Marbrume


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 Doppelgänger

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Elric de BeaumontSergent
Elric de Beaumont



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MessageSujet: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyVen 7 Avr 2017 - 23:28
Où es-tu, Jean Trois-Doigt ? Voilà trente minutes que je cherche. Ton absence commence à m'inquiéter. Les rues de Marbrume ne sont pas sûres la nuit. Quand bien même je sois un gars costaud et impressionnant, avec ma haute taille et mon gros poids, et surtout la lame que j'ai sous mon long manteau et que je peux sortir pour menacer quiconque viendrait s'en prendre à moi. Mais j'ai appris depuis bien longtemps la suspicion, au point de faire naître en mon âme une paranoïa toute atroce, qui m'écrase le cœur et noircit ce que je suis déjà. Pensez-vous que je n'ignore pas ce qui se trame, dans ces ruelles sombres et glauques, sales et noires ? Pensez-vous que je n'ai pas déjà vu des imprudents, des ambitieux, des nobliauds ou des bourgeois qui oublient leur place, se faire bastonner et égorger, comme ça, du soir au lendemain, en laissant derrière eux une veuve éplorée, quelques chiards orphelins, et surtout une officine que le premier venu pourra occuper ? La place de sergent de la milice de paix commence à être très convoitée, là où, il y a quelques mois encore, elle n'était qu'une occupation de vieux soudards brigands et sans importance. Un long frémissement étrille mon échine alors que des idées dangereuses m'assaillent. Putain. Et si Jean m'avait trahi ? Je le verrai venir, parce que je ne prend jamais la même route, parce que je ne passe jamais par le bon chemin, parce que je fais exprès de me perdre au cas où je note que quelqu'un me suit, emprunte les mêmes chemins que moi. Une fois c'est déjà arrivé. Deux types qui me suivaient, je me suis rendu compte qu'ils me suivaient quand j'avais fais exprès de prendre 3 fois la même rue. L'important c'est de s'en rendre compte à l'heure, parce qu'arrive un moment où c'est forcément trop tard.

Te Dea laudámum: te Domina confitémur.
Te Mártyrum candidátus laudat exércitus.
Tu Rex glóriæ, Rikni.


La déesse de la nuit est étonnamment réconfortante. C'est le cœur plus léger, mais l’œil toujours vif, que je me met en quête de mon messager, priant tendrement entre mes lèvres. Nuit sans lune. Noir absolu. Et pourtant je ne suis pas le seul à oser braver la nuit salvatrice et les doux signes qu'Elle me donnera dans mon sommeil. D'autres gens, comme moi, décident de passer leur nuit éveillés. Et je ne parle pas des militaires de la porte, sur le qui-vive. Je ne parle pas des cottereaux qui s'assurent que le couvre-feu est respecté, car depuis peu, il y a couvre-feu. Personne ne doit se montrer au coucher du soleil à occuper la rue. Moi j'ai quelque chose qui me confie un passe-droit, une bague portant les armoiries de son Altesse Sigfroi, l'homme le plus atroce et le plus immonde qui règne encore sur terre ; Mais d'autres également osent passer leur nuit en plein air, en n'ayant nul autorisation formulée, mais en faisant l'acquisition tacite de l'une, en distribuant quelques pièces sous le manteau, avec un grand sourire rassurant, encourageant les hommes de paix à les ignorer. Comment maintenir l'ordre avec de tels relâchements ? Ne me demandez pas à moi. Quand bien même c'est mon travail, ça va faire des lustres que j'ai arrêté d'essayer. Maintenant je me concentre sur un job plus... Simple.

Ah, je vois Jean. Enfin. Ce vieux clochard puant, barbu, auquel il manque quelques dents, est adossé à un vieux mur de pierre, qui juxtapose une allée sale et non-pavée. Il a les bras croisés au-dessus de sa tunique, et même s'il est de dos, je devine aisément son vieux regard patibulaire qui observe droit devant. Je me colle moi-même au mur, et le longe lentement pour arriver dans le dos de l'indic'. Il pivote la tête, sans pour autant me regarder, étant sans doute habitué à ce que je le rencontre de derrière-lui. Sitôt que je suis à distance suffisante pour lui parler à voix basse, je me met à l'engueuler, à lui passer un savon qu'il n'a pas démérité.

- Je t'avais pourtant bien prévenu que j'étais en famille ce soir. Tu sais très bien que j'ai des enfants. Pourquoi envoyer un de tes molosses à ma baraque ?
- Un enfant de 8 ans peut difficilement être considéré comme un « molosse », sergent, me répond-il avec son ton plein de flegme, typique d'un homme de bonne naissance, ce qui est étrange lorsque l'on sait que ce suppôt de Sitry est en réalité un clochard vagabond dormant dans son propre vomi.
- Et s'il est suivi ? Et si je suis surveillé ?! Ma femme commence à se poser des questions ; Qu'est-ce qui peut justifier cette chienlit ?
- Vous parlez trop sergent. Observez plutôt.


Il change de posture, tout en restant adossé au même pan de mur. Bras croisé, il me fait un léger mouvement de tête. Nous sommes dans une position d'angle-droit, chacun de son côté de cette espèce de vieux coin de chaumière que nous occupons. Et devant nous, notre objectif, celui qu'on surveille depuis quelques piges. Un lupanar. Mais pas un trop pourri. Disons que c'est pas exactement le chenil typique du Goulot, où on va se taper des femmes à même le sol, ou sur des draps humides et souillés, simplement pour se vider et les laisser là. Là on parle d'un de ces endroits qui essaye de bien dorer la face de l'esclavage sexuel. C'est à dire que c'est toujours des filles, parfois jeunes, trop jeunes, qui sont prises par de vieux et gros messieurs ; Sauf qu'en plus, il y a tout l'attirail de ce que les autorités religieuses dénoncent et haïssent avec passion. La luxure. Les jeux d'argents. L'alcool qui coule, ce vieil alcool mal distillé fait avec les restes d'orge ou de houblon, un qui est dégueulasse mais qui enivre directement, quitte à rendre aveugle. Fut un temps où un ballet interminable se produisait devant cet « établissement », qu'on appelle « la Vérole Amoureuse », parce que, comme dans tous les bordels, on risque d'attraper des herpès. Le clergé a voulu faire fermer cet endroit à une époque, et ils auraient bien eut raison. Voir des gamines de seize, quinze, quatorze ans pour les plus jeunes faire des... Des trucs avec d'immondes marchands ou richous étrangers, ça la fout mal. Mais la Fange est arrivée, et le projet de démonter ce cloaque a vite été oubliée. Et puis moi j'aime peut-être pas la prostitution de jeunes filles, mais la vieille chienne qui tient cette merde a sut me faire tourner l’œil, à moi et à d'autres gars, grâce à d'honnêtes sommes. Au départ j'acceptais parce que je me disais que c'était un sursis. Mais je me suis vite rendu compte d'à quel point cet endroit ne partirait jamais, comme il n'est pas parti à l'époque où le duc avait encore le pouvoir de faire étrangler tous les tenanciers de bordels et de confier les gamines qui vendent leur corps au clergé. Il l'a pas fait, parce que c'est pas dans son intérêt de le faire.

- Reconnaissez-vous cet individu ? Me chuchote Jean Trois-Doigt en tendant sa main droite sur laquelle ne restent plus que le pouce, le majeur et l'index ; Car de ses dix doigts, sept ont été coupés, en diverses occasions, pour le punir encore enfant de larcins commis sur le marché. D'où le surnom.
- Ouais. Ouais j'le vois, je confirme en regardant un grand homme descendre de son cheval, accompagné d'hommes armés qui se tiennent en faction devant la porte du bordel, laissant celui qu'ils escortent entrer et retirer son manteau.
- C'est lui. C'est lui le père du bâtard. C'est pour ça qu'il est là, pour venir le voir.

… Putain je suis sur le cul. Je sais même pas quoi dire. Je tourne lentement mon regard vers Jean, puis à nouveau vers le bordel. Alors c'est ça ? Je savais que le père « du » bâtard était un noble. Je m'attendais juste pas à un noble de cette qualité. Je m'attendais pas à un bon sang, proche du duc, issu d'un haut-lignage. Les nobles c'est comme le vin : Le nom fait tout, le terroir est important, ils sont obsédés par l'étiquette et ils saoulent. Bah moi je m'attendais à de la piquette de taverne, pas à un grand cru qu'on sert pour l'ambassadeur étranger ou le connétable du Roi.

- Quelle preuve t'as ?
- J'ai suivi le bâtard pendant trois jours. Mais ils viennent pas juste de refaire connaissance... La chose qui m'a mit la puce à l'oreille, c'est l'insigne qu'ils ont autour du cou. La croix de baptême ; Elle a été forgée par la même personne.
- Putain... ça explique où ce sale cottereau a eut tout son pognon. Il siphonne les caisses de papa !
Je répond en exultant presque. Enfin ! Enfin cette putain d'histoire a du sens.
- Et maintenant il faut qu'on se le paye. Maintenant ou jamais.

J'acquiesce en agitant la tête, de haut en bas.
« Le bâtard » c'est le petit nom qu'on a donné à un chevalier de merde et sans aucune qualité. Armand du Plessy. Le mec est arrivé à Marbrume avec la Fange, comme tous les exilés, et il a gagné un manoir sur l'Esplanade. Il a servi dans l'armée du duc au Labret, donc c'est un héros. En plus il est beau, il est gentil, et il va tout le temps au Temple, alors tout le monde s'est mit à le vénérer là-haut, sur l'Esplanade.
Mais moi je sais des choses sur lui que les autres ignorent. J'ai découvert qu'il était un bâtard déjà ça c'est une bonne nouvelle. J'ai surtout découvert la raison de son exil. Il a tué un homme du Roi. Un bailli du Roi, quelques jours avant l'affaire Sarosse. Un chasseur de prime l'a suivi et a continué de le traquer. « Armand du Plessy » c'est pas son nom en fait, c'était le nom du bailli à qui il a volé l'identité, parce que c'était mieux pour avoir un manoir, et c'était mieux que crever aux côtés du monarque, dans l'armée d'ordonnance royale ; Car le vrai nom d'Armand, c'est « Guillaume la Truie », chevalier, certes, mais surtout un chef mercenaire sans scrupules, dirigeant une bande de routiers et d'écorcheurs, chevauchant avec ses amis d'enfance qui n'étaient rien de plus que des seigneurs-brigands qui installaient des péages sauvages et illicites sur les routes des Langres. Le Roi aurait dû le capturer et le punir, le punir par le supplice de la roue. Mais non. Le bailli, Armand, qui est venu pour l'arrêter et mettre fin à ses agissements, il a pas eut de chance ; Parce que les trois-quarts de son ost a été démolie par les fangeux, et que Guillaume a décidé de l'égorger et de prendre son rôle. Aux yeux de tous, Armand il s'est racheté une conduite. Armand c'est un héros. Armand il fait pas des mauvaises choses, c'est pas possible qu'il ait pu être un homme mauvais par le passé ; Armand il va pas au bordel. Putain. On dirait une mauvaise pièce de théâtre, une tragi-comédie débile. Des liens noués d'histoires familiales débiles et chiantes, incompréhensibles, que normalement on démêle à grand coup d'épées lors d'une ordalie divine réunissant des milliers de guerriers sous les auspices de Rikni, et qu'on nomme assez vulgairement « une bataille ».
Moi je retiens surtout qu'en apprenant tout ça, et en obtenant une preuve écrite de la culpabilité de Guillaume -une lettre rédigée du vrai Armand, qui n'a pas la même écriture que Guillaume, mais qui a le sceau royal, le vrai, celui qui est difficile à falsifier-, la première chose que j'ai fais... C'est de buter le chasseur de prime. Comme ça. J'aime pas trop avoir des gens qui cherchent à fouiller la merde. Surtout que le type était con, il pensait réellement qu'en m'apprenant tout ça j'allais lui donner une récompense, ce genre de conneries. La lettre est plus forte qu'un boulet de bombarde. La lettre, elle me donne le pouvoir de saigner ce putain de Guillaume, de massacrer son mariage, de lui prendre tout ce qu'il possède...
...Jusqu'à ce soir. Parce que maintenant j'apprends qui est son vrai père. C'est pourtant si logique ! Des bâtards qui sont devenus mercenaires y en avait plein. Et le pire c'est que Sigfroi tolérait ces bandes de routiers, parce qu'ils ruinaient les terres des autres et parce qu'il pensait avoir bientôt besoin de routiers, vu qu'il préparait, on murmurait, la guerre félonne contre le Roi. Mais là putain ! Non. Non le père il est trop puissant. Trop puissant pour que je me contente de niquer Armand-Guillaume de cette manière.

- Pourquoi se le payer ? Je demande, un peu hagard.
- Parce que, malin comme vous êtes, sergent, vous êtes probablement allé lui faire du chantage. Et maintenant, le père va se retourner contre vous...
- Non, je ne crois pas.
- Bien sûr que si ; Au fond, cette lettre, il peut la faire passer pour un faux. Il peut vous faire accuser de diffamation. La vie d'un grand noble ami du duc, ça vaut plus que la vie d'un petit bâtard sergent. Ça sent le roussi pour vous, sergent. Je suis en train de vous sauver la vie...


Bien sûr qu'il me sauve la vie, Jean. Je suis l'officier le plus véreux de cette putain de ville. C'est moi le type qui escroque, qui fait du racket, du chantage. C'est moi qui fait disparaître les nobles dans les allées sombres et qui pille les caravanes de marchands. Il a besoin de moi en place parce que je suis plus agréable à tenir que le prochain sergent qu'on nommera, parce que, avec un peu de malchance, le prochain sergent sera un patriote, ou un dévot, et voilà qu'il se mettra à lâcher les chiens pour attaquer le marché noir et essayer de maintenir l'ordre dans cette vieille cité maudite et qui schlingue.
Je suis vraiment les couilles dans un étau là.

- Je peux tuer son père.
- Cas de conscience, sire ?
- Non, trop difficile. Vous voyez bien qu'il est escorté. Le gars est toujours bien entouré, et pas de gens que je peux renvoyer comme mes miliciens...
- Pourtant il va bien falloir se débarrasser de lui...
- Eh bah occupez-vous en ! Moi j'ai l'Esplanade, toi et tes potes de la Cour des miracles vous avez le Goulot. C'est vous qui devriez le faire égorger en douce.
- C'est plus que compliqué que cela, sergent. Le sire est très respecté par ici. Il est un client régulier de l'établissement de dame Lucrèze. Je ne peux pas le faire empoisonner, ou accidenter, ou agresser. C'est de votre côté qu'il va falloir agir.


Pas grave. J'ai déjà bossé sous la pression. Tout ce qu'il va me falloir, c'est... C'est un plan.

- Vous pouvez continuer à le mettre sous surveillance ?
- Bien sûr, mais quoi que vous fassiez, je vous conseille d'agir très vite sergent.
- Je sais déjà parfaitement quoi faire. Donnez-moi quelques jours et vous en entendrez plus parler.
- J'irai prier au Temple pour vous, Elric.
- Je t'interdis de prier en mon nom. J'ai pas envie d'attirer la colère des Dieux ; Que cette affaire reste entre hommes. Si on réussit on ira payer aumône pour se faire pardonner. Et si on échoue... Ils se laveront dans notre sang. Entends bien, Jean. J'irai pas tout seul dans ma tombe. J'irai en hurlant et en chialant et en faisant tomber tous ceux qui sont avec moi. Entendu ?
- … C'est très compréhensible
, affirme-t-il après avoir laissé un long silence.
- Bien.

Et sans demander mon reste, voilà que je tourne les talons et que je m'enfonce au loin, dans l'obscurité, de cette nuit sans lune.

***

Comme d'habitude dans la caserne de Marbrume, des recrues se pètent la gueule avec des gourdins, sous motif d'entraînement. Ici vous ne verrez jamais de jolie escrime noble. Vous ne verrez jamais de preux chevaliers qui se battent avec virilité mais élégance, et des matamores qui balancent leurs adversaires à terre avant de les relever avec la plus belle courtoisie au monde. Là, du haut de ma barrière, un verre de jus de fruit à la main, j'observe comment deux gros mecs torses-nus font du pugilat avec des bâtons de bois. Ils se cognent, ils se font saigner de la bouchent, et se tabassent le crâne -qui de toute façon est déjà creux- sous les cris et les sifflements de leurs collègues. Un beau coup, et voilà que l'un des deux lutteurs est assommé net, et immédiatement, on entend certains hurler de joie, d'autres pester et crier à la triche, alors que des pièces issues de paris sportifs sont échangés. Ayant vu l'issue du combat, juste au-dessus, je me permet d'y aller de mon commentaire, en hurlant du fond de ma voix rauque et pas réveillée, car je n'ai pas dormi de la nuit :

- C'est ça que vous appelez se battre ?! C'est quoi le nom du militaire qui s'est fait assommer ?! J'veux le nom du gars qui bave par terre !
- C'est Guy le Tournoyeur, sergent !
Répond un des soldats en contrebas.
- Guy le Tournoyeur a des lacunes ! C'est qui son dizenier ?!
- C'est moi sergent
, répond un autre gars, visiblement énervé que je dérange leur joute de butors un bon matin.
- Vous pourvoirez mieux à son entraînement, soldat ! Comment est-ce que vous voulez que ce genre de gars aille lutter contre les fangeux ?!

Mais la réponse est toute simple, je l'ai déjà : Il ne veut pas. Le nombre de militaires qui font exprès de se coucher à l'entraînement est ahurissant. La milice n'a jamais été un travail prestigieux ; Elle est une carrière encore moins intéressante avec les démons dehors. Oh certes, y a bien quelques crétins ici par patriotisme. Mais la plupart sont des enfants perdus, de mauvais coucheurs, des gens sans rien qui sont attirés par la promesse d'une solde, en réalité minuscule et irrégulière ; Et la qualité des combattants est allée en diminuant avec le temps. Déjà je l'ai vu parce qu'on a eut des gens vieux, avec de la barbe blanche et des rides, qui se sont engagés. Et des très jeunes aussi, le genre tout juste pubère, avec trois poils sur le menton, jamais plus. Mais pire que tout, la plus belle preuve de la folie décadente dans laquelle notre organisation pourrie est empêtrée... C'est qu'il y a des femmes !
J'en vois, là, quatre, ici. Elles sont pas torse-nu, bien que je suspecte que ça dérange pas mal des recrues ; Deux fois la semaine dernière j'ai eu des jeunes femmes qui sont venues se plaindre que leurs collègues avaient été déplacés avec eux, ce à quoi j'ai juste soupiré et proposé aux gamines de quitter la milice parce que j'ai pas le temps de donner des coups de fouets parce que le vieux Raymond lui a touché les nénés. L'avantage c'est que ce système permet de se débarrasser de toutes les gamines un peu trop jolies, et qu'on se retrouve avec des hommesses laides et qui crachent quand on s'approchent d'elles, que je suspecte de pratiquer le saphisme. L'homosexualité féminine est un péché, sale, mais Anür me pardonne : Je suis ravi d'avoir des goudous dans mon armée. Y a des goudous qui ont plus de virilité que certains gamins mal torchés et à la peau trop blanche, c'est vous dire, c'est vous dire !

Et y se battent, encore. Et toujours les gros coups dans la face, et les gars qui tombent, et qui se relèvent, et qui se rebattent. Ils utilisent le gourdin parce que le gourdin c'est une arme anti-émeute, pour contrôler la foule. C'est très efficace pour protéger les convois de farines, pour rattraper les pick-pockets pour empêcher les gens de se réunir, parce que quand les gens sont unis, ils ne se sentent plus péter, et ils risqueraient de se mettre à brûler des maisons ou à aller décapiter les nobles. L'autre arme qu'ils sont censés apprendre à manier, c'est la lance, parce que la lance permet, en théorie de maintenir le fangeux éloigné, quand il ne se contente pas de tirer avec sa force et de briser la hampe. Et il y a le poignard, mais d'après ce qu'on m'en a dit, le poignard est ultra gênant dans les marais, parce qu'il y a des gamins un peu débiles qui préfèrent s'égorger et se donner une mort rapide plutôt que de tenter leur chance face aux monstres.
Dieux merci y a encore des chevaliers et d'anciens routiers très dangereux qui sont pas des fiottes. Sans quoi Marbrume ce serait effondré y a des mois.

- Médiocre ! C'est quoi cette manie que vous avez de vous effondrer à peine la lutte commence ?! Bordel de ! Seigneurs Dieux tous-puissants, je vous jure, je vous jure devant Rikni éternelle, que le prochain que je vois s'effondrer en moins de une minute je descend pour lui apprendre la vie !
- Arrête de t'énerver Elric...
Me chuchote une voix derrière-moi.
- Que je m'énerve pas ?! Mais regarde ! Regarde-moi ça putain ! Je dis à voix plus basse, inaudible pour les gens sous mon balcon, en me retournant vers mon subordonné et mon seul véritable ami ; Étienne, dit « la Carpe ». Non pas parce qu'il ne parle pas beaucoup, mais parce que ses lèvres sont marquées par de graves traces d'éraflures, la faute à un père forgeron violent qui lui a appliqué un fer rouge sur la bouche.
- Ouais, j'ai vu. Mais je pensais que tu voulais que je te montre les gars parce que t'avais besoin de volontaires pour-
- Parle pas de ça en public !


Étienne est en réalité l'un des seuls hommes qui soit réellement au courant de toutes les magouilles que je fais. Genre 100%. Il sait tout parce qu'il faut bien que quelqu'un m'aide, et moi j'ai choisi Étienne. J'ignore si sa loyauté envers moi est absolue ; On l'a jamais fait torturer pendant des heures pour qu'il avoue tous ses secrets. Mais jusqu'ici, j'ai déjà testé sa loyauté sur le terrain. Il m'a jamais trahi, même sous pression. Mais je pense pas que ce soit seulement par gentillesse, respect ou amour pédéraste envers moi. Je pense que c'est surtout parce que je lui permet de profiter des fruits de mes conneries. Comme moi, il est marié et il a des enfants, et nous savons tous les deux à quel point nourrir sa famille, en même temps que ses ambitions, c'est essentiel. Et puis je crois qu'il veut me sucer. Ça se voit, je me fais pas des histoires, il a des yeux de suceuse.

… Anür, pourquoi je dis des trucs comme ça ?

- Tu vois la rousse là ? Qu'il me fait en se levant du tonneau sur lequel il était assis pour venir se coller à ma droite, près du balcon.
- Je vois.
- Eh bah elle a réussi à gagner le rang de dizenier. Elle a sa lance sous ses ordres maintenant !
- Doux Trois, tu dois te foutre de moi. Une femme peut pas diriger des hommes.
- C'est toi qui un jour m'a dit : « Je préfère quelqu'un de chanceux à quelqu'un de compétent ». Bah elle elle a déjà été dans les marais et tout, donc elle est chanceuse, donc c'est le profil que tu recherches.
- Hm... Vrai.


Il m'arrive que des emmerdes dans la vie. Que des petites merdes, tous les jours. Des coups de malchance, petits, comme perdre mes clés, ou très grands, comme apprendre que le père du gars que je veux faire chanter est en réalité un noble ultra prestigieux et qui peut me faire disparaître. J'en déduis tout simplement que cette malchance vient du fait que je pèche trop et prie pas assez les Dieux ; Mais s'il y a des gens chanceux, c'est que les Trois leur vouent encore une bonne bénédiction. Étienne est chanceux, mais c'est une crème le gars, même s'il est complice dans mes affaires. Pour ça que je le garde près de moi. Maintenant si Poil de Carotte en contre-bas c'est un coutillier qui peut me servir, je crache pas trop dessus. C'est une fille, ça pleure et ça sait pas se battre, mais avec un peu de chance j'aurai pas besoin de ça. Là je suis en train de me demander, à voix haute, si elle ferait belle avec une robe et les cheveux mouillés à l'eau propre et non à l'eau vaseuse et dégueulasse des marais. Je me le demande très sérieusement, bras croisés et main sur le menton. Non pas que je recherche une future épouse dans cette masse de goudous mal-baisées et fantasmant d'avoir un zizi ; Mais c'est plus facile si j'ai besoin de la traîner à l'Esplanade pour mes conneries.

- C'est quoi son nom ?
- Xandra Erkal.
- La vache ! Putain j'ai jamais entendu un patronyme pareil !
- ça marque, ouais.
- J'vais demander au capitaine à ce qu'elle soit transférée sous ma vigie. Je vais voir si je peux l'entraîner dans l'affaire du bailli usurpateur. Tu sais des choses sur elle ? Quelle genre de personne elle est ?
- Nan,
il fait en tournant la tête de gauche à droite, rapidement. Nan que dalle. 'fin, si... Je crois qu'elle aime traîner avec des mercenaires, la Compagnie des Lames.
- Putain. Même les routiers de merde ils se mettent à acheter de la fille. Dans quel monde on vit...


J'ai jamais eu d'amour pour les mercenaires. Parce que les mercenaires ça fait chier. Ça viole les femmes sous les yeux de leurs maris attachés. Enfin... Enfin je l'ai déjà fais ça, deux ou trois fois, mais c'était justifié, c'était pour faire peur et intimider, c'était pas du tout par plaisir, et je l'ai confié à un prêtre. Non, non là je vous parle de vrais routiers, de gars qui font ça toute leur vie, comme la Truie faisait dans une vie antérieure qu'il semble, semble avoir mise derrière lui. Perso, je n'ai jamais été trop dans l'ambiance chevaleresque, et j'ai appris l'importance de distribuer des pains depuis que je suis sergent de paix de Marbrume, et ça va faire une décennie maintenant. Mais les gars ! Les gars quoi ! Ils pillent et ils ravagent sans vergogne, et sur le champ de bataille, ils n'obéissent pas à l'usage qui veut qu'on ne tue pas son ennemi ; Ils égorgent et ils plantent leurs poignards dans les oeillières et sous les aisselles des chevaliers retournés comme de pauvres tortues sans défenses.
Plus que tout, j'aime pas les mercenaires, parce qu'ils me font de la concurrence. Les gars qui maintiennent l'ordre dans la cité, c'est nous, c'est la milice, et pas une bande de gars armés et qui vendent leur lame au plus offrant, comme les putes qui elles se font payer pour recevoir la lame la plus onéreuse !

- Fais-la monter.
- Bien.


Je me retourne alors que Étienne descend les escaliers juxtaposés au balcon pour aller voir la rousse. Il va sûrement se taper le poitrail et lui dire d'entrer. Moi je rentre et je franchis la porte juste derrière, qui mène direct à mon bureau. Deux chaises, deux tables, une masse de papiers devant moi. J'ai un avantage sur le milicien moyen : Je sais lire et écrire. Difficilement, avec une écriture pas soignée, mais j'y arrive. Et rien que ça, rien que le fait que je sache gribouiller des choses, un talent rare chez les guerriers, ça m'assure déjà une bonne place. Lire c'est un truc de prêtre, ou de marchand, ou de prince, ou peut-être, un peu, de chevalier, mais uniquement pour chanter des poèmes pour draguer de la meuf. Moi je sais lire et écrire parce que mon papa noble voulait que j'ai un avenir chez les moines. Pauvre papa. Je l'ai déçu jusqu'au bout. Et j'utilise pas trop ce talent parce que lire et écrire c'est chiant et j'ai pas le temps de taper des rapports tout le temps, qui, de toute façon, sont erronés, parce qu'on a toujours des déserteurs qui manquent à l'appel, ou des gars qui se sont perdus dans les marais et donc réputés morts, mais même là c'est compliqué de faire la différence entre les deux. Qui est de bonne foi, qui est juste un gros traître.
'Fin du coup je m'installe derrière le bureau, poings sur la table. Pas le temps de sortir le vin et de me préparer en mec lascif comme je connais certains nobles qui ont une semi-molle dès qu'ils voient un truc qui ressemble à une fille ; Et parfois même ça les arrêtes pas. Non. Là je vais l'accueillir façon pro. J'attends qu'elle monte les escaliers et ouvre la porte, et elle me fait un salut. Je me redresse et lui en fait un également, en bombant le torse que je frappe avec mon poing.

- Soldat Erkal. Ravi de vous voir. On m'a dit beaucoup de bien de vous, je mens en m'approchant pour venir lui serrer très fort la main, avant de me tourner vers Étienne ; Ce sera tout, vous pouvez disposer.

Étienne ferme la porte et nous laisse tous seuls. J'indique la chaise du bout de la main et va poser mes fesses derrière le bureau. Je m'installe vite en retirant mes gants que je pose sur un coin de la table, sur laquelle sont disposées un peu dans un bordel monstre des tas de feuillets, de l'encre, trois épées, une arbalète avec des carreaux, un gros grimoire emprunté au Temple qui s'intitule « Chansons Des Faits d'Armes de la Chevalerie du Morguestanc », que je me suis mis en tête de lire pour avoir des idées de stratégie ; Mais c'est débile, parce que combattre des chevaliers c'est pas pareil que combattre des démons assoiffés de sang.

- Je vous ferai grâce des politesses habituelles, félicitation pour votre promotion, tout ça, vous l'avez mérité.
On s'est jamais vu mais vous me connaissez peut-être, je suis le sergent Elric de Beaumont, affecté à la milice intérieure. Dites-moi, soldat Erkal. Est-ce que vous êtes déjà allée à l'Esplanade ? Vous connaissez des gens là-bas, vous y êtes déjà allée ? Parlez en toute honnêteté, hein ; C'que je veux dire, c'est que je recherche des gens pour faire partie de la garde du haut-quartier, je me suis dis que c'était une affectation qui pouvait vous plaire. Vous en dites quoi ?
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Xandra ErkalMilicienne
Xandra Erkal



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyDim 9 Avr 2017 - 20:26
C’est pas quelque chose que je fais souvent de venir assister aux entraînements des recrues, j’aime pas trop trainer à la caserne quand j’ai pas une bonne raison de le faire. Pourtant c’est plus fort que moi, de temps en temps faut que je vienne. Que je vois la relève et que je fasse des pronostics. Du genre, toi je te donne deux semaines. Puis ça me rappelle de souvenirs.

Avant ma promotion on me voyait pas, j’avais tendance à raser les murs et à y rester coller. La discrétion ça m’évitait des remarques et de manière plus général, des ennuis. Maintenant ma crinière rousse et ma gueule on la respecte un peu plus, à peine plus, mais vu ce que j’ai subis avant, c’est reposant. Du genre vraiment. Alors je suis assise en tailleur sur une caisse, bien en vue et j’observe en croquant dans une pomme. Pas très bonne, mais ça se laisse manger et puis ça m’occupe les mains.

Je risque pas de prendre la grosse tête, c’est loin d’être mon genre, même si j’ai mérité ce que j’ai gagné depuis que je suis rentrée dans le camp des “justes” si l’on peut dire, mais ça fait pas de mal de revenir en arrière et de ne pas oublier comment tout a commencé. J’ai un sourire compatissant en voyant un des types s’étaler.

Trop lent...

Face à un fangeux s'en serait terminé. Du point de vue d’un spectateur peu habitué au monde de la guerre en général, c’est violent, au point de se demander si y en a pas un qui va rester par terre pour de bon avec sa commotion. Mais ce n’est pas le but, personne ne va mourir. Ça coûte cher un mort, ça coûte du temps et ça rapporte rien au Duc. Pour les plus faibles, les malchanceux, ceux qui iront dehors, c’est la Fange qui se chargera de leurs cas, plus ou moins vite.

Non, là il fallait qu’ils survivent, qu’ils donnent tout et qu’ils aient un minimum l’air d’aimer ça. Pis le sang ça leurs fait de plus beaux sourires. Visiblement je suis pas la seule à me délecter du spectacle. Je lève les yeux vers la source des vociférations. Ça vient de l’étage, celui des gradés, encore plus que moi, les vrais chefs quoi. Il a pas l’air commode, mais ça me fait sourire encore plus de le voir pester. Ça ne dure pas longtemps cependant. Son visage m’est familier mais pas plus que celui d’autre chefs. Je suis bien incapable de mettre un nom sur son visage. Je reviens à ma contemplation des recrues qui redoublent d’efforts et celle du coutilier qui s’époumone un peu plus, surement pour qu’on l’entende de là haut, depuis le balcon.

Bienvenue en enfer les gars...


Il faut ce genre de formations, je suis la première à le penser, la première à avoir vu des étoiles ce jours là, mais ça manque de techniques, de...subtilité. La force brut ça ne fait pas tout mais on commence comme ça, malgré tout, ça épure les recrues. On pas le temps de dorloter qui que ce soit et de chercher plus loin. C’est pas une formation de fins combattants, des combats d’experts réservés à ceux qui savent voir les subtilités, les détails des gestes, c’est pas du spectacle. C’est la réalité de la vie, de la fange, mais c’est dommage. Il manque quelque chose.

- Coutilier Erkal ?

Je sursaute pas mais je l’ai pas vu arrivé. Je me retourne, on me salue. J’ai du mal à pas regarder les marques sur sa bouche, je crois qu’elles sont encore moins belles que celles qui balafrent mon visage et ma poitrine maintenant, en tout cas, l’emplacement les rends terriblements difficiles à ne pas fixer avec impolitesse.

- Oui ? Bonjour.

On veut me parler, ça peut vouloir dire plusieurs choses mais les premières qui me viennent à l'esprit sont : “putain j’ai fais une connerie que j’ai oublié ?” et “je sens que je vais m’asseoir sur mes repos...”. La seconde l’emporte. Chaque fois que je reste ici trop longtemps, ça finit comme ça, je devrais le savoir à force..
.
Je suis mon hôte jusqu’à l’étage, l’esprit plein de questions, les yeux rivés sur les marches que je gravis d’un pas léger. Je comprend vite que c’est dans le bureau qui donne sur le balcon qu’on veut me rencontrer. Je me plie à la coutume, légitime, qui marque du respect vis à vis d’un gradé, m’inclinant assez bas devant, sans trop de surprise, l’homme que j’avais vu sur le balcon.

- Soldat Erkal. Ravi de vous voir. On m'a dit beaucoup de bien de vous.

- J’en suis touchée, je vous remercie.


C’est pas tout les jours que les conversations commencent comme ça, mais ça me rassure pas pour autant. C’est pas que je sois particulièrement pressée, mais j’aime pas trop tourner autour du pot, qu’est ce qu’il peut bien attendre de moi ?

- Je vous ferai grâce des politesses habituelles…

Parfait. Je sens que je vais pas tarder à le savoir.

Je répond à sa poignée de mains avec énergie, j’ai jamais aimé les gens mous, mais il y va pas de mains mortes. Y pas trente six solutions. Soit c’est naturel, soit il tient à me rappeler que je peux pas en faire autant. C’est du vécu, les petits chef ça me connait. Mais là je ne sais pas encore à qui j’ai affaire.

Je prend place au bureau comme il m’y invite et je regarde par curiosité ce qui traîne sur le bois entretenu. J’essaie de déchiffrer le titre du gros livre mais ça ne donne rien de probant. J’ai pas eu assez de temps pour travailler la lecture, mon professeur encore moins pour m’apprendre. Je me demande ce qu’il fait, là, tout de suite, mais c’est pas le moment. Il faut que je réponde aux questions étonnantes du Sergent qui se présente.

- J’ai eu l’honneur de vous croiser à plusieurs reprises, mais j’ignorais votre identité, Sergent.

Je sens mon coeur s’emballer, non pas que tombe sous le charme de l’homme qui me fait face, c’est juste que je panique, je veux pas bosser pour l’intérieur. Pas définitivement s’entend. Je peux pas supporter la misère de Marbrume, les différents familiaux, je préfère la merde de la fange, elle et moi on se connaît trop bien maintenant. J’y ai songé, il y a un an peut être, très sérieusement, avant de comprendre que j’y serais jamais à ma place.

- J’ai déjà eu la chance d’assister à un levé de soleil dans les jardins ducaux.

J’aurais peut être pas dû le dire ça, c’est pas ma place là bas, surtout à une heure pareil, mais tant que je ne rentre pas dans les détails hein, ce n’est pas si grave et ce n’est surement pas les informations qu’ils cherchent. J’élude volontairement la partie qui concerne les connaissances, Alexandre de Terresang, Hector, encore que ce dernier n’y vit plus. Je sais pas pourquoi il me demande tout ça, surtout maintenant, pourquoi moi ? Comment je peux m’en sortir sans avoir l’air malpoli, c’est un privilège et gage d’une certaine sécurité, nettement plus grande en tout cas.

- Ce serait un honneur, Sergent, vraiment, j’adorerais, seulement je ne pense pas être à la hauteur, d’autres ont surement plus d’expériences et de connaissances de l’Esplanade, je ne voudrais pas vous décevoir...

La carte de la gentille incompétente et qui manque d’assurance, le meilleur moyen d’être recalé non ?


Dernière édition par Xandra Erkal le Mar 18 Avr 2017 - 13:40, édité 1 fois
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Elric de BeaumontSergent
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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyLun 10 Avr 2017 - 21:43
Fut un temps où l’Esplanade n’était pas un quartier militarisé où l’entrée était réservée et contrôlée, en tant que dernier bastion au cas où la fange arriverait à entrer dans la ville. Fut un temps où la vieille cité était très accessible, où il n’était pas rare de voir des gens, même très modestes, se balader librement auprès de nobles gens qui connaissaient l’importance de l’hospitalité.
Mais tout ça c’était avant.

Je me demandais ce que Xandra voulait bien dire par le fait qu’elle avait déjà assisté à un lever de soleil là-bas. La phrase, bizarrement formulée, avec une note poétique, me laissant pantois, et songeur. J’en avais froncé les sourcils et pincé mes lèvres. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Mon formidable esprit analytique, ou plutôt, ma paranoïa de grand débile mental, faisait que j’avais immédiatement une cinquantaine de scénarios en tête pour deviner la vie du dizenier Erkal. Elle ne devait pas venir de Marbrume, ou alors uniquement de ses faubourgs ou de ses immondes bas-fonds. Peut-être avait-elle était la maîtresse d’un noble, même si je me demandais qui voudrait laisser une goudou dans sa coucherie. Peut-être avait-elle servi de voleuse, ou de cottereaute (C’est comme ça qu’on accorde au féminin ?) auprès d’un des bons messires de là-haut. À vrai dire j’avais vite abandonné la réflexion, genre, elle ne m’avait pas occupé plus de cinquante secondes, quelque chose comme ça. J’aurais aimé qu’elle me donne un peu plus de détails qu’une phrase poétique comme ça, genre, si elle connaissait les rues, les personnalités, les manoirs. Le genre de détails utiles, quoi !

– Vous savez, si vous manquez de compétence pour servir à la garde des nobles, vous devez pas avoir d’expérience pour grand-chose d’autre.

Ce qui renvoie à un grand débat que j’ai eu avec un autre sergent : Les soldats de l’Esplanade, est-ce que ce sont nos meilleurs hommes, ou les pires ?

C’est que, réfléchissez. Les bonshommes de l’Esplanade, ils ne font pas grand-chose, à part surveiller les remparts et les allées où on ne risque plus d’avoir des mouvements de foules. Parfois, un voleur particulièrement habile arrive à se faufiler au milieu du pavé. Très exceptionnellement, il peut arriver qu’on mette la main sur un assassin. Du coup, vu qu’il y a pas d’escrime, ou de véritable danger constant, est-ce qu’on y met les gens les plus indésirables ? Ce serait logique ; Et pourtant, en même temps, on parle bien des gens qui sont proches du duc. Du duc ! Il a certes sa propre chevalerie et sa sergenterie de confiance, mais il n’a pas envie que le dernier carré de la garde soit celui qui puisse sombrer dès qu’il y a un départ d’émeutes. Au final, je suis incapable de vous dire avec précisément quelle est la qualité de nos troupes là-haut, dans le beau quartier. En grande majorité, de vieux vétérans : Des gens qui savent se battre et qui sont connus pour leur calme et leur discipline, mais qui sont souvent trop usés ou fatigués pour aller gambader dans les marais. Et puis ils sont propres sur eux, et la plupart savent être indiscrets quand il s’agit d’aller rapporter des choses au duc…
Ou à moi.

– Pis, ne me jouez pas ce rôle de la fausse modestie comme quoi vous méritez pas, tiens, je rouspète. Y a des gars qui tueraient leurs collègues pour voir une chance de rejoindre la garde de l’Esplanade, ne serais-ce que pour échapper aux fangeux ; Ma question elle tenait de savoir si vous vouliez, pas si c’était un honneur ou si vous vous estimiez compétente.

Mon lecteur pardonnera mon énervement passif et mon manque de patience. Le manque de sommeil, l’alcool de la veille, un problème marital, tout ça s’empilait. Avec en plus la peur aux tripes, depuis que ce sale Jean Trois-Doigt, immonde chien du Goulot, m’avait appris que le père du faux-bailli que je traque va bientôt m’envoyer de ses nouvelles. Il me fallait un moyen de me débarrasser de lui, et un bon ! Et j’avais réfléchi toute la journée, toute la putain de sainte journée, pour l’écarter, ou le faire tomber, en bonne guerre préventive. Des tas d’ébauches de plans, qui n’étaient même pas au stade d’esquisse de tableau, se bousculaient dans mon crâne. Comment faire ? Prouver qu’il va aux putes et qu’il mène une vie de débauché n’était pas suffisante : ça correspondait à un nombre bien trop important de sangs-bleus, qui étaient très loin de donner l’exemple. Le tuer dans une ruelle sombre n’était pas non plus une option, car il était constamment entouré de spadassins d’une très bonne qualité. Moi-même n’était pas une mauvaise lame, mais les mercenaires qui accompagnaient sire Lucien n’étaient pas des seconds-couteaux comme la milice en constituait une grande part, ou pire, des femmes, forcément plus faibles que des hommes, comme Xandra. Le but, c’était donc de trouver un moyen subtil. Or, je ne suis pas subtil. Je suis l’inverse de la subtilité. Dans le bouquin que je lis, là, l’exploit de la chevalerie, l’auteur aime bien faire la différence entre le « courage », qui est une vertu, et la « témérité », qui est teintée par une folie auto-destructrice. Je suis tiraillé sur ce sujet. Je pourrais peut-être en parler à Xandra, tiens, pour voir, mais je pense pas que c’est parce qu’on fait des discussions totalement stériles de pseudo-notions d’armes que je vais soudainement m’imaginer voir-ici mon futur homme de main. C’est pas comme ça que les choses marchent.
À dire vrai, j’avais les bourses enserrées dans un étau. Partout où je m’asseyais, ça piquait. Pour la première fois depuis bien longtemps, j’avais sincèrement l’impression d’être dans de beaux draps. J’avais voulu jouer au plus malin, et maintenant il fallait que je paye les pots cassés. M’assurer d’avoir une dizaine de gars sous mes ordres ça allait m’être utile, je le savais, mais je savais pas comment ! Je pouvais raisonnablement pas leur donner de l’argent pour qu’ils aillent me trucider l’Enguerrand comme si de rien était. Et je doutais passablement du talent de ces molosses pour l’espionnage ou le recueil d’information. Je demandais à être surpris.

– On va surtout vous demander de servir d’apparat, je me mets finalement à confier. Vous taire, surveiller les rues, aller d’un point A à un point B en claquant des bottes et en ayant la pique dressée au ciel… Mais en réalité, c’est un peu plus subtil que ça. Vous devez savoir si vous avez déjà vu des vieux-vieux aristos se comporter en société. En fait, la plupart du temps, on doit empêcher les nobles de s’entre-tuer. Vous comprenez ce que je veux dire ? C’est des gars obsédés par l’honneur, et beaucoup avaient avant la Fange des histoires et des rivalités qui sont venues se poursuivre ici. Tous, ils veulent s’entre-crever. Et maintenant que le duc est parti au Labret, les gars qui restent, les chevaliers blessés en convalescence, ils veulent tirer l’épée et se défier en duel tous les quatre matins !
Moi j’ai pas besoin d’un bretteur qui distribue des pains
, je renchéris après une courte pause. Je cherche des gens discrets, qui… Qui savent se taire et écouter. Et pis minauder, pas faire tâche dans l’environnement. Je cherche quelqu’un qui soit capable de glaner des informations, et, heu, parfois faire des choses légèrement illégales, pour le bien de la Cité.

Je me lève de ma chaise et passe devant le bureau. Voilà que je pose mes fesses dessus, jambes en l’air au-dessus du sol, bras croisés, mon regard dirigé directement vers ceux de la rousse.

– Pour la Cité, pour le peuple de Marbrume… Je continuais de façon beaucoup plus hésitante. ‘Fin, j’ai connu des gens qui avaient aucun courage, qui voulaient tout faire dans les règles de l’art. Mais c’est ennuyant avec ces gens-là, car ça permet pas de véritablement accomplir notre mission.
Alors quel genre de personne vous êtes Xandra, hein ? Ça vous dérange pas de bousculer des messieurs lorsque vous poursuivez un truand ? Ça vous dérange pas de parfois outrepasser la loi pour mieux l’appliquer ?
Parce que si ce genre de… « D’activités parallèles » vous font froid aux yeux, faut me le confier, et j’annule tout et je vous renvoie dans les marais.
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Xandra ErkalMilicienne
Xandra Erkal



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyMar 18 Avr 2017 - 15:20
– Vous savez, si vous manquez de compétence pour servir à la garde des nobles, vous devez pas avoir d’expérience pour grand-chose d’autre.

Forcément ça me fait grincer des dents mais je réussis à afficher un air neutre de circonstance. Bien sûr que j’aurais été foutu de faire ça, je connaissais pas toutes les demeures, mais j’en avais pillé plus d’une...Je serais surement très douée pour coincer les petits rats trop gourmands, j’avais été de la même espèce, je les devinais à presque rien. L’instinct probablement plus qu’autre chose.

- Disons que j’ai fait le choix de développer certaines de mes qualités au détriment des autres. Ca a ses avantages, mais ces failles aussi. J’en ai conscience. En toute sincérité je pense être plus efficace et utile à la Milice, servir au mieux notre bon Duc hors des murs de la cité, Sergent.

C’est pas tout à fait faux, je suis plus douée aujourd’hui pour pour percevoir le gémissement d’un fangeux que pour prêter attention à un bruit de clé, plus douée aussi pour éviter un mauvais coup que pour calmer une situation conflictuelle. La cité, pas que l’Esplanade, c’est plus mon terrain de jeu, j’y suis plus aussi à l’aise qu’avant. Je crois pas que je pourrais supporter de tourner inlassablement en attendant que quelque chose se produise. Même si les appels aux secours et les patrouilles trop calme, y en a aussi dehors, mais c’est rarement sur ça qu’on m’envoie ou je tombe pas dessus, tout simplement. J’ai l’air de doucement redorer mon blason auprès des Dieux, on dirait presque qu’ils veillent sur moi, j’ai bien dis presque. Je crève pas, si ça c’est pas un miracle…

Si la vie continue à m’épargner, je serais peut être forcée à un moment de revenir travailler dans l’enceinte de la prison de l'humanité, trop usée pour aller trouer mes bottes dans la gadoue et tenir mes hommes en vie. Mais ça je veux pas y penser, pas maintenant. C’est assez bizarre en fait, je crois que c’est l’avenir tout court que j’arrive pas, que je veux pas envisager, morte ou vive. Peut être parce que tout ça au fond, les morts qui se lèvent, ça l’est pas, envisageable.

– Pis, ne me jouez pas ce rôle de la fausse modestie comme quoi vous méritez pas, tiens, je rouspète. Y a des gars qui tueraient leurs collègues pour voir une chance de rejoindre la garde de l’Esplanade, ne serais-ce que pour échapper aux fangeux ; Ma question elle tenait de savoir si vous vouliez, pas si c’était un honneur ou si vous vous estimiez compétente.

Là je grimace et je baisse les yeux, une demi seconde.

- Vous avez raison. C’est peut être ce qui me pousse à vous répondre ça, je devrais être consciente de...l’importance et de la valeur de ce que vous me proposez. C’est juste que...Étrangement je suis à l’aise dans les marais. Je sais quand et comment réagir, je sais que je suis efficace, que je peux fournir le travail qu’on attend de moi.

Il doit le voir et le sentir, je suis pas à l’aise avec la situation, ce que je dois répondre. Je sais très bien que je devrais dire oui, accepter un peu de calme, de chances de survies tout simplement, accepter une solde identique pour un poste plus...prestigieux. J’essaie de m’imaginer un peu le genre de relation qu’on a avec les gens là bas. Ca doit pas avoir grand chose à voir. Comme le Sergent m’explique, je visualise un peu mieux. Peut être que ce serait pas si mal, en un sens, séparer des bonhommes même costaud c’est dans mes cordes, c’est toujours plus facile à contenir l'ego que les fangeux. Mais je comprend que je fais fausse route dans mon raisonnement simpliste.

– Je cherche des gens discrets, qui… Qui savent se taire et écouter. Et pis minauder, pas faire tâche dans l’environnement. Je cherche quelqu’un qui soit capable de glaner des informations, et, heu, parfois faire des choses légèrement illégales, pour le bien de la Cité.


Je commence doublement à me dire que j’ai pas été choisis parce que je bosse bien dans les marais et que mes hommes ont pas trop à se plaindre, non c’est autre chose. Je fixe le Sergent avec une intensité effrontée, curieuse, alors qu’il change de posture, qu’il réduise l’espace de confort entre lui et moi, je me sens encore un peu moins à l’aise. Illégale hein ? Il sait, je sais pas comment, mais il sait. J’ai pas toujours été du bon côté et rien ne reste jamais secret, jamais. Sa dernière question me glace le sang, parce que c’est le genre qui me bouscule moi, à défaut de bousculer quelqu’un. J’ai changé, il ignore à quel point, je l’ignore moi même mais je veux pas le voir.

- Je suis le genre à...nager entre deux eaux.

Je peux pas faire plus sincère même si ça nous avance pas plus, ni lui, ni moi. Je peux pas lui répondre franchement, il le sait et je le sais. Je peux pas non plus ne rien ajouter, ni lui faire confiance. Je le lui dois, en partie, pour ce qu’il est, mais ça s’arrête là.

- J’ai tout à fait conscience qu’il faut parfois fermer les yeux ou oublier de...refermer une porte. Mais je suis le genre de personne à tendre la main pour relever le badaut que j’ai bousculé.

Ni tout blanc, ni tout noir. J’ai pas peur, ça me gène pas de me salir les mains si j’ai pas le choix, mais je crois pas le faire avec envie, non, je veux croire que j’agis pas le cœur léger. Je suis assez naïve pour penser que je veux et que je fais le bien, ça m’arrange de croire que les ordres qu’on donne au chien que je suis sont dans l'intérêt général, toujours. Quel est son intérêt à lui en me proposant ça ? Je sais pas, mais j’aime pas ça.

- Je ne crois pas que ce soit ce que vous recherchiez, Sergent ?

Je sais pas ce qui m’a prit de dire ça, mais j’ai le sentiment que, qui qu’il soit vraiment, son genre de personne, il veut qu’on la joue honnête, autant que possible.
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Elric de BeaumontSergent
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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyMar 25 Avr 2017 - 1:43
Quelle idée m’a prise de parler avec des métaphores ; Voilà qu’elle aussi elle se mettait à en inventer, à me parler qu’elle était du genre à relever les badauds qu’elle bousculait. Quand on commence comme ça on finit par plus se comprendre, genre je vais raconter que c’est mon genre de donner des carottes au lapin qui sortent du poulailler. Le lyrisme ne me sert pas du tout. J’en garde une ire complète et fatigante.
Tant pis, on fera avec le peu qu’on a. Je me relevais et retournais derrière le bureau, d’où je sortais une bourse.

- Dès mercredi, à 13 heures, vous et vos hommes serez passés en revue lors d’une montre au quartier des officiers. Vous devez vous y présenter en armes, avec la livrée ducale, et vous devez être impeccables ; Sur l’Esplanade on plaisante pas avec les chaussures propres, la milice là-bas a un standing. Hésitez pas à prendre un bain, demandez bien à vos gars de se raser et de retirer leurs poux. Ensuite vous serez encasernés dans un quartier des remparts. Si vous voulez je connais un gars au Bourg-Levant qui cire très bien les bottes, ça sera important. Si vous avez des lames tâchées de sang ou rouillées, il faudra les remettre en état aussi. Vous aurez droit à un lit et à une soupe, et vous aurez moins de chance de crever, je pense que vous en serez ravie.
Alors surtout me décevez pas, je peux vous faire retourner dans les marais s’il le faut ! Utilisez l’argent pour vous et vos hommes. Et surtout, envisagez pas tout dépenser en alcool et en prostituées, toute goudou que vous êtes ; Je serai présent à la montre, et il y a bien assez de métal dans cette bourse pour vous reconstituer !
Allez, disposez.




Est-ce qu’il est véritablement utile de décrire toutes les opérations qui se sont produites à partir de ce jour où j’ai rencontré le coutillier Erkal ?
Vous avez envie de savoir comment je suis rentré chez moi ce soir là chez ma femme ? Comment pendant quelques jours je me suis occupé des formalités normales qui sont dignes d’un sergent de la milice ? Que je vous explique la fois où j’ai coupé la main d’un voleur qui avait tenté de suriner un commerçant ? Que je vous raconte ma rare engueulade avec mon épouse qui s’est finie avec moi dans une taverne ? Tout ça on s’en fiche. C’est du détail. Mon histoire intime n’a aucune importance et ne devrait pas vous intéresser, cessez donc de poser des questions et de vous occuper de comment je décide de vider mes couilles.
Pendant deux semaines il s’est rien produit, en fait. Xandra a fait sa montre et a été intégrée à l’Esplanade, mais il y a rien à raconter. Parce que les soldats de l’Esplanade ne font strictement rien d’excitant ou d’intéressant. Ils font partie des meubles. Ils font partie de ces gars qu’on croise dans les pièces de théâtre, ceux qui font le piquet, bien élégants, tout droit, sans jamais parler. Quelques fois ils sont relevés, et alors c’est un autre fantôme qui vient prendre leur place. Mais avec leur gros casque et leur gambison, ils sont aussi intéressants que le pot-de-fleur, le nain de jardin ou la tapisserie ; On s’attend à ce qu’ils soient là, mais on n’y prête pas véritablement gare. Ils s’intègrent dans le décor, si bien qu’ils en sont une pièce maîtresse. Le quotidien de ces gens-là est ennuyeux, planqué, sans véritable importance. Le rare moment excitant, ce sera quand une vieille comtesse viendra se plaindre en pleurant que son chat s’est coincé dans l’arbre, ou quand le jeune écuyer se sera ouvert le bras en s’entraînant à parer, ou quand un baron, peu prudent, aura manqué une marche et se sera effondré ; Alors les miliciens accourront pour servir, en tentant toujours de bien parler malgré leurs langues de rustres, malgré leurs têtes de soudards, malgré leurs airs impies d’hommes de paix qui sont nécessaires des bretteurs de guerre, figurez-vous donc de tout le paradoxe de l’affaire.

Non, c’est fatiguant de vous parler de tout ça. Mais vous pouvez être assurés que, malgré mon indisponibilité due à mon travail (Parce que le travail de sergent est bien fatiguant, surtout avec l’Apocalypse à nos portes !) je me suis assuré de garder un œil sur le faux Armand du Plessy. Chez moi, dans ma cassette, se trouvait un coffre dans lequel j’ai une preuve insuffisante pour le faire tomber, mais de laquelle toute mon investigation va partir. Une lettre. Une lettre avec le sceau du Roi. Tous les soirs depuis que je l’avais obtenue à ce crétin de chasseur de prime que j’ai buté, j’ouvrais le coffre et j’étudiais ce morceau de papier qui aurait pu me rendre riche ou pauvre selon comment je décidais de m’en servir. Le sceau du Roi putain... Les ordonnances, les assises, les ordres frappés du sceau de Marbrume, ou du duc en personne, j’en voyais tous les jours depuis une bonne décennie. Mais voir ce magnifique sceau écrasé dans la cire rouge, qui représentait les armes héraldiques du premier des nobles, ça me provoquait un petit pincement au cœur.
Le duc c’est le duc. Molle-épée est un seigneur féodal, un « grand » comme on dit. Mais le Roi c’est différent. Le Roi est sacré sous les auspices des Trois, et c’est de là que notre calendrier commence. Cela semble difficile à croire pour un rustre de mon genre, mais en réalité, j’avais une pointe d’émotion, assez pour me faire légèrement trembler des mains, à la vue de ce morceau manuscrit. Mais c’est surtout la rédaction de la lettre qui est importante, celle du bailli Armand du Plessy, le vrai, en personne. Une lettre interceptée, dans laquelle il émet un rapport sur le criminel qu’il cherchait.

Au connétable des Langres, au nom de Sa Majesté le Roi,

Je fais suite à ma dernière lettre dressée sur les terres du comté de Valonne. Mon arrivée devant le château de Tourres est concluante ; Malgré la menace des démons qui approchent, j’ai la certitude confirmée par un témoin local, un jeune forgeron du nom de Giraud, que Guillaume la Truie et ses hommes continuent de sévir. Ils se sont attaqués à l’ost d’un petit chevalier et l’ont tué.
Je suis toujours capable de procéder à l’identification du meurtrier Guillaume la Truie ; En effet, en plus d’une vilaine cicatrice qui lui touche la lèvre et l’arcade droite, je sais qu’il porte constamment sur lui un vieux bijou hérité de sa mère ; Il s’agit d’un aigle arrachant un serpent, qui est lié au fait que la femme qui a donné naissance à une si immonde engeance était mariée à un fauconnier. Pas moins de 9 personnes différentes, qui ont été victimes des agissements du violeur, m’ont indiqué cette bague qu’il porte à l’annuaire. Je le trouverai en sa possession et ainsi je pourrai faire en sorte que justice soit rendue.

Ma seule peur est que les démons s’emparent de lui avant moi ; Mais je n’ai jamais failli. Une fois qu’il sera éliminé, j’irai me mettre en marche au galop pour rejoindre l’ost que vous, sire, êtes en train de réunir pour résister à l’invasion de l’enfer. D’ailleurs, j’ai entendu un charmant nom par lequel les locaux les appellent : « Fangeux ».

Votre honoré bailli, Armand du Plessy.

Fait près du bourg de Neillé-sur-Châlon, le 2 août 1164.


C’était fait. Entier, complet, de A à Z. J’imaginais déjà la scène, comme au théâtre, parfaite. Avoir cette maudite bague en ma possession, et m’approcher de lui alors qu’il était entouré de tous ses amis et de sa future épouse. Et faire tomber cette bague. Il la prendrait, et je lui demanderais si c’est la sienne. Incrédule, il se mettrait à bien sûr l’admettre, choqué que je l’ai, hurlant au vol. Et alors, je pourrais tendre ce vieux morceau de papier puant, alors que je hurle à tout-va que voilà que se tient un méchant, un païen, un usurpateur vaurien.

Est-ce que je dois le faire, néanmoins ? Je me bats pas pour la vérité. J’ai pas intérêt à l’exposer. Je ne fais rien si je ne peux pas en tirer quelque chose. Pouvez-vous m’en vouloir ? Véritablement ? Ne faites pas les andouilles hypocrites, vous êtes avec moi depuis suffisamment longtemps pour vous rendre bien sûr compte que la vérité est toujours plus complexe que ce qu’on veut bien vous faire croire.
Mais j’ai pas envie de tout vous dévoiler maintenant. Ce serait pas marrant, si vous aviez toutes les cartes de l’intrigue en main, si vous saviez déjà qui est le gentil et qui est le méchant. Non, non, vous êtes encore dans le noir vous, vous n’en savez rien ; Mettez-vous plutôt à la place du coutillier Xandra, de cette petite goudou rousse qui soudain va se retrouver emmêlée dans mon paquet de merde. C’est elle l’héroïne de cette histoire, moi je suis le second rôle, le Deus Ex Machina, le type qui plie la scène à la fin. Non pas que je sois tellement intelligent que je sois à l’origine d’un plan insurmontable ; Je suis plutôt un joueur, un gars qui va tout miser sur la table, quitte à perdre. Quitte à ce que le héros me dépasse et parvienne à me piéger dans la toile que j’ai naïvement pensé tisser à moi seul...

Deux semaines c’est long dans un monde où on vit au jour-le-jour. Mais enfin est arrivé un moment qui lui est digne de raconter, contrairement aux autres, contrairement aux anecdotes vides d’intérêt. Allons-y.

Xandra faisait le piquet dans les jardins du duc. Parce que c’est tout ce qu’on lui demande, le piquet. Au moins il fait bon, pas trop chaud, avec le soleil qui tape bien à son zénith. Les cloches du Temple se mettent à sonner -comme elles sonnent tout le temps-, et les seules personnes qui viennent dans ce jardin sont les jeunes damoiseaux et les jeunes courtisanes de bonne famille qui vagabondent librement dans cet endroit assez idyllique. Le pollen vole, les fleurs éclosent, les fontaines à eau sont bien rafraîchissantes. Les arbres fruitiers font pousser des fruits franchement pas bien beaux, mais qui ont l’air d’être gorgés d’eau et de sucre quand on a l’habitude de la famine ; Et on surprend quelques fois un domestique qui en chaparde un en secret, en évitant l’œil des gens armés qui patrouillent le palais, leurs bottes frappant le gravier ou le marbre, selon qu’ils traversent un patio, un couloir, ou un jardin.
J’avais une affaire qui m’occupait à l’Esplanade ; Un ami que je devais retrouver. Un ami qui lui n’était pas du tout au courant de l’affaire de l’usurpateur, qui pensait me renseigner sur autre chose de totalement inutile. On était en train de quitter une salle, quand, au détour d’un bosquet touffu et haut, je croisais au loin un des soldats en faction ; Dame Xandra avec sa lance près de son corps. Je me tournais vers le collègue pour le congédier, et m’approchait nonchalamment du coutillier pour venir lui parler un instant.

- Tiens ! Vous voilà soldat ! Comment allez-vous donc ?

Je lui serrais la main en souriant, avant de vite regarder autour de nous. D’où elle se tenait, debout sur les marches d’une sortie du palais, elle avait une vue sur un jardin immense et magnifique, entrecoupé en des labyrinthes de fleurs, de fontaines, de petites cabanes où quelques jardiniers essayaient de tout entretenir.
Et, on pouvait voir des adolescents jouer. Trois gamines jolies, bien plus jolies que Xandra le sera jamais, portant de longues robes fleuries et blanches ; Elles jouaient à cache-cache, notamment pour éviter deux damoiseaux aux cheveux longs mais qui avaient à peine quelques poils sur la moustache et même pas d’épée pour accompagner leurs culottes courtes en soie de gosses de riches. Je souriais, mais d’un sourire aigre, en les observant. D’ailleurs, voilà que j’en pointais du doigt.

- Tenez, Xandra, on va faire un jeu. Vous aimez les challenges ? Vous pouvez refuser hein, mais... Je vous promet de vous payer un verre si vous gagnez.

Celle que je pointais du doigt, c’était une des gamines, une rousse avec des tâches de rousseur, très mince, palote, avec bras si peu épais que j’aurais pu les briser comme des gressins à la seule force de mes mains.

- Elle, la jeune pucelle... C’est Jeanne d’Anglement. Quinze piges, deux frères morts au Labret, deux encore vivants qui servent dans l’armée ducale.
Quelqu’un m’a dit que vous étiez discrète comme une chatte. Eh bien, dame Xandra, je vous propose un jeu. J’ai entendu dire que demoiselle Jeanne sortait avec un garçon de la noblesse en secret. Vous me parvenez à me dire lequel avant trois heures, et je vous paye une vraie bière.
Et vous me raconterez comment vous aurez trouvé. Je serai dans l’aile des Honneurs du palais.
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Xandra ErkalMilicienne
Xandra Erkal



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyDim 30 Avr 2017 - 11:02
On apprend de toute expérience, toutes les expériences sont positives, bla, bla, bla. C’est ce qu’on m’a dit le jour ou on m’a fait entrer dans une maison par la fenêtre pour ouvrir de l’intérieur et que j’ai sauté à pied joint dans un mec mort depuis deux semaines. Là, c’est moins odorant mais ça confirme ce que je savais déjà. Je m’en serais bien passé de cette expérience là aussi.

Je dépéris. Il se passe rien. Ce serait mentir de dire que je mesure pas ma chance d’être en sécurité, quand même, mais c’est pas pour moi tout ça. J’ai l’impression d’être devenu aussi froide et mortellement ennuyeuse que les murs sur lesquels j’ai pas le droit de m'appuyer pendant que je fais le planton. Mes collègues ils sont pas vraiment content non plus, je passe mon temps à me plaindre dès que je suis pas obligé de sourire. Je fais tâche dans le décor. Ca doit être les traces de griffes et les cicatrices, j’ai l’impression qu’il y a écrit “FANGE” en gros sur mon front et que tout le monde ne voit que ça. Qu’on me regarde comme une sorte de mauvais souvenir.

Je rumine mes envies d’ailleurs quand enfin, il se passe quelque chose. Je reconnais le Sergent dans la seconde, je plisse les yeux pour le regarder à cause du soleil. Je l’avais tour à tour maudit et remercié pendant deux semaines. Entre colère et reconnaissance, parce que j’avais pas le droit de me plaindre, d’en avoir marre, j’avais pas le droit d’avoir envie de passer les hauts murs de la cité plutôt que d’être là à protéger tous ces nobles pompeux et agaçants. Il me faisaient penser à une bande d’animaux enfermés dans une boite trop petite, une jolie boite pleine de jouets et de nourriture. Ce qui ne changeait rien au fait que ce n’était pas comme ça que c’était sensé se passer.

Quoiqu’il en soit, Elric est là maintenant. Je me suis redressé encore un peu, même si je pensais pas être capable de faire mieux dans ma belle armure.

- Tiens ! Vous voilà soldat ! Comment allez-vous donc ?

- Mon Sergent, c’est un plaisir de vous revoir.

Je m’incline brièvement devant lui avant me redresser, à nouveau droite comme un piquet pour lui serrer la main.

- Bien, je vous remercie, avec les beaux jours, c’est agréable. Tout est...si calme.

Ca m'a échappé, avec un naturel et une spontanéité absolue. C’était le mot, calme, “mou”. J’ai peut être l’air un peu désabusé en disant ça alors je souris, pour rattraper le coup.

- Et vous, Sergent, comment vous portez-vous ?

Je repense à notre petite conversation dans son bureau, je peux pas être là par pur hasard, alors je sens une pointe d’espoir me chatouiller. Il veut quelque chose de moi, j’aimerais comprendre quoi. Parce si je comprend, si je devine ce qu’il veut, si je le satisfais, ou à l’inverse si je trouve un moyen de ne pas le faire, peut être que je retrouverais ma précédente affectation sous les ordres de Keran et que tout ira à nouveau très mal, mais très mal comme j’en ai l’habitude.
Elric de Beaumont à l’air un peu absent, il regarde ce que je passe mon temps à surveiller, avant de me pointer quelqu’un du doigt. Je m’avance, à peine, pour être à son niveau et je jette un oeil, discret. Je commence à connaitre les têtes, à retenir certains noms, ça m’aide à me montrer plus polis quand il faut. Autant dire qu’une petite rouquine, ça ne m’a pas échappé.

- Tenez, Xandra, on va faire un jeu. Vous aimez les challenges ? Vous pouvez refuser hein, mais... Je vous promet de vous payer un verre si vous gagnez.


Cette fois, mon regard s’éclaire. Jeu, challenge, il a vraiment dit ça ? Je sais pas si je souris, je n’y prête pas attention mais je le fixe avec un intérêt réel cette fois.

- Qui serait assez stupide pour refuser ?

Pendant que je l’écoute je reporte mon attention sur la jeune fille qui me tourne le dos, là bas près de la fontaine, pleine de vie, insouciante.

- Celui qui vous a renseigné sur moi à vu juste. A toute à l’heure, Sergent.

Je m’avance un peu, parce que filer quelqu’un des bas quartiers en grimpant sur les toits, en payant quelques types véreux pour en savoir plus, c’est pas facile, mais avec un peu de jugeote c’est réalisable. Dans les bas quartiers ont à tous quelqu’un qui veut notre peau. Parce qu’on s’est engueulé quand on était saoul par exemple. Ici les rivalités existent aussi, mais elles sont différentes et je peux pas gérer les choses de la même manière. Filer une noble, surtout habillée comme ça c’est ni très facile, ni particulièrement conseillé.

Je réfléchis à un juste milieu. Je finis par mettre à profit mes talents de voleuse. Je feins de recommencer ma ronde, je profite que la partie de cache cache s’arrête, je passe non loin d’elle pendant qu’elle glousse avec une autre jeune fille noble, je sais pas pourquoi je le précise d’ailleurs et je lui subtilise discrètement le mouchoir qui dépasse à peine du petit sac qu’elle porte en bandoulière. Je crois que ce sac doit coûter trois mois de ma solde, peut être plus. Fin ça c’est un détail. J’étais vraiment pas certaine de ma réussite mais j’ai de la chance, il n’y pas d’initiale gravés sur le tissus, juste une agréable odeur de parfum.
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Elric de BeaumontSergent
Elric de Beaumont



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyJeu 4 Mai 2017 - 1:44
Le travail de sergent c’est fatiguant, vous devez bien le deviner. Je ne vous mens pas pour essayer de justifier ma solde, je vous promets. C’est sincèrement fatiguant. Oui oui. Tout à fait madame.

Mais pour l’heure, je n’étais pas en train de travailler. Ou du moins je faisais mon travail à côté, celui moins officiel... J’étais parti dans le palais, pour aller discuter avec quelqu’un d’important, et aller enquérir de ses besoins très importants et très secrets que vous apprendrez bien assez vite. Mais pour l’heure, je vous ai dis que l’héroïne de l’Histoire, c’était Xandra Erkal. Alors, plutôt que de vous raconter comment j’ai pris le thé avec machin pour lui raconter des histoires sur Truc, suivons l’évolution qu’elle a suivie pour remplir la mission que j’avais de très très importante à lui confier : Trouver de qui cette sale garce de Jeanne d’Anglement était amoureuse.

Cette petite idiote, comme les autres, avait réussi à salir ses vêtements chèrement payés par ses parents, fais sur-mesure pour leurs corps, avec des coutures, du velours, des fibres rares et inaccessibles depuis qu’on ne commerce plus, à se demander en quoi les couturiers faisaient leurs putains de tenues. Moi je vous raconte l’histoire telle que Xandra Erkal me l’a racontée ensuite. Parce que c’était ça l’essentiel. Jeanne d’Anglement, je m’en foutais bien d’elle, de cette fille trop propre sur elle, d’une petite rousse bien née. Elle était trop jeune pour que je sois intéressé par elle de façon lascive (Parce que je ne suis pas de ce genre-là, malgré toutes les choses monstrueuses que je fais), parce qu’elle n’avait pas assez d’argent pour que je veuille la spoiler, et parce que sa famille avait rendu bien assez de service envers Marbrume pour que j’aie une quelconque envie de vouloir m’attaquer à ces gens-là ; La famille d’Anglement était une famille de mecs gentils, preux, fidèles, niais certes, totalement niais et naïfs, mais qui avaient payé l’ultime tribut pour défendre la cité. Respecter leur file, c’est le minimum que je dois aux morts.
Non. C’est Xandra qui était importante. Je savais qu’elle devait être un élément intéressant, autrement la Carpe ne m’aurait pas dit son nom, car Étienne sait choisir ses subalternes avec une grande précaution. Ce qui m’intéressait, c’était la façon dont Dame Xandra allait obtenir l’information, afin de savoir comment j’allais pouvoir bien l’utiliser. C’est exactement pareil avec l’armement : L’épieu, la vouge, la hallebarde, elles se ressemblent toutes, mais aucune ne s’utilise véritablement de la même manière.

Du coup, dame Xandra est allée plus loin dans le jardin ducal. C’est assez facile de se cacher dedans, parce que les bosquets sont très haut, et que les petits nobles font très peu attention au fait d’être surveillés. Elle devait suivre le labyrinthe du jardin, de ces endroits où que les nobles qui intriguent vont bien à l’abri. En fouillant entre les branches, et en étant silencieux et fixe comme une statue, comme certaines de ces magnifiques statues qui décorent l’endroit, on pouvait certainement découvrir des secrets qui, s’ils étaient révélés, pourraient faire trembler Marbrume et tirer des lames de leurs fourreaux... Parce que, je le sais d’expérience, il n’y a rien de plus dangereux au monde qu’un secret.
Et voilà que Dame Xandra passait devant la statue de Lancel le Téméraire, et qu’elle pouvait voir devant elle une grande fontaine à eau dans laquelle les trois gamines tout juste pubères s’amusaient à se jeter dedans. Les trois idiotes se jetaient de l’eau à la figure, et mouillaient ainsi leurs longues robes blanches. Un jeu débile, que je n’ai jamais compris, mais de toute façon je ne jouais pas avec les enfants quand j’étais petit. Pour une idée que je n’avais pas tout de suite compris, Xandra décida de s’approcher et de voler un mouchoir qui dépassait de la besace de la rousse qu’elle se devait d’espionner.

Y avait deux gamines qui entouraient Jeanne. Une blonde très grande et élancée, mince également, un véritable sac d’os camouflé par une peau laiteuse, excepté pour le visage qui était rempli de boutons disgracieux ; Elle était jolie, malgré un gros nez tout particulier. L’autre avait les cheveux noirs, elle était courte sur pattes, grassouillette, avec des joues bien rondes, un air poupon, mais de jolis yeux de jais, qui lui donnaient un air de chaton, ou plutôt de gros matou bien gras.
Xandra pouvait espionner aussi longtemps qu’elle le pouvait. Il ne semblait pas réellement que les trois gamines faisaient quelque chose, à part glousser comme des poules, se projeter de l’eau au visage, et saloper leurs frusques. Mais Xandra fut assez observatrice, et elle comprit vite qu’elle n’était pas la seule à les espionner. Plus loin, dans les bosquets, elle vit que des paires d’yeux bougeaient dans la direction de la fontaine. En s’y approchant, bien plus discrète que les autres instigateurs, elle reconnut vite la jolie livrée et les beaux vêtements des damoiseaux qui jouaient à chat avec les gamines il y a pas si longtemps.
L’un d’entre eux était grand, avec des cheveux longs, blonds, qui lui descendaient jusqu’au col. L’autre était petit, chétif, et il était... Étrangement métissé. En tout cas il avait le teint très mat et ses cheveux noirs étaient frisés, ce qui indiquait bien qu’il ne devait pas être né à Marbrume, mais qu’il avait des origines très étrangères. Pourtant, lorsqu’elle les entendit parler, elle ne dénota aucun accent chez le jeune homme.

– Chut, disait le blond. Tu vas nous faire repérer...
– On devrait partir ! C’est mal de les espionner !
– Joue pas au prude, Thomas... Regarde, on va faire un pari...
Si t’arrive à voler leurs affaires, je te donne deux sous.


Deux sous. Quand Xandra m’a raconté ça, j’ai écarquillé les yeux, et j’ai été obligé de la faire répéter, persuadé qu’elle avait mal entendu. Mais non. C’était bel et bien deux sous. Que les gamins nobles arrivent à dilapider autant d’argent inutilement me surprendra toujours...

– Nan ! Si je me fais voir on va me passer un savon...
– C’est que t’as pas de couilles alors, je m’en doutais. Décide-toi vite, sinon moi je me casse.


C’est à ce moment-là que l’une des gamines sorti de la fontaine et s’éloigna en riant, pour aller sécher au soleil, se détachant du reste du groupe et partant dans le labyrinthe de fleurs.
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Xandra ErkalMilicienne
Xandra Erkal



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptySam 20 Mai 2017 - 12:30
C’était peut être plus facile que je ne le pensais de passer inaperçu ici, de se faire oublier quelques instant. Là, engoncée dans ma tenue avec mon arme lourde dans la main, j’avais beaucoup en commun avec ses statues que j’admirais et examinais avec le même intérêt que mes “proies”, comme si ça faisait partie de ma mission. Il n’était jamais bon de se confier, même la pierre pouvait se mettre à parler un jour. Combien de robes mouillées avaient elle vues ces statues ? De combien de baiser volés avaient été témoins ces héros de pierres ?

J'eus un petit sourire alors que j'observais, tout aussi muettement, ces jeux d’adolescents. J'avais aussi avait eu l’occasion de m’amuser, mais jamais avec une telle insouciance, pas l’esprit serein, jamais dans des tissus de cette qualité, tout ça me semblais un peu surréaliste, tout comme mon affectation ici. Un autre monde, pas moins. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, toute ses réflexions, tout ces beaux détails dans les tissus, ces éclats de rire, ne m’avaient pas écarter de mon but, de ma mission, de mon jeu et c’est là que je m'étais approprié le mouchoir.

J’avais vite compris que tant que les garçons ne seraient pas revenus, tant que la petite Jeanne, enfin petite en âge, parce qu’en terme de taille, on était sensiblement les même, ne serait pas avec eux, je n’apprendrais rien. Je n’avais pas eu à les chercher les jeunes nobliaux, ils étaient aussi discret qu’un groupe d’ivrognes dans une taverne dont les éclats de voix portent jusqu’à votre table, que vous le vouliez ou non. Pourtant elles ne remarquaient rien.

Des hommes soumis à leurs pulsions dans toute leur splendeur. Il y avait des choses qui ne changeait jamais, qu’on soit noble ou le dernier des bouseux, ou...étranger ? Ce détail n’était pas mes affaires, le fait est que si les gamines filaient dans le dédale de couleurs et d’odeurs florales, je risquais des les perdre et de perdre tout court. Hors de question, il fallait agir et vite.

Mon entrée en matière m’avait fait jubiler, clairement. Les voir sursauter comme des petits garçons coupables alors que j’arrivais dans leurs dos me donnait envie de rire. J’avais réussi à me contenir, à afficher cet air sérieux d’homme d’arme, fin de femme, qui faisait là son boulot avec un air mortellement déprimant.

-Mes Seigneurs, vous n’irez nul part, pas sans moi. Que vous portiez, ou non, vos couilles. Que dirais vos parents s’ils apprenaient ce qui se trame ici, hum ? Avancez, jusqu’à la fontaine. Laissons à vos victimes tout le loisir de décider de votre sort.

Il y avait deux choses dont j’étais certaine, la première, logique, était que si la rousse était amoureuse de l’un de ces jeunes garçons, je le verrais tout de suite dans cette situation. La seconde, que leurs parents respectifs l’apprennent étaient la dernière chose que Jeanne aurait envie de voir arriver. Pour ne pas avoir d’ennui mais surtout par peur de ne plus le revoir. Là encore, ça serait suffisamment flagrant pour que j’apporte une réponse fiable au Sergent. Les mots, les gestes, les regards, le langage du corps ne mentait pas.

Si, par malchance, il ne s’agissait pas de l’un d’entre eux, mais j’en doutais, ou si la gamine était vraiment du genre discrète, il me restait toujours ma dernière carte, mon as, le mouchoir. Elle parlerait.
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Elric de BeaumontSergent
Elric de Beaumont



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptySam 20 Mai 2017 - 22:18
Deux statues dominaient les magnifiques bosquets de fleurs et de tulipes, et les jardins couverts de marguerites qui étaient piétinés sous les pieds nus des adolescentes transies par l’eau glacée de la fontaine ; L’un était un pieux guerrier, jeune, les cheveux longs, cuirassé dans un long manteau de maille et arborant un magnifique tabar aux couleurs rouges et noires, aux roses sur son écu qu’il gardait près de son corps. Vulgrin, comte de Neumaël, à en croire l’inscription gravée en or sur son socle de marbre. Ouais, jeune, c’était le bon mot ; Le sire ne devait pas dépasser dix-neuf printemps, il n’avait pas un poil de barbe sur sa face, et même s’il était vêtu de façon guerrière, quelque chose dans ses yeux trahissait une certaine tristesse, peut-être une mélancolie lointaine. Jeanne observait les yeux de ce jeune garçon de pierre en se demandant bien qu’est-ce qui pouvait enlaidir ce joli minois d’une lueur si affligée ? De l’autre côté du socle circulaire, on pouvait très clairement lire : « Mort en martyr, tué par l’infidèle, devant la cité sainte d’Hédène ».
L’autre statue était beaucoup moins luxueuse. Si Vulgrin avait été immortalisé dans du magnifique marbre blanc qui faisait ressortir tous ses traits de jeune brave mort bien trop jeune, celui qui lui faisait face, il était prostré en granit. Il avait un aspect beaucoup plus rustre, moins détaillé, sans aucune trace de lettres d’or et de fantaisies apposées par un artiste très entreprenant. Tant mieux, car l’homme qui était représenté ne voulait rien d’ostentatoire. C’était une figure cruelle, massive, cachée sous une grosse bure qui allait jusqu’à ses longues épaules, sur lesquelles ne trônait plus une tête ; Le crâne, il était entre les mains du moine, et ses yeux encore ouverts, sans aucune pupille, plongeait dans l’âme de quiconque le croisait, et l’on était transcendé face à ce prélat, comme si on devait se hâter de tout confesser, d’avouer et d’expier toutes ses fautes. Gravé sur la roche, un seul nom, « Fra Adalbert », et une devise dans la langue liturgique pratiquée par les prêtres : « Laudare, Benedicere, Praedicare. » Trois ordres, clairs, précis, simples, comme les meilleurs impératifs sont.
Les deux statues n’avaient clairement pas été construites au même moment. Et peut-être représentaient-elles deux époques très différentes, vestiges de la cité ? Saint-Adalbert, le moine dur et autoritaire, défenseur de l’ordre moral, pieux et enfermé dans ses prières, voilà la figure de bonté et de grandeur au milieu d’une anarchie féodale complète, à l’époque du Droit du Seigneur et des brigandages sur les routes, des serfs maltraités et du peuple torturé. Vulgrin le Cœur-de-Lion, ancêtre par lignée aînée du duc Sigfroi, grand chevalier qui avait vendu ses terres pour embarquer loin, loin du Morguestanc, pour sauver ses frères de foi sinon de sang à l’autre bout de l’océan, il incarnait les valeurs de la force, du courage, et, tragiquement, du sacrifice, même s’il fallait pour cela mourir alors qu’on n’a pas vingt ans.

Peut-être qu’avec la fange, Adalbert et Vulgrin incarnaient tous deux des valeurs essentielles pour survivre à l’Apocalypse qui guettait. Peut-être que les gamins qui entouraient Xandra auraient bien mieux fait de s’atteler à l’apprentissage, de la lame ou des textes anciens, afin de pouvoir eux aussi, un jour, contribuer au nouveau monde, dur et cruel, qui allait les attendre si un jour la fange était vaincue.
C’était sans compter sur la troisième statue. Celle qui ornait la fontaine où Jeanne et ses deux amies s’amusaient. Et cette fontaine ne représentait ni un preux chevalier en méditation, ni un pieux moine en inquisition. La fontaine représentait des amoureux. Un homme, musclé, légèrement barbu, bien nourri et éprouvé par une vie mouvementée, qui souriait tendrement à une jeune femme entièrement nue, qui camouflait sa poitrine à l’aide de son bras, et approchait sa main de son amant pour lui caresser la barbe. Devant le moine et le croisé, ils faisaient tâche, ils tranchaient trop, ils incarnaient bien trop de péchés pour qu’on puisse le tolérer. Ils étaient au milieu d’un jardin fruitier, allongés, rendus paresseux devant les bruissements de l’eau. Peut-être même qu’ils n’étaient pas mariés, mais qui aurait pu accepter un tel scandale ? La sculpture de la fontaine était la plus récente, la plus neuve, la mieux réalisée également, car la ronde-bosse est une technique architecturale qui a mit énormément de temps à être maîtrisée. Saint-Adalbert a été gratté à partir d’un gros bloc de granit, sire Vulgrin semble avoir été taillé, mais les deux pécheurs étaient modelés, comme de la poterie, et jusqu’aux plus fins détails pouvaient apparaître, jusqu’aux petits plissements du ventre de la jeune femme, provoquée par un peu de gras qui était collé sous sa peau. Dans un sens, ils ruinaient le jardin. Mais peut-être qu’ils représentaient eux aussi quelque chose. Une nouvelle époque. Une suite, logique, dans la vie que l’on devait mener. Au temps d’Adalbert, nous étions dans des ères sombres, et il fallait une rigueur de soi pour porter la société. Au temps de Vulgrin, nous étions menacés par des infidèles et des hérétiques, et il fallait du courage et de la hargne violente pour s’en sauver. Mais au temps des amoureux, au temps que nous vivions, pourquoi ne pas espérer... Autre chose ? Les champs étaient opulents, dorés de blés, les villes s’agrandissaient, les galères allaient dans tous les ports du monde, la paix régnait, tant bien que mal, même si les ombres de l’affaire Sarosse et de la personnalité trouble et ombrageuse du duc Sigfroi risquait de venir briser ce mouvement de renouveau qui gagnait la société, qui gagnait jusqu’aux plus basses couches de la société. Un monde neuf, tout neuf, un dans lequel, même si nous restions pieux, nous n’avions plus à craindre la colère de Rikni à chaque respiration, où nous n’avions pas à vivre notre vie la tête baissée, souffrant avant d’atteindre le havre d’Anür. Un monde porté par des philosophes, des prêtres penseurs d’un nouvel âge, bercés par de nouvelles cultures, et impressionnés par les nouveautés de la science et de la technologie.

Et paf. La Fange. Venue nous punir de baiser. La Fange.



« Sire Elric, pourquoi venez-vous briser notre récit par cette envolée lyrique ? » Allez donc vous faire enculer, c’est pour cela. Quand Xandra m’a raconté l’histoire de ces gamins débiles, qui passaient leur temps à jouer avec leurs enfantillages, comment étais-je censé réagir ? Avec un sourire ? Avec un ton taquin ? « Ah, ces jeunes, comme ils sont mignons ».
J’ai vu bien assez de cadavres d’adolescents dans les bas-fonds pour bien comprendre à quel point tout ça c’est qu’une arnaque. Une grossière arnaque. Et un jour viendra où des hommes arriveront avec des massues pour démolir cette fontaine.

D’ailleurs, quand Xandra est arrivée devant les deux garçons, leur réaction a été tout sauf équivoque. Le plus petit, celui mat, le bâtard venu d’ailleurs, il s’était mis à trembler, à suer, des gouttes perlant de son front basané. Mais le blond lui était devenu rouge de colère, avait fermé ses poings et tapé du pied, alors qu’il se mit à invectiver la milicienne.

– Garce ! Soudard balafrée ! Saphiste mal-baisée ! Sais-tu qui je suis ?! D’où te mêles-tu de nos histoires ?! Mon père te ferra rosser pour oser m’importuner !

L’ado fut néanmoins vite calmé lorsque Xandra s’empara de son oreille pour le tirer, tandis qu’elle mit une main ferme sur le petit famélique, qui lui tremblotait mais n’osait ni insulter la milicienne, ni se mettre à se récrier ou à lancer des menaces qui ne pouvaient pas avoir été en l’air. L’air tout penaud, il s’avançait, inquiet, alors que le trio quittait le bosquet pour venir devant la fontaine.
Trois paires d’yeux s’écarquillèrent face au spectacle. Les jeunes filles s’étaient arrêtées de rire. La blonde anorexique, la brune grassouillette, et la rousse au visage tachetée comme un dalmatien. Jeanne et celle aux cheveux de jais avaient encore les genoux dans le bassin d’eau, leurs cheveux dégoulinant de perles de flotte qui coulait le long de leurs mèches, alors que la blonde était vautrée dans l’herbe, à côté. Toutes trois ne portaient non pas leurs jolies robes très chères, qui étaient rassemblées dans leurs sacs et leurs affaires que les gamins voulaient leur voler, mais à la place était vêtue de longs chainses, un vêtement en toile qui, alourdit par l’humidité, collait à leur peau, laissait apparaître une chair de poule qui les assaillait par le froid, qui lassait voir leur nombril, et les tétons qui pontaient au niveau de la poitrine...
...Je vous avoue que j’extrapole un peu et que Xandra m’a pas réellement rapporté la chose en l’état. Mais heu, j’essaye de vous situer la scène.

La blonde se mit à se lever, un grand sourire aux lèvres. La brune, elle, s’était mise à rugir, enfin, rugir d’un petit cri tout faible et aigu, rugir comme un chaton.

– Douce Anür ? De quoi s’agit-il ?!

Xandra, pleine de sarcasme, et tenant toujours le gamin blond par l’oreille, se mit alors à raconter qu’elle avait attrapé les deux garnements en train de les espionner, et se demanda à voix haute si c’était bien normal et que fallait-il bien faire d’espions si dérangeants. Voilà que le dizenier Erkal s’improvisait chaperonne...

– Non ce n’est pas bien normal ! Qu’ils fichent le camp !
– Mais regardez-les donc... Sire Lucain d’Anghian, et sire Thomas de Tourres. Je me demande bien ce qu’ils font ici...


Citation :
Capacité INT Xandra : 11
Jet : 8.

Xandra lâcha les deux nobles. La brune avait quitté la fontaine, afin de gagner son sac et se recouvrir de linge pour se sécher. La blonde, elle, se mettait à ricaner, en regardant du haut de sa taille anormalement élevée pour une fille les deux nobliaux qu’on lui avait amené.

– Ne savez-vous pas, messires, qu’épier une jeune fille est péché mortel et une atteinte à l’honneur ? Vous savez pourtant à quel point mon cousin, Armand du Plessy, est un grand guerrier, qu’il a déjà tué une douzaine de fangeux, et qu’il pourrait facilement vous faire étouffer avec vos langues qui pendent hors de vos lèvres !
Sire Lucain, je vous savais déjà un irrécupérable graveleux qui ne serait calmé qu’en devenant eunuque, sort que je vous souhaite très bientôt, mais sire Thomas, je dois avouer être désappointée, j’attendais beaucoup plus de vous !


Thomas de Tourres bredouilla quelques mots en baissant les yeux. Lucain d’Anghian, lui, se mit à pouffer de rire, tout en faisant un pas latéral pour s’éloigner de Xandra.
Dame Mathilde du Plessy leva alors son regard vers la milicienne, et lui fit un sourire taquin.

– Je vous remercie de veiller à notre pudeur, vaillante soldate. Vous méritez bien quelque récompense. Mais pourriez-vous s’il vous plaît tenir bien droit ce monsieur Lucain avant qu’il ne s’échappe ?
– Je n’ai pas peur de vous ! Vous savez pas qui est mon père ?! Mon père, comte palatin d’Anghian, a déjà été maréchal de bataille pour le prince des Langres ! Il est un homme puissant et respecté, et il vous fera briser les genoux !
– Ne l’écoutez pas. Il pleure en disant le nom de son papa dès qu’il est contrarié, mais il est comme ces chiens qui aboient plus qu’ils ne mordent.
Comment pourrions-nous châtier ces cuistres, à votre avis, gente soldate ?


Alors que la blonde piaillait, Xandra nota alors un détail tout bête. Jeanne, toujours dans la fontaine, souriait vers Thomas de Tourres, qui rougissait en croisant son regard.
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Xandra ErkalMilicienne
Xandra Erkal



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyMer 31 Mai 2017 - 13:11
Effectivement, je l’avais vite calmé le petit effronté impoli. C’est le “balafrée” qui était vraiment de trop, je l’étais pas depuis assez longtemps pour passer au dessus des remarques des autres à ce sujet. Je craignais pas vraiment ses menaces, papa serait surement plus occupé à le rosser lui plutôt que moi, c’était pas convenable tout ça et puis même, ce que je voulais, surtout, c’était donné au Sergent la réponse qu’il attendait, cette réponse surement pas si innocente que ça.

J’étais loin d’aimer montrer mon corps maintenant. La milice, les hommes en général, l’expérience, la sagesse tout ça m’avait apprit durement que c’était une mauvaise idée, vraiment mauvaise, mais ça m’avait pas empêché de me pointer là avec mes deux adolescents au caleçon en feu, même si là ça brûlait plus trop, ça risquait presque de sentir l’urine pour l’un d’entre eux. Je m’étais pas montré très délicate, mais je ne pensais qu’à mon objectif et quel meilleur moyen d’y parvenir ?

Mais ingénue, sur d'elle, la blonde ne se démontait pas en tout cas, visiblement pas mal à l’aise pour deux sous pendant que je lui faisais un rapide résumé de la situation. J’essayais, je me devais d’avoir l’air sérieuse, mais je trouvais ça rafraîchissant, comme la fontaine tiens, ils étaient mignons mes deux coupables, surtout le petit là, à la gueule d’étranger.

- De...De Tourres.


Je m’y attendais pas, pas avec cette bouille, pas ici, pas aussi longtemps après la mort du Haut prêtre. Je l’avais pas oublié bien sur, j’avais appris sa mort dans les marais, mais entendre son nom raisonner, être prononcé à intelligible voix, ici et maintenant ça me faisait tout drôle. La dernière fois que je l’avais vu il était occupé à vomir, j’en aurais presque sourit, c’était un bon dernier souvenir en y pensant...

Elle était un peu pédante et agaçante la blondinette, je peux pas dire qu’elle m’était agréable mais elle avait raison et semblait plus douée que moi pour les sermons, ça m’arrangeait bien, j’arrivais pas à détourner les yeux du petit Thomas, cherchant à reconnaître des traits communs, occupé à me souvenir, mais ça m’avait pas détourné de ma mission et du coin de l’oeil je lorgnais sur la rousse. J’ai vraiment reporté mon attention sur Mathilde quand j’ai pas eu le choix.

- En ce qui concerne sire de Tourres, je pense qu’il subit la mauvais influence de monsieur de d’Anghian qui devrait apprendre à se montrer un peu plus humble et à reconnaître ses fautes au lieu d’aboyer comme un jeune chien. En ce qui le concerne je pense que…

J’ai vu ce que je voulais, j’avais plus qu’à le vérifier, à jouer mon dernier atout, celui soigneusement plié dans ma poche, j’avais pas envie de perdre mon temps avec ces broutilles, le temps filait trop vite.

...Vous présenter des excuses et promettre de ne plus fomenter de plans de ce genre devrait être suffisant. N’allons pas jusqu’à prévenir votre père de votre comportement immature, hum ?

A nouveau mes yeux pâles se posèrent sur ceux de la grande noble à la langue bien pendu qui ne manquait pas d’assurance. De Plessy hein ? Est- ce que tout le reste de la famille était comme ça ?

- Cela vous semble t-il suffisant, mademoiselle ? Mesdemoiselles, ajouta la rousse en balayant la petite place des yeux.

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Elric de BeaumontSergent
Elric de Beaumont



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyMer 31 Mai 2017 - 21:16
L’échevin n’arrêtait pas de lire la lettre, encore et encore ; Bien qu’il se tenait prostré au-dessus de la table, et qu’il était immobile comme les statues d’Adalbert et Vulgrin, on apercevait très clairement ses yeux qui traçaient de gauche à droite pour observer la cursive du papier. Ses lèvres étaient pincées, ses doigts tremblotaient un peu, et il paraissait décontenancé. Par de colère en fait, plutôt de désappointement, le même sentiment que le parieur qui a placé son argent sur le mauvais canasson. Moi je le regardais bien amusé, avachi contre mon siège en bois, attendant patiemment une réaction de sa part.
Il posa le papier et nos regards se croisèrent alors.

« Le sceau n’est pas factice...
– Non il ne l’est pas
, je répondais avec un sourire carnassier.
– Où t’as trouvé ça ?
– Du chasseur de prime qui était censé mettre aux fers le mercenaire.
– Il est où ce chasseur ?
– En plusieurs endroits. Si tu vois ce que je veux dire. »


La blague ne fit rire que moi. L’échevin se mit à froncer les sourcils. Il n’aime pas la façon que j’ai de régler mes problèmes. Lui, la fois où une prostituée est morte dans sa garçonnière, je l’ai bien aidé, je me suis débarrassé du cadavre, mais il faut bien trouver un moyen de physiquement le faire disparaître. J’ai plusieurs techniques, toutes bien éprouvées, mais tout ça pour vous dire qu’effectivement, le pauvre gars qui voulait du tort à sire Guillaume-Armand s’était volatilisé sans laisser aucune trace.

« Cela n’a aucun sens ! Il y a des gens de la famille du Plessy ici, c’est une maison originaire du Morguestanc ; Ils l’auraient reconnu s’il s’agissait d’un usurpateur !
– Il est beau. Pieux. Il a le respect du duc. Peut-être que ça arrange la tante qu’il prenne la place de son défunt neveu.
– Mais Guillaume la Truie a également un père ici ! Il peut pas maintenir ces deux identités sur l’Esplanade !
– Tout ce que les nobles font c’est constamment maintenir plusieurs identités.
– Qu’est-ce que tu comptes faire de tout ça ? Lui faire du chantage ? Et pourquoi tu m’en parles ? Qu’est-ce que j’ai à voir avec tout ça, moi ?
– Tu as énormément investi en « sire Armand »
, je reprenais en insistant bien sarcastiquement sur ce nom. C’est toi qui lui a permit d’obtenir un conroi de la part du duc en personne. C’est toi qui t’es arrangé pour qu’il devienne un officier du Labret. C’est toi qui as fichu le garçon en plein dans le Conseil...
Mais détrompe-toi. La situation est plus compliquée que celle du simple chantage. En fait je ne pense pas que le duc aurait quelque chose à faire de cette révélation privée. Je pense même qu’au contraire, il serait réjoui d’apprendre que ce petit poulain n’est en fait pas un rejeton du monarque, mais véritablement un soudard qu’il peut remodeler. Un tas de poterie qu’il ne manquera pas de façonner comme il souhaite.
– Certes. Mais tu pourrais avoir des idées idiotes, comme le révéler à tous sur l’Esplanade. Il serait humilié, et tu nous forcerais la main à le condamner...
Mais si Armand du Plessy est dans une position faible, Guillaume la Truie ne l’est pas. N’oublie qui est son paternel.
– C’est là que tu entres en jeu. Justement. C’est eux deux qu’on va couler. »


L’idée lui trotte dans la tête. Mais en réalité, j’ai juste à jauger son regard pour comprendre qu’il n’est pas friand de l’idée. Peu importe. Je trouverai un moyen de le plier à ma volonté. L’échevin Guislain Cudot est beaucoup de choses ; Il est intelligent, travailleur, appliqué, parfois retors quand la politique le demande. Mais il est également peureux, couard, malléable... Et traître.

« Quel est ton prix, Elric ?
– Mon... prix ?
– Nous avons déjà eu cette conversation. Au fond tu n’es qu’une putain. Tout ça c’est pour quoi ? Qu’est-ce que tu exiges ? Que l’on te paye pour ne pas garder tout ça ? Tu veux que la reconnaissance vienne du duc, ou de la famille du Plessy, ou de la famille de la Truie ?
– Tu connaîtras mon prix bien assez tôt, Guislain. En attendant tu dois faire quelque chose pour moi.
– Parle donc. Je verrai ce que je peux faire.
– Du temps des ravages de Guillaume, il y a encore des victimes. Des gens qui ont beaucoup perdu face à sa troupe de truands. Des nobles qui ont perdu un frère, qui ont eu une fille violée, qui ont vu leurs châteaux incendiés...
Tu as accès aux archives de la chancellerie. Trouve-moi des noms.
– T’as vraiment envie de créer une guerre civile sur l’Esplanade ?
– Juste quelques duels. On manque d’ambiance par ici. »


Des pas de bottes sanglées claquent sur le marbre. Je pose mon bras sur le dossier de la chaise et me tourne, pour voir la rouquine balafrée qui revient de sa ô combien importante mission. Je lui fais un signe de s’approcher, et voilà que mon interlocuteur croise les bras au-dessus de son poitrail, en observant la soldate de la tête aux pieds.

« Dizenier Erkal. Je vous présente l’échevin Guislain Cudot. Il travaille avec son altesse le duc et les bourgeois de la cité.
– Encore une de tes connaissances, Elric ?
– Une prometteuse ! Tu sais bien que j’ai l’habitude d’extraire des diamants du purin.
– Nous verrons bien. Je dois passer par la chancellerie. Centenier Beaumont. Dizenier Erkal. »


Il se leva et fit un rapide signe de tête à nous deux. Mine de rien, que dame Erkal puisse croiser un homme puissant comme Cudot était un cadeau, mais je doute que la rousse se rende compte de ce qui venait de se passer, encore plus pour l’apprécier à sa juste valeur.
Je permis donc à Xandra de s’asseoir, et je hélais un valet pour qu’on lui amène un verre de bon vin, afin qu’elle me raconte la façon dont elle avait réussi à trouver celui qui avait tapé dans l’œil de Jeanne d’Anglement. Mais surtout, la façon dont elle avait procédé.

Il semblerait que dame Xandra préfère la filature à la véritable discussion. Et chaparder plutôt que piailler. Ça confirmait plus ou moins ce qu’Étienne la Carpe m’avait révélé sur elle. Et il avait révélé beaucoup de choses depuis que j’avais transféré la goudou à la garde nobiliaire de Marbrume. Malheureusement j’ignore comment le dizenier réagirait si je commençais à lui déballer ce que je sais de sa vie privée. Peut-être qu’une inquiétude serait créée, infectant son esprit. J’ai pourtant besoin d’elle pour l’instant.
Après avoir entendu toute l’histoire, je me mis à tourner lentement la tête de gauche à droite.

« Thomas de Tourres... Je suis déçu pour tout vous dire ; je m'attendais à un gamin un peu plus intéressant que ça. Fut un temps où sire Philippe de Tourres était un homme influent du diocèse du Morguestanc, mais il est mort et à présent ce qui reste des siens sont en pleine dégénérescence. Blaise de Tourres, le chef de maison, n’est qu’un rustre sans ambition, et même si son suzerain, Alexandre de Terresang, le protège auprès de son altesse... Eh bien, les choses changent, la route tourne, et petit à petit, les nantis perdent leurs privilèges alors que l’ombre de Sigfroi se fait menaçante.
Pourquoi croyez-vous que sire Morion ou sire Hector de Sombrebois sont retournés sur leurs domaines ? Pour affronter courageusement la Fange ? Non voyons. C’est tout simplement pour fuir l’ombre du duc, qui absorbe tout.
Je me sentirais presque désolé pour eux, si seulement ils ne méritaient pas leur sort. »


La lettre était toujours présente sur la table. Je la prenais pour la plier et la ranger au fond de mon mantel, bien consciencieusement.

« Je vous invite à dîner, dizenier.
Pas en tête-à-tête, quand bien même vous pouvez être déçue,
je continuais avec le ton d'une blague graveleuse. J’ai un manoir sur l’Esplanade. Je vous donnerai l’adresse. Vous mangerez avec ma femme et mes enfants ; Si vous avez un ou une amie qui n’a jamais visité l’Esplanade, je peux m’arranger pour qu’il vienne également.
Ne venez pas armée, et tâchez de vous faire, heu... Un minimum présentable. Non pas pour moi, juste que mon épouse a un peu en horreur quand j’amène des collègues aux bottes crottées chez elle.
Une fois que vous serez là, j’aurai à vous parler d’affaires privées... Et qui concernent la cité. Cela vous convient ? »
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Xandra ErkalMilicienne
Xandra Erkal



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MessageSujet: Re: Doppelgänger    Doppelgänger  EmptyDim 4 Juin 2017 - 15:48
Quand je disais que je préférais les marais, c’était pas pour me donner un genre, pour me la jouer femme combattante aussi courageuse et couillu que mes camarades masculins, non, je préférerais vraiment être ailleurs que là, dans ce bureau. J’y ais pas ma place, il le sait le Sergent et l’homme qui lui fait face encore plus, ça se voit dans son regard.

Je m’incline poliment, je lâche un discret “Sergent, Monsieur le Magistrat”. Je suis pas tellement sûre que c’est ça la manière dont il faut s’adresser à un échevin, mais au moins je me suis montrée très polis. Accessoirement, ça n'intéresse personne, parce que je ne suis personne justement dans cette pièce. Je tique au “encore” quand on parle de moi comme si je n’étais pas là.
J’ai beau m’en défendre je suis sensible à la flatterie, il gagne des points le Sergent, mais je sais pas encore ce qu’il me veut, je commence à me dire que ça sent vraiment, vraiment pas bon.

Je baisse à nouveau la visage, je lâche un “Monsieur” cette fois en digne d’au revoir, observant du coin de l’oeil l’homme quitter la pièce pour focaliser mon attention sur le Sergent, pas mon Sergent, le Sergent. Ça peut sembler anecdotique mais ça fait une différence, une grosse différence. Je me détends un peu quand il m'invite à m’asseoir, je le remercie lui et le domestique quand on m’apporte à boire. Evidemment, c’est pas la piquette. Ça fait un bail que mon palais à pas été titillé par quelque chose d’aussi bon mais je prend sur moi pour boire très lentement. De toute façon j’ai la fin de l’histoire à lui raconter et parler et boire en même temps, c’est pas évident.

J’hoche vivement la tête quand il parle d’Alexandre de Terresang, avec cette expression de compréhension, je sais qui il est. Je peux pas me permettre d'émettre des doutes quand au capacité du noble à gérer, protéger ou faire fructifier quoique ce soit. Ce serait malvenu, dangereux peut être.
Je tique en l’entendant parler du Duc, j’aime pas bien ça. Je me redresse sur ma chaise, mal à l’aise. Il me faut une gorgée de vin supplémentaire. Sans dire que je peux cerner le Sergent, parce que c’est loin d’être le cas, je commence à comprendre que je suis un pion sur un échiquier, un échiquier d’un genre nouveau. Celui de la vengeance ou de l’ambition ? Je me garde de parler, de m’avancer, je reste sur ma case, sagement.

Une invitation ? Pas n’importe quel pion. Il a intérêt à se montrer loquace, plus explicite. Si jusque là j’ai rien dis, posé aucune question, si je me suis montré docile, si je suis resté à ma place parce que je respecte l’institution - je crois que ceux qui se trouvent au dessus de moi ne le sont pas par hasard - je pourrais bien finir par en parler à mon Sergent, à chercher à me rassurer. Je dirais pas protéger parce que pour le moment je me sens pas en danger, d’ailleurs j’accepte avec un petit sourire en coin quand il précise que cette invitation n’a rien d’un dîner galant.

- Comptez sur moi, Sergent, je serais aussi présentable et bien mise que s’il s’agissait d’un tête à tête romantique. A mon tour de me permettre un petit regard amusé avant de retrouver tout le sérieux que la circonstance m’impose. Je viendrais seule. C’est un honneur pour moi que de rencontrer votre famille, Sergent. Je serais à l’écoute.

J’aurais mieux fait de me taire, de venir en tenue de travail, mais je suis pas certaine qu’il aurait apprécié. Si le baron de Sombrebois s’avère quelqu’un d’ouvert, du genre très ouvert, je ne suis pas certaine que ce soit le cas de tout le monde. Puis les femmes en pantalon ça fait toujours désordre et celle du Centenier, je ne la connais pas. Autant ne prendre aucun risque. Je prend un bain, j’enfile une robe simple, des souliers, je tresse mes cheveux et j’admire le carnage. Je la vois ma féminité, aucun doute. Des formes généreuse et raisonnable, des hanches maqués, un cou fin, des yeux de biches. Ce que je vois surtout c’est les marques là, sur mon visage, celle qui a faillit me coûter un œil surtout et qui crie à la face du monde que je ne suis pas tout à fait une dame.

Qu’importe, ce qui m'intéresse c’est ce que cet homme à a me dire, à m’apprendre sur la situation réelle dans laquelle je me trouve. C’est dur de laisser mes armes, d’abandonner ma ceinture, j’ai l’impression d’être nue. Quoiqu’il en soit, les gardes me reconnaissent, ils savent. L’Esplanade, cet autre monde, faux, cette bulle, s’ouvre à moi et j’arrive, un peu en avance, quelques minutes tout au plus, juste de quoi ne pas prendre de risque. J'attend que la porte s'ouvre avec une certaine appréhension, ça se tortille dans mon ventre. La manoir, rencontrer la famille du Sergent, être mise au courant d’affaire privées, l'absence d’armes, je perd de ma belle assurance quand on ouvre, quand je me retrouve projeté dans l'intimité d'une famille.

- Bon...bonsoir, je ne savais si je...Enfin si je devais apporter quelque chose, j’en suis désolé.

En fait il y a pire, pire que ce que j’ai déjà énuméré. Je porte une robe et je suis venue les mains vides. C’est ridicule.
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