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 L'Argot blasé des bâtards | Landric

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AlcideMilicien
Alcide



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MessageSujet: L'Argot blasé des bâtards | Landric   L'Argot blasé des bâtards | Landric EmptyJeu 15 Aoû 2019 - 23:10

Fond-du-Puits était un minuscule hameau qui portait bien son nom, puisqu'il était perdu en pleine cambrousse dans le Sud du Labret. Un paysage de hautes herbes, de la bouse et des arbres aux racines tortueuses qui parfois soulevaient les chemins, ses contours se dessinaient entre flancs de colline en cinq maisons écornées par les assauts conjoins des intempéries et du temps, simplement construites autour d'une grange aux échafaudages décharnés. Aujourd'hui abandonné au fléau qui ravageait la terre du Morguestanc, l'endroit n'était peuplé que par les animaux errants, les survivants ou les truands qui venaient encore s'y réfugier.

Mais pas ce soir...

Ce soir, la nature de ses occupants était toute autre, le hameau à présent parsemé de la toile de quelques tentes qu'ils avaient solidement dressées, l'étendard milicien profondément ancré dans la boue d'une petite cour. Derrière son drapé flottant, s'esquissaient l'égarement de faibles torches à travers le crachin épais de la pluie, découpant de quelques lueurs orangées les silhouettes qui, rigoureusement, s'affairaient à leur survie. Gardes et veillées, rafistolages et consolidations de barricades rudimentaires fabriquées avec ce qu'ils purent trouver sur place, comme de tonneaux, planches et caisses de bois, ainsi qu'un vieux chariot en guise de portail obstruant l'allée principale.

Plusieurs Coutilleries rassemblées en une petite garnison, installée sur place, courbant désormais l'échine sous la pisse d'Etiol, de la bouse plein les jambières à croire qu'ils pataugeaient dans les méandres d'une fosse à purin, les bruits d'aspiration ponctués de flatuosité accompagnant chacun de leurs pas. Temps de chien, suffisamment pourri pour s'attirer les anthropophages, les miliciens n'étaient pas sereins. On y entendait les voix montantes de la faune locale, comme des jurons qui avaient tout d’aboiements pendant que les rares officiers en charge beuglaient leurs ordres. C'est ici que tous tâcheraient de passer la nuit. En sécurité, ils l'espéraient, derrière ce qui restait encore du carré de murs qui protégeaient autrefois les habitants.

A mesure que l'on s'en approchait, vint le bruit visqueux de coups qui s'abattaient sur la viande, suivi des cris tourmentés d'un homme qu'on violente... Dans la grange qui siégeait au centre du hameau étaient retenus deux prisonniers. Le plus chanceux des deux était déjà mort. Quant à l'autre... L'autre était habillé par de simples haillons noirs de croûtes et de sang à en juger par l'éclat des torches qui l'éclairait encore, se recroquevillant tellement dans le noir pour tousser sur lui-même qu'on ne le voyait presque plus. Ses mains seulement, qui se rejoignaient fébrilement devant sa bouche ensanglantée, encaissant un énième coup de savate dans le ventre.

- Pitié ! Arrêtez, pitié ! *tousse* J'sais rien ! J'vous dis que j'sais rien ! *tousse*

Alcide Lupin se trouvait dans la grange, lui aussi. Il était en train de Créer quelque chose... Assis dans un recoin de la bâtisse, sur une caisse ; encore plongé dans ses pensées, songeant à leur destin de macchabées en sursis, et que tout le monde, ou à peu de chose prêt dans ce qui restait du Royaume, trouvait tout à fait normal. Dans cette grange, les miliciens affectés étaient sensés y garder ces deux hommes qui, bien avant eux, occupaient les lieux. Deux aigrefins, meurtriers et violeurs reconnus qui avaient pu passer les tours de guet.

Encore.

Encore...

Quant au passage à tabac, rien n'était sûr. Leurs ordres n'en relataient pas, rien n'avait été transmis aux Coutilliers, qui eux même ne transmirent rien à leur Sergent. Les gars étaient agités, à dire vrai, quand certains perdaient foi ou patience, d'autres étaient simplement découragés par la routine et les tâches qui, inlassablement se répétaient. Les nerfs à vif, dans la bande, il se pourrait que quelqu'un les ait remontés et que, de fil en aiguille, les quelques-uns qui dérapaient à cet instant en étaient arrivés à ce résultat. Vengeurs. Justiciers... Des miliciens qui se torchaient avec les décrets en se comportant comme des hors-la-loi ?

Qu'importe, une Créature était née dans cette grange.

- Qu'est-ce qu'il a dit ? Fit un premier milicien.
- Je sais pas, j'comprends rien. Lui répondit un second, penché sur le détenu.
- Recommence, tant que c'est pas clair. Renchérit un troisième.

Et son calvaire reprit.

A l'aide d'un chiffon, le Lupin nettoyait la tranche ensanglantée de son nouveau couteau tandis qu'il les observait. Le genre de lame dont il prendrait maintenant soin et qui, sans pouvoir être douée d'une âme, semblait pourvue de souvenirs accumulés au fil d'un temps où elle s'était gorgée de sang... Sinistre, ce couteau au manche d'ébène. Autrefois, il appartenait à l'un de ces criminels, là, retenu non loin devant lui, les mains liées derrière le dos. Ce dernier avait la gorge taillée d'une plaie béante, inerte au demeurant, ses fluides sanguinolent dans l'eau d'un abreuvoir où sa tête était plongée, et devant lequel il était encore agenouillé.

Le couteau :


Dernière édition par Alcide le Lun 19 Aoû 2019 - 13:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'Argot blasé des bâtards | Landric   L'Argot blasé des bâtards | Landric EmptyVen 16 Aoû 2019 - 11:22
La présence des miliciens avait ramené un peu de vie dans ces lieux désolés. Mais leur aspect sinistre inquiétait Landric: on aurait dit le décor de ses cauchemars. Les quelques pans de murs qui protégeait le campement lui évoquait l'arène de sa propre mort, les maisons, qui avaient dû autrefois être le foyer chaleureux de quelques familles, semblaient maintenant être le reflet des carcasses à demi-dévorées de leurs anciens occupants. Il ne s'y sentait pas en sécurité, marchant d'un pas furtif, la nuque courbée sous la pluie, d'autant plus mal à l'aise qu'il était trempé. L'eau qui pleurait du ciel, finement et régulièrement, avait fini par s’immiscer sous sa broigne collant ses cheveux à sa nuque à force d'obstination.

Frissonnant d'inquiétude et de froid, il allait et venait sous les ordres des coutiliers de tâche abrutissante en tâche vaine. Personne ne semblait savoir ce qu'ils venaient faire là, dans la fange et sous la pluie au beau milieu du trou du cul du monde. De fait, on s'occupait l'esprit avec ce qu'il y avait sur place, c'était la raison pour laquelle il se tenait soigneusement à l'écart de la grange, dont provenait des bruits sourds de viande qu'on attendrit, sans pour autant la promesse d'un bon repas de bœuf. Ce genre de scène donnait la nausée à Landric: être réduit à l'état de proie par plus dangereux que soit n'était pas à son sens, une raison de se comporter en animal. Pire, même qu'une bête, car il n'avait jamais vu un cheval s'acharner ainsi sur un congénère.

On ne faisait que se mettre au niveau de ces malfrats en leur offrant un traitement pareil. Il aurait été un peu plus propre de les trainer à Usson pour les exécuter proprement. Tout ça, ce n'était qu'une parodie de justice, un règlement de compte d'un goût douteux. En plus d'être cruel, c'était dangereux: comment voulaient-il brûler des cadavres sous une pluie battante, quasi continue depuis plusieurs jours qui s'était chargé de détremper le bois au point qu'allumer un simple feu de camp était déjà compliqué? C'était une bavure sur tout la longueur, avec la complicité de leurs officiers.

Landric prenait toutefois soin de ne rien dire de ces pensées: ses compagnons d'infortune ne le comprendraient pas et l'accuseraient de prendre la défense des hors-la-loi. Rien n'était moins vrai pourtant, ceux-là avaient sûrement commit leur lot d'abominations, mais selon lui, la solution à l'infamie n'était pas l'infamie. Il feignait donc de ne pas entendre les cris de plus en plus faible de celui qu'on passait à tabac se donnant l'air profondément absorbé dans l'aiguisage de la lame de sa hallebarde sur un banc vermoulu, abrité de la pluie par l'auvent d'une maison. Pour autant, impossible de sécher: l'humidité ambiante ôtait tout espoir de confort aux miliciens.

"L'Oiseau! On a un macchabée dans la grange, tu lève ton cul et tu vas nous le mettre de l'autre coté des murs!" beugla Malfort, qu'il entendait sans le voir entre les tentes.

Évidemment, ce n'était pas responsables qui se tapaient le sale boulot! Il n'avait désormais, plus le choix que de se frotter à l'horreur des hommes. Le nez froncé, il laissa son arme reposer contre un mur et se dirigea vers la grange. Le trio de sauvage était bien trop occupé à achever à coups de pied le compagnon du mort pour se préoccuper de ranger leur désordre. Landric ne regardait personne, pour éviter qu'on lise la désapprobation sur son visage. Il n'avait qu'une envie, fuir le bâtiment empuanti par la mort, qui sentait, quoi qu'on en dise même peu de temps après son passage.

Le cadavre baignait dans son sang, les mains liées. Il semblait avoir été égorgé. Si on ne pouvait pas le brûler, autant pousser le problème sous le tapis en le rejetant à l'extérieur: s'il se relevait à la nuit, au moins serait-il du bon coté des murs. Alors qu'il saisissait le pauvre type sous les aisselles, Landric avisa Alcide, les yeux perdus dans le vide dans un coin de la grange jouant avec un vieux couteau. Malfort n'avait pas du le voir avant d'interpeler L'Oiseau pour qu'il aille faire le ménage. Toujours sans respirer par le nez pour ne pas sentir le sang versé illégitimement, il s'exclama:

"Un coup de main à me donner?"

Il n'y avait pas de raison qu'il se fade le nettoyage tout seul.
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MessageSujet: Re: L'Argot blasé des bâtards | Landric   L'Argot blasé des bâtards | Landric EmptyDim 18 Aoû 2019 - 13:47
- Un coup de main à me donner ?

Le clair de son regard vert-mousse quitta alors sa lame pour se lever en direction de Landric qui apparaissait dans la grange. Intéressant. Le palefrenier avait l'air de vouloir être ailleurs, en pleine réaction allergique aux emmerdements, et ça se comprenait tellement vu le degré de je-m’en-foutisme qui régnait dans le hameau. Le manche du couteau tourna alors sur lui-même dans la paume agile de sa main, avant d'en plonger méthodiquement la lame sous la lanière de sa ceinture. Alcide acquiesça alors pour lui répondre, se dépliant de toute sa hauteur, quittant les ombres pour rejoindre Landric tout en roulant un regard vers les miliciens qui, déjà, interpellaient le palefrenier.

- Oh L'Oiseau. L'OISEAU ! s'écria Ugo Chaucavron pour l’appeler, aussi excité qu'une puce, lui-même penché sur le détenu. Connu pour être celui qui passa le plus de temps seul et enfermé à l'extérieur parmi les hommes de Malfort, et qu'on pouvait reconnaître d'entre eux tous par son tempérament survolté, voir psychotique, et essuyait régulièrement ses yeux dans un vieux mouchoir en tissu tant ses globes oculaires étaient injectés de sang. A l'époque, les prêtres pensaient qu'il souffrait de cataracte avant qu'il ne se mette à saigner, et n'ont donc jamais pu déterminer la nature de ce dont l'homme souffrait. Sans exactitude, tout ce que les gars savaient, c'est qu'il n'était pas contagieux, alors on le tolérait.

- Viens, approche. APPROCHE j'te dis. C'est à ton tour de lui poser une question. C'est vraiment pas sûr qu'il sache te répondre pis'qu'il sait jamais rien, mais essaye. ESSAYE !

Chaucavron lui fit signe, moulinant du bras pour appuyer son invitation, le milicien insistant pour le voir à leur côté. Tous semblaient s'être figés en attendant sa réponse, voilés dans la pénombre et le silence, toisant Landric avec des yeux tels qu'ils faisaient penser à ceux qu'avaient les loups soupesant de la dangerosité d'une proie. Méfiants, ils se questionnaient à son propos.

- T'es une balance, Landric ? ... dric ? ... dric ? S'interrogea l'écho d'une voix sortie de nulle part, fendant le silence quand elle s'éleva dans la grange, trouvant sa source dans l'ombre de l'étage.

Alcide, l'air neutre, plongea une main dans sa poche pour se saisir du bâton de réglisse qu'il porta entre ses dents. Un temps où l'éclat de son regard mirait la réaction de son comparse, Landric, n'ayant pas souvenir de l'avoir déjà vu se mêler d'une histoire où la misère du genre humain châtiait implacablement l'altruisme... Dans tous les cas, cet homme molesté, là-bas, s'il devait être relâché vivant, ne saurait plus discerner exactement ce qu'il y avait d'important dans le flot de questions que tous lui crachèrent au visage. La question qui les intéressaient était perdue parmi un florilège de futilités, tel que de savoir où l'un d'eux avait bien pu égarer sa botte. Elle avait déjà pu être posée, la dite question, au vue des fraiches égratignures qui entaillaient ci et là les phalanges d'Alcide.

- Foutez-lui la paix, les gars. L'Oiseau est de corvée. Fit le Lupin, impassible.

Le concert des tourments reprit alors, Chaucavron souleva le détenu en le suspendant par le col, révélant enfin un visage tuméfié sous la lueur mandarine des torches. Immonde ce visage ; un œil fermé, un faciès amorphe, boursouflé et noircit d'hématomes de toute part, un fluide sanguin où s'entremêlait bouse et salive lui dégoulinant des lèvres. Une frappe du poing le renvoya sitôt dans l'ombre, rapidement suivi d'un cri. Tous reprenaient alors leur occupation, se désintéressant de L'Oiseau...

- Hm. Repose ce corps... Décapite-le, ici, à l'intérieur. Avec toute cette flotte qui tombe dehors, on risque de mauvaises surprises si son sang venait à se répandre dans tout le campement. Ensuite, seulement, je t'aiderai à le transporter.

Fichue routine. Landric n'avait rien à se reprocher, mais il allait au devant de gros ennuis s'il ne séparait pas ce cadavre de sa tête. S'attirant des problèmes qui ne viendraient pas des miliciens, ni d'Alcide, mais plutôt des officiers qui l'humilieraient d'une gifle s'ils le voyaient balancer ce cadavre en l'état. La décapitation faisait partie de la procédure, une façon de s'assurer que le corps ne se relève plus.

- T'as pas l'air bien.

Des mots ponctués par un énième cri de râle, que poussa fébrilement le détenu séquestré en arrière plan... Dès son entrée dans la grange, ça pouvait se sentir que le palefrenier n'était pas serein ; sans doute son regard fuyant, ses épaules tendues, et la mine désapprobatrice dont ses traits s'étaient grimés qui l'avaient trahis... Comme s'il soupesait le poids de son âme, Alcide lui parla alors à travers le bâton de réglisse qu'il mâchait encore dans le coin de la bouche.

- On se dit que ce serait mieux dans la paix, et on nous le fera encore bouffer cent fois de cet espoir-là... Tu n'oses pas dire ce qui te dérange pour ne pas nous énerver, je me trompe ? Et puis un jour, tu finiras quand même par casser le morceau quand tu nous explosera au visage. Et quand tu le feras, tout le monde trouvera d'un coup que tu es très mal élevé... Et c'est tout ce qui se passera. D'accord, L'Oiseau ? ... T'as rien à craindre en me parlant.
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MessageSujet: Re: L'Argot blasé des bâtards | Landric   L'Argot blasé des bâtards | Landric EmptyLun 26 Aoû 2019 - 14:35
Alcide se leva lentement pour répondre à sa demande. Il avait eut beau être une terreur dans son enfance, il n'était pas un mauvais bougre à présent. Tout allait bien se passer, il allait pouvoir sortir de là sans encombres. Du moins le pensait-il jusqu'à ce qu'on l'interpelle, d'une grosse voix de molosse aboyant qui le fit tressaillir. Chaucavron était l'image de tout ce qu'il détestait, bête et brutal, tremblant d'excitation morbide comme un chien tombé sur un nid de petits chats. Landric resta figé dans le faisceau de ses yeux fous, au milieu son mouvement pour soulever le cadavre.

Paralysé par la pression de ses pairs, il resta coi, sans trouver la force de rembarrer un monstre qui lui semblait en cet instant plus dangereux qu'un fangeux. Il n'avait aucune envie d'aller frapper la loque qui gisait au milieu du cercle des miliciens, mais ce dégout serait-il plus fort que la peur d'être à sa place? Un homme comme Chaucavron et consorts ne savait pas faire la différence entre ami et ennemi, juste entre similaire et différent. Et s'il n'était pas comme lui, Landric pourrait bien finir sous ses poings, une fois que les officiers auraient le dos tourné.

Il lâchait le cadavre, se redressant et rassemblant son courage du même mouvement pour refuser l'invitation à danser macabre qu'on lui avait fait, mais ce fut Alcide qui lui sauva la mise avant qu'il n'ai le temps d'ouvrir la bouche. Les autres ne se firent pas prier plus longtemps et retournèrent à leur divertissement, tirant des plaintes au prisonnier comme on aurait joué d'un instrument de musique, autant que Landric revint à sa sinistre corvée alors qu'Alcide lui suggérait de le décapiter sur place. Il oubliait souvent que trancher la tête d'un cadavre était une précaution aussi sûre que de le brûler, comme si le feu était la seule façon d'effacer durablement la souillure.

"Bien vu, je vais chercher ma hallebarde."

Ce serait un travail plus net et plus rapide que de scier les vertèbres au couteau. Autant ne pas se salir les mains plus que nécessaire. Il se détournait déjà pour aller chercher l'arme, quand Alcide lui fit remarquer qu'il ne semblait pas en forme, avant de continuer sur le fait qu'il avait parfaitement comprit que quelque chose l'irritait dans l'attitude de ses collègues. Landric en fut contrarié, comme si formuler ce qui le dérangeait tant rendrait cela plus réel encore. Il retourna vers son interlocuteur, et pointant la meute du doigt, expliqua succinctement à voix basse:

"Ça, tu vois? Ça, c'est exactement la raison pour laquelle Anür nous a tous damnés."

Sans laisser le temps à Alcide de répondre, il tourna les talons pour aller chercher sa hallebarde là où il l'avait laissée près du banc vermoulu, sous l'auvent de la maison voisine. L'air frais de l'extérieur lui fit du bien malgré la pluie persistante qui recommença à le gifler immédiatement. Tout était dit, il espérait juste qu'Alcide ne l'avait pas piégé pour donner une bonne raison aux autres de le passer à tabac. Il saisit son arme appuyée au mur, la lame fraichement aiguisée jetant un éclat dans la lumière grise qui filtrait entre les nuages. Son poids familier dans sa main le rassura, elle lui faisait l'effet d'une sœur aînée protectrice.

Landric avait été avisé de l'aiguiser, la tâche répugnante qui l'attendait n'en serait que plus facile. Il entra dans la grange, et presque du même mouvement, leva l'arme et l'abattit sur le cou du mort. Il y mit toutes ses forces, son dégout pour l'attitude des autres miliciens, sa peur, sa colère. Un petit chuintement, et la tête roula, détachée du corps. Celui-là ne se relèverait pas, même si il aurait aimé le voir se venger de ses bourreaux une fois devenu prédateur. La lame de la hallebarde n'avait pas été trop souillée, l'homme étant déjà saigné comme un porc en automne au moment où il avait porté son coup, mais il l'essuya malgré tout avec un bout de chiffon qu'il gardait sur lui à cet effet.

Surmontant son dégout pour la mort, Landric se pencha pour saisir la tête par les cheveux et la jeter sur le corps auquel elle appartenait et se faisant, croisa le regard d'Alcide. Il n'en avait pas envie, jugeant qu'il s'était déjà bien trop dévoilé par son explication brève, alors il décida de détourner la conversation sur son collègue:

"Et toi alors? Je ne sais pas comment tu fais pour rester là dans ce boucan."
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