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 Lectures silencieuses (Adélie)

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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
Edwige Rutherford



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MessageSujet: Lectures silencieuses (Adélie)   Lectures silencieuses (Adélie) EmptyVen 17 Juin 2016 - 14:02
Lectures silencieuses (Adélie) 1466156000-py9q5

     La grande bibliothèque de la Trinité était un endroit aussi paisible que lugubre. Esther avait une fascination pour son labyrinthe d'ailes, ses nombreux balcons et ses allées vertigineuses. Elle y passait une grande partie de son temps, puisque sa tâche de novice consistait principalement à ordonner les ouvrages, à les transporter, et à prendre soin des plus abîmés.
     De jour, l'endroit était baigné d'une lumière claire, filtrant à travers quelques vitraux jaunis. Les rayons de soleil pâle laissaient paraître la poussière en suspension, et faisaient ressortir l'odeur desséchée du papier friable. On y ressentait une certaine mélancolie, comme lors de la visite d'une vieille maison, tandis que de rares silhouettes y déambulaient en silence. Quelques moines, affairés à leurs écritures, occupaient les pupitres du vestibule. La bibliothèque était alors rythmée au son des plumes grattant le parchemin.
     A l'inverse, lorsque le soir venait, la clarté périssable laissait place à d'inquiétantes ténèbres, et les vivants cédaient l'endroit aux fantômes de l'imagination. Chaque courant d'air devenait un murmure, chaque craquement devenait le pas sourd d'un revenant... L'esprit superstitieux de la novice s'éveillait, l'empêchant de remplir son devoir aussi efficacement qu'elle le devait. Elle se sentait alors constamment épiée, et n'osait plus s'aventurer dans les allées les plus sinistres.

     Esther redoutait chaque jour ce basculement tragique de dimension. Aujourd'hui ne faisait pas exception. Elle observait impuissante les dernières lueurs du soleil s'évaporer, heure après heure, voyant les visiteurs s'esquiver peu à peu. Il allait bientôt falloir allumer les premières bougies, et commencer à ranger les livres abandonnés sur les tables.
     Pour surpasser son anxiété, la brune se montrait parfois créative. Elle se plaisait à inventer des histoires excitantes, s'imaginant garante de quelques précieux secrets. Chaque manuscrit devenait une prestigieuse relique, dont elle devait assurer la bonne conservation pour le salut de Marbrume et du royaume. D'autres fois, elle s'imaginait être au service d'anges bienveillants, ce qui avait pour effet de la rassurer.

     Ce jour là, cependant, la jeune fille avait décidé de jouer aux exploratrices. Les étagères devenaient alors un puzzle géant dont chaque élément devait être remit dans le bon ordre. Récupérant une première pile d'ouvrages, Esther s'adonna à un traditionnel et laborieux tri. L'Histoire avec l'Histoire, les Biographies avec les Biographies... La seule distraction possible en ces longues minutes consistaient à imaginer les mystérieux objectifs des précédents lecteurs. Une fois le travail accompli, elle s'armait d'un bougeoir en laiton, et allait porter une première pile vers son aile dédiée.
     Le crépuscule nuageux était encore suffisamment lumineux pour y voir en extérieur. En intérieur, toutefois, l'obscurité s'était déjà bien installée. La Rutherford, qui hésitait quand à l'ordre alphabétique de deux manuscrits, était parvenue à replacer une bonne partie de sa première portion. La soirée s'annonçait bien, jusqu'au moment où un grincement inhabituel vint drainer chez elle toute trace de volonté...

     Esther resta un moment silencieuse, les sens en alerte. Plaquant les épais recueils contre sa poitrine, l'étudiante tendit devant elle son chandelier. Pourquoi fallait-elle toujours qu'elle se montre aussi oisive?

     - ... Est-ce qu'il y a quelqu'un...? osa-t-elle en déglutissant avec difficulté.

     Son bras tendu tremblait légèrement. Elle n'avait jamais été très douée pour garder son sang froid...


Dernière édition par Esther Rutherford le Mar 26 Juil 2016 - 8:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Lectures silencieuses (Adélie)   Lectures silencieuses (Adélie) EmptyMer 22 Juin 2016 - 17:48
L’univers des livres avait toujours fasciné Adélie. Toute petite, ne sachant ni lire, ni écrire, elle se faisait un plaisir de s'asseoir sur les genoux de M’sieur Ferle pour toucher les vieux livres brochés et retenus de fils de laine. Le vieil homme était un colporteur de Marbrume. Il passait de village en village, panier et brouette entre les pattes, pour vendre et échanger des fioles de santé, des fils colorés, des rubans de satin, des livres, bien sûr, mais aussi des denrées rares qu’il n'était possible de trouver qu'à la capitale. M'sieur Ferle lui lisait les histoires de ses livres: souvent des contes de princesses, de géants et de haricots, mais parfois des légendes et des histoires divines mettant en scène Anür, Serus et Rikni. Fascinée, la petite attendait toujours avec impatiente les venues du vieil homme. C'est une fois adolescente qu’elle dû renoncer momentanément à la proximité des bouquins. Le vieux avait cherché à l'asseoir de force sur ses genoux afin de lui faire connaître une nouvelle histoire, celle du serpent de fer et de la grotte exiguëe dans laquelle il souhaitait se faufiler. Amateus avait tranché : trop de culture était mauvais pour la santé. Surtout pour celle de M'sieur Ferle. Le vieil homme avait quitté en toute hâte le village, le nez cassé et pissant le sang. Il n'était plus jamais repassé par Ars-en-Re.

Sa fascination pour les livres ne s'était toutefois pas tarie avec le temps. Arrivée à Marbrume par la force des choses, puis initiée à la lecture et l’écriture par son mentor Emeline, la petite demoiselle avait renoué avec son amour de jeunesse. Il n'était pas rare de la voir traîner et rêvasser à la bibliothèque du temple, depuis son intronisation au rang de prêtresse. Lire était sans doute sa plus grande richesse. Sa seule richesse.

Posée à une petite table de travail dans l'un des nombreux recoins de la vaste, labyrinthique et poussiéreuse bibliothèque, Adélie s'efforçait de lire le lexique d'un ouvrage plus large qu’elle, Plantes sauvages, comestibles et médicinales des contrées de l’Ouest. Si elle savait lire -et plutôt bien!-, elle peinait encore à bien comprendre la classification des tonnes de volumes, parchemins et vélins entreposés entre ces murs de savoir. Son index survolait la table des matières sans toutefois la toucher, comme par respect, alors qu’elle murmurait les mots rencontrés d’une petite voix distraite, chuchottée.

- Se soigner avec les plantes des montagnes… Les plantes miracles : gloire à Serus… Le secret des plantes médicinales…

Dans un soupir, elle abandonna sa lecture et s'étira, toute féline, faisant grincer atrocement sa vieille chaise de bois burinée. Adélie sursauta presque en voyant la nuit pratiquement tombée, par la fenêtre. Depuis combien de temps était-elle restée ici à lire? Elle se souvenait vaguement avoir demander à un voisin d’allumer sa bougie, de la sienne, mais l’anecdote était vague et brumeux, à son esprit, tant son livre l’avait accaparée. La petite demoiselle papillonna les cils d'incrédulité alors qu’une voix peu rassurée s'éleva de par-delà le rayonnage d’astrologie, quatre étagères plus loin.

- Est-ce qu'il y a quelqu'un?

Elle referma le volume dans un bruit sourd, soulevant par la même occasion un nuage de poussière. La jeune prêtresse souleva de misère le volume, le gardant contre sa poitrine entre ses bras jaloux, comme un enfant retient le plus précieux des trésors. Après avoir éteint sa bougie, elle s'avança lentement vers la voix de son pas habituellement délicat et si peu audible. Tout pour surprendre, malgré elle, l’étudiante qu’était Esther Rutherford. Après avoir vécu cette aventure épouvantable mais excitante au sein des catacombes du temple, quelques semaines plus tôt, Adélie arrivait plus aisément à faire confiances à ses sens, et retracer l’éclat du chandelier de l’archiviste se fit instinctivement pour la petite demoiselle. Elle se posa derrière elle, à quelques pas de distance, avant de prononcer avec toute la douceur et la candeur du monde :

- Est-ce que nous sommes seules?

Aucunement au fait de la panique qu’elle pouvait engendrer chez une autre personne, Adélie se contentait de demeurer immobile, les sourcils un peu froncés, le gigantesque livre bien lové contre son corps. Une petite silhouette dont la peau d’albâtre et les grands yeux clairs donnaient une impression fantomatique et éthérée, dans l’obscurité ambiante.
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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
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MessageSujet: Re: Lectures silencieuses (Adélie)   Lectures silencieuses (Adélie) EmptyLun 27 Juin 2016 - 10:24
Lectures silencieuses (Adélie) 1466982903-py9q11

     Esther sursauta lorsqu'un bruit sourd vint résonner entre les murs. Se cramponnant à ses bouquins, elle n'osa plus bouger d'un cil. Face à la peur du noir, seule comptait la bougie qu'elle tenait dans sa main tremblante.
     Il était arrivé à plusieurs reprises que des étudiants comme elle aient décidé d'entreprendre des lectures tardives, ou se soient tout simplement égarés. Cependant, tous avaient eu l'obligeance de signaler leur présence lorsque celle-ci était demandé. Ce soir là, les choses étaient différentes, et personne ne répondit.
     Plusieurs scénarios traversèrent l'esprit fertile de la novice. Pouvait-ce être un jeune diacre qui, ne souhaitant pas être découvert, avait filé après avoir entendu Esther? Un nouveau clerc s'étant égaré, et craignant de n'avoir des ennuis? Un voleur de livres, peut-être? Ou bien un esprit dans la tourmente...? A mesure que les secondes passaient, sa paranoïa grandissait. Si quelqu'un, ou quelque chose, cherchait à lui faire perdre ses moyens, c'était chose faîte.

     Un léger mouvement d'air froid vint lui glacer les chevilles. Quelque chose bougeait dans la pénombre, dans l'aile voisine. Son rythme cardiaque accéléra, et la brune décida qu'elle en avait assez vu pour ce soir. Trottant vers l'allée principale, la jeune fille se mit à chuchoter quelques prières pour se rassurer. Lorsqu'elle s'arrêta pour s'orienter, cependant, une voix féminine vint lui arracher un cri de panique.

     Sous le coup de la surprise, les précieux livres volèrent sur le sol pavé. Esther tituba, la bouche grande ouverte, et termina sa course à reculons contre une étagère, faisant tomber encore d'avantage d'ouvrages. Les grands yeux effrayés de la novice finirent néanmoins par s'estomper, laissant place à un regard mi-clos, à mi-chemin entre soulagement et perte de conscience. Elle reconnaissait cette silhouette, ainsi que la voix qui l'accompagnait.

     - ... Sœur Adélie...! suffoqua-t-elle, les ongles encore enfoncés dans le bois de la bibliothèque. Vous m'avez fait une de ces peurs...!

     La Rutherford prit quelques secondes pour souffler. Son cœur battait si fort qu'elle en avait les oreilles qui sifflaient. Reprenant ses esprits, elle posa le chandelier sur le sol, et entreprit de ramasser les livres en désordre.
     Adélie était une jeune prêtresse, peut-être même plus jeune qu'elle. Son ascension au sein du clergé avait été remarquée, et contrastait avec la stagnation au rang d'étudiante d'Esther. Cette dernière l'admirait grandement pour cela, comme elle admirait la plupart des prêtres qui officiaient au temple. Trop distraite et trop maladroite en public, la novice était cantonnée aux tâches d'assistance, et vivait dans l'ombre des plus grands.

     - Il n'y a que moi à cette heure-ci... et la Trinité, bien sûr...! répondit-elle finalement, avec un sourire nerveux. Ou du moins, c'est ce que je pensais... hum, s'il-vous-plaît, ne répétez pas au père supérieur que vous m'avez eue...

     La novice remit peu à peu les livres en place. Ce n'était pas tout à fait le moment, mais le fait de ranger l'aidait à apaiser ses nerfs. Après avoir été ainsi bernée, et avoir endommagé d'onéreux manuscrits, elle craignait que le bruit ne court qu'elle faisait mal son travail.

     - Pourquoi tant de mystère, ma sœur...? se résolut-elle finalement à demander.

     La prêtresse avait-elle quelques étranges projets en tête?
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MessageSujet: Re: Lectures silencieuses (Adélie)   Lectures silencieuses (Adélie) EmptyJeu 14 Juil 2016 - 17:20
Adélie demeura immobile, les yeux grands, en voyant l’effet qu’elle produisait sur sa consoeur. L'idée de la juger ne lui effleura pas même l’esprit, bien au contraire. La culpabilité pointait le bout de son nez au fond de sa poitrine, alors qu’elle comprenait combien pouvait être terrifiant une promenade nocturne. Les réminiscences de sa propre aventure dans les catacombes cherchaient à revenir à son esprit, bien malgré elle. Instinctivement, elle déposa son propre ouvrage à l’une des quelques tables d'études voisines avant de s'accroupir et d’aider Esther à rassembler les documents épars, sur le sol glacé. S’occuper les mains lui permettait d’éviter de repenser trop longuement à cette visite aux horreurs, dans les caveaux du temple. À défaut de reconnaître l’emplacement exacte des livres égarés, tant par manque de luminosité que par habitude, la jeune prêtresse se contenta de les disposer en une pile environ stable devant sa consoeur. Elle ne prendrait pas le risque de mal les disposer sur les étagères et de les rendre introuvables pour les prochains érudits.

- Pardonnez-moi… Je suis confuse. Je vous assure que je ne voulais vous.. “avoir”, non, vraiment. Je me suis fait surprendre par le soir, mais j'espérais obtenir votre aide. Ou l’aide d’un érudit. J’étais.. J’étais un peu mal à l’aise de venir vers vous à la fermeture, seulement.

La prêtresse souffla un peu sur l’un des livres, laissant s’élever un nuage de poussière, avant de le tendre à Esther pour faciliter le rangement. Combien en avait-elle fait tomber, dans sa crainte? Moins d’une dizaine, assurément. Au moins, le rangement sera rapide.

- Je connais la bibliothèque depuis peu et j’ai encore un peu de mal à me retrouver.

Elle se redressa après un bref moment, le temps que sa consoeur ait replacé la majorité des ouvrages, puis secoua discrètement les pans de sa tunique pour en retirer les saletés. La coquette prêtresse revint vers la table où son imposant ouvrage trônait afin d’empoigner, plutôt, le chandelier. Elle le tendit à l’érudite pour allumer les chandelles à partir de sa propre bougie. Esther diffusait sa lumière, tant par sa bougie que par ses connaissances. Cette pensée arracha un sourire fin à la prêtresse.

- J’aimerais aller cueillir des herbes, hors de l’enceinte de la ville. Je sais bien que c’est dangereux, mais si je me trouve un accompagnateur… Il ne me resterait plus qu’à en apprendre plus sur les plantes médicinales et leur emplacement. J’ai cherché, mais je n’ai rien trouvé sur les plantes que je peux trouver dans les environs. Il est trop tard pour chercher?

Pipelette. Adélie pinça les lèvres en voyant les mots jaillir si spontanément. Au moins, elles étaient probablement seules, ici, et ne dérangeaient personne avec leur petite conversation. Il n’y avait plus de vieux clercs pour marmonner un “chhht”, index sur les lèvres. Du moins, c’est ce qu’elle croyait, la Plume-de-Faucon, jusqu’à ce qu’elle entende un bruit diffus à la provenance incertaine. C’est son coeur qui la menaça en premier d’arrêter. Un frisson particulier mais ô combien familier traversa son échine. Alors que son coeur faisait quelques bonds rebelles et incontrôlés, son esprit, lui, allait à plein régime. C’est qu’elle avait eu peur, lors de son escapade en pleine nuit, lorsqu’elle avait croisé des Fangeux. Mais des Fangeux, ici, c’était impossible. Physiquement, c’était impossible. Elle était là, lorsqu’ils avaient condamné l’entrée des catacombes. Sans doute plus pâle que d’ordinaire, Adélie lança un regard incertain à Esther, comme pour valider que ce qu’elle venait d’entendre, là, ce n’était pas une hallucination.


Dernière édition par Adélie Plume-de-Faucon le Ven 5 Aoû 2016 - 18:50, édité 1 fois
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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
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MessageSujet: Re: Lectures silencieuses (Adélie)   Lectures silencieuses (Adélie) EmptyMar 26 Juil 2016 - 10:03
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  La brunette souffla, retrouvant son calme en rangeant les divers livres dans leurs rayonnages respectifs. Triés par titres et par auteurs, comme il se devait. Sœur Adélie sembla sincèrement confuse de son approche, et se racheta en l'aidant à la tâche. Du même coup, elle lui expliqua les raisons de sa venue nocturne, ce qui acheva d'étonner la bibliothécaire.

  - Eh bien... répondit Esther à la requête. Vous n'aurez sans doute pas l'aide d'un érudit ce soir, mais au moins, vous aurez la mienne...!

  Il n'était pas dans ses habitudes de faire des jeux d'esprit, ni même de se permettre le moindre humour. Néanmoins, cela servit à détendre un peu plus l'atmosphère. La nervosité rendait souvent la jeune femme bavarde.
  Elle fit de son mieux pour éclaircir la petite table où Adélie avait prit soin de s'installer. Tandis qu'elle allumait quelques chandelles supplémentaires, la jeune sœur lui expliqua ses intentions, ce qui arracha à Esther une expression horrifiée.

  - Au-delà des murs...? hoqueta-t-elle. Vous n'y pensez pas, il n'y a que le Purgatoire là-dehors...! Ce n'est pas seulement la mort que vous risquez, c'est la damnation éternelle...! Pourquoi prendre de tels risques, alors même que la Trinité nous protège de ses murs?

  La Rutherford, secouée par cette nouvelle, en vint à remettre en question sa propre existence. La Trinité était forte, ses enfants devaient l'être tout autant. Mais de là à se frayer un chemin au nez et à la barbe de la Fange, c'était plus qu'elle ne pouvait le concevoir. Quelqu'un allait être blessé, ou pire encore.

  - ... Je ne suis pas une botaniste... mais, je sais quel livre vous sera utile, finit-elle par admettre à mi-voix, comme si elle craignait que le ciel ne l'entende. Celui-ci est trop vieux et trop généraliste pour votre usage. Cherchons plutôt le "Manuel de l'Herboriste de Marbrume". Il est plus récent, et ne traite que des espèces de la région... en plus de ça, il est suffisamment petit pour être emporté. Hum, mais n'allez pas le perdre ou l'abîmer, ce serait...

  La jeune femme fut interrompue dans sa marche vers le rayonnage de botanique par un bruit étrange, qui la stoppa en plein mouvement. Elle lança un regard à Adélie, qui elle-même semblait pâlir d'angoisse. Un terrible sentiment, puisque celui-ci était contagieux.
  Esther n'osa plus bouger. Qu'était-ce au juste? Un grincement de porte lointain? Un pas trainant dans une allée opposée? Rien de bon ne pouvait arriver: si un revenant rôdait effectivement dans les parages, la brune serait tout juste bonne à s'évanouir. Et s'il s'agissait d'un prêtre de la paroisse, elle risquait d'être suspendue sur le champ.

  - J'ai- Je préfèrerais que nous nous hâtions, reprit nerveusement la bibliothécaire.

  La Rutherford s'apprêta à avancer vers son but, mais n'y parvint pas. Elle se retourna lentement vers sa consœur, et lui adressa un sourire crispé.

  - Vous... hum... m'accompagneriez...?
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MessageSujet: Re: Lectures silencieuses (Adélie)   Lectures silencieuses (Adélie) EmptyLun 8 Aoû 2016 - 16:37
Si on lui avait dit un jour qu’elle braverait l’impossible en compagnie d’une érudite dans les allées sinueuses de la bibliothèque de Marbrume, Adélie Plume-de-Faucon aurait gloussé devant cette idée fantasque. Pourtant, elle y était, le coeur battant et la main glacée glissant sur les étagères de bois massif afin de s'assurer une prise si ses genoux venaient à flancher. De tout ce qu’Esther lui avait dit quant à sa possible sortie, aux dangers qu’elle encourait et aux manuels qui lui seraient utiles, Adélie n’avait rien su répondre. Le bruit étrange avait déjà attiré son attention et celle de la Rutherford, coupant court à la conversation pourtant intéressante et certainement nécessaire.

Immobiles, les deux jeunes femmes se regardèrent longuement avant d’oser faire les premiers pas, l’aînée demandant à sa cadette de l’accompagner. Adélie avala sa salive avec difficulté puis acquiesça imperceptiblement. Oui, elle allait l’accompagner. ...Pour ce que ça changeait. N’avait-elle pas été d’une inutilité honteuse dans les catacombes? Philippe de Tourres avait souffert le martyr suite à son incapacité à le défendre. La prêtresse souleva son chandelier pour éclairer les premières rangées, chassant les ombres de son mieux. Malgré son envie forte de demeurer derrière Esther, Adélie s’efforça de se poser à ses côtés afin d’avancer au même rythme qu’elle. Pas après pas, inexorablement, le duo s’approchait du bruit étrange. Elles traversèrent la rangée de botanique, passant très certainement le fameux manuel de l’herboriste de Marbrume, puis s’engagèrent dans les couloirs plus exiguës des archives anciennes. Ici et là, sur des étagères fines et rapprochées, siégeait une quantité impressionnante de parchemins enroulés d’où une multitude de petites inscriptions pendouillaient. Le but était très certainement de reconnaître le titre ou une définition sommaire du vélin, mais aux yeux d’Adélie, il ne s’agissait que d’un moyen efficace de faire brûler la bibliothèque. Elle rapprocha donc son chandelier vers elle tout en prenant grand soin de chasser plumes et cheveux derrière ses épaules.

Le bruit, lui, continua de ronronner plus fortement encore. Elles se rapprochaient.

- Esther… C’est impossible que ce soit un fangeux, hein?

Ce l’était, impossible. Adélie le savait bien, mais au fond d’elle, elle avait besoin qu’un autre le lui confirme. C’est en tournant le coin d’une allée que la source du bruit se fit découvrir. Affalée à moitié sur une table massive, une silhouette massive reposait là, immobile. Son ronflement expliquait parfaitement le ronronnement étrange que les deux jeunes femmes avaient entendu, quelques instants plus tôt. Adélie sursauta malgré tout, en la voyant, échappant presque son chandelier au passage. Un petit hoquet de stupeur s’échappa d’entre ses lèvres, semblable à un couinement d’un rongeur. Malgré l’incongruité de la situation, la petite prêtresse approcha le dormeur en quelques enjambées tout en l’éclairant de ses bougies, les yeux plissés, scrutateurs.

- Richard?...
- WOLO..
- ...Arrête! C’est Adélie, la Plume-de-Faucon. Qu’est-ce que tu fiches ici?

Le vieil homme fronça les sourcils, ahuri, tout en cherchant ses repères. Ça devait lui faire étrange de dormir ici, loin des catacombes, après tout le temps qu’il avait passé là-bas. D’un geste de la main, il intima aux deux jeunes femmes d’abaisser leur chandelier. Il était vrai que la lumière devait l’aveugler.

- Bah..! Quelle question. Je dors ici.
- Euh… À la bibliothèque?
- Dans l’allée du folklore des contrées de l’est. Les gens, ils s’en battent les couilles maintenant qu’il reste plus que Marbrume. C’est calme, ici, j’en profite… Y’a pas de gens; tu sais comment j’aime pas les gens. Et puis, comme tu l’as vu, j’ai plus de chez-moi.
- C’était des catacombes. Pas… Pas ta maison. Richard, allons. Il faut demander une chambre, une vraie.

Adélie glissa sa mimine pâle sur son faciès, en entendant la conversation si semblable à celle qu’avait déjà tenu le Haut Prêtre de Tourres avec ce fameux Richard. Dépitée, elle revint à Esther pour lui expliquer la situation.

- C’est un prêtre. Richard. Il logeait dans les catacombes lorsqu’on les as visitées… Maintenant, comme l’endroit est… Hum… Agité...
- ...Ça grouille de fangeux! Y’en avait partout! On a failli crever, oui! On dit agité quand on parle d’un bébé qui dort pas, pas quand on cause de fangeux!
- Richard! S’il te plaît. ...Donc, comme je disais, maintenant que l’endroit est infesté, il me semble que notre ami ait pris possession d’un coin de la bibliothèque.

Passablement mal à l’aise, un peu coupable par procuration -n’était-il pas son ami?-, la Plume-de-Faucon jeta un regard incertain mais assurément suppliant à Esther. C’était elle, Rutherford, la spécialiste de la bibliothèque. Peut-être allait-elle trouver une solution d’aménagement pour le vieux Richard?
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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
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MessageSujet: Re: Lectures silencieuses (Adélie)   Lectures silencieuses (Adélie) EmptyJeu 18 Aoû 2016 - 18:36
Lectures silencieuses (Adélie) 1466982903-py9q11

     Le temple était vieux. Probablement aussi vieux que Marbrume elle-même. Sa bibliothèque, de même que la plupart de ses installations, avaient souffert du temps, de l'usage, et des éléments. Il n'était donc pas si étonnant d'y entendre toutes sortes de bruits.
     Mais pourquoi diable fallait-il que ces bruits prennent un tout autre aspect lorsque la nuit était tombée?

     Esther n'était pas mécontente d'avoir une sœur à ses côtés. Même si toutes deux tremblaient comme des feuilles sous une brise d'automne, leur foi commune avait quelque chose de rassurant. Malheureusement, la question d'Adélie ébranla en la Rutherford cette fragile conviction, celle que rien de mal ne pouvait arriver entre les murs de la Trinité...

     - ... La Fange...? Ici? parvint-elle à articuler, la gorge nouée. Ca ne se peut pas, les Trois n'autoriseraient jamais un tel sacrilège... hum... je crois...?

     La novice n'aidait sans doute pas à apaiser l'atmosphère. Toutefois, ça n'était pas grand chose, comparé au sursaut que provoqua sa voisine chez elle. Sa sœur venait de laisser échapper un couinement craintif, ce qui poussa la bibliothécaire à faire un pas en arrière. Ce n'est qu'au dernier moment qu'elle entrevit l'épaisse silhouette, affalée sur un pupitre. La vision lui arracha un frisson glacial, mais par chance, la laissa muette.
     C'est alors que, contre toute attente, Adélie prit les devant, et vint s'adresser à la forme tapie dans l'obscurité. Esther en profita pour souffler: ce devait être une de ses connaissances... mais qui donc pouvait bien considérer cet endroit comme un vulgaire dortoir?

     La Rutherford craint un instant que la voix forte de l'inconnu n'aille résonner dans les couloirs du temple. Ils n'étaient pas bien loin du cloître, et une trop forte agitation pouvait attirer l'attention des autres prêtres. Pour la jeune fille, qui était supposée vérifier qu'aucun intrus ne pénétrait en ces lieux, cela aurait été une chose embarrassante.
     C'est alors qu'Adélie revint vers elle, lui expliquant l'épineuse situation de l'homme.

     - M-Mon père... fit la demoiselle en s'inclinant, gênée, lorsqu'elle apprit que l'homme n'était autre qu'un prêtre de la paroisse.

     Contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, Esther n'avait jamais reçu le titre de prêtresse. Ses études au temple lui avaient permit de travailler à la conservation des ouvrages et aux charges d'assistance, mais elle n'avait pas l'étoffe d'une oratrice. En terme de hiérarchie, sœur Adélie et le père Richard lui étaient supérieurs. Une constatation ironique: à bien y réfléchir, si quelqu'un décidait d'entrer en pleine nuit dans cette bibliothèque, il y avait une chance sur deux pour qu'Esther n'ait pas le pouvoir de lui demander de sortir...

     Mais ce n'était pas le règlement intérieur qui faisaient palpiter le cœur de la jeune femme, c'étaient les dires de ses deux hôtes.

     - Les catacombes...? répéta-t-elle, visiblement étourdie par la nouvelle.

     La brune émit un hoquet mêlé d'un rire nerveux.

     - Vous devez faire erreur, fit-elle avec un regard étrange. Les catacombes ont été scellées à cause des rats...

     De toute évidence, la novice avait entendu une autre version des faits. Pas d'invasion de fangeux, juste quelques rongeurs turbulent! Et le ciel lui en soit témoin: elle préférait de très loin cette version.
     Quoi qu'il en fut, elle décida de changer de sujet, trop heureuse de ne pas remettre en cause sa tranquillité d'esprit.

     - Père Richard... marmonna-t-elle en se massant la tempe de l'index. J'ai déjà lu votre nom dans les registres, comment se fait-il que...

     Son regard se raviva, et la Rutherford plaça une main devant sa bouche.

     - Oh non...! glapit-elle, l'air catastrophée. Je me souviens, c'était il y a plus d'un an déjà...! Je devais mettre le registre à jour, et inscrire les noms des morts récents pour que leurs quartiers soient réattribués aux nouveaux venus... J'ai demandé des nouvelles de vous, père Richard, et on m'a dit que vous étiez "dans les catacombes"... Je suis désolée, j'ai cru qu-

     Esther inclina l'échine devant sa méprise, qui avait conduit un homme d'église à vivre sans quartiers personnels.

     - Je vous ai inscrit parmi les morts... avoua-t-elle à mi-voix. Vos quartiers ont été légués...

     Le croque-mort vivait-il déjà dans les sous-sols avant cette erreur? Possible. Toujours était-il qu'à présent, il n'avait plus ni l'un ni l'autre. Et tout cela à cause d'une bête tournure de phrase mal interprétée...

     - Je suis vraiment navrée, je vais corriger ça dès ce soir...! assura la brune avec de grands yeux brillants. Hum, tenez, dès maintenant, suivez-moi...!

     Humiliée par sa propre sottise, la novice reprit les devants, et fila à travers les allées vers le bureau des bibliothécaires. Elle dégagea un trousseau de sa ceinture, et déverrouilla la porte. Etant souvent amenée à circuler à travers le temple, Esther possédait un grand nombre de clés, qui ouvraient la plupart des accès restreints du lieu saint. Invitant ses hôtes à l'accompagner, elle laissa la porte ouverte, et se mit à parcourir les étagères administratives.
     Il y avait là un grand nombre de manuscrits et de rouleaux de papier. La majorité étaient des livres de compte, mais il y avait aussi de nombreuses piles de courrier, et surtout, les dossiers personnels de nombreuses personnes. Plusieurs noms y apparaissaient, comme celui du père Philippe de Tourres, de divers prêtres et prêtresses, et naturellement les noms "Adélie Plume-de-Faucon" et "Esther Rutherford". La jeune fille, prude par nature, ne s'était jamais risquée à jeter un œil dans les affaires d'autrui, mais il ne faisait nul doute que, dans un tel désordre, il n'était pas difficile de faire disparaître une lettre ou un dossier.

     - Le voila, fit l'étudiante en posant un énorme livre sur un pupitre. La couverture était écornée, et le papier jaunit, mais le recueil n'était qu'à moitié plein. C'est le registre du temple, tous les prêtres, les novices et les employés sont listés ici. Je- J'ajoute votre nom ici... hum... Il reste plusieurs lits dans le cloître des hommes, mais, si cela vous incommode, on dirait qu'il y a une chambre dans la dépendance du garde-chasse...

     A la lueur de sa chandelle, Esther grattait le papier de sa plume, prenant grand soin de ne pas commettre une nouvelle erreur d'assignation... Le prêtre ne semblait pas du genre exigeant, mais elle craignait d'avoir froissé Adélie par sa maladresse. Après tout, son ami ne se trouverait peut-être pas dans une telle situation si elle avait été plus méfiante par le passé...
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