motivation du geste. Evelynn me fit le plus long laïus de toute ma vie. Et après plusieurs minutes d'acharnement, elle finît par se radoucir.

-" Je sais pourquoi tu l'as fait..mais quand même!  Bon ! Et alors....c'étais pas....trop dur? Elle bégayait tant elle n'arrivait pas à assimiler l'entièreté de l'information.

-"Eh bien....cela fait mal.... au début du moins....."

La tension et la gêne étaient palpables, et ni elle ni moi ne souhaitions continuer ce sujet là. Evelynn se rassembla et m'expliqua que si je devais à nouveau retenter une folie pareil, il y avait quelques ficelles qu'elle se devait de me transmettre. Cette phrase dans sa bouge, provoqua le plus énorme malaise que je n'avais jamais ressenti. Nous restâmes silencieux quelques instants, puis elle entama ses explications. Je ne devais accepter que de la monnaie utilisable. Éviter autant que faire ce peut, toute nourriture ou boisson de provenance inconnue. Et surtout, me fier à mon instinct pour éviter les "dangereux"! Elle insista longuement sur ce point, car visiblement, faire commerce de son corps était hautement risqué.

-" Il suffit d'UNE SEULE....fois! ponctua-t-elle gravement. Une seule fois, Matt."

Ces mots sonnaient pour moi comme un écho lointain, je ne voyais pas ce qu'il pouvait y avoir de dangereux ou de néfaste. Et puis au moins, mère pouvait dormir au chaud.

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Janvier 1165 - Bourgeonnement



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Mémoire d'une fille des rues a écrit:
Des rumeurs circulent ici et là. Je ne sais pas quoi en penser, mais les activités nocturnes à la Hanse se feraient de plus en plus monnaie courante. Je suis inquiète, car si les hommes de Bourg-Levant ne prennent plus la peine de venir au Goulot, de la bouche c'est le pain que l'on m'ôte. Parfois même, dit-on, on peut y apercevoir de jeunes hommes descendus de l'esplanade pour y devenir des hommes. Je songe ces jours-ci à y passer quelques temps, je trouverais bien là-bas de quoi m'établir temporairement, et si je vois ici encore quelques marins ivres, ils ne sont pas les plus fiables des clients.

Cependant, l'angoisse me gagne quand je pense à Matteu. Mon cœur se serre à l'idée que quoique ce soit puisse lui arriver. Je fais de mon mieux pour le mettre en garde, et j'espère que mes prière sauront le garder à l'abris de la vilenie. Désormais, je n'ai plus le choix, je vais devoir le quitter quelques temps. Cette mule à fait montre d'une grande détermination pour apprendre à capturer les cœurs, je ne doute pas qu'il saura s'en sortir. Mais malgré tout, j'angoisse.

En quittant ma piaule, mes yeux se posèrent sur un perce neige qui avait éclos à l'angle d'un mur. Ce petit bouton, était comme Matteu : sans paraître à sa place, il se dressait là, plein de vigueur, s'offrant à qui le voulait bien. Une dernière prière, un sourire forcé, je serre mon maigre baluchon contre ma poitrine, et m'en vais sans me retourner.

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Mémoire d'une mère aimante a écrit:
Mes jambes et mon dos me faisaient terriblement souffrir, mais j'étais heureuse de pouvoir installer mon étal pour la première fois depuis plusieurs semaines. Mon fils avait pu profiter d'une ou deux journée de redoux, pour s'aventurer hors les murs en suivant une milice, et glaner le plus de fleurs possible, aux abords de la ville. Nous nous installâmes tout deux sur la place, disposant pots et pichets sur l'étal. En me saisissant du plus gros des brocs par sa vieille anse rouillée, je sentis le poids du récipient m'échapper, ne me laissant dans la main que la prise qui venait de céder. Le corps en chutant, heurta mon bras en ne manquant pas d'y ficher les derniers éclats de ce qu'il restait de la poignée. Une balafre sanglante et béante, ornait alors mon bras sur tout son long. Bien que la douleur fut largement supportable, je me sentis totalement accablée par tout le reste. Le froid, la faim et le poids des années se firent lourds tout à coup.

Mon gentil garçon, se retourna prestement, et se précipita pour bander ma blessure  avec quelques chiffons qui traînait là, me réprimandant du regard. " Laissez moi faire, mère! Vous êtes déjà bien assez fatiguée comme cela!" me glissa-t-il inquiet. C'était un bon jeune homme, il avait su trouver des courses à faire auprès de quelques commerçants de la ville, simplement pour que je cesse de dormir dans la rue. Un merveilleux fils. Une fois le saignement arrêté, il m'aida à m'asseoir derrière l'étal, et malgré mes maux, je le regardais  évoluer à ma place avec assurance, attirant les chalands avec tout les plus beau bouquets, qui me rappelèrent un instant ceux de ma mère, jadis. J'étais fière. Fermant les yeux, et sentant le fond de l'air glacé qui mordait mes joues, j'espérais sans trop y penser, m'endormir paisiblement, pour ne plus me réveiller.

Une clameur lointaine me tira de ma torpeur, l'autre côté de la place commençait à s'agiter. Des gardes hurlaient aux loin, sans que l'on puisse comprendre quoique ce soit à cause de la cohue grandissante. Lorsque que je pus finalement discerné les syllabes à l'oreille, je me pétrifiai sur place, et mon sang ne fit qu'un tour. Des fangeux, dans l'enceinte de la ville !
Matteu me prit avec lui, puis nous nous réfugiâmes à l'auberge. Nous apprîmes en route, que les créature étaient encore dans le quartier voisin, mais tous savaient qu'il ne tarderaient pas à cogner nos portes et nos murs. Si même les murs de la ville ne nous protégeaient plus, il me sembla alors vain de continuer à lutter contre la volonté des dieux. Plus que jamais, je songeai à mon fils, et à la vie qu'il ne mènerait guère.  
~



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Elle était partie sans dire un mot, et son absence se faisait plus en plus lourde chaque jour. En la cherchant inlassablement, là où nous nous voyions, je finît par apprendre qu'elle avait déserté le quartier pour la Hanse, comme bon nombre de femmes de sa condition, voilà des jours. Je courru jusqu'au port sans m'arrêter, les poings serrés, et m'arrêtant sur un quai sans bateau, je me mis à hurler à m'en rompre les cordes vocales. Je sentais les regards se poser sur moi, mais je m'en fichais royalement. Elle était partie...sans dire un mot.

Mais aussi forte que ma colère envers elle pouvait être, bien plus vive était la peur. Evelynn, la Hanse et les fangeux, tout cela tournait dans ma tête, et formait inlassablement la même combinaison funeste dans mon esprit. Deux cent trente deux morts recensés, elle ne pouvait pas être l'un d'entre eux, je refusait d’intégrer cette possibilité.

Les semaines qui suivirent furent des plus éprouvantes pour moi. Je ne cessais de traverser la ville, aussitôt que je le pouvais, pour sillonner les rues de la Hanse et poser des questions. Les rares personnes qui daignaient m'accorder quelques secondes, me répondaient invariablement qu'ils ne la connaissaient pas. A force d'investigations, je commençais à connaître les coins, ruelles et autres bouges, où je l'imaginais bien s'installer. Je ne la trouvais pas.

Puis un jour, une femme vint à moi,  peut-être attendrie par l'énergie que je déployais pour retrouver mon amie. Elle déposa sa main froide sur mon épaule, et entonna ce qui resta pour moi, un sirène de la mort qui me coupa les jambes d'un trait :

- "Je sais ce que tu cherches, trésor, mais tu ne la trouveras pas. Tu ne la trouveras plus. Une jeune femme est arrivée il y a quelques temps, semblable à celle que tu décris . Elle nous a causé soucis, car belle est était et tard elle travaillait. "

Elle marqua une pause, comme réticente à terminer son récit. Mes oreilles sonnaient et mon crâne bouillait. Je ne me tins plus, et osai :

- " Ce sont...les fangeux...n'est ce pas? "

Je tachai de me préparer au coup de massue qui me paraissait alors des plus évident, et après de longues secondes interminables, il finît par arriver, mais bien plus véloce et terrible que la pire de mes pensées.

- "...Non! hésita-t-elle. Elle est morte avant que ces créatures n'apparaissent !

- QUOI!?

- Comme je te l'ai dit, elle travaillait tard car le pain se fait de plus en plus onéreux. Et une autre l'a trouvée au petit jour, gisant au fin fond d'une impasse crasseuse, le crâne fendu . Elle a dû tomber sur l'un de ces malades, qui chassent au cœur de la nuit, quand personne ne peut les voir."

Je m'écroulai sur le sol, assailli de sanglots. La rage me prit aux tripes, et une fureur indescriptible que je tentai de réprimer, fit trembler mon corps en me consumant de l'intérieur. Je restai vautré là plusieurs minutes, luttant contre moi-même. Je me calmai suffisamment pour me relevé, et la femme qui se tenait encore face à moi, m'adressa un regard de compassion. Incapable de parler, je joignis mes mains en signe de prière, et hochai la tête pour la remercier. Je m'en aller en suite, me remémorant chacun de ses traits, chacune de ses attitudes, chacune de nos conversations...."Il suffit d'une seule fois Matt!" me souvins-je. A nouveau les larmes perlèrent sur mes joues rosies par le froid. Puis je réalisai que tout ce qu'elle avait pu me dire ce jour là, n'était pas qu'un code entre gens aux mœurs légère. Je commençai presque à me dire qu'il aurait été préférable qu'elle croise un fangeux cette nuit là. Les dieux, seuls, savent ce qu'elle a bien pu subir avant de mourir.
 
Il avait suffit d'une seule fois...Elle est partie...

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Février 1165

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Je glissai ma main dans ses cheveux d'un noir aussi profond que les miens, ils étaient fins et soyeux, malgré les brins de paille qui s'y trouvaient. Son visage paisible de femme endormie, n'avait pas trouvé pareil éclat que depuis la disparition de père. J'essayait d'imaginer où elle était, si ses rêves étaient comme les histoires qu'elle me racontait jadis. Avant la fange, j'aimais vraiment la nuit, pour y trouver ce royaume qui n'appartenait qu'à moi. Je me demandait si c'était ce même royaume où résidaient les dieux, en tout cas je l'espérais fort.
Le clerc s'approcha de moi, et me tira de mes pensées en me tapotant l'épaule.

- "Il est temps, nous devons brûler la dépouille au plus vite !"

A ces mots, je déposai un dernier baiser sur le front de ma mère, puis je la recouvris de son linceul. Sa blessure putrescente avait déjà sali l'étoffe, laissant une immonde tâche noirâtre. Ce monde était ironiquement cruel, car de tout les dangers mortels qu'il recelait, il n'avait fallu qu'un vieux broc rouillé pour venir à bout de celle qui m'avait mis au monde. Jamais je n'aurais pu imaginer pareille situation, des années auparavant, lorsque nous l'emplissions de fleurs le long d'un chemin où père nous avait délaissés. Elle n'avait pas voulu que je dépense nos derniers sous, pour au moins un semblant de soin, et dans ses derniers instants, elle paraissait même soulagée de partir. Elle devait penser être un fardeau pour moi, mais il n'en était rien.

Les dieux se moquaient bien de moi. Je les imaginais danser la gigue sur la voûte céleste, juste au dessus de ma tête. Je leurs adressai une sombre prière, car ils m'avait arraché tout ce à quoi je tenais. Quelle sorte de punition était-ce? Quel eut pu être mon crime? Comment pouvais-je faire pénitence à leurs yeux? Toutes ces questions resteraient sans réponse, tant leur volonté me semblait insaisissable. Mes yeux étaient vide de larme, et je décidai à cet instant qu'ils resteraient ainsi. Le temps de l'innocence était révolu, il était temps pour moi d'éclore, et de me battre pour moi-même.

Après la crémation, je me rendis au port où je m'agenouillai sur l'extrémité d'un quai. Un perce-neige à la main, je priai une dernière fois pour l'âme de ma mère, avant de jeté ce bouton tout juste ouvert à la mer. C'était là le meilleur hommage que je pouvait rendre, et j'y voyais aussi un défi lancé à Anur, comme si je lui donnais mon autorisation pour la reprendre. C'est idée folle m'exaltait et me terrifiait. Il ne faisait certainement pas bon contrarier une divinité, mais pourtant eux ne s'en privaient pas, et après tout, je n'avais plus grand chose à perdre.

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Janvier 1166 - Éclosion



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Voila presque un an que je suis seul, poursuivant les œuvres des deux seules femmes à n'avoir jamais compté pour moi. La journée, je vends des fleurs et des bouquets, sur la place, ou bien je pars hors des murs quand l'occasion de ne pas sortir seul se présente, pour me réapprovisionner. Les fangeux ne me préoccupe pas tellement, même si j'ai pu en voir plusieurs à l'oeuvre depuis, mais lorsque que je vois à quel point il est facile aux dieux de reprendre une âme, j'ai la sensation que si mon heure devait arriver, ils sauraient trouver bien plus amusant que ça.  Le soir, je cherche des âmes esseulés, ou en quête d'aventure. Je suis tantôt la proie, tantôt le prédateur, mais ce qui m'amuse avant tout, ce sont les jeux de regards. Mon amie disparue avait essayé de me l'expliquer une fois, mais il est vrai que l'on ne peut se figurer ce dont il s'agit, avant de l'avoir expérimenté soi-même. En empruntant des expressions d'Evelynn, j'avais l'impression de la garder en vie à travers moi. J'avais compris comment captiver un homme sur un seul coup d’œil, j'avais appris à repérer les coquins.

Deux hommes dans une couche, ce n'est pas "correct" pour la plupart des gens, mais c'est ce qui rend la chose particulièrement excitante. Braver l'interdit et s'affranchir des codes, c'est ce dont beaucoup rêvent en silence. Voila pourquoi il m'est si aisé de pousser un indécis dans la débauche. Malgré ce que j'ai appris,je ne prends pas toujours d'argent pour paiement, ce qui m'a permis de dormir dans de bel couche duveteuse, manger des repas chaud en hiver, ou même de gagner un vêtement plus chaud ou plus robuste. Je me rend encore au temple, et je continue à fleurir les idoles, comme je l'ai toujours fait. Je n'ai pas encore été foudroyé sur place, donc j'imagine que les dieux n'en ont rien à foutre. Je me pose encore un tas de questions sur les dieux et leur volonté, mais bien que je les craigne et les respecte, je fais en sorte de poursuivre mon chemin et de ne pas glisser dans le dévotisme fanatique.

Ma vie, je m'en satisfais. Des problèmes arrivent parfois, mais je fais avec. "Je suis libre, et libre d'être", ceci est ma devise. Mère me manque, Evelynn me manque, alors je tâche de vivre pour elle, et de me souvenir. En ces temps troubles et obscurs, les faibles disparaissent pas poignées, et moi je reste....Conclusion hâtive? Peut-être! Les dieux restant muets, seuls le temps saura m'apporter une réponse. Qui suis-je? Peut-être ne suis-je personne....mais ça ne le leur dîtes pas.  Chuuut.

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MessageSujet: Re: Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé]   Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé] EmptyVen 16 Nov 2018 - 0:43
Bonsoir Matteu, Tirer son chapeau

Comme tu as pu le comprendre, mon binôme roupillant allègrement dans un bon lit douillé, je vais être la modératrice de ta fiche. Je suis très agréablement surprise par la qualité de ton récit, par ta manière d'aborder les choses, par les liens avec le contexte du forum et les événements marquants. En fait, je me suis régalée vraiment et je n'ai pas vu les lignes se succéder. Hormis mon petit pinaillage qui c'est trouvé très vite réglé, je ne peux que te féliciter. Amoureux

Oserais-je directement comme ça BIM te quémander un RP, soyons fou, la proposition est lancée :colgate:

Pour un charmant jeune homme, une charmante visite. Monsieur peut retrouver sa carrière juste ici, avec le système de réputation & le système des hauts faits. Un petit challenge que je suis convaincue, te conviendra.

Pour le côté prise en main, tu peux trouver un partenaire de jeu dans les demandes de Rps. On me mumure à l'oreille que y a un bal vachement sympa actuellement (comment ça c'est mal de faire sa pub ? Sourire )

Tu peux te faire et consulter les journaux d'aventures par ici, attention les mirettes il y en a moult et moult. Super héros

Pour terminer en beauté, tu vas retrouver les missions, contrats et quête juste .

Il ne me reste qu'à te souhaiter un très bon jeu parmi nous. Si tu as les questions, tu sais ou trouver tes réponses. La boite à MP de Sera ou de moi même reste disponible, un p'tit passage sur la CB tout ça tout ça :pompom:

Allez, bon jeu et attention à bien utiliser les intestins de cochons Blblblb

(Quand tu le souhaiteras, si tu le souhaites un jour, pense à nous faire coucou pour l'accès de la zone +18 et n'oublis pas les modalités vis à vis de l’homosexualité au moyen âge, vivez heureux, vivez caché !)

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Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



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MessageSujet: Re: Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé]   Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé] EmptyVen 16 Nov 2018 - 7:19
Héhé on dirait que j'ai loupé le coche, mais je t'ai laissé entre de bonnes mains!

Alors je te souhaite officiellement la bienvenue ici, je vois que tout est en ordre donc je vais retourner comater dans mon café!

Bon jeu parmi nous, on espère que tu t'y plaira! En tous cas le bg a eu l'air de t'inspirer! Comme dit Sydo nos boites à mp sont ouvertes, hésite surtout pas! Wink

La bonne journée!
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MessageSujet: Re: Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé]   Matteu, une fleur sans nom ~ [Validé] Empty
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