Les noctambules, partie 3 [PV Aenor & Hector]

Le temps était venteux. La fin des festivités annonçait sans doute une nouvelle étape de la vie de la grande cité. Une étape qui se jouerait sans le baron de Sombrebois, une étape sans doute orageuse. Les coups de tonnerre, au loin, faisaient penser à des roulements de tambours guerriers, mêmes si les guerres, depuis longtemps, ne nécessitaient plus de tambours. Les fangeux ne connaissaient pas la peur...

Hector était d'humeur maussade ce soir. Nous il n'avait pas plus de souci que d'habitude mais son histoire avec Aénor lui trottait dans la tête. Cette histoire était bizarre. Une rencontre improbable au beau milieu de la nuit, un rêve qu'il croit idéal mais une réalité qui le rattrape. Bref, le baron de Sombrebois avait promis qu'il retournerait voir la jeune mercenaire avant son départ et qu'il l'aiderait. Et il tenait à l'aider. Il y tenait car il l'aimait bien cette petite. Bien plus qu'elle-même ne semblait le croire. En tout cas, ce soir là, il descendit la grande rue des Hytres, passa chez une fleuriste acheter un joli bouquet aux teintes chaudes et tenta de retrouver la petite place bucolique où ils s'étaient assis. Cette nuit passée lui semblait maintenant si lointaine qu'il se perdit dans les jolies ruelles de son quartier. Par chance, il suivit un chat qui le ramena auprès du banc où ils s'étaient assis. Il posa une main dessus, l'air un peu triste. Puis il alla jusqu'à la bâtisse où elle l'avait fait entrer il y a de cela 3 ou 4 jours et frappa à la porte.

Toc toc toc
- Aénor... c'est... c'est Hector.

Il était habillé de manière très formelle ce soir là. Il portait son pourpoint de soie rouge orangé et son chapeau noir à plume blanche. A sa ceinture il portait sa grande hache de guerre, une petite hachette de jet et une bourse remplie d'or. Il n'avait pas vraiment de plan en tête. Il voulait déjà savoir comment allait Aénor, si, par hasard, elle avait quelque signe d'une non-grossesse... et si ce n'était pas le cas, il verrait bien comment il pourrait l'aider.

Toc toc toc

Il n'était guère rassuré le grand baron. Il craignait l'humeur d'Aénor. Serait-elle apaisée ? Serait-elle toujours en colère contre lui ? Il n'aurait su chiffrer les probabilités pour chacune de ces hypothèses ; la jeune femme était si changeante...

Aénor était mal en point, ses règles s’étaient déclaré la vieille et comme depuis les toutes premières elle souffrait le martyre. Elle avait mal dans le bas ventre, la sciant en deux de douleur. Cela même irradiait dans le bas de son dos et elle avait envie de vomir. Parfois elle se demandait comme un quelconque dieu avait pu rendre la femme aussi souffrante. Non seulement accoucher était une épreuve, mais il fallait porter l’enfant pendant neuf mois et supporter ses règles tous les mois. Les hommes avaient bien peu de chose à faire en comparaison. Leur appétit sexuel provenait sans doute du fait qu’il n’avait pas autant à réfléchir que les femmes pour savoir si c’était le bon moment ou pas.
Emmitouffler dans sa couverture et se déplacent au ralentit, elle s’était lever pour se faire une infusion de feuille de framboisier, l’un des rares choses qui faisait tomber la douleur. Son eau bouillait sur le petit feu de la cuisine. Elle en avait fait suffisamment pour s’octroyer une bouillotte bien chaud.
Malheureusement, ses réserves d’eau commençait à être bien entamer quand soudain quelqu’un frappa à la porte. Elle se demandait qui cela pouvait bien être. Personne ne connaissait son adresse sauf le…

" Aénor... c'est... c'est Hector. »

*Le Baron? mais que fait-il ici?*

Elle se déplaça a petit pas dans l’appartement pour ranger rapidement son lit, des livres trainaient de partout. Elle se rendit à la porte quand la deuxième salve de demande se fit.
Elle entrouvrit la porte et vu le Baron en habit. Il était très élégant et portait un bouquet.

*Tout ses efforts pour moi? il doit vraiment avoir envie de se faire pardonner…*

" Messire, je m’excuse mais je ne suis pas aussi bien habillé que vous, je suis même plutôt négligé et n’est que du thé à vous servir, mais je vous en pris… entrez"

Aénor ouvrit en grand la porte, toujours enrouler dans sa couverture. Une crampe au ovaire soudaine l’a fit grimacé de douleur, mais elle tenta de se contenir.
Le Baron entra dans sa demeure. Elle referma la porte et se pressa, à une vitesse d’escargot, enveloppé dans sa coquille jusqu’à la petite cuisine pour préparer deux tasses de thé à la Framboise. Le thé n’était pas adapter au Baron, mais il l’était pour elle. Elle n’avait pas pu se déplacer hors de chez elle, ainsi elle n’avait plus rien a présenter à Hector, mais elle n’attendait pas non plus sa visite.

" Que me vaut cette visite Baron? Je ne vous attendais pas…"

Elle lui indiqua la petite table devant la fenêtre pour qu’il s’installe et apporta les deux tasses sur la table.

Un grand soulagement emplit le cœur d'Hector en voyant Aenor qui, malgré son attitude étrange, semblait sincèrement contente de le voir...

- Messire, je m’excuse mais je ne suis pas aussi bien habillé que vous, je suis même plutôt négligé et n’est que du thé à vous servir, mais je vous en pris… entrez.

Hector lui tendit le bouquet de fleurs.
- Tenez Aenor, c'est pour vous... Je tenais à m'excuser pour ce que j'ai fait hier... et surtout...

Mais la jeune femme, enroulée dans ce qui semblait être sa couverture, se déplaça vers sa cuisine...

Est-elle enceinte ? Elle semble nauséeuse...

Hector n'en menait finalement pas la large...

- Que me vaut cette visite Baron ? Je ne vous attendais pas…
- Et bien... hum... je venais pour... avoir de vos nouvelles, savoir comment vous alliez.

Elle indiqua une petite table devant sa fenêtre et Hector s'y assit. Dehors la nuit était noire et l'on apercevait des feuilles d'arbres voler, tournoyant autour de la place et de son beau chêne centenaire. Le vent sifflait par les interstices de la fenêtre de la cuisine rendant l'atmosphère légèrement inquiétante.

- Merci, fit-il lorsqu'elle posa une tasse fumante et odorante devant lui, vous m'avez l'air souffrante... Est-ce que c'est grave ?

Instinctivement, il pria les trois - et particulièrement Anür - pour qu'il ne s'agisse pas de nausées. Son regard étaient moins assuré qu'à l'habitude. Il allait de la tasse à la couverture d'Aenor en passant subrepticement par les yeux de celle-ci. Et puis il sentit son chapeau glisser sur son front.

- Oh, je l'avais oublié, lui !

Il enleva son couvre-chef et le déposa sur le rebord de la fenêtre.

Aénor tendit une tasse brulante de thé à la Framboise au Baron, espérant que cela lui suffirait. Elle s’installa sur la chaise en face de celui-ci toujours enrouler dans sa couette, secouer de sueur chaude et de sueur froide, parfois les deux en même temps.

"Merci, vous m'avez l'air souffrante... Est-ce que c'est grave ?"

Aénor éclata d’un rire tonitruant. On lui avait rarement fait la blague de lui demander si avoir ses réglés était grave. Malheureusement pour elle, la blague tout aussi hilarante qu’elle était provoquait des mouvements trop brusques pour lui atténuer la douleur.

"Je ne pense pas que c’est grave non, mais c’est une affaire féminine bien trop souvent douloureuse pour nous, pauvre petite chose fragile."

Elle vit une expression de soulagement passé sur le visage du Baron. Vu son intonation, il avait dû longuement réfléchir à ce qu’elle lui avait dit dans la rue l’autre soir.

"Et quand bien même ça aurait été ce que vous pensez, je me serais très probablement débrouiller seule. Je suis le genre de personne qui assume ses responsabilités face à ses… je ne dirais pas erreur, mais plutôt agissement. Je vous ai poussé à le faire et je n’aurai pas dû ou tout du moins j’avais le devoir de vous dire que je ne voulais pas de cette pratique…"

Aénor se perdait dans ses explications. Elle avait réagit sur un coup de sang et n’avait prit la peine de réfléchir que bien après leur altercation. Elle espérait que le Baron ne lui en tiendrait pas rigueur.

"J'espère que vous arriverez à me pardonner messire…"

Elle prit sa tasse de thé, souffla légèrement dessus pour refroidir le liquide et avala deux grandes gorgées. La chaleur se répandit en elle, lui apaisant les entrailles des contractions dont elles étaient la cible depuis un peu moins de 24h.

Aenor du voir le visage d'Hector se détendre peu à peu, retrouver progressivement son expression de bien-être et de tranquillité. Elle venait, par ses mots légèrement confus, de lui retirer une bonne épine du pied.

- Je ne sais pas qui de nous deux est le plus soulagé, mais sachez que je suis heureux de ce dénouement... Je sais bien que vous ne comptez pas me garder à vos côtés d'une manière ou d'une autre... mais, tout de même, sachez que vous comptez, pour moi...

Trèves d'effusions, le baron aurait pu dire quelque chose de bien trop gros en continuant sur ce chemin là. Heureusement, il s'en rendit compte et préféra goûter la tisane d'Aenor. Celle-ci avait le bon goût des framboises.

- Mmmh, c'est très bon Aenor ! J'aime beaucoup.

Le plic ploc des gouttes de pluie contre la mince vitre de la cuisine d'Aenor offrait à ce moment une musique qu'Hector trouva fort agréable - ou peut-être était-ce l'annonce de la bonne nouvelle qui donnait à Hector une impression positive à ce bruit familier. Il but une autre gorgée de thé et se leva. Il avait envie de prendre la "petite chose fragile" dans ses bras mais il s'abstint. Il était dans une drôle de situation finalement. Ex-amant, ami peut-être ? Il allait devoir quitter Marbrume. Il avait le cœur léger d'être passé si près d'une - relative - catastrophe mais il avait surtout le cœur lourd de savoir qu'il ne posséderait plus jamais Aenor... et, qui plus est, qu'habitant à Sombrebois, il ne la reverrait peut-être plus jamais... Tous ces rendez-vous nocturnes en sa compagnie avaient été riches en émotions et en sensations. Celui-là, le dernier sans doute, Hector pensait qu'il serait bientôt fini et en était déjà un peu triste.

- J'aime bien votre petite maison. C'est le désordre mais on s'y sent bien. Cette odeur de framboise, cette couverture moelleuse, cette petite table près de la fenêtre. Vous devez être contente d'y rentrer après vos... missions ?

Il s'adossa à l'un des murs de la petite pièce et soupira.

- Vous allez me manquer, petite chose fragile...

"Je ne sais pas qui de nous deux est le plus soulagé, mais sachez que je suis heureux de ce dénouement... Je sais bien que vous ne comptez pas me garder à vos côtés d'une manière ou d'une autre... mais, tout de même, sachez que vous comptez, pour moi…"

Comme elle l’avait pressentit, le Baron était soulagé de cette nouvelle et ce qu’elle lui avait dit avait profondément bouleverser le noble. Son sourire et sa bonne humeur était de retour, il rayonnait de joie. Aénor le préférait ainsi, débordant de bonne humeur plutôt que déprimant de tout son être.
Le Baron goutta le thé qu’il n’avait jamais du avoir sur sa table, et c’était logique étant donné l’emploi de cette plante exclusivement féminin.

"Mmmh, c'est très bon Aenor ! J'aime beaucoup."

Le Baron se leva, il semblait vouloir l’étreindre mais la douleur qu’elle ressentait dans son bas ventre faisait qu’elle ne pouvait se relever immédiatement. Il observa la demeure d’Aénor. Ce n’était qu’un grenier plus ou moins aménager avec un petit espace de cuisine, une mezzanine et de l’espace libre dont elle ne savait comment l’aménager. Mais il était cosy.
Il se tourna vers la fenêtre, dehors régnait un orage bien mérité pour la nature.

"J'aime bien votre petite maison. C'est le désordre mais on s'y sent bien. Cette odeur de framboise, cette couverture moelleuse, cette petite table près de la fenêtre. Vous devez être contente d'y rentrer après vos... missions ?"

"Ce n’est qu’un modeste logement, mais on s’y sent bien en effet. Et a vrai dire en rentrant de mission je préfère… me rendre au bain."

Elle toussa légèrement et se leva pour se mettre face au Baron qui s’était adosser à un mur en soupirant.

"Vous allez me manquer, petite chose fragile…"

*Petite chose fragile??*

Le Baron était désormais triste de partir. Il devait retourner dans son fief.

"Je viendrai vous rendre visite à Sombrebois si l’occasion met permise"

- [...] en rentrant de mission je préfère… me rendre au bain.
Les bains, voilà un lieu qui resterait, dans sa mémoire, associé à la jeune blonde. Le baron se demanda ce qu'Aenor repensait de leur aventure aquatique à présent... et ce qu'elle en repenserait dans 5 ans - si l'on vivait jusque là ! La peur de tomber enceinte partie, peut-être se souviendrait-elle de ce moment comme de l'un de ses meilleurs ; c'était sa première fois et si elle l'avait aimée autant qu'Hector, alors, oui, sans doute en garderait elle un souvenir ému.

Hector regarda devant lui. Aenor était là. Sans réfléchir il la prit dans ses bras.

- Je viendrai vous rendre visite à Sombrebois si l’occasion m'est permise.
- Oh, j'aimerais bien ! Avec plaisir !

Il caressa à travers l'épaisse couverture le dos d'Aenor.

- Vous y serez toujours la bienvenue.

Et puis, il resta là, une minute ou deux, sans rien dire. Appréciant simplement la chaleur, la douceur de ce contact avec Aenor et son mol édredon. Puis, sans crier gare, il éclata de rire.

- Non mais je vais pas bien, moi ! S'exclama-t-il lorsqu'il eut recouvré ses esprits ! Voilà que je caresse une couverture !

Il retourna s'asseoir à la petite table près de la fenêtre et but une nouvelle gorgée de tisane en regardant à l'extérieur.

- Je ne resterais pas bien longtemps... mais si je peux éviter de sortir sous ce déluge, vous seriez la plus aimable des petites choses !

Après avoir fini sa tasse, il sourit et reprit la parole... pour aborder un sujet bien moins romantique :

- Vous avez quelques missions en vue pour ces prochains jours ?

Le comportement du Baron envers Aénor était étrange. Il l’a prit brutalement dans ses bras, l’a serrant si fort qu’elle en perdit presque le souffle. Il caressa la couverture d’Aénor. Il y avait comme de la tristesse dans se geste qui le poussa à éclater de rire.

"Non mais je vais pas bien, moi ! Voilà que je caresse une couverture !"

Il lâcha son emprise et retourna s’asseoir sur la petite table, fixant l’extérieur.

"Je ne resterais pas bien longtemps... mais si je peux éviter de sortir sous ce déluge, vous seriez la plus aimable des petites choses !"

Le Baron finit sa tasse de thé et la regarda droit dans les yeux.

"Vous avez quelques missions en vue pour ces prochains jours ?"

"Je suis désolée Baron, mais je ne puis parler de mes contrats dans une question… d’éthique dirais-je…"

Elle se tue quelques secondes avant de reprendre.

"Mais ne vous inquiétez pas moi, j’ai suffisamment de travail pour me nourrir à ma faim, voire plus."

Elle buvait tranquillement son thé qui commençait enfin a apaiser sa douleur.

La pluie stoppa enfin à l’extérieur.

- Vous n'êtes pas tombée dans le piège Aénor ! Ha haaaaaa... je sais bien que les mercenaires ne parlent jamais de leurs missions !

Et oui il en avait connu quelques uns, des mercenaires. Il connaissait parfaitement leur règles de conduites.

Le plic ploc des gouttes d'eau se tut d'un coup. Hector soupira.

- Cet orage fut aussi violent que bref...

Il y avait un soupçon de déception dans sa voix. Oui, il aurait bien aimé rester encore un peu en compagnie de la jeune femme. Il se sentait bien avec elle. Dommage qu'il ne percevait pas le même bien être chez Aénor. Elle ne relançait pas la conversation et Hector, connaissant bien les règles de vie en société, en conclut qu'elle préférait rester seule. Il récupéra ses affaires, tapota l'épaule de son hôtesse et lui dit :

- Je vais vous laisser Aénor. J'espère que nous nous reverrons. Soyez prudente.

Puis, après un dernier instant en sa compagnie pour écouter sa réaction, il prit le chemin de la porte, l'ouvrit, et disparut dans la nuit... enfin pas tout à fait ! Il s'arrêta un instant sur la petite place au vieux chêne pour regarder la fenêtre d'Aénor et la saluer si elle s'y montrait. Enfin, il partit en direction de la grande rue des Hytres. Son auberge n'était pas très loin et, même s'il avait la tête un peu basse en y pénétrant, il fut heureux d'avoir un grand lit rien qu'a lui pour dormir paisiblement. Son séjour à Marbrume était terminé et demain il repartirait enfin, avec Lily - du moins espérait-il la retrouver à l'endroit du rendez-vous qu'ils avaient fixé - rejoindre la quiétude de Sombrebois.

Bonne nuit baron, faites de beaux rêves...