Une première rencontre..

- C'est ta dernière nuit ici... N'est-ce pas ?

- Tu sais bien que je n'ai pas le choix.

- Chaque homme a le choix, Revan. Tu pourrais rester ici, auprès de moi, pour toujours. Personne ne sait que tu es ici.

- Je sais. Je le sais très bien ; mais je ne peux passer pour un homme mort. Je ne peux laisser cette nouvelle à ma famille et mes amis. Anür ne m'a pas encore accueilli de l'autre côté.

- *soupir*... Soit. Je comprends... Alors fais vite ; afin que nous soyons réunis à nouveau.

- Je te le promets.

...

- Holà ! Pas d'repos sur le comptoir mon ami !

Un torchon humide usé par le temps et par le nettoyage des verres fouetta la tignasse d'ébène du milicien. Ce dernier aurait sursauté si la fatigue ne s'était pas emprise de lui. Relevant le menton avec lassitude, il poussa un long soupir et se redressa, posant finalement sa tête sur la main de son bras accoudé au bar. De son autre main, il attrapa sa chopppe d'hydromel et en regarda le fond sans grande conviction, le regard vide. Le tavernier ne dit rien de plus et laissa son client tranquille. C'était un habitué de la taverne qu'il avait l'habitude de voir affalé ici, sans dire mot ; il avait bien tenté de converser avec lui ; mais il n'avait rencontré que peu de réussite. En ces temps sombres, ce n'était pas le seul homme à se consoler dans l'alcool qu'il avait pu rencontrer ; et le mieux qu'il y avait à faire, lorsqu'ils n'étaient guère prêts à se confier, était de les laisser seul avec leurs pensées et leurs souvenirs. Néanmoins, un signe du monde extérieur était nécessaire pour les faire redescendre des méandres de leurs rêveries, de sorte à ce qu'ils ne se perdent dedans.

Revan fit un signe de tête d'excuse. Les récents évènements qui eurent lieu derrière les murs même de Marbrume n'avaient fait qu'accroître le nombre d'âmes défuntes et le désespoir dans les coeurs des habitants. Comment une attaque de Fangeux aurait pu arriver au sein de cette cité ? Avec le peu d'informations dont il disposait et avec les quelques échanges entre miliciens, il était possible que l'attaque avait été orchestrée par des Bannis. Comment les coupables pouvaient-ils faire autant preuve de cruauté ou d'insouciance ? A moins qu'ils ne visaient un réel objectif ? Dans tous les cas, il y eut des morts : il s'agissait donc d'assassinats en masse.

Cependant, le passé appartenait au passé. L'homme au capuchon rouge devait à présent penser à sa prochaine mission : l'organisation du territoire du Labret dans le but de contrer la famine qui sévissait. Il allait donc vivre au moins un mois en zone hostile, dans l'insécurité, au milieu des Fangeux, en compagnie d'autres compagnons qu'il verra sans doute mourir une nouvelle fois ; car tout danger ne pouvait être évité là-dehors.

Le milicien se crispa sur son verre. Il avait beau s'habituer à toutes ces horreurs, à chaque fois, son coeur battait à cent à l'heure. Qui pourrait rester de marbre face à de telles atrocités ? Au plus profond de lui, il avait peur ; mais sa peur était rapidement dissipée par l'adrénaline du moment ; cet état second où il ne pensait plus qu'à survivre, à abattre son épée sur les morts-vivants et à faire mouche avec son arc et ses flèches.

Puis, durant la bataille sanglante, il verra les corps de ses camarades tomber les uns après les autres. Ne pouvant leur porter secours, devant protéger sa propre vie avant tout, il sera dans l'obligation de combattre encore et encore, jusqu'à ce que la Mort arrive finalement pour le...

- Ouch !

Le peu d'hydromel s'écoula sans même qu'il puisse s'en abreuvoir. L'heureuse élue qui put trinquier à la place était une jeune demoiselle, plus petite que la plupart de ses consoeurs. Ses cheveux roux étaient dans un tel état qu'on aurait dit qu'elle s'était battue avec une autre femme et son dos était trempé par l'hydromel encore frais. Revan écarquilla les yeux de surprise et son étonnement fut réitéré lorsqu'il vit deux hommes aux allures peu amicales regarder dans tous les sens dans l'établissement.

- Fais attention où tu vas, gamine !

Revan avait prononcé ces mots froidement, comme s'il s'était adressé à une enfant capricieuse et agitée. Pestant sur la maladresse des femmes, il secoua sa main qui tenait encore son verre, à présent vide. Le regard exaspéré, ses yeux gris tombèrent sur les deux énergumènes qui étaient entrés avec violence et qui s'approchaient à présent de lui ; ou plutôt, de la petite bonnefemme.

- Dis donc ma jolie, ce n'est pas très gentil de nous abandonner seuls sans rien dire. T'as p'têt envie qu'on t'offre quelques verres en attendant ?

Le second ricana doucement tandis que le premier arborait un sourire dénué de sympathie. Revan s'aperçut qu'ils se rapprochaient de plus en plus ; et il était évident que la demoiselle avait envie de tout, sauf boire un verre avec eux. Soupirant, il se tourna vers eux et leur parla d'un ton qui se voulait calme.

- Messieurs, je suis désolé pour vous mais cette femme me doit un verre. Comme vous pouvez le voir, elle vient de me gâcher un moment de...

- On t'a sonné, toi ?! Ferme-la !

- .. plaisir avec ma boisson ; et sachez qu'en tant que milicien, je ne plaisante avec ça.

Les deux individus se figèrent sur place, le regard empli de défi. Evidemment, la seule mention de la Milice ne les intimidait plus que ça. Cependant, ils risquaient gros ; et défier un membre de la Milice en cette période anarchique était susceptible de causer leur bannissement de la cité de Marbrume. Ils affichèrent tous deux un rictus mauvais.

- Tch !

L'un des gaillards sembla vouoir dire quelque chose en retour mais se ravisa. Après tout, les miliciens avaient des droits de jugement bien plus libres depuis l'arrivée des Fangeux. Mieux valait donc ne pas se retrouver dans leur liste noire, surtout dans les bas-quartiers. N'étant que des petites frappes, les deux voyous partirent, non sans jeter un dernier regard sur la jeune femme.

- Pour le verre, ce n'était pas une blague , annonça d'un ton sec Revan pour la jeune femme, la regardant droit dans les yeux sans une once de sympathie apparente mais sans animosité non plus.

Le teint de la jeune femme rosit à la remarque de Revan. Ayant une peau assez pâle, n'importe qui aurait distingué ses variations d'émotion ; mais le milicien s'en fichait bien éperdumment. Il la fixait, droit dans les yeux, comme s'il voyait à travers elle. A présent, la voilà qui baissa le regard et commença à tâtonner à quelques endroits de sa tenue, sans doute pour vérifier si elle avait quelques sous à dépenser ; puis elle commanda une chope d'hydromel auprès du tavernier.

Revan reçut ensuite les remerciements de l'inconnue qu'il retourna par un simple signe de la main et de la tête.
Un détail dont il s'aperçut rapidement était le fait qu'elle ne croisait que rarement son regard : de la gêne, de la timidté ? Que faisait une jeune femme avec un tel tempérament dans les rues des bas-quartiers ? Les yeux gris comme l'acier s'attardèrent sur elle. De longs cheveux roux qui se faisaient la guerre, un visage aux traits jeunes, une silhouette en sablier attrayante pour la plupart des hommes, elle devait avoir à peu près son âge mais ne pouvait en aucun cas être plus âgée. Elle ne pouvait être une femme mariée : elle ne pourrait en aucun cas être présente ici, sans la présence de son époux ; et si elle était encore disponible au mariage, cela expliquait sans doute la situation précédente.

Elle commanda ensuite une seconde chope d'hydromel. Le tavernier parut sceptique. Après tout, il avait assisté à toute la scène ; s'étant préparé, non sans inquiétude, à ce qu'une bagarre éclate dans son établissement, chose assez fréquente dans la plupart des tavernes des bas-quartiers ; néanmoins, son seul problème était d'être payé à la fin. Quant à Revan, habitué à trainer dans ce genre d'endroit à la fin de son service, ce genre de détail ne passait pas inaperçu ; mais il n'en fit rien, se contentant d'observer les faits et gestes de cette femme, tout en profitant de l'agréable paysage tandis qu'elle attachait sa chevelure flamboyante.

L'aubergiste posa le second verre devant l'homme au capuchon rouge et ce dernier le prit aussitôt en main pour en boire une gorgée, la reposant en un son sec sur le bois du bar.

- J'ignore ce qu'une femme de votre... trempe fait dans ce genre d'endroit ; mais les rues ne sont pas sûres ici.

Revan ignorait pourquoi il lui avait adressée la parole. Peut-être pour tromper l'ennui solitaire dans lequel il se trouvait auparavant ? La collision avec la jeune femme l'avait réveillé, l'avait sorti de ses noires pensées.

- Mieux vaut ne pas vous faire "d'ennemis" , fit Revan en posant ses yeux sur la demoiselle avec ce même sérieux monotone.

Elle paraissait bien trop innocente, faible et naïve ; mais Revan se doutait qu'il était possible que cela ne soit qu'un déguisement. Si elle trainait à cette heure-ci dans les bas-quartiers, soit elle était inconsciente, soit elle était elle-même une habitante des alentours. De ce fait, le milicien pouvait aisément en déduire sa profession ou une partie du passé de cette femme. A moins qu'il ne se trompe, tout simplement ?

Derrière eux, l'ambiance de la taverne battait son plein. Il y avait beaucoup d'hommes plus ou moins ivres, jouant aux cartes, chantant, dansant sur leurs chaises parfois. Les miliciens étaient mal vus, d'où l'écart que Revan avait pris soin de prendre par rapport aux autres. Il avait reconnu deux collègues, mais sans plus d'affinité. Là, deux serveuses servaient les clients, le visage peu expressif, tendant parfois un sourire pour faire plaisir à la clientèle. Dans les coins plus sombres, des individus peu commodes se tenaient là, discutant tranquillement, ne faisant rien de mal.

La routine quotidienne d'une taverne par ici.

Revan ne put s'empêcher de s'esclaffer à nouveau et de regarder avec un air amusé la réaction de la demoiselle après qu'elle ait bu dans son verre. Décidément, ce n'était vraiment pas le genre de femme à trainer dans des coins aussi mal famés. S'était-elle égarée ? Il la surprit en train de le dévisager et elle détourna rapidement le regard. Elle raconta ensuite qu'elle avait croisé les deux hommes de tout à l'heure en cours de route, tandis qu'elle rentrait chez elle. Ce n'était pas le genre d'affaires qui arrivait rarement. Bon nombre de femmes célibataires, certaines mêmes un peu plus jeune que la rouquine, avaient le malheur de tomber dans des coins bien plus cruels. Elle pouvait s'estimer chanceuse.

Une nouvelle fois de plus, elle le remercia au moment où Revan allait prendre une autre gorgée de ce breuvage qu'était l'hydromel. C'était ridicule. Elle s'était déjà bien excusée et l'avait déjà bien remerciée.

- Ca va. Je n'ai fait que mon devoir. Cela serait mal vu si un milicien ne respectait pas ses engagements.

Foutaises. Nombreux étaient les miliciens qui se fichaient bien du sort des victimes de vols, viols, ou d'agressions physiques. Certains de ces hommes, censés protéger le peuple, étaient eux-mêmes les responsables de telles violences ; et ça, Revan le savait mieux que quiconque. Ce n'était pas pour rien qu'il avait préféré suivre une vie de mercenaire, il y a longtemps de cela, plutôt que de rester terré derrière les murs de Marbrume, à patrouiller de long en large les mêmes rues, à poursuivre un clochard qui aurait volé un morceau de pain et sans voir le monde extérieur.

- Dans ce cas, trinquez avec moi ; comme vous pouvez le voir, ce n'est pas comme si j'avais de partenaire de beuverie.

Il leva sa choppe et la présenta à la demoiselle afin de trinquer un bon coup, même s'ils avaient déjà commencé à boire chacun de son côté. Ceci fait, il finirait la moitié de sa choppe, s'essuyant discrètement les lèvres du bout de son pouce, claquant de la langue de satisfaction.

- Je m'appelle Revan. Vous ?

Elle n'était donc clairement pas la descendante d'une lignée de nobles mais une simple paysanne, fille de fermières, vivant hors des murs de Marbrume avant que le fléau des Fangeux ne sévisse dans le pays entier. Revan tenta de faire preuve d'empathie, de se mettre à la place de la demoiselle, de ce qu'elle avait pu vivre et voir de ses propres yeux. Pour une demoiselle de son genre, ces horreurs pourraient être sources de cauchemars. Le milicien se sentit un peu désolé de lui faire remémorer ces images sanglants. Il en déduit néanmoins que la famille de Lily avait été épargnée. A moins qu'elle ait évité d'en aborder le sujet ?

La jeune femme termina son récit en remerciant les "gens comme eux", "comme Revan". Ces remerciements atteignirent à peine l'homme aux cheveux noirs. Dans les faits, il était vrai que la milice existait dans ce but. Revan, lui, n'avait vu en la milice qu'un moyen plus rapide pour éradiquer les Fangeux et trouver une solution pour supprimer ce mal qui rongeait l'Humanité. D'ici là, combien de vies auront été sacrifiées ? Se trouvant lui-même au front, il y avait peu de chance qu'il puisse voir ce jour arriver ; ce jour où les humains auraient triomphé de cet ennemi.

Lily lui retourna alors la question. Que pouvait-il lui dire à propos de sa propre personne ? Qu'il n'avait été qu'un jeune idiot, un homme faible qui ne vivait que dans le seul but de découvrir les meilleures sensations qu'il pouvait avoir en ce monde ? Qu'il avait pris goût aux arts de la guerre, qu'il combattait pour autrui afin d'obtenir plus d'occasions pour croiser le fer, qu'il avait finalement subi un échec cuisant avant d'être sauvé par Anür qui lui insuffla une nouvelle vie, une nouvelle opportunité de reprendre sa vie en main et de semer l'espoir autour de lui malgré le fait que son esprit soit entièrement voilé par les ténèbres engendrés par les Fangeux ?

Citation :

"Ce qui m'a poussé à rejoindre les miliciens ?.. A me sacrifier pour cette "noble" cause ? Rien en ce monde ne m'aurait donné une véritable raison pour continuer de me battre. J'ai réalisé le parricide et j'ai perdu la seule personne qui m'était chère. Qu'est-ce qui pourrait me pousser à sauver ces hommes et femmes enfermés chez eux, à profiter de leurs dernières richesses ? Qu'est-ce qui me pousserait à sauver ces hommes qui profitent de cette situation pour répandre plus de désespoir, en plus de celui qu'apportent les Fangeux ? Les actions de la milice sont vaines. Chaque camarade que j'apprends à connaître finit par périr. Nous ne sommes que des sacrifices vivants pour reprousser ces créatures. Comment continuer à combattre ces monstres dénués d'émotions, de conscience, dont la seule existence est de prendre le visage de notre prochain et de se jeter sur nous pour nous dévorer ?

Je vais vous le dire, moi, ce qui m'incite à continuer ce combat : c'est Anür. Beaucoup racontent que la déesse nous aurait abandonnés, nous aurait livrés à ce sort sinistre ; mais moi, je ne le pense pas. Il s'agit ici d'un mal que nous avons besoin de rencontrer et de combattre et qui nous retrancherait dans nos limites. Ce n'est pas Elle qui a envoyé les Fangeux mais c'est à nous de lui montrer que nous méritons d'exister sur ce monde. Je pensais que je serais mort ce jour-là si je n'avais pas vu Anür et ne l'avais pas suivie ; mais en réalité, j'ai survécu car je me suis accroché à la vie, je me suis accroché à Anür et j'ai refusé la mort, ce second choix que la déesse m'avait proposé. Chaque homme, chaque femme, a le choix de rester en vie ou de se livrer à la mort pour retrouver les bras d'Anür.

J'ai choisi la vie et j'y ai mis toutes mes forces pour la retrouver. Anür est toujours là, surtout au sein de Marbrume où le désir de vivre est encore bien présent. Sinon, quel serait l'intérêt de se barricader au lieu de se laisser mourir, sachant que ce fléau était bien trop puissant ?

Je ne peux insulter Anür. C'est pourquoi je continuerai à combattre."

Revan hésita deux secondes puis regarda Lily dans les yeux et lui répondit :

- Eh bien... J'imagine que c'est pour apporter l'espoir comme vous dîtes... Il n'y a rien d'autres que je puisse faire, vous savez. J'ai toujours su manier les armes. C'est là où je suis le meilleur. Et si personne ne prend les armes pour combattre, qui le fera ? Vous ? Haha !

Il la regarda de haut en bas tandis qu'il s'esclaffait, sans aucune méchanceté bien évidemment.
Le milicien poussa un soupir et sentit le bout de ses doigts s'engourdir doucement. Il se sentait bien.

- Je plaisante. Pour cela, vous devriez d'abord apprendre à vous défendre contre ces hommes qui vous traquent dans les rues... *soupir*... En face d'un Fangeux, ces hommes ne feraient guère les pitres.

Le milicien sembla pensif, détournant le regard.

- Je pourrais vous apprendre deux ou trois parades. Qui sait ? Vous pourriez au moins vous balader en étant plus "confiante".

Lily commençait à ressentir les effets de l'alcool et regardait son verre avec un petit air méfiant. En fait... Elle ne connaissait pas très bien ces sensations étranges, l'étourdissement, le réflexion lente... Mais elle constata elle même qu'elle n'était plus aussi "cruche" qu'elle ne l'était d'ordinaire. Elle ne ressentait plus le besoin de se terrer dans un petit trou à chaque fois qu'on la regardait ou qu'on lui adressait la parole. Elle était capable de soutenir un regard et même de mener une conversation. La jeune fille ressentit un agréable bien être à être une personne socialement normale et de pouvoir profiter d'une soirée calme avec un compagnon de discussion... Qui s'avérait être un homme ! Mais quel miracle !

Le jeune homme sembla compatir à son désarrois et elle s'en sentit touchée. Elle se sentait triste, mélancolique, mais contrairement à son habitude, elle ne se sentit pas d'humeur à ressasser ou à pleurer sur son sort. Aussi, elle enchaîna et demanda au jeune homme ce qui l'avait poussé à rejoindre la milice extérieure. Revan sembla réfléchir, puis il plongea ses yeux gris dans les siens, ce qui poussa Lily à lui sourire en signe d'encouragement. Il lui expliqua alors que c'était d'une part pour donner l'espoir, d'une autre part parce qu'il pensait que c'était la seule chose qu'il savait faire. Elle l'écouta patiemment.

Mais tout d'un coup, il se mit à rire d'elle. La jeune fille perdit tout sourire et se sentit quelque peu vexée... Il était vrai qu'elle était petite, frêle, et qu'elle avait tout de la victime idéale... Mais elle n'était quand même pas un boulet à ce point... Si? ... Non, elle avait quelques cordes (toutes petites certes) à son arc. Elle prit une mine vexée et se tourna vers sa chope pour prendre quelques petites gorgées avec un léger dédain. Mais Revan revint vite sur sa mauvaise blague et lui expliqua qu'elle devrait déjà pour ça savoir se défendre des hommes qui la tourmentaient. Oui, mais il fallait dire que ce n'était pas évident... Et pour Lily, la défense se résumait souvent à l’anticipation et la fuite... Techniques qui s’avéraient payantes, sans quoi elle n'aurait pas été là à siroter son verre.

Le jeune homme suggéra alors de lui enseigner deux ou trois parades pour lui permettre de se sortir de quelques situations et de prendre un peu plus confiance en elle. Elle le regarda du coin de l'oeil, toujours un peu vexée du mauvais mot qu'il avait eu à son propos. Décidée à montrer qu'elle était certes influençable et facilement impressionnable, mais pas pour autant du genre à se laisser marcher sur les pieds sans rien tenter, elle lui répondit, en imitant le ton du jeune homme :

- Je ne sais pas... Vous pensez être en mesure d'enseigner ce genre de chose à "quelqu'un comme moi"? Je vous rappelle que je ne suis qu'une fillette bonne pour le "jus de raisin".

Le tavernier qui écoutait toujours la discussion d'un petit air discret s'arrêta de frotter ses verres et regarda la jeune fille, certes avec un léger sourire, mais avec une pointe d'appréhension dans le regard. Il n'était pas rare qu'un mot de travers déclenche une bagarre dans ce genre d'établissement... Et qu'importe qu'un des compagnons de beuverie soit une femme ou pas. Mais étrangement (enfin non, après presque la totalité d'une chope d'hydromel ce n'était pas si surprenant que ça) elle se sentait d'humeur confiante. Mais bon, elle n'était pas non plus suicidaire. Il ne fallait pas jouer avec le feu...

Elle donna donc une microscopique tape sur l'épaule de Revan et lui fit un joli sourire enjouée.

- Je plaisante. Çà me ferrait plaisir que vous m'appreniez ce que vous savez.