A pied sur les pavés: une balade au fil de ses pensées. (Libre)

Voilà plusieurs jours que l'esprit d'Auriane fuyait le sommeil. Fourmillant de scénarios tous plus improbables les uns que les autres. Dans sa couche, la belle tournait encore et encore à la recherche d'une position confortable qui semblait ne pas exister. Les évènements avaient prit une telle ampleur en si peu de temps, que même un esprit sain y perdait sa lucidité. La châtelaine n'arrivait pas à reposer et apaiser son âme. Chaque nuit de terribles rêves venaient la hanter. Elle se réveillait en sueur, sa chemise de nuit blanche collée à sa peau. Dans les paysages oniriques de la nuit, la jeune femme cherchait son époux désespérément. Il l'avait envoyé ici toute seule, faisant de la sécurité de sa femme une priorité. Et lui, chevaleresque dans l'âme, était resté au château pour défendre le domaine et le nom de sa noble famille.

Bien que son époux l'eut trompé avec plus d'une maitresse, la douce femme ne pouvait se résoudre à le détester et à l'oublier. C'eut été comme l'abandonner lâchement. Elle, si pieuse, ne pouvait que lui pardonner ses pêchers.

Auriane se morfondait dans les rues de la capitale. Le visage fatigué, les traits tirés et le regard vide, la jeune châtelaine marchait dans les rues comme une âme en peine. Deux mois déjà, deux mois sans nouvelles et pourtant son cœur ne se résignait toujours pas.

Depuis une poignée de jour, la jeune femme s'était imposé un rituel journalier. Un rituel pour ne pas sombrer dans l'hystérie et rester avec le commun des mortels. Elle quittait le lit, prenait un petit déjeuné frugal, lorsque celui-ci arrivait à passer, la douce châtelaine perdait du poids à vue d'œil. Puis elle quittait le manoir de Vauvrur et allait se promener dans les rues animées du quartier noble. Auriane avait du mal à comprendre ses semblables. Ils festoyaient et riaient comme s'ils devaient mourir demain. Nombreux étaient ceux qui c'était résignés et vivaient la vie à en perdre halène.

La jeune châtelaine, elle, attendait la fin de matinée pour descendre vers les quartiers populaires et se rendre vers le temple de la Trinité. Là-bas, elle confiait son avenir et celui de son mari à leur bonne grâce. Priant chaque jour pour que son mari lui revienne. Auriane était prête à tout pour le retrouver.

Cependant, pour le moment, le soleil se levait à peine et la jeune femme se baladait tranquillement dans les larges rues pavés du quartier noble. Elle aimait profiter de la fraicheur du matin et des bruits de la cité s'éveillant. L'espace de quelques heures, la châtelaine oubliait ses malheurs, se concentrant sur les sensations du poids de son corps sur ses pieds qui entraient en contact avec les pavés. Dans peu de temps, l'animation de la ville prendrait le dessus sur le chant des oiseaux. Mais pour le moment, Auriane était bien ainsi, marchant sur les larges pavés.

Héloïse est assise sur une chaise devant un petit bureau près de la fenêtre de sa chambre. Une plume d’oie dans une main, elle est en train d’écrire sur une feuille de parchemin : « Tel l’ouvrage de mes sentiments effacés… ». La pointe de la plume noircit peu à peu le papier tandis que l’aube se lève derrière les murailles de Marbrume. « Ce Néant sur ma toile déchirée à mes pieds… », la couturière écrit régulièrement ses pensées, ses émotions utilisant le plus souvent des images abstraites pour évacuer ce trop-plein de peine qui remplit son cœur.

Elle porte encore une robe de nuit grisâtre et un long châle en laine recouvre ses épaules. Tous ses cheveux sont regroupés dans un gros chignon à l’ abri sous un bonnet de nuit mais quelques mèches se dispersent sur sa nuque et ses tempes. Les pieds nus, ses orteils se crispent sur le plancher froid cependant la fraicheur matinale ne la dérange pas. La plume continu de former des lettres, puis des mots sous une écriture élégante : « Attirer le regard de mes ailes déployées… » Héloïse lève les yeux de sa feuille admirant les premiers rayons de soleil qui percent sous le brouillard avant de revenir à son poème et d’écrire la dernière phrase de la strophe « Qu’elles s’évanouissent dans la peinture brisée. »

Une petite heure plus tard, Héloïse range soigneusement ses instruments d’écriture dans une boite, laissant sa feuille sur le bureau pour laisser le temps à l’encre de sécher avant de le ranger avec ses autres poèmes dans le tiroir de son bureau. Tous ses écris sont classés du plus anciens au plus récents, attachés par un ruban rouge ardent. Elle va près de sa coiffeuse pour se rincer le visage à l’aide son broc, de sa cuvette et d’un linge propre. Après une petite toilette, elle se change pour enfiler une robe bordeaux foncé et se coiffe les cheveux d’une longue tresse.

Le brouillard commence à se disperser pour laisser la place à un ciel bleuté parsemé de quelques nuages. Elle profite du petit matin, avant d'aller travailler, pour se promener dans les rues de Marbrume afin de s’aérer la tête et d’arrêter de penser à son avenir incertain. C’est-ainsi qu’Héloïse se distrait à se perdre dans le quartier mondain, à cette heure-ci de la matinée, il y a très peu de monde dans les rues, ce qui rend sa promenade agréable. Elle observe les alentours, quelques boutiques ouvrent tout juste leur porte, elle doit acheter un nouveau flacon d’encre mais ce produit est excessivement onéreux et sa bourse n’est pas bien remplit depuis ses achats au marché noir.

Elle s'emmitoufle dans son châle tout en tournant dans le coin d'une rue pour se retrouver malencontreusement bousculée, elle vient de percuter quelqu'un de plein fouet...

Auriane rêvassait dans les ruelles, l'esprit tourmenté. Elle marchait sans même trop savoir où elle allait.

Une rue mondaine, encore tranquille en cette douce matinée. Le roucoulement d'un pigeon.

Les pavés du quartiers nobles défilaient sous le pieds de la châtelaine.

Les yeux perdus dans les vagues de ses pensées. Auriane tourna à l'angle de la rue et...Paf!

La petite blonde percuta de plein fouet une passante. C'était le comble de croiser quelqu'un d'aussi près dans une rue quasiment déserte. Il y avait combien de chance, enfin malchance, pour vivre une situation pareille de bon matin.

Recula de deux pas au moins, la jeune châtelaine se massa son front qui rougissait déjà. Elle avait la tête dure cette demoiselle. Car c'était une demoiselle a n'en pas douter.

Auriane, reprit ses esprits et contenance. Essayant de garder la face, du fait de son rang.

-"Je suis navrée, j'étais perdue dans mes pensées. Allez-vous bien?"

Se rappelant ses tristes pensées, la mine d'Auriane se fit triste. Que faisait-elle encore dans cette maudite ville. Quelle honte de survivre à ses proches. Il fallait qu'elle se décide à partir chercher son mari.

La châtelaine offrir un léger sourire à la jeune femme.

La puissance du coup la prend par surprise, Héloïse se tient le menton. Elle qui marque facilement va très certainement se retrouver avec un petit bleu dès le lendemain. Du bout des doigts, elle se frictionne doucement la petite bosse qui pointe le bout de son nez tout en clignant plusieurs fois des yeux pour retrouver une vision nette.

- Je vais bien, oui, merci… Et vous ? S’assure-t-elle à son tour avant de lui offrir également un sourire amical. Elle constate que cette jeune-demoiselle se tient le front et elle se doute qu’une bosse doit aussi prendre naissance.

- Excusez-moi également, je me trouvais aussi dans mes pensées… C’est agréable de se promener au petit matin, les rues sont calmes… Je ne pensais pas m’être si éloignée du quartier de la Hanse. Dit-elle d’une voix basse comme si elle craint de réveiller les habitants.

Héloïse observe la rue, elles ne sont que toutes les deux à part ce chat noir sur le rebord d’une fenêtre en train de se lécher consciencieusement la patte au lieu d’aller chasser les souris qui doivent très certainement roder par-ci, par-là.

- Souhaitez-vous vous reposer sur un banc ? Vous n’avez pas la tête qui tourne au moins ? Questionne-t-elle se remémorant soudainement le choc de son menton contre le front de la jeune-demoiselle.

Héloïse a évidemment remarqué les vêtements élégants de la jeune-dame, que seule la noblesse a les moyens de s’offrir et en tant que couturière, c’est des choses qu’elle remarque au premier coup d’œil. Elle fait bien piètre figure avec sa robe d’un sombre bordeaux et de son châle sur les épaules.

- Vous n’êtes pas perdue, au moins, Mademoiselle ? C’est assez fâcheux qu’une dame de son rang se promène seule, sans aucune escorte, ou chaperon, son mari n-a-t-il pas conscience des convenances ?