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 Vienne la nuit sonne l'heure ; les jours s'en vont je demeure [Lothaire et Annabelle]

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Annabelle de MortemerPrêtresse
Annabelle de Mortemer



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MessageSujet: Vienne la nuit sonne l'heure ; les jours s'en vont je demeure [Lothaire et Annabelle]   Vienne la nuit sonne l'heure ; les jours s'en vont je demeure [Lothaire et Annabelle] EmptyMar 14 Fév 2017 - 20:21
3 juillet 1165

Elle se réveilla en sursaut, tremblotante et le souffle court, les yeux écarquillés et le regard éperdu cherchant à se raccrocher à la moindre trace d’une réalité bien palpable. Se redressant subitement sur son lit, elle balaya des yeux la pièce pour se contraindre à reprendre pied dans le présent le plus vite possible. Sa cage thoracique se levait et s’abaissait à une cadence infernale, presque douloureuse, et elle passa une main consolatrice sur son front : tout pourvu de sortir de ce subconscient qui l’avait dévorée toute entière, tout pourvu de s’assurer qu’elle était bel et bien là, dans sa chambrée, qu’elle était faite de chair et que tout ceci n’était qu’un cauchemar de plus. Ses doigts devinrent quelque peu moites et, les laissant courir un peu plus sur son visage et dans ses cheveux, elle comprit que sa peau était constellée de petites perles de sueur. Un cauchemar, ce n’était qu’un cauchemar… Et pourtant, les images en étaient si nettes et ses émotions si vives qu’elle pataugeait encore dans une semi-conscience, peinant à reprendre une respiration au tempo plus raisonnable et à se convaincre que tout ceci n’était bien qu’un rêve… Cela faisait plusieurs nuits éparses qu’Annabelle vivait en songe une scène terrifiante et mortifiante pour elle : elle voyait son frère, Engueran, se faire happer et dévorer par les fangeux, pendant qu’elle était réduite au rang d’une spectatrice impuissante, n’entendant que les paroles accusatrices de son benjamin comme autant de poignards perçant sa peau de porcelaine. « Tout est ta faute… », hurlait-il… Et alors qu’elle le pensait succomber sous les griffes de ces créatures inhumaines, Engueran lui faisait soudain face, le visage couvert de cicatrices et le corps lacéré de toutes parts, les vêtements en lambeaux et en sang. Soudain, il empoignait le cou de sa sœur, la faisant presque suffoquer, en lui susurrant son invective : « Regarde ce que tu as fait ! » Instinctivement, la prêtresse porta ses mains à son long cou, massant la peau et la trachée, tentant d’effacer les traces fantômes d’un étranglement qui n’avait pourtant eu lieu que dans les tréfonds de son esprit… Engueran…

Un pâle filet d’argent traversait sa petite lucarne, dispensant une clarté fantasmagorique dans l’humble pièce au sein du dortoir du temple. Elle posa les pieds au sol, se plaisant au contact froid et bien réel des dalles et trouva un semblant de paix dans la vision de son fils endormi. Petrus gardait pour le moment un sommeil lourd et sans nuage. Par les Trois, qu’elle pouvait l’envier parfois ! Depuis trois mois, elle était rongée par la culpabilité et ses nuits étaient agitées. Mais pas autant que ces derniers temps… Rikni était-elle en train de lui faire passer un message ? Devait-elle y déceler une quelconque réponse, une quelconque voie à suivre ? Elle ne parvenait pas à comprendre pour le moment la raison spirituelle de ces songes abominables, aussi flagellait-elle simplement son propre inconscient mangé par un sentiment puissant d’autopunition. La force de sa propre conscience est parfois bien plus destructrice que celle de la conscience religieuse. Cependant, Annabelle s’agenouilla sur les pierres dures, craquant une allumette en roseau pour enflammer une petite bougie. La lumière dans les ténèbres… Longtemps, elle pria la déesse des rêves, murmurant les paroles sacrées et demandant humblement à Rikni de lui montrer la voie. La prêtresse se promit de parcourir la bibliothèque le lendemain, en quête de réponses à ses cauchemars récalcitrants.

***

La matinée était déjà avancée, apportant son lot de fidèles et de pèlerins réclamant des bénédictions ou des entretiens, ou simplement une présence réconfortante chez ces clercs normalement dévoués à leur cause autant qu’à celle des trois dieux, quand Annabelle emprunta le chemin de la bibliothèque. Elle avait déjà assisté aux offices du matin et en avait réalisé elle-même certains autres, accordant des temps de prière à quelques quidam demandant quelques miettes de foi bienfaitrice. Avec le sentiment du travail accompli et l’esprit apaisé par des heures de prière, la prêtresse d’Anür s’autorisait enfin un moment personnel, loin des obligations et des contraintes, et plus proches de ses préoccupations présentes. D’un pas impérial, Annabelle pénétra dans l’antre de la connaissance, cet écrin du savoir rassemblé en un millier de livres et autant de chemins labyrinthiques, véritable dédale de cuir, de vélin et de parchemins plus ou moins vieillis. Le silence était monacale dans cette immense cathédrale pratiquement recouverte de bois, planches plates et simples ou meubles aux bordures marquetées pour accueillir la multitude d’ouvrage sommeillant dans la bibliothèque. D’immenses vitraux laissaient entrer une lumière diffuse et falote, faisant apparaître un million de fines particules de poussière virevoltant dans l’air confiné. Mais ce qui frappait toujours le plus Annabelle était cette odeur si particulière, propre à ce lieu entièrement dédié à tout ce qui touchait le savoir et l’écriture, ce parfum enivrant de papier et d’encre qui hantait chaque rayon et qui fleurait d’autant plus fort lorsque l’on s’approchait des pupitres sur lesquels quelques clercs étaient affairés, couchant sur le papier une parcelle de connaissance. Le grattement régulier des plumes contre le parchemin était une symphonie bien familière à ses oreilles et un sourire s’épingla sur ses lèvres tandis qu’elle avançait d’un pas lent dans ce repaire d’érudits, s’imprégnant de l’atmosphère silencieuse et pieuse. Au loin, elle aperçut Petrus, en pleine leçon au milieu de quelques autres jeunes apprentis, enfants abandonnés ou orphelins… Par les temps qui couraient, il n’était guère rare de les voir affluer au temple, y cherchant un dernier refuge salvateur. Quand bien même ils n’arrivaient pas au temple guidés par la foi, au moins trouvaient-ils là eau et nourriture saine, vêtements et modestes paillasses. C’était toujours mieux que la rue et la misère… Combien de parents étaient morts par les Fangeux, ou bien par la situation catastrophique de manque d’hygiène ou de nourriture ? Nul ne pouvait les compter… Et les départs forcés au Labret n’avaient en rien arrangé les choses pour ces enfants à présent livrés à eux-mêmes dans un monde meurtri et dangereux.

Annabelle ne s’autorisa cependant pas à interrompre la leçon pour échanger quelques mots avec Petrus, comme souvent il lui arrivait de le faire : les cours étaient bien fastidieux pour un garçonnet aussi jeune encore, et il se plaisait à se laisser divertir à la moindre occasion, quand bien même voulait-il rendre sa mère fière de lui. Mais aujourd’hui, la jeune femme avait bien trop de questions et bien trop peu de temps pour se permettre ce genre de distraction. Son rêve récurrent l’angoissait, le sort funeste d’Engueran la torturait, et le problème des fangeux ainsi que leur raison d’être la plongeaient dans un profond questionnement, la plaçant en proie au doute bien qu’elle refuse d’attester la croyance selon laquelle il s’agirait là d’un fléau des dieux. Jamais ils ne donneraient d’épreuves fatales sans en donner les clefs, des clefs qu’il fallait rechercher certes, mais des solutions pour éradiquer tout ceci. Jamais ils ne les abandonneraient à leur triste sort… A quoi serviraient-ils sans peuple de fidèle croyant en eux ? A quoi bon décimer ses ouailles ? Déterminée, la veuve arpentait les allées tapissées de rayonnages, à la recherche d’abord d’un quelconque ouvrage traitant de Rikni et des rêves. Devant elle s’étalaient autant de traités oniriques que de grains de poussière, aussi choisit-elle un peu au hasard celui qui semblait de prime abord correspondre à sa quête de réponse : « Dialogues avec Rikni : de l’interprétation des rêves ». Il y avait de cela trois cents années, un moine qui avait dédié sa vie à la Trinité avait couché sur le papier ses rêves et la signification qu’il avait pu en établir, soit par réflexion intérieure et intense prière, soit par partage avec ses autres frères de foi, le tout confronté à la résilience qui leur avait réellement été donnée, parfois bien des années plus tard… Il s’agissait là d’une intéressante entrée en matière.

Annabelle se saisit du précieux et volumineux ouvrage, en expédiant la poussière sur la tranche par un simple souffle bref et fort, avant de se diriger vers une table ou un pupitre pour parcourir son livre. Les méandres de la bibliothèque l’empêchaient cependant d’en trouver une à l’instant, n’ayant d’autre choix que de franchir la forêt de papier qui déboucherait sur la clairière de pupitres. Mais alors qu’elle avançait d’un pas de sénateur droit vers son but, elle aperçut un homme, perché sur un petit escabeau, visiblement plongé dans une recherche intense, ses lèvres remuant à mesure qu’il déchiffrait les titres. D’abord simplement attiré par cette scène rompant la monotonie du lieu, son regard devint intéressé quand elle crut déceler sur le visage de l’homme des traits familiers. Plus elle s’approchait, plus ce sentiment de déjà vu s’insinuait en elle. L’homme en question avait les cheveux grisonnant et une silhouette assez sèche. A vue d’œil, il devait avoir plus de la quarantaine. A chaque pas, elle tentait de le détailler un peu plus : il était vêtu tout en noir, d’une grande toge lui donnant l’air d’avoir des ailes sombres, et les mains qui dépassaient des manches et couraient sur les tranches des livres étaient d’une finesse qu’Annabelle n’avait que peu vue chez un homme. Fines et agiles, se prit-elle à penser. Et alors que l’homme prenait également conscience de la présence de celle qui l’épiait, la prêtresse fut frappée de plein fouet par la foudre de la révélation. Lâchant un hoquet de surprise, Annabelle écarquilla les yeux de surprise, ne s’étant guère attendue à retrouver cet homme qu’elle respectait du plus profond de son être.

« Monsieur Ferbois ! Par la Sainte Trinité, si je m’attendais à vous trouver ici ! » La jeune femme s’approcha un peu plus, venant poser une main délicate sur le petit escabeau, un sourire éclatant dirigé vers le médecin. De son autre bras, elle tenait fermement contre son sein le livre qu’elle avait arraché au rayonnage. « Je vous ai fait chercher voilà quelques années, désespérée que j’étais de trouver un médecin en qui j’avais pleine confiance, mais Anür en a voulu autrement, et vous deviez être en quelque autre comté à ce moment là… » Soudain, elle approfondit son observation et ce qu’elle vit lui fit froncer légèrement les sourcils : des rides avaient creusé le visage de Lothaire, des cernes étaient venues colorer sombrement le dessous de ses yeux et une fatigue émanait de sa personne. Il avait vieilli. Pourtant, leur dernière rencontre ne datait que de quatre ans… A le voir, il aurait pu s’en écouler vingt qu’elle n’aurait vu la différence… Concernée, elle parla d’une voix plus basse et plus sérieuse : « Comment allez-vous mon vieil ami ?... »
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Lothaire FerboisGuérisseur
Lothaire Ferbois



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MessageSujet: Re: Vienne la nuit sonne l'heure ; les jours s'en vont je demeure [Lothaire et Annabelle]   Vienne la nuit sonne l'heure ; les jours s'en vont je demeure [Lothaire et Annabelle] EmptyMer 1 Mar 2017 - 15:47
La mine grise, Lothaire parcourait les allées de la bibliothèque, ses amples vêtements se balançant au rythme saccadé de son allure. Piétinant de ses bottes de cuir les dalles de l’édifice, le voici farfouillant dans les manuscrits, décalant codex sur codex, parcourant de ses longs doigts fins les reliures poussiéreuses, y cherchant de quoi l’aider pour sa Grande Quête, son Objectif.

Il lui arrivait parfois de constater l’état dans laquelle ce but l’obsédait, le laissant dans un bien triste état. Mais lui fallait être fort, il fallait tenir bon, qu’importe si cette quête lui semblait illusoire, démesuré, titanesque, c’était un appel de la Sainte Trinité, il lui fallait y répondre. Ses nerveux mouvements de doigté ricochant de reliure en reliure se firent de plus en plus frénétiques, sans pour autant perdre en habileté, le médecin ne devait pas perdre plus de temps.

Perché sur un modeste escabeau, il interrompit cet étrange spectacle en sentant sur lui le regard d’une présence discrète. Pas très grande. Longs cheveux châtains. Une longue robe ou une tunique, cela lui fut quelconque sur l’instant, de l’ordre du détail. Une petite femme d’âge mûre. Sans doute une quelconque prêtresse.

Détournant le regard pour se re-consacrer à ses recherches, une impression de familiarité envahit petit à petit son esprit. Pivotant de nouveau sa tête, il reconsidéra cette femme de ses yeux vifs.

Déjà, elle était jeune. Cette constatation s’imposa d’elle-même. Non, pas qu’elle fut une de ces petites jouvencelles entrant tout juste dans les ordres, regardant sans cesse le sol, acquiesçant timidement lors que vous demandiez un ouvrage en particulier et s’envolant presque lorsque vous en aviez fini avec eux. Non, elle était arrivée à l’âge d’une jeune mère, généralement celle du premier enfant ou peu s’en faut.

*Une jeune mère.*

Une lueur éclaircit l’esprit subitement du Ferbois, la révélation retentit tel le tonnerre.

*Annabelle de Mortemer*

Il se revoyait, il y a quoi, huit ans ? Aidant cette jeune femme à survivre à la fièvre qu’elle avait contractée suite à une fausse couche, puis quelques années plus tard, l’aidant cette fois-ci à mettre au monde un délicieux enfant. Tout cela ne le rajeunissait guère.

« Monsieur Ferbois ! Par la Sainte Trinité, si je m’attendais à vous trouver ici ! »

« Je vous ai fait chercher voilà quelques années, désespérée que j’étais de trouver un médecin en qui j’avais pleine confiance, mais Anür en a voulu autrement, et vous deviez être en quelque autre comté à ce moment-là… »

« Comment allez-vous mon vieil ami ?... »

« Bien… Bien, Madame de Mortemer.»

Lothaire se ressaisit et repris contenance.

« Pour être tout à fait honnête, je ne pensais pas vous revoir un jour. En particulier durant ces tristes jours. »

« Et comment vous portez-vous, Dame de Mortemer ? Et votre enfant ? Petrus, si mes souvenirs sont bons ? »
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