10 mars 1167 - Destination Salers : qui part à la chasse perd sa place [PV Desmond]

Alors que la najacienne s’éclipsait pour les laisser profiter du repas, Desmond de Rochemont se jeta sur la soupe pour servir tout le monde, ramenant le calme un moment, le temps pour tout le monde de plonger sa cuillère dans l’assiette et de prendre sa première bouchée bien méritée. Puis Desmond lâcha l’annonce explosive : il acceptait de partager le grand lit avec Jeanne.
Jean se retrouva bouche ouverte, ne s’attendant certainement pas à ce que le sujet retombe sur la table si vite, et une partie de la soupe coula sur la table. Alban rougit comme si Desmond venait d’annoncer ses fiançailles avec la jeune femme et Jeannot quant à lui balbutia:

« Mais… mais… mais… »

Chacun se rua sur son verre d’eau pour tenter de faire passer leur malaise tandis que Jeanne se défend elle-même d’un ton virulent.
Le noble, qui savait quel ton adopter, répondit sans élever la voix, pour s’expliquer sans s’énerver. Sa justification mit encore plus mal à l’aise Alban qui pourtant n’en réclamait pas tant et qui baissa même les yeux lorsque Jeanne le dévisagea surprise.
Mais le chevalier coupa court à la discussion en vidant rapidement son assiette et en se levant pour aller dormir, lançant un simple « bonne nuit » avant de claquer la porte. On put écouter les mouches voler pendant quelques minutes, Jeanne buvait sa soupe délicatement en portant la cuillère à ses lèvres tout en réfléchissant. Alban commençait à fatiguer lui aussi et ses paupières se fermaient toutes seules. Régulièrement il relevait la tête en la secouant pour se remettre les idées en place, mais rien n’y faisait, la journée avait été trop éreintante entre le stress, la peur et le travail qui lui avait laissé les muscles engourdis.
Une fois sa soupe terminée, Jeanne se leva dignement et s’éloigna sans mot dire vers les chambres. Les deux frères se regardèrent et hochèrent la tête : au moins l’affaire avait été réglée sans heurts et leur sœur ne dormirait pas dehors comme elle aurait pu menacer de le faire.
Jeannot posa la main sur l’épaule d’Alban et lui lança jovial.

« Merci l’ami pour ton travail. Et bonne nuit. »

Laforge se retrouvant seul finit par se lever et par se diriger vers la dernière chambre de libre la boule au ventre. Non pas de Jeanne, et il entendait bien les deux frères se disputer gentiment juste à côté. Avait-elle donc décider de mettre sa vanité de côté ?

Jeanne s’était glissé doucement dans la chambre du chevalier, hésitant un instant sur le seuil, elle avait fini par se faufiler dans le lit. Si ni les colères, ni les larmes n’arrivaient à manipuler Desmond, il restait encore un atout à la jeune femme pour réussir à parvenir à ses fins et elle était particulièrement douée pour cela…


Cependant dès l’aube, ils furent tous tirés du sommeil par un coq très matinal et vocal qui s’était perché non loin de là et tenait d'avertir tout le village du lever du soleil.

« Cocoricooooooo ! »

La nuit avait été trop courte pour Alban. Finalement il n’avait pas eu tant de mal à s’endormir, dès que sa tête avait touché l’oreiller il avait sombré dans un profond sommeil. Toutefois le réveil était difficile.

Je suis réveillé par un bruit qui m’est familier, ma porte s’ouvre et quelqu’un entre et qui manifestement essaye de ne pas faire de bruit et j'imagine immédiatement un assassin ! Je serre donc mon épée et dès que je pense que la personne venue pour me tuer est assez proche de moi, je saute du lit tout en dégainant mon arme.
Mais ce n’est pas un homme armé d’une dague que je distingue, mais la dénommée Jeanne qui me regarde terrifier. Bougonnant, je remets mon épée sur le lit et je lui demande d’un ton peu sympathique :

Que viens-tu faire ici ?

La jeune femme, remise de ses émotions, me sourit et pour toute réponse, dégrafe sa robe me permettant de voir ses très belles formes. Sa peau très blanche est sans défaut et elle pourrait rendre vigoureux n’importe quel homme. Pourtant je fronce les sourcils, car je ne comprends pas ce qu’il se passe et je lui demande :

Pourquoi est-ce que j’ai droit à un tel traitement de faveur ?

Je vois me faire un sourire mutin et me répondre :

Si je deviens votre maîtresse, vous me traiterez mieux, je veux voyager toute la journée dans le chariot, dormir dans le lit le plus confortable et manger à ma faim.

Je la regarde faire sa liste de course et j’avoue que mon corps commence à réagir, ma branche se relève petit à petit et en temps normal, je l’aurai déjà jeté sur mon lit, mais je dois me montrer fort mentalement et alors que voyant ma réaction, la jeune femme, tend la main pour attraper le symbole de ma virilité, je lui prends le poignet et lui indique, la regardant droit dans les yeux, pour ne pas être tenté :

C’est bien joli tout cela, mais mon compagnon de voyage c’est complètement amouraché de toi. Il semble qu’Anür lui ait mis de tendres pensées à ton sujet dans son cœur. J’ai besoin de lui pour me faire des armes et je ne peux pas risquer de le mettre en colère, alors nous allons faire un marché, si tu deviens aimable avec lui, tu auras ce que tu souhaites.

Je la vois me regarder avec ses grands yeux et elle me demande d’une petite voix :

Mais alors, je fais quoi maintenant ?

Je lui réponds, exaspéré par son manque de jugeote :

Tu te rhabille et tu vas dormir dans son lit, bien sûr !

Elle a enfin compris et exécute ce que je lui demande sans se plaindre, pendant que je vais me recoucher, complètement épuisé. Je suis réveillé par le coq et plutôt de bonne humeur, mes pieds ne dépassant pas du lit. Je souris d’ailleurs en pensant à la réaction d’Alban lorsqu’il va découvrir qu’il n’a pas dormi seul cette nuit.

Lorsqu’il se réveilla au chant du coq, il fut d’abord surpris de se sentir tellement à l’étroit dans le lit, un de ses pieds sortait même du drap. Et aussi d’avoir si chaud. En essayant de se repositionner sur le matelas, il s’aperçut à travers le brouillard de ses songes qu’il ne semblait pas être seul, puisque son bras était passée autour d’un corps. En ouvrant les yeux, il s’aperçu qu’il avait la tête plongée dans des cheveux qui n’étaient pas les siens. Désireux de savoir à quel jeu jouait Rikni dans son esprit, le forgeron se pinça fortement le bras avant d’avaler un cri de douleur en serrant les dents. Il était donc bien réveillé ? Et complètement nu aussi. Elle sentait terriblement bon, comme une fleur fraiche dans un jardin ou l’odeur d’une tarte aux pommes qui refroidit sur un rebord de fenêtre, un parfum sucré et envoutant. Alban avait beau ne pas être milicien, il était pourtant au garde à vous.

Il identifia assez vite l’identité de la personne qui était blottie dans ses bras. Heureusement pour l’instant la jeune femme lui tournait le dos et semblait soit dormir du sommeil des justes, soit bouder. Alban n’osait plus se déplacer de peur de la réveiller et de devoir l’affronter. Le temps passant les sermons des prêtres du temple lui revinrent en mémoire. Il était formellement interdit de coucher avec qui que ce soit en dehors des liens du mariage. Serus acceptait le plaisir, solitaire ou accompagné, toutefois c’était dans le cadre des époux uniquement…

Cependant à rester immobile, Alban finit par ressentir un inconfort grandissant, il se dégagea doucement. Il réussit enfin à se frotter les yeux, puis la barbe qui commençait à sérieusement lui manger le visage, puisqu’il n’avait pas eu l’occasion de se raser correctement depuis plusieurs jours. Il pensait encore avoir la berlue car c’était bien Jeanne qui semblait reposer à ses côtés. Que c’était-il passé hier soir ? Il n’avait pourtant point bu d’alcool. Ou alors cette soupe de navet…
Cependant ses deux frères étaient dans la chambre juste à côté et il n’avait aucun souvenir de ce qui déjà passé. Prenant son courage à deux mains, il sauta hors du lit et dans ses braies, tentant de retrouver une contenance tandis que la jeune femme s’étirait paresseusement en se réveillant.

« Hum… bonjour. »

Il n’osait pas lancer la conversation plus loin, ni même la regarder, attendant très certainement de se faire sermonner comme une pièce de poisson pourri. Etrangement la voix qui lui répondit était moins agressive que la veille.

« Le chevalier de Rochemont ronflait trop fort, alors j’ai pensé que tu accepterais de partager ton lit Tu diras au chevalier qu’on a dormi ensemble. »

Ce n’était pas une question, cependant le cœur d’Alban avait fait un bon quand elle l’avait tutoyé pour la première fois et il répondit précipitamment, pensant protéger la vertu de la jeune femme.

« Non, non bien sûr que non. Enfin je veux dire… »

Il la fixa pour comprendre quelle réponse elle attendait vraiment de lui. Ayant déchiffré son expression lasse, il finit par annoncer en détachant chaque mot pour pouvoir se rattraper en cas d’erreur.

« Vous avez raison, je lui dirais… que nous avons dormi ensemble… Puisque c’est ce qu’il semblait suggérer hier soir. »

Finissant de s’habiller il se couvrit le torse et s’assit sur un coin du lit pour enfiler ses bottes.

« Vous avez réussi à dormir ? »
« Un peu oui… »

Entendant du bruit dans le couloir, le forgeron se glissa à l’extérieur de la chambre, laissant à la jeune femme la possibilité de se préparer tranquillement. Il salua les compagnons de voyage qu’il croisa dans la pièce principale.

Je sors de mon lit de fort bonne humeur et je sors immédiatement pour me nettoyer dehors avec un seau, faisant toujours très attention à mon hygiène. J’en profite pour me coiffer un peu, même si je sais que je perds mes cheveux de plus en plus, encore quelques années et je serais complètement chauve.

Après mes ablutions matinales, je remets mes vêtements et mon armure matelassé, laissant pour le moment mon armure de plaque dans ma chambre, je le mettrais juste avant de partir. Je rejoins en même temps que mon acolyte, la pièce principale et je lui dis en souriant :

Bien le bonjour, Alban, bien dormit ?

J’attends sa réponse, puis je lui sers de la soupe. Quelques minutes après arrive Jeanne toujours aussi bien apprêtée et je la regarde d’un air interrogateur, afin de savoir si elle bien respecter sa part du marché, cette dernière hoche la tête et je lui dis en souriant :

Voilà ton bol, c’est celui qui contient le plus de légume.

Je lui avais en effet préparé à l’avance, et je la vois me sourire en retour puis prendre sa place, près du forgeron, ignorant complètement ses deux frères, comme s’ils n’étaient pas là. Ces derniers ont l’air surpris par son attitude, puis haussent les épaules, de toute évidence habitués à ses sautes d’humeur.

Une fois que tout le monde, c’est sustenté, je donne le signal du départ et les frères s’active. Je vois Jean remplir nos gourdes d’eau au puits, pendant que Jeannot met dans une outre ce qu’il reste de soupe. Pour ma part, je finis de mettre mon armure, et après avoir récupéré les chevaux, nous sommes prêts à partir, il ne me reste plus qu’une chose à faire, je prends un des sacs situés sur le chariot, que je mets sur ma monture, afin de libéré assez de place et indique à notre petit groupe, d’un ton qui n’engage pas à la discussion :

Jeanne va voyager dans le chariot.

Aussitôt, l’ancienne prostituée demande au jeune homme, respectant sa part du marché en faisant attention à lui :

Alban, cela ne te dérange pas ?

Elle écoute attentivement sa réponse, comme si son avis vraiment de l’importance, puis rassuré, elle prend place et nous pouvons enfin quitter Najac pour la dernière partie de notre voyage, Usson. Il commence à faire froid, mais il ne pleut pas, ce qui est une chance, les routes ayant tendance à se transformer en véritable bourbier très vite.

Nous partons en direction du nord-est et j’espère que les Trois continueront à nous être favorable, mais cela, seul l’avenir nous le dira.

Alban s’était habillé à la va vite. De toute façon il lui restait un choix limité de vêtements propres et il n’avait pas souhaité s’attarder plus que de mesure dans la chambre. Arrivé dans la salle principale, Desmond était déjà levé et presque prêt. Il ne lui manquait que son armure en plaque pour compléter sa tenue. Interrogé le forgeron répondit :

« Oui merci, le lit était fort confortable, et vous ? »

Alban saisit l'assiette qu'on lui présentait, heureux d'avoir de quoi se sustenter pour tenir la matinée de trajet. Lorsque la jeune femme sortit de la chambre, tous purent constater que Desmond et Jeanne semblaient s'être réconciliés, le chevalier lui fait même le privilège d'un petit-déjeuner un peu plus copieux que ceux des autres. Le noble était capable de dompter n'importe quel dragon puisque la jeune femme lui sourit, apaisée ou tout simplement reposée d'une bonne nuit de sommeil ?
Une fois le petit-déjeuner avalé, ils se préparèrent pour la suite du voyage et partirent dès que possible. Les privilèges destinés à Jeanne ne s'arrêtèrent pas à l’assiette de soupe puisque Desmond prit avec lui l'un des sacs du chariot pour libérer suffisamment de place pour que cette dernière voyage confortablement dans le chariot. Pourtant la jeune femme semble hésiter (ou minauder ?) puisqu'elle interrogea le forgeron pour s'assurer qu'elle pouvait bien prendre place derrière lui, ce qu'il approuva d'un signe de tête en confirmant vocalement.

« Bien sûr mademoiselle. »

Malheureusement entre hier et aujourd'hui, le temps s'était couvert et Laforge scrutait anxieusement le ciel pour savoir si les gris nuages allaient tout d'un coup se transformer en vilaine pluie. Malgré le pas du cheval qui cataclopeait Alban se rendit compte que sa passagère semblait souffrir du froid. Détournant un instant les yeux du chemin, il lui proposa en montrant du doigts ses affaires.

« Sortez donc la couverture pour vous réchauffer »

Une fois enroulée dans sa couverture, Jeanne se laissa bercer par la charrette et finit par s’endormir paisiblement pour quelques heures, Alban en profita pour prier un peu silencieusement puis pour discuter avec le chevalier.

« Je me demandais, pensez-vous que l’on arrivera à faire le trajet entre Sarrant et Conques en une journée ? C’est la seule partie du trajet qui m’inquiète car c’est la plus longue. »

Il avait refait mentalement le chemin emprunté. Certes l’aller s’était déroulé sans encombre, cependant il était moins chargé à l’époque et il aurait potentiellement la protection de Jeanne à assurer jusqu’à Marbrume.

Même si le temps n’est pas formidable, il ne pleut pas et c’est le principal, les routes étant devenu pratiquement impraticable en cas de pluie, par manque d’entretien. C’est, en effet, difficile de faire un chantier de voirie faisant forcément du bruit quand des dizaines de fangeux peuvent débarquer à tout moment.

En tout cas, cela n’empêche pas Alban de bien prendre soin de Jeanne, comme d’habitude, puis me demande pour la suite du trajet,comment cela va se passer, je lui réponds en le regardant :

Tu peux oublier tout de suite cette idée, tu as maintenant un chargement et il faudra plus d’une journée pour faire le voyage entre Sarrant et Conques.

C’est la triste vérité, autant sur une monture, c’est possible, du moins si tout se passe bien, mais à pied et c’est la vitesse à laquelle se déplace sa monture, il faut plus de temps. Mais je ne vais pas le laisser ainsi et je lui indique :

Rien n’est perdu, tu as deux choix, une fois arrivé à Usson, tu peux attendre le départ d’un convoi d’une nourriture et te joindre à eux. Ce type de marchandise est toujours escorté par la Milice et tu pourras négocier ton entré, même si ce ne sera pas facile.

Je m’arrête une seconde avant de continuer :

Le deuxième choix, est d’intégrer une caravane que je compte créer avec l’aide d’autres marchands qui d’habitude font le trajet en solo. Je les escorterai pour un prix modique et tu pourras profiter à triste gracieux de notre protection.

C’est en effet, dès mon retour que je compte profiter des talents de Jean, à deux, nous allons pouvoir escorter une dizaine de marchands, à condition qu’ils aient également une charrette équipée d’une monture, car les chariots à bras ou les lourds véhicules nous feraient perdre trop de temps et font trop de bruit.

J’attends donc la réponse de mon interlocuteur, espérant qu’il prendra la seconde option, j’aurai ainsi plus de facilité à proposer mes services, si un forgeron est déjà dans le coup. J’ai déjà plusieurs idées en tête, des fournisseurs de produits de luxe que les gardes de la milice extérieur ne prendront pas la peine de protéger, mais que certains nobles vont s’arracher. Il suffit juste de les convaincre de voyager sous ma protection et un tel voyage me rendra suffisamment riche et reconnu dans la région pour en faire d’autres.

Le seul problème dans mon beau plan, ce sont les Fangeux qui s'ils nous attaquent, nous tueront tous, mais ça, c’est un risque que je suis prêt à courir.

Desmond doucha les espoirs d’Alban d’une seule phrase, lui confirmant qu’il serait suicidaire de tenter la traversée entre Sarrant et Conques en une seule journée. Cependant il semble aussi avoir des suggestions à proposer pour assurer au forgeron un voyage un peu plus sûr : soit la milice qui accompagne divers convois de nourriture vers la grande ville, ou alors… continuer le chemin avec le noble. Pour un peu Alban en aurait rougi, Desmond ne pouvait donc plus se passer de lui ? Ou alors c’était l’inverse et Laforge était devenu dépendant de de Rochemont ? C’est vrai qu’ils ne se quittaient plus dernièrement.
Il aurait bien demandé son avis à Jeanne, malheureusement cette dernière dormait à poings fermés. Alors il prit la décision qui lui semblait la plus sage pour pouvoir protéger la femme qu’il aimait.

« Très bien monseigneur, j’accepte votre proposition avec joie.
Je nous… je me sentirais plus en sécurité sachant que vous êtes là pour intervenir en cas de danger. »

Curieux de savoir comment le noble songeait organiser cette première mission, Alban questionna.

« Combien de personnes souhaiteriez-vous escorter ?
On partirait juste avec Jean ou vous pensiez à quelqu’un d’autre résidant à Usson pour vous aider ? »

Finalement il n’aurait pas fallu tant de temps que cela au chevalier pour lancer son idée de guilde. Un doute submergea le forgeron.

« Avez-vous eu le temps de faire des offrandes au temple pour gagner l’approbation d’Anür, Serus et Rikni ? C’est important pour lancer votre guilde.
Moi-même je prie régulièrement pour ma forge et grâce à cela mon commerce prospère doucement. D’ailleurs je suis sûr que c’est un signe des Trois si nous nous sommes rencontrés. »

Et il le pensait. Néanmoins il pensait aussi que la rencontre avec Jeanne était le destin. Pourquoi sinon auraient-ils eu à s’occuper de la dispute entre Tuemouche et Mangefeuille ? C’était une réponse des dieux qui envoyaient Jean à Desmond et Jeanne à Alban. Bon… Laforge était clairement gagnant dans l’histoire, en tout cas selon son point de vue.

« Est-ce qu’à Usson, vous connaissez des endroits agréables et peu dangereux pour une balade ? »

Le conseil de de Rochemont n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd et il comptait bien tenter de le mettre en pratique, surtout s’ils devaient rester quelques jours dans la ville, avant de pouvoir continuer leur chemin jusqu’à Marbrume. Et qui de mieux pour le conseiller que quelqu’un qui habitait dans la ville ?

Alban me fait plaisir en acceptant ma proposition et commence aussitôt à me poser plusieurs questions sur l’organisation de la caravane, auxquelles je réponds bien volontiers :

Je pense pouvoir escorter une dizaine de marchands, vous y compris puisque je n’aurais que Jean sous mes ordres. J’ai déjà pensé à nos placements, je serais devant et il sera en queue de convois, je recruterai d’autres personnes à l'avenir, mais seulement si j’ai une entière confiance en eux, car un seul traître qui indiquerai notre chemin à des bandits ou des bannis et le groupe entier sera en danger.

C’est en effet une difficulté, comment faire pour trouver des gens honnêtes, car l’appât du gain est fort et je ne peux me permettre de me tromper. J’ai entièrement confiance en Jean, car je sais où habite son frère et sa sœur et il sait ce qui risque de leur arriver s’il me trahit. La discussion dévie sur les dieux et je le rassure :

Oui, je vais faire les offrandes nécessaires, surtout à Rikni, qui en tant que déesse des combats peut également nous permettre de gagnerMarbrume sans perte. Les Trois sont à la source de toute chose et je suis sûr qu’ils sont heureux de notre rencontre, car aucun de nous n’a été blessé depuis que nous nous connaissons.

C’est vraiment le destin en effet, et j’adresse une prière muette de remerciement aux Dieux. Le prochain sujet me fait sourire, car il compte de toute évidence faire la cour à Jeanne, ce qui est bien imprudent, car sa réputation risque d’en souffrir de chanter la sérénade à une prostitué, toutefois, je ne lui dis rien, car chacun doit trouver sa voie dans ce bas-monde. Je lui réponds donc d’un ton amusé :

Les abords de la ferme sont charmants, mais je ne vous conseille pas d’aller vous balader, les environs ne sont pas sûrs, un fangeux peux être caché derrière chaque ombre et les bannis, tout comme les bandits sont partout. Si vous le souhaitez, je peux vous escorter en restant quelques mètres en arrière, mais nous allons devoir rentrer avant la nuit.

C’est la triste réalité, aucun endroit n’est sûr, à part l’Esplanade, mais rares sont les élus qui peuvent y accéder et ce lieu est complètement impossible à atteindre pour un simple forgeron et sa compagne faisant le plus vieux métier du monde. Je lui indique pour le rassurer un peu :

Si vous rester dans la ferme, tout se passera bien.

En parlant de mon chez-moi temporaire, je vois les toits des bâtiments au loin, et j’indique à mon interlocuteur :

Nous sommes bientôt arrivés, nous devrions y être au moins une heure avant la nuit. Nous pourrons nous reposer et demain, je pourrais vous indiquer la date de notre prochain départ.

A peine arrivé, je parle déjà de repartir, mais c’est la vie d’un chevalier banni, il soit se démener pour gagner sa croûte.

Ecoutant les réponses de Desmond, Alban tentait d’enregistrer toutes les informations. Une dizaine de marchands, cela pourrait se trouver, d’ailleurs le forgeron pourrait aider à les convaincre pour que l’opération de recrutement soit plus rapide. De Rochemont devait déjà avoir des contacts à Usson et savoir qui pouvait être intéressé.

« Vous pensez faire le chemin du retour à deux ou essayer d’attendre quelques marchands qui voudraient aller de Marbrume à Usson ? »

En imaginant un traitre capable de vendre un groupe sous sa protection à des pirates ou des bannis Alban en frissonna. En effet, mieux valait être sûr de ses alliés. En ces temps incertains, c’était plus que délicat de tomber sur les bonnes personnes. Le forgeron ne connaissait personne qui soit capable de bien se défendre qui n’ai pas déjà intégré la milice.

« Ce qu’il vous faut c’est trouver une bonne raison pour que des miliciens souhaitent vous rejoindre et qu’ils vous restent fidèle. Qu’est ce que vous pourriez leur offrir de plus ou de différent ? »

Une fois lancé Alban était intarissable.

« Par exemple pour la Sigfroi, vous voyez la nouvelle arme des miliciens qui leur permet de tirer à distance et qui est censé être efficace contre la fange ?
Une cliente à moi m’a dit "Même avec la meilleure arbalète qui soit, c'est pas tout le monde qui sait bien tirer. Et avec une épée, tu manques jamais de munitions."
Ça m’a redonné confiance quand j’en avais bien besoin, ça m’a montré que je ne devais pas craindre de ne plus avoir de client car cette arme était différente mais pas optimale. »

Repensant à sa rencontre avec Astrid, il se laissa revenir en novembre lorsque la milicienne lui avait demandé de l’aide pour réparer son alliance et où ils avaient pu discuter et faire un marché.
Desmond rebondit en évoquant lui aussi les Trois et en rassurant Alban quant à sa ferveur religieuse qui les protègeraient. Le forgeron approuva de la tête toutes ses paroles. Ils avaient vraiment joué de chance depuis leur première rencontre.
Malheureusement la ville d’Usson était encore trop dangereuse pour laisser une opportunité à Jeanne et Alban de se connaître un peu mieux. Plutôt que de risquer un accident malencontreux, Alban préférait mettre de côté temporairement sa folle idée. Ils resteraient tranquillement à la ferme à attendre et cela leur permettrait peut-être quand même d’apprendre plus l’un sur l’autre.

« Je n’ai pas pu rester dans votre ferme ou la visiter, mais ce que j’en ai vu semblait agréable et confortable. J’espère que Jeanne s’y plaira… Enfin pas trop mais… un peu quoi. »

D’ailleurs les toits se dessinent déjà à l’horizon. Ce soir ils pourront se reposer de ce trajet éprouvant et se préparer pour le suivant. Reconnaissant de tout ce que le noble a fait pour lui, il répondit simplement

« Merci. »

HRP::

Toujours en discutant avec mon compagnon de route, nous continuons notre petit bonhomme de chemin. Jeanne est toujours endormie dans la charrette, quant aux deux frères, ils discutent avec animation de la future ferme qu’ils vont pouvoir retaper avec l’argent qu’ils vont pouvoir économiser.

Quant à moi, je réponds aux différentes questions du forgeron, et je pourrais même dire ami :

Pour le retour, je ne sais pas, cela dépendra des opportunités, mais ce serait bien de pouvoir constituer une nouvelle caravane. Concernant l’engagement des miliciens, j’y ai songé mais je pense que ce soit opportun, d’une part car je dois me montrer discret maintenant que je suis mal vu à Marbrume, et d’autre part car être garde ne garantit pas que l’on soit intègre.

J’en sais quelque chose, vu le nombre d’hommes d’armes que j’ai soudoyé depuis que je travaille pour Victor de Rougelac. Je l’écoute ensuite me parler de cette arbalète révolutionnaire et je lui dis en souriant :

J’ai dit vu en action une Sigfroi et je peux vous assurer qu’elle est très efficace, mais elle est strictement réservée au milicien et ne vous inquiétez pas, vous aurez toujours des clients. D’ailleurs, je vous resterai fidèle, car je ne sais absolument pas tirer, que ce soit avec un arc ou une fronde.

Je hoche la tête quand il me parle de Jeanne et après avoir jeté un regard pour m’assurer que la jeune femme dort bien, je lui indique en baissant la voix :

Ne vous inquiétez pas, la vie à la campagne ne semble guère lui convenir, tout ce que vous avez à faire c’est poursuivre vos efforts et je suis sûr qu’ils donneront des résultats.

Je lui tape gentiment sur l’épaule pour le rassurer et c’est ainsi que nous entrons dans la cour intérieure de la ferme. Comme si nous étions guettés, je vois les trois sœurs, Jasmine, Florence et Ramona, arrivées en courant vers moi, et me demander :

Vous avez été bien long, tout s’est bien passé ?

Je leur réponds en souriant :

Nous avons fait le plus vite possible, je vous présente Jean, Jeannot et Jeanne.

Je vois les trois jeunes femmes faire bon accueil aux deux hommes, mais bizarrement, elles semblent traiter avec beaucoup de froideur la prostituée alors qu’elles ne peuvent connaître son métier. Haussant les épaules devant ce nouveau mystère féminin, je continue mes explications :

Vous m’aviez indiqué que vous manquiez de main-d’œuvre, et comme Jeannot s’y connaît en agriculture, il pourra bien vous aidez. Concernant Jean, je souhaiterais une faveur, son hébergement et son repas, c’est un mercenaire et je compte bientôt commencer à regrouper une caravane. Enfin, leur sœur est juste là pour quelques jours, elle repart à Marbrume.

D’un coup, le comportement de mes hôtesses change de tout au tout et elles sont bien plus chaleureuses envers la brune, l’emmenant à l’intérieur, pour soi-disant se rafraîchir, alors que le puits est situé à l’extérieur, mais je ne cherche pas à comprendre et j’indique à Alban :

Vous pouvez mettre votre monture et votre chargement à l’écurie, le repas devrait être bientôt servis,

Puis je m’adresse aux deux frères :

Le bâtiment derrière vous sert de dortoir, allez-y et on vous donnera une couche.

Pour ma part, je vais au puits, appréciant de boire de l’eau bien fraîche avant de m’occuper de ma monture. Une fois-ceci fait, je rejoins le bâtiment principal, mon estomac grondant tellement j’ai faim !