Marbrume


-29%
Le deal à ne pas rater :
PC portable – MEDION 15,6″ FHD Intel i7 – 16 Go / 512Go (CDAV : ...
499.99 € 699.99 €
Voir le deal

Partagez

 

 Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
MessageSujet: Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]   Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] EmptyMar 15 Nov 2016 - 21:40
Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Concep13
     
    
     “Laissez moi vous conter une histoire, une vraie histoire, telle que le conteur que je suis est capable de vous proposer, et telle qu’une assemblée comme la vôtre est en droit d’attendre. Point ici de manichéisme ni de fin heureuse, non, une vraie histoire de la vraie vie.” Notre hôte laissa un blanc, une phrase en suspens, tel un battement de coeur raté, et l’assistance en oublia de respirer, les yeux grands ouverts, ce soir le silence était maître d'hôtel. “Dans le rôle principal il y a la providence, et pour aider à l'intrigue il y a le facteur chance, les décors sont des décors naturels et le casting est fait de personnages réels. Tout est ici vrai mes amis, je vous l’assure, point de fiction ni de magie.”

    Il joignit le geste à la parole, sautant de table en table, s’arrêta net et s’accroupit au nez d’une bien jolie jouvencelle, produisant une explosion avec ses mains, non sans avoir auparavant saisi une pleine poignée de poudre colorée, et s'esclaffa.  “Pouf, haha.” S’attirant des ooh et des aah aussi joyeux que pantois. Mais au lieu de poudre magique c’était désormais une rose rouge qui trônait dans la chevelure de la belle aussi stupéfaite que ravie, bien que passablement embarrassée.

    L’homme se rassit sur le comptoir, un genou replié vers sa poitrine dans une attitude désinvolte, ses yeux brillaient et ses mains virevoltaient de concert avec sa voix chaude et profonde. Il était vêtu de couleurs vives et chamarrées, il ressortait ainsi au milieu de la populace qui s’amassait pour l’écouter. Une fois que ces braves gens auraient bu plus que de raison, les couleurs n’en ressortiraient que davantage, accentuant ainsi l’effet recherché. Il était roux, aux cheveux longs et légèrement bouclés, ses yeux verts clairs surmontant une barbe de quelques jours. Un bel homme, qui plus est talentueux.

    “L’histoire commence simplement, comme toutes les histoires, à cela près que celle-ci est unique et originale, transmise de bouche à oreille par des générations de conteurs tel que votre humble serviteur et il serait criminel de négliger un tel héritage, non vraiment, je n’aurais point cette audace.”

    “Bon tu nous la racontes ton histoire?”

    “En voilà un bien pressé, j’espère pour vous messire que vous n’êtes pas aussi rapide en besogne qu’en affaires, il vous en coûterait je vous l’assure.” L’assistance s’esclaffa et le type rougissant s’enfonça dans sa chaise sous une pluie de railleries et de quolibets, le nez dans sa chope, il se tut. “Sachez que je ne tergiverse nullement, non, certainement pas, je ne fais que placer le décor, allumer le feu dans vos yeux ébahis mes chers spectateurs. Une belle histoire, c’est comme une belle femme, on la présente, l’habille, on la maquille afin de la mettre en valeur et par dessus tout elle sait se faire désirer. Point de piment sans cela, patience mes amis, vous n’en serez que plus épatés, que dis-je, étonnés, éberlués! Mais écoutez donc voir.”

    Plus personne ne bougeait et le seul son que l’on pouvait encore entendre était celui du crépitement du feu au centre de la pièce. Mis à part cela, quelques mouches intrépides et les rôts involontaires de ceux dont la soirée était déjà bien entamée, le silence régnait, son petit numéro avait fonctionné, il avait conquis son auditoire et allait pouvoir réellement commencer.

    Séraphin lui écoutait tranquillement dans un coin, ces soirées des bas quartiers étaient beaucoup plus vivantes et colorées que le faste des établissements de la belle ville. La bière était bonne aux Six Roses et la tenancière menait sa barque d’une main de fer, dans un gant de velours. La dame était charmante et voluptueuse, bien que volubile, Dieux qu’elle sentait bon. C’était la première fois qu’il venait ici et l’établissement bien que situé dans un quartier peu recommandable, était propre et bien tenu. Et même si certains clients, une bonne partie en fait, affichaient des mines clairement patibulaires, il y régnait une relative sécurité, sentiment renforcé par la légèreté que la présence du barde apportait.

    Ce dernier avait d’ailleurs sorti un luth d’on ne sait où, gratta quelques accords avec nonchalance et s'éclaircit la gorge.

Bonus:
Revenir en haut Aller en bas
Circée "Mille-doigts"Sorcière
Circée



Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
MessageSujet: Re: Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]   Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] EmptyMer 16 Nov 2016 - 22:30
    D'ordinaire aux Six Roses, on employait un saltimbanque joufflu aux paupières lourdes qui se faisait appeler Grelot. L'homme était d'un naturel jovial et fondamentalement doux. Jamais un mot plus haut que l'autre, Circée appréciait ses ballades paisibles qui calmaient l'humeur générale entre ses tables. Ses poésies recherchées et ses histoires brumeuses déclamées d'une voix juste et vibrante avaient plus d'une fois tiré des larmes d'émotion aux ivrognes du quartier. Il avait cette capacité unique de raviver l'espoir dans ces coeurs abimés et cyniques de ceux qui constituaient son pauvre auditoire.

    Cependant comme partout ailleurs à Marbrume, l'arrivée des fangeux avait rongé les fondations pourtant solides de cette routine tranquille. Tout comme la mère de Circée, le frère de Grelot avait disparu en même temps que tous ces pauvres gens à l'extérieur. Il avait bien tenu quelques mois, à faire durer l'espoir comme on protègerait la flamme d'une bougie mourante... Mais plutôt que de la voir s'éteindre, il avait un matin préparé son paquetage et s'en était allé, se mêlant aux passants hagards, pour ne jamais revenir. On avait tristement ajouté son patronyme à la longue liste de ceux qu'on avait aimé et qui étaient partis, sur la plus grosse poutre derrière le comptoir.

    De ce fait, la distraction aux Six-Roses s'était faite brumeuse. Il y avait bien eu quelques chanteux pour venir déclamer quelques vers les soirs de pleine lune, mais aucun n'avait le charisme placide du gentil Grelot, ni son aisance avec l'âme de ses concitoyens. C'est pourquoi lorsque celui-ci s'était annoncé en milieu d'après-midi pour réclamer un repas et quelques pièces en échange de joyeuses piailleries, Circée avait vaguement hésité. De plus il avait conservé jusque là son épais capuchon et elle était de ceux qui trouvaient cela d'une impolitesse crasse. Elle avait ronchonné, elle avait négocié et puis elle avait fini par l'envoyer dans un coin avec un bol de soupe à l'eau en lui promettant davantage si le spectacle en valait la peine.

    Le soir-même, à l'instant qui nous intéresse, il avait ôté sa capuche et il s'était perché sur une table pour haranguer la foule de silhouettes mal fagotées de l'assistance. Les chatoyantes couleurs de son habit ainsi dévoilées, il irradiait toute l'immense pièce de sa présence. Ses traits fins, ses yeux clairs et rieurs, sa voix chaude, sa façon de se mouvoir avec une grâce presque féminine... Presque un miracle, il était parvenu à subjuguer l'ensemble des clients de la taverne. Tout au fond, éclairées par la lumière vacillante de quelques chandelles, trois femmes en particulier semblaient avoir oublié comment fermer correctement la bouche.

    La première, Faustine, pensait qu'elle n'avait jamais eu l'occasion dans sa courte vie de croiser le chemin d'un être aussi incroyable et coloré. Le verre qu'elle était en train de remplir de vin était d'ailleurs sur le point de déborder sans qu'elle ne s'en rende compte.

    La deuxième, Circée, se faisait la réflexion que son lit était vide depuis trop longtemps. D'un geste mécanique, rendu langoureux par ces considérations, elle frottait le comptoir de son sempiternel chiffon sale.

    La troisième, Marie, tirait résolument sur sa chemisette pour tenter de faire apparaître un peu plus de peau - bien que son corsage n'ait pas encore d'arguments très convaincants. Ses joues étaient anormalement rosies et elle espérait que Circée ne s'en rendrait pas compte.

    Aucune ne parvenait à décrocher les yeux du saltimbanque. Elles eurent de concert un mouvement de recul - mais secrètement ravi - lorsque celui-ci sautilla jusqu'au comptoir pour s'y percher comme un chat. Elles retinrent leur souffle et écarquillèrent les yeux lorsqu'il se pencha vers Faustine pour éternuer sa poudre dessus. L'instant fut absolument magique pour la jeune serveuse, qui cru se sentir défaillir lorsque le coquin lui adressa un clin d'oeil avant de s'en retourner sur l'estrade et qu'elle porta la main à la fleur qui était apparue dans ses cheveux.

    Ses deux compagnes lui jetèrent alors des regards mauvais, surtout Circée que la poudre avait fait tousser. Dans un grognement, elle envoya une taloche derrière la tête de la Faustine, ce qui eu pour effet de faire tomber la fleur par terre.


    - Pauvre cruche ! en rouspétant. Regarde le vin que tu as renversé ! Alors que je me tue à faire briller ce satané bois vermoulu ! Retourne en cuisine, tu y feras moins de dégâts.

    La jeune femme, habituée aux réprimandes, courba l'échine et fila vers l'obscurité des cuisines - non sans s'être rapidement penchée pour ramasser la fleur. Elle disparu bientôt, mais on pouvait encore deviner l'éclat de son regard curieux briller dans l'embrasure de la porte. Personne n'aurait voulu rater le spectacle qui s'annonçait, surtout pas elle.
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
MessageSujet: Re: Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]   Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] EmptyVen 18 Nov 2016 - 23:44
C'est l'écho d'un battement de cœur qui anime la pièce enfumée. C'est une voix chaude qui agite les poitrines, un phrasé doux qui captive l'attention. L'odeur rance de sueur et de pisse ne quitte pas les bouffées d'air chaud inspirées à la hâte et l'air moite colle à la peau comme une putain en sueur à la respiration haletante. Et les yeux, tous sont fixés, tous sont réunis en une extase commune, un appel silencieux pour détourner les esprits d'un quotidien ignoble. Chopes sur des tables d'un autre âge, des chaises aux pieds bancals sur lesquelles bonnes et mauvaises gens sont assises. Et toujours en toi résonne les grondements sourds d'un incendie aux couleurs éclatantes.

Tes doigts te lancent soudain. Une douleur étrange au milieu de cet univers changeant, l'habit du conteur comme des milliers de flammèches léchant tes iris, étoffes chatoyantes libérées et dont les reflets te plongent de nouveau dans un passé que tu veux oublier. C'est ce que tu es maintenant, une loque tremblante, les paumes serrées jusqu'au sang autour d'une hanse de fer. La bière tâche ta barbe et ton gilet alors que tu la portes à tes lèvres et le rouge te monte au visage, sans jamais que tes yeux ne cillent. Tu n'es plus toi, tu n'es plus rien, et la fournaise du costume fait de toi les braises d'un âtre à la lueur éphémère, fait de toi le pavot qui glisse entre des doigts agités par le manque, fait de toi une goutte de pluie perdue dans la mer.

Le contact du comptoir contre ton front ramène ton âme dans un corps las de vivre, dans une réalité si lointaine maintenant, et le sourire de l'une des tenancières fait bouillir tes sens, te fait serrer les dents. Sa main verse sans que le regard ne suive. Tout son être se tend, invite sensuelle pour Voix-D'or et son luth et tu rages, tu enrages de la mort de la lumière dans son regard morne. Ses dents en pierre tombale sont grises et c'est la Mort elle-même qui fait couler le vin d'un air absent. Dégage, dégage catin dégénérée, dégage toi et ta sale bouche puante. Tu peux le dévorer du regard, tu peux l'attirer dans ton lit, soupirer sous ses assauts mais tu n'es rien. Un filet de bave craché dans un lac, un morceau de chair pourrissante qu'il oubliera le jour d'après. Ton accès de colère n'est qu'une brise parmi le vent de leurs têtes. Et tu n'es pas eux, et ils ne sont pas toi. Peut-être qu'en le répétant assez, tu finiras par le croire.

Même pas assez de courage pour cracher ta vérité à voix haute. Comme si tu étais différent de ces enveloppes vides et percées qui veulent s'emplir. Comme si ton regard n'était pas hypnotisé par le tissu, par la douce musique, par le ton qui te plonge dans tes souvenirs. Et le feu, le feu dévorant tes mains, dévorant ta femme, dévorant ta vie. Comme tu peinais à fouiller les décombres avec tes paumes ensanglantées et comme les larmes étaient elles-aussi en fusion sur tes joues sales de cendres. Ton corps lui-même expiant l'essence de ton être par tes pores, par la toux vibrante dans ta gorge. Un accord sonore te tire de tes pensées et ton poing part tout seul, écorchant tes phalanges et faisant craquer le bois. Et tu te penses maître de toi maintenant alors que cette sensation de puissance t'envahit. Ou bien est-ce la peur, l'ivresse de la douleur, l'adrénaline pompée jusqu'à plus soif dans ton corps poussé à ses limites. Tu es invincible et tu bas ton torse d'une main blessée, créature simiesque aux yeux écartelés.

Où es-tu déjà ? Les souvenirs se bousculent. La chambre où vient te parler ta nièce tout d'abord. Puis les bouteilles qui s'entassent au sol, la crasse recouvrant tes affaires. Ton pas saccadé dans les ruelles sombres de cette souricière géante que l'on appelle Ville, tes armes en évidence. Ta marche titubante, la taverne, les éclats de voix puis le silence. Tu pousses légèrement ta chope en avant, une voix rauque et inhumaine s'échappant de ta bouche meurtrie à l'intention de la tenancière.

Une autre.
Revenir en haut Aller en bas
Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
MessageSujet: Re: Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]   Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] EmptyLun 21 Nov 2016 - 7:36
“Trêve d'atermoiements, il ne me serait permis de faire ainsi languir un tel public, ce dernier étant des plus exquis et vos bouches béantes ainsi que vos regards vides sont autant d'invitations à la poésie. Mais il suffit, où en étais-je? Ah oui, notre quête.” Il gratta de nouveau quelques accords afin de ramener à lui les rêveurs. “Débute simplement, par un homme qui comme certains d'entre vous mes amis, du moins pas que je ne vous le souhaite mais toujours est il que la choses soit courante, s'est découvert une magnifique et rutilante paire de cornes.”

    Reposant un instant son luth, il mima les cornes, osant même un brâme sonore.

    “Eh oui mes larrons, pour les moins futés ou les plus avinés d’entre vous il n’est point question du noble Serus, non, point de divinités ici, encore que cela eût été intéressant mais passons. Le type était juste fortement cocu!” Il hocha lentement et tristement la tête. “Et comme il sied à n’importe quel énergumène dont la femme se ferait trombiner par le premier venu, il était furibard, et pas qu’à moitié croyez moi, un peu comme le sieur là-bas dont la tête ploie sous le joug de l’alcool et qui s’écorche les mains sur le comptoir. N’est-ce pas messire? N’ayez crainte, je viendrais vous la raconter une fois que vous serez de retour parmi nous.”

    Cette dernière tirade arracha un rire sonore à l’assemblée, mais le bonhomme concerné lui n’avait pas l’air véritablement conscient du monde qui l’entourait, mis à part évidemment sa chope.

    “Maître Corbeau sur un arbre perché, ah mais je m’égare, à croire que certains ici sont tellement ivres que s’en est contagieux pardi! Ou sont-ce les vapeurs de l’amour qui m’assaillent de leurs flèches cruelles?” Il se fendit d’une révérence et d’un clin d’oeil appuyé à la servante à qui il avait offert une rose quelques instants plus tôt, qui rougit et disparut dans un tourbillon de jupons. “Que pensez vous qu’il adviendra de notre héros? Pourfendra-t-il le saligaud qui culbute sa dame à sa place? Ou jettera-t-il cette gourgandine à la rue nue comme un ver et couverte de honte? Ayez foi, la fin de l’histoire vaut son pesant d’or je vous l’assure!"

    “Notre protagoniste n’est pas un méchant bougre, loin s’en faut, mais quand l’ire vous prend, il arrive fréquemment que le plus doux des bonhommes se transforme en une bête sauvage, un terrible dragon.” Tout en parlant, le barde avait sorti une flasque d’alcool de la poche de son veston et en aspira une grande gorgée tout en plongeant un mouchoir dans l’âtre. Il cracha une magnifique gerbe de flammes qui ponctua à merveille son discours, et finit de rallier à sa cause les quelques spectateurs distraits ou inintéressés. “Bien que celui-ci ne crachait point de flammes, la chose lui aurait été fort utile! Non, notre homme n’était point vilain, mais sa belle avait une croupe, mes aïeux! Vous aussi, mes bonnes gens, vous seriez battus pour avoir le privilège de chevaucher une telle pouliche.”

    Cette fois ci c’est son public qui mimait la folle cavalcade, à grand renforts de rôts et de rires gras.

    “Mais s’en était trop pour notre oiseau, que l’on s’attaque à lui? Soit, mais qu’un péquenaud édenté conte fleurette à sa souris dans son dos? Non, certainement pas! L’auriez vous vu mes amis, rouge de colère en fracassant table et chaises, jetant à bas vaisselle et bibelots, beuglant de surcroît comme un âne à qui on aurait planté une fourchette dans le fondement; Que vous auriez ri. Lui en revanche, ne riait point du tout. Et une fois fini de saccager et de mettre le feu au domicile familial, notre ami s’en fut dans les rues, tourbillonnant de rage, le tout sans cesser de hurler, épée au poing.” Cette fois-ci le barde dansait sur les tables, pourfendant d’imaginaires ennemis de son épée tout aussi imaginaire. “Bien décidé à laver son honneur, dut il répandre le sang des deux amants, il n’en avait cure car seule sa vengeance importait.”

    “Il y a une chose à savoir cependant, c’est que notre cocu, était d’une maladresse, d’une gaucherie à nulle autre pareille.” Ce faisant il chuta d’une table, et se ramassa lamentablement par terre, un bras tendu vers le plafond dans l’espoir de sauver son luth. “Et ça mon bon public, c’était un problème, et quand je dis un problème, un problème de taille, vraiment."

    “Toujours est-il qu’il déambulait l’écume aux lèvres et le regard embrasé, si bien que ses hurlements ne tardèrent pas à alerter la chalanderie, qui bien curieuse et à la fois bien amusée par tout ce tintamar, commença à s'amasser tout en lui collant au basques. Chacun y allait de son petit commentaire et pourtant personne n’avait la moindre idée de ce qu’il se passait, c’est vous dire à quel point les gens sont bêtes.”

    Le griot s’arrêta un instant, et mimant l’étouffement, héla la tenancière. “Tavernière, ces comptines m’ont asséché bien au delà ce que je pensais possible, et peut-être encore même au delà de ce qui est récupérable, une bière, non deux, un tonneau! J’ai soif par tous les diables!”

    Séraphin avait observé la patronne houspiller sa servante, par pure jalousie semblait-il, car ces dames semblaient hypnotisées par le charismatique ménestrel. Et c’était assez amusant de voir qu’au moment où la jeune barmaid avait reçu sa rose, les autres l’avaient foudroyée du regard, jusqu’à ce qu’elle remplisse un ver à moitié sur la table et à moitié sur le client, la tavernière s’était alors mise à hurler et avait exilé la jeune fille en cuisine.

    Le type à sa gauche lui, semblait complètement ravagé, et pas uniquement par de l’alcool bien qu’il en ait ingurgité une belle quantité. Ses mains et ses bras étaient couverts de cicatrices, et il marmonnait des choses à propos de flammes et de fangeux, il lui semblait même l’avoir entendu insulter la serveuse. Quelle que soit l’histoire du loubard elle n’avait pas l’air joyeuse, mais peut-être que derrière les pupilles dilatées de ses yeux vairons se cachait quelqu’un de bien, peut-être…

    L’homme dans un sursaut de lucidité commanda une énième bière, Séraphin en fit de même.

    “Séraphin” Dit-il “À votre santé.”
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
MessageSujet: Re: Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]   Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] EmptyDim 4 Déc 2016 - 22:40
Pendant un instant, l'homme que tu étais refait surface. Il hurle, enfermé dans ton esprit malade. Sa voix cogne, résonne et pourtant tu ne l'écoutes pas. Car ses mots, ses mots ont l'accent d'une rage dans laquelle tu veux t'abandonner. N'entre pas sans violence en cette bonne nuit. Et ce soir, tu as envie de l'écouter, de te laisser aller à l'Autre et son courroux futile. Tu as envie de te lever alors que le conteur te désigne à sa foule de rats. Il te faut l'attraper, le serrer entre tes bras puissants à la peau fondue. Le battre et faire disparaître son sourire suffisant et ses manières ignobles. Qu'il ne joue plus de son luth pour charmer ces rongeurs avides des miettes de sa pensée. Tu veux qu'il arrête, qu'il se taise à jamais.

De nouveau, tes mains brûleraient, agrippées à son habit de flammes. De nouveau, l'odeur ta chair grésillante ferait monter la bile dans ta gorge asséchée. Pourtant, rien en toi ne bouge alors que ton corps vous trahit. Et la voix s'épuise, réduite au silence par ta lâcheté, par ta crainte, par la sueur froide qui coule dans ton dos en tâchant ton gilet alors que, du coin du regard, tu aperçois une langue de feu crachée dans l'air déjà étouffant. Tu serres les dents, idiot que tu es, les jambes tremblantes et la vessie pleine. Des mains douces arrachent la chope vide de tes griffes et c'est une pleine que l'on te tend avec réticence. Aucun son ne franchit tes lèvres mangées par la barbe, l'on t'ignore une fois de plus, une autre charogne avinée dont le corps sera probablement retrouvé par la milice un beau matin.

La voix de l'homme à tes côtés te tire de ta maigre réflexion et autour de toi le ballet des serveuses s'intensifie alors qu'elles se pressent pour tendre une choppe au ménestrel, avides de son sourire et de ses histoires. Catins lubriques, tu penses, notant l'ironie de la situation alors que le futur amant d'une quelconque putain divertit l'assemblée de futurs cocus. Et un rire t'échappe, sec comme le claquement d'un fouet, ton regard rencontre enfin la trogne de ton interlocuteur et ce sont des braises qui dansent cette fois dans ton œil auparavant morne. Aye. Cendre.

Vous ne riez pas avec eux. Du bras, tu embrasses la salle qui s'emplit d'accords endiablés, ponctués par Voix-d'or et son histoire. Tous, tous le dévorent du regard. Tous sont des insectes devant la flamme d'une bougie. Les femmes se pavanent, les hommes le jalousent et tous l'envient. Ta tirade se termine dans un souffle et tu fixes d'un air absent le fond de ta choppe avant de l'engloutir d'une traite. Ton venin craché laisse dans ta bouche un goût amer que tu noies d'alcool bon marché, probablement coupé d'eau, peu importe. Quelques secondes passent, et tu reprends la parole. Je les hais sans les connaître. Et pourtant, ils sont la lumière et toi le misérable moustique plongé dans le chaos en dehors des murs, attiré par le chaos qui réside à l'intérieur.

Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
Séraphin ChantebrumeAdministrateur
Séraphin Chantebrume



Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
MessageSujet: Re: Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]   Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] EmptySam 10 Déc 2016 - 1:00
Le moins qu’on pouvait dire, c’est que le bougre aux bras brûlés et au regard perdu dans le vide était laconique, il émanait de lui une telle souffrance, assortie d’une ivresse conséquente. Cendre, un nom assorti aux cicatrices, le genre de nom qui voulait tout dire, l’homme était ravagé, en ruines. L’on ne recolle pas des cendres…

    “Vous ne riez pas avec eux.” Il avait dit ça sans dévisser son regard du fond de sa choppe, ou des volutes de fumée qui obscurcissaient son esprit. “Non, je suis venu ici pour boire. Ces histoires sont drôles mais je ne partage pas l'hilarité collective, si cela m’amuse je le garde pour moi et cela n’amuse que moi.” Séraphin n’était pas non plus d’humeur badine, il appréciait sa bière, le nez lui aussi plongé dans des souvenirs dont il se serait bien passé.

    “Tous, tous le dévorent du regard. Tous sont des insectes devant la flamme d'une bougie. Les femmes se pavanent, les hommes le jalousent et tous l'envient.” Avant de s’enquiller sa bière en une gorgée, l’air dégoûté, il disait les haïr sans les connaître et son mépris était teinté de nostalgie, pour la vie qu’il avait pu avoir, pour une soirée qu’il aurait certainement appréciée en d’autres circonstances. S’ils n’étaient pas tous deux morts à l’intérieur. “Son histoire devrait bientôt toucher à sa fin, ensuite nous redeviendrons deux ombres invisibles au milieu de cette foule avinée.”

    “C’est la gorge terriblement sèche que je reprends ma chronique mes amis, à mon grand dam notre Ô combien délicieuse tavernière a disparu! Et l’engouement, l’admiration la dévotion que je suscite auprès de son personnel féminin les empêche de remplir une chope, dans ladite chope, soyez rassurés cependant les tables n’auront point soif ce soir.” Il toussa en tirant la langue et renversa sa bière vide au dessus de sa bouche, tentant d’en attrapper les dernières gouttes. “Souvenez vous messires du cocu qui fendait les rues la rage au ventre, ourdissant sa terrible vengeance. Souvenez vous de la foule avide de cris et de sang qui s’amassait derrière lui!”

    “C’est avec grand fracas que notre cornard enfonça la porte de l’infâme cocufieur, du vil saligaud qui lui avait chapardé sa rombière. Croyez le ou non mon bon public, son entrée fit grand bruit, grand bruit ça oui! Et c’est au lit et fort occupés qu’il trouva les deux amants. Imaginez son courroux, son pire cauchemar juste là, sous ses yeux écarquillés. Et la donzelle qui hurle, bien plus fort qu’avec lui d’ailleurs. Ah vous pensiez qu’avant ça il était fou de rage? Que nenni! Il fumait désormais comme le cul d’un cheval que l’on vient de marquer au fer rouge.”

    Le barde s’empara de son luth comme d’une arme et mima la charge de l’homme en courant sur les tables, avant de s’effondrer au sol en faisant le mort, la langue pendante.

    “Salooooope! Hurla-t-il en chargeant tel un buffle enragé, mais halte là, souvenez vous mes amis de la maladresse de notre bien aimé pingouin. Pris dans sa folle course, il ne vit pas la latte du plancher qui dépassait légèrement du sol, se prit lamentablement les pieds dedans.” Il hocha la tête avec tristesse. “Et tomba tête la première sur son épée, mettant un terme à son cri de désespoir tandis que l’acier lui transperçait la gorge, le tuant net, comme ça!" Il émit un claquement sec avec des doigts, s’empara de son luth et salua l’assistance qui riait désormais à s’en rompre les côtes.

    “Merci nobles ivrognes, vous avez été sensationnels, que dis-je, inoubliables, bien que certains au fond n’aient pas fait preuve de la plus grande attention. Néanmoins je ne vous en tiendrai pas rigueur, mais si vous voulez bien m’excuser, je connais une demoiselle qui meurt d’envie de me connaître disons plus, profondément. Bien le bonsoir mes amis!”
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
MessageSujet: Re: Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]   Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre] Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Caracole, farandoles et goguette endiablée [Circée, Cendre]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - Quartiers populaires ⚜ :: Le Chaudron :: Aux Six Roses-
Sauter vers: