Quand l'hydromel coule à flot, les hommes titubent et les femmes ... [Ardea]

Le soleil s’éclipse peu à peu derrière les murs de la ville tandis que notre bouffon sordide s’enfonce dans les bas quartiers de la cité. Enfilant un masque au grand sourire, il se faufile en sifflotant à travers les ruelles pour atteindre “Aux six Roses”, l’une des tavernes du coin. Lieu de fraude et de violence, cette taverne fait très certainement parti des plus sombres de Marbrume. Malgré cela, Leon semble s’y plaire. Il y a déjà rencontré une multitude de “braves” comme il aime les appeler, ces bandits qui voyagent à l’extérieur de la ville, plus communément appelés voleurs ou encore assassins. A peine la porte entrouverte que la voix du propriétaire se fait entendre. D’un mouvement sec le jeune homme passe sa tête masqué par l’ouverture.

“Masqué !” s’écrie le propriétaire. Le bonhomme s’était pris d’affection envers le bouffon au fil du temps et de ses consommations répétés.
D’un geste de la main, Leon le salue puis entre dans la pièce principale et s’approche du comptoir, il y dépose quelques pièces et récupère un bon verre d’hydromel. A travers son masque, ses yeux parcourent la salle à la recherche d’une table disponible. Bingo, cible en vue ! Aussitôt, le jeune homme bascule le contenu du verre au fond de sa gorge et en récupère un second avant d’aller s’installer confortablement.

La taverne est pour l’instant étrangement calme à cette heure, mais l’expérience a déjà prouvé à plusieurs reprises que de simples petites piques peuvent renverser la situation, et ce en un éclair!
D’humeur infantile Leon sort quelques copeaux de bois de sa poche et s’apprête à viser la table de mercenaires un peu plus loin lorsqu’une silhouette féminine jusque là inconnue pointe le bout de son nez par la porte principale.
Captivé par l’inconnue, il oublie son plan, d’origine et l’observe de ses yeux verts fourbes.

L'automne tirait lentement sa révérence. L'odeur du froid, rappelant celle de l'hiver, commençait peu à peu à se faire sentir au dehors. La saison à venir risquait d'être rude. La famine et la fange mettraient Marbrume et ses habitants à dure épreuve. Notre assassin, s'était quant à elle d'ores et déjà assurée un toit, mais également du travail. Ayant repris du poil de la bête, la voilà qui était des plus déterminée à en découdre. Elle avait il y a peu été engagée par de multiples mains désireuses de voir leur commerce prospérer. Plusieurs de ses missions lui apportèrent quelques bourses bien remplies mises de côté si jamais elle avait soudainement à quitter, ou plutôt à fuir la cité. Elle n'avait reçu encore aucune nouvelle du Murmure, ce qui ne présageait à ses yeux, rien de très bon...

Rentrée au Labourg plus tôt, elle avait pu s'y détendre. Clervie, l'assistante de Fenrir, l'avait aidée à se laver et avait nettoyé ses vêtements une fois encore imbibés de sang. La jeune fille n'avait à nouveau osé demander à l'assassin ce qu'il lui était arrivé, ayant sûrement bien trop peur du sort qu'elle lui réservait si elle en savait trop. Soulagée, Ardea s'était quelques heures plus tard, remise en route pour atteindre le Six Roses, situé dans le Goulot. Une fois entrée tel un souffle dans la taverne, elle s'était immédiatement dirigée vers le comptoir où le propriétaire essuyait brièvement quelques chopes. De sa démarche féline, elle atteint l'endroit en un rien de temps, se glissant avec adresse entre les petites gens installées à quelques tables. Elle jeta soudainement une bourse sur le comptoir où de multiples pièces vinrent s'échouer. Le tissus les ayant contenu semblait souillé d'un liquide bien trop rouge pour n'être que du vin. Alerté, le propriétaire ramassa rapidement les sous qu'il s'empressa de remettre dans leur contenant pour les cacher dans un tonneau derrière lui. Lançant un regard noir à l'assassin, il lui prépara une boisson qu'elle but cul sec, avant d'un geste du doigt en demander une autre. Contournant le tenancier, elle s'installa à l'abris des regards. N'enlevant son capuchon, fondue dans le décors, elle n'était plus qu'une ombre ornant les lieux.

Curieux comme à son habitude, Leon tâche de suivre des yeux la mystérieuse étrangère. A peine a-il cligné des yeux qu'il ne la voit déjà plus. Presque choqué, son regard devient fixe, cherchant une explication plausible. Tapotant la table des doigts son cerveau commence à fumer sans trouver de réponses adéquates. Frustré, il se lève pour discuter avec le propriétaire. Une fois au bar il lui fait signe de s'approcher pour lui murmurer à l'oreille.

"Dis moi, la bourse rouge sang de pièces à l'instant c'était quoi?" chuchote-t-il à son oreille.

Sans prendre la peine de formuler une phrase, peut-être de peur de parler, il ne répondit que par un léger geste du doigt. En suivant son index, la silhouette noire refait surface de l'autre côté du comptoir, près du mur. Si même un gaillard comme le tavernier a peur de cette chose, je me demande à quoi ressemble son visage ... pense-t-il. Sans trop vouloir attirer l'attention du suspect, notre sculpteur de masque détourne le regard vers les quelques tables et chaises encore vides. Certaines sont en bien piteux état, le bois, ruiné par l'humidité et la moisissure ne demande qu'à s'écrouler pour certaines ! Une simple pression suffirait à leur faire rendre l'âme. Pris d'une idée saugrenue après avoir jeté un coup d’œil par la fenêtre, Leon se dirige vers les chaises mourantes et en écarte les pieds discrètement du bout de ses bottes. Le propriétaire suspicieux lui demande de rappliquer dans la seconde qui suit.

"Qu'est ce que tu fais encore à mes affaires toi ?
-J'avais cru voir une pièce ou deux traîner par terre, je te les aurais ramenés penses-tu mais mes yeux m'ont bien eu, il n'en était rien!" jubile-t-il

Satisfait de la réponse du renard, le maître de maison fait signe à Leon de déguerpir de sa vue. Ce qu'il fait en se dirigeant vers l'ombre toujours immobile et discrète. S'installant contre le comptoir juste à côté de cette dernière, il reste silencieux et fixe la porte d'entrée du bâtiment avec excitation.
Soudain, la clochette de la porte retentit légèrement parmi le brouhaha constant du lieu. Et alors, deux brutes à la carrure imposantes s’immiscent à l’intérieur de la bâtisse. Ces deux là ne marchent déjà plus droit, surement des ivrognes du coin, chose commune dans les bas quartiers. Comme essoufflés, les deux se dirigent vers la table précédemment inspecté par notre bouffon déblatérant à haute voix ce que l'on suppose être des mots. D'un long soupir,l'un d'entre eux s'affale sur l'une des chaises qui se brise en mille morceaux. Le gaillard, désemparé, jette un regard noir à son compatriote hilare. Suite à quoi les deux compères commencent à s'échanger, sans vraiment de raison valables quelques vilains jeux de mains.
Sourire aux lèvres face à ce spectacle d'une grande qualité, Leon se retourne vers l'inconnu et décide d'ouvrir la conversation.

"Si vous pouvez faire rendre l'âme de certains hommes, je peux le faire avec des chaises ~"

Détendue, Ardea buvait à lentes gorgées la mixture douce que lui avait servi le propriétaire des lieux. Passant sa langue sur ses pulpeuses lèvres pour y récupérer le jus s'y étant déposé, elle réfléchissait au travail qu'elle aurait à accomplir le lendemain. Ces jours-ci avaient été pour elle une occasion en or de redorer son blason. Aubaine qu'elle avait évidemment immédiatement saisie. Maintenant que les Assassins la croyaient déchue et exilée loin des remparts de la cité, il lui fallait trouver de quoi subsister par ses propres moyens et ce, dans la plus grande des discrétion. Écoutant les conversations qui s'échangeaient du coin où elle était assise, elle comprit rapidement qu'elle devrait rester sur ses gardes encore le temps de quelques mois. Ici, dans cette taverne depuis, devenue miteuse, elle savait pertinemment qu'elle n'avait rien à craindre. Fort heureusement pour elle, ses anciens frères avaient cessé toutes festivités ces derniers temps et ne s'aventuraient plus que rarement hors de leur repaire. Les malfrats buvant ici jusqu'à en perdre toute notion de temps n'étaient que des amateurs une fois comparés aux membres des Assassins eux-mêmes.

Terminant sa choppe, elle la fit glisser sur le comptoir en direction du tenancier alors qu'un homme vint s'asseoir à ses côtés. Jetant un oeil au reste des lieux presque vides de toute présence, elle en déduit que s'il s'était volontairement installé ici plutôt qu'ailleurs, il devait très certainement lui vouloir quelque chose. Le visage assombri par l'ombre de son capuchon et au-delà même, à l'abri de tous autres regards, elle refit un signe du doigt au propriétaire de la taverne lorsqu'il lui demanda si elle souhaitait boire autre chose. Refus de sa part, stratégique pour peu que la personne assise à côté d'elle souhaiterait la menacer. Elle devait rester un minimum lucide. Ne lui accordant aucun autre signe, ni aucun salut, elle le jaugea dans une discrétion dangereuse et lui fit rapidement comprendre qu'elle n'était pas la personne qu'il cherchait ou alors, qu'elle n'était pas ici pour bavarder avec des truands. Ainsi, lorsqu'il prit la parole pour se venter de son présent exploit, elle l'ignora banalement, menaçante et accoudée là, bras sur le bois d'un comptoir entamé par l'humidité.

L'individu voisin du bouffon n'est décidément pas très ouvert à la conversation. A vrai dire cela ne le surprend guerre. Il est rare de voir des meurtriers tout du moins, taper la causette à tous les coins de rues. Ces personnes là sont généralement de sang froid. Le renardeau n'ayant clairement pas envie d'être tactile avec cette personne opte pour un changement radicale d'approche. D'un geste de la main il demande deux nouveaux verres qu'il place en face de lui. Aussitôt arrivés, aussitôt engloutis. Remuant la tête de droite à gauche satisfait du breuvage, Leon enfile son capuchon et retire son masque. Il l'observe sous différents angles observant quelques défauts liés à l'usure du bois. En le posant il le fait glisser dans la direction de l'étranger.

"S'il faut se dévoiler pour entamer une conversation avec vous, me voici" dit-il en se tournant uniquement dans la direction de l'inconnu.
"Masqué, ou bien Leon Barhnes comme vous le désirez. Je n'ai ni l'envie de tenter quoi que ce soit contre vous ni l'aptitude nécessaire. Mais vous vous pourriez me tuer sur le champ je présume, j'ai vu votre bourse de tout à l'heure. D'un rouge fort beau."

Quel sot, dans le seul but de voir le visage de son interlocuteur il n'hésite pas à se dévoiler entièrement. Quand je vous disais que Leon n'est qu'un addict de l'adrénaline.. Que peux-t-il bien gagner dans tout cette histoire? L'opportunité d'immortaliser un nouvel aspect du vivant pardi! Toutes les occasions sont bonnes à prendre, les fangeux pourraient mettre fin à nos jours demain s'il le faut. Et pour être franc .. l'alcool commence à faire son effet sur son pauvre cerveau.

"Rien ne nous empêche de trinquer ensemble à notre bonne santé n'est ce pas ?"