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| Champs de ferme et champs de batailles | |
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Scarocci CorberaChevalier itinérant
| Sujet: Champs de ferme et champs de batailles Lun 12 Aoû 2019 - 0:51 | | | Juillet 1166
Sentez vous l'arrivée du chevalier ?
Certains disent que non. Mais mentir n'est pas aussi aisé qu'on ne le croit. Surtout à soi-même.
Tout comme le calme annonce la tempête, et que cette étrange sensation et odeur d'ozone annonce l'orage, l'arrivée de Scarocci Corbera ne s'espère pas et ne surprend jamais. Elle se perçoit. Ce sixième sens, souvent oublié, héritage de l'humain primitif et enfoui dans les coins les plus reculés de notre être, se réveille alors. Une douce chaleur se répandant dans le corps. Un cœur qui bat plus vite. Des mains tremblantes et des sueurs froides chez les hommes et femmes de peu de foi.
Quelque chose arrive.
Tous ceux travaillant à la ferme Dumas pouvaient le sentir. Comme l'orage qui approche. Et, sans communiquer entre eux, sans en parler, concentrés sur leurs tâches, ils attendaient et observaient, dans l'attente que quelque chose ne confirme leurs instincts.
A la ferme Dumas, deux bois de cerfs furent la première chose qu'ils aperçurent.
Serus venait-il les bénir de son auguste présence ? Non. Ce n'était pas un cerf. Pas que.
Car ces deux bois se trouvaient sur un casque, et pas n'importe lequel. Même ceux qui ne l'avaient jamais vu, qui avaient juste entendus son nom et les exploits plus ou moins -plutôt moins d'ailleurs- crédibles qui l'accompagnaient, reconnurent instantanément le chevalier et sa titanesque monture.
Leur instinct, échaudé par une brise légère, celle de la destinée, le leur chuchotait. Et, dans le cœur et le corps de la maîtresse des lieux, le chuchotement était une chanson.
Maîtresse en son domaine, elle s'était imprégnée de la terre. Quelqu'un venait de pénétrer sur son territoire. Aussi, poussée par une intuition mystérieuse et proche du mysticisme, Mathilde Dumas sorti de sa maison, et, le pas devenant course, elle le vit.
Scarocci Corbera était arrivé.
Sous lui, un énorme cheval noir, plus large qu'un taureau et dépassant les plus grands chevaux de traits, au poil épais et strié de cicatrices. Ses naseaux expiraient un souffle puissant qui faisait ployer l'herbe. Un hennissement grave, rauque, comme sorti des entrailles de la terre, sembla annoncer l'arrivée de son maître.
Le chevalier ne portait plus son casque habituel, ni son épaisse mais usée armure d'acier rustique. Un casque surmonté de bois de cerfs, en hommage à Serus. Une grande cape marron bordée de fourrure. Et une armure teinte pour rappeller la couleur de la pierre, dont le torse avait été forgé pour rappeler le visage crispé de Rikni. Le long des épaisses jambières de plate, des écailles de poisson avaient été précautionneusement taillées.
La trinité était arrivée.
Son regard allant d'un visage à l'autre, alors que plusieurs fermiers et soldats regardaient d'un air surpris le chevalier qui semblait être sorti par magie du bois voisin, il vit enfin celle pour qui il avait fait tout ce voyage. Une voix de stentor, nullement étouffée par le casque, résonna à travers les champs.
- Holà Mathilde ! Je suis arrivé ! |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Mer 14 Aoû 2019 - 4:56 | | | D'aucuns auraient dit que le vent avait tourné vers l'Est, signe qu'un imprévu allait bouleverser la journée qui s'annonçait si paisible, bien que totalement dédiée à un labeur qui n'avait rien de léger, même pour un paysan qui en a fait sa vie.
Quelque chose arrive.
Dans sa petite chaumière, où elle trie déjà les herbes sèches et les semences de pois, de fèves et d'épinards dans la lumière tamisée propres aux intérieurs des maisons de campagne, la jeune femme redressa la tête. Le vent avait tourné, le pommier devant la fenêtre le lui indiquait. Mathilde s'était levée pour regarder l'horizon, au-delà des volets ouverts. Car c'est lui, l'horizon, qui trahirait le premier l'arrivée d'un ami ou l'attaque d'un ennemi. La fermière sortit sur le pas de la porte, prête à crier l'alarme pour que les hommes, dans les champs, puissent revenir ventre à terre et se mettre aux abris. Debout dans sa robe brune, la taille ceinte par un tablier blanc, les cheveux à peine retenus dans une demi queue de cheval, elle porta la main à son front pour ne pas être éblouie par l'astre solaire, et plissa les yeux, à la recherche d'un signe.
Elle fronça les sourcils. Un cerf ne rebondissait pas de cette façon. Pourtant, c'était bien des bois de cerfs qu'elle voyait poindre par-dessus la ligne du chemin sur lequel elle s'avança, arc à la main, laissant derrière elle la porte de la chaumière ouverte pour mieux s'y réfugier, au besoin. Bientôt, le panache fit place à un heaume, puis à un homme tout en armure. Devant la barrière, Mathilde ne souffla de soulagement que lorsqu'elle reconnut Bidigon, l'immense cheval de guerre qui, quelques semaines plus tôt, avait été son précieux allié alors que le Goulot était condamné. Par conséquent, le cavalier sans visage et à l'armure inconnue n'était autre que...
- Chevalier Scarocci Corbera! Eh bien ça alors, si je m'attendais à ça! lança-t-elle, le visage lumineux, à celui qu'elle connaissait à peine, mais à qui elle avait promis son aide pour redémarrer une vie au Labret, loin de Marbrume, cette ville qui chassait les valeureux guerriers qui avaient été mordus pour sa défense. Sur pieds, et suffisamment en forme que pour faire le voyage! Venez! dit-elle en ouvrant la lourde barrière de bois après avoir remis son arc sur l'épaule. Au loin, ses gars, comme elle les appelait, reprirent leur travail, tandis que Bidigon s'avançait maintenant sur le sentier qui conduisait à la petite ferme. La jeune femme referma la barrière derrière ses invités et les rejoignit à pas pressés pour saisir les rênes de la monture, qu'elle trouva encore plus impressionnante que lorsqu'elle l'avait vue pour la première fois, pour les guider vers la cour autour de laquelle s'articulaient les bâtiments - une chaumière, deux granges, un poulailler, tous bâtis en bois sur des solages de pierre - et ornée d'un puits qui alimentait les occupants du lieu.
- Soyez le bienvenu, messire! Avez-vous fait bon voyage? Quelles sont les nouvelles de Marbrume? Je vous ai trouvé une place, pour vivre et travailler, mais je ne veux pas vous assommer alors que vous venez tout juste d'arriver! Avez-vous mangé? dit-elle sur un ton on ne peut plus joyeux tandis qu'elle laissait Bidigon se pencher sur l'abreuvoir dont la hauteur, adaptée aux autres chevaux, était ridicule face à lui. C'est une armure magnifique que vous avez là! ajouta-t-elle avant de porte sa main à sa bouche. N'avait-elle pas dit qu'elle ne voulait pas l'assommer alors qu'il n'avait même pas posé pied à terre? Elle le regarda avec un grand sourire. Il était évident que si la visite était une surprise, la fermière était ravie de retrouver l'homme aux côtés duquel elle avait volé à la défense de la grande ville.
S'il réussissait à quitter sans monture sans se vautrer sur le sol, comme Alexandre de Terresang l'avait fait jadis, par un soir de pluie, elle le conduirait sans doute vers la chaumière pour lui offrir un peu de lait et de quoi grignoter. |
| | | Scarocci CorberaChevalier itinérant
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Sam 17 Aoû 2019 - 17:58 | | | Un rire tonitruant répondit aux premiers commentaires de la fermière. Scarocci leva ses bras et fit mine de flexer ses avant-bras, tel un culturiste montrant ses muscles, qui était ici invisibles sous son armure.
- MUHAHAHA ! En pleine forme comme vous le voyez ! Mais restons modeste ! C'est Bidigon qui a fait le chemin !
Il caressa l'encolure de l'animal qui se mit à hennir en toute réponse. Les autres personnes sur place regardaient Scarocci avec des yeux ronds comme des soucoupes.
La fermière se saisit des rênes de Bidigon. Si le cheval n'en avait auparavant pas, Scarocci n'en ayant aucun besoin, il avait accepté, après forces remontrances de la part de Sélène, d'en acheter. Le cheval se laissa guider, Mathilde était une des rares exceptions à la longue liste des humains se faisant instantanément mordre dès qu'ils approchaient à moins de 30 cm du destrier. Souriant derrière son casque masqué ( à moins qu'il s'agisse d'un masque casqué ?), Scarocci laissa la fermière parler, peu désireux de couper le doux son de cette belle voix.
D'un geste fluide, il fit passer sa jambe droite par dessus le dos de Bidigon et sauta de ce dernier, utilisant uniquement l'étrier comme plate forme d'appui. D'un mouvement fluide, il atterrit avec les deux pieds l'un à côté de l'autre, bien droit, et leva les bras en l'air, dans un V.
On entendit quelques applaudissements.
- N'est-ce pas ? Dit-il lorsqu'elle commenta sa toute nouvelle armure. Il pivota sur lui même afin qu'elle le voit de dos. Sa grande cape blanche avait été recousue et combinée avec une autre de laine bordée de fourrure, en faisant un manteau bien plus impressionnant et chaud. L'armure était bien plus impressionnante, même si elle n'avait pas encore subie les affres de la guerre.
- Le forgeron royal a fait un superbe travail. Elle ne protège pas autant que ma précédente armure, mais est plus légère, moins étouffante, et surtout, beaucoup plus articulée !
Comme pour appuyer ses dires, il fit quelques étirements, et, au milieu des crissements de cuir et d'acier, on pouvait aisément remarquer qu'il bougeait avec la même flexibilité qu'un homme en tenue d'Adam.
- Si je n'avais pas ce casque sur la tête, je pourrais même faire une roue avec ! Mais trêve de vantardise, j'ai quelque chose pour vous !
Il fouilla dans les sacoches accrochées à la selle de son cheval, et se retourna vers la fermière, tenant un panier.
- Je vous ai prit du poisson venant de Marbrume ! Le ton de sa voix baissa, un peu embêté. Je me suis dit après coup qu'il risque de ne plus être très frais... mais vous êtes une fermière. Vous avez tout le pain, les céréales ou fruits que vous désiriez. Alors... voilà ! De quoi varier un peu votre alimentation !
Il déposa le panier aux pieds de la fermière.
- Et enfin...
Scarocci Corbera présenta une épée.
les deux mains ouvertes, paumes vers le ciel, Scarocci Corbera tenait une épée. Petite mais aiguisée, l'arme était bien moins grande qu'une vraie épée de guerre, mais également plus large et longue que la dague qu'il avait vu la fermière utiliser lors de l'attaque de la ville. L'arme était sobre et élégante, sans chichi ni ornement, d'une grande praticité.
- C'est pour vous dit-il d'une voix solennelle. Mon armure n'est plus, mais ses pièces ont été reforgées. En voici un des résultats !
Il avança les deux mains vers la jeune femme.
- Prenez-là.
La fermière s’exécuta, saisissant le manche, dont la prise était en cuir, recouvert d'un tissu pourpre. La lame était épaisse, mais striée de lignes courbes, rappelant celles que l'on trouve sur les souches d'un arbre.
- L'acier de chez moi n'est pas aussi pur que celui des gens d'ici. Mais ce sont ces impuretés qui font sa force.
Il pencha légèrement la tête sur le côté, son visage toujours invisible.
- Elle est pour vous. En remerciements de l'aide que vous m'apportez. Et il faudra que vous lui trouviez un nom. Toute bonne arme se doit d'en avoir un.
Dernière édition par Scarocci Corbera le Jeu 19 Sep 2019 - 22:22, édité 1 fois |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Mer 21 Aoû 2019 - 4:22 | | | Mathilde faisait partie de ceux qui applaudissaient devant la descente de selle souple et parfaitement exécutée de Scarocci. L'homme avait l'air en forme, plus en forme que le jour de leur rencontre encore. De bonne humeur, il semblait vouloir prouver à quiconque le regardait qu'il était guéri et plus vaillant que jamais. Mathilde lui trouvait quelque chose d'attachant, sans doute était-ce à cause de la bonhomie dont il faisait preuve, même en plein combat. Son humeur, enjouée, était contagieuse.
- Jolie cape, c'est la nouvelle mode de Marbrume? dit-elle, amusée, alors qu'il défilait élégamment devant elle. Je n'ai jamais vu une armure comme celle que vous portez! Elle a l'air... confortable? Elle rit. Pour elle qui ne connaissait que la souplesse des tissus et du cuir, elle ne pouvait pas concevoir qu'un tas de ferraille, si bien forgé soit-il, puisse être réellement confortable. Comment pouvait-on réussir à se mouvoir avec agilité avec un tel accoutrement? La fermière n'avait jamais approché une armure de si près. La dernière occasion remontait aux joutes royales, mais elle n'était pas suffisamment bien placée que pour examiner les détails des armures des combattants. De toute façon, les réjouissances avaient été écourtées. Ôtez donc ce casque, je suis certaine qu'ici, personne n'a jamais vu un homme en armure faire la roue! Elle éclata de rire, une fois encore, sachant pertinemment qu'il ne prendrait pas ce risque... bien que le spectacle eût surement été très divertissant.
Le panier de poisson puait la mort à plein nez. Avec la chaleur du mois de juillet, s'il n'était pas fumé correctement, il était perdu dans la journée. Même si on prenait soin de l'acheter directement au port, dès le retour des pêcheurs. Après trois jours de voyage dans un panier chauffé par le soleil, le poisson était perdu, archi perdu. En manger revenait à se garantir plusieurs jours de maladie. Elle n'infligerait pas ça à son corps sous prétexte de politesse, non. Elle le récupérerait sans doute pour... empoisonner un banni... non, pour son potager à elle, qui se devait d'être plus productif que jamais. Une fois réduit en bouillie, avec un peu de levure et du miel, elle laisserait la mixture mariner tranquillement jusqu'à ce qu'elle ne sente plus rien. Alors, elle la filtrerait pour récupérer le liquide qu'elle répandrait dans la terre, afin de lui offrir un repas de roi. Mais d'ici là, le travail allait être dégueulasse.
- Merci messire! Je crois qu'ils ont une mauvaise mine et que les manger me rendrait malade mais... ils auront une utilité fabuleuse ailleurs, comptez sur moi! Elle sourit. Les gars allaient la détester, parce que bien évidemment, ils mettraient la main à la pâte. Ils étaient là pour apprendre, après tout. Elle repoussa légèrement le panier du bout de son pied, chaussé d'un sabot de bois, et plissa les yeux. Un autre cadeau?
Scarocci tenait une épée, sans doute bien plus légère et bien moins impressionnante que la sienne, mais une épée. Pour elle. Elle en était bouche bée. Jamais elle n'en avait possédé. D'ailleurs, jamais une épée n'avait été en possession de son père, ou de son grand-père. Deux de ses frères étaient partis en guerre avec des épées fournies aux soldats qu'ils étaient, mais à la ferme, on se contentait de dagues et d'arcs, à l'époque où chasser n'était pas synonyme d'être chassé.
- Êtes-vous sûr messire? Je veux dire... je n'ai jamais tenu une épée dans mes mains, et ça me paraît être un cadeau fort coûteux alors que vous ne me devez rien.
Prenez-la. C'était ce qu'il avait répondu. Elle déglutit, puis tendit une main peu sure pour en saisir la fusée, joliment ornée d'un tissu pourpre, une véritable extravagance au regard de la simplicité du reste de l'arme. Elle ne la trouva pas si lourde, malgré l'épaisseur de la lame, sans doute parce qu'elle était parfaitement équilibrée. Son regard noisette se perdit dans les courbes dessinées dans le métal par les impuretés et le savoir-faire du forgeron qui avait créé cette épée. Elle s'arrêta sur le tranchant, aiguisé avec soin, et dénué de la moindre marque de coup. Elle était neuve, à n'en pas douter.
- Je... je ne sais que dire, messire, et croyez-moi, c'est rare. C'est une très belle arme, je ne sais pas si je pourrai un jour être à sa hauteur. Je ne sais même pas m'en servir. Elle sourit devant ce simple constat. Elle n'avait jamais eu de l'intérêt pour apprendre à se battre à l'épée. Ce n'était pas une occupation de femme, avant, et c'était même très mal vu. Et puisque personne ne l'avait jamais obligée à apprendre... Elle se gratta la tête, se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir en faire. L'accrocher au mur, peut-être? Mais ce n'est pas un objet de décoration, tu pourrais t'en servir pour te défendre contre les bandits qui fréquentent les routes.
- Eh bien merci. Vous me couvrez de cadeaux alors que ce n'est vraiment pas nécessaire! Je n'attendais rien en retour, vous savez? Je vous suis bien assez reconnaissante d'avoir été le bas fort qui a su me protéger des fangeux lors de l'invasion! Son sourire s'étira. Restez-vous un peu, le temps de grignoter quelque chose? Ensuite je vous ferai découvrir votre nouveau pied-à-terre, et, si nous sommes chanceux, je pourrai peut-être vous présenter l'un ou l'autre ami. A condition qu'ils ne soient pas effrayés par cet immense heaume!
Elle ramassa le panier de poisson en riant et l'emmena, avec l'épée, vers la chaumière. Juste avant d'entrer, elle déposa le panier puant pour qu'il reste dehors et émit un sifflement particulièrement sonore. Roger, tu peux t'occuper du cheval? Elle se retourna vers Scarocci Enfin... si Bidigon le permet? Roger était un palefrenier avant d'être mobilisé au Labret. L'Ordre l'a engagé pour qu'il se forme ici, ensuite il cultivera sa propre terre.
Si Bidigon et son propriétaire le permettaient, la monture serait bouchonné avant d'être emmené dans le pré où la grosse Marguerite faisait déjà la belle. Dans le cas contraire, il resterait près de l'abreuvoir, le temps que Scarocci revienne le chercher. Mathilde laisserait alors entrer Scarocci dans sa modeste chaumière, pour le faire s'installer à la grande table de bois, avant de lui improviser un solide casse-croûte. Parce qu'un gaillard qui fait des pirouettes en armure doit être un gaillard qu'il faut nourrir convenablement. |
| | | Scarocci CorberaChevalier itinérant
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Mar 3 Sep 2019 - 23:36 | | | - Je... je ne sais que dire, messire, et croyez-moi, c'est rare. C'est une très belle arme, je ne sais pas si je pourrai un jour être à sa hauteur. Je ne sais même pas m'en servir.
- Si vous n'en étiez pas digne, je ne vous l'aurais pas donnée répondit Scarocci d'une voix solennelle. Je sais que vous saurez en faire bon usage. Sa voix redevint puissante et plus détendue. Je reconnais que je ne dit pas non à un bon repas ! Muhahaha !
Roger arriva aussi vite que la maîtresse de maison l'avait sifflé. Il se mit au garde à vous devant Scarocci, visiblement impressionné par l'armure, avant de déclarer un "Messire ?". Scarocci fit un signe de la tête vers son cheval.
- Qu'en pense-tu ?
Bidigon se mit à souffler, et regarda Roger avec une intelligence qui n'avait rien de celle d'un simple cheval. Il fit quelques pas autour de l'homme, comme s'il l'examinait, des pieds à la tête, avant d'approcher son museau du palefrenier qui n'en menait pas large. Vu de près, l'animal était encore plus impressionnant que son maître. Sa peau était épaisse comme celle d'un taureau, et sa robe était presque une fourrure. Il avait une odeur âcre et puante, musquée par l'effort et une agressivité toute juste contenue.
Il renifla le palefrenier, avant d'hennir d'un air sombre. Scarocci hocha la tête.
- Je suis d'accord ! Il reporta son attention sur Roger. Il est à vous ! Ne le brusquez pas, mon petit Bidigon est facilement terrifié !
Roger n'en cru pas un mot et regarda le chevalier comme s'il avait marché sur une merde de chien. Mais le chevalier, suivant la jeune femme, n'en vit rien. Il dut toutefois passer la porte de biais, tant les bois de son casque étaient larges.
- Petit défaut de fabrication, mais il faudra faire avec ! dit-il avec humour, avant de regarder la baraque. Une grande table de bois trônait au centre, au milieu de nombreux meubles croulant sous les affaires, vêtements, instruments de ferme ou autres ustensiles. Un mur avait été peint de couleurs vives pour égayer l'intérieur. Malgré tout, il n'y avait aucune sensation de chaos qui s'en dégageait. Tout semblait à sa place. Il le sentait. Au milieu de cette cohue, dans cette ferme surpeuplée et ce monde aux abois, il se sentait ici dans l'œil du cyclone.
Tranquille.
- C'est une belle maison. dit-il avec le plus grand des sérieux. J'y pense, vous parliez de me faire rencontrer des amis ? Que vouliez vous dire ?
Il vit qu'elle était affairée sur quelque chose.
- Puis-je aider ?
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| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Lun 9 Sep 2019 - 2:01 | | | Mon petit Bidigon est facilement terrifié...
Mathilde se retint péniblement de rire. Bidigon était immense, impressionnant, et sa puissance ne faisait aucun doute. Elle l'avait trouvé particulièrement courageux, lors de l'invasion. De nombreux chevaux auraient fui, mais il était resté, malgré sa nervosité apparente face au danger, auprès de son maître. Mathilde ne doutait pas que ces deux-là formaient une équipe solide, et que l'un ne survivrait pas sans l'autre, sur un champ de bataille.
Ils entrèrent dans la petite chaumière où la lumière pénétrait difficilement par les petites fenêtres pourtant ouvertes. Elle rit de voir le chevalier peiner avec son panache, qui n'était absolument pas adapté aux espaces clos. Lui-même semblait particulièrement imposant, dans cette grande pièce encombrée d'étagères, de coffres et de la grande tablée qui semblait déjà prête pour accueillir des convives encore occupés aux champs.
- Peut-être devriez-vous retirer votre casque, avant d'accrocher mes casseroles et mes linges par mégarde! dit-elle en riant.
Elle déposa l'épée avec précautions sur le manteau de la cheminée, dans laquelle brûlait un feu allumé uniquement pour la préparation de la soupe qui mijotait dans la casserole.
- Il va falloir que vous m'appreniez à m'en servir, parce que personne ici ne peut le faire, et comme nous risquons d'être voisins...
Elle saisit une grande cuillère de bois pour remuer la soupe.
- Débarrassez-vous de ce qui pourrait vous encombrer durant le repas. Vous avez fait un long voyage, je m'en voudrais de vous faire travailler, ça ne se fait pas! Pas d'ennuis sur le chemin?
Elle savait que de Conques à Sarrant, les attaques se faisaient nombreuses. La large cicatrice encore rouge qu'elle gardait dans le creux de sa main gauche, bien à l'abri sous une bandelette grise, le lui rappelait sans cesse. Des bannis, des bandits, des fangeux... Il était facile, pour une femme, de se faire prendre. Scarocci, au moins, devait avoir un effet plutôt dissuasif sur ceux qui voulaient attaquer un voyageur.
La fermière déposa un pain sur la table pendant que Scarocci racontait ses éventuelles rencontres sur la route. Elle découpa de larges tranches, en disposa une sur une planche, et l'accompagna d'un fromage de chèvre et d'un pot de confiture, comme elle en avait mangé quelques mois auparavant chez le Comte de Beauharnais. Elle plongea une louche dans le grand chaudron et servit un généreux bol de soupe au voyageur.
- Connaissez-vous Alexandre de Terresang? C'est mon voisin, depuis quelques mois. Il m'a dit qu'il pourrait vous offrir le gîte et le couvert et peut-être une petite solde contre quelques services liés à la sécurité de la ferme dont il a fait l'acquisition.
Elle déposa finalement le tout sous le nez de Scarocci et s'installa à table... avant de se relever, ayant réalisé qu'il manquait un gobelet d'eau bien fraîche, qu'elle lui servit dans la minute. Alors seulement, elle se réinstalla avec un gobelet pour elle, et ne perdit pas une miette de ce que le chevalier lui pourrait lui dire. Mathilde avait pris goût à tout savoir de la vie et des aventures des voyageurs qui s'arrêtaient chez elle... |
| | | Scarocci CorberaChevalier itinérant
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Ven 20 Sep 2019 - 1:01 | | | - Il va falloir que vous m'appreniez à m'en servir, parce que personne ici ne peut le faire, et comme nous risquons d'être voisins...
- Hum, je reconnaît ne pas être le meilleur professeur. Mais si vous avez le temps, pour vous, je veux bien faire des efforts ! répondit Scarocci. La fermière semblait solide et pleine de bonne volonté. Si elle voulait suivre son entraînement, elle allait en avoir besoin.
- Le voyage a été plutôt calme. J'ai subit une ou deux embuscades dans le temps, mais les bandits me laissent tranquille désormais. Eux-mêmes savent qu'on ne s'attaque pas impunément à un chevalier ! Et Bidigon s'est fait une petite réputation parmi eux.
Il continuait de parler alors que la jeune femme déposait le pain sur la table.
- Un jour, un petit groupe d'entre eux avait essayé de m'enlever Bidigon ! Buhahahahaha, vous auriez du voir dans quel état ils ont finis !
Un hennissement, au loin, se fit entendre. Il faisait penser à un rire.
- Résultat, non, le calme plat ! Même pas un fangeux pour me distraire ! Si jamais vous entendez parler d'un fangeux manchot, prévenez moi... celui que j'avais affronté lors de l'attaque s'est enfui comme un lâche après que je lui ai coupé le bras ! Ce pleutre, ce... *il prit le bol de soupe* ooooh, ca sent bon !
- Si je connais Alexandre ! Evidemment ! Nous nous sommes affrontés au Tournoi des Preux, il y a... deux ans maintenant ? En demi-finale ! Malheureusement, ces fangeux nous ont empêché d'avoir le combat retour que nous espérions tant... c'est un brave combattant et têtu comme une mule ! Ceci dit, en dehors de la mêlée, j'ai cru comprendre qu'il n'était pas si fiable que ca... mais je ne prête pas attention aux ragots. Il y en a déjà bien assez sur moi !
Il pointa du doigt la commode derrière Mathilde. Il était toujours armuré de pied en cap.
- Puis-je avoir un peu de sel ? Merci...
Alors qu'elle se retournait pour le lui donner, elle put voir qu'une épaisse tartine aux trois-quart dévorées se trouvaient entre les doigts du chevalier, duquel émanait un bruit de mastication.
- Ce pain est délicieux...
Dernière édition par Scarocci Corbera le Mer 9 Oct 2019 - 23:00, édité 1 fois |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Jeu 26 Sep 2019 - 20:07 | | | Mathilde rit à l'évocation de la tentative de vol de Bidigon. Marguerite aussi n'était pas du genre à se laisser faire. A chaque fois qu'on avait voulu la lui prendre, elle était revenue à la ferme, parfois avec des traces de sang sur les sabots mêlées à la poussière du chemin qu'elle avait parcouru. Une seule fois, Mathilde s'était inquiétée, alors que la jument lui avait été dérobée pendant près d'une semaine, mais l'Ordre l'avait ramenée, saine et sauve, avec toutes ses affaires. C'était au début du mois de mai, juste après l'attaque de Marbrume. La marque qu'elle portait dans le creux de la main en était un douloureux souvenir.
La fermière haussa un sourcil surpris lorsque le chevalier lui fit part de ce qu’elle prit comme un manque de considération à l’égard de celui à qui elle devait beaucoup. Beaucoup de bien, évidemment, puisqu’il lui assurait une forme de protection en plus de financer la main-d’œuvre qui travaillait sur ses terres, mais également beaucoup de soucis, puisque les largesses dont elle profitait faisaient des envieux, et parmi eux, un banni aux cheveux roux qui n’hésiterait pas à la tuer.
- Je crois que Marbrume ne réussit pas au Vicomte. Les intrigues, les magouilles, c’est le genre de choses qui le font vieillir de dix ans dans la minute. Ici il est… libre? Différent, en tout cas. J’aime à croire que c’est un homme d’honneur.
Elle sourit. Alexandre de Terresang était un ami, plus qu’un noble auquel elle devait le respect. Elle espérait ne pas s’être trompée sur le personnage qu’il était, parce qu’elle l’aimait beaucoup, malgré toute la complexité que leur relation impliquait. Un homme et une femme, un noble et une gueuse, un impulsif et une réfléchie. Tout les opposait, tout, sauf l’amour de la terre, qui faisait le lien entre eux. Elle reprit, en se retournant pour saisir la main de sel, posée derrière elle.
- J’espérais sincèrement voir l’affrontement entre Alexandre et Aymeric de Beauharnais. Les deux sont en profond désaccord et je crois que ça aurait pu régler les choses. Ou attiser leur différend. Je… Elle écarquilla les yeux devant le pain si entamé. Par les Trois, il avait galouffé! Dites… si vous préférez que je regarde ailleurs pour ne pas que je vois votre visage, dites-le-moi. Je peux comprendre. J’ai vu votre casque, au Temple…
Elle déposa le précieux sel sur la table et, comme pour appuyer sa proposition, alla s’installer face au feu, et dos au chevalier. Elle ne tricherait pas. Sans doute avait-il été gravement blessé et ne voulait-il pas montrer ses cicatrices toutes fraîches. Elle se rappela du heaume défoncé. Peut-être que les blessures ne se résumaient pas à quelques cicatrices. Elle avait déjà vu quelques gueules fracassées, mais toujours de loin, à Usson. Ces gens avaient tendance à faire profil bas pour ne pas attirer les regards et les moqueries qui allaient souvent avec.
- Ça doit pas être très confortable pour dormir, cet attirail! Elle pouffa de rire. Si ça trouvait, le chevalier s’y sentait tellement à l’aise qu’il ne quittait jamais son armure. Elle plissa légèrement le nez en se disant que l’odeur qui venait avec cette drôle d’habitude ne devait pas être fameuse. Elle leva les yeux sur l’épée, posée plus haut.
- Vous croyez vraiment que je pourrai m’en servir? De l’épée, je veux dire. Le Labret n’est plus si tranquille et… enfin je me sens un peu moins à l’aise de circuler seule. Même aller à Usson, qui est pourtant si proche, est une épreuve. On dirait que les bandits se sont donnés le mot et qu’ils guettent la moindre opportunité, bien cachés dans les fossés. Vous, avez votre armure, vous faites peur, mais moi… moi je ne suis qu’une femme, et les femmes sont des cibles de choix.
Elle ferma les yeux. Immédiatement les souvenirs de la cave et des bannis remontèrent. La marche dans les marais, la terreur d’entendre un grognement de fangeux, la peur de ne pas arriver à temps aux portes de Sarrant. Ses mains se crispèrent sur les accoudoirs. Elle poussa un profond soupir. Comme pourrait-elle oublier? Un bruit dans son dos la ramena au présent. Scarocci venait de poser son gobelet sur la table. Avait-il parlé? Peut-être…
- Quand vous aurez terminé, nous pousserons une pointe vers la ferme de Terresang. S’il y est, nous verrons s’il est toujours d’accord de vous offrir du travail, et si ce n’est pas le cas, eh bien vous logerez ici en attendant.
Des tas de bouches à nourrir, mais si autrefois elle aspirait à rester seule, aujourd’hui, la fermière aimait se savoir entourée. Tant que la vie bourdonnait autour d’elle, elle ne pensait plus à Marbrume, à l’invasion, aux fangeux. La présence des gars lui était réconfortante. Parmi eux, elle se sentait en sécurité. |
| | | Scarocci CorberaChevalier itinérant
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Mer 9 Oct 2019 - 23:52 | | | - Dites… si vous préférez que je regarde ailleurs pour ne pas que je vois votre visage, dites-le-moi. Je peux comprendre. J’ai vu votre casque, au Temple…
Aucune réponse de la part du chevalier. Ni geste non plus. Il était immobile, comme une statue, et ne dégageait rien. Ni souffle, ni respiration, ni le moindre bruit, comme si sa présence entière avait été effacée. Comme si elle se retrouvait seule dans la pièce.
Après un instant , comme s'il s'était assuré qu'elle gardait bien le dos tourner, elle put l'entendre enlever son casque et le poser contre la table. Rien que le son dégagé par le heaume donnait l'idée de son impressionnant poids.
Le souffle du chevalier, sans le casque pour le séparer du reste du monde, semblait plus proche.
Continuant de manger et de boire en silence, comme si dévoiler son visage le mettait mal à l'aise, il écoutait la fermière parler, s'interrogeant sur sa capacité à manier l'épée. Si elle en aurait le droit. La possibilité. Si sa nature de femme allait la retenir, la bloquer, la pénaliser.
Scarocci continuait de la laisser parler. Sentant que là, tout de suite, la meilleure chose à faire était de l'écouter.
- Quand vous aurez terminé, nous pousserons une pointe vers la ferme de Terresang. S’il y est, nous verrons s’il est toujours d’accord de vous offrir du travail, et si ce n’est pas le cas, eh bien vous logerez ici en attendant.
- Merci, Mathilde.
La fermière s'immobilisa, complètement raide. Ce n'était pas la voix masculine, chevaleresque, virile du chevalier qu'elle avait entendu. Mais celle, douce, et maternelle, d'une femme. Derrière elle, la voix reprit la parole.
- La valeur n'attend pas le nombre des années, et le tranchant d'une lame reste le même entre les mains d'un homme comme d'une femme. Après tout, n'avons nous pas des sergentes, ma chère ?
La brune pouvait l'entendre manger et boire, l'armure lourde cognant contre le bois de la table, les gantelets frottant contre l'assiette et le verre.
Scarocci était ravi de voir qu'elle faisait de son mieux pour ne pas se retourner. Puis, ayant fini de manger, repris son casque et le renfila. La puissante voix de stentor habituelle et familière retentit alors dans la pièce.
- Etes-vous assez forte ? Est-ce que l'arme entre vos mains est assez solide ? Qu'est ce qui fait de vous une survivante, quelqu'un digne de combattre ? Sur quoi faut-il compter à votre avis, Mathilde ?
Un poing frappant le torse.
- La force de l'acier ?
Puis, du poing, encore, un choc sourd contre la paume de son autre main, émettant un bruit mat et musculeux au lieu de métallique.
- Ou celle de la chair ?
Le chevalier se leva alors, faisant le tour de la table, alors que la fermière lui tournait toujours le dos, face au feu. Se positionnant face à elle, avant de s'agenouiller. A travers les fentes du casque, elle pouvait deviner les beaux yeux bleus de l'armure vivante. Elle pouvait sentir les mains puissantes et froides de Scarocci prendre les siennes, comme elle avait pu le faire il y a des mois, à l'hôpital.
- Quand vous saurez répondre à cette énigme, alors vous pourrez vous servir de l'épée. N'oubliez jamais ! Votre âge, vos origines, votre sexe... ça n'a aucune importance.
Elle se retrouva debout, forcée par une puissance bien au delà de la sienne, avant qu'une tape virile ne vienne secouer ses épaules.
- Allons-y ! Amenez moi chez Alexandre ! Une voix joyeuse et puissante. Je n'ai pas aussi bien mangé depuis des semaines ! Merci encore !
|
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Lun 28 Oct 2019 - 18:46 | | | La voix féminine la fit sursauter. Par les Trois, personne n'avait pourtant poussé la porte de la chaumière, elle l'aurait entendue pivoter sur ses gonds. Était-ce... Scarocci? Il avait retiré son casque pour manger, et sa voix avait mué. Se pouvait-il qu'il soit une femme? Non, impossible. Elle l'avait vu au Temple, à demi-nu, le torse ceinturé de bandelettes imprégnées du sang de ses blessures. Un torse bien masculin, lardé de cicatrices témoignant d'un goût trop prononcé pour la bataille. Pourtant la voix douce reprenait, alors que la fermière, les épaules raidies, le dos bien droit dans son fauteuil, prenait sur elle pour ne pas se retourner et démasquer l'imposture. C'est un test, il veut savoir s'il peut me faire confiance pensa-t-elle, gardant les yeux rivés sur les flammes en dépit de l'envie brûlante qu'elle avait de regarder par-dessus son épaule.
Les bruits du repas prirent fin, alors que la voix, maintenant masculine, de Scarocci retentissait dans la petite pièce. La force de l'acier ou celle de la chair? Mathilde ferma les yeux. Qu'est-ce qui avait fait d'elle une survivante? La chance, à n'en pas douter. N'avait-elle pas évité de justesse un fangeux qui bondissait sur elle? Ne s'était-elle pas enfuie sans en croiser d'autres, alors que l'instant d'avant il semblait en pleuvoir tout autour d'elle? Elle fronça les sourcils, entrouvrit la bouche pour répondre puis se ravisa.
- ...
Elle n'avait aucune armure et n'avait jamais été entraînée au combat. Autrefois, son arc lui était utile pour chasser du petit gibier. Aujourd'hui, par la force des choses, il était devenu une arme contre les hommes cherchant à s'emparer de ses maigres biens. Pourtant, son arc lui avait été complètement inutile face à ce banni aux cheveux roux. Mais là aussi, elle avait survécu, contrairement à sa compagne de geôle. Pourquoi? Elle ne s'était jamais posée la question.
Mathilde passa en revue les événements de la Fange. L'invasion du Labret, la fuite vers Usson, l'hiver misérable passé dans la crainte, le retour à la ferme, le dur labeur pour tout remettre sur pieds, l'été accablant, les attaques de fangeux, de bannis et d'autres paysans trop miséreux et complètement désespérés. Les sectaires de Marbrume, l'invasion de la ville, la peur omniprésente, les morts qui s'accumulaient autour d'elle. Mais elle avait survécu. Pourquoi?
Mathilde rouvrit les yeux. Des mains froides s'étaient emparées des siennes. Un regard d'azur semblait sonder son âme. Elle avait à peine entendu le chevalier se mouvoir jusqu'à elle pour quérir la réponse, qui, cette fois, lui était claire.
- La force de l'âme messire. Ces deux années m'ont appris une chose. Si on brise mon arc, si on brise mon corps, je ne m'avoue pas vaincue, parce que tant qu'il subsistera un infime espoir, mon âme s'y accrochera et me conduira à survivre. C'est ce qui m'a jetée dans la mêlée, lors de l'invasion. C'est ce qui m'a sauvée des bannis. C'est ce qui m'a découragée de tout abandonner. Plus que l'acier, plus que la chair, la force de l'âme fait d'un être humain un digne combattant.
A peine avait-elle parlé qu'elle se retrouvait debout sur ses deux pieds, portée par des bras puissants dont l'approche, probablement un peu trop familière pour la bienséance, la troubla un instant seulement. Qu'avait-elle à craindre de lui, si ce n'est une transformation inopinée?
- Allons-y ! Amenez moi chez Alexandre ! reprit la voix, maintenant joyeuse. Elle rit, légèrement secouée. Bien que de constitution robuste, elle paraissait frêle face à la grande armure qui la relâchait enfin.
- Alors en selle, chevalier. Messire de Terresang devrait être au logis ou y avoir laissé des instructions. Ça n'est pas bien loin d'ici.
La montagne d'acier s'écarta en la remerciant pour le repas. Mathilde songea que manger avant un petit trot n'était peut-être pas la meilleure des idées, et elle espéra que son ventre ne rejetterait pas la pitance sur les pieds du Vicomte. Ce faisant, elle attrapa son arc et son carquois, puis ouvrit la porte avec la précaution habituelle, jeta un oeil aux alentours puis au ciel et sortit une fois rassurée sur la météo et l'absence de menace apparente. Scarocci la suivit, adoptant cette étrange posture permettant à son imposant couvre-chef de passer la porte sans rien accrocher. La fermière ne put empêcher un petit rire de franchir ses lèvres alors qu'elle l’entraînait vers le pré où Marguerite paissait aux côtés d'un Bidigon étrangement tranquille, lui qui aurait sans doute dû chercher à s'emparer des meilleures touffes d'herbes. Il était encore tout harnaché, peut-être parce que Roger, trop impressionné par l'étalon, s'était contenté du minimum.
La fermière monterait à cru, et emmènerait Scarocci Corbera à la ferme d'Alexandre de Terresang, son voisin et ami, où le chevalier pourrait peut-être redémarrer une nouvelle vie. Si le Vicomte lui en offrait la possibilité. |
| | | Alexandre de TerresangVicomte
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Sam 2 Nov 2019 - 16:10 | | | Alexandre de Terresang était au labret et il s'y sentait presque comme chez lui, il était arrivé il y a quelques jours et déjà il prenait cette ferme pour une nouvelle terre, une terre sainte, une retraite spirituelle où son esprit allait pouvoir se reposer de toute la corruption qu'il avait enduré dans la Cité Franche, il se levait aux aurores et humait l'air frais du matin et de la campagne, il se restaurait tout en regardant le soleil se levait… bon sang, il adorait cet endroit ! Il avait même décidé d'aider à défricher les herbes mortes derrière la palissade et même si ce n'était pas facile, il l'avait fait, il se sentait comme chez lui … comme à Sanfroid … comme … avant, bon sang ce que cela faisait du bien !
Aujourd'hui, il était temps de voir à consolider certains endroits de la palissade qui n'avaient pas pu l'être lors de sa restauration, car, Alexandre avait décidé de prioriser les bâtiments -écuries, casernements pour ceux qui voulaient vivre sur le domaine (il y en avait au total deux), le corps du logis et même l'entrepôt que l'on avait agrandit- et de faire ce que l'on pouvait avec la palissade mais la priorité avait était de pouvoir s'installer au plus vite, les champs avaient été labourés et semés par la belle fermière et ses ouvriers en formation, il n'avait aucun besoin de s'ennuyer avec ça pour le moment mais il fallait bien le faire.
A cette heure, la ferme était en ébullition, un convoi de deux charrettes avec à leur bord plusieurs matériaux de construction était revenu de la ville (et notamment de la Résidence d'Alexandre) sans une égratignures … cela avait était fait de jour pendant une semaine, même si la caravane avait été mobile sans grande escorte, il avait fallu prévoir des départs décalés, il ne fallait pas que ce matériel tombe dans l'oubli et aux mains des bannis et autres brigands. Alexandre avait donc décidé de laisser tomber les travaux sur la palissade pour aider le déchargement des deux charrettes en compagnie de ses hommes, il fallait le faire au plus vite.
Il ne vit pas arriver l'étrange duo dû à la palissade qui longeait l'ensemble du domaine mais quand il le put, il se mit à sourire. Il donna alors la caisse de clous à l'un des artisans qui était présent puis haussa le ton à leur arrivée.
« La Dame du Labret nous a amené un invité ! » |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Dim 29 Déc 2019 - 17:41 | | | Le trajet s'était relativement bien passé. Un seul petit galop, pour mettre de la distance entre un groupe d'hommes à pied et eux, afin d'éviter une éventuelle confrontation, ce qui avait contrarié légèrement le chevalier, toujours prêt à en découdre avec panache. Longeant la palissade, Mathilde indiqua l'étendue de la propriété à Scarocci, avant d'entendre la voix familière du Vicomte annoncer leur arrivée. Elle rit.
- Bonjour, messire mon voisin!
Les deux chevaux approchent à un pas tranquille des hommes au travail. Scarocci ne perd pas de temps. Trop impatient de pouvoir apporter son aide, il saute de selle et se réceptionne souplement pour filer se mettre au travail et participer au déchargement. Trop heureux d'être utile, il ne prend pas le temps de saluer qui que ce soit mais entonne une petite chanson dont l'air résonne étrangement dans son heaume.
- Eh bien... j'espère que tu as une montagne de travail à abattre, parce que mon invité est un volontaire qui a grand besoin de travailler.
Mathilde rit et descend à son tour de cheval. Il y a du monde autour d'eux, alors plutôt qu'une accolade bien trop familière, la fermière se contente de hocher de la tête en guise de salut, évitant ainsi d'offrir le spectacle d'une révérence dénuée de grâce. Elle a beau se pratiquer le soir, elle n'y arrive pas. Le mouvement manque résolument de souplesse pour elle qui passe ses journées dans des positions inconfortables afin de cultiver ses champs.
- Vous avez bien avancé! Joli travail! As-tu quelques minutes à t'accorder? J'ai une faveur à te demander. Reconnais-tu cet homme?
Mathilde en doute. Scarocci ne porte plus la même armure, et il ne doit pas être le seul grand gaillard harnaché de la tête aux pieds qu'Alexandre ait croisé dans la vie. Mais la tendance à l'exagération, elle, est sans nul doute un trait marquant de Corbera, tout comme son entrain à accomplir des tâches physiques. |
| | | Alexandre de TerresangVicomte
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Sam 4 Jan 2020 - 11:02 | | | Alexandre vit une furie armurée se diriger vers les chariots … bon, un travailleur qui en avait envie d'abattre c'était utile ici ! Mais il lui rappelait quelqu'un … non, l'armure ne lui disait rien, bah qu'importe. Il reporta son attention sur la fermière qui quitta sa selle et salua sobrement le Vicomte … bon, au moins, elle ne lui avait pas fait un immense câlin, c'était déjà ça, il entendait encore quelques ricanements sur la dernière fois mais ce n'était guère bien méchant.
« Oui, nous avons turbiné, nous avions besoin que cette protection soit debout dès que possible, au moins je n'aurais plus à chercher partout les caisses de clous qui disparaissent. »
Oui, car depuis une semaine, la nuit, Alexandre s'était rendu compte que malgré la garde présente, des caisses de matériel disparaissaient … il avait failli foutre un taquet à un gamin qui se trouvait sur le domaine pensant que c'était lui mais non, un voleur ne revenait pas sur son lieu du crime le jour … cela devait être un banni ou un brigand qui avait eu grand besoin de clous et de marteaux … pourquoi ne pas venir demander alors ? Bah qu'importe.
« Des minutes ? Toujours pour la Dame du Labret, je ne suis qu'un humble sujet pou celle-ci. »
Il tourna la tête vers l'homme qui déchargeait les chariots… sa stature lui disait quelque chose mais il n'avait jamais vu son armure … par contre, il semblait pressé de finir tout cela. Non, il ne voyait pas, il hocha la tête négativement à l'encontre e Mathilde.
« Est-ce ton nouveau garde du corps ? » |
| | | Mathilde VortigernFermière
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Sam 4 Jan 2020 - 21:39 | | | - Ne renverse pas les rôles, Alexandre, c'est moi qui te suis redevable.
Elle rit lorsqu'il lui demande si Corbera est son garde du corps.
- Par les Trois non! Je n'ai pas besoin d'un garde du corps, je me débrouille presque très bien toute seule. ... si on oublie l'épisode du banni qui la séquestre pour faire chanter l'Ordre. En vain. Elle reprend.
- Scarocci Corbera, il était avec nous pendant l'invasion, avec son cheval qui a contribué à mettre les maisons à terre. Je l'ai revu au Temple où il se faisait soigner. Il était très amoché le pauvre. Petite moue, elle repense au casque et à l'armure défoncée. Il l'avait échappée belle, pour s'entendre dire qu'il ne pourrait rester en ville malgré son héroïsme. Mathilde baissa le ton de sa voix. C'est un nouveau banni. Mordu. Ils ne le veulent plus dans les murs... trop dangereux qu'ils disent. Je lui ai dit de passer me voir quand il serait sur pied. Je crois que la moindre des choses est de l'aider, compte tenu tout ce qu'il a fait pour nous.
Elle prend une grande inspiration. Demander un service lui est pénible, mais bon, il faut bien se lancer.
- Tu as besoin de gars pour sécuriser ta ferme, il serait très heureux de s'acquitter de la tâche contre un toit et de la nourriture. Un peu d'équipement, de temps en temps. Il est pas gourmand, il veut juste avoir un endroit où se poser le temps d'apprivoiser sa nouvelle vie.
Par-dessus l'épaule d'Alexandre, elle regarde les allées et venues de Scarocci qui semble aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau. Pourvu qu'il dise oui. |
| | | Alexandre de TerresangVicomte
| Sujet: Re: Champs de ferme et champs de batailles Mar 7 Jan 2020 - 16:30 | | | « Cela dépend du point de vue ma chère Mathilde. »
Dit-il en lui faisant un clin d'oeil avant qu'il ne se retourne pour mieux observer l'homme qui venait de prendre sa place pour décharger le matériel … Corbera ?! Ici ?! Merde ! Bien sûr qu'il se souvenait de lui ! Il avait été un adversaire redoutable au Tournoi des Preux … lorsque Alexandre avait encore la possibilité de combattre à deux mains, il se souvint qu'il avait fait des ravages avec sa Hallebarde en bois … d'ailleurs, il avait tué un jeune milicien en utilisant cette arme qui n'était pas censé être létale, bim en plein dans la jugulaire … mais c'était les risques de pareil tournoi après tout.
Il l'observa encore un petit moment… un mordu, un nouveau banni … ceux qui pouvaient se transformer à tout moment et devenir des bêtes sanguinaires pour renforcer les rangs Fangeux … bon sang, quelle connerie avait fait le roi en les bannissant, même si cela avaient été des valeureux guerriers, il aurait dû les faire exécuter et brûler au plus vite ! Alexandre ne voulait pas d'ennui … il eut une mine embarrassée et reporta son attention sur Mathilde.
« Je … je ne sais pas, Mathilde. Imagine qu'il meurt pendant son sommeil ou qu'il se fasse happer non loin de là par une bête et qu'on ne le retrouve pas, j'aurais mis les vies de mes hommes en danger pour rien … je connais bien Scarroci Corbera, ce fut un valeureux adversaire durant le tournoi des preux et un homme fiable pendant l'invasion mais c'est un mordu et on sait tous ce que les mordus deviendront, tu aimerait l'avoir proche de toi sans savoir ce qu'il adviendra ? » |
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