La fontaine sanglante [Hérald, Revan, Sam, Sydonnie]

-Janvier 1165

Séraphin ne s’était que partiellement remis de son aventure dans l’horrible cave, il ne s’était écoulé que quelques jours, le temps de rentrer à la caserne et de faire son rapport, de vérifier le matériel, préparer l’expédition. Le sergent avait tenu avait mis les petits plats dans les grands, envoyer une coutillerie entière aurait été trop voyant, cinq miliciens formaient en revanche un groupe efficace et relativement discret. Tous avaient été convoqués et informés des enjeux de la mission, avec pour consigne d’être impitoyables : pas de prisonniers.

    Ils s’étaient rassemblés au Labourg, à quelques rues du cimetière, tous en civil afin de ne pas attirer l’attention. La nuit était fraîche et portait avec elle les promesses de sang et de justice, cette mascarade dégénérée n’avait que trop duré, et le groupe de miliciens réuni ici entendait bien mettre un terme à tout cela, définitivement.

    Plus personne ne se servait du cimetière aujourd’hui, les bûchers avaient remplacé les pierres tombales, et tandis que l’endroit avait été abandonné aux pilleurs de tombes et aux animaux, la nature reprenait lentement ses droits. Entre les rangées de tombes, celles qui n’avaient pas été pillées avaient également été ouvertes, mais de l’intérieur, l’herbe et le chiendent poussaient hors de contrôle, les racines des arbres autrefois bien taillés avaient eu raison des murs et portails des caveaux, désormais ouverts au quatre vents. Cet endroit jadis tranquille et propice au recueillement était désormais sauvage et inquiétant.

    C’était l’endroit parfait pour la pièce sordide qui s’y jouait, un théâtre craint et isolé, l’idéal repaire de bannis sanguinaires. Du moins pour l’instant…

    Le petit groupe avait attendu que la nuit soit bien entamée pour pénétrer dans le cimetière, ils s’étaient avancés les sens aux aguets, aussi discrètement que cinq miliciens armés jusqu’au dents peuvent le faire, et avaient commencé à fouiller les lieux. Au détour d’une allée, un caveau à la porte éventrée vomissait une lueur tremblotante et nappait les alentours d’ombres sinistres, ils étaient là, cachés sous terre comme des rats. De l’ouverture défoncée émanait des litanies lugubres et des grognements bestiaux.

    Un cri déchira la nuit, affolant une nuée d’oiseaux qui nichait dans un arbre proche, le silence qui s’en suivit était total, palpable. La chasse avait commencé...

La milice était une aventure complexe que ce soit pour un homme ou pour une femme, bien que pour la dernière catégorie la difficulté était déjà un cran au-dessus. Il n’était pas possible de refuser une mission, pas possible de la contourner ou de trouver une excuse pour ne pas la réaliser. Ainsi quand j’avais été convoqué pour la première fois, je n’avais pas vraiment su comment me comporter, comment trouver les bons mots pour exprimer la joie qui s’était emparée de mon être. De toute manière après deux mois à en baver dans la caserne, il était grand temps de me laisser faire mes preuves. Naturellement, j’avais accepté, sans réfléchir à l’horreur, sans penser à la difficulté de travailler en équipe, sans même penser à tout ce que j’allais devoir mettre de côté pour mettre en réussite cette mission. Quoi qu’il en soit, je m’étais préparée avec toute l’attention dont j’étais capable, une tenue résistante, mais pratique, me permettant d’effectuer n’importe quels mouvements, des armes discrètes, mais efficaces dissimulées un peu partout.

J’avais quitté la caserne pour rejoindre le groupe à qui j’étais affilié, il n’aurait certainement pas d’autres femmes, malgré l’autorisation pour elle de rejoindre la milice depuis bien deux mois, peu avait réellement franchi le pas. En réalité cela m’importait peu, je souhaitais simplement faire honneur à la confiance que l’on m’accordait enfin. Fini les tâches ingrates, fini le rangement, fini tout ça, bonjour les armes, le combat et les coups de stress qui provoque des palpitations et une respiration qui s’emballe. J’arrivais rapidement au cimetière, enfin ce qu’il restait du cimetière, plus de tombe ou alors éventré, plus de cadavres, juste des restes de cendres, de la dignité de nos morts, il ne restait plus que de la fumée et des souvenirs. La fange était arrivée, la fange prenait tout... L’homme restait cependant le pire ennemi de lui-même.

Lançant un regard vers mes collègues, je ne savais pas trop comment me comporter, me présenter ou pas, sourire ou pas sourire, mettre une stratégie en place ou foncé tête la première, non vraiment j’en avais absolument aucune idée. Je n’étais pas habituée à travailler en équipe, encore moins à réaliser des missions tout simplement. J’étais une novice dans toute sa splendeur, une nouvelle milicienne qui ne savait pas vraiment où se trouvait sa place. Un peu plus loin devant nous, un caveau semblait être éclairé à la bougie, un cri avait retenti imposant avec lui un silence profond. Seul le bruit des battements d’ailes des oiseaux venant de s’envoler retentissait. Le groupe ne semblait pas vouloir prendre de décision, impossible non plus de me positionner.
J’avais stoppé mes pas à une bonne distance, décidant de briser le silence, il fallait mettre en place une stratégie s’était évident, nous n’allions pas foncer, faire une boucherie et repartir ni vu ni connu, non, cela ne me semblait pas envisageable. Je m’étais donc rapproché du groupe de façon à ce que mes murmures soient entendus, essayant malgré moi de paraître à l’aise.

- « Vous ne pensez pas qu’on devrait se mettre d’accord sur une stratégie ? Enfin, je veux dire, nous n’allons pas quand même entrer, dire bonsoir, tuer tout le monde et ressortir si ? »

Évidemment que mes propos étaient exagérés, quoi que pas tant que ça. J’étais curieuse de connaître l’avis des différentes personnes présentes sur le sujet, je souhaitais vraiment réaliser une équipe qui fonctionne et pas une équipe qui s’éparpille. Enfin, je n’étais responsable de rien, d’ailleurs je n’allais certainement être qu’un pion entre les mains des différents hommes présents. Alors j’attendais, oui, j’attendais sagement qu’on trouve une solution, qu’on me dise ce que je devais faire, qu’on m’explique comment nous allions procéder.

Des bannis sévissaient dans le cimetière abandonnée de la cité de Marbrume, situé dans les Bas-Quartiers. Comment, malgré la sécurité des remparts et le contrôle des accès, des hommes et femmes marqués au fer rouge du marque de l'exil pouvaient encore infiltrer la ville ? Etait-ce étonnant ?

Non.

Ces criminels, présumés ou non, représentaient un mal qui existait bien avant l'arrivée de la Fange. Cette dernière n'avait fait que lui donner un autre visage et d'autres armes pour répandre ses graines de la dévastation. Afin de protéger les derniers membres de l'Humanité contre ces dangers maléfiques, la milice comptait parmi elle des hommes et femmes au courage louable, prêts à défendre les plus faibles et à alimenter la flamme de l'espoir au fond des ténèbres.

Ou tout simplement n'avaient-ils plus aucun autre but, hormis celui d'en découdre et de se savoir vivants ?

"Un cri déchira la nuit, affolant une nuée d'oiseaux qui nichait dans un arbre proche, le silence qui s'ensuivit était total, palpable. La chasse avait commencé..."

Revan eut l'impression de redescendre sur terre. Les sens en alerte, les battements rythmiques de son coeur s'accélérant, prêt à dégainer son épée ou son arc, il quitta la pierre tombale sur laquelle il s'était appuyé et rejoignit les quatre autres miliciens qui partageaient son sort. Tous les cinq, ils avaient été envoyés pour enrayer un danger potentiel : des bannis dans le cimetière ; c'était tout ce dont Revan savait à ce propos. Pas de prisonniers, pas de quartier, pas de pitié ; bref, il fallait réduire toute présence ennemie à néant ; pour un ex-mercenaire, ce genre d'affaire n'était en aucun cas dérangeant.

- C'était quoi ça ?.. murmura-t-il.

Personne ne pourrait répondre à cette question ; de toute évidence. C'était plus un simple réflexe humain qu'autre chose.

Une femme, à la chevelure d'ébène et aux yeux bleus, intervint à son tour, proposant la mise en place d'une stratégie avant toute action de leur part, concluant par une pointe d'humour qui fit à peine sourire l'homme au capuchon rouge. Par contre, la réaction de l'un d'eux, un jeune homme aux cheveux d'une clarté rare, lui arracha un rictus, à la fois moqueur et rigolard. Confirmant les propos de la femme aux cheveux noirs, un autre milicien, au teint pâle, entreprit une analyse sur leur situation et celle des bannis cachés parmi les rats et les pierres tombales. Il proposa d'ailleurs de vérifier ces dernières, au cas où un passage secret se dévoilerait.

Revan parut un instant perplexe. Cette entrée était bien trop visible et n'importe qui aurait pu tomber ici par hasard. L'existence d'une issue de secours ne faisait aucun doute.

- Nous ne savons pas combien ils sont ; et ils ne savent pas que nous sommes là. J'aurais aimé en savoir plus sur c't'affaire ; mais pour l'heure, l'inspection des tombes pourrait se faire.

Saisissant son arc, le milicien poussa un soupir.

- L'un de vous sait quelque chose de plus ? Si ce n'est pas le cas, tant pis. Je serais plus d'avis de les piéger en toute discrétion, à la surface... Ces cafards connaissent mieux leur abris que nous, après tout.

Je peux garder un œil de loin sur l'entrée principale et vous avertir si l'un d'eux en sort. Avec un peu de chance, je pourrais même en envoyer un ou deux dans l'autre monde.

La petite expédition prenait place, tandis que tout le monde s’accordait sur la stratégie à tenir Hérald proposa de fouiller les tombes, peut-être recellaient elles une ou plusieurs sorties cachées? Voire une cache d’armes, qui sait?

    Séraphin lui n’avait pas la finesse d’un leader né, aussi bien qu’il soit à l’origine de cette enquête il adoptait pour l’occasion une attitude plus restreinte. Cette fois ci l’affaire était sérieuse et toute insubordination pourrait lui coûter très cher.

    “Je suis du même avis que vous, tâchons de repérer la ou les entrées et nous aviserons de la stratégie à adopter.”

    Un second cri s’éleva, cette fois ci pas d’oiseaux à déranger, tous avaient déjà fuit. Les soldats devenaient nerveux et Séraphin redoutait de trouver dans la crypte des horreurs aussi épouvantables que celles qu’il avait découvert dans cette cave maudite. C’est avec une tension palpable et la boule au ventre qu’ils explorèrent les environs aussi discrètement qu’ils le purent.

    Par chance le bruit du vent dans les feuillages des arbres noyait le bruit de leurs pas et aucune lame inquisitrice ne vint déranger leurs inspections.

Citation :

Jet d’observation

- Intelligence de Séraphin : 10 (Bonus de +1 pour sens du détail)
  4 réussi
- Intelligence de Sydonnie : 10
  17 raté
- Intelligence de Sam : 8
  18 raté
- Intelligence de Hérald : 11
  6 réussi
- Intelligence de Revan : 8 (Bonus de +1 pour acuité visuelle)
  8 réussi

    Si l’examination des tombes ne révèla rien de particulier hormis des os brisés parmis la poussière et les mauvaises herbes, elle permit de mettre en évidence une seconde entrée bien dissimulée derrière un fourré et non gardée. Tandis que l’entrée principale était flanquée de deux bannis à la mine patibulaire qui bien que somnolents ne manqueraient pas de voir débarquer une troupe de miliciens armés jusqu’aux dents et de sonner l’alerte en contrebas.

    La voie est donc libre par l’arrière mais le choix reste entier. S’infiltrer discrètement en évitant la porte gardée au risque de voir cette garde leur tomber sur le râble un peu plus tard? Ou bien foncer tête baissée et advienne que pourra?

    Quoi qu’il en soit le groupe était jusqu’à maintenant resté à couvert et personne n’avait commis d’impair permettant de les démasquer parmi les broussailles.

Spoiler:

- « Je ne sais absolument rien de plus sur cette affaire que vous malheureusement. »

Le vent s’était levé et soufflait encore et encore, toujours un peu plus fort, faisant vibrer les feuilles des arbres, jouant ainsi une douce mélodie naturelle. Cette musique environnementale permettait de dissimuler les bruits de notre présence, mais ne couvrait en rien les hurlements qui retentissaient de temps à autre. L’angoisse était palpable, chacun tâchant de garder son sang-froid un peu comme il peut. Lentement, j’avais fini par hocher la tête à la proposition d’explorer l’environnement, cela me semblait être la chose la plus censée à faire sur le moment. Je n’ai jamais vraiment été très bonne observatrice, j’étais plus doué au combat, que doué d’un sens de l’observation remarquable. Quoi qu’il en soit, je m’étais simplement exécuté, évitant soigneusement l’entrée principale. Rien sur la première tombe ni sur la seconde, ni la troisième et ainsi de suite, la plus intéressante de mes trouvailles était un crâne humain, que j’avais récupéré en grimaçant. Après l’avoir observé sous tous les angles, plus intrigué par la forme, que par autre chose, je l’avais redéposé ou je l’avais trouvé, l’air de rien.

Mes recherches n’étaient pas fructueuses, pas d’entrée de substitution ou de sortie de secours ou autre, j’espérais que les recherches de mes compères étaient plus fructueuses que les miennes, parce que sinon nous allions nous retrouver à notre point de départ. Retrouvant notre premier lieu de rendez-vous, l’esprit aussi soucieux que mes mains particulièrement vides. Pas de preuve, pas d’indice, juste cette entrée principale que je ne cesse de regarder au loin, tentant d’imaginer ce que contenait ce souterrain. Des morts, des bannis, des autres crânes humains ? Non, vraiment, tout ceci n’était pas très rassurant. Avisant les personnes du groupe revenant un à un, je les questionnais silencieusement de mes grands yeux bleus, avec l’espoir que leurs recherches aient reconnu plus de succès.

- « Alors ? » demandais-je un peu bêtement

J’avais attendu que chacun nous donne le résultat de son enquête, que chacun émette ses suppositions, propositions, tout en réfléchissant moi-même à ce que nous pouvions mettre en place. Je n’étais pas très intéressé par foncer tête la première dans l’entrée principale, avec un risque d’alerte certain. Je l’étais beaucoup plus par le passage en discrétion, cependant, si nous rentrons d’un côté, reste l’autre ouverture de disponibles, donc une sortie envisageable pour les bannis. Ne seraient-ils pas intéressants de faire deux groupes ? Histoire de coincer les malfrats, ou bien de laisser une personne monter la garde à une des deux entrées, celle que l’on n’emprunterait pas ? J’avais haussé les épaules à ma propre question, avant de finalement oser interroger le groupe afin d’avoir votre avis.

- « Vous voulez que le groupe reste ensemble, ou nous pouvons prendre en compte la possibilité de nous séparer ? »

Spoiler:

Le problème lorsqu'on émet une première supposition valide, c'est que, la plupart du temps, l'on repose vos espoirs sur vous, pensant que vous avez une tête bien faite, que vous ne pouvez commettre des erreurs. Dreit y pensait lorsqu'au terme d'une recherche méticuleuse, il avait décelé, au pied d'une pierre tombale anodine, une tappe soigneusement dissimulée par un lit de terre meuble. Il ne fallait rien laisser au hasard et avait fouillé au possible. Ainsi il mit en évidence une petite trappe qui devait inévitablement donner sur une partie de la cachette des bannis. Satisfait, il la recouvrit pour la laisser intacte, comme s'il n'avait rien découvert. Il repensait aux paroles du milicien encapuchonné. Des quatre, il semblait le plus éclairé. Dreit jeta un oeil à sa silhouette, lui aussi semblait méticuleux au point de fouiller le cimetière à la recherche d'indices qui permettrait au groupe d'accomplir la mission sans perte côté milice. Ainsi, après une analyse méticuleuse des lieux, il revint rejoindre son groupe et observa les conclusions.

la milicienne aux cheveux d'ébène prit la parole. Elle semblait indécise sur la marche à suivre, mais évoquait toutefois la possibilité de séparer le groupe. C'était un très bon début. Le jeune Sam, quant à lui, penchait pour l'option deux groupes. Voilà qui était rassurant. Mais les dires du milicien à capuche continuait de fermenter l'esprit du grand blond pâle. Cet individu avait l'esprit clair et avait eu raison sur toute la ligne. On ne connaissait pas le nombre d'ennemis et ils avaient la connaissance du terrain, de leur terrain, leur trou à rats dans lequels il faudrait les piéger. Le groupe manquait d'informations, c'était un fait. Il avait aussi proposé une stratégie sommaire qui, combinée aux autres idées, aboutirait sans doute à une attaque victorieuse.

Un second cri retentit, rappelant à Dreit l'urgence de la situation. Il fallait raisonner vite et bien. Ainsi le blond prit la parole, la voix atténuée pour ne pas éveiller de soupçons.

"Mes soupçons sont confirmés. Il y a une trappe juste au pied de cette tombe." Il désigne la sépulture incriminée d'un geste de doigt, se tenant non loin du groupe mais aussi relativement proche de l'entrée principale. "Résumons. On ne connait pas leur nombre et ils connaissent leur territoire mieux que nous. Je partage l'avis de notre collègue", dit-il en plantant son regard dans milicien-à-tête-de-capuchon, "les piéger à la surface tranquillement me paraît l'option la plus viable. Je serais d'avis d'observer un peu plus, récupérer des informations sur les tours de garde. Les deux bannis ne resteront pas éternellement à garder l'entrée principale."

Il se tut pour planter un regard dans chacun de ses acolytes pour s'assurer de leur soutien.

"La discrétion n'est pas mon fort. Je sais tuer vite et bien, mais s'il s'agit d'approcher un ennemi, il y a des chances que celui-ci me repère de par ma carrure. Je serais plus efficace s'il s'agissait de charger subitement, mais cela ne ferait que lancer l'alerte. Sans doute cela les inciterait à sortir de leur trou puant. Mais si nous pouvons demeurer discrets tout en les incitant à sortir, j'aime autant... Sachant que nous ne connaissons par leur nombre. Le serpent se mord la queue. Ainsi n'y a-t-il pas l'un de vous qui saurait faire preuve de prudence et de discrétion pour s'infiltrer dans leur cachette sans se faire repérer ?"

Il s'en mordillait presque les ongles. La situation n'était pas facile. Il lui vint une idée qui évoquait un possible sacrifice, le sien.

"Je suis prêt à prendre les devants avec mon collègue et attaquer par l'entrée principale. Il nous faudrait alors une stratégie pour les inciter à fuir par derrière. Si l'on choisit cette option, je suggère que nous attaquions à trois de front à frapper tel un éclair. Les deux autres attendraient au-dessus de la tombe pour cueillir les fuyards."

Un autre silence, une autre idée.

"Une attaque surprise par la trappe dérobée est également envisageable, cela dit l'on ne sait pas où elle mène et s'il est facile d'y accéder. L'on pourrait frapper subitement par cette issue et profiter de l'effet de surprise pour frapper également par devant. Reste cette inconnue : leur terrain. Est-il piégé ?"

Encore un silence. Dreit perdit son regard sur la broussaille, sur le sol, puis redressa le menton avec une nouvelle idée.

"Ils s'attendent continuellement à une offensive. Ils sont sur le qui-vive mais ils sont tout autant stressés et prompt à prendre les mauvaises décisions si nous les attaquons par surprise. Ainsi, je le répète, si l'un de vous est suffisamment discret et observateur, il pourrait s'immiscer discrètement par la trappe dérobée et nous donner un peu plus d'informations. Mais c'est un risque que je ne souhaite pas prendre s'il s'agit de mettre votre vie en péril. Si quelqu'un doit y passer pour les tomber tous, je préfère que ce soit moi. J'attends vos avis, camarades."

Il avait beaucoup parlé, l'esprit critique et bouillant, néanmoins avec une neutralité et une froideur telles qu'il demeurait on ne peut plus sérieux. Lui qui se considérait comme mort sa jour, cela ne le dérangerait pas de nettoyer la vermine au nom de Marbrume et du Duc de Sylvrur. Il porta néanmoins son regard sur capuche. Sans doute pourrait-il porter de nouvelles idées, trancher sur la stratégie optimale, le comportement idéal à adopter.

"Dreit, pour ceux qui ne me connaissent pas encore. Au moins, je ne mourrai pas inconnu de tous ce soir."

Une issue de secours dissimulée derrière un fourré, deux gardes qui tenaient l'entrée dite principale et une absence total d'informations ; cela suffisait pour résumer la situation dans laquelle les miliciens se trouvaient. Aucun d'entre eux ne semblait savoir pourquoi ces bannis étaient présents ici, ni ce qu'ils faisaient dans le cimetière, ni la dangérosité potentielle de cette mission. Tous les cinq avaient été envoyés ici pour éradiquer ces vermines. Revan avait surtout l'impression qu'on leur avait donné une simple tâche d'exécution dont la réussite ou l'échec, qui impliquait leur mort, importait peu.

La femme aux cheveux noirs comme l'ébène proposa de séparer le groupe ; une idée alimentée par l'intervention du blondinet qui demanda par la même occasion les habiletés de ses collègues et leurs noms. Le dénommé Dreit, quant à lui, débita un flot de paroles sur la stratégie à adopter. Parmi les multiples solutions proposées, il était évident qu'aucune ne leur donnerait beaucoup plus d'avantage : ils avaient déjà l'effet de surprise de leur côté ainsi qu'un temps d'avance sur les bannis grâce à la découverte de la seconde issue.

- J'm'appelle Revan. Archer, fit-il rapidement pour se présenter tout en montrant brièvement son arc pour confirmer, avec un sourire presque sarcastique, qu'il ne s'en servait pas comme hache de guerre.

De toute manière, l'usage de son arc serait fortement limité dans les souterrains. De plus, il risquerait fortement de planter une flèche dans le postérieur d'un de ses compagnons d'infortune. Ne connaissant que ses propres aptitudes, Revan estima qu'il serait bien plus efficace à la surface, pour le moment.

Le souvenir du second cri fit naître dans son esprit une pensée des plus inquiétantes : des innocents étaient-ils en danger actuellement ? Il n'y avait pas de temps à perdre. Cependant, le contexte de cette affaire était des plus étranges. Comment une bande de bannis avait pu s'établir dans le cimetière en toute impunité ? Le fait était qu'ils avaient été découverts, certes, mais leur présence ici ne présageait rien de bon quant à la sécurité de Marbrume. Revan ignorait depuis quand les bannis avaient élu domicile en ce lieu ; mais il était prêt à parier que ces derniers n'avait guère le temps de préparer des pièges conséquents ; surtout pour un abri temporaire comme celui-ci.

- Le temps presse. Nous devrions partir à l'assaut maintenant. Ce sont les ordres. J'resterai ici pour vous servir de support, autant pour l'entrée principale que l'autre issue.

Revan s'adressa ensuite au blondinet et à Dreit.

- J'ai l'impression que les deux gardes sont fatigués. Si vous êtes assez discrets, essayez d'vous faufiler chacun d'un côté. Quand vous s'rez en position pour fondre rapidement sur ces deux cancrelats, j'engagerai le combat en espérant qu'une ou deux flèches leur perforent le crâne. Leur attention sera détournée en ma direction : vous les prendrez par surprise en surgissant par les flancs... Mais si vous préférez foncer dans le lard, foncez après mon premier tir ; de toute façon ils vous verront arriver.

Il n'y avait peut-être pas huit-mille autres solutions possibles. Il n'y avait peut-être pas de temps à perdre non plus. Revan prépara deux flèches sur son Flambe-Ciel et attendit les avis et réactions de ses collègues.

*J'ai l'intuition que c't'affaire ne s'achèvera pas à la surface...*