Les rivières pourpres

Provenant d’une alcôve à moitié dissimulée par un éboulement, une étrange litanie battait l’air au rythme d’un cœur qui bat la chamade. Par delà les mots l’on pouvait entendre les gémissements de celui qui, nu et à genoux dans la terre humide, les mains attachées dans le dos, contemplait le cercle de figures encagoulées qui le surplombait, un couteau sous la gorge.

“Qu'y a-t-il dehors?”

“Seulement la mort et la désolation, les ténèbres galopantes qui avilissent et asservissent. Rien ne peut leur échapper, pas même le soleil levant ne peut éviter de subir leur corruption.”

“Et au Nord?”

“La désolation, les vestiges de ce qui fut et ne sera plus, là où le jour lui-même n’ose plus briller.”

“Et au Sud?”

“Les étendues moites et sombres, prison des condamnés et repaire des déchus.”

“Et à Est?”

“Le Royaume Ondin, berceau originel et don de vie auquel la mort elle-même ne peut se soumettre. Il est vie et mort, oubli et renouveau, la promesse de l’éternel.”

“Et à l'Ouest?”

“L’origine du mal.

“Que pouvons-nous y faire?”

“Rien.”

“Que devons-nous chercher?”

“L’Onde qui bouillonne et repousse les ténèbres, la vérité ne sera découverte qu’au grand jour, au pied de ce qui fut brisé.”

“Qu'y avait-il avant?”

“La Vie.”

“Et après?”

“La Mort.”

    Un bruit sec retentit, celui du prisonnier que l’on égorge. Et plutôt que de laisser la pauvre âme s’en aller, on lui tint la tête relevée afin que de ses ultimes soubresauts, il n’éclabousse ses bourreaux de son ultime souffle de vie. Le sang se recueillit bientôt en petites flaques avant de couler doucement vers le flot bouillonnant des égouts qui grondaient à quelques pas de là. Le corps fut jeté dans les eaux immondes et l’assemblée dissoute, avant de disparaître.