Une silhouette assez banale. Il n'est pas frêle, pas trapu. Il ne dépasse que de très peu le mètre soixante-quinze, porte des vêtements, certes entretenus et propres, assez simples, de tissu peu coûteux et de cuir. Il est de ceux à qui on accorde un regard dans la rue avant de l'oublier et laisser ses pensées voler ailleurs.

En revanche, lui parler face à face est une autre histoire. Son expression est très souvent sympathique, avenante et incite à la confiance. Il arrive cependant que, lorsqu'il ne sourit pas, son regard se perde dans le vide. Il est alors aisé de se noyer dans la profondeur de ses yeux d'un bleu anormalement clair qui jure avec ses cheveux châtain foncé.

Dissimulées avec beaucoup d'attention sous des bandages eux-mêmes cachés par ses vêtements, dans le dos et sur les abdominaux, les cicatrices de plusieurs morsures de Fangeux.

Sociable et intelligent dans ses relations, il ne tarde jamais à se faire des amis là où il passe. La constitution d'un réseau varié est un point auquel il accorde une grande importance. D'un naturel curieux et extraverti, il aime entendre l'histoire de tout le monde, parler de tout et de rien, du sujet le plus banal comme son dégoût des agrumes à la conversation plus sérieuse sur les croyances et l'origine des fangeux.

Il aime les justes causes et, si l'argent reste ce pour quoi il travaille, une belle histoire romantique, comique, tragique sur les motivations d'une personne ne tombera jamais dans l'oreille d'un sourd avec lui. Attention cependant à ne pas le prendre pour un bon samaritain. Quand l'argent manque, il fait passer sa survie avant et peut très bien accepter un contrat d'intimidation ou travailler pour des gens peu recommandables. La capacité à s'adapter est une notion importante pour lui.

Il est d'un naturel joyeux, compréhensif et parfois même taquin. Sa compagnie est agréable la plus grande partie du temps. Il arrive cependant qu'il bascule. Un jour, un matin, un moment de la journée, son regard se perd et il s'enferme dans de longs silences. Alors, les personnes qui le connaissent savent qu'il vaut mieux le laisser seul. Il est d'humeur maussade, avare de paroles et parfois cassant. Dans ces moments, il n'accepte que la présence de Tanag, le berger blanc qui ne le quitte presque jamais. Ces épisodes ne durent jamais très longtemps.

Natif d'une très petite ville de l'Ouest du royaume de Langres, il a été élevé dans une famille d'artisans. Son père était maître au sein de la corporation des métaux de la ville. Cela suffisait à remplir l'assiette de la famille, le soir, même s'il n'avait pas de renommée particulière. Sa mère, couturière, travaillait de concert avec le forgeron sur les parties en tissu et en cuir des armures. Dans ce monde et à cette époque, un mariage n'est jamais aussi beau que s'il s'applique aussi dans le domaine économique.

Sa vie aurait pu être aussi banale que cela. Il aurait suivi les traces de son père en tirant avantage du népotisme institutionnalisé des corporations et aurait vécu la même vie que lui. Encore jeune, il ne s'intéressait cependant pas au travail du métal. Bien obligé de se rendre utile pour mériter sa pitance, il aidait son père, développant ainsi une habitude pour le travail physique et une solide constitution. Les connaissances, elles, rentraient par une oreille et sortaient par l'autre.

C'est sa rencontre avec Elise, la douce et tendre fille d'un fermier tout à fait respectable, qui calma enfin le jeune homme et l'incita à songer plus sérieusement à son avenir. Le jeune couple survécu aux bonnes années comme aux mauvaises. Mariés relativement tôt, ils constituaient la fierté de leurs familles respectives. Covalt s'estimait très chanceux d'avoir pu se marier par amour. Les deux familles étaient du même poids économique, leurs besoins et productions se complétaient, les réseaux de l'une étaient utiles à l'autre. C'est à partir de ce moment qu'il commença à s'étonner de cette vie particulièrement heureuse sans grand effort de sa part. Comme si quelque chose de mauvais se préparait.

Quelques chose de mauvais se préparait. Quand les villages, puis les villes, commencèrent à tomber sous les coups des Fangeux, l'information ne circula pas assez vite. L'attaque, l'invasion plutôt, sur la ville fut rapide, facile, propre. Peu de résistance, beaucoup de victimes. Ce fut un été sanglant.
Cela faisait désormais quelques années que le jeune couple était marié. Pas de descendance à l'horizon, mais une maison commune en ville. A cette période de l'année, Covalt était à la campagne pour aider la ferme familiale à la récolte de l'orge d'hiver. Il eut plus de chance que le reste de sa famille et, emmenant Elise avec lui, réussit à se sauver des griffes des Fangeux. La fuite ne se fit pas sans sacrifice : la mère d'Elise donna sa vie pour que les deux jeunes aient le temps de partir vers l'Est.
Ils furent malgré tout attaqués par un spécimen particulièrement vif sur la route et ne survécurent que grâce à la témérité sans faille de Tanag, le jeune berger blanc d'Elise. Cette dernière se fit mordre dans l'attaque sans que la blessure ne soit fatale. L'infection qui en résulta fut tout de même une source de faiblesse et de ralentissement pour leur fuite vers l'Est à travers les routes et les villes où la résistance voulait se former pour repousser l'ennemi.
Ils faisaient tellement attention à ne pas croiser de Fangeux qu'ils en oublièrent les dangers normaux de ce monde. La rencontre avec un ours rendu fou par la corruption croissante de la région fut mortelle pour la jeune femme. Covalt, qui avait réussi à occire la bête en se glissant derrière elle pour enfoncer sa dague plusieurs fois dans son crâne et sa nuque, vit mourir dans ses bras sa bien-aimée ensanglantée.
Il marcha, la portant, avec le peu de forces qui lui restait dans la campagne qu'ils parcouraient jusqu'à trouver une cabane de trappeur inoccupée. Là, il voulu la nettoyer et lui offrir une sépulture digne de l'amour qu'il lui portait. Trouvant pelle, bassine et linge propre, il s'affaira à rincer ses plaies et creuser un trou dans la terre. Tanag à ses côtés couinait. Il se résigna à retourner aux côtés de sa femme pour effectuer le transport mais une étrange sensation de picotement à l'arrière de la nuque le força à s'arrêter en entrant dans le cabanon. Le lit était vide.

Un grondement canin sourd, un murmure étranglé de stupeur, un ricanement sadique et inhumain. Un combat, très rapide, très dur. Les événements se bousculent encore dans l'esprit de Covalt à l'heure actuelle. Il se souvient surtout du regard vitreux d'Elise, sur lui, bouche - ou plutôt gueule - ouverte. Il se souvient lui avoir accordé le repos, avec l'aide de Tanag, au prix d'affreuses blessures, griffures, morsures. Il ne sait pas lui-même comment il s'est sorti vivant de cette confrontation. Parfois il se surprend à regretter que tout ne se soit pas arrêté ce jour-là.

Depuis, il a réussi à atteindre Marbrume, lieu de relative sécurité. Son sens inné de la débrouillardise lui a permis de survivre à l'hiver 1164 en se constituant une ébauche de réseau de confiance. Un tavernier par ci, un mendiant par là, un caboteur à qui il rend un service, une prostituée qu'il délivre des griffes d'un ivrogne du port.

De nos jours, il tend à sortir de son anonymat initial et fait courir le mot qu'un homme à tout faire est en ville. Que les gens cherchent un homme de main habile, un garde d'échoppe, un courrier, une main forte pour porter le sac de légume du marché, une aide pour un chat coincé dans un arbre, un mauvais client à intimider, des ingrédients à aller trouver, il peut aider. Il est alors d'une efficacité tout à fait appréciable, accompagné de son fidèle chien blanc.
Peut être envisage-t-il même de chercher un partenaire de travail pour développer son affaire.

Modèle de fiche codé par Aure et Séraphin Chantebrume