Mensonge ou vérité ? [PV Kira & Hector]

7 Juillet 1165

Kira avait fini par quitter le duc héritier et ses équipiers. Hector, tel un vulgaire voleur avait, un instant, suivi ses pas, cherchant la meilleur phrase, les meilleurs mots à prononcer pour appeler l'ex-demoiselle de Haldonorès. A dire vrai, il n'était pas à l'aise. Ils s'étaient bien dit qu'ils se reverraient après mais Hector ayant dû prétexter une affaire urgente avait quitté ses équipiers précipitamment. Et maintenant qu'il était sorti du champ de vision de Kira, y revenir lui semblait compliqué. Il craignait un peu la réaction celle-ci... Mais plus il attendrait, plus son "pistage" paraîtrait malvenu.

Tant pis !

Malgré la foule encore dense, les gens qui le saluaient, les gens qui la saluaient pour les remercier de leur générosité, il réduisit la distance qui la séparait elle, jusqu'à se trouver à quelques centimètres d'elle, sur son coté gauche. Là seulement, il leva son chapeau pour la saluer de nouveau.

- Madame...

Et lui offrit son bras.

Ce n'était pas un enlèvement, bien sûr, c'était seulement le geste d'un ami, d'un amant, d'un ex-amant... de quelqu'un qui avait besoin d'elle et qui, malgré ce qu'il croyait, avait cru voir dans le regard de son amie, de son amante, de son ex-amante, qu'elle avait envie de le voir et de lui expliquer ce qu'était sa vie à présent. Cela faisait deux mois qu'ils s'étaient quittés. Ils ne s'étaient pas revu, ils ne s'étaient pas envoyé de lettres... Alors, forcément, il y avait eu du changement, c'était inévitable. Mais ce regard qu'elle lui avait offert tantôt le rassurait sur une chose : elle était prête à passer un petit moment avec lui, sans doute, pour lui expliquer certaines choses.

- Je vous présente mes félicitations pour votre belle victoire !

Il avait parlé d'une voix forte, comme pour justifier auprès des badauds la raison pour laquelle il parlait avec la Vicomtesse. Heureusement, l'Esplanade n'était pas loin et son calme fut le bienvenue. Ils étaient loin de l'agitation des festivités et, à vrai dire, le baron n'eut jamais pensé qu'il serait un jour si heureux de retourner dans cet endroit qu'il avait tant haï !

- Kira, ma chère Kira...

Son bras se détacha de celui de la belle rousse et, s'arrêtant, il posa un instant sa main dans le dos de la jeune femme.

- ... vous m'avez manqué.

Il n'avait vraiment aucune idée de ce qui l'attendait...

- Où pouvons-nous aller ?

Il n'avait plus de maison dans le quartier noble. Alors où ? Une auberge ? Un restaurant ? Les jardins ducaux ? ...

Kira avait reçu et acceptée la seule récompense qui ne pouvait être refusée. Elle se déplaçait donc en portant l’Écaille d'Anür qu'elle venait de recevoir des mains de l'héritier du Duc. Mais ce n'était ni l'éclat de celle-ci, la populace qui l'escortait, ni les questions incessantes qui portait son attention. Son esprit était concentré sur sa douleur, sur sa souffrance et sa tristesse qu'elle se forçait de contenir aussi bien que possible. Tentant de sourire tant bien que mal, prétextant la fatigue pour éviter d'être retenue trop longtemps, voulant éviter les regard trop curieux sur ses yeux humides. Alors que son esprit essayait de s'extirper d'une situation qui lui était insoutenable, son cœur lui ne réclamait qu'une chose: retourner au près d'Hector. Ce dernier qui avait disparu des la fin de la cérémonie, tout comme elle, disparaissant dans les va et vient des badauds. La Vicomtesse se gardait donc bien de faire demi tour et de tenter de trouver son cher ami. Un ami qu'elle venait de trahir, car il ne semblait au courant d'aucun des événements qui avaient eu lieu ces deux derniers mois... Malgré ses lettres envoyées, ses nombreux messages, aucun n'était apparemment arrivé à destination... Qui donc avait arrêté ses messages?

Mais alors qu'elle se posait cette question et qu'une immonde pensée s'insinuait dans son esprit, remplissant son âme d'une colère sourde, une voix lui traversa l'esprit et lui éclaircit son humeur d'un seul coup. Hector...? La belle rousse se retourna au son de cette voix et retint sa respiration en voyant son héros venir le sauver de cette foule... Ou était-ce l'un des pire piège que le destin pouvait imposer... Quoi qu'il en soit, la jeune femme accepta silencieusement et aimablement le bras. Un sourire timide se dessina sur son visage, un sourire presque gênée. Elle ne savait quoi dire, quoi lui dire, ni que faire. Elle se laissa donc porter par ses jambes et par Hector qui la félicité de sa victoire. Mais Kira ne rétorqua rien, ou plutôt n'osa pas. Elle hocha simplement la tête, consciente de la gêne visible sur son visage. Elle espérait que dans l'obscurité de la soirée, personne ne voyait ses joues rosirent, ni ses yeux s’embuer. La Vicomtesse suivit donc le Baron de Sombrebois jusqu'à l'Esplanade qui semblait étrangement plus calme et plus vide en ce jour de fête. Mais cela ne déplus pas à la jeune femme. Elle osa respirer plus calmement hors de la foule, même si son cœur, lui, ne respirait pas assez.

C'est alors que le Baron s'arrêta, délaissant le bras de Kira pour la poser dans son dos, doucement. Des souvenirs léger s'imposèrent à la jeune femme qui avait juste envie de se lover dans les bras de son amant. Mais pas ici, pas en public, pas alors qu'ils venaient de se retrouver dans des circonstances assez... étranges. Était-ce une chance d'avoir croiser Hector à la Chasse, ou une simple coïncidence? Quoi que Kira aurait pu s'en douter, il lui avait suggérer son retour à leur dernière entrevue, sans pour autant le confirmer. Cela faisait plus de deux mois, et il était là, à Marbrume, s'amusant aux Fêtes d'Anür. La jeune femme aurait dû, en effet, s'en douter.
Kira prit doucement le bras d'Hector pour prendre sa main dans la sienne, rompant le contact de la main chaude de son aimé avec la dentelle fine de sa robe.

"Je suis très heureuse de vous retrouver également." prononça-t-elle enfin doucement tout en caressant du bout de ses doigts la main qu'elle tenait. "Nous pouvons peut-être aller dans les Jardins. Tout le monde est à la fête, il ne devrait pas y avoir beaucoup de personnes. Sinon... Je ne saurais où vous inviter."

Kira ne voulait inviter Hector dans la Résidence des Terresangs, les serviteurs auraient rapportés cette visite en détails à leur maître Alexandre. Et la jeune femme se refuser d'avoir des explications plus que détaillé avec... son mari. Mais la Vicomtesse refusait également de se faire trop voir, ce qui n'était pas facile dans une auberge ou un restaurant, en particuliers lorsqu'on vient de gagner la Chasse au trésor et qu'on porte l’Écaille d'Anür.

Hector apprécia les douces caresses de Kira sur sa main et les premières phrases qu'elle lui avait adressé. Son affection n'avait pas disparu.

- D'accord, lui dit-il, allons vers les jardins...

La nuit, les bâtiments muets, les pavés propres du quartier noble, tout l'environnement de nos deux héros semblait propice à la confidence. Hector était heureux d'être avec Kira, et presque craignait-il que la discussion qu'il allait engager ne tue le bonheur de ces retrouvailles. Aussi se lança-t-il sans plus attendre sur ce terrain glissant :

- Madame la Vicomtesse, donc... Je... il me semble deviner que vous - il reprit un instant la main de Kira - et cette bague est là pour me le confirmer, que vous n'êtes plus une demoiselle...

Il n'avait pas pu prononcer le mot de "mariage", cela lui était trop difficile.

- Je vous présente donc mes félicitations...

Il hésita un moment à lui dire qu'il était désolé de ce mariage, qu'une profonde tristesse s'était emparé de lui au moment où il avait deviné, que cela voulait peut-être dire une chose : qu'il était bien plus attaché à elle qu'il aurait pu le croire. Mais parler de cela eut été bien mal venu... et bien trop pressé ! Il avait besoin d'entendre quelques mots de Kira, quelques mots tout simple, sur elle, comment elle allait, ce qu'elle devenait, ce qu'elle avait fait de ses deux mois loin de Sombrebois...

- Je suis désolé de ne point vous avoir donné de nouvelle depuis votre départ de Sombrebois. J'étais très occupé. J'ai continué les travaux, j'ai mis en place tout ce qu'il me fallait pour survivre seul dans mon château... et puis il m'est arrivé diverses péripéties qui... m'ont occupé l'esprit et qui, je crois, m'ont détourné de ce qui... de... de ce qui doit vraiment compter dans la vie d'un homme...

Il marqua un petite pause. Il avait réussi à parler de ce qui lui tenait à cœur sans trop plonger dans le sentimentalisme... Il sourit et rouvrit la bouche :

- Alors... dîtes-moi, chère Kira, qu'avez-vous fait durant ces deux mois ?

Hector acquiesça et accepta de se diriger vers les Jardins ducaux. Ce n'était pas le meilleur endroit, ni le plus discret pour parler de ce que les deux amis allaient parler. Dû moins, c'était ce que Kira pensait, et elle redoutait un peu qu'on les voit ensemble, qu'on les surprenne. Non pas qu'elle regrettait d'être au côté de son amant, mais plutôt qu'elle ne souhaitait s'expliquer avec personne de cette situation, de cette scène d'intimité et de sa proximité avec un homme qui n'était officiellement qu'un simple allié, et non un ami proche. Un allié qu'elle avait aidé lors de son retour à Sombrebois… Sous prétexte de lui rendre la pareille pour avoir escorté les gens de Haldonores, de les avoir sauvé, et de l'avoir sauvée, elle. Mais, même la Vicomtesse ne savait plus vraiment pourquoi elle avait acceptée la mission de reconstruction de Sombrebois.

Quoi qu'il en soit, elle était là, lui tenant toujours la main, alors qu'ils marchaient dans la rue, tranquille et silencieuse, sombre, vers les Jardins où la belle rousse espérait être cachée aux des curieux. Dans le calme ambiant, la jeune femme entendait la respiration calme d'Hector, elle avait peur qu'il entende les battements de son propre cœur dans ce silence. Un silence presque pesant pour la jeune femme, elle ne savait vraiment pas quoi dire, ni par quoi commencer. Et alors qu'elle se décidait à ouvrir la bouche pour s'excuser de son silence, ni de ne pas l'avoir remercier de ses félicitations, Hector prit la parole, et la main se Kira, regardant la bague à son doigt. Il avait deviné, elle le savait très bien, et elle grimaça à ses paroles, sentant sa tristesse raisonner à nouveau.

« Je suis désolé Hector. Je vous avais envoyé une missive… Espérant qu'elle arrive vite pour vous prévenir. Je constate qu'elle n'est… jamais arrivée à destination. Peut-être le messager s'est-il fait tué par un Fangeux sur le chemin. » chuchota Kira, tristement, retenant des larmes qui se voulaient honteuses, ne cherchant pas à s'innocenter.

Elle se sentait incapable de mentir à Hector. Toutefois, Kira le laissa parler, voyant que cela lui faisait du bien de parler un peu de sa propre situation et de pourquoi il ne lui avait pas donné de nouvelles non plus. Mais la jeune femme le pardonnait au fur et à mesure de ses paroles. Ils avaient été tous les deux occupé. De plus, elle comprenait bien le temps que le Baron avait du prendre pour rénover et pouvoir accéder à ses besoins sur ses terres, dû fait qu'elle avait été là pour voir la tonne de travail que cela représentait à l'origine. Oui, elle lui pardonnait, car elle avait bien plus de chose à se reprocher que lui.

Alors qu'ils arrivaient doucement aux Jardins, Hector lui demanda à sont tour ce qu'elle était devenu. Et la Vicomtesse savait qu'il sous entendait comment elle s'était mariée… Pourquoi si soudainement, en tous les cas ? La belle rousse respira doucement, soupira calmement, elle en avait à dire.

« Vous avez deviné, je pense, que c'est le Vicomte Alexandre de Terresang qui m'a proposé… un arrangement. » commença Kira, ne sachant pas vraiment comment atténuer la tension de la situation, ni comment atténuer la douleur que le mot « mariage » lui provoquerait si elle le prononçait. « Autant pour lui assurer une descendance et une sauvegarde de son patrimoine s'il venait à mourir, que pour redorer le blason des Haldonores qui a été ternis par la trahison de mon cher père, je n'ai pas pu refuser. C'est arrivé extrêmement rapidement et soudainement. Moi aussi, je n'ai pas eu beaucoup de temps avec tous cela. Sinon… Je vous aurais rendu visite pour vous prévenir, mon ami. »

La Vicomtesse de Terresang sentit sa voix défaillir, voilà pourquoi elle se tut. C'était douloureux, mais elle ne pouvait que se contenir, tenter de ne pas faiblir. Elle s'arrêta de marcher et fit face à Hector, ne pouvant plus retenir une petite larme qui s'enfuit sur la peau de sa joue, courant sur sa peau, avant de tomber sur son menton. Kira posa une main sur le visage du Baron, lui caressant le visage affectueusement. Désormais dans les Jardins, à l'abri dans la végétation, elle ne voulait plus retenir son affection… Une affection qu'elle espérait moins forte, moins importante que cela.

« Je tiens toujours autant à vous. » lâcha doucement la jeune femme, ne sachant comment mieux s'exprimer.

Elle était heureuse de le voir, mais malheureuse de savoir que son union avec Alexandre pouvait le faire souffrir. Elle l'avait redouté, mais elle avait fait son choix.

Ainsi Kira avait tenté de lui faire parvenir une lettre :

- Malheureusement, je n'ai vu aucun messager...

Il était sans doute verdâtre à l'heure actuel, dormait dans les marais et sortait le soir, peut-être non loin de Sombrebois. Peut-être même frappait-il à la porte du château... mais sans courrier, pour sûr !


- Vous avez deviné, je pense, que c'est le Vicomte Alexandre de Terresang qui m'a proposé… un arrangement.[b]
- Terresang ?! Souffla Hector.

Certes l'homme était respectable et certainement bon... mais quelque chose chez ce Vicomte déplaisait à Hector ; depuis longtemps... Alors, même s'il savait qu'il avait aidé Kira et son peuple, le baron était surpris - et pas vraiment en bien - par ce mariage, cet "arrangement". Kira continua :

[b]- Autant pour lui assurer une descendance et une sauvegarde de son patrimoine s'il venait à mourir, que pour redorer le blason des Haldonores qui a été ternis par la trahison de mon cher père, je n'ai pas pu refuser. C'est arrivé extrêmement rapidement et soudainement. Moi aussi, je n'ai pas eu beaucoup de temps avec tous cela. Sinon… Je vous aurais rendu visite pour vous prévenir, mon ami.

Hector sentait toute l'émotion de la belle rousse dans le ton de sa voix... Elle s'arrêta et Hector posa une main sur son bras. Face à lui, elle ne put retenir une larme que le baron ne put que sécher que lorsqu'elle arriva sur son menton. Tout deux avaient les mains sur le visage de l'autre. Les parfums floraux se mélangeaient autour d'Hector et Kira, ajoutant leur précieuse délicatesse à l'intense émotion de ces retrouvailles...

- Je tiens toujours autant à vous, dit Kira.

La main d'Hector remonta jusqu'à la joue, repoussant une mèche rousse derrière l'oreille de la jeune femme.

- Je... je suis à vous, Kira...

Lentement, il s'approcha d'elle, sentant la chaleur de sa peau sur la sienne, cette peau qu'il avait tant chéri durant ces quelques jours de mai, à Sombrebois, il pencha délicatement son visage, se souvenant de ce baiser qu'il lui avait volé dans la bibliothèque, et il l'embrassa... tendrement, patiemment, adorablement, transmettant par ses lèvres l'amour qui était le sien, l'assurance qu'il ne lui en voulait pas, le soutien qu'il voulait lui montrer... Puis leurs lèvres s'écartèrent de quelques millimètres.

- Je serais là pour vous, toujours...

Et ses lèvres, si douces, l'attirèrent de nouveau jusqu'à elles. Un second baiser qui n'avait plus tant de sens... qui n'avait que le goût du besoin, de l'envie, du plaisir de cette ré-union.

Hector connaissait ses défauts, son attirance chronique pour les charmes féminins... Peut-être n'était-il de toute façon pas fait pour le mariage ? Peut-être, s'il avait demandé Kira en mariage avant Terresang lorsqu'ils se furent aimé, peut-être seraient-ils aujourd'hui marié, mais, peut-être l'aurait-il déjà trompé, peut-être se seraient-ils déjà lassés, peut-être ne s'aimeraient ils déjà plus ?

Alors, tandis qu'ils s'embrassaient, chavirant entre amour et réconfort, Hector, d'une étonnante lucidité, se dit que c'était sans doute mieux ainsi, que la précarité de leur situation leur offrait bien plus de passion que s'ils eussent été mariés. Le souffle court, il mit fin à leur baiser.

- Venez...

Il prit la main de la Vicomtesse pour l'emmena dans la partie nord des jardins, là où un épais bosquet offrait aux amoureux bien plus d'intimité que l'allée et la végétation clairsemée où ils se trouvaient.