Marbrume


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 Ora et labora

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Elric de BeaumontSergent
Elric de Beaumont



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MessageSujet: Ora et labora    Ora et labora  EmptyMar 28 Mar 2017 - 21:18
Dos courbé. Tête baissée. Silencieux. Habillé le plus modestement du monde, à peine vêtu d'un vieux mantel de soie, j'entre par la petite porte de bois. Je pose mes fesses sur le banc peu confortable et couvert d'échardes, afin de sortir, machinalement, la petite phrase rituelle qui va me faire expier toutes mes fautes et me ramener dans la grâce des Trois.

- Pardonnez-moi mon père, car j'ai péché.
- Parle justement et librement, mon fils, répond une voix féminine.
- … Attendez. Où est le père Michelet ?
- Il est malade. Je le remplace. Je suis-
- Oubliez.

Une prêtresse ! Putain. Le genre de péchés que je veux confesser, c'est pas le genre de péchés qu'une femme veut entendre. Bordel de merde. Michelet je l'aimais bien, parce qu'avec toutes les horreurs que j'ai dis, il les retient même plus, je pense qu'il est arrivé à un point où il s'en fout et a oublié tout espoir de rédemption pour moi. Il se contente de me donner la bénédiction et de faire autre chose, et c'est très bien comme ça. Je me sens atrocement gêné, alors que je sens le confessionnal craquer lorsque j'ouvre la porte pour me retrouver à nouveau debout sur les dalles marbrées du Temple. Je me tourne vers les grandes portes du perron de l'édifice, en tournant très vite le dos à cette sale chienne de prêtresse -bénie soit-elle- pour pas qu'elle puisse tenter d'observer qui est ce monsieur qui se soustrait au rituel d'avouer toutes ses fautes.
C'est qu'il faut me comprendre. Nous sommes certes tous des pécheurs, mais ces derniers temps, mon quota de mauvaises actions a foutrement dépassé les bonnes. Ah bien sûr, il y a les mauvaises actions justifiées ; Comme ce jeune gamin de 13 ans que j'ai malencontreusement tué après qu'il ait à la fois violé le couvre-feu et volé deux grosses miches de pain à un boulanger. Je l'ai poursuivi sur les toits et j'ai tenté de le tacler ; Mais par inadvertance, il est tombé et s'est fêlé le cou sur le sol. Ça arrive. Et d'un certain point de vue, le gars il s'en serait peut-être pas mieux sorti si on l'avait prit vivant. C'était un récidiviste. On l'a déjà pris en tentant de subtiliser une broche à une jeune gamine noble, et puis une autre fois où il est parti avec un drap. Trois vols d'affilé, hein, on peut plus tellement se permettre d'être laxistes. La première fois on lui a juste donné vingt coups de fouets, mais on lui en a juste donné dix-huit parce qu'il était déjà inconscient et tremblant de tous ses muscles. C'était de la miséricorde quant au fait qu'il n'avait que douze ans. Ensuite, avec le second vol, on lui a coupé les phalanges de la main droite, encore une fois, pas la main entière, car nous sommes à jamais très gentils avec les criminels mineurs. Mais là, ça allait être la pendaison ou les travaux forcés. Je pense que je suis assez honnête quand je dis qu'il ne manquera à personne, et certainement pas à sa seule famille encore vivante, son paternel qui de toute façon a déjà été de nombreuses fois condamné à rembourser ses conneries.
Non moi je pensais plutôt aux genres de péchés qui sont pas excusables par une bonne action. Les péchés de chair, de détente, et en général tout ce qui ne consiste pas en une obéissance pleine, totale, continue et infinie aux Dieux, au labeur et à la famille. Ils sont un peu fatigants les Dieux avec ça. Les prêtres aussi. On les connaît tous, ces gros prélats qui disent qu'il faut être mince pour entrer au paradis, et qu'il faut bien baiser les mains du maître et payer tous ses impôts pour vivre pieux et obtenir une récompense dans l'au-delà, toujours dans l'au-delà, jamais se réaliser sur terre ; Tous ces imposteurs qui louent la chasteté et la piété, avant d'aller enculer la plus belle femme du village en fantasmant sur Dame Anür, et ceux qui ne se marient pas, qui vivent leur vie reclus dans des abbatiales, ils se contentent de se complaire dans l'autre genre. Ils chantent et prient, mais aussi, ils bâfrent, boivent, paillardent, et ne font rien de leurs mains, à part pour gérer les capitaux qu'ils reçoivent avec les legs et les donations. Même les plus purs du clergé, qui se terrent loin des yeux du siècle, je me souviens encore les voir sur les foires, juger tout le monde du bas de leurs bures défroquées mais du haut de leur ego démesurés, persuadés que Rikni les chuchotes personnellement dans chacun de leurs rêves. Mais peut-être que j'exagère, peut-être est-ce simplement que j'essaye de mal juger les hommes censés être saints pour me dédouaner moi-même de mes fautes. Mais nous sommes tous dans le même pétrin à présent, nous tous, bons et mauvais, nobles et roturiers, serfs et vilains, prêtres et moines, duc et palefrenier. Nous sommes tous là, réunis, aux portes de l'enfer, tandis que la Fange divine arrive pour arracher nos corps et nous faire souffrir à jamais de nos atroces fautes centenaires, transmises de génération en génération.

Je suis né du péché. Je suis un bâtard, d'un noble et d'une gueuse. Aucun des deux n'est pardonnable. Mon père, il avait grandit comme son père avant lui, persuadé d'avoir un pouvoir mystique, magique, sacré, parce qu'il était sorti d'entre les cuisses d'une femme ayant le sang-bleu et parce qu'on lui avait donné armes et haubert avant même de lui avoir appris à lire ; Et quand on lui avait appris à lire, c'était avec des gestes et des chants qui glorifient guerre et tournoi. Jamais meurtre, excepté pour les quelques cottereaux un peu fous qui n'ont ni nom, ni particule qui l'attache à qui que ce soit capable de payer sa rançon. Pillages occasionnels. Simulacres de guerres. On en rit presque, la guerre est une aventure. On est immortel quand on a ses armoiries plaquées sur son tabar.
Et elle est où, la chevalerie de Rikni, celle toute-puissante censée protéger veuves et orphelins ? Morte, écrasée, du vavasseur le plus crotté au Roi le plus confortablement installé. La Fange est venue les arracher de leurs montures, de leurs selles d'où ils oppressaient le monde, et Elle a pourri leurs corps au moins autant que leurs âmes l'étaient déjà.
Mais ma mère n'était pas pardonnable non plus. Si vous entendez qui que ce soit se mettre à jouer de la harpe et à pleurer les bonnes gens qui labourent la terre, riez lui au nez. La paysannerie aussi est souillée. Souillée non par la terre qu'elle exploite, mais souillée en elle-même, coupable, coupable à jamais de sa lâcheté, comme le mouton est coupable de se faire bouffer par le loup. Parce que la masse est faible et peureuse, et qu'elle se jette aux pieds du premier prédicateur un peu charismatique, auprès du premier seigneur un peu débrouillard, auprès du premier Dieu qui fait pousser quelques radis. Ma mère est une chienne, la propriété de mon père qui n'a vu en elle qu'un moyen de satisfaire ses pulsions grossières et immédiates. J'espère qu'elle crève en enfer à l'heure qu'il est. Car la Fange a assaini le monde. Elle a bouffé tous ceux qui étaient dehors, et ceux qui se terrent à Marbrume, voilà qu'ils pleurent et qu'ils tentent de refaire bêtement leurs vies minables, à bouffer des semelles de godasses et les rats, avant que ce ne soient les rats qui se nourrissent inévitablement d'eux.

Noblesse, clergé, laboureurs. Tous, tous pourris. Et pour eux tous, le jugement divin arrive. Marbrume va s'effondrer, c'est inévitable. Il faut accepter cette petite idée, et s'en remettre, pour enfin décider de se relever et de choisir qu'est-ce qu'on va faire avec le temps qui nous reste. Certains deviennent désespérés et cherchent une mort bête et inutile. Croyez-vous vraiment qu'un héros sert à quelque chose s'il n'a plus personne pour verser des larmes de crocodile sur sa vieille sépulture fissurée ? Et puis il y a ceux qui se fanatisent, mais ceux-là sont les dindons de la farce. Je n'ai aucune aspiration à devenir un martyr. Moi je ne suis pas débile. Je refuse de croire que c'est parce qu'on a refusé d'aller contre ses convictions qu'on en sort grandit ; Quand le corps a été écartelé et écorché de toutes les manières, qu'on a éprouvé les pires des souffrances inimaginables, et qu'on continue de prêcher tout pareil, c'est juste une preuve de folie mentale. C'est juste un moyen pour que ces gars se sentent supérieurs ! Ah, ils adorent ça, ces connards, juger de leur château mental où nous ne sommes que la crasse.
Alors du coup, avec la Fange, moi aussi je me suis radicalisé. Mais dans l'autre sens. Dans le sens le plus immonde qui existe. C'est pour ça que je me confesse. Pour tenter de me remettre un peu plus dans la grâce en sachant inévitablement que je pécherai à nouveau, et infiniment, jusqu'à ce que je trouve un truc plus excitant pour déchaîner ce qui est en moi. Au moins vous ne reprocherez pas à votre serviteur de n'être pas honnête avec lui-même. J'ai pas besoin que quelqu'un me juge ou me fasse mon portrait psychologique. J'en ai strictement rien à battre. Il y a des gens comme ça, qui aiment bien rechercher des raisons à pourquoi les gens font ce qu'ils font. Ils recherchent un quelconque traumatisme maternel, une humiliation infantile, une justification vaine et stupide pour dire pourquoi les méchants sont méchants.
Je suis méchant parce que c'est drôle d'être méchant. Parce que j'adore ça. Parce que j'aime voir le regard pitoyable des femmes que je bourre dans leur lit conjugal, ou sentir la trouille des métayers qui ont de la morve liquide qui sort du nez pendant que je leur explique très lentement, comme un instituteur à son élève, pourquoi ils ont merdé en s'opposant à Son Altesse Sigfroi et au Bon Peuple de Marbrume. La phrase magique. Celle qui invoque la pire des répressions, à coup de matraques, de mutilations et de bûchers.

Bienvenue à l'Esplanade. Bienvenue dans le repaire des gens les plus arriérés et attardés du monde. Des vieux gars anciennement riches, qui n'ont à présent plus rien, sinon de vieux morceaux de ferraille, des titres, de l'or qui ne vaut plus rien avec l'inflation galopante et la généralisation du troc. Je ne parlerai pas des pseudo-héros, c'est à dire les braves chevaliers qui sont en train de se faire croquer au Labret. Ceux-là luttent comme un noyé qui veut remonter à la surface, mais au moins, ils seront bien traités dans l'après-vie. Mais il reste une tâche tenace qui se colle à ses propriétés et ses manoirs. Une engeance qui se parfume, des étrons qui se parent bien de soie et de bijoux. La pire raclure du monde. La plus inexcusable. Celle à laquelle je n'appartiens pas, à cause de ma garce de mère. Mais si ces bâtards aiment s'amuser dans les pires vanités, à faire du complot de pacotille, des duels froids qui ne se terminent jamais avec du sang, à discuter mariages et naissances. Remariages, surtout, et décès, parce que pendant que les grosses garces bien gavées d'ici s'amusent dans leurs beaux palais, à faire de longues discutions et de dialogues pour rien dire, sinon pour gâcher leur salive et sortir les effluves de vieux fromages puants du fond de leur gueule, leurs pauvres maris souvent cocus se retrouvent à se chier dessus, tremblants dans leurs cottes de mailles, sur les routes et dans les marais du Morguestanc, à risquer leurs peaux pour que les riches bourgeois et les putains aristocrates continuent de faire croire à leur vieux mode de vie. Et au-dessus de tout ce beau monde, un homme, un seul. Sigfroi de Sylvrur. Le pire de tous. Et ironiquement, le meilleur. Il est parti au Labret tout récemment, pour montrer qu'il dirige. Quelle idée grotesque : Ici se fomentent des tentatives d'assassinats contre lui, même si ce ne sont souvent que des fantasmes des plus demeurés de ces maisons à colombage. Sigfroi, dans toute sa vie, n'a cessé de trahir et de comploter. Contre ses rivaux, d'abord, puis surtout contre son Roi, alors qu'il est censé n'avoir envers lui que la plus grande et la plus pure fidélité. Instable, incapable de poursuivre longtemps un dessein un peu clair, il est sans doute celui qui a le plus profité de l'Apocalypse, parce que tous les gens qui risquaient de l'écraser comme une puce sont morts, et que tous ceux qui le médisaient se retrouvent maintenant à ses genoux, pleurant sous son égide, que nous représentons, nous, les soudards qui avons la légitimité pour venir défoncer les portes à la hache et à la semelle de nos godasses. « Molle épée », c'est comme ça que je me souviens qu'un certain Pierre de Sarosse aimait l'appeler. Cruel et traître, encore plus qu'on le pardonne normalement aux princes de son rang, voilà que ce rejeton de Sitry était partout loué comme un saint et comme un sauveur. Lui qu'on disait à une époque pourri de l'intérieur, sans conscience, rendu fou par des sortilèges, voilà qu'il était à deux doigts d'être couronné comme un Roi. Mais Roi de quoi ? Roi d'une maison de poupée, peuplée de fourmis qui vivent et meurent sans rien changer à un destin qui n'est plus entre les mains de personne. Fut un temps où on pouvait naïvement imaginer changer quelque chose au monde. Mais j'ai déjà vu la fange de mes propres yeux. Rien n'y survivra. Et rien ne la chassera.

Heureusement il y a quelqu'un à Marbrume qui pense comme moi. Un gars tellement imbu de lui-même qu'il s'en fout de ce qui advient des autres. La seule chose qu'il aime, c'est sa jeune fille, et jamais je ne toucherai à sa jeune fille, alors nous sommes quittes. Son nom c'est Samuel Montoya, et je trouve que nous nous ressemblons beaucoup. Lui aussi c'est un rejeton de rien. Enfin, un bourgeois. Celle que la noblesse ne peut pas supporter, parce qu'il leur est arrivé quelque chose d'atroce et d'immonde aux yeux de la vieille aristocratie champêtre : Ils ont réussi à s'enrichir de leur travail. Ils sont devenus lettrés, ont obtenu des chartes, mouvement encouragé par les princes et le Roi qui voient en ces gars-là des fonctionnaires et des entrepreneurs qui amènent une masse monétaire toujours succulente quand on aime se paraître dans le luxe. Mais lorsqu'on est un petit chevalier crotté, troisième fils d'un seigneur qui peine à amasser de l'argent, même en multipliant les péages et les tailles sur ses gueux qui labourent une terre sale et stérile, on ne peut que haïr que des gens issus du bas peuple, celui qui n'a aucune importance, puisse se hisser dans les bonnes grâces de son suzerain. Et pourtant même la plupart des bourgeois sont pourris, échangeant titres et bons écus en échange d'une quelconque reconnaissance. Eh bien, moi et Montoya, fut un temps où nous n'avions aucune importance. Moi je n'étais qu'un sergent de paix, juste bon à aller boxer les mendiants et les voleurs les jours de foire, et lui il n'était qu'un petit prévôt censé gérer la douane et les sceaux des monnaies. Du jour au lendemain, avec la disparition du monde entier, nous sommes devenus puissants, assez puissants pour martyriser en toute liberté tous ceux qui s'opposent à nous -Tant que c'est dans l'intérêt du duc, bien sûr.
Et aujourd'hui nous allons satisfaire le duc. Gloire à lui, car sa gloire rejailli sur les étrons que nous sommes. C'est pour ça qu'il me viendrait jamais à l'esprit de le trahir, ce con-là. Parce que je m'en fous bien qu'il laisse des gens de bien crever la gueule ouverte hors des murs de Marbrume, tant que je suis bien caché et bien nourri du bon côté de la muraille.

Mon rêve c'est d'avoir mon propre manoir sur l'Esplanade. D'y amener mes gosses et ce qui me sert de femme. J'aime beaucoup ma femme, même si elle est pas belle et conne comme un sac. J'aime sa simplicité. J'aime le fait qu'elle se plaigne pas, qu'elle me demande pas pourquoi je rentre tard le soir. J'aime comment c'est une mère dévouée, et une bonne épouse quand je suis là. J'ai toujours bien traité ma femme. Jamais je ne l'ai giflée, parce qu'elle a su ne jamais me briser les couilles. J'aime son ardeur au travail, à aider au commerce de son con de père qui tient une boulangerie ; Lui je n'ai pas hésité à lui faire bouffer deux-trois mandales, quand il s'est mit à se plaindre pour un sou. Mais maintenant, avec l'Apocalypse, il m'adore, parce que je m'arrange tout le temps pour qu'il y ait un ou deux miliciens devant son commerce, et ainsi éviter les vols et les émeutes. Ceux qui tentent de voler le pain, ils crèvent. Le pain c'est devenu aussi précieux que les chevaux et les armures, et tout ça c'est devenu plus précieux encore que les bijoux ou les vitraux. Mais pour avoir mon propre manoir à l'Esplanade, il faut déjà que je le justifie, ce qui serait pas trop difficile si je continue de bien bosser, et plus que ça, il va falloir que quelques chieurs virent. Y a trop d'occupants ici. Trop de gens qui se permettent de faire des fêtes mondaines un peu idiotes, qui se nourrissent en profitant du marché noir, et qui, avec deux verres de cocktails, se mettent à conspirer pour trois sous. C'est avec ces gens-là que j'ai rendez-vous aujourd'hui.

J'arrive devant la demeure des Montoya, à cheval, avec une escorte de deux autres soldats montés. Leurs sabots claquent sur le pavé, assez pour provoquer un écho qui se fait entendre dans le quartier. On descend devant les grilles et on attache les rênes des bêtes. Je me met à siffler, mes doigts entre mes lèvres, et les gars se postent devant l'entrée pour servir de vigiles. Moi j'arrive jusqu'à la porte, en retirant mon casque que je place sous mon bras, avant d'aller toquer à la porte. On m'ouvre. Je dis mon nom avec un grand sourire, je précise que je suis là pour déjeuner, et voilà qu'on me fait entrer. On me retire mon mantel mon gros heaume qui couvre mon petit cerveau. On me retire ma ceinture, parce qu'il y a mon épée attachée et que ça se fait pas d'entrer chez les autres avec une épée. Et voilà qu'on me fait attendre dans le petit salon que Samuel arrive, avec sa grosse dondon de femme. Je baise la main de son épouse, et je serre franchement la main de Samuel, en rigolant et en l'appelant « vieux frère ». Il empeste l'alcool et il a un coquard, mais je ne suis pas étonné parce que c'est pas la première fois que le type arrive en étant passablement ivre et avec des traces de lutte. J'ai la politesse de détourner le regard et de pas relever ce genre de détails.
Après que le valet nous ait tous bien attablés et servi du bon vin, voilà qu'on peut commencer à s'empiffrer et à échanger des mondanités totalement débiles. Comment ma femme va, comment leurs chevaux vont, comme le Labret se porte. Puis on commence à faire croire qu'on parle travail, parce que j'explique un problème avec des pécheurs qui ont commencé une rixe, et voilà que dame Montoya s'excuse et s'en va le temps de voir « comment le dessert se porte ». Moi et Samuel on est enfin tous seuls. Je me colle au dossier de la chaise et je prend une grande rasade de l'alcool de mon verre, une espèce de liqueur dégueulasse et artisanale.

- Bon alors, sire Samuel. Pourquoi tu m'as appelé ?
T'as finalement réfléchi à ma proposition ?


Ma proposition. C'est de ça que je voulais me confesser.
Y a beaucoup trop de nobles sur l'Esplanade ! Ça devient franchement étouffant ! Je me dis, si jamais on peut en expulser quelques-uns, pour en faire un exemple, ce serait pas bien ? Son manoir serait saisi, comme son argent, ce qui profiterait au duc. Et ça permettrait de montrer qui est le patron ! Samuel il était pas fan quand je lui ai annoncé ça au début, mais j'ai toujours eut le chic pour entraîner les gens dans la merde. Surtout qu'on se complète lui et moi. Lui parce qu'il a le pouvoir légal de dresser des ordonnances et des procès verbaux, et moi parce que j'ai le pouvoir de la sainte-matraque, surtout quand je peux l'enfoncer dans les gens.

- Tu as quelqu'un en ligne de mire ?
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MessageSujet: Re: Ora et labora    Ora et labora  EmptyMer 29 Mar 2017 - 11:43
Evidemment, c'est du poisson à la crème avec des petits légumes tout vilain, que j'identifie pas mais qui sont très amers. On en aurait fait exprès que ça aurait pas pu être pire. T'as déjà gerbé du poisson à la crème ? Ca donne l'impression d'avoir une infection vaginale dans les sinus. Même pas en rêve je mange ce truc.

Et ça arrive le seul jour du mois où je suis obligé de rester à table. Le petit de Beaumont est là. Plus si petit, d'ailleurs, mais il a quand même l'âge d'être mon fils. Je lui arrive au niveau du menton et il doit faire quatre ou cinq fois mon poids. La comparaison est pas à mon avantage. J'ai l'impression d'être un vautour tout fripé et recroquevillé en bout de table, en train de picorer son alcool. Y a à peine dix ans j'en étais pas là. Lui il avait une gueule de gros poupon en sueur, et j'étais encore tout musclé des conneries que j'avais l'énergie de faire. Mais la roue tourne. Maintenant il est massif. Comme tout n'est pas noir non plus, je remercie mentalement Anür de m'avoir laissé mes cheveux. Je sais pas si c'est elle qui s'en occupe, mais c'est forcément une bénédiction des dieux quand un mec garde sa tignasse.

Bref, je donne des petits coups de fourchette dans le poisson comme pour le poignarder en essayant de donner le change. Elric a l'habitude des nobles, il prend en main la conversation devant ma femme. Il sait que je suis trop bourré pour le faire sans fausse note. Ca roule bien. Adélaïde est dans la zone de creux de ses montagnes russes mentales. Elle est trop occupée à se détester elle même pour être chiante. Elle a des périodes comme ça. De temps en temps elle vient me dire des horreurs (type "tu me baises pas parce que je suis trop moche"), mais c'est les moments où elle est facile à vivre. Ca dure jamais longtemps, évidemment, elle va se découvrir une nouvelle passion ou une nouvelle personne à emmerder, ça va la remettre à son niveau de narcissisme habituel.

Mais enfin elle se casse pour aller voir le dessert. Son seul amour éternel c'est la nourriture, pour preuve son obésité galopante depuis le début de sa ménopause. On dirait qu'elle a aspiré mon organisme pendant mon sommeil. Puis celui de quelqu'un d'autre. J'avoue que sur le sujet, j'ai basculé dans la cruauté gratuite. J'en suis pas aux vannes en public, mais pas loin, surtout quand elle fait carpette comme en ce moment. Mais ça m'énerve ! Au lit elle fait un trou noir de gravité dans le matelas, où je dégringole systématiquement pour me retrouvé coincé entre son aisselle et les couvertures. Et elle ronfle de pire en pire. Même entendre sa respiration pénible à travers ses narines bouffies de graisse me rend fou. La voir osciller sur ses jambes grotesques pour monter un escalier aussi. Juste voir un cheveux mort à elle me donne une envie de meurtre. Ce qui explique mon regard de haine fixé droit vers son dos pendant qu'elle sort de la pièce. Ca va pas mieux niveau mariage.

Bref, revenons aux affaires. Comme il est trois grammes et demi du soir, j'ai ma forme des mauvais jours. Dieu merci j'ai l'habitude de pallier à mes propres défaillances, j'ai écrit mon idée quand j'avais encore ma tête - c'est à dire après la gueule de bois, mais avant l'apéro. J'ai mis le parchemin dans la bibliothèque de la salle à manger, pour pas avoir à tituber comme un connard jusqu'à mon bureau et prendre le risque de tomber. Ma coordination psycho-motrice, ma bataille. C'est le slogan le plus nul de l'histoire des slogans, mais tu laisses papy tranquille OK ? Il est trop bourré pour faire des phrases.

Elric lit. J'en ai chié pour écrire ça. Déjà parce qu'utiliser cette calligraphie de merde à base de boucle partout ça tient plus du dessin technique que de l'écriture. Ensuite parce que ce type de document se rédige pas comme une liste de course à l'épicerie. Surtout que c'est ma première fois. J'ai déjà été très partial et arrangeant, mais c'était toujours pour des petits trucs entre copains comme tout le monde en fait. J'ai jamais été aussi cliniquement froid et efficace dans le mensonge.

C'est tombé sur un mec à qui je veux voler des champs intramuros. C'est de l'or en barre les pâturages en ce moment, en plus les siens sont juste à coté d'une fosse commune. L'herbe est grasse et vert fluo, c'est plein de calcium pour les chevaux. De l'or en barre je te dis. Je manque de place, et tout le monde a besoin de chevaux. Je passe à coté du filon ça me rend fou.
Toute mon argumentation repose sur le témoignage d'un petit noble qui l'aurait vu transbahuter des marchandises non déclarées sur le registre des taxe, en grande quantité. Evidemment j'ai rajouté deux trois bricoles type factures boiteuses. Mais c'est pas important, parce qu'un complot c'est avant tout des gens.

Faut surtout pas que ça ait l'air de venir de moi, et que ça fasse râler personne assez fort pour me gêner. Faut que ça passe comme légitime quand je sortirai à un moment un document que j'avais oublié "comme par hasard" qui dit que je suis prioritaire pour acquérir ces terres, parce que j'ai acheté un décret y a un moment pour dire que c'est super méga important que je fasse des chevaux en ces temps de crise. J'ai pas réussi à en avoir une sur les bottes et sur les bougies, faut que je réussisse ça merde ! Quelques hectares en plus ça va gonfler mon chiffre d'affaire. Là mes chevaux je les vends tellement cher que c'est abusé, toutes les bonnes races pour noble ont disparu de Marbrume. En plus faut un dressage particulier que Didier le maquignon des bas fonds ne sait pas faire. Un cheval se met pas magiquement à répondre à un mors à double courbure conçu pour les joutes. Bref, pour toutes ces raisons mon complot il est vachement bien.

Tout repose sur "l'intérêt ducal". Ca fout tout le monde dans la merde qu'un mec paye pas ses impôts et garde ses terres pour du lin à la con qui intéresse personne. Mais à la limite, tout le monde le fait ça, c'est pas le problème - le lin bénéficie d'une réduction d'impôt à cause d'un édit vieux de vingt ans que tout le monde a oublié. C'est juste que c'est une victime facile. Le chef de famille est tout jeune, un petit branle couille qui s'est pas protégé contre un coup du sort pareil. Je pense. C'est de la toute petite noblesse qui se retrouve en position de force par un hasard des circonstances - les Fangeux. Si c'était pas moi ça serait un autre, peut être encore plus vilain.
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Elric de BeaumontSergent
Elric de Beaumont



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MessageSujet: Re: Ora et labora    Ora et labora  EmptyMer 29 Mar 2017 - 15:48
Je lis le papelard. Très lentement, et avec difficulté. J'ai très honte, et j'ai pas envie que sire Samuel il se rende compte du problème que j'ai :
Je sais pas lire.

Enfin, si, ok, je sais lire. Je suis capable d'écrire... Mais je suis pas fort ! C'est vachement compliqué de déchiffrer ce papier. Il aurait pu dessiner des figures étranges que ça aurait été pareil. Du coup, je me met à lentement mimer les mots avec mes lèvres, et à m'y reprendre à plusieurs fois. Je met une quinzaine de minutes, effroyablement gênantes, le temps d'avoir enfin compris le nom du mec et ce qu'on lui reproche. Le reste, ça vient de ma tête et de tous les rapports d'indics de l'Esplanade. Je sais que 2 et 2 font 4. C'est parfait.

Entre temps, Adélaïde nous revient avec un gros flan, et un valet qui nous sert dans trois petites assiettes. Je fais un gigantesque sourire à la femme du sire, en la remerciant beaucoup de ce merveilleux dessert et en lui assurant qu'elle était très jolie avec sa robe. Ça la fait rougir. C'est Samuel qui m'a expliqué, une fois, que sa femme était méga chiante dans certaines périodes et qu'il fallait la complimenter, parce que lui n'avait aucune volonté de complimenter sa femme. Quel drôle de couple ces deux-là. « Drôle » étant pas le bon mot. Ils sont capables de se buter ! Un jour je vais être appelé chez eux, et je vais voir Samuel la nuque explosée dans les escaliers et sa femme pendue au plafond. J'en suis sûr. Ça m'en fait un peu horreur parce que j'aime pas quand les gens s'entre-tuent. Sauf si ce sont des connards qui le méritent, mais là ce sont pas trop des connards qui le méritent, juste deux connards tout court.

- Dites-moi, dame Adélaïde, vous connaissez le seigneur de Saint-Maixent ?

Parce que c'est lui le type qui a été désigné dans le papier que sire Samuel m'a tendu. D'ailleurs je le replie et le lui redonne, et il peut tranquillement le cacher pendant que j'attrape ma cuillère pour me mettre à dévorer le flan par béquées.

- Son père et ses trois oncles sont tous des héros. Cela veut dire, ils sont tous morts. Dévorés par la Fange. Mais le fils est bien vivant ici, et assez respecté. Moi j'entends beaucoup parler de lui.

J'entends beaucoup parler de lui parce que son domestique me fait piper des infos. C'est ça mes indics du quartier noble. Les gars qui servent le couvert et qui rangent les manteaux des invités. Les gars qui ne parlent pas, mais qui voient tout. Si vous saviez le peu de loyauté que certains ont envers leurs maîtres... Ou même les maîtres des autres ! Vous voyez, l'Esplanade, c'est ça qu'est trop marrant. Les types arrêtent pas de conspirer les uns contre les autres, avec leurs petites histoires de merdaille, qu'Untel veut venger Truc, sans se rendre compte que tout tombe tout cru dans nos gosiers, comme si le duc était un fantôme, une présence éthérée et supérieure à tout, qui volait au-dessus de leurs consciences.
Tous des cons.

Mais du coup, le seigneur de Saint-Maixent, j'ai pas grand chose pour le faire arrêter. Ah bien sûr, il y a des documents qu'on pourra trafiquer, du faux et de l'usage de faux... Mais ce sera pas assez pour être convainquant devant le bailli de Marbrume. Et c'est pas des preuves qu'il demande. Ce qu'il demande... C'est une raison morale. Un truc qui ferait que le duc en personne se sente menacé.
Ce qu'il faut, ce qu'on arrive à prouver que Vincent de Saint-Maixent est un putain de traître félon qui conspire pour assassiner le duc. Eh oué. Carrément. On va aller jusque là !
Tout ce qu'il faudra ce sera une vieille lettre pourrie, peut-être qu'on lui aura fait rédiger en lui faisant croire qu'on est des conspirateurs alliés. Ce sera pas dur. Vincent est une jeune tanche, ultra manipulable, surtout par sa toute nouvelle épouse, une sorte de... Fille de baron un peu malade dans sa tête, qui s'imagine parler aux esprits et qui passe ses journées au Temple. Tout ce qu'il faut espérer c'est que la garce soit pas enceinte, parce que Sam va sûrement vouloir couper tout le schéma d'héritage et moi parce que je veux réquisitionner son manoir. Tout le monde est content à la fin.

- Tu sais Samuel. Je me disais ; Ce serait bien de pouvoir rencontrer le seigneur de Saint-Maixent... T'as pas une idée, de réception privée, ou d'une connerie de ce genre où on peut le croiser ?
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MessageSujet: Re: Ora et labora    Ora et labora  EmptySam 1 Avr 2017 - 11:05
Vautré à table sur mon coude, j'écoute le milicien. A sa dernière question je me mets à glousser, un vieux rire de moquerie. C'est pas dirigé contre le sergent, c'est juste que je suis un mec bourré qui rigole tout seul en repensant à où Mr St Maixent aime tromper son ennui.

Ouais je sais où on peut le croiser, mais je ne crois pas que tu aies envie d'y aller.

Evidemment ma femme a sorti des inepties avant. Qu'on pouvait le croiser chez madame la Comtesse de B., où il avait fait démonstration d'une grande habilité sur un jeu de plateau à la con. Quelle idée de merde. J'ai même pas envie de le rapporter au discours indirect tellement c'est débile. Personne s'est jamais éclaté sur un jeu de plateau. On ne sort ces conneries là que lors des réceptions chiantes entre gens qui ne sont pas amis, pour les occuper. Qu'est ce qu'elle en sait la grosse patapouf, comment les gens se croisent ? Elle est aussi active qu'une motte de saindoux. Elle sort rarement dans le monde sans moi. Elle dit que c'est parce qu'une femme qui sort sans son mari c'est indécent, mais je sais bien que c'est parce qu'elle n'arrive pas à se faire d'amis.

Je mets des coups de cuillère dans mon flan, d'une parce que j'aime pas ça rapport à l'air de famille entre le dessert et les fesses de mon épouse quand elle marche, de deux parce que je peux pas dire en public où va traîner ce con de Saint-Maixent. Il y a un jargon pour ces choses là, mais je ne pense pas que Elric le connait. Il a pas une tête à ça. Peut être que les choses ont beaucoup changé depuis ma jeunesse, mais je me pense encore capable de reconnaître un pédé ou un bi-curieux quand j'en vois un. Je sais plus remarque. Ca fait longtemps. J'attends que ma femme détourne son attention à parler toute seule pour dire discrètement.

Il est...

Là je tords le poignet et je lève les yeux au ciel avec une expression féminine. Mon mime devrait être parlant même à l'hétéro le plus obtus. Je faisais super bien la folle quand j'étais jeune, ça m'allait bien. Maintenant j'ai passé l'âge pour ces conneries là, j'aurais juste l'air d'un immense pervers malade mental. Faut savoir s'arrêter, pour certains trucs. J'ai d'anciennes fréquentations qui sont toujours à fond dans ces délires là, du coup ils ont l'air ridicule et les jeunes se moquent d'eux.

Puis les pauvres, faut dire, leur seul grand frisson c'est l'homosexualité. Je trouve ça très limité perso. Bien sûr ça m'a fasciné au début, quand je découvrais le monde merveilleux de l'adultère. Mais après il y a eu le fétischisme des pieds, la gérontophilie, le moment où j'avais envie de le faire que avec des étrangères des pays du Sud, le sadomasochisme, les grosses orgies... Des tas de truc. Je suis un gros dégueulasse, OK, mais un gros dégueulasse grandiose. Une fois, quand j'avais vingt cinq ans, je me suis fait sucer par un Duc - je ne dirais pas lequel. Un jour je me suis tapé une fratrie de cinq personnes, sans faire exprès, la même nuit, dans trois soirées différentes. J'ai voyagé juste pour découvrir plus d'exotisme du cul. Mon imaginaire érotique s'étend des steppes arides de l'hétérosexualité jusqu'à la verdoyance de ces clubs pour gentlemen où il y a des déguisements d'animaux et des godes en acier dans les placards. J'ai toujours trouvé ça plus sain que les mecs qui niquent seulement avec leur femme ou une pute complètement passive du genre. Ca évite les tares classiques des hommes de mon âge, comme battre domestiques et enfants, tomber amoureux de gens très jeunes ou être complètement névrosé et commencer une collection d'épée.

Enfin tout ça c'est surtout du passé. Maintenant si j'allais aux putes ça serait surtout un moment pénible d'une demi heure avec dix milles sorties de route et des douleurs aux couilles. C'est l'alcool ça. C'est pour ça aussi que je deviens de plus en plus con. J'ai plus l'énergie pour tout ça.
Ce que j'aimais surtout c'était être curieux, actif, apprendre les codes et la discrétion autour de tout ça, rencontrer les personnalités les plus improbables. Jamais j'ai payé un mec pour me ramoner l'usine à Suchard en dix minutes dans une ambiance glauque. Faut pas être possédé par le cul, c'est toi qui le possède. Un truc comme ça. De toute façon maintenant, toute cette société là a quasiment disparue. Y a plus que deux trois lupanards à pédé. Quand je pense que dans le temps, on pouvait plus gagner sur le rang social en sachant faire un massage prostatique avec la langue qu'en fayotant dix ans dans un conseil à la con, ça me rend fou tiens.

Tu as toujours envie d'aller le croiser en privé ?

Intervention de ma femme qui ne pige rien et qui essaye quand même :

Pourquoi ne le voudrait il pas ? A mon souvenir c'était un homme charmant qui....

Râh putain ferme là.

C'est pas dit très fort, je croyais n'avoir fait que le penser. Trop bu. Je vais bientôt vomir. Je l'ai pas encore fait parce que je suis trop fatigué, mon ventre en a marre de tous ces spasmes de chien malade pour déblayer l'alcool. J'ai mal par appréhension. Je sais pas si j'aurais assez d'amour propre pour tituber jusqu'à la salle d'eau. Je crois que je vais me contenter de me pencher par dessus l'accoudoir, j'ai pas encore décidé.
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Elric de BeaumontSergent
Elric de Beaumont



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MessageSujet: Re: Ora et labora    Ora et labora  EmptySam 1 Avr 2017 - 22:55
L'imitation est assez vivante pour que je puisse immédiatement relier les chemins dans mon esprit. Et pour bien montrer que j'ai compris, je décide de faire un signe, très discret.

- Aaaaaaaaaah, d'accooooord.

Je continue en faisant un vif mouvement de tête vers l'avant, avant de terminer à broyer le flanc tout mou entre mes crocs.
Il est pédé.

Pédé !

Putain je hais tellement les pédés. Je pense qu'il faudrait que je fasse un pamphlet contre la pédérastie. Existe-t-il chose plus sale et immonde que ça ? Le fion putain. C'est par où la merde sort.
Déjà faut comprendre, que beaucoup de pédés font ça avec de jeunes hommes, voir des enfants. En famille en plus. Moi j'en connais des histoires sordides de ça, je le sais parce que je fais partie de la milice depuis des années, et que des fois les prêtres, les gars qui s'occupent des mœurs, ont besoin de gros bras pour les suppléer. J'ai déjà vu ces histoires de gros pédés d'oncles qui attouchent leurs neveux et... Et vous avez l'image en tête. Du coup on les brûles, c'est le meilleur moyen de tout purifier.
En plus c'est un mal insidieux la pédérastie. Atroce. Il se faufile partout. Surtout entre les moines reclus tout seul, loin du siècle -et donc des femmes- pour rester chastes. Or, l'homosexualité c'est le pire péché de chair au monde, parce que son but est pas du tout la reproduction, chose que les Dieux veulent pour nous. Des années que je suis marié, et j'ai encore très honte à demander à ma femme de me sucer : Les enfants sortent pas par la bouche !

Le pire c'est que j'ai connu une époque où j'allais dans ce genre de cloaques répugnants. J'y allais pour le boulot. Parce que mine de rien un tas de gens s'y retrouvent, et surtout des gens puissants et importants, qui auraient pu m'aider. Vous savez comment j'ai eu une promotion de sergent ? En regardant avec un sourire figé un gars très puissant en train de se faire lécher l'anus. Parce qu'on peut pas rendre ça romantique. La pédérastie c'est pas romantique, c'est le truc le plus glauque au monde. C'est des types qui se droguent pour rester durs et qui enfilent des tas de trucs toute la nuit. Je me rappelle qu'en rentrant chez moi j'allais vomir puis me gratter à l'éponge. J'en suis devenu chaste. Tellement dégoûté par le sexe que je suis chaste.

Voilà que les deux recommencent à s'engueuler. Parce que Samuel l'insulte et que sa femme fait les gros yeux. Mais juste avant qu'elle puisse ouvrir la bouche, je me met à tousser très fort, histoire de les calmer, et de vite changer de sujet, genre que j'ai rien entendu et que aucun mot méchant n'a été dis. J'ai de l'expérience avec ce genre de trucs. J'ai grandis avec un père qui détestait sa femme, femme qui n'était pas ma mère.

- A-A-Ahem. Oui, dame Adélaïde, je suis sûr que ce bon sire Vincent serait ravi de me voir. Et je suis sûr que votre mari peut nous présenter.

Je pivote ma tête vers Samuel.
Faire une descente dans un club de pédé ne suffirait pas à accomplir notre plan. Parce que je suis sûr qu'on trouvera des gens importants à ce club de pédés. Peut-être même le duc ou le bailli, j'en sais rien, je veux pas du tout savoir. Quand on est puissant et qu'on s'imagine au-dessus des lois, on devient généralement taré et on fait n'importe quoi, parce qu'on peut. C'est aussi pour ça que j'estime que la religion est essentielle. Un mec qui croit pas aux Dieux, je me méfie direct. J'ai les dents serrées. La religion est le seul repère moral qu'on puisse avoir, le seul absolu. Le Roi est peut-être Roi, personne ne pourra le déposer ou le faire abdiquer : Mais tant qu'il a peur des Dieux, il se pliera devant la volonté des Dieux, et il n'abusera pas de sa position, de peur que dame Anür toute-puissante n'aille le couler au fond de la mer, perdu au milieu de nul part, une fois qu'il aura rendu son dernier souffle. Mais si jamais il est athée, qu'il croit en rien, alors qu'est-ce qui lui empêche de pratiquer les pires déviances possibles et imaginables ?
Mais il n'empêche, prouver que quelqu'un tout seul est pédé, ça ça met dans l'embarras. Ça met dans l'embarras parce que la pathologie pédéraste est un secret de polichinelle. Et les clubs de pédés ils ont cette règle : Ils se défendent pas. Si un des leurs est exposé au monde, ils vont pas chercher à le tirer de là. Au contraire. Ils seront les premiers à crier au scandale et à se moquer de lui. Ils seront les premiers à rire lors de ces grandes cérémonies d'humiliation, où le pédé est mis à nu, caillassé à travers la ville avant de le forcer, les pieds en sang, de faire pénitence devant les prêtres. Parfois quand ils récidivent on les castres. Ou on les brûles. Brûler ça y met fin définitivement.

La question que vous devez avoir c'est : Est-ce que t'as déjà fais l'acte avec un homme ? Eh bah fermez-la. Vous en saurez rien. Bande de galeux.

Du coup le dessert y s'est terminé. Du coup on a parlé de trucs qui servent à rien, comme dans tous les repas où on veut pas mettre à la porte l'invité. Surtout que Dame Adélaïde s'est resservie et s'est mise à me poser plein de questions. Plein plein de questions sur tout et sur rien. Mon boulot et tout. Moi j'ai parlé de bagnoles avec Samuel, genre qu'il avait acheté un nouveau carrosse mais qu'il aimait pas la marque parce qu'il était souvent en révision. De ses chevaux aussi. Mais j'ai l'impression de le saouler, il a très mal à la tête et on est le matin, il doit donc vouloir aller comater pour ensuite être en pleine forme et aller se péter la gueule. Par contre sa femme a mis le grappin sur moi ! Elle arrête pas de me parler en postillonnant du flan. Je l'aime bien. Elle est gentille, même si un peu collante. Je comprend pas la haine que ressens Samuel envers elle. Sûrement parce qu'il est pédé. Comme je vous l'ai dis, la pédérastie des gens c'est un énorme secret de polichinelle. Tout le monde le sait, on en parle pas, c'est tout.

Du coup on a fini le repas assis sur des canapés tout vieux et moisis, en buvant du bon vin qui rend pas ivre. Puis après dame Adélaïde est partie chercher un jeu d'échec parce qu'elle s'est mise en tête qu'on fasse une partie tous les deux, chose que je supporte pas ; Je déteste les échecs, j'y joue juste parce que des gens puissants y jouent ! Fayoter c'est trop dur...

- Du coup Samuel. Mon plan, mon super plan... C'est... 'Fin, en tant que sergent, je peux envoyer un de mes gars chez lui, à son domicile. Fouiller sa correspondance et tout. Et puis il faudra chercher deux-trois rumeurs sur lui, des accusations... Mais ça ça se fabrique, y a pas trop de problèmes. Suffira que tu sortes un peu d'argent de ta caisse pour soudoyer ses domestiques ; De toute façon avec ce qu'on récupérera de sa condamnation ce sera très suffisant !
Mais commencer par le mettre dans nos petits papiers j'pense que ça serait une bonne idée. T'sais, on va aller à une de ses fêtes où il se rend, et on va le mettre à l'aise et tout. On va le convaincre de nous inviter chez lui, avec tous ses amis bourges, la comtesse de machin pis le baron de truc, tu sais tu vois de qui je parle, la fille qui rit comme un cochon et le barbu qui boîte... 'Fin, j'ai rien contre les boiteux hein ! Par rapport à ta fille, t'sais.
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