De l'art du recrutement. [Théodore Salemain]

Si il y a bien un devoir que prend au sérieux tout garde, c'est celui de s'assurer avoir assez de collègues en temps de crise. L'art du recrutement fait donc parti des savoirs précieux des vétérans, pour faire des débris ramassés en temps de crise des gardes capables, efficaces, sur lesquels on peut compter... Enfin, ca c'est pour les bons gardes. Les gens comme Odomer ont une conception différente de la chose.

Cette journée s'annonçait parfaite. Une mission comme je les aimes, de celles qui s'accomplisse avec le sourire. Aujourd'hui, c'était recrutement! Ben oui, avec les pertes, il faut toujours de la viande fraiche pour porter les couleurs de Marbrume et les refugiés sont un excellent type de recrues. Pauvres, sans droits, aux crochets de Marbrume et de not'pitié... Bref, des grouillots comme je les aime.

Il faut savoir que y'a plusieurs techniques de recrutement. Celle du jour a appliquer était un mélange subtile de la pire et de la meilleure. Elle tiens en deux points en fait. Premièrement, il faut deux gars, jeunes, en bonne santé, le physique avenant, le sourire facile, pour ameuter les gens avec des sourires et des promesses héroïques. On appelle ca l'appât dans l'métier.
Deuxièmement, il faut que les huit autres soient des malabars, des mecs durs au mal, avec la gueule qui intimide, des vétérans qui s'y connaissent pour juger de l'utilité potentielle d'un péquin en tant que milicien. Et pour s'assurer que le péquin en question décide pas de se rétracter au dernier moment, m'voyez?

Choisi pour la deuxième part, j'avais mit le paquet sur l'apparence ce matin. Fais cirer mes bottes par un nouveau encore pas habitué a voir des tripes, emprunter la jaque d'un "ami" sans son consentement et même que j'avais poli ma salade moi-même, avec ferveur. Première règle du recruteur, en imposer. Seconde règle, avoir du coffre, donc je chantonnais en me rasant une série de chansons paillardes de mon cru. Histoire de se mettre en bouche quoi.

Récuré de frais, l'équipements qui en jetait, je m'étais rassemblé avec les collègues pour écouter le discours du chef d'unité, un vieux briscard pas net, du genre propulsé a la tête de cette unité pour une raison simple. Il allait falloir ramasser pas mal de péquins et on avait donc pas le temps des belles méthodes. Les regards avaient été entendus entres les différents membres, alors que je me rendais compte après coup avoir tapoté ma matraque fétiche pendant tout le discours... Ah, y'a pas a dire, je la sentais bien cette journée.

J'avais même fini par proposé une lichette d'alcool de grain bien sec a mon voisin de colonne alors qu'un passait les portes de la ville pour rejoindre un camp de refugiés nouvellement arrivés, un grand type pas commode, pile poil mon genre quoi.

"Alors, prêt a pourrir quelques péquenots pour le bien de la cité collègue? J'sais pas toi, mais moi, je la sens bien cette journée, y'a pas a dire. J'ai l'impression d'avoir de nouveau vingt ans!

J'en souriais même, le regard limite complice, ce qui aurait pu faire peur aux passant si jamais un de ces glandus se serait amusé a se mettre en travers de not'route.

Une journée de recrutement, voilà ce qui s'annonçait pour l'emploi du temps d'aujourd'hui, et franchement ce n'était guère plus mal, après tout Theodore préféré avoir à faire face à des canailles pas du tout d'accord pour rentrer dans la milice qu'a des fangeux, en somme c'était presque une journée de repos pour lui. Constitué en grande partie d'une probable habituelle pour certains séance d'intimidation, et où il faudrait jouer au gros bras pour convaincre de pauvres bougres de rejoindre les rangs de la milice d'exploration qui a un taux de perte tristement élevé comme tout le monde le sait…

Et bien entendu Theodore fut incorporé dans la partie gros dur de l'unité de milicien qui s'occuperait du recrutement aujourd'hui. Enfin s'il jouait bien le jeu il n'aurait pas à frapper grand monde de toute manière, après tout la plupart des pécores qu'ils allaient recruter seraient peut-être gaillard, mais pas assez stupide pour vouloir se battre avec une unité de milicien juste pour ne pas être recruter, quoique pour beaucoup d'habitants être incorporé à la milice d'exploration c'était comme signer son arrêt de mort donc il y aurait forcément du grabuge.

Et il s'y préparait déjà à vrai dire. Lui aussi avait une matraque après tout, et vu sa force il savait cogner dur avec. Un coup de matraque derrière la tête, et pas grand monde venait vous enquiquiner. C'était du sale boulot certes, mais c'était le boulot, et le boulot nécessaire pour la survie de Marbrume, et pour le bien de la milice d'exploration, et puis il était payé pour ça donc oui Salemain n'avait aucun état d'âme à se salir les mains aujourd'hui.

Matraque, gambison, et arbalète. En somme l'équipement idéale pour ce qui allait suivre certainement. Pour sa part Theodore savait qu'il n'allait pas s'ennuyer aujourd'hui, et visiblement les autres gars dans son unité n'avait sûrement pas l'air de tendre cueillant des fleurs sur les bords de la route, et câlinant des chatons. Bien car franchement généralement les recrues étaient plutît prompet à gaffer dans ce genre de mission...

Surtout que le sergent leur avait dit qu'il fallait s'attendre à ce qu'il y ait du grabuge de un, et aussi qu'il allaient devoir passer à la manière forte pour recruter rapidement, et efficacement vu qu'il fallait recruter pas mal de monde ! A croire que la semaine dernière avait disons été assez préjudiciable aux effectifs de la milice, mais bon c'était assez prévisible à vrai dire… Et on alla donc marcher en colonne vers un nouveau camp de réfugiés aux abords de la ville…

Et il était à côté de quelqu'un qui avait l'air coriace, et pas forcément des plus fréquentables. Le genre de mec qui t'inspirait la bagarre, et surtout qui montrait qu'il était un dur. Le même dur lui proposa une lichette d'alcool que Theodore ne refusa sûrement pas, après tout même si ce n'était pas fameux c'était toujours agréable d'avoir à boire gratuit… Et l'autre lui dit qu'il ce sentait de bonne humeur pour cette journée, il y en avait pour tout les goûts après tout.

« M'est avis qu'on va surtout devoir bientôt refaire une tournée après celle-ci. Vu la vitesse à laquelle on a des pertes. Je parie qu'il y aura même pas la moitié de ces gars qui survivront aux deux premières semaines de services. » Dit Theodore tout à fait réaliste. Pour dire il fallait avoir de solides arguments pour arriver à convaincre ces péquenots de s'engager, mais bon ils ne manquaient pas vraiment de ces « solides » arguments au final…

« Je suis pas vraiment habitué à ce genre de mission, on me balance plus souvent dans les missions au milieux de la tourbe des marais à vrai dire, t'aurais bien quelques astuces ? Surtout que le sergent a dit que ceux qui ramèneront le plus de monde auront une petite prime, je te donnerai une partie de la mienne si tu m'aide. » Dit Theodore intéressé, après tout il n'était pas le milicien qu'on affectait le plus à ce genre de mission à vrai dire, mais bon. Pour une fois qu'on ne le balance pas au fond des marais, et qu'on promettait une prime s'il était efficace autant en profiter !

J'opinais du chef tranquillement en écoutant le type causer. Bons dieux, il avait envie d'parler celui-la tiens. On aurait pas cru a sa tronche de baroudeur, j'm'étais plus attendu a un "humpf" d'assentiment qu'autres choses. Pas que la surprise soit désagréable, attention hein. D'autant que le type avait de l'idée. Une association. Une manière comme une autre de s'assurer de toucher la prime. J'avais donc détaillé plus en détail mon nouveau compère avant d'hocher de la tête, un sourire roublard moins qu'engageant pour nos futures recrues sur les lèvres.

"Ah ça, on peut dire qu't'es bien tombé mon pote.

Permet moi de te dire qu'j'ai d'la bouteille dans l'exercice, c'loin d’être la première fois qu'j'fais l'coup. Pour aujourd'hui, j'avais pensé a deux options, permet que je t'expose.

Petit un. Tu vois les deux beaux parleurs? Soit suit le plan de base et on s'assure simplement que les types qui tombe dans l'panneau signe comme il faut. Mais même a deux en équipe, ça risque d’être tendu de faire du chiffre, vu que c'est les deux belles gueules qui vont ramasser les glandus. Apres, y'a une autre approche.

C'est la petit deux. On prend par le ventre. La plupart des réfugiés on genre pas un rond, donc se font nourrir par la ville, avec des distributions. Donc une bonne technique, c'est d's'pointer a ces dernières pour repérer les bons péquenots qui feront de la recrue qui se tient, avant d'les isoler genre "stratégiquement". Et ent'temps, on s'occupe de visiter les lieux de rassemblement d'gars utiles, genre les débits de boissons de fortune ou les forges et autres qu'exploitent les bras de ses types la et paf, on propose une alternative gratifiante, qu'rapporte et avec du statut!

Alors, t'en pense quoi?"

J'avais baissé d'un ton en exposant le petit deux, ayant pas envie de partager avec les concurrents pour la prime. Hey, on peut être collègues, mais pour autant, on partage pas l'pognon en collectif sauf grosse somme, faut pas déconner. D'autant plus qu'on pénétrait dans le campement de tentes et d’abris de bric et de broc qui découlait forcement de l'installation de réfugiés tout juste arrivés, des zones pas toujours calmes, beaucoup ayant perdu tout ou presque y compris des proches, ce qui laissait les gars amers et bagarreurs, prompt a s’échauffer les sangs, même contre de la milice. Surtout si on voulait du spécimen qui cogne bien.

J'gardais donc l’œil aux aguets, commençant le repérage des endroits a visiter au cas ou il préférerait l'option deux, qui était de toute façon plus efficace a deux. De un, parce qu'on pouvait faire plus de gens. De deux, parce que s'était plus sur. Certains gens avaient des dents contre la garde pour les laisser poireauter dehors après tout.

En tout cas, y'avais pas dire, on voit vraiment de tout dans les camps de réfugiés. Du paysan loqueteux au bourgeois en détresse, du bûcheron a l'ouvrier bine massif, en passant par le vieux mercenaire couturé de cicatrices. Belle journée et et beau gibier. Qu'demander de plus? A part une demoiselle a lever, évidement.

Héhé oui Theodore n'était absolument pas le genre d'homme à passer par dessus une proposition éventuelle de faire des solides bénéfices, y compris si cela devait consister à faire des associations à des buts pas forcément reluisant. Après tout Salemain n'était-il pas un ancien mercenaire de profession ? Ah et oui il avait ce talent dont est doté chaque mercenaire de sauter sur les opportunités de se faire de l'argent, et mine de rien la paye de la milice était acceptable surtout celle d'exploration car c'était la plus dangereuse, mais s'il y avait moyen d'avoir des bonus il ne dirait sûrement pas non. Après tout cela pourrait faire des solides économies pour d'éventuels lendemains difficiles…

Il écouta donc la proposition d'Odomer qui consistait en une bonne chose, ne pas du tout faire comme prévu, et le faire en solo, ou plutôt en duo. En allant recruter aux-mêmes de futurs miliciens. Action, argent, profit, et un peu de divertissement. Tout ce qui en soit pouvait plaire à Theodore…

Après tout il avait une solide carrure comme l'autre, quoique l'autre avait l'air plutôt du genre d'homme à encaisser les coups solidement alors que Theodore était plutôt du genre de ceux qui cognent violemment. En somme deux belles brutes bien charpentés, et intimidantes. A deux il était sûr qu'ils pourraient sans doute récolter une belle somme d'argent, chacun sa prime, Theodore donnera une partie de sa prime à l'autre en remerciement. Et par la suite aux futurs mission de recrutement Salemain appliquera cette technique si elle s'était avéré efficace. Un plan idéal en somme…

« J'pense qu'on va faire ça… Avec peut-être un, ou deux discours culpabilisant placés au bon moment pour justifier nôtre recrutement pourrait nous permettre d'user de la manière forte au cas-où... » Suggéra Theodore, ah oui c'était une idée après tout d'asséner à un réticent au recrutement qu'il se nourrissaient aux dépends de la cité, et refusait honteusement de procéder à la défense de cette dernière était un bon moyen de procéder à la diplomatie par d'autres moyens en justifiant leurs actions. Et ainsi ils toucheraient plus aisément leur prime, en tout l'astuce qu'avait énoncé l'autre lui semblait être un bon plan. Un plan bien salaud, mais la garde avait après tout besoin de recrues donc Theodore ne ressentirait aucune honte de procéder au recrutement ainsi par exemple…

Et Theodore épia donc le camp lui aussi pour voir que c'était bien un camp de réfugié bien loqueteux précaire, et grouillant de gens. En résumé idéal pour le recrutement auquel ils allaient procéder tout deux. Theodore avisa sa matraque qu'il fit légèrement tournoyer dans sa main, et intima un geste à son collègue pour qu'il le suive alors qu'ils se séparèrent discrètement de leur unité qui allait procéder au recrutement du premier type. Eux deux allaient procéder à celui du deuxième type. Et la chance était avec eux car ils avisaient déjà plusieurs groupes de jeunes voyous, ou autres assez solides. Des recrues idéales en sommes…

« On pourrait aussi tricher en recrutant les femmes… Après tout la milice est pas fermé à cela. Et la prime est offerte en se basant sur le nombre de gens recrutés, pas leurs qualités de soldat... » Proposa Theodore pragmatique, et puis certaines femmes préféreraient peut-être la milice au fait de devenir catin pour nourrir leurs enfants. Autant donc profiter de cet état de fait.

Enfin suite à cette proposition Odomer, et Theodore tombèrent sur un lieu de rassemblement qui semblait être l'un de ces endroits où l'on distribuait la soupe dans le camp… Bien, on allait s'amuser...

Et beh en voila un type qu'il était bien. Bon, j'voyais clairement pas le lien entre culpabilité et manière forte, mais ça tenait du détail au final. J'tapotais quand même sur l'épaule du chef avant de quitter la colonne, histoire de le prévenir qu'on allait faire les choses a not'maniere d'un clin d’œil appuyé. Et zou, en était parti dans le dédale de tentes de fortune, pour observer les pécores locaux. Du tout, bon comme mauvais, mais plutôt de l’appréciable. Apres tout, y'a que les plus chanceux et forts qui traverse les marais pour arriver ici, a moins d'vouloir d'se sacrifier pour une gonzesse ou un amant.... Bref, des conneries minoritaires quoi.

Le truc sur les femmes était par contre pas con du tout alors que j'observais depuis un rabat de tente la distribution de la soupe insipide offerte par la ville aux réfugiés. Dans un sens, même si les gonzesses sont moins taillées pour le combat, un coup reste un coup, une demoiselle un collègue appréciable et puis, faut bien du personnel pour l'entretien des lieux, l'appro etc aussi... On est pas tous que des combattants au fond.

J'me frottais le chaume dru du menton un moment, reflechissant a la marche a suivre, avant de chopper par le col un des gamins qui gambadait dans le camp, extirpant une piece d'argent de ma bourse.

"Ecoute moi bien morveux, j'vais pas repeter.

Y'a la Milice qui offre une opportunité t'vois. On recrute des gens, pour aller rouster du fangeux, maintenir l'ordre, etc... Et comme on le sait tous, parce que la Milice est importante, ca veut dire bouffer tout les jours comme il faut, dormir dans un lit, toucher une solde et avoir des collegues sur qui on peut compter.

Donc tu vas faire passer l'mot qu'on sera libre pour en discuter d'ici avant l'crépuscule aux Deux Têtes. Et si y'a assez de monde venu.... mettons que tu pourrais avoir une petite piece en plus tu piges?"

Sans un mot d'plus, j'avais envoyé bouler le gamin comme un malpropre d'une taloche, question d'apparence, avec un clin d’œil a mon collègue. En offrant un recrutement plus tard, plus discret, on attirerais surement mieux les types qui avaient quelques... soucis avec la garde. Les efficaces quoi. Et puis... on pourrait profiter des joies de la taverne aussi, au passage dirons nous. Une pierre, deux coups!

Sans en dire plus sur mes intentions, j'sortais de sous l'auvent pour m'approcher de la distribution, utilisant carrure et uniforme pour pousser les pécores et venir voir la marmite de soupe tellement délavé qu'on aurait pu croire de l'eau. J'esquissais ma plus belle grimace de dégoût en pointant du doigt la marmite, parlant assez fort pour que ça s'entende, mais pas trop pour pas sembler jouer la chose. En plus, c'était purement vrai.

"C'pas triste quand même qu'on puisse donner qu'ça aux gens hein? J'aurais presque honte quand j'compare ça avec not'ordinaire, pas toi? Mais bon, on peut pas donner a tout l'monde la même chose hein. Y'a des gens qui bossent pour la ville après tout. Et les dieux savent qu'on est pas assez tiens avec tout les gens en plus..."

Première étape, dénigrer ce que reçoivent les réfugiés et faire entendre qu'on a mieux et qu'on manque de gens. J’espérais juste que le collègue serais assez vif pour chopper le coche et renchérir une petite couche avant qu'on s'mette a s'éloigner, pour appâter le chaland quoi. Le recrutement, c't'un art qu'j'vous dit.

Le temps du recrutement était arrivé, et sans doute aussi celui de bientôt remplir généreusement sa bourse, après peut-être qu'il y avait parmi les réfugiés des personnes qu'il serait bien de connaître, et d'avoir dans ses petits papiers un jour, mais cela on le verrait bien après car pour le moment c'était tournée générale pour le recrutement. Deux brutes aussi musclé qu'un taureau, et aussi charismatique, on savait déjà de quels ton serait les arguments qu'ils allaient déballer pour ramener parmi eux une pleine fourrée de jeunes miliciens heureux de mettre leur vie en jeu pour le bien de l'humanité, enfin officiellement…

D'ailleurs l'autre semblait d'accord quand au fait de recruter des gonzesses, certes ce serait une bonne idée, et puis mine de rien elles pouvaient être de bons combattantes, même si en vrai ils allaient les recruter surtout pour gonfler le nombre de recrues qu'ils allaient ramener, certes ils ramèneraient si possible de la qualité, mais aujourd'hui l'objectif c'était remplir sa bourse. Puis pour sa part Theodore saurait sans doute passé à travers les implorations en charme de certaines femme pour les amener dans les rangs. Comprenons par là qu'être asexuel n'avait pas que des avantages, puis à ce qu'il sache avoir une poitrine n'empêchait pas de se battre hein ?

Et Odomer avait ses stratégies visiblement pensa Salemain en le voyant prendre à parti un gamin, et en lui proposant une pièce, ah c'était une assez bonne idée mine de rien. Il n'y aurait pas penser tout de suite, mais c'était un coup à retenir pour la prochaine fois, et qui sait ? A force de ramener pleins de recrues on pourrait peut-être finir par attirer l'approbation des supérieur au point d'avoir une promotion, doux rêve, mais envisageable…

« Et oublie pas petit de mentionner que faire parti de la milice donne accès à certains privilèges... » Rajouta t-il mine de rien après Odomer, car après tout il n'y avait pas que l'argent, et un lit qui intéressaient les potentielles recrues. Enfin disons qu'aujourd'hui ça allait certainement consistait en pleins de types de recrutements différents, mais d’abord procédons à celui qui n'était pas forcément en subtilité.

Et cette subtilité consistait à dire en publique devant un ragoût clair à croire que c'était surtout constitué d'eau que la milice avait bien mieux que ces qu'avaient ces réfugiés ce qui n'était guère faux… En plus d'être royalement fourbe, mais bon… Theodore en rajouta en disant calmement du ton pour donner l'impression qu'il n'avait pas envie de l'hurler sur tout les doigts, histoire que ce soit surtout ceux de la première rangés qui l'entendent, et partagent ses propos avec les autres.

« Perso j'étais comme eux avant, puis me suis engagé. Je regrette pas, de l'argent, un lit chaud, et de la nourriture. Mais de toute manière on peut pas se permettre de recruter tout le monde, dommage pour ceux qui viendront pas se présenter en premier. Surtout que les denrées se font rare niveau nourriture, et qu'on doit nourrir ceux qui sont vraiment utiles à la cité... » Ce qui était entièrement vrai pour le dernier point, quoi de mieux après tout que de jouer sur la peur de subir une famine? Et il acheva cela tout en suivant son collègue alors que les réfugiés semblaient murmurer entre-eux… D'ailleurs pour en rajouter encore une couche Theodore sortit quelque chose de très rare de sa sacoche. Du saucisson ! Qu'il tendit en partie à son collègue, du saucisson obtenu en aidant un contrebandier, mais les réfugiés croiront probablement que c'est ce qu'obtiennent les miliciens. Et puis de toute façon le comment Salemain avait obtenu cela personne n'avait à le savoir...

"Alors on aller recruter de la donzelle en attendant je pense... Par exemple ces filles qui pensent que la milice leur offrira la sécurité, et la possibilité d'échapper aux viols qui sont assez courant dans ce genre d'endroit devraient être de parfaites candidates." Suggéra t-il, après tout c'était humain de chercher une certaine forme de protection par les temps qui courrent...

Dans un sens, le collègue en faisait juste un peu trop pour moi. J'veux dire, Autant j'aime le saucisson, comme tout le monde, autant en brandir un ici chez des types visant de la générosité de la cité... C'était p'tête un peu exagéré. Et pas forcement une manœuvre prudente, n'étant que deux. On allait pas tuer pour un saucisson, faut pas déconner, mais... Disons qu'susciter l'envie, c'est une chose. Mais faut pas en abuser. Question de.

"Ouais enfin, sécurité, a condition d'savoir se défendre quand même hein. Moi, les brindilles, c'est pas top mon truc comme collègues. Autant devenir pute a ce niveau la quitte a être payer pour ca."

Pour autant, les regards s'étaient pas emballés et j'avais pu mâchonner une tranchouille de sauciflard tranquillement, ne recevant que quelques vagues questions de pécores a l'heure actuelle, de toute façon, fallait pas s'attendre a un mouvement de foule de suite. Nan, avec ce genre de méthodes, faut que les gens en discutent, réfléchissent et débattent pour se mettre d'accord. Ca élimine d'office les impulsifs crétins, laissant que des gens qui veulent genre vraiment se tirer de leur misère. Des motivés quoi. Le reste peu toujours continuer a se branler en maudissant le sort, c'est pas mon problème mais ils ne se sortent pas les doigts après tout.

La suggestion de passer voir les bonnes femmes n'étaient pas forcement mauvaise par ailleurs, l'heure n'était pas juste de toute façon pour croiser les travailleurs manuels, ceux qui allait surement constitué le gros du recrutement, pour lâcher le marteau ou les postes pourris de dockers et gagner en statut. Mais ca, ca attendrait le crépuscule et de faire un petit tour des débits de boissons sommaires établis dans le coin. Enfin, pour les travailleurs, certains glandus pouvaient déjà être trouvés en train de cuver a c'te heure.
Parce qu'on avait déjà fait quelques tours dans le quartier en reconnaissance les jours précédents, j'avais pu guider tranquillement le collègue vers le rassemblement des ménagères, ces bêtes ayant l'instinct grégaire. Comme quoi faire la lessive est tellement chiant qu'il faut le faire en groupe.

"Pour l'coup, j'suis plutôt connu de ses dames en fait, vu qu'certaines m'font la lessive de temps en temps. J't'laisses mener la danse, c'te dit?"

Et puis, c'était aussi l'occasion de voir le grand gus a l'œuvre pour estimer d'sa valeur. Apres tout, mieux vaut pas miser sur le mauvais cheval quand on cause de primes. Surtout qu'aux clameurs pas loin, ca racolait sec du coté des autres, fallait donc mettre les bouchées doubles pour s'assurer des bonnes recrues en temps et en heure.

Badiner un chouia avec ces dames, héler les quelques tête connues, vu que j'avais pas hésité un seul instant a profiter de la misère des gens pour négocier des tarots pour la lessive de mes frusques et zou que je m'asseyais dans un coin d'ombre pour observer l'artiste.

J'gardais l'œil alerte tout d'même, par habitude, captant fugacement les traces de not'p'tite conversation et du racolage en fanfare des camarades. Des brides de conversation entre campeurs locaux, quelques coups d'œil a l'uniforme mais aussi des types pas forcement jouasses de nous voir, d'autres qui surveillaient clairement... Bref, le râble usuel.

Oui il en faisait trop, et il s'en apercevait après coup, mais bon… Était-ce vraiment si grave ? Pas forcément, surtout qu'il tapait vraiment dans le mille. Enfin dans tout les cas Odomer fit une remarque censé en faîte, et Theodore ne pouvait qu'avouer que c'était vrai en ce point. Il valait mieux après tout recruter des mecs qui n'avaient ne serait-ce qu'un peu de muscle pour s'assurer de pas finir en steak pour fangeux.

« Pas faux surtout si on veut être reprit pour la prochaine tournée. » Réfléchit-il, et c'était un bon moyen de passer par dessus une mission dans les marais donc il ne dirait pas non pour être reprit à la prochaine tournée. La prime après était un luxe agréable, mais ce qui l'intéressait vraiment au final c'était la sécurité de jouer aux recruteurs, après tout au pire on faisait face à des pouilleux armés de couteaux, ce qui est bien moins remuant qu'un fangeux agressif tout compte fait…

« Oui, oui, je vais le faire. » Dit-il ensuite en cachant son hésitation quand Odomer lui proposa de se charger du recrutements des femmes, oui ces êtres humains qui avaient un truc de plus en haut, un truc de moins en bas au final, rien de bien différent. Et qui avaient moins de muscles aussi notons au passage, mais bon Theodore était plus un je m'en foutiste latent envers les femmes qu'autre chose…

« Mesdames ! » Commença t-il donc à dire d'un air enjoué, et en énonçant tout de suite la cruelle vérité.

« Est-ce que vous voulez continuer à passer vôtre vie à faire la lessive pour des hommes qui pissent dans leur froc, ou traîne celui-ci dans des endroits pas clair ? Est-ce que vous voulez que les hommes vous traitent toujours comme un objet avant de vous ignorer sèchement. Est-ce que vous voulez succomber à force à l'ennui de vôtre quotidien chiant de ménagère qui n'a pas vraiment changé malgré les fangeux ? Et être à la fois l"esclave de vôtre mari, et des événements? » Soit il mettait les pieds dans le plat, soit il enfonçait rudement une porte qu'il fallait enfoncer, au choix…

« Réfléchissez ! Nous avons tous perdu beaucoup suite à l'arrivée des fangeux, nôtre confort, nôtre foyer, des êtres proches... » En faisant un effort pour prendre un air insisté avant de dire comme un encouragement. « Qu'est-ce qui a changé en bien ? RIEN ! Est-ce que cela va s'arranger ? Vous direz que cela dépend de nous les hommes, mais voyez bien on est toujours dans la merde malgré nos efforts. Tandis que vous ? C'est l'occasion de changer les choses pour vous, ou de démarrer une nouvelle vie ! Vous savez j'ai une amie dans la milice… Elle était comme vous avant, et il y aussi une sergente dans nos rangs… Oh bien entendu elle a du mal à monter en grade, et tout mais elle y est arrivé quand même par effort, et détermination. Faire la même choses qu'elles ne dépend que de vous, et de vous seules. Sur ce…. » Dit-il en terminant sa prestation, et en se dirigeant vers son collègue qui attendait…

« Alors, pas trop mal ? » C'est qu'il avait jamais essayé de recruter des gonzesses, alors quand à savoir la technique optimale pour le faire...

J’dois bien reconnaître, si je sentais plutôt bien le collègue à la base, le discours du type m’avait fait hausser plus que le sourcil. Non pas que ce soit juste complètement barré comme manière de présenter la chose, mais là, on touchait à la folie furieuse. Il voulait provoquer une émeute ou quoi avec ce genre de propos ? Clairement, il déconnait pas en disant que c’était la première fois qu’il faisait ce genre de trucs. D’autant plus en exprimant un avis pour le moins atypique dans… le coin, le quartier, la région, le putain de monde ? Fallait quand même en tenir une sacré couche pour si ce n’est que penser à ce genre de discours, côtoyer le collègue se révélant donc sacrement plus douteux qu’j’le pensais de prime abord.

Ni une ni deux, j’avais battu en retraite l’air de rien avant même le retour de l’hurluberlu, dans le genre a prendre la première ruelle venue pour s’éviter les emmerdes. Quelle foutue idée stupide lui était venue de déclamer bousin pareil a la cantonade comme un prophète de foire. « Esclave de leurs maris », « quotidien chiant de ménagère », « traite comme un objet avant de vous ignorer » ? Sûr que ça allait leur plaire à certaines, les plus rétives, celles qu’avaient pas choisies, celles qui ne se fondaient pas dans la société, tandis que les bien-pensantes iraient hausser le nez de dédain devant pareil déclaration. Sauf que le p’tit souci, c’est qu’autant, un grouillot lambda qui vient sortir ses grands discours, à la rigueur, on s’en cogne. Un milicien qui vient ouvertement recruter des gonzesses en leurs disant d’envoyer se faire foutre leurs très chers, ça, ça allait passer très, très moyennement parmi la population locale, du genre sans le sou, sans un vrai toit, forcé de bouffer ce que la ville leur filait neuf jours sur dix.
J’étais presque à écharper le collègue du ton donc à son arrivée, en plus visiblement content de lui le glandu, en tournant les talons solidement, pour rapidement s’éloigner de la commotion qui commençait à se former sur la place des lavandières, pestant entre mes dents serrées.

« Non mais t’es complètement malade ou quoi ? Tu veux déclencher une guerre dans le quartier pov’taré ?

J’sais pas si tu réalises, mais là, ça va mal finir pour nous cette histoire. Déjà que ces types ont rien, tu veux en plus embrigader leurs femmes à s’émanciper, à envoyer chier les maris et à demander une meilleure situation ?
Bons Dieux, mais elle fonctionne ta caboche ou t’as pris trop d’coups sur le carafon pour penser clairement ?

On se taille fissa avant que ça parte en délire ton histoire-là. Tu peux te sucrer la prime là ou je pense, je reviens pas dans le quartier avant un moment moi.
Grand escogriffe malade va. »

J’l’avais entraîné par le bras avec urgence, pour aller se perdre dans le dédale de ruelles avant que les plus enthousiastes nous abordent et que les maris en question, un poil énervés pour certains d’imaginer le statut quo changer vienne nous accueillir comme il se devait, à grands coups d’instruments divers et plutôt mauvais pour l’intégrité corporelle.

« Mais tu te rend compte de ce que tu racontes, Trois Dieux ? Le but, c’était de recruter la ménagère seule, sans enfants ni mari, du genre la pov’dame perdue qui se retrousse les manches pour vivre. Pas de vouloir déclencher une émeute bon sang ! »

Sauf qu’y a deux trucs à savoir dans le quartier. Premièrement, les ruelles sont tortueuses. Parfois, pour aller à l’est, faut partir au sud. Ce qui fait que la, sans même m’en rendre compte, pressé comme tout, je ramenais vers l’intérieur du quartier mon collègue fêlé du carafon. Secondement, les nouvelles vont vite. Très vite. Et les « honnêtes citoyens » qui nous surveillaient du coin de l’œil avaient pris le coche, clairement.

On s’en est rendu compte au détour d’une ruelle, en tombant sur quatre mecs costauds, du genre forgerons de métier, la gueule barrée d’un vilain sourire, celui qui indique que ça va barder sa mère. Le tout, avec des barres a mines pour trois d’entre eux et un foutu bec de corbin pour le dernier. Je ne savais pas où ce bâtard avait récupéré un truc pareil, mais ça allait saigner, tout l’indiquait.

« Tiens, on vous cherchait les gars. C’tombe vachement bien d’vous croiser, hein les Copains ? »

La grande brute armée avait le ton gouailleur du type qui se prépare pour la curée, sous les rires gras de ses potes, visiblement en partie avinés. Si les croquants n’avaient pas forcement l’air au meilleur de leur forme, l’alcool n’aidant pas tout à fait à l’équilibre du quidam moyen, il fallait bien reconnaître que ces derniers en imposaient, surtout après un petit coup d’œil à l’arrière ou les pas de porte semblaient du genre à abriter une certaine quantité de spectateurs. Comme quoi, si jamais on faisait un pas en arrière, y’avais pas que nos réputations qu’allaient souffrir aujourd’hui.

« Putain… »