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| La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] | |
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Mathilde VortigernFermière
| Sujet: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Ven 10 Mai 2019 - 4:25 | | | Le Labret, 13 février 1166 Ferme Dumas L'hiver. Seule dans sa chaumière où le feu crépite joyeusement, la veuve Dumas s'ennuie. Assise dans l'une des chaises berçantes faisant face au feu, ses aiguilles de bois se croisent et se décroisent, formant habilement des noeuds de laine qui, mis bout à bout, formeront la couverture. Le travail est bien avancé. Des journées où le ciel couvert ne lui a pas laissé l'occasion de sortir, elle en a connu beaucoup depuis la fin de l'automne. La couverture est longue, et court sur ses jambes pour se déposer paresseusement sur le sol. Elle sera lourde et chaude à souhait, parfaite pour combler le vide qu'a laissé Philibert. Mathilde est frileuse et déteste le froid, comme elle déteste ces journées grises. La lumière diminue. La fine couche de neige qui recouvrait le champs a fondu durant la journée, laissant une brume épaisse et humide flotter à seulement un pied du sol. L'humidité s'est infiltrée partout. Dans la terre, qu'elle a ramolli. Dans la paille, qui pourrira si elle n'est pas remuée à temps. Dans le bois, qui, par chance, offre une meilleure isolation que les murs de pierre. Ne pas sortir. Lorsque le soleil ne crève pas les nuages, la seule chose à faire est de patienter. Pour la fermière, c'est alors une lutte contre ses pensées qui s'engage. Tantôt, elles s'envolent vers un monde imaginaire où l'été est perpétuel et où la fange n'existe pas. Tantôt, elles explorent les pires choses qui pourraient lui arriver par ce temps où même la milice ne s'aventure pas en dehors d'Usson. Seule. La solitude est à la fois son bien tant convoité et sa pire ennemie. Seule, elle dirige la ferme sur laquelle elle a toujours vécu. Elle en est la seule responsable, la seule maîtresse. Aucun homme ne peut lui dire quoi y faire. Aucun homme ne peut l'obliger à se remarier, ou la dépouiller de son seul bien. Seule, elle est plus exposée que quiconque à une attaque. La veuve Dumas a beau distribuer un peu de nourriture aux miliciens qui gardent un oeil attentif vers sa ferme, elle sait que pas une âme ne se trouve à moins d'une lieue à la ronde. Qui lui viendrait en aide à temps si un feu se déclarait? Si des voleurs pillaient ses réserves? Si des bannis s'en prenaient à sa vertu avant de l'égorger? Si des fangeux défonçaient sa porte? Elle se retourna brusquement. Avait-elle entendu un grattement? Sa porte tiendrait le coup. Épaisse, en chêne, renforcée aux points stratégiques par Philibert, après leur retour l'année dernière. Tic tic tic tic. Les aiguilles reprirent leur travail répétitif. Mathilde songea qu'elle n'avait pas encore fermé les volets de la maison. Il faudrait qu'elle le fasse bientôt, avant que la lumière baissant ne soit plus suffisante pour apercevoir, de loin, une menace arriver. Un moment qu'elle redoutait, chaque jour. Lorsque le temps était couvert, elle n'en ouvrait qu'un seul, celui de la fenêtre située du côté gauche de la porte, afin de pouvoir suivre l'évolution du ciel, et de ne pas manquer une éclaircie. Cet été, quand le soleil le lui permettrait, elle modifierait les volets pour pouvoir les fermer de l'intérieur. Fin du rang de mailles. Elle posa son ouvrage sur le panier après l'avoir soigneusement replié. Une fois teinte, la couverture serait magnifique. Elle avait hâte de la terminer. La fermière s'étira dans son fauteuil avant de se lever, libérant ses muscles et ses articulations d'une position assise gardée trop longtemps. Le feu, ravivé tôt ce matin, l'avait gardée bien au sec. Ses longs cheveux bruns pendaient librement dans son dos. Pourquoi les attacher, alors que personne ne viendrait à la ferme? Elle contourna la table et se dirigea vers la porte, toujours fermée par deux verrous. Elle les ouvrit et lentement fit pivoter l'ouvrage de bois sur ses gonds pour jeter un oeil dehors. Rien à signaler. La cour semblait déserte. Son coeur battait un peu plus fort qu'à la normale. Allez Mathilde, du courage.Elle ouvrit la porte et regarda un instant l'horizon brumeux. Bientôt la nuit envelopperait ce triste paysage et, avec un peu de chance, le vent se lèverait pour souffler les nuages plus loin vers le sud. Elle sortit, pieds nus, et n'eut à faire que deux pas pour atteindre les volets fixés sur le mur de la chaumière afin qu'ils ne claquent pas au vent. Elle les libéra de leurs attaches pour les fermer. Il ne lui restait plus qu'à rentrer, ouvrir la fenêtre et verrouiller les volets de l'intérieur. Deux autres pas, pour regagner le seuil de la chaumière. Elle rentra, soulagée de retrouver la chaleur de la chaumière. Elle refermait la porte derrière elle lorsque son coeur s'arrêta de battre. Un pied. Un pied venait de se glisser entre la porte et son chambranle, empêchant la fermière, muette de stupeur, de retrouver la sécurité de son foyer. |
| | | MiguelBanni
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Ven 17 Mai 2019 - 22:20 | | | Depuis le temps que je vivais à l'extérieur, j'aurai pourtant dû apprendre et comprendre quel danger j'encourrai en mettant les pieds hors du village par un temps aussi couvert que celui que l'on subissait depuis quelques jours déjà. Mais ma faim avait eu raison de moi. Malgré les vols de chariots de vivres organisés par mes compères bannis et moi-même, nos réserves s'appauvrissaient et les ventres vides recommençaient déjà à gronder, rendant les habitants de notre camps de fortune iritables et bagarreurs, tel une meute de loups affamés se disputant les derniers morceaux d'une dépouille déjà froide. Je me refusais à mourir de faim. Le souvenir des banquets et réceptions de la cité me manquait plus que jamais. L'hiver s'annonçait long et rude. Il me fallait trouver à manger. Pour moi, hein... Les autres n'étaient qu'un détail insignifiant face à ma propre personne et la famine qui m'assayait. Aussi, malgré les risques, je décidais à quitter la sécurité des murs du village, muni de pièges et de sacs nécessaires à ma chasse, et de mon épée et poignard indispensable à ma survie. Peut être m'étais je un peu trop éloigné, car lorsque j'envisagea de revenir bredouille de ma cueillette, je devinai rapidement qu'un obstacle de taille me barrait la route. Dans les bois du marécage, entre moi et le visage, des sons devenus presque trop familiers m'alertèrent sur le danger auquel je risquai de me confronter. Des grognements, distinctifs d'entre tout les autres, le gratement de longues griffes sur la terre humide, une plainte affamée qui retournait l'estomac et poussait n'importe quel homme au frontière de l'effroi et de la folie... Un fangieux se trouvait non loin. Certes, les murs protecteurs du village des bannis auraient été pour moi la meilleure de toutes les protections. Mais impossible d'avancer sans se confronter à la bête. J'en avais affronté un, une fois. Et j'étais bien conscient que je devais ma survie davantage à la chance qu'à mes aptitudes naturelles au combat. Aussi, bien décidé à ne pas servir de repas à la Fange, je prenais la direction opposée en priant de trouver rapidement refuge quelque part, avant de faire de nouvelles regrettables rencontres.
La chance m'avait sourit jusqu'ici, et j'arriva indemne à l'entrée d'une ferme. Celle-ci se trouvait à l'écart, à une bonne distance du village le plus proche. Un calme de mort régnait ici, comme partout ailleurs d'ailleurs. Je me demandais si les lieux étaient encore habités... S'ils ne l'étaient pas, c'est que les propriétaires s'en étaient aller depuis peu. Peut être y aurait il encore de quoi se restaurer à l'intérieur... Au moins, je serais au sec et à l'abris. J'attendrais que le mauvais temps passe avant de regagner la maison qui devait être la mienne. Mais alors que je m'approchais d'un pas confiant de la maison, je décelais rapidement une faible lueur s'échapper de l'unique volet demeurant ouvert. J'allais à pas plus lents, glissant furtivement la tête devant les carreaux pour voir ce qui se cachait à l'intérieur. Une femme, de dos, se tenait assise sur une chaise et s'afférait à son tricot. Elle était devant l'âtre d'un feu dont les flammes dansantes me réchauffaient rien qu'à les regarder. Je ne voyais ni le visage, ni le corps de la demoiselle. Je discernai seulement ses longs cheveux bruns détachés qui cascadaient le long de son dos. Etait elle seule? La femme reposa son ouvrage et sembla se lever. Si tôt, je me remettais à couvert et filais me camoufler au coin de la maison. La porte s'ouvrit quelques instants plus tard, et je découvrais l'hôtesse des lieux qui sortit à l'extérieur pour fermer le volet resté ouvert. C'était une jeune femme, belle et mince. Ses yeux foncés se s'attardèrent un instant sur l'horizon, et le vent glaçant de l'hiver balaya ses cheveux qui semblèrent danser un instant. Elle était pieds nus... Drôle d'idée ! Il devait faire bon et chaud à l'intérieur pour qu'elle ne jugea pas utile de se chausser ou de se couvrir davantage... Elle me glaçait à le voir si peu frileuse. Si tôt son affaire finit, elle se glissa à nouveau à l'intérieur. Répondant à mon instinct de survie, je me précipitais à sa suite et passais mon pied pour retenir la porte avant qu'elle ne se ferme. Je ne pouvais pas rester dehors... C'était trop dangereux... Et puis il faisait froid... Et surtout j'avais faim... Ma marque était bien cachée, sous la manche de ma veste. Je levais les yeux sur la jolie brunette que je m'apprêtais à embobiner, dans le simple but de ne pas mourir dehors, comme un con... Je m'en étais bien sorti jusqu'ici, c'était pas pour finir comme ça. J'offrais un sourire charmant à la demoiselle, même si mon visage et mes yeux devaient trahir mon état, qui était peu reluisant...
- Pardon, excusez moi de vous importunez, Mademoiselle... Je vous ai vu sortir de chez vous, c'est pourquoi je me permet de vous accoster... Mais je sillonne la route depuis ce matin déjà et la nuit ne va pas tarder à tombée... Je me demandais si vous auriez l'amabilité de m'accorder le gite pour ce soir. Je saurais vous dédommager, ne vous en faites pas. C'est que ce n'est pas très sûr dehors, par temps couvert, et lorsqu'il commence à faire sombre, c'est pire encore.
Des mensonges... J'étais accoutumé à ce genre de discours et je brillais plutôt bien en temps normal lorsqu'il s'agissait d'embrouiller les femmes. Ma mine angélique et mes beaux yeux gris en avaient attrapé plus d'une. Mais il suffisait que je ne sois pas assez convainquant, il suffisait que la jeune femme soit plus maligne que les autres... D'ailleurs, maintenant que j'étais plus proche d'elle, je détaillais enfin vraiment les traits fins de son beau visage. Son corps mince et joliment dessiné m'apparaissait partiellement dans l’entrebâillement de la porte. Une jolie fille... De celles qui ne m'avait pas été donné de voir depuis un bon moment... Au fond de moi et en dépit de ma faim, un nouvel appétit, bien trop longtemps resté endormi, commençait à s'éveiller... |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Lun 20 Mai 2019 - 14:20 | | | ... je sillonne la route depuis ce matin déjà et la nuit ne va pas tarder à tomber... Je me demandais si vous auriez l'amabilité de m'accorder le gite pour ce soir. Je saurais vous dédommager, ne vous en faites pas. C'est que ce n'est pas très sûr dehors, par temps couvert, et lorsqu'il commence à faire sombre, c'est pire encore.
Toute la journée durant, le temps avait été maussade et pluvieux. Personne, au Labret, ne s'aventurait dehors par un temps pareil, à moins d'être fou. Et les fous avaient peu de chance de survivre s'ils croisaient des fangeux. Soit cet homme avait une chance infinie, soit il était diablement intelligent, mais dans tous les cas, il n'était pas fou. La prudence était de mise, la fermière le savait.
Le vent frais du dehors contrastait avec la chaleur émanant de la cheminée, dans son dos. Si proche de la sécurité, et si loin en même temps. Qui était cet homme? Son instinct lui dictait de lui écraser le pied, et de fermer la porte de toutes ses forces. Mais une fois enfermée, à l’intérieur, elle serait prisonnière et il aurait tout le loisir de mettre le feu pour ensuite attendre qu’elle sorte dans l’espoir de sauver sa vie. Pas si vite, Mathilde, ta tête imagine bien trop de choses.
Mathilde garda le silence un instant, détaillant l'importun sans réellement s'en cacher. A qui avait-elle affaire? Un bel homme, encore jeune, pas excessivement grand, élancé. Des vêtements de cuir, pas vraiment rapiécés, et des armes. Sa dague à elle n'était pas à sa ceinture, mais sur la table. Merde. Sa barbe de quelques jours et ses cheveux quelque peu négligés trahissaient le vagabond qu'il était. Ses joues, légèrement creusées, indiquaient qu'il n'avait pas la chance de se nourrir à sa faim chaque jour. L'hiver avait été rude pour lui. Les vagabonds étant plutôt à Marbrume, il restait à savoir s'il était un voleur malchanceux ou un banni. Mal intentionné, quoi qu’il en soit. Le coeur de Mathilde accéléra légèrement. Il ne fallait pas céder à la panique.
Le sourire de l'homme était, de toute évidence, calculé. Combien de fois avait-il joué de ses beaux yeux clairs pour obtenir des faveurs auprès des femmes? Des dizaines, sans doute. Impossible de gober son histoire de l'homme qui passait là par hasard. Elle ne l'avait pas vu, en sortant. Mathilde songea qu'il devait être caché non loin de la chaumière et guetter la moindre occasion d'entrer. Il était arrivé silencieusement. Un honnête voyageur l'aurait hélée de loin. Voleur ou banni? Mathilde opta finalement pour l’hypothèse du banni. Les voleurs se contentaient de se servir dans la grange, tandis que les bannis cherchaient un brin d’humanité. Enfin… c’était ce qu’elle avait eu comme expérience, avec les deux autres.
- Vous auriez du vous arrêter à Usson, ser, l'auberge y est accueillante et on y mange bien. dit-elle, sur un ton aussi dégagé que possible. Elle s'appuyait contre la porte, prête à la refermer dès que l'intrus ôterait son pied de là. Et s'il ne l'ôtait pas? L'estomac de Mathilde se contracta à cette seule pensée et ses doigts se resserrèrent instinctivement sur le bois solide pour se rassurer.
- Pardonnez-moi de ne pouvoir vous accueillir, ser, mais nous ne connaissons pas et... Elle lui sourit. Un sourire qui trahissait un léger trouble, celui qu’on attendrait d’une femme seule face à un étranger souhaitant entrer chez elle. Celui d’une femme cherchant à ne pas se trouver dans une fâcheuse position. Mais passez donc la nuit dans la grange, vous y trouverez une bonne paillasse à l'étage, ainsi que des galettes d'avoine. Vous n’êtes pas le premier à vous laisser surprendre par la nuit tombant. Je vous porterai un solide déjeuner demain avant que vous ne repreniez la route. Un homme honnête accepterait l'offre. Au petit matin, Arthur arriverait de bonne heure pour s'occuper des poules, et elle ne serait plus seule. Juste une nuit à tenir, sans paniquer. Tout irait bien. |
| | | MiguelBanni
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Mar 21 Mai 2019 - 19:36 | | | Je sentais bien que la fermière avait peur. Comment lui en vouloir? Un étranger l'empêchait de fermer sa porte. Mon allure laissait un peu à désirer. J'étais sale, décoiffé et une barbe de presque une semaine durcissait mon visage. La faim et la fatigue avait rendu mon teint maladif, et je me sentais plus faible qu'à l'accoutumé. Malgré mon sourire et mes beaux yeux gris/verts, j'étais bien loin de l'image séductrice que je m'étais forgé lorsque je vivais encore à Marbrume, dans les beaux quartiers. Si j'avais été ce noble désormais mort et enterré, en frappant à la porte de la belle brune par ce temps brumeux, nul doute qu'elle m'aurait laissé rentrer sans faire de caprice et que j'aurais pu tout à ma guise me livrer à mon numéro de charme sans me soucier des répercutions. Convaincu de ma propre attraction, j'étais bien sûr que la demoiselle aurait craqué et cédé à mon bon vouloir... Mais là, je n'avais plus rien de noble. J'étais un vagabond, au mieux... Un banni, au pire... Aux yeux de la donzelle, j'étais un élément perturbateur, un personne dangereuse, qui lui forçait la main pour obtenir plus qu'un simple toit et une écuelle de nourriture... Mais d'ailleurs... N'était-ce pas ce que j'étais?
Poliment, mais avec une inquiétude non feinte, la jeune femme m'indiqua sa grange et me promit un repas au petit déjeuner. En vérité, elle voulait me voir dégager au plus vite, pour qu'elle puisse s'enfermer à double tour dans sa maison et ne plus me recroiser. Je devinais donc qu'elle était seule à demeurer ici. Sinon, elle aurait appelé un homme pour qu'il vienne me remettre à ma place. Or, elle n'osait même pas me chasser... Donc... Peut être que quelqu'un devait lui rendre visite le lendemain? Quelqu'un plus à même de me déloger qu'elle même? Mon sourire se perdit un peu alors que je me creusais vivement les ménages pour trouver une solution qui joue en ma faveur. La manière m'apparue comme un éclair de lucidité, alors que je me remémorais la popularité que j'avais avant au près des filles... Avant qu'on ne me jete dehors en toute discrétion et qu'on ne m'appose l'odieuse marque du condamné sur le bras. Je poussais doucement la porte pour ne pas la blesser, mais néanmoins avec ma force d'homme de sorte qu'elle ne put tout à fait la retenir. Dès que l'ouverture fut assez grande, je me glissais à l'intérieur de la maisonnée, frissonnant légèrement à me retrouver d'un seul coup dans un espace plus chaud et plus sécurisant. Je lui adressais un léger sourire, me tenant face à elle, droit et fier comme je savais encore l'être. Ma voix se fit quelque peu autoritaire, mais néanmoins dans un désir de lui être agréable et de ne pas la froissée davantage après mon intrusion.
- Je vous prie de m'excuser d'insister, Mademoiselle. Je crains ne pas avoir une grande affection pour les paillasses de pailles et les nuits de fraîches passées seul dans le noir d'une grange...
J'emmetais un petit rire, qu'elle ne dut pas comprendre. Je m'empressais de m'expliquer, toujours en lui souriant.
- Je crois avoir omit de me présenter. Je m'appelle Miguel de Montorgueil. C'est une jolie ferme que vous avez là, Mademoiselle...?
Attendant qu'elle se présente à son tour, je lui tendais une main amicale encore gantelée de cuir. J'enfonçais mon regard clair dans les beaux yeux bruns de la fermière. J'espèrais que ma courtoisie passerait un peu la colère et la peur de la jeune femme. Je savais que mon nom complet ferait son petit effet. Si ma famille n'était pas la plus importante de Marbrume, elle demeurait une lignée noble de la haute-bourgeoisie. J'ignorais si elle faisait encore parler d'elle, de nos jours. Cela faisait un an que j'avais été éclipsé de la ville sans en ébruiter la raison. Mais je ne doutais pas un instant que ma réputation de joyeux fêtard me précéderait. A moins qu'elle ne porte aucun intérêt aux mondanités de la cité, la jolie fermière ne devait pas ignorée qui j'étais... |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Mer 22 Mai 2019 - 2:02 | | | Il poussait la porte. Tudieu, il s'invitait chez elle. Le coeur de Mathilde s'emballa dans sa poitrine. Elle raffermit sa prise sur la porte, cherchant à y caler son épaule pour bloquer la porte sans la fermer -il ne fallait surtout pas le vexer-, mais rien à faire, il poussait la porte juste assez pour se faufiler dans l'ouverture ainsi créée. La respiration de la fermière s'accéléra, mais son visage ne trahit presque rien de l'angoisse qui s'installait en elle. Seul son sourire s'évanouit. Elle le regarda un instant, désormais à l'intérieur de sa chaumière, et soupira en fermant la porte. Le loup était dans la bergerie, et il était beaucoup trop proche d'elle. Le petit rire qu'il émit voulait tout dire. La grange ne l'intéressait pas, pas plus que la solitude. La chaleur d'un foyer et la douceur de la peau d'une femme, par contre... Son estomac se noua un peu plus. Le gîte, le couvert et le cul de la fermière, voila ce qu'il venait chercher, Mathilde en était convaincue. Verrait-elle seulement le soleil se lever, demain, ou bien sa vie se finirait-elle cette nuit, après une journée mortellement ennuyeuse? Elle ne l'avait pas quitté des yeux, et fit pivoter les deux verrous. Si elle s'en sortait bien, si elle faisait en sorte de ne pas le fâcher, peut-être éprouverait-il de la sympathie pour elle et l'épargnerait-elle. Mathilde en prit le pari. - La sécurité avant tout. murmura-t-elle. Que c'était ironique. S'enfermer avec la bête pour éviter qu'un fangeux ne vienne les dévorer tous les deux. Elle le contourna, prenant ses distances. L'équivalent d'une coudée et demi, sans doute, mais la chaumière ne lui permettait pas de s'éloigner encore plus de lui. Miguel tendit la main et son coeur se serra. Il allait lui sauter au cou. Ou la retenir et la plaquer sur le sol. Ou.... Du calme, Mathilde. Du calme. Non, il ne faisait que tendre une main amicale, qu'elle serra poliment, en silence, cherchant à percer son âme plus que ce regard charmeur dont elle se méfiait comme la peste. La poigne était douce, il cherchait à la mettre en confiance. Elle la relâcha et s'approcha de la fenêtre responsable de son malheur, étira les bras pour la verrouiller de l'intérieur. Voilà. Aucune issue. Elle respirait encore trop vite à son goût. Il ne fallait pas paniquer. - Mathilde. Dumas. Madame. Elle leva les yeux au ciel et soupira. Reprends-toi, bon sang. Je suis la veuve Dumas. Vous avez choisi la bonne ferme pour vous arrêter messire de Montorgueil, on n'accueille pas les marqués à Usson, même s'ils sont nés nobles. Votre bras et l'état de vos finances ne vous permettent pas de vous offrir le luxe d'une chambre, n'est-ce pas?Elle lui sourit. Au moins il ne la prendrait pas pour une idiote. Pas de bagage, un nom noble mais pas d'argent pour s'offrir l'auberge à quelques vingt minutes de sa ferme, une tenue générale négligée et le manque d'apparence pompeuse propre à l'idée qu'elle se faisait de la noblesse. Bref, un banni. Avec lequel elle jouerait cartes sur table, pour ne pas avoir à subir un interrogatoire. - Je vous offre le répit pour la nuit, et vous mettrai à la porte demain dès le lever du soleil. Je vis seule depuis le décès de mon mari, mais la milice passe chaque jour par ma ferme et je ne voudrais pas qu'on vous trouve ici. D'habitude, la grange m'offre le luxe d'être au-dessus de tout soupçon. Il ne serait pas le premier banni à profiter de sa générosité. Peut-être Jocelyn avait-il passé le mot? Aucune chance, il ne la trahirait pas. Elle passa à côté de la table, saisit sa dague et l'attacha à la corde de chanvre tressé de son tablier, qui soulignait sa taille, puis s'approcha du feu pour le raviver. Elle suspendit une casserole à la crémaillère pour y faire réchauffer le repas qu'elle avait mis de côté pour le lendemain. - Restez pas planté là, déposez vos armes à coté de la porte, approchez du feu et venez vous réchauffer. Ôtez votre veste et vos bottes. Quelle idée de passer la journée dehors, c'est pas les fangeux qui vont vous avoir, c'est l'angine de poitrine. Parler, s'activer, être la maîtresse de maison pour garder bonne contenance, pour repousser l'angoisse qui l'accompagnait depuis le premier grattement. Elle remonta ses cheveux en un chignon désordonné. - J'ai pas la chance de connaître les grands de la ville. Vous êtes le premier noble que je rencontre à vrai dire. Les Montorgueil, je devrais connaitre? Elle recula pour permettre à l'intrus de profiter de la chaleur réconfortante des flammes, ne le quittant du regard que pour saisir un couteau et découper une tranche de pain sur la table. L'espace d'un instant, elle regretta de ne pouvoir lui lancer l'arme improvisée droit dans la gorge. Partagée entre l'espoir d'accueillir un hôte civilisé et la peur d'affronter un personnage violent, Mathilde restait particulièrement méfiante. Dans sa poitrine, son coeur reprenait un rythme normal. Elle avait réussi à prendre le dessus, pour le moment. - Rapide tour de la chaumière:
La chaumière est aménagée le plus simplement du monde. La grande table de la pièce de vie est entourée de quelques chaises. Contre le mur du fond, quelques armoires accueillent sans doute la vaisselle et les pots emprisonnant des denrées séchées, ainsi que des objets utiles à la maisonnée. Des coffres renferment le linge de maison -couvertures, draps, serviettes-. Deux chaises berçantes font face au feu. Quelques casseroles pendent au plafond de l'espace de cuisine. En arrière de la cheminée, on devine le passage vers une autre pièce, plongée dans l'obscurité. Une échelle monte vers un étage en mezzanine où l'unique pièce reçoit les dormeurs, la nuit, sur des paillasses qu'on ne voit pas d'en bas. Quelques morceaux de tissus, couvertures et coussins, ajoutent une touche de confort à la pièce de vie.
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| | | MiguelBanni
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Lun 27 Mai 2019 - 19:24 | | | Mon sourire s'étira alors qu'elle se présentait à son tour. Mathilde... Un joli prénom, mais ce n'était pas ce qui me plaisait le plus dans ce qu'elle venait de me dire. Elle était veuve... Donc elle vivait sans aucun doute seule, sans homme dans sa vie... C'était une nouvelle réjouissante, très réjouissante, et je jubilais de nous savoir tout les deux enfermés chez elle pour le restant de la nuit. Mais je déchantais vite, car la fermière ne tarda pas à se montrer plus maligne que je ne l'aurais soupçonné.
Je perdis mon expression de bien heureux alors qu'elle mentionnait une marque, dans la foulée. D'abord, ce fut de la stupeur qui marqua mon visage. Puis, dans mes retranchements, histoire de protégé mon secret qui pouvait me coûté lourd si elle en devinait la véracité, je changeais mon expression pour une forme d'incompréhension et de vexation. Mais très vite, en découvrant le sourire de la demoiselle, je compris que j'aurai eu beau jouer toute la comédie dont j'étais capable qu'elle n'aurait servi à rien. La veuve Dumas savait. Elle n'était pas dans l'incertitude. Elle était parfaitement consciente de qui j'étais et d'où je venais. Et ça ne semblait pas l'effrayée outre mesure. Elle m'avait laissé entrer et se présentait à moi, nous enfermant dans sa chaumière sans paraître plus alarmée que cela par ma situation. Elle était soit très courageuse... Soit parfaitement inconsciente. Dans tout les cas, elle était très perspicace et intelligente
J'en restais tout bonnement perplexe, la dévisageant avec une admiration soudaine. Qui eut cru qu'une demoiselle de ferme tel qu'elle était capable d'une pareille vivacité d'esprit? Elle me devint soudainement encore plus intéressante... Et attrayante... Et je lui faisais un petit sourire entendu sur ce sujet sans pour autant être capable de commenter ses affirmations, tant j'étais surpris de ce la facette d'elle même qu'elle venait de me montrer. J'écoutais avec un grand intérêt les limites qu'elle posait à la durée de mon gîte dans sa maisonnée. La venue de la milice au petit matin était une information des moins réjouissantes... Nous, les bannis, étions la cible première des autorités. Les soldats avaient pour ordres de nous tuer à vu, lorsqu'ils venaient à croiser notre chemin. J'acquiesai à ses volontés, un sourire éclaircissant mon visage. Or, que Mathilde me l'avoua avant leur arrivée me laissait entendre qu'elle ne nourrissait aucune animosité à mon égard, ce qui était plutôt agréable en fin de compte. Sa dernière phrase néanmoins me fit levé un sourcil étonné :
- D'habitude? Vous voulez dire que ce n'est pas la première fois que vous recevez quelqu'un de... ma condition... sous votre toit?
La veuve Dumas était elle coutumière des visites d'autres marqués tel que moi? Etait ce pour cette raison qu'elle avait eu le nez fin à mon propos? Ou était-ce le hasard, ou une feinte de la part de la belle brune? Je la regardais s'activer, se munir d'un petit poignard qu'elle attacha à sa ceinture. Elle n'était pas aussi folle ou inconsciente qu'on aurait pu le penser : elle demeurait sur ses gardes en ce qui me concernait. J'avais un minuscule sourire en découvrant cette petite marque de protection qu'elle se permettait d'emporter alors même que je la voyais faire. Si elle comptait s'en prendre à moi, elle l'aurait fait de manière plus discrète. Et même dans ce cas... J'étais muni d'une épée et de mon propre poignard. Et même si je ne les avais pas eu... Elle n'était qu'une femme, après tout. Autrement dit : pas une réelle menace. Je lui obéissais docilement alors qu'elle mettait à chauffer ce que je devinais rapidement être le repas. La perspective de manger me fut plus réjouissante encore que toutes les autres : bien plus que celle de passer une nuit au chaud et au sec, et que celle de la passer en bonne compagnie - pour l'heure, tout du moins-. Je posais donc mes armes contre le mur de l'entrée, ainsi que mes bottes, avant de m'approcher d'un pas décidé du feu, non loin de la jolie fermière qui remettait une bûche dans son âtre. Je déposais mes gants et ma veste de cuir sur le dossier d'une chaise à balance, découvrant une chemise de lin qui avait été blanche durant une époque et qui était désormais bien moins nette et usée. Je frissonnais à la transition chaud/froid et tendait mes mains en direction des flammes pour les réchauffées un peu, sans quittée ma charmante hôtesse du regard.
- Disons que je n'ai pas vraiment eu le luxe de retrouver les miens, car une sale bête me barrait la route lors de mon retour. C'est une chance d'être tombé sur votre ferme, Mathilde. Je vous remercie de votre gentille hospitalité, en dépit des circonstances. Je trouverai bien un moyen de vous en remercier...
Je gardais sur elle un regard minutieux, essayant de deviner chaque détails de ses courbes, me délectant de la vu de sa nuque alors qu'elle relevait ses cheveux en un chignon négligé qui lui allait à ravir. Elle repartit du côté de la cuisine, et ce fut seulement là que je la quittais du regard pour fixer un instant les flammes dansantes du feu. Je souriais, fier de mon coup, à la cheminée. Je ne m'inquiétais pas beaucoup pour ma vie. Si elle tentait quoi que ce soit, elle serait bien dans la mouise, car je lui ferais payé durement - et à ma manière - la vilaine ruse dont elle aurait usée.
- Nous ne sommes pas une très grande famille, à vrai dire. Les Montorgueil n'ont jamais beaucoup fait parler d'eux. Nous possédions une bonne fortune qui nous a permis de conserver notre vie bien aisée au sein de la bourgeoisie de la cité. Mais depuis le début de la Fange, le statut de ma famille a beaucoup perdu de son éclat. Je suppose qu'il n'en reste presque plus rien aujourd'hui... Et de toute manière, ma lignée s'éteindra avec moi... Et mes parents, s'ils sont toujours de ce monde. J'étais fils unique et vous vous en douterez, il me sera difficile de transmettre mon nom à qui que ce soit.
Je tournais le regard vers la belle fermière qui s'affétait à ses tâches d'hôtesse de maison.
- Mais par le passé, j'ai un peu fait parlé de moi. Au plus grand désespoir de mes parents !
Je riais aux souvenirs de la vie de débauche à laquelle je m'étais adonné avant de me retrouver chasser de la ville et marqué au fer rouge.
- Assez parlé de moi. Dites moi, Mathilde, pourquoi êtes vous restez vivre ici, à la merci de la Fange et de personnes mal intentionnées? Pourquoi ne pas être aller chercher la sécurité des hauts murs fortifiés de Marbrume?
Je souriais, d'un petit air charmeur quelque peu dissimulé.
- Vous devez vous sentir bien seule, ainsi isolée... |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Mar 28 Mai 2019 - 4:27 | | | Mathilde observa le balai des émotions qui traversèrent le visage de son hôte indésirable, tantôt surpris, tantôt vexé, tantôt déçu de ne pas avoir pu la tromper. Quelqu'un de ma condition, avait-il dit. Voilà qui confirmait ce dont elle était intimement convaincue, sans pour autant en avoir eu la preuve. Un banni, le troisième cet hiver. Mathilde hocha la tête de façon presque imperceptible. Ça devenait une fâcheuse habitude, qui apporterait un jour ou l'autre son lot de problèmes.
- Qui sait? avait-elle répondu, un sourire en coin, laissant planer le doute dans l'esprit du banni qui s'était trahi lui-même. Avait-il l'habitude de pousser la porte des honnêtes gens pour quémander de l'aide? Au vu de la façon dont il s'était introduit, sans menace et avec un sourire charmeur, il n'y avait aucun doute possible. La fermière se demanda s'il l'avait longuement observée avant de tenter sa chance. Sans doute avait-il repéré sa solitude et avait-il attendu le moment opportun pour entrer. Au moins, il avait remisé ses armes près de la porte et s'en était éloigné. Mathilde ne se sentit pas plus en sécurité pour autant. S'éloigner des armes revenait à affirmer une certaine confiance en lui et en sa force, si cela devait tourner au vinaigre. La petite boule revint au creux du ventre de Mathilde. Il lui fallait rester prudente à tout prix, faire comme si sa présence était la chose la plus naturelle du monde et s'attirer ses bonnes grâces. Par la grâce des Trois, il n'était ni vieux, ni laid et savait être agréable. Le jeu était sans doute plus aisé que s'il avait été un vieillard semi infirme et complètement repoussant. Jeune et beau, il devait lui paraître presque normal d'être bien reçu par une femme qui devait avoir à peu près le même âge que lui.
Elle releva mentalement le manque de netteté de sa chemise, alors qu'il déposait sa veste sur la chaise. Difficile de bien paraître, lorsqu'on vit dehors. Que savait-elle des bannis? Ce que les gens en disaient : des hommes et des femmes à la merci des fangeux, obligés de vivre comme des nomades, cherchant à échapper aussi bien aux fangeux qu'aux miliciens. Privés du confort élémentaire que sont un lit confortable et un bon feu. Un repas chaud et la sécurité d'un lieu clos était sans doute un luxe rare. Une fois encore, Mathilde, perdue dans ses pensées, fit une petite moue. Elle n'appréciait pas que l'on offre des êtres humains aux bêtes. En ces temps difficiles, où l'humanité luttait pour sa propre survie, se débarrasser d'une âme était un acte aux conséquences folles.
Elle écouta d'une oreille attentive les quelques éléments qu'il lui livra sur les Montorgueil. Elle sourit lorsqu'il indiqua que la lignée prendrait fin avec lui. Officiellement, du moins, car il devait bien avoir laissé quelques bâtards çà et là.
- Vous allez certainement trouver ma proposition étrange, compte tenu de notre situation, mais si je passe par Marbrume, je pourrai me renseigner et savoir si vos parents sont encore en vie. Et vous dire ce que j'ai appris, si d'aventure ma ferme devenait l'un de vos refuges. Elle attrapa une cuillère de bois et remua le ragoût dans la casserole en souriant. - Qui serait assez fou que pour ne pas revenir après avoir goûté ceci? Elle en pris une cuillerée, souffla doucement dessus et l'effleura, du bout de la lèvre supérieure, la bouchée, afin de s'assurer qu'il ne se brûlerait pas. Que de précautions, alors qu'elle espérait pouvoir le jeter dans le feu... chose impensable, vu les risques qu'il sorte du foyer, se roule partout et boute le feu à l'ensemble de la chaumière. Elle tendit la cuillère devant la bouche de Miguel. - Goûtez donc.
Le questionnerait-elle sur son passé? Sans doute pas. Réveiller de mauvais souvenirs et des actes qui l'avaient conduit à être marqué n'était sans doute pas une bonne idée. S'il se montrait courtois, autant le rester, et garder cette place qu'ont toutes les femmes du monde : au foyer, discrètes. Tandis qu'il goûtait, elle répondit, toute honnête qu'elle l'était, à sa question.
- Marbrume pue. Ça pue la mort, ça pue la malhonnêteté, ça pue la pisse. J'en rentre, et ma visite m'a convaincue que les fangeux sont un risque bien minime comparé à la folie de la ville. Elle haussa les épaules. - J'ai grandi ici. Le Labret coule dans mes veine. J'aime l'odeur de l'humus au petit matin, le frimas délicat qui se dépose sur les feuilles des arbres, le chant du blé dans le vent de l'été. J'aime voir le soleil qui se lève sur un horizon vaste. La ville, elle, me rend folle. Je préfère mourir dans le lieu que j'aime plutôt que vivre vieille dans un semblant de sécurité qui n'en est pas un. J'espère seulement voir encore le soleil se lever...
Elle laissa sa phrase, qui sonnait comme une requête, en suspend, tandis qu'il souriait en faisant allusion à sa solitude. Elle l'aurait volontiers giflé du plat de sa cuillère, sachant que la question n'était qu'un prélude à d'autres allusions, liées au froid, au manque d'amour, puis à l'appel de la chair. C'était une homme. Sa façon de la regarder suffisait à trahir son appétit, inassouvi depuis peut-être longtemps. Elle n'en fit rien. Ne pas provoquer de conflit. Ne pas lui donner le prétexte nécessaire à la violenter.
- La solitude est une compagne qui s'apprivoise, avec le temps, non? Ne l'était-il pas, solitaire? A moins qu'il n'ait des compagnons de misère, qui l'attendent quelque part. Après tout, il pouvait très bien la neutraliser puis déverrouiller la porte pour les faire entrer et... la boule grossit un peu plus, au creux de ses entrailles. Elle prit une grande inspiration, coinça la cuillère dans son tablier et s'éclipsa, un instant à peine, dans la pièce sombre, en arrière de la cheminée. Quelques bruits et quelques instant plus tard, elle reparut avec une chemise de lin beige, propre et nette comme si elle était neuve. - Permettez... dit-elle en déposant le tissu sur les épaules de Miguel, pour en évaluer la taille. - Philibert était un peu plus large d'épaules que vous, mais elle vous fera parfaitement. Elle n'est pas blanche, mais elle a le mérite de ne pas être usée. C'est moi qui l'ai cousue.
Elle la plia en deux et la déposa sur la chaise voisine. Une fois encore, un geste totalement anodin pour la fermière, mais qui, elle le savait, pouvait représenter beaucoup, pour une personne qui n'avait plus rien si ce n'est sa vie. Trop, peut-être. Mathilde fronça les sourcils, espérant qu'il n'y verrait pas une invitation à... elle chassa immédiatement cette idée de son esprit. Elle attrapa un bol pour y servir une généreuse louche de ragoût, auquel elle ajouta la tranche de pain découpée plus tôt. Voilà qui détournerait la conversation, un temps durant.
- Je ne suis pas vraiment seule. Il y a les oiseaux qui annoncent le printemps, les renards qui tentent de s'aventurer dans mon poulailler, et ma grosse jument qui a dû vous sentir arriver et qui n'a pas cru bon de m'avertir. Et puis il y a du passage. Arthur, mon apprenti, et les miliciens, qui jettent un oeil attentif à ma ferme lorsqu'ils passent. Je savoure la solitude. Comme vous savourerez ce repas, je l'espère. Elle déposa le bol sur la table et l'invita, d'un geste, à s'y asseoir, faisant ensuite glisser une cuillère de métal jusqu'au récipient. Tandis qu'il se déplaçait de la chaise berçante à la table, elle remonta la casserole au crochet le plus haut de la crémaillère. Qu'allait-elle faire ensuite, lorsqu'il aurait terminé? Comment étirer le temps, et faire en sorte qu'il s'endorme sans penser à autre chose qu'à ce délicieux ragoût? Son coeur accéléra légèrement dans sa poitrine.
- La sale bête, c'était un fangeux? Un temps idéal pour les croiser, pas vrai? Elle s'installa à table, face à lui, lissant son tablier du plat des mains avant de ramener ses pieds sous ses cuisses et de s'accouder à la table, comme une jeune enfant prête à écouter une histoire. - Que faisiez-vous donc dans les parages?
Et dire qu'elle n'avait même pas d'alcool pour le saouler... |
| | | MiguelBanni
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Jeu 6 Juin 2019 - 15:48 | | | Je regardais avec une certaine jubilation l'âtre du feu. Je n'avais pas eu le luxe d'avoir un toit au dessus de ma tête et la chaleur agréable d'une cheminée pour en baigner l'atmosphère depuis bien longtemps. En prime, le ragoût que faisait mijoter la demoiselle avait un fumet délicieux, me faisant saliver d'appétit. Les vrais repas, au village des bannis, on pouvait s'asseoir dessus. Outre les maigres portions auxquelles chacun avait le droit, on ne mangeait que des restes, de manière déséquilibrée et peu harmonieuse. Au fil du temps, le souvenir d'un vrai bon soupé s'était estompé et je regrettai de n'avoir pas davantage encore profité des mets soigneusement préparés par les domestiques, lorsque j'en avais encore à ma disposition. De plus, la fermière se montrait être une hôte remarquable et une compagne agréable pour cette morne soirée de la fin de l'hiver. Pour sûr que des envies avaient instantanément germées en moi. Quel homme si longtemps tenu à l'écart des délices charnels auraient pu résister au charme de la belle brune qui s'affairait alors à contenter son invité? J'avais pour sur eu l'occasion de croiser quelques femmes durant cette année. Essentiellement des bannies, ceci dit. Les femmes marquées s'offraient parfois en échange d'une ration de victuailles de plus, d'un peu d'alcool ou d'une promesse de protections. Quelques une, plus délurées, cherchaient simplement à tromper leur solitude. Mais l'on se lassait vite de ses femmes sans pudeur, qui se vendaient au plus offrant. J'avais été un séducteur, et le jeu de l'amour me manquait terriblement. Je préférais faire face à une demoiselle brûlante de désir à mon égard, que de devoir purement et simplement m'offrir ses services pour un temps. Les femmes avaient toujours eu une grande place dans ma vie... Leur corps avaient toujours été ma plus grande drogue, loin devant l'alcool, les herbes à fumer, la nourriture ou les bagarres... C'était d'ailleurs cet appétit dévorant de chair qui m'avait conduit aux portes de Marbrume et m'avait gratifié d'une marque indélébile me privant à jamais du luxe de ma vie passée.
La fermière était mystérieuse quand à la venue d'autres bannis dans sa maison. Tout portait à croire que je n'étais pas le premier à lui rendre visite. Je levais à nouveau un sourcil étonné. Je n'avais jamais eu vent d'un gîte où les gens de mon genre étaient les bienvenus, dans la plus grande des discrétion. Je m'en étonnais guère cependant. Il était vrai que si j'avais jouit d'une grande popularité dans la cité, j'étais loin d'être aussi apprécié au village des marécages. Il fallait dire qu'on y avait pas une grande sympathie pour les anciens nobles, qu'on jugeait frivoles, privilégiés et que trop peu débrouillards - à juste titre, ceci dit -. Et même si j'avais fait mes preuves et mon petit bonhomme de chemin durant l'année écoulée en leur compagnie, il était vrai que je demeurait ce vilain petit canard avec qui l'on ne voulait pas copiner, et on ne me donnait que très peu d'informations et bons tuyaux que j'aurais pourtant bien aimé savoir... Quoi qu'il en soit, j'étais là et bien déterminé à profiter de ce bref séjour imprévu au près de la charmante Mathilde, qui ne semblait décidément pas avoir froid aux yeux.
La sourire de la demoiselle lorsque j'évoquais la fin de ma lignée n'était pas bien difficile à déchiffrer. Je lui répondais à mon tout d'un sourire et d'un regard quelque peu malicieux. Il n'était pas improbable - il aurait même été surprenant du contraire - que je sois le père de quelques bâtards au sein de la cité. J'avais eu tant et tant de conquêtes, si bien chez les filles de joies, que celles du peuples, sans oublier quelques chanceuses parmis mes confrères Sang-Bleu... Mais je n'étais au courant de rien et je m'en fichai pas mal à dire vrai. J'avais longtemps imaginé que mes parents finiraient par me forcer à prendre femme, choisissant pour moi une jeune et jolie noble qui viendrait réhausser le nom et le grade de ma famille. Mais je savais dors et déjà que qui que fut cette demoiselle, sa seule compagnie serait bien loin de me rassasié. Ceci dit, je me serais montré courtois envers elle, et j'aurai sans doute assumé notre descendance, même si en soit, je n'avais que faire des enfants, qu'ils soient de moi ou non. En revanche, me préoccuper d'un marmot sortie des entrailles d'une catin n'aurait jamais été dans mes plans. Si j'étais son géniteur, jamais je n'aurai accepter d'en être le père. Le jolie Mathilde était une futée. Elle semblait également audacieuse. J'admirai ce genre de caractère peu commun chez les femmes, d'autant plus celles du peuple et dans les contrées paysannes. Elle m'intriguait, et je risquais à une question plus personnelle, demeurant souriant pour lui rester agréable :
- Et vous, Madame Dumas? N'avez vous pas donner de beaux enfants à votre défunt mari?
Je m'attendais bien alors à recevoir une réponse négative de sa part. Ce que je voyais de la maison me laissait entendre qu'il n'y avait pas eu de bambins ici. C'était fort heureux, bien qu'un peu surprenant. La fermière était encore jeune, en bonnes conditions pour l'enfantement. Son mari l'avait il quitté depuis longtemps? Ou moins probable, aurait il fait la fine bouche, malgré la beauté de sa femme? Je lui faisais un petit signe de tête reconnaissant lorsqu'elle évoqua la possibilité de s'enquêrir du bien portant de mes chers parents.
- Je vous remercie de cette aimable intention, Madame. Mais je crains ne pas être plus intéressé de leur sort qu'ils ne le sont du mien. Nous n'avons jamais été très proches et il semblerait que mon exclusion définitive de Marbrume n'ait rien arrangé à nos relations.
Je souriais. Je n'avais aucune raison de me sentir désolé de ce lien sans passion qui m'avait uni à mes parents. C'était en majeur partie ma faute si tout ne s'était pas bien passé entre nous. Je n'étais pas le digne héritier qu'ils auraient aimé avoir, tout occupé que j'avais été à m'amuser et à me complaire dans ma débauche. Il n'y avait pas grand chose pour me chagriner en ce monde... Du moins, rien ne me vint en tête.
En revanche, sa proposition de revenir lui rendre visite ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd. Mon visage dû trahir un peu de ma surprise sur le coup, mais l'expression se muta bien vite en une sorte de joie mystérieuse. Eh bien alors, elle se sentait seule la petite fermière? Lui avais je tapé dans l'oeil? C'était bien sûr immédiatement ce que je mettais figuré, et je lui souriais d'un air amusé et charmeur. Je la regardais tester la température de son met qu'elle avait pioché à la cuillère dans sa marmite. Qu'elle était mignonne, ainsi faisant, en soufflant dessus, en effleurant la surface de son plat... J'approchais les lèvres de la cuillère en bois qu'elle me tendait, goûtant à petite bouchée le ragoût exquis qu'elle avait concoqueté. La vérité, c'était qu'il me sembla brûlant au premier abord, et je faisais une petite grimace au premier contact. Je n'avais décidément plus l'habitude de manger des plats chauds... Mais j'y revenais volonté, humant le parfait délicieux du met qu'elle me présentait. Mes papilles furent ravi instantanément alors que je goûtais tout à fait à sa cuisine et j'exprimais mon contentement avec un souffle de plaisir.
- Hmm... Mais c'est tout à fait divin, vous avez raison ! Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas goûté à quelques choses d'aussi bon ! Je vous donne mon compliment, vous êtes une cuisinière hors paire ! Il est vrai qu'après avoir eu droit à pareil met, je ne peux que vous promettre de repasser dès que j'en aurais l'occasion ! Vous m'avez convaincue, Mathilde...
... Il n'y avait pas que la cuisine qui était délicieuse dans la chaumière et qui me pousserait sans aucun doute à revenir y trouver le gîte... Mais je me gardais bien de le lui dire. Courtoisie obligeait ! Même si je ne pouvais réprimé un regard en disant long sur mes envies... Je l'écoutais poliment m'expliquer ce qu'il advenait de sa vie solitaire. Il était vrai que Marbrume n'était plus la cité florissante que j'avais connu dans ma jeunesse. Trop de monde s'y était entassé depuis l'arrivée de la Fange, et certaines rues étaient devenu presque aussi dangereuses que l'extérieur depuis que la disette avait frapper les campagnes alentours. Mais je gardais tant et tant de merveilleux souvenirs de débauches, de fêtes endiablées, et de femmes aux jupons colorées de ces temps révolus que je ne pouvais qu'aimé la cité à son juste titre, la regrettée de tout mon coeur. La vie dehors était loin d'être aussi joyeuse et sécurisante. On ne trouvait de bonheur que par petites miettes, là où la ville offrait un buffet ouvert et à volonté. Pourtant, je comprenais son point de vue. Je me faisais malgré tout une remarque que je lui adressais alors :
- Il est tout de même dommage de voir une si belle dame demeurée seule. C'est un beau gâchis, si vous voulez mon avis. Beaucoup d'hommes seraient sans doute ravi de pouvoir vous prendre pour femme... Et vous ne craindriez plus de ne pas voir un autre jour se lever, en ville, ou avec une présence masculine pour vous gardez à l'abris.
Oui, j'avais une vision parfaitement machiste du monde. Les femmes n'étaient elles pas là pour contenter les hommes et engendrer une descendance? Et puis... Elles étaient bien faibles, face au danger, chétives, inoffensives... Pour survivre, elles avaient besoin de nous, le sexe fort. Ce n'était que justice, au fond, qu'elles se donnent à nous corps et âme. Je m'appliquais pourtant à ne pas la froisser. Les femmes, de nos jours, n'aiment pas s'entendre dire qu'elles ne sont rien sans nous. Elles sont si fières... Et un peu idiotes, sans doute.
- Mais ne croyez pas que je ne comprends pas votre point de vue. Vous avez une bien belle ferme, et ces terres sont à juste titre votre. Il est courageux de vous en occuper toute seule, surtout par ces temps durs et froids que nous connaissons pour l'heure. Et je dois dire que je suis tout particulièrement ravie que vous ne vous soyez pas cloîtrée dans les murs de Marbrume, sans quoi je n'aurais pas eu le loisir de trouver un abris pour cette nuit, ni jouir d'un repas si alléchant. Mais surtout... Je n'aurais pas eu le bonheur de faire votre connaissance, Madame...
Je lui souriais d'un air charmeur. Je savais encore y faire, avec les demoiselles. Je me prêtais à mon jeu avec galanterie, gardant respectueusement mon regard gris dans les prunelles brunes de mon hôtesse.
Elle partit dans une pièce sombre dont la porte se trouvait située contre la cheminée. J'étais un peu curieux de savoir ce que contenait cette mystérieuse pièce et ce qu'elle était aller y faire. J'eu vite la réponse, car lorsqu'elle revint, elle tenait une chemise en lin propre et qui semblait ne jamais avoir été portée. Obéissant, je la laissais la tester sur moi, me tenant droit, poitrail en avant, fier comme un coq au milieu de la basse-cours. Je la questionnais du regard. Elle me donna ma réponse presque immédiatement. Quelle générosité ! J'en restais sans voix. Elle me connaissait à peine, et elle savait que j'étais sans nul doute un homme dangereux (un noble banni est rarement un simple petit filou, car on nous passe la plupart de nos caprices), pourtant, non contente de m'offrir un toit, un lit et un dîner, elle m'offrait un vêtement propre et en bon état, qu'elle avait fait de ses propres mains. Je dois avoué que sur ce coup, j'étais totalement mouché, si bien que mes yeux durent trahir une certaine forme d'affection à l'égard de la jolie fermière. Elle était douce, et gentille. C'était plaisant, et ça ne me laissait pas indifférent. Du tout... Mais à la fois... Je me demandais qu'elle genre de petits cadeaux elle me réservait encore... Je la remerciais, d'une voix franchement reconnaissante.
Alors qu'elle se détournait rapidement de moi, je la regardais s'éloigner et aller dresser le couvert. Comme elle me tournait le dos, je me laissais tenter à détailler les courbes de son corps avec un plaisir certain. Par les Trois, qu'elle était mignonne, cette fermière ! Je retirais ma propre chemise sale et usée, dévoilant mon torse musclé (sans excès, malheureusement, je restais d'une carrure fine, loin de la gonflette). Si je n'étais pas peu fière de mon corps, je devais avoué qu'il était devenu nettement moins plaisant à voir, depuis que l'hiver avait commencé. Mon ventre, c'était creusé, et on devinait aisément mes côtes. La faim avait laissé sa trace, et autre les muscles de ma survie, on voyait bien que j'avais beaucoup perdu de poids, ces derniers temps. Je me tenais pourtant fièrement droit, en posture viril, au cas où la donzelle eut l'envie d'y jeter un petit coup d'oeil. Puis j'enfilais la chemise de lin qu'elle m'avait si généreusement donner avant de la retrouver à table.
Il faisait plus frais et plus sombre, mais je ne jouais pas les difficiles. J'étais affamé et l'avant-goût que j'avais eu plus tôt avait achevé de m'ouvrir l'appétit. Je ne me faisais pas prié et n'attendit pas longtemps avant de me saisir de ma cuillère et de manger une première quantité de nourriture. Je soupirais de soulagement et de contentement, fermant un bref instant pour savouré ce délice tant attendu. Je me sentais aussi bien heureux de pouvoir avalé quelques choses que ravi de la qualité de mon plat.
- Fabuleux...
Lachais-je, à mi-voix. Je réouvris les yeux pourtant lorsque la belle brunette recommença à me faire la conversation. J'avalais une autre cuillerée de ragoût avant de lui répondre, lui adressant à nouveau un sourire qui semblait réellement joyeux.
- Oui, vous avez vu juste. J'étais parti chassé. Je sais que ce n'était pas très prudent, mais à dire vrai je mourrais vraiment de faim. Cela faisait plusieurs jours que je n'avais pas mangé. Un autre inconvénient à ma situation... Et lorsque j'ai voulu revenir, bredouille - je pense que les animaux aussi avait flairés le danger -, le chemin était bloqué par un de ses satanés fangeux. Comme je ne suis pas fou, ni suicidaire, j'ai préféré rebrousser chemin et mettre de la distance entre ce monstre et moi. Et c'est là que je suis tombée sur votre charmante chaumière... Et sur vous.
J'entre-coupais mon discours pour manger. L'appétit vient en mangeant, dit on. Eh bien, il me semblait que je crevais un peu plus la faim à chaque bouchées que je savourais pourtant, prenant soin de bien profiter de chacune des portions qu'il m'était donné de manger. Je me fis malgré tout la réflexion qu'il était bien dommage que ce bon repas ne fut pas accompagné d'une bonne coupe de vin... |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Ven 7 Juin 2019 - 4:52 | | | Mathilde n'avait pas répondu immédiatement aux constats affligeants de Miguel au sujet de sa situation. Évidemment, sa solitude trahissait un mariage infécond et un désintérêt profond pour une autre union, même si cela devait arriver un jour ou l'autre, ne serait-ce que pour ne pas passer pour une femme de mauvaise vie. Sa réputation était la seule chose sur laquelle elle pouvait s'appuyer lorsque venait le temps de conclure un accord commercial. Si, tout à coup, on se méfiait d'elle, elle perdrait tout. Une femme, seule, était nécessairement une femme de mauvaise vie, au bout d'un moment. Néanmoins, son veuvage était encore relativement récent, et elle ne ressentait pas la pression de devoir remettre ses biens et sa vie entre les mains d'un mari peu désiré, au final.
Miguel semblait être un solitaire, sans attaches. Ses parents ne l'intéressaient pas. Il avait choisi ce mot, intérêt, comme tous les autres, avec soin. Il laissait sous-entendre qu'il les avait déçus, autrefois. Probablement à plusieurs reprises. Probablement depuis toujours ou presque. Durant quelques secondes, elle se sentit triste pour le petit garçon qui avait peut-être grandi sans amour, puis elle se dit qu'elle avait beaucoup trop d'imagination et qu'il ne fallait pas s'apitoyer sur son sort. Après tout, il portait la marque des bannis, et ce n'était pas n'importe qui qui en avait écopé. Elle regarda ce visage, visiblement aimable. Il n'avait pas saisi l'occasion de parler d'une autre personne qui aurait pu avoir une importance quelconque à ses yeux. Aucune attache... Parce qu'incapable de s'attacher à qui que ce soit si ce n'est à lui-même. Elle eut envie de pleurer à cette idée, craignant de finir égorgée dans le silence de la nuit, mais elle ravala son émotion et garda, en apparence seulement, contenance.
Mathilde trouva un certain réconfort dans les expressions de surprise qu'elle réussissait à capter sur le visage angélique de Miguel. Elle réussissait, un peu involontairement certes, à le décontenancer. Le traiter correctement, comme elle le faisait avec n'importe qui, était pour le moment la meilleure chose qu'elle pouvait faire. Mais après? Après le repas, que ferait-elle? Que demanderait-il? La petite boule d'angoisse se fraya un chemin vers sa nuque, qui se raidit légèrement, lui procurant une sensation très désagréable tandis qu'il commençait à manger, et qu'il lui promettait de revenir. Quelle horreur!
Pourtant il était courtois, bel homme, agréable. Mais elle ne pouvait s'empêcher de le trouver trop gentil, trop aimable, trop poli. Elle avait vu les regards francs, les sourires presque malsains. Elle avait entendu les modulations de sa voix, et elle avait saisit les mots sur lesquels il avait, peut-être volontairement, appuyé. Elle ne s'était pas retournée, lorsqu'il avait changé de chemise, pour ne pas lui laisser croire que sa nudité, même partielle, l'attirait. Mais elle l'avait imaginé, un peu plus maigre que la normale, le ventre légèrement creusé, les muscles presque aussi bien dessinés que son défunt mari. Ne lui tourne pas trop le dos avait-elle songé, avant de finalement lui faire face à nouveau.
Il mangeait, et parlait, entre deux bouchées. Voilà qui étirait quelque peu le temps du repas. Gagner du temps. Elle se leva pour mettre de l'eau à chauffer. Avait-elle des plantes capables d'assommer un cheval? Si seulement... Elle aurait pu concocter une tisane qui lui aurait offert la tranquillité absolue. Pourquoi n'avait-elle pas poussé sa curiosité au sujet des plantes, pour en connaitre les secrets?
- Sur moi, et ma douce solitude. Sans homme pour me garder en sécurité. Elle sourit. Que c'était ironique. Pensait-il réellement qu'un homme la protégerait de la Fange? Philibert avait échoué, d'une certaine façon. Si mes prétendants sont nombreux, je n'ai pas la chance de les voir se bousculer à ma porte. Sans doute parce qu'il est de notoriété publique que la veuve Dumas ne prendra pas pour époux le premier venu. Ne vous détrompez pas, messire, je ne méprise pas les hommes, seulement l'appât du gain qui pousse au mariage. En m'épousant, mon mari prendrait le contrôle de ma ferme et de ma vie. Or... son sourire s'étira un peu plus, tandis qu'elle couvrait la casserole d'eau -... je crois que tout est une question d'équilibre. L'homme et la femme se complètent, pour former un tout. Vos joues, légèrement creusées, trahissent l'absence d'une femme qui se préoccupe de vous remplir l'estomac, ou de prendre soin de votre chemise. Ou de votre barbe. Mes verrous, mon arc toujours prêt, et mon épaule douloureuse sont autant de témoins de l'absence de la force d'un homme dans cette maison. L'un ne va pas sans l'autre. Je peux partager cette ferme, mais pas la céder entièrement. Jamais.
Il avait bon appétit. Peut-être pourrait-elle le gaver, jusqu'à ce que sa panse éclate et que ses entrailles explosent dans son ventre. Il y avait une torture qui consistait à faire boire le supplicié qui finissait parfois par en mourir. Peut-être que ça pourrait fonctionner avec de la nourriture.
- Et puis j'ai déjà eu un mariage de convenance, un autre ne m'intéresse pas. Je préfère encore vieillir seule et continuer de m'arranger avec la milice et des aides d'Usson pour faire tourner la ferme. Jusqu'ici, ça fonctionne. Fonctionnait. Elle ôta la casserole du feu et en versa le contenu dans deux godets, après y avoir jeté une poignée d'herbes.
Comptez-vous vous comporter en gentilhomme jusqu'au petit matin, Miguel?
Debout, face à lui, les mains sur les hanches, la question lui avait échappé. Pouvait-elle rattraper le coup? Certainement pas. Elle devait assumer, quitte à devoir le tuer pour sauver sa vie, et sa vertu. |
| | | MiguelBanni
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Dim 23 Juin 2019 - 21:54 | | | Le silence de la jeune femme à ma remarque m'en disait long sur le dénouement de son précédent mariage. Mais à vrai dire, il ne faisait que soulever de nouvelles questions... L'un d'eux se trouvait il dans l'incapacité de procréer? Leur mariage avait il duré trop peu longtemps pour engendrer des enfants? La malheureuse avait elle vécu des fausses-couches ou avait elle perdu des enfants en bas âge? Ou peut être que Monsieur n'avait pas su y faire... Peut être faisait il partit de ces hommes incompétents dans le domaine... Ou encore était ce un mariage arrangé, sans réel désir d'aller au delà de la simple transaction... Cette dernière possibilité me semblait peu plausible... Quel homme se suffirait d'être seulement marié à une si jolie femme que Mathilde, sans chercher à en consommer la totalité? Ca n'aurait pas été mon cas, à moi. Avec ou sans mariage, la fermière était fort attirante...
Tandis que je mangeais le succulent ragoût que m'avait si généreusement servit la jolie demoiselle, je l'écoutais attentivement me parler de la vision qu'elle avait de son futur marital. La jeune femme semblait relativement exigeante, ce que je pouvais tout à fait comprendre. Loin d'elle l'idée de se contenter d'un arrangement, dans lequel elle serait sans nul doute perdante. Elle ne me parla pas d'amour ni de beaux sentiments, seulement du désir qu'elle avait de rester forte et indépendante. Je lui souriais en réponse. Si je trouvais ça extrêmement courageux de sa part de vouloir assumer sa ferme à la manière d'un homme, je demeurai persuadé que la place d'une femme était loin de se faire à l'égal de l'homme. Nous étions plus fort, plus endurant, et pour la plupart - la mienne, en tout cas - plus intelligent que la gente féminine. Je ne doutais pourtant pas que la jeune femme soit en mesure de faire la plupart des travaux de sa ferme seule. Mais il est vrai qu'il me paraissait dommage que sa beauté ne profite à personne... Je n'aurais su que répondre à ses convictions sans la vexer de mon machisme. Je préfèrais qu'elle me voit en convive agréable et me retint donc de lui livrer le fond de ma pensé, demeurant souriant, mes yeux gris rivés sur elle alors que je dégustais mon plat avec plus d'appétit que la fermière. Je serais bientôt au bout de mon assiette.
Mathilde me surprit une fois de plus, me prenant pour exemple pour illustrer ses propos. Je n'avais pas eu besoin d'évoquer mon point de vue qu'elle semblait le rejoindre. Selon elle, une femme dans ma vie m'aurait été utile pour me procurer un vrai repas, pour avoir des vêtements en bon état et soigner mon allure. Quant à elle, elle avouait sans détour ne pas avoir les mêmes conditions physiques qu'un homme et que cela lui manquait cruellement pour certaines tâches. Mon sourire s'élargit un peu plus alors qu'un léger ricanement s'échappaient de mes lèvres.
- Que vous êtes amusante, Mathilde ! Et aimable, qui plus est ! Personne ne c'était plus soucié de moi de la sorte depuis longtemps déjà. Je ne peux que vous rejoindre sur ces points. Malheureusement, il me serait difficile de prendre une épouse aujourd'hui... Vous savez, c'est à cause de...
Je désignais d'un petit geste de tête mon propre bras, sans pour autant perdre mon sourire. L'impossibilité de me lancer moi-même dans un mariage ne m'avait jamais semblé être un problème et je ne me sentais pas chagriné pour cela. Je ne m'étais jamais considéré comme l'homme d'une seule femme... Et puis, je n'avais jamais rencontré de donzelle ayant pu éveiller en moi une quelconque forme de passion ou de sentiment. Je ressentais des attirances, plus ou moins fort, l'exitation d'une traque et d'un jeu, mais l'amour ne m'avait encore jamais frappé. J'étais tenté de penser que c'était une chose qui me serait à jamais étrangère... Mais que savais-je de l'avenir, après tout? Ce futur semblait de toute façon compromis. J'avais perdu toute ma richesse et mon statut. Je vivais à l'écart des remparts de la ville, fuit comme la peste, survivant en demeurant piégé entre la Fange et la guillotine. Les femmes se faisaient rares à l'extérieur. Celles prêtes à s'aventurer auprès d'un banni plus encore. A part les quelques rares femmes exilées qui se concentraient dans le village de fortune des marécages, les miliciennes et fermières étaient bien les seules à s'oser au dehors. Et Mathilde était bien la première à m'ouvrir sa porte malgré ma situation et mon statut inquiétant. Qui vivra verra, comme on dit. Mais le mariage, dans tout les cas, me resterait interdit. Et je n'avais pas matière à me plaindre pour cela.
- Il serait dommage que vous demeuriez à jamais seule, en ayant pour seule visite que la main-d'oeuvre de la milice et de quelques volontaires d'Usson, venu vous aider dans vos tâches... Un beau matin, vous allez vous réveiller avec le regret de n'avoir personne avec qui partager votre couche, votre repas, votre vie... Et il sera peut être trop tard alors.
Je plongeai mes yeux dans les siens, dans la volonté d'essayer de la toucher, de l'attendrir, et peut être même de la charmer. Je parlais calmement et j'avais cesser de manger pour me concentrer sur chacun de mes mots. Ce n'était pas au mariage que je voulais l'inciter... Mais plutôt à trouver quelqu'un qui puisse lui donner satisfaction, sans rien avoir à lui voler... Quelqu'un qui n'exigerait rien de plus d'elle qu'un peu de délice charnelle, quitte à l'aider un court temps dans ses travaux de labeur... Moi, par exemple !
- Comprennez moi bien, j'entends vos inquiétudes, Mathilde. Je dis seulement qu'il faut parfois trouver des compromis dans nos attentes.
J'étais assez satisfait de mes petites perches tendues. Mais la jolie brune se laisserait elle attrapée dans mes filets? Il semblerait que non...
Je fus si surpris de la dernière question de Mathilde que je m'étouffais avec ma dernière cuillèrée de ragoût. Je lachais mon ustensile sur la table, toussant et la regardant avec des yeux ronds d'étonnements. Quelle petite maligne, celle-ci... Elle me mettait vraiment au pied du mur. Je prenais dans la hâte une gorgée de l'infusion qu'elle venait de déposer devant moi. Je me brûlais au passage, toussant un peu plus et gesticulant un peu plus sous ce nouveau choc. Je balbutiais d'une voix qui se voulait innocente...
- Je... Je suis désolé... Je ne vois pas... Mais vraiment pas... De quoi vous voulez...
Je me taisais soudain. Ma voix n'avait pas le convainquant auquel j'étais coutumier. Au fond de moi, je savais que ce genre de stratagème n'attraperait pas la belle fermière qui me faisait face. De plus, sa posture et son regard insistant – bien que peu hostile, toujours aimable – me confirmaient bien qu'elle était déterminée à avoir une réponse honnête de ma part. Et que je devrais m'y tenir, en plus de cela. Je me figeais et baissais les yeux dans un léger soupir agassé. Maligne, peut être même trop... Elle m'impressionnait un peu et j'avais une forme de respect pour cette femme forte et courageuse qu'elle incarnait. Elle n'avait pas froid aux yeux, de m'attaquer ainsi de front et sans détour. Cela valait bien que je me montre poli et que je m'en tienne à ce qu'on m'offrait.
- Bien, Mademoiselle. Si c'est ce que vous voulez... Je me comporterai en gentilhomme jusqu'à mon départ.
Je raclais les restants de mon assiette avec le doigt, pour ne pas en perdre une miette. Ce n'étais pas tant que j'avais toujours faim, seulement que le repas était exquis et que j'étais chagriné à l'idée de ne pas en goûter de pareil avant des lustres et des lustres – peut être même jamais-. Et puis c'était une forme de réconfort, de lot de consolation... Si je n'assouvissais pas mes envies viriles, au moins me serais je délecté du ragoût de la fermière... Je devais avoir un petit air boudeur pendant quelques secondes, et j'eu bien du mal à me reprendre. Je sirotais un peu de ma tisane avant de relever les yeux vers mon interlocutrice. Je me risquais à noveau à un sourire pour lui paraître au moins aimable et honnête.
- Etes vous rassurée, maintenant, Mathilde? Je ne vous ferai aucun mal, tant que vous ne tentez pas de me jouer un mauvais tour. J'espère d'ailleur que ce n'est pas dans vos intentions. Je serais attristé que nous nous quittions en une mauvaise entente au petit matin.
Je prenais un peu plus de ma boisson qui achevait de me réchauffer. Je ne trouvais rien de bien particulier à ce breuvage, si ce n'était qu'il venait bien achever ce bon repas.
- Je vous remercie pour cette infusion. Vous êtes incontestablement une bonne maîtresse de maison et une hôtesse d'exception.
Je lui adressai un nouveau sourire, moins boudeur, plus gentil. Après tout, n'étais je pas déjà chanceux dans cette situation? J'échapais à la mort et l'on m'offrait un toit, un repas et une chemise neuve pour la nuit. Ce n'était franchement pas si mal. Bon, et puis, il fallait avouer que je ne perdais pas tout à fait l'espoir... La fermière changerait peut être d'avis... |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Ven 28 Juin 2019 - 1:35 | | | - Si je suis rassurée? Pas vraiment, pour être honnête. Mais je ne chercherai pas à me débarrasser de vous. J'estime, peut-être à tort, que chaque être humain a le droit de connaître un moment de repos, en ces temps mouvementés. C'est ce que j'offre, ici, dans la mesure de mes modestes moyens, tant que mon invité me respecte et respecte ces lieux.
Mathilde saisit un linge propre et le tendit à Miguel afin qu'il essuie les gouttes d'infusions qui coulaient depuis la commissure de ses lèvres. Elle se réinstalla à table, toujours sur ses gardes. Le contact dur de la dague contre sa taille avait quelque chose de rassurant.
- Pour le moment, il se trouve que les Trois m'envoient régulièrement quelqu'un avec qui partager un bon repas. Vous êtes là, pas vrai? Et vous le savez, vous n'êtes pas le premier. Quant aux compromis, qui vous dit que je ne les ai pas trouvés? Elle lui offrit le même sourire qu'il lui servait à chacune de ses perches, un sourire léger, énigmatique, juste assez étiré que pour creuser légèrement sa fossette, doublé d'un regard où se lisait un certain sérieux. Elle poursuivit. Je ne ressens pas le besoin viscéral de sauter sur le premier venu, pas plus que je n'espère me faire promettre monts et merveilles en échange d'une nuit. J'ai le luxe de pouvoir choisir, sans avoir à me hâter, parce que je sais que les occasions de ... compromis, comme vous dites, se présenteront encore. A chacun des avantages.
La marque qu'il portait le rendait inéligible au mariage, lequel aurait été de toute façon arrangé avec une parfaite inconnue, compte tenu du rang qu'il avait avant son bannissement. En contrepartie, il avait tout le loisir de profiter de la chair, bien que cela soit un péché aux yeux des Trois, dès que l'occasion s'en présentait. Mathilde, elle, pouvait prendre son temps pour choisir, en sachant que les occasions ne manqueraient pas. Néanmoins, son veuvage s'achèverait à l'automne, il lui faudrait alors sans doute prendre époux et perdre toute chance d'assouvir ses sens. Mais l'automne était encore loin... Elle regarda son indésirable invité essuyer ses lèvres avec soin.
- Je suis désolée de vous avoir pris au dépourvu et que vous vous soyez brûlé avec l'infusion.
C'était sincère. La situation la terrorisait, elle savait qu'il n'avait rien d'un innocent visiteur et que son intérêt portait bien au-delà d'un simple repas et d'une paillasse confortable. Pourtant, elle ne pouvait pas s'empêcher, malgré la menace, de le traiter comme n'importe quel visiteur, avec une certaine bienveillance et un souci de bien l'accueillir, dans les limites de l'acceptable.
- En voudriez-vous encore? demanda-t-elle en désignant l'assiette, vide et nettoyée. Je sais que vos conditions de vie ne vous permettent pas vraiment d'aspirer à ce genre de repas. Je suis désolée, à part des galettes d'avoine je n'ai pas de dessert à vous proposer.
Ce qui était bien dommage, parce qu'une fois le repas fini, il fallait meubler la discussion pour arriver au moment du coucher. Mathilde se dit qu'elle pourrait le laisser dans la pièce voisine de la cuisine, et monter à l'étage où, sans échelle, il ne pourrait la rejoindre. Son autre option était de courir à la grange où, là aussi, elle trouverait un refuge en sécurité jusqu'au lever du soleil. Elle effleura sa dague, pour se rassurer. La situation était réellement tendue, et elle ne savait pas si elle pouvait se fier à sa parole. Elle en doutait sérieusement.
Elle se leva pour le débarrasser, en prenant garde de ne même pas l'effleurer, pour ne pas lui donner le moindre espoir, la moindre occasion sur laquelle sauter.
- La vie doit être compliquée dans votre situation, n'est-ce pas? Avez-vous au moins l'un ou l'autre endroit où vous reposer? Quelque part où vous pouvez vous débarbouiller, retrouver un semblant de sécurité pour quelques heures?
Elle lui tourna le dos, le temps de remplir une bassine d'eau pour y laver l'assiette et la cuillère avant de les sécher à même son tablier, puis les rangea. Elle revint à la table pour y prendre son infusion, maintenant refroidie, mais resta debout. Le repas était fini. Et maintenant? Merde. |
| | | MiguelBanni
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Lun 8 Juil 2019 - 14:33 | | | - MJ:
1 ~> Miguel se blesse. 2 ~> On entend le cheval s'agiter étrangement dans la grange. 3 ~> Des bruits de pas se font entendre, non loin de la maison... (Des voleurs?) 4 ~> On frappe à la porte. 5 ~> Une fuite se déclare au niveau du toit, en même temps qu'un orage. 6 ~> Un fangeux approche.
MJ ~> 2. (Eh merde...) Le moins que l'on pouvait dire sur mon hôtesse, c'était qu'elle ne se laissait pas démonter facilement. Elle ne parrut ni énervée, ni contrariée, ni même déroutée par l'honnêteté de ma réponse et continua avec le même degré de franchise qui me poussa à lui lancer un regard des plus étonnés. Décidément, cette femme avait du caractère. Et ce n'était pas pour me déplaire. J'attrapais doucement le linde qu'elle me tendait. Sans doute avais je un peu de boisson ou des restants de nourriture coincés dans ma barbe mal entretenue. Heureusement pour moi, elle ne poussait pas à l'outrance, mais elle aurait sans aucun doute pu être un meilleur atout vers ces dames si elle avait été un minimum soignée. Mais vous comprendrez bien qu'au dehors, coincé dans un village d'assassins, de voleurs et d'autres criminels rejetés, le luxe d'être coquet ne m'était pas vraiment accordé... Ni même primordial. Je tamponais donc mon menton en essayant de me rendre un peu plus présentable. Je grommelais un "merci" d'un air un peu boudeur.
Bien vite, la demoiselle atisa un peu plus ma curiosité. Ses mots et son sourire énigmatique me firent fronçer les sourcils, comme si cela me permettrait de mieux lire dans les songes de la jeune femme qui me faisait la conversation et s'amusait à me faire languir avec bien du talent. Qu'elle était mignonne, en faisant sa maligne... Et qu'elle était cruelle, de l'être vraiment ! Elle se refusait à laisser des pistes, me contraignant à me montrer ouvertement curieux.- Auriez vous donc déjà quelques candidats en tête? Allons, Mathilde, vous ne pouvez pas me donner que des semblants d'informations ! Me voilà que trop piqué par vos dires et votre petit air...J'avais retrouvé un semblant de bonne humeur, chassant mon appétit charnel pour laisser croître ma simple curiosité à l'égard de cette femme peu banale.- Et cette compagnie que les Trois vous enverrait pour votre souper... Serait elle du même type que moi? Qui vous a donc déjà rendu visite? C'est elle montré aussi charmante que ma personne à votre égard?Oh, oui... Je n'étais pas le dernier en terme de vantardise... J'avais une très haute estime de moi-même, et pensais sincérement que ma compagnie était la plus agréable qu'une femme puisse avoir. C'était donc tout naturellement que, revenant au galop, je supposais que les autres bannis ne s'étaient pas conduit avec autant de tacte et de charme à l'égard de la bien jolie fermière qui se montrait patiente et attentionnée envers ses invités forcés. Mais j'avais une autre raison de demander cela. Je connaissais peut être les lascars qui étaient venu ici... Des informations de ce type pouvaient toujours s'avérer utiles. De plus, s'il s'agissait bien d'autres bannis et qu'ils avaient gardé l'information d'une maisonnée où on n'était pas chassé à coup de fourche, il serait intéressant d'en connaître les noms. Ces personnes seraient à coup sûr des égoïstes, des menteurs... Mieux valait garder un oeil sur eux.
Un léger sourire aussi charmant que charmeur éclairait mon visage, alors qu'elle s'excusait pour la soudainté de sa question passée, qui m'avait complétement destabilisé plus tôt, et qui à présent ne faisait qu'accroître l'intérêt que je portais à la brunette qu'elle était. Je faisais un petit geste de main, signifiant que ce n'était rien.- Je comprends vos inquiétudes, Mathilde. Et puis, il est parfois nécessaire de poser des limites.Et moi, les limites, j'avais toujours adoré les franchir... Ca rendait toujours les choses bien plus excitantes !
Reprenant sur le sujet du repas, je du prendre quelques secondes pour réfléchir. Il était vrai que je n'aurais sans doute plus l'occasion d'en manger de pareil avant longtemps... Ou de manger tout court avant un moment. Mais j'étais déjà repu, habitué au jeun désormais, et je trouvais peu raisonnable d'en reprendre une écuelle, sous peine de quoi je pourrais me retrouver malade, ou encore d'offusquée la maîtresse des lieux qui me trouveraient moins charmant et que trop morfal ! Je soupirais donc de contentement et adressais un sourire aimable à ma compagne de table.- Non, je vous remercie. C'était un pur délice, mais je pense avoir bien assez mangé et abusé de votre générosité, chère Madame. Encore une fois, merci et mes félicitations pour vos bons talents de cuisinière ! Je ne suis pas prêt d'oublié ce succulent souper.Elle se levait pour me débarasser et je la suivais du regard dans son mouvement. Lorsqu'elle me prit mon écuelle, je fut tenter de lui saisir le poignet et de l'attirer à moi, sur mes genoux, pour la remercier dignement de tout ses efforts pour me contenter et sa gentillesse que trop prouvée. Mais n'avais je pas promis, un peu plus tôt, de me comporter en gentilhomme ? La demoiselle s'en serait offusquée et ne se serait pas si aisément laissé faire. Or, ce n'était pas vraiment ce que je désirais, car elle était la première personne qui, en toutes connaissances de causes, c'était montrée humaine à mon égard, patiente et sympatique, et j'avais conscience que je lui devais bien plus que ce bon repas qu'elle m'avait servi. Je la laissais filer à sa vaisselle, non sans un regard envieux sur sa silhouette qui se mouvait jusqu'à la bassine, puis au vaisselier. Alors qu'elle s'attelait à ses tâches, je répondais poliement à ses questions, tâchant de contenir mes pulsions de mâle que sa vue provoquait chez moi.- La vie est devenue compliquée pour tout à chacun. Mais il est vrai qu'il n'est pas facile de vivre dans ma situation. Je n'ai pas été habitué à ce style de vie... La survie n'était pas quelque chose d'inné chez moi. Comme je vous l'ai dis, je suis issu de la noblesse. Je n'avais jamais manqué de nourriture ou de boisson, et les seules choses qui me préoccupaient à cette époque étaient les moyens que j'avais pour me divertir. Lorsque je me suis retrouvé au dehors... Ca n'a pas été facile de trouver des repères et d'apprendre les automatismes qu'il nous faut avoir pour survivre. Mais cela fait maintenant un an que je vis à l'extérieur et je crois m'en être plutôt bien sortie jusqu'ici. Sans quoi, je ne serais pas là pour partager cette douce soirée en votre compagnie.Je marquais une pause, la laissant revenir à table, sans pour autant d'y asseoir, avant de continuer sur le même ton, un léger sourire gravé sur mon visage. Je préférais éviter de parler du village des bannis... Sait on jamais, il était préférable de ne pas voir une compagnie de miliciens débarquée au petit jour pour régler son compte à toutes les raclures de mon espèce.- Je crains ne pas avoir ce luxe. Vous êtes bien la première à m'ouvrir votre porte et à vous montrer aimable avec moi. Le reste du temps, je fais seulement ce qu'il faut pour survivre, et je bouge beaucoup.Je finissais ma tisane d'une bonne gorgée en laissant un soupir de bien être m'échapper. Je plongeais mes yeux dans ceux de la belle qui me faisait face. Je me levais à mon tour, doucement, pour qu'elle ne prenne pas peur. Après un bon repas, on est souvent fatigué... Et je ne faisais pas exception à cela. Je paraissais un peu endormi, épuisé par cette journée des plus singulière. Mais je n'avais pas vraiment envie d'aller me couché... J'irais seulement si la fermière m'y conviait. Je contournai la table, puis mon hôtesse, et allait poser la tasse dans la bassine d'eau qu'elle avait quitté un instant plus tôt, puis je me tournais lentement vers la belle demoiselle. Mes yeux gris ne se détâchait pas de son joli minoi, et l'envie d'un peu de chaleur me gagnait à nouveau comme un mal dont on ne savait se défaire. Je m'approchais d'un pas, réduisant la distance nous séparant. Je lui souriais. Quel moyen allait elle encore trouvé pour rompre le silence? Pour se tenir à l'abris d'une de mes tentatives? Parce que je n'étais pas né de la dernière pluie... Je savais qu'elle rusait pour gagner du temps... Mais du temps pour quoi? Si elle n'avait pas voulu de ma compagnie, ne me l'aurait elle pas simplement signifiée? N'aurait elle pas simplement prétexté vouloir se coucher, et allez s'enfermer à double tour dans sa propre chambre? Dans mon esprit, son air intouchable n'était qu'une façade.. Elle refusait simplement de s'avouer être elle aussi tentée par un peu plus qu'une simple compagnie au diner...
Mais je n'eu l'occasion ni de parler ni de tenter quoi que ce soit. Dans le maigre silence qui s'était installé, un hénissement fort, paniqué et inquiétant s'éleva au dehors. Bien qu'il sembla éloigné et étouffé comme cloîtrer entre plusieurs murs, ce son long et strident me glaça le sang. C'était une alarme, un signe qu'un danger approchait... Que quelque chose n'allait pas comme il aurait dû en être. Je perdis aussitôt tout sourire, à présent inquiet par ce cris d'animal qui brisait la tranquillité des lieux. Je tournais le regard vers la fenêtre, cherchant à y voir l'origine du problème. Mais les volets étant fermés, ce n'était que nos propres reflets dans l'ombre du feu que je pus y contempler. Un nouvel hénissement... Comme de l'agitation. L'ambiance était lourde, pesante. Je tournais doucement le regard vers ma compagne, cherchant à lire sur son visage si celà était normal ou non. Mais je devinais que non... Je murmurais alors, sait-on jamais, tâchant de me rendre aussi prudent qu'il m'était donné de l'être.- C'est votre cheval qu'on entend? Où se trouve-t-il? Dans la grange?Je jetais un regard sur mon épée et ma dague laissées toutes deux vers l'entrée.- Voulez vous que j'aille y jeter un oeil?En vérité, je n'en avais aucune envie... L'idée de croiser un fangeux était aussi terrifiante et désagréable pour moi que pour tout le monde. Mais mieux valait encore savoir à quoi s'en tenir, ne pas rester dans l'incertitude... Et puis, si c'était des voleurs, je n'aurai peut être aucun mal à en venir à bout... Et même si je n'y avais pas vraiment pensé à cet instant, trop préoccupé par notre survie, la fermière serait alors peut être sensible à mon courage et ma servitude... |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Mar 9 Juil 2019 - 16:43 | | | Mathilde hochait de la tête silencieusement, le nez dans son gobelet, écoutant Miguel tout en faisant des liens avec ce que Jocelyn avait pu lui raconter au début de l'hiver. Elle se souvenait de sa prudence, et des secrets qu'il gardait pour lui, afin qu'elle ne le trahisse jamais, ni lui, ni ses compagnons. Elle savait qu'il existait un petit groupe de bannis qui s'étaient organisés pour survivre. Ils étaient ensemble pour survivre, mais devaient se rendre utiles et prouver leur force chaque jour pour éviter d'être tués par leurs alliés. Une vie rude que confirmait Miguel, à sa façon, toujours en mouvement, jusqu'à entrer dans les chaumières pour y trouver de la nourriture, de la chaleur et passer une nuit en sécurité.
- Vous avez ouvert la porte Miguel. Pas moi. Moi, je la fermais pour éviter les visites nocturnes qui, généralement, n'amènent rien de bon. Elle lui sourit poliment... et se reprit, rattrapant la remarque de sorte qu'il ne se froisse pas. Mais je dois vous l'accorder, vous êtes sans doute l'invité le plus agréable que j'ai eu l'occasion d'accueillir cet hiver et je passe une excellente soirée en votre compagnie. Et si les Trois le veulent, bien que je vous vois encore comme une menace potentielle pour ma vie, j'espère pouvoir vous offrir un refuge, de temps en temps.
Après tout, s'il savait se tenir comme il le faisait ce soir, peut-être qu'il pourrait être un compromis tout à fait acceptable, lorsque la solitude serait trop lourde à porter et qu'elle voudrait l'oublier, une nuit seulement. Encore fallait-il qu'il soit présentable. Propre. Rasé. Ça, elle pourrait le faire pour lui, mais elle doutait qu'il acceptât, ce soir, de voir une lame effilée longer sa peau et menacer sa vie. Elle le regarda en silence. Elle ne baissait pas sa vigilance, elle ne faisait que rêvasser un peu. Quel mal y avait-il à cela?
- Vous me pardonnerez de ne pouvoir vous parler de mes invités. J'aime entretenir le mystère à leur sujet. Hommes, femmes, de tout milieu, de toute condition. Je ne pose pas de questions visant à en apprendre d'avantage sur ce que je ne dois pas savoir. Rester dans le vague me permet de ne pas trahir leur confiance. La plupart d'entre eux ne reviennent pas.
Miguel acheva sa tisane en silence, et ne réprima pas un soupire de... d'ennui? D'impatience? De bien-être? Mathilde ne savait comment l'interpréter. Le regard que le banni portait sur elle la troublait. Merde merde merde. Une idée, vite! Il se leva, contourna la table d'un pas tranquille, déposa son gobelet et se planta devant elle, un sourire charmeur aux lèvres. Ce même sourire qui trahissait cette envie de chaleur qui ne l'avait réellement jamais quitté. Ce plan qu'il avait simplement remis à plus tard, pour savourer chacune de ses esquives jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'autre alternative que d'empoigner sa dague, lui offrant l'excuse parfaite pour se montrer tout à coup moins courtois.
Une alternative. Une idée. Le raser. Il semblait plus détendu lorsqu'elle tenait le rôle de la femme d'intérieur. Il appréciait se faire servir, après tout il était né noble et avait eu des domestiques pour combler la plupart de ses besoins. On cuisinait pour lui, on s'occupait de le vêtir, on faisait son ménage, on lui prodiguait des soins et sans doute avait-il quelqu'un pour s'occuper de le raser. Il fit un pas vers elle. Un autre et elle serait coincée. Elle allait parler quand le hennissement de Marguerite leur parvint. Mathilde tourna la tête dans la direction du cri, regardant le mur qui la séparait de sa jument.
- C'est Marguerite. Étiez-vous seul en arrivant? L'angoisse se lisait maintenant sur le visage jusqu'alors impassible de la fermière. Elle espérait presque que Miguel lui avoue qu'ils étaient deux ou trois et que la jument serait leur trophée. Mathilde savait que sa brave Marguerite se débarrasserait des voleurs à la moindre occasion pour revenir, dans quelques jours, sur cette ferme où elle était bien traitée. Elle l'avait déjà fait.
- Voulez vous que j'aille y jeter un oeil?
L'occasion était trop belle. Il récupérerait sans doute ses armes, mais il allait sortir. Elle refermerait alors la porte à double tour derrière lui, et serait débarrassée de sa présence. A moins que... une fois débarrassé de la menace, il ne décide de brûler sa chaumière pour se venger d'elle. Merde! Elle improviserait.
- Je.... oui. Oui, s'il vous plait!
Elle n'y serait jamais allé. Sa survie primait sur celle de sa jument. Un fangeux ne s'y attaquerait pas, elle le savait. Ce n'était pas un fangeux. Un loup, peut-être? Ou un voleur, un compagnon de cet étrange personnage qui croyait être son invité, alors qu'il avait simplement forcé le passage. Le regard de Miguel en disait long sur l'envie qu'il avait de rester sagement à l'intérieur, à l'abri de la menace. Ce n'était donc pas ses compagnons d'infortune.
Elle le regarda se diriger, sans doute à contre-coeur, vers la porte et saisir les armes qu'elle avait réussi à lui faire lâcher. Elle n'était plus en position de force. Jusqu'ici, elle avait dominé la situation sans aucun problème, mais les Trois avaient décidé d'inverser les rôles. Rester calme et maîtresse de ses émotions.
- L'échelle de la grange mène vers le grenier où vous serez en sécurité, au besoin. Il vous suffit de la remonter une fois que vous êtes en haut. Marguerite passe généralement la nuit dans son box. Si elle n'y est plus, ne prenez pas le risque de la chercher. Faire des recommandations de sécurité à un banni qui veut te trousser. N'importe quoi Mathilde, n'importe quoi! Peut-être, mais jusqu'ici, il s'est montré courtois. Peut-être a-t-il un bon fond. La fermière y croit.
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| | | MiguelBanni
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Lun 15 Juil 2019 - 23:08 | | | Si j'aurais eu matière à me vexer de la remarque de la jeune fermière dite un peu plus tôt, elle eut dont de se rattraper avec brio, presque immédiatement. Aussi n'avais je pas relevé, me contentant de sourire et de me montrer poli et aimable, de sorte à étouffer ses derniers doutes... Après tout j'avais promis... Qu'est ce qu'elle attendait de plus?
En plus de cela, elle me refusa purement et simplement de m'en apprendre davantage sur ses autres visiteurs. Dommage... Ces informations auraient pu m'être utiles, d'une manière comme d'une autre. Mais je comprenais qu'elle ne me faisait pas confiance... De la même manière qu'elle n'avait pas du faire confiance aux autres intrus marqués ayant foulé ses terres. Peut être se taisait elle par peur des représailles de certains... Ou peut être encore pas sympathie ou amitié, ce qui me paraissait tout de même étonnant. Ou alors... Elle ne savait tout bonnement rien, comme elle le disait elle même. Allez démêler le vrai du faux... Mathilde ne semblait pas stupide pour deux sous. J'étais bien certain qu'elle mettrait sa propre survie avant celle de quelques scélérats. Et même moi je ne pouvais pas lui en tenir rigueur.
A mon approche, la jeune femme sembla devenir nerveuse. On lisait sur son visage qu'elle cherchait à tout prix une idée : quelque chose à dire ou à faire, rompre ce silence, mettre de la distance entre elle et moi. Si j'étais frustré de la voir ainsi? Hmm... Oui, sans doute. J'aurais préféré qu'elle cède à mon charme et qu'elle s’abandonne à moi... Mais à la fois, je trouvais cela amusant de la voir chercher à se donner bonne contenance, alors que de toute évidence sous ses airs de femme indépendante, responsable et forte, se cachait à cet instant une demoiselle apeurée, intimidée par le gaillard que j'étais, par la menace que je pouvais représenter, pour elle comme pour sa maison. Qu'est-ce qui lui faisait le plus peur à cette instant? Que je lui prenne la vie, ou que je la prenne tout court? C'était le genre de petit jeu sordide qui m'avait toujours plu : voir quelqu'un se débattre, craindre pour sa personne. Ce sentiment de puissance ultime que je semblais avoir à cet instant était de mes préférés.
Lorsque le hennissement retentit cependant je déchantais immédiatement, imitant la brunette dans sa contemplation inquiète du mur, comme si nous avions le pouvoir de voir à travers, à force de concentration. Nul doute : la jument était apeurée, paniquée par quelque chose. Mais la grande question en cet instant était par quoi? Le problème que rencontrait l'animal était il un danger pour eux aussi? C'est bien à contre-cœur que je me positionnais en homme courageux, prêt à aller braver le mal sévissant au dehors pour la sécurité de la fermière – et la mienne, bien entendu -. Au fond de moi, j'avais l'espoir fou qu'elle me retiendrait d'y aller, qu'elle me dirait de rester ici avec elle... Qu'elle se préoccuperait peut être un peu de moi... Qu'elle désirerait me garder au près d'elle. Bien sûr, il ne fallait pas se faire d'illusions, et elle eut vite fait de me faire revenir sur terre en brisant mes jolis rêves. Je soupirai donc, bien peu désireux de m'acquitter de la tâche que je venais de me fournir. En plus, je n'étais pas bête : si tôt aurais je passé la porte, elle la refermerait derrière moi et ne la rouvrirait sous aucun prétexte. Elle serait sans doute bien contente de s'être débarrassée de moi sans avoir à fournir de sincère effort, et je n'aurais pas beaucoup de moyen de contesté cette mise à la porte... Que faire?
Alors que je marchais lentement en direction de la porte, sous les directives données par Mathilde concernant son cheval, une idée lumineuse me traversa l'esprit alors que mon regard tombait sur la serrure de la porte. La clef de celle-ci s'y trouvait encore... J'étouffais un petit sourire face à ma propre intelligence, pour ne pas mettre la puce à l'oreille à ma compagne, et aussi parce que la perspective de retourner au froid et potentiellement à la merci de quelques fangeux demeuraient une source d'angoisse peu agréable. Frôlant la porte pour me maintenir le temps de m'équiper de mes armes, je tirais discrètement la clef de son habitacle, la glissant entre mon pantalon et ma chemise de sorte qu'elle ne fut pas visible. Si la jeune femme vit mon manège, elle ne sembla pourtant pas y réagir et ne me dit rien sur le coup. Bon signe ça ! Le plan? Eh bien, elle ne pourrait tout simplement pas refermer la porte à clef après ma sortie, puisque j'aurai cette clef. Et si jamais elle en avait un autre exemplaire, alors je pourrais peut être quand même déverrouiller l'entrée... A voir ! En tout cas, ce petit stratagème m'offrait une chance, sans cela je n'en aurais eu aucune. Je récupérais ma veste restée près du feu et l'enfilais par dessus la belle chemise que m'avait offert la belle Mathilde. Cela fait, j'étais prêt à affronter l'extérieur.
Je prenais pourtant le temps de m'approcher de la belle brune avant de partir. Je brisais cette distance respectueuse qu'on s'était imposé, un petit sourire aux lèvres, les mains légèrement levées en signe de bonne foi et que je ne lui ferais aucun mal.- C'est entendu, Mathilde. Ne vous en faites pas, je ferais bien attention. Mais dans l'éventualité où les choses se passeraient mal, dehors...J'attrapais sa main et la portais doucement à mes lèvres pour y déposer un léger baiser, sans la quitter du regard.- ... Je vous remercie encore pour l'accueil que vous m'avez fait. J'en suis très touché et ne suis pas prêt de l'oublier.Après tant de jolies cérémonies, je prenais la direction de la porte et sans autre regard la passait aussi furtivement que précautionneusement possible.
La nuit était presque totalement tombée et on n'y voyait rien du tout. Les rayons de la lune peinaient à filtrer entre les nuages et l'épais brouillard qui enveloppait la ferme. Pas un souffle de vent, plus de pluie, la nuit était calme, à l'exception de Marguerite qui continuait de hennir et semblait s'agiter dans la grande non loin. Je plissais les yeux, cherchant à percer l'obscurité. Je progressais lentement, épée au poing, attentif au moindre mouvement et moindre son pouvant trahir la présence de quelqu'un... ou de quelque chose. Il me sembla falloir une éternité pour que j'arrive jusqu'au porte de cette foutue grange. Fort heureusement, je n'avais encore fait aucune mauvaise rencontre jusque là. La porte était restée à demi ouverte : un oubli de la part de la propriétaire ou quelques voleurs capables d'en déverrouiller l'accès? Allez savoir, la prudence était là encore de mise. Je guettais par l’entrebâillement, mais la grange était au moins aussi sombre que la plaine... Pas le choix, il fallait se mouiller et entrer...- Psss !:
De là, à toi de voir, ma belle : - tu peux jouer ce que Mathilde fait à l'intérieur pendant que Miguel fait ses affaires... - ou tu peux sortir, le rejoindre ou pas, comme bon te semble ! Sens toi bien libre de faire comme tu l'entends !
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| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] Mar 16 Juil 2019 - 20:42 | | | Il y eut un cliquetis, léger, à peine audible, caractéristique d'une petite pièce de métal frottant contre du vieux métal sonnant creux, celui qui recouvre une serrure. Il prenait la clé. Mathilde ne dit rien, mais bien qu'elle n'ait pas vu le mouvement, elle remarqua le vide laissé sur la porte. Un vide dramatique. Si elle pouvait fermer les deux verrous derrière lui, verrous qui ne se fermaient que de l'intérieur, elle ne pourrait plus partir de la maison sans craindre que quelqu'un l'y attende à son retour. Il faut la récupérer.Il s'approcha d'elle, rompant la distance raisonnable établie, pour lui prendre la main. Cette fois, elle ne frissonna pas, pas plus qu'elle n'eut un mouvement de recul. Pire, de son pouce elle caressa les doigts de Miguel qui portaient sa main aux lèvres du banni qu'il était. A cet instant très précis, Mathilde oscillait entre la peur de l'homme armé qui lui faisait face, la peur de perdre sa jument -indispensable aux travaux des champs-, et la reconnaissance qu'elle éprouvait alors qu'il sortait pour sécuriser la ferme. Il avait déployé des trésors de patience pour la charmer durant toute la soirée, avait exploré ses failles, appuyé sur la solitude qu'elle ressentait, pour finalement l'obliger à admettre qu'il était de bonne compagnie. Mathilde se prit à regretter que le baiser ne soit pas déposé sur son front. Il aurait été réconfortant. Troublée, elle le regarda silencieusement se faufiler à l'extérieur et referma la porte derrière lui. Doucement, elle fit pivoter les deux verrous. La main encore crispée sur le second, la réalité la rattrapa tandis qu'elle collait son front contre le bois dur de la porte et soufflait, nerveuse. Que faire? Le souffle court, Mathilde se laissa tomber à genoux sur le sol. Un frisson la parcourut. Elle avait froid, si froid, mais elle ne pouvait plus bouger. Elle avait envie qu'on la berce tendrement. Qu'on la réchauffe, qu'on la rassure, qu'on lui permette d'oublier. Elle se sentait piégée. Ses nerfs avaient mis à rude épreuve, mais quelque chose en elle espérait que le banni revienne gratter à la porte pour lui dire que tout était en ordre, et qu'il laissait la clé de la serrure sur le pas de la porte avant de s'en aller. A moins qu'il ne force encore le passage. Et alors... XXX Dans la grange, un homme s'applique à faire taire l'animal qui se cabre devant lui. Les bras en l'air, il s'active en faisant de grands gestes pour coincer Marguerite dans un coin de son box, espérant pouvoir passer au cou de l'animal la corde à laquelle il a fait une grande boucle, dès que l'occasion se présentera. - Tchhhhhhht stupide animal! Jte ferions pas d'mal!Faisant dos à la porte, Ti-Gus -c'est son nom- ne remarque pas l'ombre se profiler dans l’entrebâillement. Il ne l'entend pas non plus grincer légèrement sur ses gonds au moment où Miguel entre, épée à la main, tant la bête hennit et tape le sol avec ses sabots. L'homme est grand, il a des épaules aussi larges qu'une armoire, mais son pantalon flottant laisse deviner la maigreur de ses jambes. Il porte un large chapeau, dont la tranche est trouée. Ses vêtements sont usés. Dans la pénombre, on devine que s'il n'a pas été banni de la ville, il est de ceux dont les lendemains sont toujours incertains. Marguerite, les yeux écarquillés, les naseaux dilatés, se cabre une autre fois, essayant de donner un coup de sabot à l'homme qui recule. Son pied cogne contre un outil tombé là, et il trébuche sur les fesses en étouffant un juron. Ti-Gus se relève en se frottant le séant, ramasse sa corde et... perçoit le bruit d'une lame qui traîne sur le sol. En tournant légèrement la tête, il discerne une ombre dans son angle mort. Il comprend... il se retourne lentement, les bras écartés du corps en signe de reddition. - Hola l'ami. J'croyons que la p'tite veuve était toute seule. J'voulions pas lui faire d'mal, juré sur l'honneur! Jvoulions l'bestiau mais l'bestiau veut pas, alors jpourrions partir et pu jamais r'venir. Hein?Ti-Gus n'a qu'un coutelas rouillé en guise d'arme, coutelas soigneusement rangé à sa taille. Il ne semble pas vouloir se battre. En fait, dans le milieu, il est connu pour être le plus téméraire des voleurs, puisqu'il ne vole que la nuit. Mais dans les faits, Ti-Gus ne s'expose à ce risque que parce qu'il n'a jamais combattu et qu'il se sait perdu d'avance, si cela devait arriver. XXX Récupérer la clé. Sa seule obsession. Mathilde prend appui sur la poignée de la porte pour se hisser sur ses jambes. Tremblante, elle tend la main vers l'arc et le carquois déposés juste à côté. Du courage, allez! Elle souffle, pour calmer son coeur, pour calmer son souffle, pour chasser la peur. Elle passe son carquois dans son dos et en tire une seule flèche, qu'elle encoche. Résolue à en finir, elle fait pivoter les verrous, en douceur, et sort une lanterne pour la déposer devant la porte. Elle guidera ses pas, à son retour. Mathilde se faufile dans la nuit et traverse la cours jusqu'à la porte de la grange où la jument se contente de grogner, tandis que deux voix d'hommes se font entendre. Silencieuse, la fermière reste dans l'entrebâillement de la porte, un instant seulement, avant d'entrer à son tour et de bander son arc en direction de l'intrus. - Pssssst:
Désolée, j'ai essayé de t'offrir un ours mais les dés ont pas voulu. Pas plus qu'ils n'ont accepté que je t'aide. Mais bon... comme t'es mimi, j'ai pas résisté. Et il me faut ma clé. Huhuhu!
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| Sujet: Re: La nuit, les bannis sont gris [PV Miguel] | | | |
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