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| Panique au Labret [Edmur] | |
| Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Panique au Labret [Edmur] Jeu 8 Aoû 2019 - 17:14 | | | 4 juin 1166 Plateau du Labret - Environs d'Usson Ferme Dumas La charrette n'aurait jamais du quitter la ferme, ce matin-là. Elle l'avait dit aux mercenaires qui n'en avaient fait qu'à leur tête, bien impatients de rejoindre le convoi général à Usson pour l'accompagner durant les quatre jours de marche qui les mèneraient à Marbrume. Dès l'aube, malgré les quelques nuages qui traversaient le ciel bleu du Labret, les mercenaires d'Ulysse de Sombreval, en poste depuis la mi-mars à la ferme Dumas, avaient entassé avec un certain entrain les paquets de vivres destinés à la ville et à l'Ordre avec lequel la fermière s'était acoquinée. Ils avaient ramassé leurs paquetages et avaient salué la jeune femme qui refusait de les laisser partir. C'est que le vent avait tourné, apportant avec lui un air chaud, chargé d'humidité. Les feuilles des arbres dansaient dans la brise, révélant leur côté argenté. Un orge approchait. Pour Mathilde, c'était une évidence. Les mercenaires, eux, pensaient que la fermière crevait de trouille à l'idée de se retrouver sans leur protection. La charrette s'était mise en branle. Rallier Usson n'était qu'une formalité, ils y seraient rapidement. Mathilde les regarda s'éloigner sur la grand route jusqu'à ce qu'Alcide se décide à lui dire ce qu'elle voulait entendre : ils vont faire demi-tour. Et c'est exactement ce qu'ils avaient fait. Au loin, le nuage noir déversant des trombes d'eau sur Usson était impressionnant. Les premiers coups de tonnerre résonnaient dans le lointain, couvrant les voix des trois gaillards qui poussaient le cheval et la charrette pour revenir plus rapidement se mettre à l'abri. Tout le monde le savait, au Labret. Avec la pluie venaient les fangeux. Il fallait rentrer, vite, et mettre les provisions à l'abri. Le grain, une fois mouillé, moisirait rapidement. La charrette amorça sa descente à une allure trop soutenue sans doute. A moins qu'elle n'ait pas été réparée depuis longtemps. Mais le fait est qu'il avait suffit d'une petite roche émergeant du sol, polie par le temps et l'usure, pour que l'une des roues rebondisse un peu trop fort sur le sol. Un craquement plus tard, l'essieu arrière cédait, la roue prenait un angle dangereux, le cheval dérapait. Des cris. La charrette avait glissé, elle aussi, pour se renverser sur la route. Les paquets de vivres étaient répandus sur le sol. Le cheval, bloqué par le harnachement, poussait des hennissements paniqués. Mais c'est le cri du dénommé Laflamme qui passa par-dessus le chaos général. A demi écrasé par la carriole, il suppliait qu'on le sorte de là. Déjà, Mathilde, alertée par les cris, courait vers l'équipage pour leur venir en aide. Il fallait faire vite. Libérer la bête, relever le chariot, porter le blessé à l'abri et mettre les vivres en sécurité, avant que le ciel, qui déjà se couvrait dangereusement, ne leur tombe dessus.
Dernière édition par Mathilde le Jeu 15 Aoû 2019 - 5:00, édité 1 fois |
| | | EdmurMilicien
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Ven 9 Aoû 2019 - 22:53 | | | Deux kilomètres à pieds, ça useuh, ça useuh! Deux kilomètres à pieds, ça use les p'tains d'souliers ! J'avais pressé le pas. Le temps, au beau fixe ces derniers jours, avait soudainement viré grabuge ces dernières heures. Le temps changeait très vite en montagne, c'était bien connu. Pourtant, il faisait encore bien chaud. Je n'avais aucune envie de revêtir de cape de voyage, mais peut-être bien que le temps allait m'y contraindre. Sacrebleu, en plus elle était tout au fond de mon baluchon ! Raaaah ! Fait chier tient ! Bon ben, on verra plus tard, hein? Ayant quitté Sarrant ce matin, j'avais prévu d'entrer dans le Labret en fin de matinée puis de pousser jusqu'à Najac où le reste de l'équipe était à pied d’œuvre. Mais, à constater la grisaille arrivant sur moi à toute allure, il faudrait peut-être revoir mes ambitions à la baisse. Une pause serait obligatoire. Hors de question, en voyageur solitaire de faire de mauvaises rencontres. Aller prendre son service, ok... Mais autant aller le prendre, vivant. Tssss! On nous avait mit en garde contre les désagréables surprises lors des voyages. Quand j'étais entré à la milice extérieur, côtoyer des baroudeurs chevronnés m'avait permis de vite obtenir des conseils, des instructions, des conseils très précieux. Tant sur les engagements dans la nature, que les baies et champignon comestibles, ou les repères géographiques. Pour l'heure, je me donnais du cœur dans cette longue marche en repensant en souriant à la demoiselle rousse à Marbrume. De repos, je l'avais aidé à récupérer un bien qui lui avait été subtilisé par une bande de jeunes voyous. Quelle belle rencontre ! Malgré toutes les emmerdes, je me fendais encore la poire en songeant à des moments clé ! Comme lorsqu'elle était tombée du ciel pour écrabouiller le trio agressif ! C'était marrant ça... hé hé ! Ouaip ! Pfff! Putain, ça grimpait quand même ! Pour le coup, la montée vers le plateau était la partie qui m'emmerdait le plus dans le voyage! Le plus dur pour la fin ! Monter ! Monter Monter ! Sur un ch'min de foutue caillasse qui dévale la route sitôt qu'on pose la botte dessus ! Ça glisse, on a les jambes en feu, et puis il faudrait ne pas risquer d'aller se foutre en l'air une cheville, non plus! Hé ! Maudite route ! Heureusement que j'arrivais à la première étape du jour ! Bientôt Usson ! Ici le terrain s'inversait quelque peu. De la descente ! Enfin ! Par les Trois, quelle pied! Hé hé ! Randonner, pied... Ed', mon gars, quel trait d'humour ! T'es un p'tain d'génie mon gars ! Dans le coin, il y avait la ferme des Fromentins, coin drôlement sympa où j'avais pu dîner, il y avait de cela bien deux semaines! Miam ! La bonne soupe goûtait encore sur ma langue. Je levais la tête en constatant que j''allais croiser une charrette. Le petit chemin n'acceptait pas deux gros morceaux comme nous de front. Je fis un écart pour laisser passer. Mais le cocher ne l'entendait pas de cette oreille. A bord, on débattait du temps, de la bonne nécessité de faire route au vu des conditions météo. Je croisais les bras alors que dans la pente, la charrette amorçait une manœuvre pour s'en retourner dans le sens inverse. Je n'avais jamais vu la tête de ces lascars là avant. Mais ils ne me paraissaient pas du tout paysans typiques du coin. Le véhicule n'alla pas bien loin. Un craquement sonore déchira l'air et la charrette gita sur le côté ! La cargaison foutu le camp se déversant sur l'herbe dans un joyeux foutoir! L'un des voyageurs parvint à sauter aussi agile que le chat hors du véhicule. Mais un autre n'eus pas cette chance. Alors que les dernières graines finissaient de rouler au sol, je repris mes esprits. Le choc passé, il fallait agir ! -" Merde ! Merde ! Merde! Y'en a un d'coincé là-d'sous ! Faut l'sortir de là l'pauvre bougre !" Je parcourus les quelques mètres qui me séparaient de la carcasse du véhicule accidenté et posais les mains sur le bois de la lourde charrette . Comment renverser encore cette p'tain de grosse merde? Je fus bientôt rejoins par une autre personne. Une femme. 2 hommes, une femme, et moi. Les hommes pourraient bien faire jouer leurs muscles pour tirer le l'infortuné larron de là. -" Les gars, aidez moi avec ça! M'dame, j'crois qu'il va falloir d'la flotte pour m'sieur. Ok messiers, tachons de pousser dans le sens de la descente." Et je m'arc boutais pour pousser de tout mon poids sur le véhicule. |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Ven 16 Aoû 2019 - 4:03 | | | - Attendez!
Par la grâce des Trois, une montagne de muscles prêtait déjà main forte aux mercenaires qui tentaient de dégager l'infortuné, coincé sous une charrette encore à demi chargée de denrées. Un poids considérable, il serait chanceux de s'en tirer sans séquelles... de s'en tirer tout court. Mathilde courait sur le chemin. L'orage ne tarderait pas, les nuages approchaient dangereusement, et apportaient avec eux la menace des goules. Usson, à peine à une vingtaine de minutes d'eux, se trouvait sous le nuage noir zébré d'éclairs.
- Attendez! Il faut relever le cheval! dit-elle à bout de souffle. Sur le sol, la bête poussait des hennissements terrifiés et grattait le sol de ses sabots, tentant vainement de se relever en dépit des sangles qui le maintenaient à l'attelage. Se plaçant à hauteur de sa tête, la fermière tenta de le calmer en caressant sa crinière... peine perdue, devant l'urgence de la situation et la nervosité des hommes, la bête s'affolait. Mathilde glissa une main sous le ventre de l'animal pour détacher l'une des deux sangles de cuir, tout en caressant la robe brune de son dos de l'autre main. Calme-toi mon joli, calme-toi.
- Faut alléger la charrette, on n'y arrivera jamais! cria le plus jeune des mercenaires, qui cherchait à imiter le voyageur en calant son dos contre la charrette pour pousser de toutes ses forces, en vain. L'attelage ne bougeait pas d'un demi pouce, et le malheureux coincé en dessous continuait de hurler sa vie. - On défait les cordes et on retire les paquets les plus lourds! Allez! dit l'autre, en contournant l'attelage pour défaire les cordages et libérer des sacs aussi gros que des hommes. Tiens bon, Thomas! On va te sortir de là et tu trousseras ta gueuse ce soir! - On pourra pas la relever! dit la fermière, légèrement défaitiste, en défaisant la seconde sangle. Pas sans le cheval! Si Bidigon avait permis de faire tomber deux maisons, cette bête saurait aider les hommes à relever la charrette.
Mathilde saisit la bride du cheval pour le pousser à se relever tout en l'empêchant de s'enfuir. Complètement paniqué par l'accident, il ruait face à elle et cherchait à se dégager de son emprise, battant l'air de ses sabots. Les longs doigts de la fermière raffermirent leur prise, réduisant de plus en plus la liberté d'action de la bête qui, peu à peu, quitta son état de panique.
- Doux, doux... j'ai besoin de toi mon doux. Calme-toi.
Que faisaient les hommes, derrière elle? Elle ne le savait pas, trop occupée à ne pas recevoir un coup. L'animal lui serait bien utile pour transporter quelques denrées à l'abri après avoir relevé l'attelage. Elle ne pouvait pas imaginer que le fruit de son travail soit perdu sous les trombes d'eau que l'orage amenait. Pas plus qu'elle ne pouvait dire à Sombreval que l'un de ses gars était mort en quittant sa ferme. Ne lui avait-elle pas promis d'en prendre soin?
Le plus jeune des mercenaires resta en position, pensant que le peut de poids qu'il réussissait à soulever permettrait au dénommé Thomas de tenir un peu plus longtemps, et de survivre. Il se tenait à côté du voyageur, qui, lui aussi, faisait une réelle démonstration de force en tentant de relever la charrette. L'aîné, quant à lui, lançait les paquets avec la rage du désespoir, refusant de perdre son frère d'armes. Il savait que l'orage approchait, il ne comptait pas l'abandonner là, sur la route, à une mort certaine.
Mathilde approcha le cheval, et utilisa une corde pour le relier à la charrette, de sorte qu'il ne s'enfuie pas. Les noeuds étaient solides, l'invasion de Marbrume lui avait au moins appris cela. Le voyageur avait crié de pousser dans le sens de la pente, le cheval tirerait de ce côté pour que les forces convergent. Arthus, sortez Tom dès que ça bouge! |
| | | EdmurMilicien
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Sam 17 Aoû 2019 - 5:35 | | | Jeté contre la charrette dans le vain espoir de pouvoir dégager le pauvre gus si vite, j'avais omis plusieurs points importants. Le cri de la femme me rappela déjà le premier : La monture ! Bordel ! Passant une tête de derrière le véhicule, j'aperçus une paysanne plutôt élancée, un peu plus grande que les demoiselles de Marbrume. Elle fit du bon boulot de son côté, tentant de libérer le cheval apeuré qui se montrait bien peu coopératif. Je fronçais les sourcils. Une jeune femme n'avait pas besoin de prendre ce risque, je pouvais le... ... ...Faire. Aussi aisément, et sans doute bien plus que moi, elle parvint à maitriser cette situation avec une efficacité suffisante. Pour une femme. Je plissais les yeux. Mouaip. Pas mal. Sans doute la douceur féminine qui avait joué, non? Mouaip... Mais l'autre banane râlait sous le poids de la charrette. Il fallait que j'fasse un truc pour le toquard coincé là-d'sous. Mais quoi ?! La charrette ne bougeait pas d'un pouce ! Ma force ne pouvait pas exprimer son potentiel dans cette situation. Il fallait renverser la situation; et la putain d'charrette ; à notre avantage. Il fallait que je trouve la solution. Ces civils comptaient sur moi. Moi le milicien qui avait juré de protéger la veuve et l'orphelin. Bon, dans ce cas là, je ne voyais pas de veuve ou d'orphelin... Mais les types baraques de montagne, équipés de pieds en cape étaient dans le pétrin ! Sans compter le contenu des sac, qui, à les voir devaient ravitailler des villes en nourriture, denrée absolument vitale en ces temps ! Pas le choix ! Ed', grand con, sors toi les doigts du cul et trouve la solution !! Je commençais à me porter au niveau des marchandises du véhicule accidenté, cherchant à le vider rapidement, ma foi, fort peu scrupuleux dans mon maniement des sacs. -" Hep !! Y a-t-il des putains d'cordes dans toutes ces merdes ? Ou une foutue baraque pas loin où en trouver ? On va s'en servir pour dégager tout ça ! Oui m''dame, le ch'val est bien plus puissant qu'nous, on va le faire bosser l'canasson! " Tout en transférant les marchandises récalcitrantes de la charrette au sol, je cherchais autour de moi, dans le paysage quelques branches épaisses. Morceaux de troncs d'arbre mort, longue branche solide. A priori, le décors de la région n'était pas très clément, préférant la pierraille à la verdure. J'avais donc peu d'espoirs. Mais c'était sans compter sur la providence et l'aide des Trois ! A moitié masqué derrière un rocher, strié par le temps et les éléments, se trouvait une longue branche. C'était même un morceau éclaté d'un tronc. Long comme deux hommes, se voulant dur comme le fer, la perche improvisée était recourbée à un bout, suivant la forme d'une racine qui maintenant n'apparaissait plus là. C'était exactement ce qu'il me fallait, foutrerie ! En renfort de la corde tirée par le cheval et nos mains pour redresser la charrette, ce morceau de bois viendrait faire office de cale pour aider à remettre le véhicule sur ses roues. Mais il faudrait un toubib. De toutes les manières. En plein effort, un goutte d'eau vint finir sa chute sur la gauche de mon crane. Et ça n'était pas ma transpiration ça ! Une goutte de sueur froide vint couler le long de ma nuque. C'était le deuxième putain d'point que j'avais omis. La pluie, les fangeux !! Merde merde ! Le temps pressait ! Les fangeux ! Les récoltes perdues, gâtées par l'humidité ! Par le nez d'Anür ! Il me fallait prendre une décision. Vite ! Réfléchis bon sang ! Garde la tête froide ducon. Le gus sous la charrette compte sur toi. Et ses potes aussi. Il fallait minimum une personne pour faire des allers-retour avec les marchandises. Les amener dans un endroit protégé de la pluie à venir. Mais on aurait besoin d'autant de mains pour remettre le véhicule bosselé sur ses roues. -" Hey il me faudrait aussi un gus qui se tienne prêt à faire tirer le poney ! Moi, je vais caler ça!" Et j'allais chercher mon bâton levier, abandonnant les marchandises pour une vie humaine. En soit, le calcul était-il le bon ? Sa vie valait-elle le risque de perdre récoltes, et autres biens des champs ou du potager ? Ed', Ed', mon garçon, concentres toi. Chaque chose en son temps, tu réfléchiras à cette merde plus tard. Je passais un autre oeil de l'autre côté du chantier. Et pour la corde? Et pour guider le cheval? Qui était prêt? Quelqu'un avait-il meilleure idée? J'attendais secrètement de la demoiselle qu'elle soit allée quémandé des liens. C'était après tout le rôle qui semblait le plus lui convenir ! N'est-ce pas? Les dés ont parlé ici |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Mar 20 Aoû 2019 - 19:52 | | | L'étranger semblait tellement agité qu'il ne voyait ni n'entendait les autres grouiller autour de la charrette comme les abeilles d'une ruche particulièrement bien organisée. Pourtant, dans un éclair de génie, il avait réussi à mettre la main sur une longue et solide branche qui ferait un magnifique levier. Formidable! Elle n'y avait pas songé. Mais elle avait la corde nécessaire, récupérée sur le chargement.
- La pluie arrive! On traîne pas! dit Arthus, le plus jeunes des mercenaires, visiblement tendu, non pas par la situation qui était presque sous contrôle que par le nuage qui progressait bien trop vite dans le ciel. Toujours plus proche, toujours plus menaçant. - Messieurs, madame, on soulève pour sortir Thomas de là et on décampe avec ce qu'on peut. La vie d'un homme, puis la nourriture, puis la charrette. Ma', occupez-vous du cheval. Une fois que c'est fait, on charge le bestiau autant que possible et vous ramenez les paquets à la ferme. Arthus, avec Tom, tu le porteras en sécurité. Toi là, avec moi pour soulever cette merde! On reviendra la remettre sur roues plus tard.
L'aîné des mercenaires était une force de la nature. Un homme sage, sans âge, mais dont le regard brillant trahissait une longue expérience du mercenariat. Ses ordres étaient sans appel, et sa voix, grave et calme, savait canaliser les forces autour d'un même objectif : sauver son gars. Car dans la troupe des mercenaire de Sombreval, on était tous frères d'armes, intégrés à la même grande famille recomposée. On pleurait les morts comme s'ils étaient des frères de sang, et on s'inquiétait du sort des blessés, pour mieux se réjouir de leur retour au service.
Elle n'avait pas été enchantée de les recevoir sur sa ferme, mais ils avaient assez rapidement apprivoisé la farouche fermière pour l'intégrer, d'une certaine façon, à la famille. Le Madame des premiers jours s'était rapidement mué en un M'ame informel, puis en un Ma' affectueux, pour Maman. Parce que Mathilde avait mis un point d'honneur à leur préparer des petits plats à la hauteur du service qu'ils lui rendaient. Elle aimait trinquer, le soir, à une autre journée sans encombre, et remerciait ses gars en les sermonnant s'ils ne finissaient pas leur assiette. Une ambiance bonne enfant régnait sur la ferme depuis leur arrivée, et c'est sans doute pour ça qu'elle ne voulait pas vraiment les voir partir.
- Thomas, vous avez intérêt à survivre à ça pour que je puisse vous botter le cul! lança la fermière. La menace de la fange faisait remonter en elle de très mauvais souvenirs dont elle se serait bien passée. Ma ferme est en bas du chemin, messire, vous y trouverez un abri le temps que passe l'orage ajouta-t-elle à l'intention du tas de muscles. - A mon signal! Tous ensemble, un, deux, trois, ALLEZ! gronda l'aîné, qui semblait conserver un sang-froid à toute épreuve.
L'inconnu avait planté sa branche pour faire levier. Le vieux mercenaire, adossé à la charrette, poussait de toutes ses forces, tandis que le cheval tractait la charge, dans le sens de la pente, y mettant tout son poids sous les encouragements et les Huuuuue de la fermière qui le guidait, tout en jetant un oeil sur le nuage régulièrement.
Les muscles des hommes se firent plus saillants. Les visages se crispèrent sous l'effort fourni. En quelques secondes, la sueur perla sur les fronts des hommes, alors que le jeune Arthus saisissait les poignets du malheureux Tom pour le sortir de sous la charrette, en le traînant sur le sol. Si l'aîné des trois hommes avait immédiatement relâché la tension et abandonné la charrette pour hisser Thomas sur le dos de son compagnon d'armes, l'étranger et Mathilde, aidés du cheval, continuaient, sans même s'être consultés, à tenter de redresser le véhicule accidenté. Deux têtes de mules travaillant de concert, ça ne pouvait que fonctionner, et, sur une bordée de jurons particulièrement disgracieux émanant du barbu, la charrette fut remise sur ses roues dans un fracas de bois qui craque et de ferrailles qui s'entrechoquent, soulevant la poussière du chemin.
- Hoooo! Hoooo! Mathilde arrêta le cheval. Déjà, Arthus s'en allait se mettre à l'abri avec Thomas sur le dos, au pas de course. Le blessé ne cessait de geindre, ballotté par le pas rapide de son sauveur, qui faisait de son mieux pour ne pas le bousculer. Chargez les sacs de grains sur le cheval! Elle ne l'avait pas libéré. Par chance, il était calme et se contentait de taper occasionnellement du pied en attendant qu'on lui permette de regagner le confort de l'écurie.
Mathilde laissa le cheval en plan, et contourna la charrette pour attraper des paniers deux par deux et les déposer plus ou moins sans ménagement dans le véhicule, espérant leur épargner le ruissellement des eaux sur la route. Les légumes survivraient, si elle pouvait venir les chercher avant que le soleil ne les surchauffe. Le grain, par contre, serait plus difficile à conserver une fois mouillé, d'où le besoin de le faire charger sur le cheval pour en ramener autant que possible... mais c'était sans compter sur le nuage menaçant qui, maintenant, avait dépassé Usson pour partir à l'assaut de la route principal et qui, bientôt, fondrait sur eux. |
| | | EdmurMilicien
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Dim 25 Aoû 2019 - 18:57 | | | Allez bouge, charrette de mes couilles! Je soulevais de toutes mes forces, poussant de toutes mes forces sur le levier improvisé. Au terme de quelques minutes crevantes de foutues efforts intenses, le véhicule accidenté se remit sur ses roues dans un craquement sonore. Une pluie battante s'était abattue sur nous, trempant presque immédiatement mon corps. Rester en activité tenait chaud malgré tout, mais l'eau rendait les surfaces glissantes. Certains déplacements devenaient malaisés. Déjà, le blessé était tiré à l'abri et il fallait maintenant se concentrer sur les marchandises. Sauver la production qui ne supporterait pas l'eau. Ok! Un ordre claqua, clair, compréhensible, facile à effectuer. Charger les sacs de grains sur le cheval. Ce que je fis. Au moins, je me sentais mieux. On avait tiré l'autre banane de sous sa charrette. Il devrait voir un soigneur, mais ça devrait bien se passer pour lui. La pression retombait quelque peu. Maintenant, la menace viendrait d'hypothétiques cons d'fangeux. Je chargeais les sacs que j'avais ramassés sur le cheval qui, de toutes les façons ne pourrais pas tous les porter. Comme le stress était redescendu, je ralentissais la cadence, malgré moi. Avec tout ce qui gisait encore à terre, il faudrait forcément laisser des provisions sur place. Et la charrette aussi ! Pas besoin d'être une lumière pour savoir ce qu'il fallait faire. Ed', mon gars ,t'es pas un connard d'bouffon ! Ah, j'étais vraiment un chic type ! J'entrepris, me souciant peu des autres de porter sous la charrette le plus de sacs et caisses possible. Le défi, maintenant était de tout faire tenir dans le peu d'espace sous le véhicule. Gratter de l'espace ici, de l'espace là pour que tout rentre. Le bois protégerait de la pluie, permettant peut-être de sauver les marchandises. J'étais en train de déplacer ce que je pouvais, absorbé par ma tâche, lorsque j'entendis un sifflement strident. Je me redressais, sortant de ma besogne pour chercher du regard l'origine du bruit. L'un des hommes, deux doigts dans la bouche avait siffler pour alerter et pointait du doigt un point dans les landes escarpées, entre les rochers. Mon regard suivi naturellement la direction montré et mon sang se glaça. Crénom d'foutu tas de merde ! Un fangeux ! Oui un fangeux ! Là, à quelques trente mètres de la charrette ! Face cadavérique tournée dans notre direction, il tanguait sur ses appuis, ne bougeant pas beaucoup. Ses haillons, ses cheveux longs... Une femme? Qu'importe, un fangeux était un fangeux, le sexe n'avait plus d'importance. Je cessais mon activité pour marcher à quelques pas de la charrette, le cœur battant. Personne devant moi, juste le fangeux là-bas. il fallait que les derniers battent en retrait. Moi-même, un fangeux, en un contre un, je me ferais laminer la gueule ! Tirant Fureur d'un geste lent, je me tint là, écoutant derrière que tous s'en aille. 'Une ferme, en bas du chemin', avait dit la fermière. Bien. Pourrais-je l'atteindre? Mon esprit tournait à toute allure! Il fallait que je foute tout le monde en sécurité. Il fallait donc que ce fangeux ne suive pas le mouvement. Et quoi? Le tuer? Tout seul s'était impossible. Avec les trois autres gus de la charrette? Mauvaise idée, tout équipés qu'ils étaient je n'arriverais pas à me synchroniser avec eux pour faire une mêlée coordonnée et efficace. Le fangeux crispa sa mâchoire dans ma direction, faisant jouer ses muscles dans une grimace. Il commença alors à bondir par ici, progressant par bonds de plusieurs mètres chacun. Merde ! Il fallait atteindre la ferme, mais sans l'y amener ! Sinon il allait tout saccager. Je devais tenter de le semer, de l'emmener sur une fausse piste! Merde ! Merde ! Il fallait tenter, c'était la seule solution que je trouvais dans l'urgence. Tournant les talons, l'épée au poing je partis en cavalant à une allure rapide pour tenter de distancer le monstre. Extrêmement vif, il parvint à me suivre sans encombres. Cependant, le perdre, semblait impossible. Je l'avais emmener en balade, jouant avec le décors, les rochers environnant pour me substituer à sa vision, cependant rien y fit. Au détour d'un renflement, le fangeux tenace était toujours là ! Merde... La première partie de mon plan était réussie, attirer son attention... Mais j'étais coincé avec le montre aux basques maintenant... Et merde...Les dés à partir d' ici |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Dim 1 Sep 2019 - 20:14 | | | La pluie. La pluie était arrivée. Autrefois bénédiction de Sérus, elle était, aujourd'hui, porteuse de malheur. Et le malheur s'abattait là, sur eux, apportant avec lui la terrible menace qu'était la Fange. Mathilde ne la connaissait que trop bien. - RENTREZ! RENTREZ!La panique s'emparait de la fermière à mesure que l'averse s'intensifiait. Elle avait vu les fangeux conduire les labrétiens à quitter leurs fermes et leurs terres pour se mettre à l'abri. Elle avait entendu parler des morts, sacrifiés pour la reprise de cette terre bénie. Elle avait entendu son époux hurler sa terreur avant de mourir, emporté par une goule. Elle avait vu le bain de sang, à Marbrume. Elle était encore imprégnée de la terreur qui y avait sévi, quelques heures durant, avant que l'invasion ne soit miraculeusement endiguée. Tant pis pour les récoltes. Peut-être en sauverait-elle une partie, quand la menace se serait éloignée, mais rien ne les sauverait, eux, mortels, si un fangeux leur tombait dessus. Les gars avaient tous fait de leur mieux, et il était grand temps de courir pour sauver leur vie. Le tas de muscles s'était figé sur place, et instinctivement, tout le monde avait regardé dans la même direction que lui pour apercevoir ce qu'ils redoutaient tous en silence. Un fangeux. Le cri de l'aîné des mercenaires ramena Mathilde à la réalité. - COUREZ MA'! COUREZ!La peur au ventre, le souffle court, elle ne songea à rien d'autre qu'à trouver un abri. Elle courait comme jamais, avec cette impression de voler que seule la peur, la véritable peur, donne à celui qui fuit. Derrière elle, une voix masculine cria à l'étranger de se réfugier dans la grange. Roger, l'aîné, avait empoigné la longe du cheval et, après l'avoir détaché de la charrette, il était parti en courant à la suite de la fermière, épée au poing, cheval à ses côté, espérant rejoindre la grange pour y trouver un abri. Mathilde franchit la barrière de la propriété sans la refermer. Elle n'avait même pas emporté de sac avec elle. Sa vie comptait plus que quelques légumes. Elle en ferait pousser d'autres. Elle ne voyait que la porte de la chaumière, où elle serait en sécurité, et lorsqu'elle la referma derrière elle, elle poussa un soupire de soulagement. - Fangeux. On doit le monter! dit-elle à Arthus, en parlant de Thomas, le blessé, à demi éveillé. - Je vais le hisser! Accroche-toi Thomas! répondit le jeune, en remettant le pauvre bougre sur son dos. Mathilde se retourna pour verrouiller la porte. Deux verrous, une serrure. Elle attrapa machinalement son arc, toujours posé à côté de la porte, et jeta un oeil à la chaumière. Tant pis, s'il y avait saccage, l'important était de survivre. Arthus passa le premier sur l'échelle qui conduisait à l'étage. Elle le suivit de près, à la fois pour prévenir d'une chute et parce que tout son être lui disait de se presser. Une fois en haut, Mathilde hissa l'échelle. Ils étaient en sécurité et pouvaient enfin s'occuper du blessé. *** Dehors, Roger courait. Sa nervosité avait accentué l'état de panique du cheval qui, en dépit des sacs mal fixés sur son dos, trottait plus qu'il ne marchait. La grange était son objectif. Il savait qu'il y trouverait un grenier où s'abriter si le fangeux le suivait jusque là. Un sac de grains tomba à côté de la barrière sans qu'il ne s'arrête pour le ramasser. Pas le temps. La montagne de muscles était partie seule de son côté, et avait entraîné le danger avec elle. Cet inconnu avait une drôle de stratégie, mais au moins permettait-il à la fermière, incapable de se défendre, de se mettre à l'abri, tout comme Arthus et le pauvre Thomas. Il ne restait qu'à les rejoindre, et à attendre que la menace s'en aille. Sa tribu, sa famille s'en sortirait. Roger ouvrit la porte de la grange avec prudence. Le fangeux ne s'y trouvait pas, à en juger par le calme de la jument de trait, rentrée dans son box pour se mettre à l'abri de l'orage. Il fit rentrer son cheval, et défit rapidement le cordage qui retenait mal les deux sacs de grains restant. Ensuite, seulement, il grimpa à l'échelle qui conduisait au grenier, et la tira pour que la goule n'y grimpe pas. Puis il songea à l'inconnu qui lui avait prêté main forte et fronça les sourcils, priant les Trois de le sauver de la menace. *** Personne, dans la ferme, ne prendrait le risque de faire diversion, de peur d'attirer la menace à eux. Personne n'irait au secours d'Edmur, en dépit de l'aide qu'il avait apportée à cette petite troupe réunie autour de la charrette renversée. Mathilde, simple fermière à l'abri dans sa chaumière, n'avait rien d'une combattante et peinait encore à passer une nuit sans rêver de l'invasion fangeuse de Marbrume, au milieu de laquelle elle s'était retrouvée. Arthus, jeune mercenaire, s'en tenait à sa mission : protéger la fermière, avec laquelle il veillait sur le pauvre Thomas, allongé, et probablement grièvement blessé. Roger, dans la grange, savait ô combien il aurait été imprudent de sa part de s'aventurer seul sous l'orage pour retrouver et aider l'inconnu... si toutefois il était toujours en vie. Face à la Fange, même les plus braves tremblaient. Et c'est cette peur, viscérale, qui obligeait à la sagesse et permettait à ceux qui l'écoutaient de survivre encore un peu. - Pssst:
Pardooooon! Je ne peux pas en faire sortir! Cours Tu peux traverser le pré de la grosse Marguerite pour arriver à la grange, Roger descendra l'échelle pour toi
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| | | EdmurMilicien
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Mar 10 Sep 2019 - 2:11 | | | Tap ! Tap ! Tap ! TAP ! TAP ! TAP !! C'était pas bon. Pas bon ! Pas bon du tout ! J'avais beau m'activer, me démener, les cheveux trempés de pluie, j'entendais toujours derrière moi à dix pas environs une bête qui grognait et bondissait de rocher en rocher, me traquant sans relâche. Ma taille, ma carrure, la lumière du jour, devaient jouer contre moi, alors même que d'ordinaire, il s'agissait d'avantages indéniables ! L'estramaçon en main, d'un poids réconfortant, je cavalais d'une pierre à l'autre, d'un rocher aux arrêtes effilées, tentant d'éloigner le fangeux des habitations de la fermière, tout en m'éloignant de lui. Tap ! Tap ! Tap ! TAP ! TAP ! TAP !! Je voulais au départ le semer, tout en sécurisant la zone, mais force était de constater que ça ne marchait pas. L'autre gagnait lentement du terrain à mesure que je sentais le souffle me manquer. Si l'adrénaline était un puissant allié, je commençais à sentir maintenant les muscles me tirer, souffrant de mon effort prolongé. De plus la pluie faisait glisser les surfaces, rendant mes mouvements un peu gauche, mes efforts plus importants que sur un même terrain sec. Mon poids jouait aussi contre moi, brulant mon endurance rapidement. Tap ! Tap ! Tap ! TAP ! TAP ! TAP !! Adossé à un un rocher ruisselant, un genou au sol, j'écoutais l'humanoïde se rapprocher de ma position. Je n'avais pas le temps de souffler alors que j'en avait cruellement besoin ! Mais putain de bordel de merde comment cet enfoiré pouvait me pister aussi aisément ?! Ce crétin d'fangeux n'était plus très loin maintenant, moins de six pas! Je dû me rendre à l'évidence. J'étais fichu si je ne gagnais pas la ferme immédiatement. Les granges seraient un endroit sûr, je pourrais grimper en hauteur, là où on entrepose provisions et grains. Retrouver la sécurité par la hauteur. Et d'ailleurs je la voyais au travers de la pluie grise la forme du bâtiment que je voulais gagner. Aurais-je simplement le temps d'y arriver à temps ? Alors que le bruit des dents s’entre-choquantes du fangeux se trouvaient trop proche de moi à mon goût, je me redressais soudain pour partir à fond de train en direction du couvert de la grange. Tap ! Tap ! Tap ! TAP ! TAP ! TAP !! Chak ! Chak ! Katatchak ! Katatchak !! La pluie martelait mes tempes nues, mes habits lourds d'eau alourdissaient mes pas. Mes pieds bottés martelaient le sol trempé, glissant seuls parfois sur une traitre pierre lisse. Derrière moi, le bruit d'une cavalcade effrénée ! Comme un prédateur fondant sur sa proie avec excitation. Ses griffes au sol se rapprochaient de moi à toute allure ! Encore dix mètres ! Allez ! Katatchak ! Katatchak !! Katatchak ! Katatchak !!
Merde il était juste derrière ! Je me retournais, tentant d'abattre dans la la torsion du bassin un revers d'estramaçon, dans un mouvement de défense. Il allait m'en foutre une, l'enculé ! Le monstre abattait son bras griffu sur moi, et mon mouvement détourna l'attaque faisant vibrer mon arme très fort ! Je la sentais tremblante serrée dans mes mains, secouant mes os sous mes muscles. Tas de merde ! Quelle puissance ! Il m'aurait coupé en deux s'il avait pu, le sale fils de pute ! Fureur aurait voulu mordre ses chairs ! Que je l'affronte, ici et maintenant, que je rentre, le corps décapité d'un fangeux sur les épaules. Et j'étais tenté de suivre cette voie qui me paraissait réellement honorable ! Mais ça n'aurait été qu'un suicide, pas un combat. L'autre patte s'abattit sur moi et je n'eus que le temps de m'esquiver de côté ! Son coup tomba, perdant en force car détourné par ma lame, griffant mon épaule gauche, jusqu'au coude. Des sillons de chairs s'ouvrirent se colorant de rouge, alors que la douleur naissait, explosive ! Je répliquais dans un cri puissant, frappant par réflexe pour faire reculer la bête sauvage ! Se battre était inutile ! Avec le bras fort en charpie, c'était foutu ! Le fangeux m'observant de ses yeux vitreux, je repartis en direction de la grange et franchissais les derniers mètres qui m'en séparaient avant d'enfoncer les portes d'un coup de pied. Heureusement Roger ne l'avait pas condamné, aussi elle n'opposa nulle résistance. Je me trouvais alors dans un vaste rectangle, le cheval de la carriole, laissé là qui henni à cause de mon apparition violente, et du fangeux qui me suivait de près ! Je me me jetais aussitôt contre la porte, la fermant in-extremis pour sentir une force immense venir s'écraser dessus ! Le bois hurlait, se fendant à l'impact ! Et je hurlais avec lui, de rage, de peur aussi sans doute. Je luttais pour maintenir la porte fermée alors que l'autre semblait s'acharner dessus comme un dément. Le cheval apeuré avait les yeux fous, reculant dans la grange. L'autre me faisait signe qu'il pouvait descendre l'échelle pour m'aider, mais je ne pensais absolument pas l'impression que j'aurais le temps de l'atteindre que le mur aurait déjà cédé. Mon cerveau fonctionnait à toute allure, j'observais partout, et je vis une solution ! Une lourde caisse de bois se trouvait non loin des portes où je me trouvais, sur la coursive, là où se cachait Roger. Je ne le savais pas mais elle contenait les restes démontés d'une charrue. La caisse me paraissait simplement massive et lourde et je criais à Roger de la pousser au-dessus de la porte, et de la fracasser en contrebas lorsque le fangeux forcerait la porte. Blême, mais voulant tenter sa chance, le mercenaire poussa, dos courbé pour faire glisser la boite sur plusieurs centimètres d'abord. Puis ça bougea, et il pu la guider au-dessus des battants de la porte. Pour ma part, je sentais la fureur de la bête qui cognait sans discontinuer contre le bois. Je subissais chaque frappe, secoué, les dents s'entrechoquant, les muscles crispés sous l'effort, la transpiration perlant sur mon front. Encore quelques secondes et j'allais m'effondrer ! Mon bras, s'il en me faisait pas souffrir le martyr encore, lançait à chaque nouvel assaut du fangeux. Mais Roger fut alors en position, et je n'eus que le temps de prier Rikni de guider sa main. Nous n'avions droit qu'à un essai, puis je me ferais écharper par la goule. Alors que je sentais qu'un coup allait s'abattre, je me jetais loin de la porte, qui s'ouvrit à la volée, des lattes de bois, volant dans la pièce ! Le mouvement ne subissant aucune résistance fit avancer le fangeux, juste assez pour se trouver sous la caisse qui chutait de la coursive ! Il y eu un craquement sonore, un grognement, le bruit de pièces de métal qui vont rouler au sol. Un genou au sol, le bras sanguinolent, je regardais le résultat de notre piège. Le fangeux bougeait encore ! Putain il n'était pas mort ! Les pièces de charrue lui avaient écrasé une partie du corps, la droite. Et il cherchait encore d'une main à s'extraire, à attraper, ses dents se refermant sur de l'air. - Je l'ai eu le fumier ? Je me relevais et m'approchais précautionneusement. Pas à pas, l'épée levé, prêt à l'abattre. La face de la morte tournée vers moi était effrayant. Sitôt que je pus, je j'écrasais Fureur sur tête du fangeux, incapable d'esquiver le coup. La lame perça la chair, détruisit la boite crânienne comme s'il s'était s'agit d'un œuf. Malgré tout, je frappais mon estramaçon à plusieurs reprises sur le cadavre afin de m'assurer de la mort définitive de cette chose qui avait bien failli me faire la peau. A bout de souffle, les nerfs en pelote, je me sentis totalement vidé, mon bras commençant tout doucement à me faire souffrir. Je tombais sur le cul, incapable de faire un effort de plus. Puis, tout doucement, alors que le calme tombait sur la grange, sur les alentours, un rire roula dans ma gorge, un rire de soulagement, un rire sans joie, simple expression du relâchement de la tension extrême que je vivre. Me laissant aller sur le dos, je riais à gorge déployé pendant un temps. Doucement, en restant sur ses gardes, le mercenaire descendit l'échelle et se laissa glisser à mon niveau, se portant vers le cheval et tentant de le calmer, maladroitement. Il portait un regard venimeux au cadavre du fangeux, puis il vit le sang qui s'écoulait de mon bras. -Je vais aller chercher Mathy. Il faut faire quelque chose pour ça... J'eu un aquiecement appréciateur, cessant de rire. D'autres peut-être rodaient dans les parages. -" Je vais venir aussi. Je peux marcher. Mais il va falloir faire cramer la dépouille..." Je suivis Roger vers le bâtiment principal. J'étais fourbu. Et il restait encore à faire ! Les provisions, la charrette, le blessé, mon bras maintenant. En chemin, j'adressais muettement une prière aux Trois, les remerciant pour ma vie épargnée. Je ne pus que gratifier le mercenaire m'accompagnant d'une claque dans le dos. Il m'avait sauvé la vie. Et si j'avais achevé la bête, c'était un peu lui qui l'avait tué. En revanche, j'aurais besoin qu'on face quelque chose pour mon bras gauche... Les dés ici. |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Lun 23 Sep 2019 - 4:04 | | | Elle avait l'impression d'avoir mal aux poumons, tant elle avait soufflé. Et pourtant, par la grâce des Trois, une fois encore, la fermière avait été épargnée, contrairement à Tom qui vivait peut-être ses derniers instants, allongé sur la paillasse de l'unique pièce de l'étage. Arthus regardait le blessé en silence.
- Qu'est-ce que je peux faire? murmura-t-il pour ne pas déranger les gémissements de son compagnon d'armes? - Descendre chercher de l'eau, une bassine, des linges. Je... on ne peut rien faire sans soigneur, Arthus. C'est pas le genre de bobo que je peux soigner avec un petit baume acheté au marché.
Le mercenaire hocha de la tête. Descendre revenait à prendre le risque de voir la porte être défoncée par une goule assoiffée de sang, et pourtant, pour son frère, il le ferait. L'échelle fut remise en place pour laisser descendre l'homme qui guettait le moindre bruit suspect. Le calme de la chaumière contrastait avec les éléments qui semblaient se déchaîner dehors. Chaque coup de tonnerre, toujours plus proche, faisait trembler la maison et tinter la vaisselle sur les étagères. L'on imaginait parfaitement les cieux zébrés d'éclairs, même si, au dedans, seules deux chandelles et un feu crépitant illuminaient l'intérieur.
Arthus saisit la bassine et les linges, qui ne furent pas difficiles à trouver tant la chaumière était modestement aménagée. L'essentiel seulement, typique de ceux qui avaient dû quitter en catastrophe et qui, à leur retour, avaient dû tout réaménager. Il avait été tenté de remonter en vitesse, tant il avait été surpris par un énième coup de tonnerre, mais s'était ravisé pour saisir un broc d'eau et l'emmener avec lui. Tout parvint à l'étage en un morceau, et l'échelle fut à nouveau relevée.
Quelques secondes plus tard, Mathilde épongeait le front de Thomas en lui murmurant que tout irait bien et que dès que l'orage serait passé, on filerait chercher un soigneur au Temple d'Usson. Tu n'es pas seul, lui répétait-elle, tout en espérant qu'il ne meurt pas là, de suite, dans sa chaumière où il faudrait le décapiter.
Persuadée que l'étranger, dehors, avait payé de sa vie la bravoure dont il avait fait preuve, elle priait silencieusement pour son âme. Il avait donné sa vie pour en sauver trois autres, peut-être quatre si Thomas survivait, et personne ne connaissait son nom. Personne ne saurait qui informer de son trépas. Personne ne pourrait dire ô combien il avait été courageux juste avant de mourir. Laissait-il derrière lui femme et enfants, ou bien, comme d'autres, il était seul au monde depuis que la Fange, cruelle, avait emporté tout ce qui lui était cher?
Trempés jusqu'aux os, les trois compères attendaient que passe l'orage. Le quatrième, resté seul dans la grange, n'avait aucune idée que bientôt, il serait rejoint par celui qui leur avait donné le temps de se mettre à l'abri.
Combien de minutes s'écoulèrent avant que l'on entende un vacarme en provenance de la grange? Peu. Mais entre deux grondements du ciel, on distingua nettement qu'une autre scène se déroulait là où Roger s'était abrité. Ce ne fut pas le bruit de chute qui fut le plus effrayant, mais le silence qui suivit. On se serait attendu à des cris, des coups, quelqu'un qui s'enfuit sous la pluie, mais rien. Un silence de mort... jusqu'à ce qu'on tambourine à la porte.
Le coeur de Mathilde manqua de s'arrêter. Son regard affolé se planta dans celui d'Arthus, qui s'était figé.
- Ouvrez, Ma', c'est moi! La menace est écartée! gronda une grosse voix tout à coup réconfortante derrière la porte. Ni une ni deux, Arthus remit l'échelle en place et dévala les barreaux au risque de perdre l'équilibre et de tomber. Il se précipita vers la porte, en défit les verrous avant même que Mathilde ait pu émettre le moindre son et ouvrit la porte sans même prendre la peine de sortir son épée du fourreau.
- Ro... Son exclamation de joie mourut à la seconde où il aperçut la montagne de muscles derrière son chef. Encore en vie. Ce type avait le cul béni! Roger ne répondit rien et s'engouffra dans la chaumière, le blessé sur ses talons. La porte claqua dans leur dos. Les verrous furent tirés avant même que quelqu'un ait daigné dire quoi que ce soit.
- Par les Trois vous êtes vivant! La tête de Mathilde dépassait du haut de l'échelle. Roger leva les yeux et comprit immédiatement que le blessé était à l'étage.
- Permettez Ma'? Le fangeux se relèvera pas et je voudrais voir mon gars. Mathilde hocha de la tête et laissa Roger monter tandis qu'Arthus indiquait à l'inconnu de s'asseoir à la table de l'unique pièce visible de la chaumière. De l'étage leur parvinrent des murmures. Sans doute la fermière expliquait-elle que le blessé n'en menait pas large mais qu'un guérisseur pourrait leur en dire plus. La grosse voix du mercenaire semblait rassurante, et au bout de quelques instants, la fermière descendit l'échelle avec précautions pour rejoindre les deux hommes restés en bas.
- Les Trois sont avec vous messire! dit-elle en posant les pieds sur le plancher de bois et en se dirigeant vers l'homme. Mathilde Dumas, nous vous devons la vie, je... soyez le bienvenu ici ajouta-t-elle alors que ses yeux se posaient sur la couleur carmin qui teintait le bras de l'étranger. Oh merde! Bougez pas!
Elle s'éclipsa un instant, laissant l'homme et Arthus dans ce qui était la pièce principale de la chaumière, un endroit où la vie s'organisait tout autour de la grande table de bois à laquelle il était assis. Devant lui, la flamme réconfortante d'un foyer alimenté juste comme il le fallait pour couper l'humidité, les jours de pluie. Une marmite, suspendue à la crémaillère, laissait s'échapper le fumet prometteur d'une soupe bien chaude. A droite, un espace dédié à la cuisine où quelques ustensiles et récipients divers étaient rangés dans un ordre propre à la femme d'intérieur qu'elle n'était pas. Derrière lui, la porte, fermée, verrouillée, comme les volets, par sécurité. A sa gauche, longeant le mur, des armoires et des coffres renfermant des effets personnels et du linge de maison.
Où était-elle passée? A côté de la cheminée, un petit passage dissimulé par un rideau masquait une seconde pièce dont elle revint avec des linges propres. On va tâcher de nettoyer ça. Elle prit un grand saladier en guise de bassine, attrapa un cruchon qu'elle remplit d'eau et déposa le tout sur la table. Sans lui demander son avis, elle s'installa face à lui, attrapa doucement son poignet pour tirer le bras blesser sur ses genoux et commença à nettoyer le sang qui dégoulinait jusqu'au bout de ses doigts. Je vous préviens, je suis pas la meilleure pour ça. Mais je vais faire de mon mieux en attendant qu'on puisse aller chercher un soigneur.
Que lui avait-on dit, l'autre fois? De l'eau salée, pour contrer le mal, une fois que les blessures étaient propres. Et puis des bandages bien serrés. C'était à sa portée.
- C'est quoi votre nom? demanda-t-elle alors qu'Arthus, qui se faisait oublier, monta auprès de ses frères d'armes, un bol de soupe dans la main pour le pauvre Thomas. |
| | | EdmurMilicien
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Lun 30 Sep 2019 - 18:09 | | | Si en apparence j’avais retrouvé mon calme, j’étais toujours sous le coup de la folle course poursuite et de l’affrontement passé. L’esprit acéré, les muscles toujours prêts à l’emploi, l’adrénaline encore affluant, j’avais une jambe qui se contractait et relâchait à un rythme rapide, se traduisant par un tremblement de mon putain d’genou. J’entrais dans a chaumière à la suite de Roger, heureux de ne pas avoir été rappelé par Anür. Le fait d’entrer dans pareil endroit, simple, rustique, cosy, m’allait parfaitement. Merdouille, Rikni avait fait fort pour aujourd’hui ! La porte se ferme aussitôt après moi et je laissais l’autre homme aller là où se tenait son compagnon blessé. Je m’absorbais plutôt dans le détail de l’endroit, alors que deux sensations m’imprégnaient. Des fragrances de bois, de nourriture, et de diverses douces nuances parvenaient jusqu'à mon nez. L'endroit dansait sous les lumières des bougies, plongeant de l'obscurité à maintes recoins. La douleur de mon bras gagnait en intensité rapidement jusqu’à me lancer avec force ! C’était une douleur sourde qui ne s’éteignait pas, qui ne diminuait pas, mais qui pouvait connaitre des pics explosifs alors que je faisais certains mouvements mettant à contribution les muscles de mon épaule, ou de mes bras. Foutue griffe ! Et en même temps, cette douleur si lancinante soit-elle me faisait sentir tellement vivant ! Voir la mort de si près, la saluer respectueusement puis lui dire ‘ à bientôt’ était si grisant ! Malgré la frayeur, malgré la douleur, j’étais soulagé, voir, j’en redemandais encore ! Mais une grande fatigue m’envahissait aussi, mais il n’était pas question d’y céder, mon bras s’en portait garant ! On me fit signe de m’assoir à une table et j’y allais docilement, comme téléguidé par les voix environnantes. Je me laissais tomber dans la chaise, et grimaça quand la blessure me rappela à son bon souvenir. Mais quel con, aussi ! A n’en pas douter qu’une longue cicatrice viendrait recouvrir une partie des tatouages. Pour tenter d’oublier la souffrance qui remontait de mon bras, pour me vriller les tempes, je tâchais de réfléchir à la signification de tout ceci. Que voulais me dire les Trois en barrant ainsi mes prières et mes louages sur le bras ? Je songeais à tout ceci lorsque la fermière s’en vint, se présentant du même coup. Le coude droit appuyé sur la table, le bout des doigts contre ma tempe, l’autre bras pendant tristement, je levais les yeux vers elle. Et voilà qu’elle repartait déjà ! Je suivi du regard sa robe virevoltante au rythme de ses pas rapides. Et bien quoi ? Un problème ? Nom de… Elle avait songé à panser la plaie ! -« Par la barbe de Serus ! Vous êtes un don d’Anür mam’zelle ! » Après avoir parée la table, la jeune femme s’empara de mon poignet et je soulevais mon bras avec précaution, cherchant à ne pas amplifier inutilement le mal que je subissais déjà. Soucieux de ne pas passer pour un faiblard devant jouvencelle des champs, je grimaçais un vague sourire. -« Edmur M’dame. C’est pas grave. Tentez voir ce que vous pouvez faire, je ne vous en demande pas plus. » J’évitais de regarder mon bras alors qu’elle y concentrait son attention. Parfois je ne pus retenir quelques injures colorées, voir lui arracher mon bras des mains, par réflexe. Même en y accordant le plus grand soin, éponger, laver les parties proches de la blessure était douloureux, et les pics de souffrance, même courts étaient déjà de trop. Sur la fin, je crispais le poing si fort que mes phalanges étaient blanches, et quelques gouttes de sueurs venaient perler sur mon front. Quelque part, cette Mathilde c’était bien une femme des champs. Une poigne assurée, des mains plus rugueuses que la normale, des manières moins douces que le femmes de la ville. C'était infime, il fallait être un peu attentionné pour noter une différence. Mais je la notais néanmoins. Une fois le bras lavé, elle se saisit de quoi le bander. J'observais ses mouvements, restant dans la chaise. Je ne la lâchais du regard que pour jeter un œil aux coursives plus hautes, là où le blesser et les autres hommes se tenaient. -" J'ai comme l'impression que tu n'en ai pas à ta première fois, hein ? Pas facile la vie par ici ? Il va s'en tirer l'autre crêpe ? " Puis l'odeur de la soupe s'imposa à mes narines, pour me rappeler que mon ventre était fort vide ! Il gargouilla, grommelant sa faim bruyamment. Je cherchais du nez l'origine de l'odeur. -" Qu'est-ce qui vient m'ouvrir en appétit présentement ? Putain... J'ai faim ! Merde, où est mon sac ? Il doit y avoir quelque chose à se foutre sous la dent là dedans. Ou mieux !" Je lui adressais un sourire comme un fangeux face à sa proie. -" Z'auriez pas des victuailles par ici, des fois ?" |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Sam 5 Oct 2019 - 4:50 | | | -« Par la barbe de Serus ! Vous êtes un don d’Anür mam’zelle ! »
Mathilde avait souri, amusée, songeant que le verdict serait probablement bien différent après qu'elle ait appliqué les premiers soins sur les plaies sanguinolentes. Elle n'avait jamais eu à soigner pareille blessure, si ce n'est lors de l'invasion de la ville. Une fois que les fangeux avaient été contenus, elle avait fait de son mieux pour aider les blessés avant qu'on ne les emmène là où ils recevraient des soins plus appropriés. Dans le cas de Mathilde, aider était revenu à transporter des seaux d'eau fraîche et limpide, trouver des tissus propres et tenir des bassines d'eau pour les soigneurs qui improvisaient les soins dans une caserne. Entre regarder faire et faire soi-même, il y avait un gouffre... mais il fallait bien qu'elle se lance.
- Pas autant que vous messire, avait-elle murmuré, déjà concentrée sur le nettoyage du bras, avec autant de délicatesse que possible. Quelle folie ça avait été. Quelle prise de risque inconsidérée de la part des mercenaires, trop impatients de partir dépenser leur solde. Quelle imprudence que de partir seul en défiant le fangeux. L'ensemble des hommes de cette maison partageaient un point comment : une audace qui finirait par leur coûter la vie.
Mathilde déplaça son tabouret pour laisser la lumière des flammes éclairer les blessures. Arrêtez-moi si je vous fais mal, Edmur, d'accord? lui dit-elle, d'une voix infiniment douce, comme si un mot énoncé trop fort allait aggraver la douleur. Elle continua, révélant les contours de la chair tranchée par les griffes de l'abomination. Un mois s'était écoulé depuis Marbrume et pourtant, les souvenirs de l'attaque lui étaient encore particulièrement frais dans son esprit. Les entailles qu'elle lavait réveillaient en elle l'image très nette du fangeux qui s'était jeté sur elle, toutes griffes dehors, et auquel elle avait échappé grâce à une chance inouïe. Une bordée de jurons la ramena bien vite à la réalité. Merde, elle lui avait fait mal. Elle murmura des excuses en rougissant, réellement confuse.
Doucement, Mathie, doucement. Mathilde avait de la poigne. Des mains rugueuses. De longs doigts noueux. Elle était taillée pour la rudesse des travaux aux champs, et manquait parfois de cette douceur que l'on prête aux femmes et qui aurait pu être si utile, ce jour-là, pour panser des plaies. L'homme qui lui faisait face luttait contre la douleur, qui, lorsqu'elle atteignait des pics, le poussait à avoir un geste de recul qui ne faisait qu'empirer les choses. Si au moins il avait eu la bonne idée de perdre connaissance, tout cela aurait été plus facile.
Le silence, lourd, n'était perturbé que par le roulement du tonnerre au dehors, les gémissements du blessé, à l'étage et les jurons d'Edmur en bas, qui s'intensifièrent lorsqu'elle versa de l'eau salée sur les plaies pour tenter de contrer le mal. Une fois le bras plus ou moins lavé, et les entailles plus apparentes, Mathilde ne put s'empêcher de les examiner. Fallait-il coudre la peau, comme elle avait vu le faire à Marbrume? Sans aucun doute, mais elle s'en sentait incapable. Peut-être qu'en serrant les bandages, le sang s'arrêterait de lui-même. Le soigneur pourrait alors aviser, à son arrivée.
Elle saisit les rouleaux de tissus. L'avantage d'une ferme, c'est que les petits bobos étaient fréquents. On savait nettoyer les petits écorchures, passer du baume pour apaiser les courbatures et bander un membre démis ou brisé, soit pour le maintenir bien en place, soit pour poser une atèle, avant de filer au Temple pour recevoir les soins appropriés. Évidemment, on se débrouillait aussi pour avoir le matériel nécessaire aux premiers soins, dans la mesure du possible. Mathilde y tenait beaucoup, surtout depuis l'arrivée de ses apprentis. Cinq gars, trois mercenaires, c'était huit fois plus de chances d'avoir un blessé sur la ferme. Et elle était responsable de tout ce petit monde.
Elle serra les bandages, malgré les injures et les poings qui avaient envie de se fermer. Elle l'avait obligé à ouvrir sa main, pour décontracter le bras et permettre aux pansements de rester bien en place, comprimant ainsi les entailles. A peine posé, le tissu pâle s'était coloré de rouge, évidemment. Elle guetterait le degré d'imprégnation, qui lui dirait quand le sang accepterait de rester dans le corps plutôt que d'en sortir. Pas une fois elle ne croisa son regard, mais elle en sentait tout le poids sur elle. Un regard troublant, pénétrant, qui l'aurait probablement mise mal à l'aise si des mercenaires ne s'étaient pas tenus à l'étage.
- J'ai comme l'impression que tu n'en ai pas à ta première fois, hein ? Pas facile la vie par ici ? Il va s'en tirer l'autre crêpe ?
L'autre crêpe. Mathilde tiqua. Ça manquait clairement de compassion, or, de la compassion, Mathilde en avait à revendre. Un peu trop, d'ailleurs, parce que ça avait tendance à l'entraîner dans des situations compliquées, voire dangereuses, avec les bannis. Elle inspecta son travail et hocha de la tête pour l'approuver, avant de planter son regard dans celui d'Edmur.
- Il s'appelle Thomas. Il a 22 ans, et doit se marier le mois prochain, alors il a intérêt à s'en sortir. Des yeux clairs dans lesquels la lueur des flammes ne se reflétait pas de la même façon. L'un bleu, l'autre gris. Bizarre? Non. Peu commun. Elle avait répondu un peu sèchement, mais c'était trop tard pour rattraper le coup. Mathilde haussa les épaules. J'étais à Marbrume le mois dernier. J'ai vu bien pire que votre bras.
L'homme s'agita en humant l'air. Il avait faim. Tout le monde avait probablement faim, dans cette maison, tout le monde sauf Thomas. La nourriture avait cela de bon qu'elle détendait l'atmosphère. Mathilde, qui jusqu'ici songeait qu'Edmur était un gars avec lequel il fallait rester prudente, sans doute à cause de sa carrure et de la folie qui l'avait poussé à défier un fangeux, se détendit un peu. La nourriture, ça, elle savait faire. Et bien, en plus, comme en témoignait la soupe de navets et de poires qui mijotait sur le feu.
- Des victuailles? J'ai mieux, si vous me donnez quelques instants pour nous bricoler quelque chose de comestible. Elle sourit et ramassa les tissus imbibés de sang et la bassine d'eau en se levant, trop heureuse de quitter cette proximité qu'elle n'affectionnait pas, pas plus avec les hommes qu'avec les femmes. Elle imagina, en une fraction de seconde, composer un repas pour cinq personnes, même si Thomas ne mangerait probablement pas la soupe qu'on lui avait déjà portée. Tournant le dos à la montagne de muscles, elle disparut de l'autre côté de la porte masquée par un rideau.
En haut, Thomas-la-crêpe avait été débarrassé de sa chemise, afin que l'on inspecte son torse, qui déjà se colorait d'une large ligne foncée, exactement là où la charrette avait fait pression sur lui. Roger, en homme expérimenté, entreprenait de palper les côtes pour finalement décréter que plusieurs d'entre elles étaient brisées et qu'on ne devrait pas le déplacer.
Mathilde reparut, un panier à la main. Si le potage avait été cuisiné pour quatre, on pourrait le partager en cinq à condition de l'agrémenter de pain et de belles tranches de jambon séché. Elle déposa ses trouvailles, ramenée d'une petite cave creusée sous le plancher de la pièce adjacente, se lava les mains puis entreprit de découper de belles tranches de pain et quelques morceaux de jambon qui se laisseraient mastiquer longuement avant d'être avalés.
- J'espère que vous cicatrisez bien. Ils sont plutôt jolis, vos tatouages. Peu communs, mais assez beaux. Ça serait dommage qu'ils soient fichus à cause de cette mauvaise rencontre Ce n'était pas le premier tatoué qu'elle croisait. Cela restait rare et quelque peu incompréhensible pour Mathilde qui ne saisissait pas pourquoi on cherchait à modifier un corps créé par les Trois. Mais c'était joli.
Une fois la découpe terminée, elle rassembla le tout sur une grande planche qu'elle déposa sur la table, face à l'affamé. Elle y ajouta du beurre et du fromage de chèvre, puis servit deux bols de soupe pas tout à fait généreux mais d'une contenance raisonnable. Les gars de l'étage descendraient se servir quand ils estimeraient que Thomas pouvait rester sans surveillance.
- La vie n'est facile pour personne, ni ici, ni ailleurs. Mais si on respecte les règles du jeu, on s'en sort plutôt bien au Labret. Mieux qu'en ville, si vous voulez mon avis dit-elle en s'installant à table. Est-ce trop indiscret que de vous demander ce que vous faisiez dans les parages? Je venais piller ta ferme, ma p'tite dame, mais finalement jouer aux héros m'a paru plus sympathique alors... Mathilde sourit et sortit deux cuillères de son tablier, une pour Edmur, l'autre pour elle. Mangez avant que ça refroidisse. |
| | | EdmurMilicien
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Lun 14 Oct 2019 - 14:29 | | | Je ne comprenais pas trop pourquoi elle se parlait à elle-même tout bas, et pourquoi elle m'intimait régulièrement d'ouvrir mon poing, serré à m'en planter les ongles dans la peau. Je faisais ce que je voulais, crotte ! Avec un certain agacement dû à la douleur qui me lançait continuellement, j'obtempérais les doigts de mon autre main s'abattant sur le bois de la table par vague. Continuellement. Elle m'apporta alors des informations dont je n'avais pas besoin. Toute la vie du type écrabouillé qui se reposait au-dessus. La conviction de la jeune fermière tenait plus lieu d'un espoir puissant que l'avis avisé d'un soigneur. D'un autre côté, que pouvait-elle faire de mieux que d'espérer ? Elle lui souhaitait le mieux, c'était son rôle, c'était une femme, après tout... Par contre la suite réveilla mon intérêt. Elle était donc à Marbrume le jour où il y avait eu les célébrations au nom du Roi. Ce jour rouge qui avait vu tant d'horreur et de désespoir. Mon poing se serra à nouveau, la mâchoire se crispa. Mais ça n'était pas la douleur qui bandait mes muscles. C'était plutôt une colère froide. Une rage contenue. Je n'avais pas été là ce jour là. Détaché en patrouille à l'extérieur. Je n'avais pu prendre connaissance des évènements qu'au retour, découvrant abasourdi tous les évènements de la bouche de ma sœur, de ma mère. Quelle chiure ! Moi qui pensait protéger mon monde en me portant directement au contact des fangeux, moi qui pensait m'exposer le plus pour ne pas que d'autres aient à subir l'angoisse de la mort, j'avais connu alors la douche froide. Le torrent glacé de la peur dans les veines. Ainsi tous mes efforts ne servaient-ils donc à rien ? Malgré tout, ces abominations pouvaient directement menacer ma famille, les civils sans défense ? Dans la ville !! Je m'étais rendu aux bûchers restants, ceux qui achevaient de purifier les dernières victimes du massacre. L'ampleur de l'hécatombe m'avait touché. Et donc cette femme y était ce jour là ? Dame Dumas m'intima encore de desserrer le poing. Je revins à l'instant présent. La chaumière, le blessé, la nourriture. Le bras qui me lançait. Les perles de transpiration qui s'installaient à mes tempes. Le froid me gagnait. Le danger traité, la charrette, le fangeux, il ne me restait qu'un profond vide, ainsi qu'une grande fatigue. La course poursuite, les tentatives de retourner le véhicule, tout cela avait bien plus entamé mes forces que ce que je n'aurais bien voulu croire. Serus soit Loué, la jeune fermière apportait exactement ce qu'il fallait pour me requinquer ! Putain, de la viande ! Bordel cela faisait TELLEMENT longtemps !! L'odeur alléchante vint poser sur ma langue le goût fumé et salé du jambon. Mes yeux se posèrent sur la pièce de viande, ne quittant plus la chair foncée entourée de gras. Où qu'elle déplaça ou manipula le met, je le suivi du regard, concentré. -" Je... Ne sais pas ce qu'il va advenir de mes prières, m'ame. J'espère aussi que la cicatrice ne masquera pas les écrits. C'est... C'est important, tu comprends?" Je prenais quelques secondes de silence, pensif. Je relevais les yeux vers elle, lâchant le jambon du regard, car seuls les Trois avaient la puissance suffisante pour m'arracher à la contemplation de la viande. -" A ton avis, qu'essaie de ma dire Rikni ? Toutes les prières en son Nom, qu'Elle guide mon bras, tout ça, elle l'a barré avec la blessure. Je pense que ça signifie quelque chose. Mais je ne vois pas quoi..." J'attendis patiemment que la nourriture soit prête, réprimant le mouvement de la main pour me saisir de tranches tant désirées. Mais je restais aussi bien éduqué que ma mère ne l'avait voulu pour moi. Et ce fut avec voracité que je me saisis d'une tranche de jambon dès lors que le signal fut donné. Mon empressement me fit presque bondir en avant, et mon bras bandé me rappela qu'il souffrait. Je stoppais ma main juste au-dessus de la palanche, les pouce et l'index à quelques centimètres de la barbaque. Une grimace fugitive tordit mon visage l'espace d'un instant. Dame Dumas, aimable me tendis une tranche de viande. Je pris le jambon, prenant soin de respecter notre distance ne touchant pas sa main. La viande disparu aussitôt dans mon gosier, le goût salé puissant se répercutant dans toute ma bouche. Doux Serus... C'était bon cette merde ! Je l'avais presque oublié... Je fermais les yeux. Je me sentais déjà d'ici cicatriser, retrouver de la force. c'était sans doute la puissance de l'esprit, l’auto-conviction d'aller mieux, grâce à l'action de la nourriture. Je portais ensuite la main à la soupe, humant le fumet. En vérité, j'aurais bien dévoré tout le jambon, m'appropriant la viande parce que j'avais pris tous les risques là, au-dehors. Mais ça, je l'aurais fait si javais été chez moi. Cela n'était pas le cas, autant faire montre de partage et en laisser pour tout le monde. La soupe était bien gouteuse. Je tâchais d'en découvrir toutes les composantes. Je décidais d'ignorer sa question concernant ma mission. La milice n'avait pas à se justifier face aux citoyens. -" Et bien je suis ravi que tout se passe bien ici... Navets, oignons, échalotes, poireau patates et potiron ? Il y en a un que je ne distingue pas. Où est-ce que je me suis trompé ? Qu'est-ce que j'ai oublié ? C'est fameux en tous cas. Il faudra me montrer votre recette. A la maison c'est moi qui m'occupe des repas... Et ça n'est pas brillant, tu t'en doutes." Je penchais la tête légèrement sur le côté. J'étais un peu honteux de ne pas maitriser la cuisine comme il fallait. Je mettais un point d'honneur à réussir dans tout ce que j'entreprenais. Et faire la bouffe, étant une affaire de bonne femme, bah je n'y arrivais pas aussi bien que je l'aurais voulu... -" Toi qui était à la ville, dit moi ce qu'il s'est passé ? Je n'ai eu que de vagues retours. J'étais en patrouille ailleurs qu'en ça s'est passé. Je m’enorgueillis de mon rôle de rempart entre les fangeux et les civils, et je ne peux même pas être là où on a besoin de moi... Tu n'as pô perdu d'famille j'espère ?" Le ton bourru laissait deviner ma honte et ma frustration de ne pas avoir été là-bas. La mâchoire se crispait à nouveau. Ce qui pouvait être mal interprété. Qui donc souhaitait être en lieu et place d'un charnier? |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Dim 3 Nov 2019 - 3:59 | | | Si le jambon avait su détourner l'attention d'Edmur, jusqu'alors braquée sur ses blessures relativement douloureuses, cela n'avait duré qu'un instant. L'homme assis à la table sembla tout à coup particulièrement préoccupé par ses tatouages. Mathilde regretta de les avoir pointés ainsi de la sorte. Elle aurait dû y penser. Cette pratique était suffisamment rare que pour qu'elle ait une importance capitale aux yeux de ceux qui les arboraient. Qu'essayait de dire Rikni? La fermière garda le silence durant un instant qui dû paraître long, suffisamment long que pour reprendre sur un autre sujet, éludant la question à laquelle elle avait bien du mal à répondre.
L'homme se jeta presque sur le jambon, seule sa blessure le retint. Mathilde n'avait jamais été touchée par un fangeux, mais aux dires des épouses de blessés, à Usson, ça faisait un mal de chien. Plus que n'importe quel accident stupide. Même des côtes fracassées semblaient être une anecdote face à la douleur provoquée par les griffes d'une abomination. Même la brûlure du banni est un détail. Et pourtant, elle avait dégusté. Elle en ressentait encore la chaleur, au creux de sa main. Un mois s'était écoulé, et le bandage continuait de dissimuler la cicatrice, d'un rose vif, aux yeux de tous.
Mathilde finit par boire son potage, perdue dans ses pensées. L'énumération des légumes la ramena au présent. Elle sourit.
- Navets et poires, échalotes et ciboulette, avec une base de bouillon de poule, c'est tout. Le truc, quand on ne sait pas trop quoi mettre dans une soupe, c'est de se limiter à deux ou trois ingrédients. Avec une bonne base de bouillon de poule, c'est toujours une réussite. Il fallait que je passe mes dernières poires avant de récolter les premières de l'été, et les derniers navets de l'hiver commençaient à tirer une sale tête. Vite fait, bien fait, aucun gaspillage. Les femmes savent ça. Rien ne se perd, pas même les épluchures qu'on réserve pour un bouillon avant d'envoyer les derniers restants aux poules. Les femmes savent ça... et lui, il fait la cuisine? Elle haussa légèrement un sourcil, avant que son regard ne parte explorer ses mains, où certains hommes aimaient porter le signe d'une alliance avec leur épouse. Pas lui. Peut-être veuf. Mathilde, c'est indiscret ce que tu fais! Son regard se planta à nouveau dans celui du milicien et elle reprit, le plus naturellement du monde. Oh et puis il faut goûter souvent aussi, pour rectifier au fur et à mesure. Si vous passez par Usson de temps en temps, venez faire votre tour, je vous montrerai deux-trois affaires. Venez-faire votre tour... VRAIMENT?! Mathilde, merde enfin, c'est un étranger et tu l'invites à revenir? Mais t'as pas que ça à faire mal belle idiote, t'as une ferme à faire tourner, des gars à diriger, une vie à mener!
Le visage de Mathilde disparut derrière le bol de potage qu'elle avait à nouveau porté à ses lèvres. C'était sorti tout seul. Comme si elle le connaissait depuis des lustres. C'était parti d'une bonne intention, Mathilde avait beau être farouche, elle avait bon coeur, mais... S'il relevait l'invitation et revenait, dans quelques jours, pour un atelier de cuisine, Alcide serait vert de jalousie. Il s'installerait dans un coin de la maison, prétextant une tâche quelconque, et y resterait jusqu'au départ de l'importun venu courtiser sa promise. Quelle plaie! La jalousie était sans doute le seul défaut qu'elle trouvait à son fiancé.
Edmur partit sur un autre sujet. Marbrume. Elle fit la grimace avant de déposer lentement le bol sur la table et de pousser un gros soupire. Marbrume, cette ville qu'elle détestait, était sur toutes les lèvres. Marbrume et la Fange, une combinaison mortelle. Son regard noisette s'obscurcit.
- Que voulez-vous savoir de ce qui s'est passé? Le nombre de morts? Les visages terrifiés? Les hurlements des gamins affolés? Les pleurs des mères qui berçaient leur progéniture pour la dernière fois? Le bain de sang dans lequel on pataugeait pour essayer de sauver ce qui reste de vies? Elle repoussa son bol, regardant tout à coup la table de bois, usée par le temps. Son index effleura un noeud, et en dessina les courbes. Pourquoi fallait-il toujours revenir à ce massacre? Pourquoi ne la laissait-on pas oublier? Parce que tu n'oublieras jamais, et que plus tu en parleras, plus ça sera familier, et plus ça disparaîtra de tes rêves. Mathilde fit une petite moue. Pardonnez-moi, c'est... encore un peu trop frais dans ma mémoire. J'ai encore peur de m'endormir, parce que je sais que je vais en rêver, encore et encore. J'aimerais avoir une potion qui efface tout ça de ma mémoire. Mais allons-y, vous avez le droit de savoir, comme tout le monde.
Elle fronça les sourcils, en pleine réflexion. Par où commençait-elle, d'habitude? Ah oui, le duel. Son index continuait de dessiner des spirales sur le bois, son regard ne le quittait pas. C'était une belle fête, je n'avais jamais vu autant de monde rassemblé dans un même endroit. Les gens étaient heureux, ça riait, ça chantait, certains étaient ivres, d'autres pas. Personne ne pensait à la Fange, pour une fois. Les rues étaient décorées, animées. Tout le monde avait revêtu sa plus belle tenue, et s'était donné rendez-vous sur la place des pendus. Le roi était dans sa tribune, les spectateurs étaient perchés où ils le pouvaient. Le premier combat venait de s'achever, c'était au tour d'Alexandre de Terresang et d'Aymeric de Beauharnais de s'affronter. Ennemis dans la vie et dans la lice, amusant non? Aujourd'hui, mes voisins. Elle eut un sourire moqueur. Les Trois avaient le sens de l'humour. Ils avaient à peine échanger quelques politesses qu'on a entendu des cris, des cris qui approchaient. Fangeux, des fangeux au Goulot! que ça disait. Panique générale, tout le monde s'est mis à hurler et à courir dans tous les sens pour fuir. Je ne sais pas trop pourquoi j'ai proposé mon aide au Sergent le plus proche. Il m'a envoyée avec d'autres personnes en deuxième ligne. Des nobles, des miliciens, des paysans, on était tous dans le même pétrin. On était chargés de dresser des barricades. On a fait du mieux qu'on a pu avec les moyens du bord, on a abattu deux maisons pour condamner deux rues du Goulot. Quand la seconde s'est effondrée, j'ai vu une femme ouvrir une trappe dans la maison voisine, et des fangeux en sont sortis. Je sais pas combien, mais là, là, j'ai réellement eu peur. J'ai échappé à la charge de l'un d'entre eux, et je me suis carapatée. J'avais l'impression de voler tellement je courais vite. J'ai croisé une caserne, je me suis dit que c'était le meilleur endroit où être en sécurité. Quelques minutes plus tard, j'apprenais que la première ligne, l'attaque, avait réussi à contenir l'attaque. Alors on a commencé à se préoccuper des blessés, et on a pris soin des morts. Des milliers, un carnage. Hommes, femmes, enfants, vieillards, personne n'a été épargné. Ça a pris plusieurs jours avant que je ne me décide à regagner le Labret. J'avais plus de larmes pour pleurer, et j'avais besoin de me rendre utile, alors je suis rentrée. A Marbrume, ils commençaient les cérémonies, les prières, je pouvais pas rester.
Silence. Marbrume n'était pas l'endroit où elle devait être. Marbrume n'était pas l'endroit où elle devait prier. Ni au Grand Temple, ni nulle part ailleurs dans les enceintes de cette ville maudite. Le Labret était sa place. Usson. La ferme. Sa terre. Le regard de Mathilde retrouva les yeux clairs de son interlocuteur. Elle venait de penser à quelque chose.
- Tantôt je vous ai pas répondu, pour vos prières, et la cicatrice. Un jour j'ai croisé un prêtre qui m'a dit que la meilleure façon de prier était de m'acquitter de mes tâches. Que chaque geste qui conduisait à faire émerger des légumes de ma terre était une prière en soi, parce que j'étais fermière par la volonté de Serus, et que remplir ma mission de fermière était la meilleure façon de le vénérer. Je sais pas si ma façon de voir votre situation est la bonne, mais j'ai envie de croire que la Fange vous a griffé, pile sur vos prières, en espérant venir à bout de votre Foi, et que Rikni vous a insufflé l'énergie nécessaire à vaincre son ennemi. En venant à notre secours, aujourd'hui, vous avez posé un geste de vénération envers Rikni, et Rikni a sans doute guidé votre bras pour venir à bout du fangeux. Je crois qu'elle est avec vous, et qu'elle le sera tant et aussi longtemps que vous continuerez de vous battre pour elle. Avec ou sans tatouage.
Petite moue. Avait-elle bien exprimé ce qu'elle pensait? Parler de la Foi était une chose très rare pour elle. Serus avait une importance folle dans sa vie, mais cette importance ne s'était justifiée que quelques mois plus tôt, alors qu'elle faisait part de ses doutes à un prêtre bienveillant. Elle haussa les épaules, impuissante. Elle n'était pas la meilleure oratrice, plus habituée à parler aux légumes qu'aux gens. Quoique. Cette tendance s'inversait, maintenant qu'elle avait des hommes sur sa terre. En parlant d'hommes...
Elle se leva pour préparer deux assiettes bien garnies en quelques gestes rapides. Elle en profita pour déposer, l'air de rien, une autre tranche de jambon à Edmur qui semblait l'avoir apprécié à sa juste valeur, et se dirigea vers l'échelle pour faire passer les assiettes aux gardes-malades qui, de toute évidence, ni quitteraient pas leur compagnon d'infortune. Arthus fit remarquer que la pluie semblait diminuer. On l'entendait moins se fracasser contre le toit de chaume. Mathilde redescendit les trois barreaux qu'elle avait grimpés pour que le casse-dalle se rende à l'étage et s'essuya les mains sur son tablier.
- Vous étiez pas suivi par une troupe de la milice escortant le meilleur soigneur du Labret, par hasard? La pluie a l'air de se calmer, si l'averse peut s'en aller et le ciel s'éclaircir, on ira vers le soigneur le plus proche. Et pour en revenir à votre question, j'ai perdu tous ceux que j'avais à perdre dans les trois dernières années. Parents, frères, soeurs, époux, amis. Alors non, l'invasion ne m'a rien enlevé de plus. J'imagine que si vous cuisinez, c'est parce que vous avez perdu bien du monde qui vous était cher? La question de la mort des proches était toujours un sujet épineux, qu'on ne pouvait pas s'empêcher d'aborder, mais qui avait tendance à plomber l'ambiance. Mais pour soigner les coeurs en peine, la fermière avait un secret bien gardé sur son plan de travail, à l'abri d'un linge propre qu'elle souleva pour le révéler à l'invité. Une tarte. C'était une tarte. La fermière soignait le monde par la nourriture, après tout, c'était ce qu'elle faisait de mieux. |
| | | EdmurMilicien
| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] Sam 9 Nov 2019 - 13:49 | | | La jeune fermière me révéla enfin son secret. Alors, je devrais tâcher de me souvenir de tout. Donc, oui, des navets, des poires, des échalote, de la ciboul... QUOI??!
C'était donc ça ce que je n'arrivais pas à déterminer ? Ce petit goût... En même temps, ne fallait-il pas être un peu frappé du melon pour songer à mettre des fruits dans une soupe? UNE SOUPE !! Quel genre d'esprit malade pouvait bien être à ce point dissident ? Non mais oh ! Il y avait des règles dans la vie ! Et parmi ses règles tacites : 'Soupe' égale 'légumes' ! C'était évident, non ? Ou était ce moi le fou ici, putain ? ! Et cette jeune demoiselle m'informait dans le plus grand des calmes qu'elle se plaisait à mettre de la poire dans une souplette du soir.
Après bon... ' Fallait reconnaitre que ça rendait bien. C'était rudement bon. Si j'avais froncé les sourcils morigénant intérieurement. Je n'étais pas sûr que ce côté 'rebelle' de la paisible fermière soit à mon goût. Je bu plus de soupe, la chaleur du potage réchauffant mon corps refroidit par la pluie. La base de bouillon de poule était fort goûtue. Je prenais le temps d'apprécier la sensation sur ma langue, l'équilibre des saveurs. J'écoutais la femme qui concluais son explication de la recette par la proposition que je repasse à l'occasion. Je haussais un sourcil surpris. Paaaaardon?
"(...) Venez faire votre tour, je vous montrerai deux-trois affaires".
Je levais les yeux vers elle, plantant mon regard dans le sien. Après toute cette course poursuite avec le fangeux, je n'étais plus franchement sûr d'aimer la région. C'était loin de chez moi, un endroit avec beaucoup de cotes à grimper pour mon gros corps lourd. Et il y était dangereux d'utiliser une charrette. Franchement, le coin n'était pas très accueillant.
Cependant, il se pourrait bien qu'au travers de mes ordres de mission, de mes itinéraires je sois appelé à revenir dans les parages. Avoir une adresse rendrait bien les choses aisées. Plus de nuit dehors, ou à payer une chaumière inconnue... Il pouvait être intéressant d'accepter.
Mon bras me tirait maintenant. Je le sentais comme figé. Sans doute l'effet de la peau tirée avec fil et débrouillardise.
Les yeux de la fermière s'assombrirent ensuite. Ma curiosité quand aux évènements dans Marbrume ravivait visiblement des souvenirs qu'elle eu préféré enterrer. Il existait plusieurs façons de voir la mort, et cette femme semblait l'avoir vue de toutes les manières possibles. Avait-elle déjà donné la mort ? A une personne du moins. Ainsi elle aurait fait le tour du cercle. Le cercle de la ronde avec la mort. La vie n'était qu'une danse plus ou moins longue dans les bras d'Anür, finalement. Le récit que me fit la fermière me gonfla de colère. Alors qu'elle énumérait les morts, les blessés, les civils en proie à la terreur, tout mon corps se raidissait, mes muscles se bandaient alors qu'il n'y avait nul ennemi à mettre à bas. Il suffisait d'écouter le ton de Mathilde pour comprendre que les souvenirs de cette funeste journée l'accompagneraient jusqu'à ce qu'elle même soit enterrée à la terre, celle là même qu'elle avait travaillée toute sa vie. La peine, la colère, l'incompréhension, tout ce mêlait dans son ton qu'elle tentait néanmoins de tenir neutre. Voilà un mal bien plus terrible qu'une blessure au bras. Celle au cœur. Trop de choses se mêlaient en elle. C'était douloureux à voir. Son visage c'était durci aussi.
Puis elle en revint à mes cicatrices. Et moi au jambon, il fallait que j'en mange le plus possible avant de repartir demain ! Je n'aurais certainement pas les moyens de m'en payer à Marbrume ! Je mangeais distraitement la viande, mon attention happée par son interprétation du signe de la Déesse aux Mille Écailles. C'était une idée compréhensible. La prière par l'action. Seuls les actes comptent, pas les mots. Une idée que je partageais évidemment. Nul doute que la fange avait voulu me défaire de ma foi ou de la protection de Rikni, mais cela n'avait pas marché. Je me sentais toujours habité de son regard. Alors quoi ? Cela voulait-il dire que je devais stopper les tatouages ? Ne plus en avoir, visiblement ne m'empêchait pas de rester dans l’œil de la Déesse, donc devais-je arrêter d'en faire pour le coup ?
Il faudrait que j'y réfléchisse...
Finissant la soupe, je m'essuyais ensuite la bouche d'un revers de poignet.
-"Tu m'vois désolé de tes pertes. Enfant et époux... Cela a dû être dur pour toi."
Je me levais de ma chaise pour lever mon bras valide, comme pour montrer tout ce qui nous entourait.
-"Dur à en crever la gueule ouverte... Mais tu es encore en vie. Et regarde. Tout ce travail accompli."
Je laissais retomber ma main sur l'épaule de la bergère. Je restais à une certaine distance. La bienséance voulait qu'homme et femme gardent un espace minimal. D'autant plus pour moi qui était célibataire.
-"Vois tout ce que tu as fais. Toi qui prie par tes actions, Serus semble sensible à tes prières. Et je vois qu'il t'accorde tant de ses bienfaits. Peut-être que les Trois ont un plan pour toi. Ce sont des gens comme toi qui porte le genre humain, et peut-être que par ton concours, nous battrons enfin la Fange, et remodèleront cette terre."
Je retirais ma main et me tournais pour observer l'âtre de la cheminée. J'observais le feu qui ronflais doucement, les braises rougies.
-"Pour ma part j'ai eu la chance incroyable de ne perdre qu'une personne. Un père. De substitution. Mais je suis fier de penser qu'il est mort en combattant les goules."
Je tendis une main, me rapprochant de la chaleur. Ici je sentais le reste de l'humidité de la pluie qui disparaissait. Je séchais doucement. J'eus un sourire. Et je me tournais vers la fermière.
-"Je cuisine parce que je veux épargner du travail à ma mère... Et ma sœur fait des tambouilles affreuses. Alors bon, il faut bien que je m'y essaie pour ne pas mourir sans honneur à une table mal garnie."
Je me tournais à nouveaux vers les flammes. Je n'avais perdu personne de proche de moi, finalement. J'étais un homme d'action, tourné vers l'avenir. Mais dans le fond, si je n'avais perdu personne, n'était-ce pas aussi parce que je n'avais pas de gens à perdre ? Vivais-je dans une solitude sociale telle que je ne pouvais perdre que ma famille ?
Le vivais-je bien? Grande question.
Je me laissais tomber au plancher sur le cul. Je me sentais... Abattu, quelque part. Mais pourquoi maintenant ? Jusqu'ici je vivais plutôt bien ma vie en solitaire. Je penchais la tête en arrière pour voir la fermière, à l'envers. J'avais l'air un peu perdu.
-"Je... Je crois que je suis las à présent. Je suppose que c'est la douleur, la perte de sang. L'effort de la journée aussi... Je... Auriez vous une paillasse ? Un tas de foin ? Où je pourrais m'étendre ?"
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| Sujet: Re: Panique au Labret [Edmur] | | | |
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