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| Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] | |
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Zephyr d'AuvraySergent & Modérateur médiateur
| Sujet: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mar 15 Nov 2016 - 18:22 | | | Il avait fallu du temps pour que les blessures se referment et tout autant pour que les douleurs disparaissent. Enfin ce n'était pas qu'elles étaient inexistantes, mais plutôt qu'elles ne se manifestaient qu'occasionnellement et par temps humide, comme pour rappeler le sang qui avait coulé pendant des semaines. Zephyr avait été cantonné à sa demeure au sein de l'Esplanade durant près d'un mois, un mois durant lequel on avait soigné et pansé ses plaies avec application, un mois durant lequel sa chère Idalie n'avait eu de cesse de le surveiller et le suivre en permanence, telle un garde chiourme s'assurant que son frère ne s'enfuie pas à la première occasion. La jeune Noble avait failli le perdre, elle n'avait pu fermer l’œil durant trois jours et trois nuits lorsqu'il était rentré à Marbrume, épuisé, blessé et ayant essuyé des mésaventures sur le chemin du retour qui avaient failli la faire mourir d'inquiétude au vu du retard qui avait été le sien. Ainsi le Banneret avait-il consenti à se laisser couver tel un enfant et il avait fallu un mois complet avant que sa cadette n'accepte de le laisser retourner vaquer à ses occupations et, surtout, à ses devoirs. Car s'il avait déjà prouvé sa valeur et sa détermination à combattre la Fange grâce à l'Opération Labret, l'allégeance qu'il avait choisit de prêter envers le Comte de Ventfroid était une chose qu'il considérait avec le plus grand sérieux qui soi. Ayant fait parvenir un message à la demeure de celui qu'il voyait désormais comme son suzerain légitime, on lui avait fait savoir que l'heure était venue de le présenter officiellement à la dame de cet homme plein de bravoure qu'était Morion. Honoré, le Banneret avait bien évidemment accepté et laissé le choix du jour et de l'heure au Comte, se présentant ainsi avec un peu d'avance aux portes de la demeure située à la pointe Est de l'Esplanade.
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Vu de l'extérieur, l'endroit était des plus austères et invitait davantage au recueillement qu'à l'organisation de quelque festin bruyant et décadent. Le Manoir tranchait avec celui où on l'avait lui-même installé à son arrivée au sein de la Cité et il songea qu'ironiquement cela s'accordait fort bien avec le nom de la famille qui y vivait. Son vêtement neuf, le même qu'il avait arboré durant le mariage du Comte où il avait alors été invité en sa seule qualité de Noble, avait été nettoyé pour l'occasion et, malgré tout, on sentait que les mondanités n'étaient guère son fort et que Zephyr ne se tenait droit comme un "i" que par souci de bien paraitre, le tout dans cette tenue aux tons d'un bleu-gris très sombre que seule venait rehausser une touche de rouge au col rappelant le bracelet long à son avant-bras arborant une pierre de la même teinte. Il frappa à la grande porte, on vint lui ouvrir en lui demandant son nom, qu'il donna, et on le fit entrer, lui demandant de patienter tandis qu'on allait prévenir le maitre des lieux. Cela faisait si longtemps que le Noble espérait ne point faire de faux pas durant ces présentations officielles, sous peine de se couvrir de honte à jamais selon lui. |
| | | Morion de VentfroidComte
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mar 15 Nov 2016 - 21:34 | | | Un peu plus de deux semaines que Morion était rentré du Labret. Et dans un sale état, il fallait bien l’avouer. Blessé à de multiples endroits, couvert d’hématomes, perclus de courbatures et contusions diverses, ça n’était pourtant pas la multitude qui avait joué en majorité. Non content d’avoir été salement remis à sa place par les créatures du Fléau, durant la bataille qui les avait opposés, en fin de journées, à une infecte vague d’une centaine de ces horribles engeances, il avait également subi presque immédiatement après les affres d’un orage, puis les conséquences qui allaient avec une opiniâtreté déraisonnable et malvenue. Maladie, faiblesse aggravée, réouverture de certaines blessures, infection d’autres. Et malgré tout l’absolue volonté de faire son devoir. Une volonté si dure que ce fut quasiment elle seule qui le maintint conscient durant le temps nécessaire à la stabilisation de la situation sur le plateau. Peut-être un peu la volonté de revenir entier - relativement - à son épouse. Pensée qui n’était que peu présente dans le feu de l’action, mais qui le saisissait à chaque fois qu’il trouvait un moment de tranquillité, ou qu’il lui était imposé, comme c’était le plus souvent le cas. A la suite de tout ce merdier, en revanche, il avait eu la bonne surprise de voir se présenter à lui un banneret exilé, Zéphyr d’Auvray. Un nom dont il ne connaissait rien avant qu’il ne le prononce la première fois, avant leur départ de Marbrume. Chose qui l’avait d’ailleurs surpris. Ses connaissances des seigneuries de Langres, en histoire et en héraldique étaient des plus solides, encyclopédiques même. Peu enclin à se poser la question d’une telle lacune dans ses connaissances, il avait pris le parti d’accueillir avec droiture et solennité la volonté de Zéphyr de se lier aux Ventfroid. Une demande originale, s’il en était. Les liens vassaliques ne se tissaient que peu, depuis l’apparition du Fléau. L’on n’avait plus vraiment le temps, et de toute façon, tous étaient plus ou moins alliés dans l’objectif commun de la tenue du dernier bastion humain. Et malgré la houle qui soulevait parfois le coeurs des nobles et du peuple, les jeux de pouvoir toujours en cours, ayant peut-être même gagné en intensité désormais que le Duc Sigfroi s’était arrogé une forme de pouvoir royal, plus encore même, il leur fallait composer avec leurs semblables. Hors de question cependant de refuser. Morion n’affichait en aucune manière ses inclinaisons politiques, et si sa volonté de faire tomber les Sylvrur était toujours aussi vivace, il avait la sagesse de ne point aller trop vite en besogne, et de prendre son mal en patience; après tout, une bonne partie des ordres du Duc étaient dictés par la raison et la logique. Eu égard à cela, aucune raison de ne point les suivre. Révéler, qui plus est, toute forme de dissidence, au vu du contexte, serait une formidable erreur. Morion avait cependant accepté ce pacte. Cette alliance, indéfectible. Rapidement certes, en l’absence de temps et de moyen de célébrer cela comme il en était coutume, bien que lesdites coutumes soient en totale contradiction avec les habitudes et principes du comte de Ventfroid. Cela ne retirait en rien à l’authenticité du lien ainsi tissé, gravé dans les coeurs comme sur le papier, archivé sitôt qu’il fut ratifié. Avec cependant la promesse de l’accueillir comme il se devait, dès que le temps et la situation le leur permettrait. Une telle nouvelle se devait d’être transmise, et si elle avait rapidement fait le tour de sa propre famille, Ambre n’avait eu qu’une nouvelle édictée via missive, qui ne correspondait pas vraiment à ce qu’il aurait fait en temps normal. Donc, après avoir chaudement recommandé à Zéphyr de panser ses blessures - conseil qu’il aurait dû appliquer avant de le proposer aux autres - il s’était également mis en tête de l’accueillir dans sa propre demeure, en compagnie de son épouse, cette fois. Ils auraient plus de temps, à la fois pour se présenter et discuter, et éventuellement commencer à mettre au travail ce nouveau seigneur dépossédé sous leurs ordres, afin de pérenniser cette alliance. C’était en tout cas l’idée de Morion. Quels projets avait-il pour lui ? Dans l’immédiat, après son départ, la volonté de le voir survivre à ses blessures. C’était déjà une bonne chose. --- 6 Avril 1165, début de soirée. Morion avait dû quémander l’aide de sa femme, aujourd’hui. Ayant passé la plus grande partie de sa journée en tenue de confort, de simples pans de tissus amples entravant le moins possible ses mouvements et avec le moins de contraintes pour ses membres encore bien endoloris, il avait cependant été dans l’obligation de faire un minimum d’efforts pour se parer, à l’aube de l’arrivée de Zéphyr, prévue dans les heures qui venaient. Et seul, il avait un mal fou à se mouvoir correctement, alors passer des vêtements et les nouer lui-même, cela s’avérait encore au-dessus de ses forces. Et par ce fait, extrêmement agaçant. «Par les Trois, j’ose espérer pouvoir récupérer une liberté de mouvement complète rapidement, et ce avant que la folie ne me gagne, lâcha Morion d’un ton à la fois las et acerbe, et constatant sa quasi-impotence, pendant que sa femme l’aidait à enfiler ses chausses.» A dire vrai, le fait que sa femme soit aux petits soins le dérangeait moins qu’il ne voulait bien l’admettre. C’était surtout le fait de ne pouvoir se débrouiller seul, et ce sur une grande variété de tâches pourtant triviales, qui le dérangeait. Les affres de la bataille âpre qu’ils avaient livrés se voyait encore jusque dans son regard, encore voilé de fatigue et assombri par les événements passés. Son teint était toujours crayeux, quant à ses joues, elles s’étaient nettement creusées, faute de pouvoir ingérer autant d’aliments que préconisé dans ce genre de cas. Sa vêture ne tranchait guère avec celle qu’il avait coutume de porter. Des habits sombres et d’une rare sobriété, dont les ornements les plus frivoles n’étaient que quelques broderies de fils d’argents sur ses manches. Il ne portait comme bijoux que sa chevalière familiale et son alliance. Ses cheveux étaient tirés en arrière, quelques mèches exemptes de toute autorité retombant de chaque côté de son crâne, et pour celles qui s’étaient soumises aux mains du comte, étaient nouées par un ruban écru. Pour Zéphyr, ce qu’il vit à l’extérieur du manoir, représenté en une façade austère laissant peu, à part la taille de celle-ci, présager d’une éventuelle richesse, était conforme à ce qui était à l’intérieur, également. Bien qu’Ambre eut investi les lieux quelques mois plus tôt, elle n’avait, les Trois en soient loués, pas décidé de refaire toute la décoration du manoir, qui conservait fort heureusement l’aspect que Morion lui appréciait; peu de choses, en vérité. Des portraits familiaux disséminés dans quelques ailes perdues, des armures posées sur des mannequins, et les armoiries des Ventfroid en seule tenture dans le hall d’entrée. Et c’était à peu près tout. Si Talen était allé le chercher dès qu’il se fut annoncé à l’entrée, il dut néanmoins patienter le temps que Morion franchisse l’épreuve encore difficile de la descente des volées de marche qui conduisaient de sa chambre, dans laquelle il passait encore un certain temps, jusqu’au rez-de-chaussée. Sa femme l’aidait grandement, mais il prenait tout de même un certain temps pour y parvenir. Arrivé dans le hall, il salua d’une brève inclinaison du buste Zéphyr, qui avait tout de même l’air nettement mieux portant que lui, et esquissa un mince sourire, plus par politesse que par réelle joie. La remise en forme était décidément des plus difficile. «Messire d’Auvray, dit Morion quand il eut couvert la distance qui le séparait du banneret, les présentations entre nous ont déjà été faites mais… Pas avec mon épouse, que voici. Zéphyr, je vous présente donc la Comtesse Ambre de Ventfroid. Ambre, voici Zéphyr d’Auvray, nommé comme je te l’ai dit au service de notre famille il y a peu. Il s’est illustré sur le champ de bataille, durant l’opération. Son aide fut précieuse, et je n’avais aucune raison de refuser ses services.»Qui plus est les inclinations politiques de Zéphyr, bien qu’il ne soit pas du tout natif du Morguestanc, n’étaient pas pour déranger Morion. Au contraire, ils poursuivaient un but similaire. Et il était bon d’unir le peu de personnes assez lucides pour voir la nocivité du Duc sous la même bannière. Qu’elle fut sienne ou celle d’un autre, ils étaient si peu nombreux, ou si peu à oser seulement penser à une éviction, qu’il fallait à tout prix éviter de se diviser. Sujet qu’ils auraient l’occasion d’évoquer plus tard, quand ils seraient à table. A peine descendu que Morion ressentait déjà la douleur cisailler sa cuisse. Serrant légèrement les dents, il eut un regard équivoque à l’adresse de son épouse, puis observa Zéphyr, lui indiquant d’un geste de la main le salon dans lequel il avait l’habitude de se réfugier, avec sa femme, lorsqu’ils passaient leur soirée tranquille, avant de remonter dans les étages. «Quelques apéritifs vont nous être servis, le temps que le repas nous soit disposé à table. En attendant, racontez-moi ce que vous avez fait depuis votre visite au domaine. Et je suis sûr qu’Ambre est également curieuse à propos de vous, ou de votre famille. Je dois avouer que… ni elle ni moi ne nous attendions à pareille demande de votre part.» |
| | | Ambre de VentfroidFondatrice
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mer 16 Nov 2016 - 11:42 | | | Le temps passait trop vite en ce moment. Morion était rentré du Labret depuis pas même deux semaines et les affaires s’enchainaient. Repas, visites, travail. Ambre était conviée le lendemain chez Grâce de Brasey. Et la veille déjà les mariés avaient partagé un repas avec la famille d’Ambre, et les Mirail avaient été ravis d’apprendre la grossesse de la comtesse. Une mauvaise nouvelle avait salement bousculé l’ambiance, pourtant : la blessure d’Estrée de Ventfroid. Encore entre la vie et la mort, la sœur luttait, et Marianne était repartie tôt à l’aube pour rejoindre sa sœur et gérer le domaine. L’ambiance était morne, tendue, et ni le comte ni la comtesse n’étaient dans les meilleurs dispositions qui soient. Ils attendaient régulièrement des nouvelles, des missives qui faisaient état de la santé de la jeune femme, et chaque fois que Morion terminait une lettre, un tic nerveux sur sa mâchoire trahissait sa frustration de ne pouvoir être présent. Sa blessure l’empêchait de reprendre toute forme de voyage, et cela serait le cas pour un moment encore.
Forcés de reléguer leurs problèmes personnels, les Ventfroid avançaient donc leurs devoirs. Parmi eux, l’accueil d’un homme récemment lié à Morion par vassalage. En toute honnêteté, Ambre avait été surprise à l’entente de la nouvelle. Elle commençait à très bien connaître son mari et la famille qui lui avait donné son nom. L’homme accordait une grande valeur aux traditions, et il n’y avait pas de lien plus important que les liens vassaliques chez les nobles – si l’on omettait le mariage, bien évidemment. Morion honorait ces liens forgés devant les dieux avec un respect profond, et quiconque venait à ne pas respecter la parole donnée se retrouverait aussitôt dans son collimateur. Eu égard à l’immense considération de son époux pour ce type d’alliance, Ambre était donc étonnée qu’il en ait forgée une récemment, et surtout, avec un parfait inconnu. Les Ventfroid possédaient déjà des vassaux, mais les familles étaient liées depuis des générations déjà, avant même que le comte ne naisse. La confiance et le respect étaient installés depuis bien des années, et les preuves d’allégeances, nombreuses, avaient eu le temps de renforcer les liens entrepris. Morion était un homme méticuleux, prudent. Extrêmement prudent. Aussi la comtesse était curieuse de rencontrer l’homme qui lui avait fait accorder un tel honneur. Zephyr d’Auvray. Un étranger, connu ni de nom ni de hauts faits que l’on eût pu conter à la cour. Un homme qui n’avait ni l’assurance d’années d’expérience avec les Ventfroid, ni la confiance du comte. Et pourtant, ce dernier avait accepté de le prendre sous sa protection. Pourquoi ?
C’était sur ces questionnements que la comtesse s’était préparée à rencontrer son nouveau vassal. Vêtue d’une robe bleu nuit, portant son collier de noces et des boucles d’oreille assorties, Ambre présentait bien. Elle était la représentante d’une famille importante, et se devait d’honorer son nouveau vassal autant que faire se peut. La jeune femme avait aidé son époux à se vêtir également, ignorant ses jérémiades. Elle redoublait d’efforts pour le forcer à ménager sa jambe, ce qui n’était pas tous les jours faciles. Ambre fusillait Talen du regard dès lors qu’il s’approchait pour entraîner le comte, et il fallait aussi insister pour que ce dernier n’utilise pas constamment les escaliers. Il s’entêtait à descendre travailler dans son bureau tous les jours alors que leur chambre se trouvait un étage plus haut. Plus borné que Morion de Ventfroid, cela n’existait pas.
Zéphyr d’Auvray fut à l’heure. Ambre suivit son mari le rejoindre dans le hall, laissant l’homme prendre les devants face à son vassal. En attendant, elle restait silencieuse, observant le banneret, inclinant seulement la tête avec un sourire avenant lorsque Morion la présenta. Zéphyr s’avéra être un homme charmant, au premier regard. Il présentait bien, avait l’air droit et fort sérieux, tenancier d’un calme à toute épreuve. Son visage marqué le vieillissait probablement plus que son âge, mais les affres de la guerre avaient souvent cet effet sur les hommes. La comtesse ne pouvait nier qu’il laissait bonne impression à l’affiche, et que l’homme n’avait pas dû avoir de problèmes pour se trouver une femme – parce qu’il en avait forcément une, à son âge, n’est-il pas ?
- Monseigneur, déclara Ambre lorsqu’elle put parler. C’est un plaisir pour moi d’honorer le lien qui s’est installé entre nos deux familles. Mon mari fait preuve de trop grande retenue ; plus que de n’avoir aucune raison de refuser vos services, il en avait sûrement pour les accepter. Je suis ainsi curieuse de les connaître. La nuance était subtile, mais pleine de sens. Ambre doutait que son mari ne prenne sous sa responsabilité un homme simplement « parce qu’il n’avait aucune opposition à y apporter ». Le comte de Ventfroid ne créait jamais un lien autant à la légère, jamais. Il avait forcément vu chez ce banneret des choses qui lui avaient plu, ou qui lui avait permis de passer de « banneret sans intérêt » à « banneret digne de se lier aux Ventfroid ». Ambre ne put s’empêcher d’afficher un sourire légèrement amusé, et continua. J’ai cru comprendre que vous avez partagé le champ de bataille avec mon époux, et son homme d’armes Talen.
Ils passèrent au salon rapidement, évitant de laisser les hommes trop longtemps debout – les brûlures de leurs blessures étaient encore présentes, et seule la bêtise pourrait les pousser à rester sur leurs pieds. Ambre laissa Zéphyr devant un fauteuil, tandis qu’elle s’asseyait sur un canapé plus large. Continuant à observant le banneret, elle reprit :
- Je ne m’attendais effectivement pas à lier de nouveaux liens en ces temps troublés, encore moins venant de quelqu’un qui ne connaissait pas notre famille avant récemment. Ambre fit une pause, se faisant subitement la réflexion qu’en fait, il fallait peut-être ne pas connaître les Ventfroid pour avoir envie de se lier à eux. Je ne vous mentirai pas en disant que vous venez de contrées bien trop éloignées pour que votre nom ait pu faire partie des enseignements en héraldique de la région de Morguestanc. Quels motifs vous ont poussé à chercher seigneur ? Pourquoi les Ventfroid ?
Morion devait sûrement avoir déjà posé toutes ces questions, mais Ambre n’avait pas été là. Elle était curieuse d’entre les mots sortir de la bouche de son nouveau vassal, et posa un regard curieux et poli sur Zéphyr.
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| | | Zephyr d'AuvraySergent & Modérateur médiateur
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mer 16 Nov 2016 - 13:05 | | | L'austérité des lieux n'était pas pour lui déplaire en vérité, bien qu'il ait toujours été habitué à vivre entouré de couleurs et de bruits d'une vie quotidienne en mouvement perpétuel. Il avait ceci que depuis qu'il avait du prendre la tête de sa famille à la place de son frère, il y avait longtemps de cela, une partie de son être avait repoussé la chaleur confortable des apparences trompeuses de l'existence. La solitude qui avait été la sienne, bien qu'il se soit employé à ne jamais la laisser paraitre, se ressentait dans des choses singulières comme sa façon de se vêtir ou le fait qu'il n'ai encore jamais pris femme, aucune n'étant parvenue jusqu'à présent à égayer les profondeurs de son cœur qui, sans être gelé, avait perdu en substance depuis fort longtemps. Voir Talen venir le chercher à l'entrée ne manqua pourtant pas de faire naitre une ombre de sourire, vague et éphémère, lui adressant un signe de tête accompagné d'une salutation polie. Il se souvenait assez de la bataille pour savoir que sans cet homme, il ne serait pas là lui non plus et il considérait que son Seigneur avait une grande chance de l'avoir à ses côtés. Patientant dans le hall, il vit justement Morion arriver en compagnie de son épouse qui, si elle ne correspondait pas forcément aux critères qui étaient les siens, était d'une assez grande beauté pour troubler tout homme digne de ce nom. Pour autant l'attention du Banneret s'était portée sur la mine de l'époux, lequel avait encore les traits tirés et l'air pâle de ceux qui souffrent encore. Pour sa part il avait reprit quelques couleurs grâce à l'acharnement d'une sœur pour le moins inquiète et il n'avait point eu à souffrir d'infections ni de nouvelles blessures depuis son retour à la Cité. Nul doute aussi qu'il était plus aisé de protéger un dos qu'une jambe.
- Mon Seigneur, Ma Dame.
Le compliment dont le Comte venait de l'arroger lui semblait être quelque peu enjôleur en comparaison du souvenir qu'il gardait de la bataille en question, mais au moins n'y avait-il point eu de raison de refuser sa demande d'allégeance qui avait suivit, tout de même après un certain temps de réflexion qui n'avait pas été vain. Ambre pour sa part semblait fort vive d'esprit et la façon qu'elle eut de présenter les choses de son point de vue avait de quoi perturber Zephyr, lequel inclina la tête avec précautions à cause de son dos encore esquinté.
- J'ai en effet eu cet honneur et je dois dire qu'ils sont eux-mêmes des plus compétents en matière de bataille. Je suis sûr cependant que votre époux sera plus à même de répondre à vos interrogations que ma modeste personne.
Ou comment esquiver le fait qu'on désira déjà connaitre les raisons qui avaient pu pousser Morion à l'accepter comme vassal, chose qui était devenue suffisamment rare en ces temps troublés pour être notée. A son doigt d'ailleurs, la bague symbolisant la maison Ventfroid était belle et bien présente, discret ornement s'il en est qui s'accordait assez bien avec l'avant-bras métallique que portait le Noble sous son vêtement et que l'on pouvait entrapercevoir si jamais il étendait le bras. L'on passa au salon, où la Maitresse des lieux le laissa devant un fauteuil où il ne prit place qu'une fois que ses hôtes furent eux-mêmes installés, retenant un soupir de soulagement : assit, son dos le tiraillait beaucoup moins, même s'il devait prendre garde à ne pas l'appuyer contre le dossier et, de ce fait, se tenait toujours droit comme un "i" malgré le confort de l'assise. Morion reprit la parole et le Banneret, qui avait anticipé cette question bien avant sa visite, acquiesça presque sereinement avant de répondre, ses yeux gris fixant son vis-à-vis avec attention.
- Le retour n'a pas été sans quelques mauvaises rencontres Monseigneur, cependant je puis vous assurer qu'un Banni de moins arpente ces terres et que les Fangeux ne parviennent pas encore à abattre les murs, sans quoi je ne serais point ici. Je crains de n'avoir guère occupé mon temps à autre chose qu'à panser mes blessures et ma cadette ne m'a point laissé de répit tant que le soigneur ne lui eut assuré que j'étais hors de tout danger. Elle s'excuse de ne point être présente en ce jour et vous adresse ses hommages les plus respectueux, à vous et à votre épouse.
Sa chère sœur avait tant veillé et tant puisé dans ses ressources qu'elle était à présent celle qui avait besoin de repos, probablement le contrecoup de toute cette inquiétude lui avait-on dit, rien de grave en soi. La parole sembla glisser naturellement vers la Comtesse de Ventfroid, laquelle la prit avec un soin tout particulier et de nouveau cette vivacité dans la façon de penser, d'amener les choses, qui laissaient à penser que Ambre n'était pas une de ces épouses mornes et sans intérêt, élevée dans le seul but de contenter un futur mari quel qu'il soit. Non. La Maitresse des lieux était à l'image de son époux, une femme intelligente et capable de réflexions profondes, de finesse, d'élégance, mais probablement aussi du même éclat perçant, chose que le Banneret n'était guère pressé de découvrir. Pour autant les questions lui firent glisser brièvement un regard à Morion, avec une sorte de questionnement silencieux et grave : pouvait-il parler librement ? Il l'ignorait, aussi en attendant une "autorisation" par quelque signe que ce soit, se contenta-t-il de répondre simplement d'une voix grave et tranquille, quoiqu'un peu rauque faute de souvent en user.
- Je pourrais vous demander, Ma Dame, pourquoi l'avez-vous épousé ? Si je puis vous rassurer, ce n'est point car Mon Seigneur m'a "plu" que je me suis tourné vers lui.
Il retint de justesse le sombre sourire amusé qui fit frémir le coin de ses lèvres, à la lueur de malice et de taquinerie dans son regard qui aurait presque pu le rajeunir, si la situation n'était pas aussi sérieuse à son sens, si le monde n'était pas au bord de l'extinction. Ainsi parvint-il à demeurer prudent, presque distant dans sa façon d'évoquer son choix, gardant une gravité de circonstances. Et puis Ambre méritait le respect tout autant que Morion, de cela il n'y avait aucun doute possible.
- Depuis mon arrivée sur ces terres, je suis un homme sans attaches traditionnelles. Vous l'avez dit, je viens de fort loin et comme nombre d'entre nous de nos jours j'ai tout perdu ou peu s'en faut. Je suis de ces hommes qui ont été élevés afin de servir le Royaume et de rendre des comptes, tout en gérant la vie de sujets loyaux et dévoués qui connaissaient ma famille depuis de nombreuses générations. Au sein de cette Cité, je suis un Noble parmi tant d'autres, or je ne suis guère de ceux qui se contentent de cette situation.
Ses muscles se crispèrent brièvement au souvenir qu'il avait déjà évoqué avec le Comte, concernant les massacres qui avaient eu lieu devant les portes de Marbrume, devant le Duc qui n'avait pas tenu parole et tous les innocents qui étaient morts par son fait. Cela ne dura qu'une seconde à peine, le temps qu'un éclat de rage froide ne traverse ses yeux gris, puis tel un orage passant au loin, le calme revint et la crispation disparu.
- Il m'est préférable de servir un Seigneur que d'errer sans but autre que celui du commun. Quant au choix de la famille Ventfroid, il s'est imposé de lui-même lors de l'Opération Labret, où je puis vous assurer que votre époux me fit plus grande impression que je ne lui fit en retour. Servir un homme tel que lui m'est un honneur et j'ai embrassé ses idéaux sans aucune hésitation.
Ainsi s'arrêta-là Zephyr qui avait parlé bien plus que ce qu'il ne faisait d'ordinaire. Son dos l'élançait en sourdine suite aux quelques tensions qu'il venait de s'imposer, mais il avait choisit de ne pas en dire davantage, préférant laisser le soin au Comte de décider si oui ou non Ambre devait être mise au courant. Qui sait ? Tant d'hommes cachaient tant de choses à leurs épouses, peut-être cela était-il également le cas ici, au sein de ce Manoir. |
| | | Morion de VentfroidComte
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mer 16 Nov 2016 - 20:27 | | | Tout comme Zéphyr, Morion accueillit non sans un certain soulagement leur arrivée au salon. C’est à côté de sa femme qu’il prit place, laissant sa canne reposer contre l’accoudoir du meuble. Il recula légèrement contre le dossier et se laissa aller, un peu plus détendu. Seule sa jambe resta parfaitement immobile, tendue vers l’avant, reposant sur le talon de son pied. Il la bougeait encore le moins possible, bien que chacune des actions, ou presque, qu’il exécutait dans une journée l’obligeait à la mouvoir, d’une manière ou d’une autre. Si son visage se faisait impassible à toute douleur, il n’en ressentait pas moins de terribles lancements. La plaie avait été plusieurs fois recousue, parfois à la hâte, douloureux souvenir de batailles âpres qu’il n’aurait jamais dû mener.
S’il était à côté de sa femme, et non sur le fauteuil qu’il usait ordinairement, ce n’était pas par envie de proximité soudaine, quoique leur promiscuité ne le dérangeât pas une seconde. Non, il voulait simplement établir d’un simple geste l’équité qui régnait au manoir entre les deux époux. S’il était encore très secret, ne partageant que ce qui était nécessaire avec son épouse, dont le mariage était encore frais, si l’on excluait les absences auxquelles il avait été sujet, certaines choses étaient cependant évidentes; il ne considérait pas sa femme comme une simple matrice pondeuse ou objet d’exposition, qui s’il était exquis, avait bien plus de valeur à ses yeux que cela. Le simple objet initial de leur union en était la preuve, bien que non révélé au grand public; ils fomentaient ensemble. A partir de là, Morion devait nécessairement considérer Ambre autant comme sa femme que comme une alliée dans les sombres projets qu’il ourdissait, et la confiance et le respect qu’il lui accordait, sous forme d’attention, d’autonomie, de liberté et de considération, il les cédait avec grand plaisir, naturellement. C’est en tout cas ce que reflétait son attitude.
Il ne reprit la parole qu’une fois installé, par ailleurs, observant tour à tour Ambre et Zéphyr. Il n’en avait guère doutait, mais goûtait d’un air appréciateur le fait que le courant avait l’air de bien passer entre les deux. Contrairement à d’autres de ces vassaux, aucun conflit ne devait ainsi naître du lien l’unissant aux Ventfroid. Un était déjà bien suffisant.
Un mince sourire fleurissait sur ses lèvres, constatant la retenue effective de Zéphyr. En sa seule présence, il avait été nettement plus clair au niveau de ses inclinations qu’il ne le fut à ce moment. Craignait-il qu’Ambre soit dans l’ignorance à propos de ses propres projets ? Il ricana légèrement, mentalement. C’était lourdement se tromper. Il n’aurait pas pris femme, si celle-ci s’était avérée incapable d’à la fois prolonger leur lignée, et en même temps le suivre le sentier tortueux et obscur de la guerre de la rébellion.
«Vous pouvez être clair, Zéphyr, dit Morion, un brin amusé par la situation. Ambre est tout à fait au courant de la considération que je porte au Duc, et de l’avenir que je me plais à lui prévoir. Elle fait de même, je peux vous l’assurer, probablement avec plus de hargne que moi, conclut-il avec un sourire mesquin.»
Talen arriva sur ces entrefaites, et déposa sur la table un plateau de bois verni, sur lequel reposait une petite amphore de vin, accompagnée par trois coupes aux teintes argentées. Il eut la présence d’esprit de les remplir, avant de les donner à chacune des personnes présentes. Il s’inclina sans un mot, y compris à l’attention de Zéphyr qui avait eu maintes fois l’occasion de gagner son respect un mois plus tôt, et repartit s’affairer et gérer la cuisson et les finitions du repas. L’on pouvait entendre, lorsque personne ne parlait et que le feu dans l’âtre ne se faisait point trop craquant et guilleret, des ordres et des tintements de couverts et de vaisselle, en cuisine. C’était visiblement quasiment prêt.
«C’est d’ailleurs, en sus des performances guerrières de Zéphyr, pour cela que j’ai accepté qu’il entre à notre service. Nous n’avons pour ainsi dire, Ambre et moi, que très peu de chances de parvenir à nos fins à nous deux seulement. Les espions se montrent d’une efficacité à toute épreuve, mais combien d’entre eux seraient prêts à mettre leur vie en jeu contre une promesse un peu vague d’un monde meilleur, en cas que la tête du Duc tomberait ? Peu, n’en doutons pas. Il fit une légère pause pour se désaltérer, puis poursuivit, le regard oscillant toujours entre son banneret et sa femme. De fait, il m’a paru important de réunir tous ceux qui avaient eu un jour la volonté de le voir tomber. Chez nous trois elle est encore vivace. Et je ne doute pas que nous pourrons en trouver d’autres dans le même cas, le temps allant.»
A dire vrai, il y croyait, mais moyennement. Depuis l’isolement total du Morguestanc, la passivité submissive dans laquelle s’étaient enfermés tous ces nobles, dont beaucoup purent être réputés un jour pour leur grande gueule et leurs propos parfois incongrus était navrante. Les plus vantards et hurleurs d’entre eux s’étaient transformés tout au plus en pauvres hommes et femmes murmurant tout bas, acquiesçant docilement dès qu’un ordre portant la patte de Sigfroi ou de sa famille était donné. Une attitude que Morion trouvait méprisable. Comment ces gens pouvaient-ils prétendre faire subsister un nom, protéger leurs gens, si leur seule attitude était la lâcheté, si leurs convictions fondaient comme neige au soleil dès que le père de cette cité levait un peu la voix ? Jusqu’à présent… Eh bien il n’y avait eu qu’Ambre pour lui tirer une mine approbatrice, et la conviction que finalement, les projets qu’il ourdissait, peu importe le temps que cela prenait, étaient réalisables et trouveraient un écho, chez quelques rares mais précieuses personnes. La plus précieuse d’entre elles était pour l’heure assise à ses côtés.
«Mettons d’ailleurs les choses au clair immédiatement, bien qu’ayant déjà évoqué le sujet au château. Je ne compte pas vaciller, ni dévier à un seul moment de ma ligne conduite, quand bien même celle-ci me pousserait dans les cloaques sanguins des batailles et de la mort. Il fit une légère pause, observant les deux personnes présentes, détendant la tension de ses paroles d’un sourire spectral. Presque macabre, à dire vrai. Si je ne doute en aucune manière de la volonté d’Ambre de me suivre où que j’aille, je tiens à mettre l’accent sur les risques encourus, et les sacrifices que cela peut demander à consentir.»
Il était important que son banneret, tout juste entré à son service, en soit parfaitement conscient. Morion avait déjà eu connaissance des choses qu’il ne pouvait ou ne voulait faire, et les avait pour l’heure acceptées. Mais certaines autres pouvaient être bien pire.
«Pour te répondre Ambre, c’est dans cette optique d’union que j’ai accepté les services de Messire d’Auvray. Nous avons des alliés, mais peu, bien trop peu. Et pendant que la cité sombre dans la soumission et la passivité, le Duc, lui demeure et devient plus puissant chaque jour passant. Ce que je ne peux tolérer.»
Il se redressa légèrement dans le canapé, plissant légèrement le nez sous l’élancement de sa jambe, qui se rappela à son bon souvenir.
«Je vous ai demandé comme première mission de vous remettre en état, et je constate que c’est chose faite, ou presque. Néanmoins, nous ne pouvons rester passifs. J’ai déjà un grand nombre d’espions à Marbrume, tout comme mon épouse. Je doute de pouvoir vous trouver une utilité ici. Il fronça légèrement les sourcils. Je sais que vous aimez votre soeur et que l’idée risque de lui déplaire, mais si vous tenez à vous rendre utile, c’est proche de mon château que j’aurais besoin d’aide. Depuis… Eh bien depuis la conquête, le trafic d’hommes entre mon domaine et le plateau s’est accentué. Nous aidons dans la mesure de nos moyens les colons, mais cela entraîne des répercussions. Les bandits qui prenaient le Labret pour cible auparavant, se sont mis dans l’idée d’étendre leur champ d’action au domaine, bien moins efficacement protéger contre la malice des hommes.»
Il n'évoqua même pas la blessure de sa soeur, qui à elle seule méritait que tous ses effectifs soient concentrés à la défense du domaine, et à la défense contre la prolifération de bandits qui semblait se préparer, en vue du grand nombre de ressources qui commençait à circuler. |
| | | Ambre de VentfroidFondatrice
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Jeu 17 Nov 2016 - 22:05 | | | L’homme était simple, sans fioritures. Cela changeait des pirouettes venimeuses de Cassandre de Rocheclaire, qui ne cherchait qu’à brosser Morion dans le sens du poil lorsque la comtesse était présente. Zéphyr avait au moins le mérite d’être direct, quoiqu’un peu rustre, visiblement peu accoutumé aux cérémonials. Ses propos étaient prudents, réfléchis, calmes. Sa première impression du banneret fut donc globalement positive. Elle espérait que cette impression ne ferait que se confirmer avec le temps, se renforcer par des actes concrets, et qu’ils n’auraient pas la morne déception de le voir finalement être un fardeau, ou pire, un ennemi. Ambre n’écartait pas la possibilité d’un danger sous-jacent – le fait qu’il était étranger ne lui retirait en rien la possibilité de travailler pour quelqu’un d’autre officieusement, bien au contraire. Il était désormais sans le sou, et gratter à qui mieux mieux la protection des uns et des autres serait un comportement réaliste, à défaut d’être accepté par les Ventfroid.
- Vous semblez pourtant en meilleur état que celui dans lequel mon époux est rentré, répondit la comtesse tranquillement, démontant la fausse modestie du banneret. Ce disant, son regard glissa sur la cuisse de son mari et sa canne, jusqu’à Zéphyr, qui évoluait sans aide, ni blessure visible.
La comtesse écouta sagement le récit de l’homme sur ses récentes activités, et l’évocation de sa sœur l’intéressa, faisant poindre une lueur curieuse dans ses prunelles.
- Vous et votre sœur sont les seuls représentants de votre famille à Marbrume, monseigneur ? N’avez-vous aucun enfant à qui léguer votre suite ?
Question qui pouvait gêner, Ambre le savait. Le Fléau avait emporté nombre de vies, et n’avait épargné personne, pas même les nobles. Cependant il était nécessaire de savoir combien d’Auvray étaient désormais à leur service, et à qui ils devaient protection, en même temps que ces derniers leur devaient allégeance. Il n’était pas digne d’une comtesse d’ignorer l’existence de qui que ce soit lié à son nom, quand bien même il s’agissait d’un cousin éloigné ou d’un bâtard. Elle voulait connaître les noms des vivants comme des morts, histoire de pouvoir jouer son rôle correctement. Chaque vie était précieuse désormais, vitale, inespérée.
Par la suite, Ambre haussa un sourcil à la question audacieuse du banneret. Pourquoi avait-elle épousé Morion ? Diantre, c’est que Morion avait su choisir son vassal. La comtesse n’était point habituée à ce qu’on réponde à l’une de ses questions par une autre question plutôt qu’une réponse. Peu osaient lorsqu’ils la connaissaient encore peu. Alors, Ambre se demanda s’il s’agissait juste d’audace, d’une forme d’impolitesse, ou d’un message caché. Ambre connaissait parfaitement les raisons qui lui avaient fait envisager un lien avec les Ventfroid. Ce messire d’Auvray les connaissait-il également, lui renvoyant sa question pour lui faire comprendre que ses motivations étaient les mêmes ? La possibilité effleura un instant la comtesse, ayant souvenir des commentaires que son époux avait déjà faits sur son nouveau vassal – que celui-ci ne portait point le Duc en son cœur. Il n’empêchait qu’elle ne pouvait tout simplement pas afficher les réelles raisons au grand jour aussi aisément, comme l’on pourrait parler du thé ou du beau temps. Tout comme affirmer qu’il n’avait été question que de puissance, désormais que de subtils sentiments s’étaient ajoutés au lot, ça n’était pas convenable, ni pour Morion ni pour leur invité. Gardant son air surpris, elle termina donc par répliquer, peut-être un peu rudement :
- Soyez sûr que mes raisons sont dissemblables aux vôtres ; je crains que nous autres femmes de la cour ne regardons pas du même côté que ces messeigneurs pour choisir nos époux. Point besoin de me rassurer, à moins que vous ne décidiez un jour de devenir blonde et d’acquérir des atouts rondelets.
Elle avait repris son sourire à la dernière phrase, ayant saisi que sa première réplique eut pu déstabiliser. Quelle idée, aussi, d’éluder ses questions si ouvertement ?
La suite plut davantage à la comtesse. L’homme avait de l’ambition. Peut-être même beaucoup plus que ce qu’il ne laissait entrevoir. Il ne se contentait pas de sa situation actuelle ? Parfait. C’était effectivement un bon moyen pour lui d’avoir de la motivation. Cela dit, il avait mis le doigt sur quelque chose d’essentiel. Un noble parmi tant d’autres. Etranger, sans aucun lien d’amitié ni d’attaches dans cette cité damnée qu’était devenue Marbrume. Un pion isolé qu’il serait difficile d’élever au rang de fou. Morion faisait un pari audacieux en accordant à cet homme de se lier aux Ventfroid. Il n’avait plus aucune fortune, et de ce qu’Ambre semblait avoir compris, n’avait presque plus aucun homme à son service. En l’état actuel, s’il n’était pas un poids pour le comte, il était pour autant loin d’être un atout. Encore très loin. Mais c’était faisable. A lui de gagner sa place, de s’attirer la sympathie du peuple et des plus sournoises vipères de l’Esplanade. Des gens du domaine Ventfroid, aussi. S’il savait imposer sa place et convaincre quiconque de son utilité et de ses compétences, il aurait tôt fait de prendre la place de ceux qui étaient tombés aux mains de la fange. Depuis que les Sarosse et nombre d’autres familles millénaires avaient péri, les places étaient foison, et il suffisait de savoir réagir pour s’approprier une part du butin malgré la présence de plus en plus écrasante du Duc. Un but, voilà principalement ce qu’avait cherché Zéphyr d’Auvray en se liant à Morion. Dépossédé de ses terres et de ses gens, l’homme désespérait de pouvoir agir. Ses motivations étaient compréhensibles. Et honorables, également. Beaucoup, dans une telle situation, auraient profité des derniers temps en s’oubliant dans les bras d’une catin, sans chercher à recouvrir des responsabilités.
Un sourire amusé termina par fleurir sur la bouche de la comtesse aux propos de son époux. Oh, Zéphyr avait éludé de peur d’aborder des sujets délicats ?
- Tu aurais dû le laisser dans l’ignorance, Morion. Que va-t-il penser de sa comtesse désormais qu’il sait que je participe à ces fomentations…
De son air faussement offusqué, elle laissa son époux continuer, et resta silencieuse pour le reste. Morion demandait l’assurance que Zéphyr ne retourne point sa veste concernant le Duc, et à dire vrai, le sujet gêna un peu la comtesse. Elle caressa son ventre, distraitement, dissimulant ce moment de malaise derrière une gorgée de jus de fruit, seule boisson que son odorat lui autorisait en-dehors de l’eau depuis sa grossesse.
- Mmh, ajouta-t-elle en dernier lieu. Je gage qu’une aide serait grandement utile prochainement au domaine, en effet. La sœur de Morion est actuellement blessée, et nous redoutons encore qu’Anür ne l’emporte. Elle jeta un regard à Morion, inquiète que le sujet ne l’affecte. Je suis certaine qu’ils accueilleraient un homme apte au commandement avec plaisir, là-bas.
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| | | Zephyr d'AuvraySergent & Modérateur médiateur
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Jeu 17 Nov 2016 - 22:45 | | | L'échange se faisait entre les trois personnes assises au salon et il se faisait bien, tant en vérité que l'on aurait presque pu douter qu'ils se connaissent depuis peu, mais les accointances avaient ceci de mystérieux qu'elles pouvaient amener à se méprendre. Si Zephyr s'était contenté d'incliner la tête quand Ambre avait souligné le fait qu'il semblait être en meilleur état que Morion -lui indiquant ainsi qu'il parvenait à donner le change sur l'état de son dos- ce fut un brin de sourire amusé qui apparu sur ses lèvres quand elle lui renvoya à la figure son audace de lui avoir répondu comme il l'avait fait, avec une plaisanterie qu'il trouva de bon goût et qui fit pétiller ses yeux gris l'espace de quelques secondes. S'imaginer grimé en femme avait quelque chose de foncièrement comique, cependant le sujet de leur conversation était des plus graves et il préféra se concentrer sur celui-ci plutôt que d'en rajouter une couche. Après tout elle restait la femme de son Seigneur, point trop ne fallait de plaisanteries.
- Pour vous répondre Ma Dame, ma sœur et moi sommes effectivement les derniers de notre lignée car je n'ai point d'enfant à qui léguer notre suite et, pour tout vous dire, je ne suis uni à aucune femme à l'heure actuelle.
La suite de leurs échanges acheva d'être grave après le bref moment d'amusement concernant un travestissement quelconque, tournant autour de la révélation qui fut faite par Morion concernant son épouse : ainsi elle était au courant. Les yeux du Banneret revinrent soudain se fixer sur la Noble aux cheveux couleur de feu, se rétrécissant comme ceux d'un oiseau de proie pour scruter avec une vive attention celle qui se tenait sagement assise sur le canapé en face de lui. Elle semblait bien sous tout rapport, délicate, distinguée, bien élevée et intelligente, mais sans doute ourdissait-elle de sombres desseins contre le Duc et c'était d'imaginer une telle chose qui surprenait passablement le vassal. Qu'avait bien pu faire leur dirigeant actuel pour qu'une femme de son rang désira le faire disparaitre ? Là n'était point la question et jamais Zephyr ne la poserait, mais c'était assurément quelque chose qui trotterait à jamais dans son esprit. Le Comte de Ventfroid continua cependant dans son propos, faisant se reporter sur lui l'attention du Noble qui écouta avec une gravité de circonstance, acquiesçant en silence sans s'élever le moins du monde contre ce qui était dit, mais se sentant au contraire de soutenir de tels propos.
- Je vous ai suivit au milieu de la Fange, Mon Seigneur, je vous suivrais au-delà des limites de notre monde s'il le fallait.
Cela pouvait passer pour de vaines paroles ou, pire encore, pour de la vantardise déplacée, mais l'expression presque glaciale et surtout résolue du Banneret ne prêtait nullement à sourire ni même douter de ce qui ressemblait à une promesse. Bien sûr perdre Idalie dans cette quête serait une tragédie qui risquerait fort de détruire son cœur et son âme, car sa chère sœur était innocente à tout sujet, mais les risques étaient évidents, au même titre que se retrouver dans une cour qui n'était pas la leur ou une connue représentait un danger permanent. Le Comte ne s'arrêta point là pour autant et compléta finalement son propos en exposant le fond de sa pensée et l'idée qui était la sienne, celle de donner une mission, un but à atteindre à son vassal dont le cœur s'emballa à cette seule idée. Emballement qui ne s'apaisa guère quand Ambre acheva de compléter la demande par quelques informations d'importance qui firent se redresser un peu vivement Zephyr, qui grimaça légèrement à ce geste involontaire. Fichu dos. Une profonde inspiration suivit d'un regard plus que déterminé précédèrent sa voix grave au ton non plus posé, mais palpitant d'une énergie renouvelée.
- Je prierais pour votre sœur Mon Seigneur, quant à la mienne sachez qu'elle ne s'opposera point à mon départ pour votre domaine, elle sait l'importance du devoir, ma famille a toujours placé celui-ci avant tout confort ou sécurité personnelle. Dites-moi quand vous désirez que je m'y rende et je partirais sans attendre.
Sans être aveugle ou irréfléchi, le Banneret semblait plus que volontaire à répondre à un ordre aussi primordial dans la défense du domaine Ventfroid et, par extension, de la sécurité des gens qui y vivaient.
- Croyez bien Ma Dame que je ferais mon possible pour être digne de votre famille.
La sienne qui était à son sens la même que celle de Morion envers qui il avait prêté allégeance. Le Noble se força à se rassoir un peu plus confortablement après sa déclaration, avisant les boissons qui étaient à leur disposition et, plutôt que de choisir de l'alcool, préféra se servir un verre de jus de fruit par souci de ne pas voir entrer en conflit un breuvage alcoolisé avec les quelques décoctions fortes à base de plantes qu'il buvait deux fois par jour pour soulager la douleur de son dos. Il y eut quelques secondes de flottement et de silence, durant lequel il fixa sa coupe remplie, avant de la lever dans la direction du couple seigneurial.
- A quoi souhaitez-vous trinquer ?
Demanda-t-il simplement, sachant que lui-même pourrait le faire à cette famille qui l'avait accepté comme vassal, à l'avenir des humains, à la chute du Duc et à la fin de la Fange. Tant de raisons en vérité qu'il préférait les laisser choisir à sa place.
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| | | Morion de VentfroidComte
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Sam 19 Nov 2016 - 23:10 | | | Pendant que sa femme interrogeait Zéphyr à propos de sa soeur, et de sa lignée quasiment inexistante, Morion réfléchissait, l’air d’écouter distraitement cette conversation dont il connaissait déjà les réponses, au lien qui s’était tissé, avant toute considération vassalique, avec le banneret. C’est accompagnée par le chant des lames et les sifflements des flèches, que leur rencontre s’était faite. Ce n’était pas rien. A la guerre, les liens tissés entre hommes étaient, à défaut d’être plus solides que d’autres, au moins plus éprouvés. S’ils s’étaient entraidés, malgré le danger de mort imminent, alors le potentiel était avéré. Des preuves étaient déjà données de la loyauté d’un homme envers un autre. C’était quelque chose d’important. En dehors de cela cependant, le comte de Ventfroid restait un homme assez atrocement retors. S’il avait accepté de placer les d’Auvray sous sa protection et de leur accorder le bénéfice évident d’une alliance avec les Ventfroid, il n’escomptait pas garder cette échange à sens unique. Et avoir un homme en plus n’était à ses yeux pas un bénéfice suffisant. Enfin, nuançons. Une alliance avec une famille, aussi modeste soit-il, était toujours bonne à prendre. Avant même de parler de partage de projet, il était tout simplement très facile de noter qu’un allié de plus était un ennemi déclaré éventuel de moins. Et effectivement, pourvu que l’homme scellant l’alliance ait en tête les mêmes idéaux que le contractant, alors l’alliance pouvait s’avérait bien plus utile qu’elle ne le paraissait de base. Pour Morion les choses en étaient cependant à leur commencement. Malgré, en effet, le temps passé avec Zéphyr sur le champ de bataille, temps qui lui permit d’avoir preuve de son courage et de sa bravoure, il était comme sa femme, si ce n’était pis encore; il se méfiait de tout, et de tout le monde. Dans son cas c’était une attitude aussi naturelle que celle de respirer. L’on ne savait jamais sur qui l’on tombait vraiment, et lorsque l’on portait le nom Ventfroid, il fallait soigner avec précaution son entourage, sans quoi l’on encourait des risques extrêmement lourds. Cela, il le savait. Actuellement, il lui laissait le bénéfice du doute. Il avait vu la haine et la rancoeur dans ses yeux lorsqu’il avait évoqué le Duc. C’était de bon aloi. Néanmoins… Il l’éprouverait. Zéphyr en lui-même pas forcément, mais sa force de caractère, oui. Des missions, des tâches à accomplir, peut-être simple, au début. Mais ça n’allait pas durer. Prêt à aller jusqu’au delà des limites du monde connu à sa suite ? Un ricanement mental tira Morion de ses songes. «Méfiez-vous lorsque vous dites cela. Les choses les plus terribles se déroulent en amont de ces limites, point après elles, rétorqua-t-il, un sourire mesquin et léger aux lèvres.» L’éprouver, oui. Voir jusqu’où, après son discours fidélisant, il était capable d’aller en son nom. Il lui avait déjà confié ce qu’il était apte ou non à faire. Morion le prendrait au mot, mais vérifierait tout de même. Par mesure de sûreté. C’était la première fois qu’il se retrouvait avec un inconnu à son service. Les Castelmont les servaient depuis des générations, et il en était de même pour les Rocheclaire. Et il était de notoriété publique que les Ventfroid étaient assez frileux voire carrément réfractaires au contact extérieur. Il laissa donc ses pensées vagabonder, rejoignant celles de sa femme. Avant de lui accorder pleine confiance, il faudrait s’assurer que celle-ci était justifiable. Cela lui allait. Il jaugeait en lieu et place de la joute fine qui s’était brièvement déroulée entre Ambre et Zéphyr, l’oeil amusé, s’il était encore capable de réellement s’amuser. Ces temps-ci ce n’était pas trop le cas. Estrée occupait énormément ses pensées, et les batailles acharnées menées au Labret avaient laissé de cuisants souvenirs. Il notait cependant avec satisfaction que la relation partait sur une bonne base. Bien qu’effectivement, les manières du banneret puissent surprendre, surtout lors d’une première rencontre, il n’avait pas non plus été insultant. Encore heureux. Il pencha, l’air goguenard, sa tête vers son épouse, feignant le ton du secret alors que Zéphyr était en parfaites dispositions pour l’ouïr. «Gageons que je préfère qu’il sache à quel genre de femme il aura affaire à l’avenir lorsqu’il s’adressera à toi. Moi-même étant victime de tes surprises, je souhaite l’épargner au plus grand monde, n’en prends pas ombrage.»Morion laissa un sourire flotter sur ses lèvres quelques secondes en écho à cette réplique qui ne manquerait pas de piquer la verve de son épouse, il en était relativement certain. Bien que peu après, la discussion prit un tournant beaucoup moins propre à l’affrioler. Estrée était effectivement un sujet qui l’affectait, bien évidemment. Il hocha la tête avec une certaine gravité aux paroles de sa femme. «Oui, nous avons besoin de bras. Edric de Castelmont, mon plus fidèle chevalier, a pris la tête du domaine en l’absence d’Estrée. Néanmoins, il n’est de fait plus sur le terrain, et c’est très embêtant compte tenu de sa superficie, du nombre d’hommes à gérer, et de la conquête récente qui nous impose de libérer certains de nos effectifs sur le plateau. Nous manquons de bras.»
Il poussa un léger soupir, peut-être un peu agacé. La situation n’avait déjà pas été brillante lors de la conquête, voilà qu’il se retrouvait directement touché par de nouvelles embûches. Et les choses n’iraient pas en s’améliorant, bien qu’il n’ait pour l’heure aucun moyen de le savoir. Il releva les yeux, qu’il avait plongé dans un vide sidéral entre l’un des pieds du fauteuil occupé par Zéphyr et le tapis en-dessous, et plissa légèrement les yeux à cette demande. A la remise d’Estrée ? A la mort du duc ? A leur réussite dans leurs futures entreprises ? Il y avait tant de sujets qui méritaient un lever de verre. Il leva sa propre coupe, ainsi, esquissant un sourire par dessus son rebord. «Au bris des pierres de sang, à la décrépitude des roses tyranniques.»Il but une gorgée, puis tourna la tête. La présence de Talen était discrète, mais toujours assez facile à percevoir. Pour Morion en tout cas, c’était devenu une espèce de sixième sens. Il hocha doucement la tête. Le repas était prêt. «Si vous voulez bien me suivre… Nous évoquerons à table les détails de votre prochaine mission, puisque celle-ci vous convient.»Il se leva le premier, se servant de sa canne comme appui, une légère grimace déformant son faciès d’un masque de douleur visible. Décidément, cette jambe se montrait systématiquement des plus récalcitrantes. Et en un mois, il avait même commencé à la haïr. Il songea avec un sentiment cruel d’ironie que contrairement à Zéphyr, il n’avait écouté aucune directive de ses proches; rester alité, au calme, se reposer le plus possible, et laisser le temps et la chirurgie, même si elle fut grossière dans les premiers temps, faire son effet. Au contraire, il s’était montré d’une opiniâtreté qui avait sûrement aidé ses hommes, mais parfaitement ridicule au regard des conséquences que cela avait eu sur son corps. Désastreuses, en somme. Il conduisit donc les deux nobles à table, où le repas avait été servi dans son intégralité. Tout du moins, la plupart. Du porc rôti dans sa sauce, quelques tubercules, une variété de légumes printaniers accompagnés par quelques fruits de table. En somme, quelque chose de sobre, comme toujours, mais nourrissant. Le comte n’avait lui-même aucun appétit, par ailleurs, mais était assez intelligent et prudent pour ne point faire montre de sa réticence à avaler une quelconque forme d’aliment solide alors que le regard de sa femme était si proche. Et si acéré. Il avait ce dernier mois combattu assez de démons. En bout de table, sa femme était à sa droite, et Zéphyr, en toute logique, à sa gauche. L’amphore de vin fut transportée du salon jusqu’à table, et du jus de fruit ainsi que de l’eau plate furent rapidement amenés. Il reprit quelques minutes plus tard la parole, lorsque tout le monde eut l’occasion de se servir. «Bien. Vous êtes venu au château pour me voir, messire d’Auvray. Vous avez donc dû apercevoir l’organisation des hommes, baraquements, les rondes et la défense externe du comté. Qu’en avez-vous pensé ?» - Spoiler:
Zeph, je te conseille de lire la partie sur le domaine que j’ai écrit dans mon RP avec Luna, même s’il est caduque, cette partie reste valable et t’aidera sûrement :p
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| | | Ambre de VentfroidFondatrice
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Sam 26 Nov 2016 - 21:38 | | | - Cela ne vous fait-il point peur, monseigneur ? Ne posséder aucune descendance voue à la disparition de votre nom, et de toutes les valeurs que votre père vous a léguées, ainsi que son père avant lui. Dans le monde qui est désormais le nôtre, il me plait à penser qu’assurer une suite pour vaincre la fange est essentielle.
La comtesse demeurait assez surprise, à dire vrai, même si ces mots étaient restés calmes, sans jugement apparent. Zephyr d’Auvray était un homme qui approchait la quarantaine, même s’il n’avait pas donné son âge précis. Cela se voyait tout simplement : il avait largement l’âge d’engendrer une descendance, et était même plutôt en retard selon les canons de leur époque. Etait-ce un choix ou un manque d’opportunité ? C’était étrange, de la part d’un noble. Manquer d’opportunités était presque impossible, à moins d’être particulièrement difficile. Sa région natale ne pouvait décemment pas posséder uniquement des femmes de mauvaise famille ou désagréables. Et désormais que le fléau semait la mort sur son passage, permettre à la vie de percer ne semblait que plus important encore. A quoi bon lutter contre la fange si l’on se laissait tous mourir sans permettre à notre sang et notre chair de perdurer ? Bien que ces considérations étaient sûrement extrêmes pour le cas d’un seul noble isolé, la comtesse ne comprenait simplement pas. Elle avait toujours été élevée dans une optique de descendance. Mais elle était une femme, élevée pour donner naissance en ce sens, après tout. Ses avis moyen-âgeux rentraient parfaitement dans les cadres de son époque, et elle n’envisageait que rarement des écarts aux règles. Ne pas vouloir donner naissance, quelle idée !
Lorsque le regard de Zéphyr se fait perçant, Ambre tint le regard sans réagir ni parler. Oui, l’homme venait sans doute de découvrir qu’Ambre de Ventfroid était autre chose qu’une noble délicate. Elle approuvait et agissait pour faire tomber le Duc, elle aussi, et pouvait posséder des griefs aussi tenaces que n’était sa délicatesse au quotidien. La comtesse savait parfaitement que l’information pouvait étonner, et ne s’en offusqua pas. Jouer sur son image habituelle était ce qu’elle faisait depuis qu’elle avait choisi de faire tomber Sigfroi. Qu’officiellement, on la prenne pour une petite Mirail inoffensive et superficielle, si cela avait tendance à l’agacer à l’époque, cela lal servait désormais. Personne ne se méfiait d’une petite Mirail inoffensive à la peau blanche. Il fallait qu’elle garde cette réputation, même en portant le nom de Ventfroid. Qui sait, son aura d’innocence parviendrait peut-être même à blanchir son propre mari.
La suite se déroula sans encombres. Zéphyr réitéra sa fidélité et son aptitude à obéir aussitôt à un ordre. Si le comte voulait l’envoyer au domaine, il partirait de ce pas. De toute évidence, le banneret ne brûlait que de se rendre utile. Avoir trouvé un maître lui donnait un but. Il n’avait plus à déambuler dans Marbrume en cherchant quoi faire : il pouvait désormais s’accrocher à un rocher pour y grimper et trouver sa route. Ambre espérait juste qu’il n’ait pas à regretter plus tard d’avoir choisi Morion de Ventfroid. Ce dernier, malgré ses airs de droiture, s’abaissait parfois dans des extrêmes que tout honnête homme n’effleurerait jamais – et le temps le prouverait pas plus tard que dans trois semaines, avec l’affaire Saurell. Zéphyr d’Auvray serait-il capable d’obéir à des ordres envers et contre tout principe ? Il disait être prêt à mourir, mais était-il prêt à tuer ? C’étaient là des choses qui ne pourraient s’éprouver que sur le temps. La comtesse se demanda si Morion ferait de même ou s’il comptait provoquer des situations pour vérifier la fidélité de son récent vassal. Depuis des mois qu’elle le fréquentait, elle savait que son mari pouvait se montrer retors.
Ambre sourcilla à la pique amusée de son époux. Epargner Zéphyr de ses surprises ?
- Ma foi, je prendrai cette petite liberté de ta part pour une volonté de reprendre une part de contrôle. Tu n’aimes pas t’être trompé sur mon compte à notre première rencontre, alors tu apprécies montrer aux autres qu’ils se trompent aussi.
Suite à cette pique, Ambre se tut. Ils ne pouvaient pas pousser les échanges comme lorsqu’ils étaient en privé. Leur vassal était devant eux, et lui afficher leur complicité était quelque peu déplacé. Lui offrir une vue de leur vie privée n’était pas réellement digne ni agréable pour le banneret, certainement. Il n’était pas là pour tenir la chandelle. La situation du comté exposé par Morion n’était pas brillante. Estrée en train de lutter contre la mort, un chevalier contraint d’abandonner le commandement martial pour se concentrer sur la gestion interne, laissant ses soldats en piètre posture pour gérer les attaques des fangeux, des bandits et régler les aléas quotidiens des habitants.
Ils trinquèrent à la chute du Duc. Ambre resta silencieuse à cet instant, se contentant de lever son verre et de le boire lentement, écoutant les hommes pour la suite. A table, le comte de Ventfroid commença à évoquer le comté, et Ambre se plaça en écoute attentive plutôt qu’en participante, désormais. Elle-même n’avait encore jamais mis un pied sur le domaine. Elle ne pouvait ainsi pas réellement participer au sujet ni donner son avis. S’y essayer ne la rendrait que ridicule et vaine. Elle n’était capable de réagir que face à des suggestions générales. Cependant, elle était curieuse d’écouter l’avis de Zéphyr au sujet des terres qui étaient désormais les siennes. Elle n’avait eu des descriptions des lieux que de la bouche de son mari, ce qui était peu, et peu objectif, également. Aussi, elle regarda Zéphyr avec grand intérêt en commençant son assiette. |
| | | Zephyr d'AuvraySergent & Modérateur médiateur
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Dim 27 Nov 2016 - 12:26 | | | Ambre n'avait pas manqué de faire revenir à la charge ce vieux questionnement à son propos concernant les femmes et l'idée qu'il devrait prendre épouse afin d'avoir une descendance. Cette idée, bien que tout à fait louable et plus que jamais bienvenue en ces temps qui étaient les leurs, le dérangeait pourtant sans qu'il ne désira l'évoquer ni même essayer d'y songer. Nombreuses avaient été les belles et les mignonnes à s'intéresser au Banneret de leur vallée, quelques-unes avaient d'ailleurs eu l'opportunité de finir dans ses bras, mais jamais pour autant il n'avait cherché à se lier avec qui que ce soit, les prévenant par avance qu'elles n'obtiendraient rien de lui et certainement pas une place où que ce soit. Le destin avait voulu qu'aucun bâtard illégitime ne naisse de ces brefs ébats d'une nuit et ainsi en arrivait-on en ce jour à un Noble sans épouse ni héritier, dernier de sa lignée avec une sœur cadette pour toute famille. Une sombre pensée traversa l'esprit du vassal.
- Croyez bien que j'y songerais, ma Dame.
Répondit-il sans grand enthousiasme à la femme de son Seigneur, non pas avec un quelconque mécontentement, mais avec l'absence réelle de tout désir allant en ce sens, n'en déplaise à la rusée rousse qui lui faisait face. Les mots de Morion lorsqu'il reprit la parole, soigneusement choisit à son sens, ne manquèrent pas de faire légèrement plisser les yeux de Zephyr lorsqu'il les entendit. Il avait conscience que ce n'était pas qu'une aveugle et vulgaire dévotion jusqu'à la mort que désirait l'homme à qui il avait prêté serment, mais des actions concrètes et portant utilité sur la durée, qui nécessiteraient sans doute de se salir les mains. La question pour l'un comme pour l'autre était de savoir jusqu'où il serait possible d'aller, quelles limites le Banneret se refuserait à franchir et, quand le Comte prendrait le temps de le lui demander, il serait alors fixé sans difficulté. Il était des hommes d'arme qui acceptaient de torturer et de tuer, mais qui possédaient leurs propres faiblesses. Celles de Zephyr étaient atrocement ordinaires, bien éloignées de Talen ou de Morion lui-même qui pouvaient torturer une femme en apparence innocente sans sourciller. Le vassal pour sa part était à l'image d'un chevalier perclus de principes, chose qui pouvait partiellement se forcer, mais point à l'infini. Mieux vaudrait, en effet, jauger progressivement la chose avant toute mission délicate. Laissant ces pensées de côté, un bref amusement se fit lorsque le couple Ventfroid se taquina un peu sous le regard tranquille d'un célibataire plus ou moins endurcit : ils étaient touchant à leur façon, l'on sentait leur complicité et cela semblait être des plus agréables, cependant le retour au présent avec la mention de la blessure de Estrée mit en lumière les difficultés actuelles.
- Croyez bien que joindre mes forces à celles des gens de votre domaine me conviendra parfaitement.
Mettre la main à la pâte ne l'avait jamais dérangé, bien au contraire et, malgré son rang, il avait plus d'une fois été sur le terrain pour aider, que ce soit en participant à l'organisation d'équipes de travail qu'en venant prêter lui-même main forte à certains ouvriers, au grand damn de son entourage qui considérait qu'il ne devait pas s'abaisser à ce genre de tâches. S'abaisser, comme si le labeur eut pu être déshonorant, quelle idée ridicule. L'on leva les verres et l'on trinqua, les mots de Morion résonnant dans l'esprit de Zephyr qui acquiesça gravement, jetant instinctivement un regard à Ambre comme pour chercher à déceler quoi que ce soit chez elle qui puisse l'orienter sur une piste au sujet de ses griefs contre le Duc. Étrangement silencieuse, il compris qu'elle savait fort bien manier l'étiquette dans ce genre de circonstances et n'insista donc pas, buvant son verre avec plaisir avant qu'ils ne passent tous à table. Si le Banneret nota la grimace de douleur du Comte, il ne fit aucun commentaire à ce sujet et ne se para d'aucun regard désolé qui eut été à son sens plus une insulte qu'autre chose : l'homme souffrait, mais il était debout, marchait et continuait de travailler en dépit de son état, ce qui signifiait qu'il ne désirait point être considéré comme un invalide. Et son vassal respectait cela, quand bien même ce puisse représenter un risque pour l'avenir de cette jambe blessée. Le repas qui leur avait été servit était assez copieux pour que trois personnes soient rassasiées et malgré lui Zephyr songea tout à coup qu'il avait bien plus faim que ce qu'il avait cru jusqu'à présent. S'installant une fois que le couple fut assit, il laissa le soin à son Suzerain de reprendre la parole le premier comme cela se faisait, écoutant la question sur le domaine qui ne manqua pas de le faire légèrement acquiescer.
- J'en ai pensé bien des choses Mon Seigneur, mais surtout qu'il s'agit là d'une place forte efficace en mal de moyens.
Une telle impudence aurait pu lui valoir d'être rabroué par le Comte, voir même être chassé de celle-ci sous une pluie d'injures, s'il n'eut été s'agit d'une part d'une question destinée à vérifier son sens de l'observation et, d'autre part, d'une franche demande de la part de son Suzerain. On ne demandait pas ce que l'on pensait d'un lieu cerné de toutes parts par l'ennemi sans s'attendre à un avis des plus sincères, surtout venant du Banneret qui avait déjà montré une certaine tendance à la franchise. Cela dit ce dernier considérait qu'il lui fallait doser ses paroles et choisir ses mots, ce qu'il fit plus ou moins bien.
- Les baraquements qui encerclent votre château ne sont pas prêts à encaisser une attaque sans subir de lourds dégâts, la présence des torches est certes dissuasive mais elle ne pourra les retenir éternellement, surtout de nuit. Une tempête, un orage comme celui que nous avons essuyé au Labret et vous perdrez une bonne partie de vos gens, si ce n'est tout ceux qui auront eu le malheur d'être bloqués au-dehors.
L'homme d'arme se racla la gorge après une telle affirmation, trouvant son propos presque déplacé tant Morion devait déjà être conscient de ces difficultés. Ne désirant pas que tout cela sonne comme des insultes, il reprit la parole sans attendre.
- En revanche je dois dire que j'aime beaucoup l'organisation que j'ai aperçu, chacun sait ce qu'il a à faire et où il doit aller, chacun travaille dur et l'on sent une certaine cohésion, une volonté commune de faire front, ce qui est assez admirable en comparaison de ces Bannis qui menacent leurs semblables au lieu de leur porter assistance... Encore qu'il y ait des exceptions.
Il songeait notamment à cette jeune femme aux cheveux blonds et au visage partiellement brûlé avec qui il avait passé une nuit à essayer de survivre à la fois à l'orage, aux Fangeux et à un Banni dénué de toute considération humaine. un souvenir d'autant plus marquant que la douleur ne l'avait quitté à aucun moment, lui permettant de demeurer suffisamment éveillé pour encrer tout ceci dans son esprit.
- Les têtes sont particulièrement dissuasives concernant les menaces qui ne viendraient pas de la Fange, c'est une décoration fort glauque mais qui donne le ton de votre domaine : ici la résistance existe. Je n'ai guère eu le temps de m'arrêter pour échanger plus avant avec vos gens ou vos hommes d'arme, mais je ne doute point qu'ils sont prêts à bien des choses pour survivre et ils ont l'air de vouloir vous suivre. Si nous pouvions renforcer les extérieurs du château et bâtir une forteresse imprenable, le domaine Ventfroid attirerait bien plus de monde encore et permettrait au Labret de perdurer.
Tout ceci n'était en somme qu'une brève analyse d'une visite faite sitôt qu'il avait pu monter à cheval sans en tomber d'épuisement ou par la douleur de ses blessures, d'ailleurs il se souvenait avoir manqué d'attention plus d'une fois tant il surveillait davantage les alentours du domaine que l'intérieur en lui-même. Zephyr ne voyait guère quoi rajouter d'autre et il se tut ainsi, laissant le soin à Ambre ou Morion de prendre la parole selon leur bon vouloir. Sans doute bien des choses lui avaient-elles échappées, mais il en avait vu assez pour savoir que se rendre là-bas ne le dérangerait pas malgré le caractère isolé de la place forte. Il s'agissait là du premier bastion face à l'immensité désormais inconnue de la menace fangeuse qui rôdait au-delà de cette région, difficile à défendre et pourtant plein de promesses, un lieu stratégique qui devait tenir à tout prix. |
| | | Morion de VentfroidComte
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mar 29 Nov 2016 - 19:34 | | | Pour le coup Morion ne pouvait guère infirmer la remarque de sa femme. Si son erreur de jugement n’avait de fait duré que le temps de discuter avec elle en attendant de voir le tableau proscrit dans son atelier, il s’était tout de même fourvoyé en beauté sur l’appréciation qu’il avait pu avoir d’elle au premier abord. Le reste était surtout de la fanfaronnade de sa part, et il ne manquerait pas de la rappeler à l’ordre lorsque le contexte serait plus propice. Ils avaient d’autres affaires à traiter en attendant, qui réclamaient par ailleurs leur pleine attention.
Durant le repas, Morion prêta une attention soutenue aux paroles de Zéphyr. A l’heure actuelle, en vérité, les capacités de gestion du domaine étaient à leur maximum. Quatre cerveaux se penchaient dessus quotidiennement, même si le sien était bien plus souvent accaparé par sa vie au sein des murs de la cité. Néanmoins, les systèmes qu’ils avaient instauré au fil des premières semaines d’invasion et d’exil, puis leur maturation jusqu’à ce jour, avaient été très longuement mûris. En comptant leurs moyens, qui fondaient d’ailleurs comme neige au soleil avant la conquête, le nombre d’hommes capables de se battre, et tout simplement la topographie du domaine, ils ne pouvaient pas faire mieux. C’était ce qu’il se passait lorsque l’on préférait parier sur le risque d’une vie en autarcie - ou presque. Mais il était tout de même curieux de voir ce que les observations de son vassal fraîchement titré pouvaient donner. Après tout, il aurait pu être un excellent combattant, tout en étant un parfait crétin. Morion préférait s’assurer que tel n’était pas le cas et sur ce point, il ne fut pas déçu. Il hocha solennellement la tête, esquissant mentalement le plan de sa réponse.
«Nous avons déjà essuyé nombre d’assauts de la part des fangeux. Avec pertes, forcément, mais pour l’instant le château se suffit à lui-même en guise de protection. Aucun relevé n’a réussi à franchir ses murailles. Espérons qu’il en soit ainsi encore longtemps. Il prit une lampée de vin. Pour ce qui est de l’organisation générale, c’est effectivement faible d’un point de vue défensif, mais la conquête récente nous donne bon espoir. C’est triste à dire, mais si nous sommes la première ligne de défense face aux attaques en provenance du nord-ouest, le Labret et ses gens nous préviennent grandement des attaques en provenance du sud. Et les bandits semblent désormais préférer s’attaquer aux paysans et aux ressources qu’ils convoient qu’à mes hommes, dont les armes ne connaissent plus la pitié depuis longtemps.»
A sa remarque concernant les têtes, il eut un léger sourire, un peu décalé vu le propos tenu juste avant. Il jeta un oeil fugace à Ambre, qui ne les avait pas encore vues, et centra son attention sur Zéphyr, à nouveau. Un petit haussement d’épaules ponctua sa réponse.
«A l’origine, c’est une idée de Marianne, ma jeune soeur. Elle pensait qu’en montrant au vu et au su de tous la dureté de nos sanctions envers ceux qui attentaient à notre sécurité, cela les dissuaderait. Et il semble qu’en sus d’agrémenter notre réputation déjà sombre de moult rumeurs tout à fait délicieuses à écouter, cela nous ait effectivement épargné quelques attaques. Mais pas assez, semble-t-il.»
Il fronça légèrement les sourcils. Pas en pensant à Estrée à dire vrai, qui avait subi cette blessure suite à une attaque de Fangeux, et non à cause d’un quelconque bandit. Bien que le responsable soit un ouvrier armé en manque cruel de compétences martiales, c’était une lutte contre la fange, à ce moment là.
Mais les choses n’étaient pas brillantes pour autant, ce qui rendait l’incapacité de sa soeur encore plus énervante.
«Lorsque vous serez sur place, votre commandant direct sera Edric de Castelmont pour tout ce qui concerne l’aspect militaire de vos tâches. Quant aux autres, elles vous seront données par Marianne. Vous aurez le temps, je pense, de parler avec chacun d’eux, vous serez logé au château. Si d’aventure votre soeur souhaite vous y rejoindre, elle est bien entendu la bienvenue. Il fit une petite pause, pensif, puis reprit la parole. Ces dernières semaines, de nombreux manants ont rapporté des vols. De nourriture, d’armes parfois, de plantes médicinales. Quelques enquêtes ont été menées, mais il est très, très important pour nous, que la confiance qui règne actuellement ne soit pas plus entachée qu’elle ne l’est déjà. La suspicion règne, désormais, et nous avons plus que jamais besoin de cohésion.»
Talen revint quelques minutes, faisant circuler les plats, commençant doucement mais sûrement à préparer la fin du repas. Il ne réagissait pas aux propos de Morion car ce n’était pas son rôle dans l’immédiat, mais il n’en pensait pas moins. Lui aussi se sentait concerné par ce qui se passait au domaine. Il y avait souvent été, et ceux qui le dirigeaient, il y tenait beaucoup. Cela étant dit, il avait déjà fait à Morion toutes les suggestions qui avaient traversé son esprit.
«Votre mission sera celle-ci, en tout premier lieu. Je tiens à ce que vous remplaciez Edric, et que vous débusquiez ces malfrats, si malfrats il y a. La justice s’appliquera à eux par la main d’Edric et la voix de Marianne, en suivant. Mais il faut impérativement que ces vols cessent. Et ne vous sentez pas ralenti ou freiné si d’aventure c’est au Labret que vos enquêtes vous conduiraient. C’est en mon nom que vous agissez, et de ce fait, je prendrai la responsabilité de vos actes.»
Il s’arrêta un moment, guettant l’approbation ou à l’inverse, une réaction contestataire de sa femme, puis reprit.
«Vous ne serez pas seul. Des hommes, chevaliers pour certains, bannerets sans nom comme vous pour beaucoup, seront mis sous vos directives. Je crains qu’il faille, cependant, faire vos preuves avec eux. Ils sont très attachés à Edric, leur commandant direct, et voir débarquer un anonyme dont ils ne connaissent rien risque de pimenter très légèrement vos efforts.»
Une ombre de sourire ponctua sa dernière phrase. Cela risquait en effet d’être une lutte autant pour trouver les auteurs des vols et des quelques violences qu’il y avait eu, mais tout autant pour le respect de ceux qui vivaient là-bas depuis déjà des mois. Ils avaient vécu l’enfer à plusieurs reprises, et à chaque fois, Edric avait fait montre d’une exemplaire solidité. Restait à voir si Zéphyr pourrait faire de même, ou s’il s’écraserait sous le nombre. Morion était très, très curieux d’entendre comment cela se passerait.
«Si vous avez des questions, je vous en prie. Concernant votre départ, il se fera dès que votre dos sera apte à une chevauchée aussi longue que celle qui vous mènera au comté. J’avertirai Marianne de votre arrivée prochaine.» |
| | | Ambre de VentfroidFondatrice
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mer 30 Nov 2016 - 1:18 | | | Visiblement, trouver épouse n’était pas un projet immédiat du banneret. Ni projet tout court. Il ne possédait pas cet éclat dans les yeux à l’allusion d’une descendance, ni aucune forme de dévouement dans la persistance de sa lignée, contrairement au dévouement qu’il affichait à présent pour Morion de Ventfroid. Il était de toute évidence de ces hommes qui préféraient parcourir la vie sans les responsabilités et les poids d’une famille, ce qui pouvait être compris par certains, sûrement, mais difficilement par une femme comme la comtesse qui avait été élevée pour enfanter. Mais Ambre n’était pas zélée au point d’en faire un scandale. C’était un choix personnel, et elle n’était pas la mère de cet homme. Ce dernier lui devait respect en tant que désormais vassal, mais c’était aussi réciproque. Sa vie privée et familial ne la regardait pas réellement, tant qu’il respectait ses engagements. S’il préférait la solitude… Soit. Mais si un jour il se mettait en quête d’une épouse, elle ne pourrait que l’approuver et l’aider en ce sens. Ambre écouta avec intérêt la suite des échanges et les descriptions du domaine. Elle confronta les nouveaux éléments à ce qu’elle s’était déjà imaginé selon les racontars et les propos de son époux. Ce fut agréable, même si elle resta strictement silencieuse. Elle avait beau être comtesse, elle n’avait encore jamais mis le pied là-bas. C’était quelque chose dont la comtesse avait un peu honte. Elle avait envie d’y aller, mais ne précipitait pas le départ non plus. Traverser la fange l’effrayait beaucoup, et le futur lui donnerait raison sur ses craintes, malheureusement. En attendant, elle n’était pas égoïste. Le domaine l’intéressait beaucoup. Sa belle-famille y vivait, ainsi que tout autant de survivants qui méritaient la même considération que ceux vivant à Marbrume si ce n’est plus. Ambre espérait qu’un jour la fange soit repoussée et qu’ils puissent y vivre dans une paix relative. Mais pour l’instant… Pour l’instant, c’était des descriptions de mort et de bataille qu’on lui ramenait du domaine. Celles de Zephyr n’échappaient pas à la règle. Torches, dégâts, têtes sur des… têtes sur des piques ? Ambre cligna des yeux, un peu étonnée. L’image neutre qu’elle s’était fait du domaine en pâtit un peu, pour être remplacée par une autre image plus sombre et plus violente. Son regard glissa sur son époux, sans faire de commentaire. Elle ne le connaissait que peu sous la facette du commandant et du combattant, en réalité. Elle n’avait aperçu de lui que sa face mondaine… Son côté le moins sombre. Il y avait encore beaucoup de choses qu’elle ne maîtrisait pas sur son époux, c’était à la fois curieusement intéressant mais aussi frustrant. Elle ne serait jamais vraiment une bonne Ventfroid tant qu’elle ne connaîtrait pas tout de son mari, sa famille et son domaine. Alors elle écouta, et écouta encore, se gardant de faire des remarques. Elle laissait les hommes converser entre eux : la guerre et la défense, c’était leurs compétences, pas les siennes. Une fois n’est pas coutume, Ambre de Ventfroid resta silencieuse, à la place que l’on pouvait attendre d’une femme dans ce domaine, de toute façon. Elle n’eut pas l’audace et la stupidité de prétendre y savoir quoi que ce soit, mais resta intéressée et curieuse jusqu’au bout. - Citation :
- Un post tout petit, vous m'en voyez navrée, mais je n'imaginais vraiment pas Ambre participer à cette nouvelle conversation. Elle fait donc preuve de simple oreille attentive ^^
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| | | Zephyr d'AuvraySergent & Modérateur médiateur
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Mer 30 Nov 2016 - 7:20 | | | L'échange semblait vouloir se faire sans Ambre qui, si elle ne participait pas à la conversation, écoutait avec une grande attention qui n'échappa pas à Zephyr tandis qu'il devisait avec Morion au sujet du domaine Ventfroid. La place forte manquait certainement de moyens, mais les promesses d'accroissement qu'apportaient le Labret n'étaient pas vaines et il y avait fort à parier sur l'avenir grâce au plateau qui avait été reconquit, le plus dur serait certainement de le conserver malgré la Fange et certains bandits particulièrement virulents. La mention de la faiblesse au Nord-Ouest compensé par le renfort du Sud était un point essentiel participant à la défense de la zone, de même qu'il faudrait certainement souvent que Zephyr aille prêter main forte aux paysans du Labret et à ceux qui y travaillaient, en sus du domaine de son Suzerain. Cette idée, si elle aurait pu inquiéter ou accabler un autre que lui, ne l'impacta guère : il s'y était préparé bien avant d'aller offrir son allégeance. Avoir pitié pour des criminels qui s'en prenaient aux derniers bastions de l'Humanité n'était guère dans sa nature et la mention des têtes ainsi que de l'instigatrice de cet avertissement ne manqua pas de faire hausser un sourcil au Banneret.
- Votre sœur ? Et bien ce fut là idée fort avisée qu'elle eut et quant aux fous qui oseront encore tenter de s'en prendre à ces gens, croyez bien que nous saurons nous en occuper tout autant.
Déjà l'adrénaline semblait vouloir affluer dans son sang et l'envie de combattre revenait à la charge malgré son dos et les souvenirs encore par trop récents de la dernière bataille. Ah, combattre ! C'était à la fois une chose qu'il avait toujours préféré ne pas avoir à faire, mais étrangement chaque fois que le danger s'était présenté, il n'avait jamais hésité à dégainer son épée et à pourfendre ses ennemis. L'avenir lui apprendrait bientôt qu'on ne peut combattre un Fangeux isolé comme on le ferait avec un homme, aussi habile soit-il, en combat singulier, mais c'était une leçon qui attendrait l'été, point avant. En attendant l'échange se faisait sur sa future venue au domaine Ventfroid où il serait sous les ordres de Edric et Marianne. Il se souvenait fort bien du premier qu'il avait aperçu lors de sa visite après la conquête du Labret, un grand gaillard à l'air à la fois sympathique et potentiellement redoutable avec une épée en main; concernant la fameuse sœur de Morion, il ne l'avait guère encore rencontré, mais il brûlait déjà d'impatience de voir celle qui avait eu pareille idée dissuasive, se l'imaginant commandante sèche et redoutable, le regard aussi acéré que son frère et d'un air terrible. La réalité serait certainement bien plus amusante lorsqu'il en serait étonné, mais là encore l'heure n'était pas à pareille considération et Zephyr, qui mangeait entre deux longs échanges, acheva de faire passer une partie du repas avec une coupe de vin à titre exceptionnel : l'on était encore à Marbrume après tout. L'idée de remplacer Edric le fit légèrement grimacer et il reposa sa coupe, sourcils froncés tandis qu'il écoutait le Comte. S'il avait des questions ? Quelques-unes en vérité.
- Remplacer un commandant ne sera point une mince affaire Monseigneur, d'autant par ces temps qui sont les nôtres, mais je ferais ce qu'il faut pour que vos gens ne se sentent point lésés.
Il ignorait tout des capacités du Sir de Castelmont, mais probablement qu'un tel homme avait du traverser l'enfer avec ceux qui le suivaient aujourd'hui sans faillir, surtout face à la Fange. La mission que venait de lui donner Morion était d'une importance cruciale pour son avenir au sein du domaine : s'il ne parvenait pas à se faire suivre par ceux qui luttaient chaque jour que les Trois font, s'il était incapable de réussir à se faire obéir et s'il échouait dans sa mission, alors il ne vaudrait guère plus qu'un anonyme parmi une foule d'hommes en arme, de ceux qui tombent presque sans qu'on ne les remarques, si ce n'est le temps d'une brève éloge avant le bûcher. Sur ses terres, d'Auvray avait été un seigneur simple sans grande aspiration et qui ne demandait qu'à vivre paisiblement entre deux batailles, ici il fallait survivre et une nouvelle vigueur lui venait, un vif désir de faire quelque chose de plus grand que lui-même, de participer à un projet d'envergure tel un maillon d'une grande chaine qui permettrait au monde de se relever : il avait un but. Et c'était là toute la différence depuis la mort de son frère.
- J'aurais effectivement quelques modestes questions : de combien d'hommes disposons-nous au sein du domaine ? Y a-t-il assez de compétents dans des métiers précis ou bien manque-t-on de certains talents, comme de soigneurs, d'herboristes, de maçons ou même de paysans ? Il me faudra encore deux longues semaines avant que je ne puisse tenir la route et essuyer quelque danger sans pour autant périr en chemin, je puis me renseigner avant de quitter Marbrume pour essayer de recruter quelques bonnes volontés.
Finissant sa coupe de vin, Zephyr repassa sur celle qui contenait du jus de fruit, adressant un bref regard à Ambre, comme pour s'assurer qu'elle était toujours là et ne s'ennuyait guère, avant de reporter son attention sur l'époux de cette femme intelligente : la voir si silencieuse le perturbait après l'échange qu'ils avaient eu au salon, mais sans doute désirait-elle seulement les laisser parler travail en premier lieu.
- Combien de temps désirez-vous que je demeure en votre domaine ? J'ai noué contact avec le fauconnier de la cité et je lui ferait parvenir des missives adressées à ma cadette, cependant je la connais et je sais que si je devais demeurer trop longtemps éloigné, elle désirera me rejoindre et en ce cas il me faudra venir la chercher.
L'idée même de la faire escorter était hors de question, il ne se pardonnerait jamais de la laisser sortir de Marbrume sans être lui-même présent, ou alors à la rigueur si le Comte était lui-même du convoi, mais là encore il aurait quelques réticences : elle était la dernière parente qu'il lui restait et, hormis une descendance pour sa part, c'était également sur elle que reposerait l'avenir de leur sang. Et au même titre que Morion serait prêt à tout pour Estrée ou Marianne, Zephyr serait capable de tout pour protéger Idalie et châtier quiconque oserait lui faire le moindre mal. Tout homme avait ses faiblesses, après tout. |
| | | Morion de VentfroidComte
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Jeu 1 Déc 2016 - 17:35 | | | Un des traits de caractère que Morion appréciait chez Zéphyr, depuis qu’ils se connaissaient, était son manque de prétention. Bien que fort dévoué à ses futures tâches, il n’affichait pas cette arrogance grimée en loyauté, qui, arguant la volonté de servir, tentait par tous les moyens d’être essentiellement bien vu par ses seigneurs. C’était le cas de nombreux vassaux, et par ailleurs Cassandre elle-même n’avait pas fait exception à ce cas. Et force était de constater qu’une fois le masque tombé, cela devenait vite insupportable, voire même répugnant. Il n’était point plus difficile de confier une tâche à tel servant, car leur arrogance les poussait tout de même à faire montre d’un incroyable zèle, même si le motif, lui, était biaisé. Mais cela en devenait gênant, et posait de nombreux freins à la confiance.
Pour le banneret les choses semblaient se profiler sous un jour différent, bien plus net et limpide, et à l’avenir, une fois ses preuves faites et sa réputation auprès de ses autres vassaux acquise et affirmée, le comte pourrait peut-être compter sur messire d’Auvray de bien autres manières. En tout cas, l’espoir était là, diffus et guère trop présent afin de ne point le rendre moins sévère qu’il ne l’était d’ordinaire, mais l’on pouvait assurément dire qu’en guise de départ, le banneret avait su marquer des points. Et c’était important.
«Vous avez raison. Moi-même ne serais pas sûr de pouvoir égaler les compétences d’Edric, et encore moins de pouvoir m’attirer l’engouement qui anime ses hommes au combat. Je suis un tacticien, j’envoie des hommes à la mort en espérant qu’ils en reviennent. Lui l’affronte en face à face, et si mes stratégies leur permettent de rester en vie, c’est son épée et son bouclier que ses hommes voient en action, pas mes plans. Vous aurez au moins l’avantage du terrain, une fois sur place.»
Il avouait sans peine n’être “qu’un” général, par rapport à ses hommes. Il combattait lorsqu’il le fallait, bien évidemment. Mais il avait toujours été et serait toujours un homme d’esprit. Même s’il essayait avec toute la sincérité du monde de préserver toutes les vies qu’il pouvait, il préférait de loin jouer avec celles-ci, disposant d’elles comme de vulgaires pions sur un échiquier, plutôt que de mettre sa propre vie en jeu. Le Roi cerné par ses pions n’était une pièce à ne bouger qu’en cas d’extrême difficulté. En attendant, c’étaient aux autres de se sacrifier. Au moins, contrairement aux sculptures d’ivoire ou d’acajou, il avait le mérite de dispenser ses ordres dans le feu de l’action, point derrière les hautes murailles noires de son château.
Il réfléchit quelques minutes, laissant à chacun, et à lui-même d’ailleurs, l’occasion de se sustenter un peu plus, agrémentant les aliments de gorgées de vin, ou d’eau pour lui. L’alcool déliait les langues certes, en abuser par contre n’était pas vraiment dans ses projets, quand bien même ce dîner faisait office tant de préliminaire aux futurs missions du banneret que de présentation officielle, chose qu’il n’avait pu faire durant les quelques jours, sanglants et difficiles, qui avaient fait suite à la conquête. Il passa en revue les rapports et registres de Marianne, mentalement, dont la rigueur lui était une fois de plus bien utile. Il finit par hausser légèrement les épaules, et leva son regard tranchant vers son banneret.
«Peu d’hommes dont le métier est la guerre, je le crains. Certains alliés des Castelmont ont réussi à fuir avec eux lors de l’invasion, et ils se trouvent désormais en nos terres. Ils sont une centaine, environ. Quant au reste, il s’agit principalement d’hommes formés sur le tas, dont l’entraînement aux armes n’excède pas les quelques mois, au grand maximum. Ils donnent tout ce qu’ils ont, mais vous ne pouvez guère espérer d’eux l’efficacité d’un soldat. Et ils ne sont qu’intérimaires, appelés à la défense lorsque les fangeux attaquent, sinon ils sont comme tous les autres; herboristes, ouvriers, ingénieurs, paysans. Il compta de tête, rapidement. Tous les hommes prompts à porter une arme sont disponibles selon les ordres qui leur sont donnés. Sur le millier d’hommes, femmes et enfant que je loge, près d’un tiers d’entre eux sont donc aptes au combat.»
Il allait passer à l’autre question du banneret, puis revint sur ses paroles, levant un doigt indicateur de l’importance de la réplique qui suivait.
«Ces hommes ont vu beaucoup d’horreur. Si la fange n’est pas leur ennemie, je ne tiens pas à ce qu’ils combattent. Ce n’est pas leur métier, ils n’ont jamais voulu ça, et pour beaucoup d’entre eux, manier la fourche leur est bien plus facile que l’exercice du combat à l’épée. Evitez autant que possible de faire appel à eux pour des opérations militaires. J’ai passé un accord avec eux en ce sens.»
Gérer autant d’homme, alors qu’aucune autorité légitime lui avait été donnée, que ce soit par lettre scellée, contrat écrit, cession de terres ou de droit de servage, était horriblement difficile. Dans les premières semaines de l’invasion et de l’exil surtout, où les réclamations, teintées d’inquiétude, d’angoisse et de ressentiment, fusaient de toutes part sans que les Ventfroid n’aient pu encore esquisser de système de vie éprouvé et viable. Maintenant les choses étaient bien différentes. Mais Morion avait fait un grand nombre de concessions. En temps normal il n’aurait jamais fait une chose pareille; son droit était divin, marqué des sceaux royaux, de surcroît. Le Fléau avait changé beaucoup de choses, et de bien des manières, la suprématie seigneuriale dont les nobles étaient auparavant les représentants avait pris un sacré coup de plomb dans l’aile; sans serfs auxquels l’on prêtait une attention soutenue, la fange engloutirait tout. Et pour cimenter des liens de loyauté et de dévotion avec des hommes, il fallait en tout premier lieu être prêt à les écouter. Une expérience que le comte se souvenait comme avoir été des plus intéressantes. Soudainement, la vie d’hommes inconnus avait une véritable valeur. Une valeur chiffrée, s’entendait, il n’avait pas encore assez de considération pour son prochain pour leur accorder sa confiance ou son amitié. Mais c’était tout de même un bon début. Au lieu d’imposer, il négociait, en échange de quoi on lui portait obéissance et respect. Il restait tout de même leur seigneur, quand bien même fût-ce d’infortune.
«En ce qui concerne les effectifs, nous manquons d’à peu près tout, forcément. Tous travaillent énormément, portant la charge de plusieurs personnes sur une seule paire d’épaules. Mais à l’instar de la milice il y a quelques mois, nous avons autorisé les femmes à travailler au même rythme et aux mêmes conditions que les hommes. Elles n’ont pas, et n’auront probablement jamais le droit de porter l’armure, je le précise. Néanmoins, cela nous a au moins permis d’abattre plus de travail. Il n’y a qu’un seul clerc, chez nous. Mais… Il soupira brièvement. Nous disposons également de personnes dont les compétences n’ont rien de concrètement utile. Artistes, troubadours, conteurs… ils sont fort utiles au moral des troupes mais n’apportent rien de réel en terme de ressources. Ainsi, si vous avez la chance de pouvoir entraîner avec vous quelques personnes de bonne foi, ne vous privez surtout pas.»
C’était un fait. L’on était loin de posséder l’organisation d’une ville, là-bas. Ils avaient certes dispersés les hommes en baraquements marqués tels des quartiers, mais au sein de ceux-ci, il était très courant de rencontrer des personnes ayant toutes le même domaine d’activité, ou au contraire, de n’en avoir aucune pratiquant le métier dont on avait besoin. Il fallait composer avec, alors certains tentaient d’apprendre à ceux qui ne savaient pas, et d’autres improvisaient.
«Combien de temps… Morion fronça les sourcils, essayant d’anticiper cette durée. Il serra légèrement les dents, pensifs, puis prit au plus large, et surtout, au plus sûr. Une fois que vous serez là-bas, il vous faudra rester jusqu’à ce qu’Estrée puisse libérer Edric de son commandement improvisé. Et malheureusement cela dépend entièrement des Dieux et de la volonté qu’elle mettra en oeuvre pour se remettre de sa blessure. Vous pourriez ne rester que quelques semaines comme plusieurs mois. Gageons cependant de son opiniâtre résistance et de sa solidité, assez typique de la famille. Si au bout d’un mois il n’y a pas d’amélioration, je songerai à vous faire remplacer, afin que vous puissiez également prendre en main vos responsabilités de frère. Si votre soeur est votre dernière parente, il n’est pas bon de la négliger. Cela vous convient-il ?» |
| | | Ambre de VentfroidFondatrice
| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] Lun 12 Déc 2016 - 22:47 | | | Les commentaires sur le domaine s’enchainaient. Ambre écoutait et écoutait encore, s’abreuvant des informations qu’elle pouvait chiper çà et là, en gardant certains dans un recoin de son esprit. Elle observait Zéphyr entre deux bouchées, et leur regard se croisa quelques fois. L’homme paraissait attendre des interventions de la comtesse sur le sujet évoqué, mais il n’en fut rien. Ambre ne justifia pas ce silence soudain, considérant qu’il serait malvenu d’interrompre la conversation pour préciser son incompétence, mais le banneret terminerait sûrement pas comprendre de lui-même. Elle était épouse depuis deux mois seulement, et n’avait jamais été élevée dans une optique de guerre. L’art de la stratégie et de la maintenance guerrière d’un domaine, elle le découvrirait au fil des années aux côtés de son époux. Et encore. Si Morion la cantonnait à son rôle de mère sans trop la faire participer aux stratégies entreprises pour le comté, ça n’était même pas dit qu’elle vienne à posséder de l’expérience là-dedans un jour.
Cependant, un léger détail termina par attirer son attention durant la conversation. Zéphyr évoqua le nombre de présences sur place, ainsi que les métiers qui pouvaient manquer, de manière à tenter de les combler.
- Je ne puis qu’approuver cette idée, messire d’Auvray, intervint Ambre. Sa voix trancha un peu au milieu des deux hommes, après tant de temps passé à écouter, silencieuse. Mais elle avait saisi un élément sur lequel elle pouvait avoir un avis sans avoir une vision trop biaisée des choses. Pour le fonctionnement du domaine et de son organisation interne, elle n’avait que des échos écrits, des missives échangées avec Marianne, des récits donnés par Morion. Alors elle ne s’aventurerait pas à commenter les impressions de Zéphyr. En revanche, la phrase de Zéphyr l’avait sortie un temps de son écoute calme. Mon époux rechigne beaucoup à demander des hommes à la cité. Quant à moi, à l’inverse, je serais pour inciter quelques courageux à nous rejoindre. Désormais que le plateau a été pris – même s’il n’est pas encore assuré –, peut-être certain seraient plus attirés à vivre au comté. Moins de surpopulation, moins de famine, mais moins de moyens. Malgré tout, je suis certaine que nous gagnerions à lancer une sorte d’appel aux volontaires. A inciter nos gens, lors d’échanges avec le Labret, à faire un récit positif de nos terres, à stimuler le courage de ceux qui restent. Nous ne pouvons plus espérer l’arrivée de réfugiés désormais, et nos hommes sont moins nombreux après chaque attaque. L’autarcie n’est pas viable en d’aussi courts délais.
Ambre jeta un regard discret à son époux, sachant que la suite n’était pas un avis qu’il partageait, ni qui lui plaisait.
- A terme, en plus d’inciter des travailleurs à nous rejoindre par simple volonté, je crains aussi qu’il nous sera nécessaire de demander des forces militaires au Duc. Elle pinça légèrement les lèvres, n’appréciant pas forcément l’idée elle non plus, mais il fallait se rendre à l’évidence : la présence de miliciens sur leurs terres accroîtraient grandement la sécurité du domaine. Même si cela serait porte ouverte pour des espions éventuels. Si nous parvenons à sécuriser de nouveau le duché dans son ensemble un jour, alors chaque seigneur aura le temps et les ressources de former à nouveau son ost personnel, mais pour l’instant, tout appartient exclusivement au Duc ou presque. Nous ne pourrons pas nous passer de ses forces. Il nous faut des combattants, et pas uniquement des paysans recrutés sur le tas, malgré toute leur bonne volonté.
Là-dessus, Ambre se tut. Tout cela n’était peut-être pas pour tout de suite pour obtenir des résultats, mais s’ils voulaient espérer réussir un jour, il fallait commencer dès maintenant à faire la promotion du domaine. Sans quoi les terres termineraient par mourir d’elles-mêmes. Les naissances récentes observées là-bas, bien que sources de joie, prendraient des années pour être productives et fournir des êtres capables d’agir pour le domaine. Or, si Ventfroid devait tomber, cela ne prendrait pas seize ans.
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| Sujet: Re: Présentations tardives [PV Morion & Ambre] [Terminé] | | | |
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