[Mission] Qui part à la chasse, perd sa place feat Desmond

On était le 7 août quand je suis arrivé au niveau de Salers, non pas que le plateau m'avait foncièrement manqué, et cette nostalgie est la raison de ma venue ici, c'est plus une punition.

Enfin, punition, une "affectation pour que Salers aussi puisse profiter de mes compétences." Car en somme, je n'avais rien fait de mal, du moins je n'ai rien fait qui méritait cette affectation. Mon père me ressassait sans cesse qu'on a rien sans rien, et que chaque chose qui arrive se méritait d'une façon ou d'une autre. Il est vrai que dire à une milicienne que sa place n'était pas à la milice, mais plutôt à élever des gosses et à faire à bouffer. C'était quelque part un conseil plus qu'un avis, j'aurais dû être remercié. La faille était plutôt que le sergent n'était pas très dur à séduire, et que le fion de ladite milicienne pas très complexe à quérir.

Les choses étant ce qu'elles sont, ce qui devait arriver arriva. Je n'ai pas les détails précis d'à quel point elle s'est faite bourrée, ou s’il suffisait d'une simple pipe pour avoir droit à ce petit service qui a été donné. Mais je me suis retrouvé dans ce coin paumé pendant une semaine. J'ai donc fait un petit bonjour à tout le monde et n'ai plus qu'à prier pour ne pas voir de ces saloperies de fangeux pendant la semaine où je suis ici.

Au moins ai-je eu la chance d'apprendre qu'il y'avait une taverne. Quitte à se faire chier autant pouvoir se bourrer la gueule autant que possible. Encore que, fallait-il pour cela que je puisse échapper à notre doux sergent André, qui avait énormément de travail à donner, je ne sais pas s’il a eu des ordres supplémentaires pour me casser les burnes plus que prévu, mais on en était là. Il faut dire que les collègues que je pouvais croiser étaient au choix, bien amoché, bien débile, ou complètement crevé. Il n'y avait qu'une chose à en conclure, c'était bien un coin de merde dont les us et coutumes étaient synonyme d'emmerde.

Après avoir fait ma part sur les fortifications, on m'a dit que je pouvais être de repos avant de prendre un tour de garde dans la nuit. Le soleil avait passé son zénith depuis bien 3H, on était donc en plein après-midi, choppe à la main dans une table seule, où je pouvais avoir une vue centrale sur ce qu'il se passait. Pas un seul joli minois à première vue, si ce n'est une serveuse un peu bourrue. J'ai toujours dit que lorsqu'on avait faim on mangeait ce qu'il y avait à table mais pour le coup… je n’avais pas une grosse fringale pour manger… ça.

Et qui est-ce que je vois pour étancher mon désespoir ? Mon fidèle sergent André, avec sa tête de dégénéré.

« Antoine, mes tripes me disaient que je te trouverais ici. »

Etait-ce le fait que j’ai dit que je serais à la taverne, ou est-ce réellement une déduction du fait qu’il n’y a strictement rien à branler dans ce bled ? Le mystère reste entier face à ce détective qui me laisse sans voix.

« Que puis-je faire pour vous Sergent ? »

Je peux voir un sourire sur son visage, et c’est à ce moment précis que j’ai su. Que j’ai su qu’on allait encore me donner un truc à faire qui n’allait pas me faire plaisir. Pire, je sentais la connerie arriver.

« Dans la lettre que vous m’avez remise pour expliquer votre venue ici, j’ai pu lire que vous aimiez beaucoup parler et réfléchir. Et étant un sergent d’exception, je me suis dit qu’on va utiliser vos capacités au maximum. Y’a un souci avec deux paysan, l’un dit que sa terre est à lui, l’autre que c’est la sienne. Bref un bourbier, vous me réglez ça au plus vite, ils vont finir par s’étriper et je ne veux pas de bain de sang, vu ? »

Un sourire crispé peut s’afficher sur mon visage. Je vois que mon petit effet comique avec ma collègue a fait son effet auprès de mon supérieur qui lui aussi, d’humeur taquine c’est permis de glisser un petit tacle. La milice, quel beau corps de métier.

« Oui Sergent, ça sera fait. »

Je fini ma bière d’un coup avant de me lever de la table sous le regard inquisiteur du sergent André. C’est toujours sur moi que tombe les histoires les plus débiles. Remarque, je préfère ça à me frotter à du fangeux, combattre du pirate… Après réflexion, je préfère les trucs débiles.

"Ah et j'oubliais. Les paysans seront content si vous réglez ça bien, j'ai même entendu parler d'alcool gratuit. Cela vous motivera peut-être à faire ça bien."

Autant je m'en carre le fion de savoir si un ou deux péquenaud me soit reconnaissant ou soit content, autant l'alcool gratuit ça me parle beaucoup plus. Ils ont de l'argent pour se permettre d'offrir de l'alcool ? Ou est-ce un alcool fait maison ? De la pisse de bouc ou un millésime ? Je ne peux savoir qu'en résolvant cette affaire, et en effet la motivation était présente.

Et une de plus ! Je continue mon petit bonhomme de chemin dans le Labret, notant dans mon petit calepin les terres de femme noble célibataire et le moins que je puisse dire, c’est que la récolte est bonne et lorsque je rentrerai à Marbrume, il va falloir que je me mette sérieusement à faire la cour. J’ai vu en effet des propriétés très bien tenu, avec des gens travailleurs qui, si la menace des Fangeux était moins présente, seraient des véritables havres de paix.

C’est une véritable différence avec Marbrume qui est surpeuplé et cette région où l’on peut parfois passer plusieurs heures sans rencontrer personne. J’en ai l’exemple parfais sous les yeux avec ce pittoresque village de Salers, avec son temple, son immense caserne, sa forge, son absence de petit commerce et bien sûr l’auberge !

Je m’y arrête donc et après avoir emmené mon cheval à l’abreuvoir, j’entre dans le bâtiment. Le cadre n’est pas terrible et la serveuse encore moins. Comparé à l'employée de l’auberge dans les faubourgs, c’est vraiment le jour et la nuit et je me contente donc m’assoir sans lui sourire, ce qui ne l’empêche pas de venir me voir, me révélant ses dents complètements pourris par la même occasion.

Elle me demande alors :

Qu’est que tu veux boire, le beau géant ?

Je lui réponds, d’un ton qui ne laisse pas la place à la discussion :

Ce sera une bière et c’est tout !

Voilà, j’espère avoir mis suffisamment de distance, mais avec ce genre de créature, il faut rester prudent. Je suis vêtu de mon armure de plaque et j’ai avec moi mon épée à deux mains, je suis donc prêt à répondre à n’importe quelle agression, que ce soit par un Fangeux, ou pire, une femme très moche en manque d’affection.

En attendant ma boisson, j’écoute d’une oreille distraite un milicien et son sergent discuté ensemble quand un des termes m’intéresse immédiatement, de l’alcool gratuit ? Que voilà une charmante idée et ni une, ni deux, je m’approche d’eux et après un bref salut de tête, car je suis quand même noble et je ne vais pas m’incliner devant des personnes du peuple, je leur indique :

Pardon de vous interrompre, j’ai entendu votre conversation et il s’avère que les négociations sont ma spécialité. Je serais enchanté de vous aider à résoudre ce conflit.

Et au passage me souler la tête, avec ma corpulence, être bourré me coûte excessivement cher, mais si c’est gratuit, plus de problème ! En plus, je ne mens pas, j’ai réussi à conduire des discussions extrêmement serrées en intimidant, frappant ou tuant mes opposants, à la plus grande satisfaction de moi-même. En plus, persuadé deux gueux de vivre sur la même terre ne doit pas être difficile, il faut juste leur montrer tous les avantages de cette situation et le tour est joué.

Je regarde donc le soldat qui vient de se lever, il a l’air totalement lambda, comme issu d’un moule standard et je me demande vraiment ce qui l’a motivé à rejoindre les miliciens.