La découverte d'une sombre vérité [ Eusebia ]

C’est précipitamment qu’elle sortie du village, portant tant bien que mal ses paquets. C’est qu’elle ne devait pas traîner, chaque minute compte lorsque l’obscurité est un réel danger. D’ailleurs Eusebia n’était pas rassurée de jour comme de nuit. Avec ces fangeux prêts à vous sauter dessus à n’importe quel moment … La brune se posait beaucoup de questions à leurs sujets et se demandait souvent comment en finir avec ces choses. Dans un même temps, il lui venait des peurs étranges, comme le fait de se retrouver face à un fangeux dont le cadavre était celui d’une connaissance ou d’un ami ou … Elle poussa un gros soupir alors qu’elle avançait péniblement dans les marécages, se sentant beaucoup plus en sécurité lorsqu’elle atteignit enfin le chemin qui était plus dégagé et surtout emprunté par d’autres, parfois. Dire qu’elle pensait qu’il n’y avait pas d’autres dangers en ce monde que les Hommes et les Dieux.

La journée allait être longue et surtout épuisante pour atteindre Monpazier. Cette halte lui permettrait de passer une nuit presque tranquille, du moins c’est ce qu’elle espérait. Elle s'y réfugia son sommeil étant étrangement moins dérangé que lorsqu'elle était au village.
Elle était partie seule bien qu'elle préférait être accompagnée, mais les personnes bannies de Marbrume ne pullulaient pas, et au contraire leur nombre s'amenuisait si bien qu’il était difficile par moment de trouver un camarade pour les plus simples déplacements. Elle traînait alors ses sacoches rafistolées et ses baluchons en essayant de faire le moins de bruit possible, prête à tout lâcher et à partir en courant au moindre bruit suspect. La vue des silhouettes des fangeux l’avait marqué au point d’en cauchemarder … Au point de parfois passer la nuit sans dormir de peur de les voir s'animer dans ses songes.

A peine réveillée elle s’empara de son bric à brac et quitta Monpazier à une bonne allure, voulant arriver au plus vite au niveau du Labret. Elle traversa la brume matinale à la sortie de la bourgade, attentive aux sons alentour, ses pas se faisant plus sûrs alors qu’elle reconnaissait les abords du plateau qu’elle voulait atteindre. Atteignant le Labret elle eut moins d’hésitation dans son orientation, ne baissant pas sa garde pour autant.

Gagnant enfin un sentier familier, elle réajusta ses sacs et baluchons dans un petit bruit soulignant l’effort que lui demandait ce geste. La jeune femme tourna brusquement sur elle même en entendant un plus loin des pas qui se rapprochaient, une voix inconnue résonnant dans le bois. Elle voit alors un homme, tout aussi misérable qu’elle, s’incliner en se présentant en tant qu’Emeric, écuyer. Il avait l’air bien jeune et pourtant si volontaire … Un mince sourire s’afficha sur son visage éreinté alors qu’elle regardait autour d’elle dans le cas d’un éventuel guet-apens. Elle l’ignora un court instant puis leva les yeux sur lui semblant se détendre, ses sacoches rejoignant lourdement le sol alors que ses mains s’affairaient à mettre un peu d’ordre dans ses voiles couvrant presque la quasi- totalité de son corps.

“Je commerce, Emeric l’écuyer.”

Ses yeux bruns allant du cheval au jeune homme :

“Mais peut être pourriez vous me rendre service en m’aidant à porter ça … Et peut-être ça aussi.”

N’avait elle pas fini de parler qu’elle lui tendait déjà certains de ses fardeaux comme si l’homme avait consenti à ce qu’elle souhaitait. Après tout, ne l'avait-il pas appelée gente dame ? Elle saisit l’opportunité d’avoir un canasson à disposition, tentant de le presser afin qu’il ne réfléchisse pas trop à la situation dans laquelle il se trouvait.

“C’est que j’ai terriblement peur qu’un fangeux fasse son apparition … Nous ne devons pas traîner !”

Eusebia continue à s’affairer autour de ses paquets, prenant une mine soucieuse comme si elle était dans une intense réflexion.

La demoiselle aux nombreux voiles gardait les yeux grands ouverts sur ce qui les entourait pendant que l’écuyer s’occupait des sacs. Attentive, toujours attentive, elle revint à Emeric lorsqu’il s’adressa à elle. Elle ne put cacher sa surprise en voyant l’homme les mains liées devant le cheval attendant après Eusebia. Un silence s'ensuivit, son regard allant de l'homme au cheval puis du cheval à l'homme. Elle mit un moment à comprendre ce qui était en train de se passer avant d'étirer un grand sourire, s'exprimant avec une pointe d'amusement.

" C'est que … Je ne suis jamais montée à cheval. Et je cherche le premier endroit sûr où je pourrai faire profiter de mes soins et de mes marchandises. Les temps sont difficiles et si je peux me rendre utile …”

La brune regarda à nouveau autour d’elle posant son attention sur les sacs avant de faire un petit geste indiquant à Emeric qu’il pouvait avancer. Elle sembla prise d’une profonde réflexion alors qu’elle faisait quelques pas dans la direction dans laquelle elle souhaitait aller. Elle redressa la tête avant de poser calmement quelques questions à l’écuyer.

“ Que faites vous par ici ? Je ne vous ai jamais rencontré auparavant. Et vous arrivez-vous à vous occuper correctement de cette bête en dehors de la ville ? Êtes-vous ici de votre plein gré ou bien les portes de la ville se sont-elles refermées devant vous ? “

Elle le regarda avec insistance un instant dans un parfait silence avant de tourner les talons afin de continuer sa route, jetant un œil derrière elle afin de s’assurer que le reste de son paquetage ne disparaisse pas avec le jeune homme.