Les Experts - Marbrume [ rp libre]

Sujet: Les Experts - Marbrume [ rp libre] Mer 29 Mar 2017 - 15:45

Marbrume - 7 août 1165

A chaque réunion, l'Etat-Major exigeait la présence d'un ou deux miliciens pour "prendre la température" et "rester à l'écoute". Bref, pas question de laisser la colère populaire grandir. Si certains paraissaient trop virulents ou revendicatifs, ils recevaient dans les jours qui suivaient la visite de quelques types au visage caché, quelques coups bien placés faisaient avorter toute protestation mal venue.

Globalement, les réunions de quartier servaient surtout à organiser la vie quotidienne: faire remonter les problème de salubrité, de mendicité... dans une cité assiégée, du moins fermée sur elle-même, il était important de ne pas laisser les situations trop se dégrader. Une épidémie aurait des conséquences désastreuses, sans parler d'un incendie. La collaboration était encouragée tant qu'on abordait de sujets interdits qui revenaient tous à la même chose: les nobles et leurs privilèges.

Caleb s'était proposé pour assister à l'une de ces réunions qui regroupaient essentiellement les notables locaux: quelques marchands plus ou moins influents et les grandes gueules du quartier en général. Pour l'heure, il n'y avait pas eu beaucoup de sujets intéressants abordés, sauf la petite vieille qui s'était plainte à propos du jeune couple marié qui s'était installé à côté de chez elle et qui passait leurs nuits à forniquer bruyamment. Chacun y était allé de son petit commentaire graveleux, certains sous-entendant qu'il n'y avait pas que le mari qui en profitait.

Tranquillement assis au fond de la salle, jouant avec son poignard, l'archer taillait grossièrement un petit bout de bois avec son poignard en écoutant d'une seule oreille ce qui se racontait à propos des égouts qui dégorgeait dans la ruelle de.... les trois savent où. Une idée lui trottait dans la tête depuis... et bien depuis un bail en fait. Il avait passé plusieurs mois immobilisé à cause de sa blessure à l'épaule. Ça lui avait laissé du temps pour cogiter.

Il laissa le type chauve terminer son discours.

"... il faut vraiment qu'on mette nos moyens en commun pour organiser les livraisons dans nos boutiques... Sinon on bloque la rue, c'est l'boxon. Les voleurs et les mendiants se gênent pas pour profiter de tout l'bordel et chaparder ici ou là des trucs... encore l'autre jour, j'ai vu un type se servir... J'ai appelé la milice, mais le temps qu'ils interviennent l'salaud avait disparu..."

Karnos "dent d'or", le prêteur sur gage et usurier du coin qui accueillait la réunion dans sa boutique et faisait office de maître de cérémonie, l'interrompit.

Je crois qu'on a compris Gorte. Il faut qu'on s'organise. Mais tu sais que mes homems sont à ta disposition pour mettre de l'ordre si tu veux, non ? ( l'intéressé le fusilla du regard mais regagna sa palce sans répondre. "Dent d'Or" ne vendait ses services qu'au prix fort, pas toujours en argent...) Bon, à qui le tour ?

Caleb rangea son poignard et bondit sur ses peids.

J'aimerais dire quelques mots !

Plusieurs têtes se retournèrent, dévisageant le milicien.

Mais, t'es milicien ! T'as pas le droit !

Caleb haussa des épaules. Karnos sembla hésiter un instant puis haussa des épaules et fit signe à Caleb d'approcher, sans doute curieux de savoir ce que l'archer aurait à dire. Se faufilant entre les tables pour s'approcher de l'estrade improvisée, le milicien monta sur la petite palette et regarda la trentaine de visages qui lui faisaient face. Caleb afficha un sourire, mains ouvertes,. L'uniforme lui donnait plutôt belle allure avec ses cheveux soigneusement tirés en arrière.

Bonsoir tout le monde. Jeeee.... serai pas long. Du moins j'essaierai.

Je voulais juste proposer un truc simple vu qu'on a ici réuni tous les meilleurs talents du quartier. (la flatterie facile arracha quelques demi-sourires)

Hm... par où commencer ? Je suis pas de Marbrume. Je fais partie de tous ces milliers de sang-sue qui sont venus trouver refuge dans votre belle ville. Pendant plusieurs mois, j'ai été blessé (il montra son épaule) et quand on en branle pas une, des fois on réfléchit.

En plus d'être un étranger et un branleur, je suis aussi fainéant. Je n'ai que des qualités. (la foule commençait à se demander là où il venait en venir) Bref, j'aimerais trouver un moyen de défoncer ces putains de fangeux plus efficacement et sans trop risquer ma peau. Parce qu'en plus d'être étranger et fainéant je suis lâche.
Et archer. Et j'ai réfléchi à quelques flèches qui pourraient aider à lutter plus efficacement contre les fangeux. Selon ce qui en ressort, y'aurait peut être moyen de faire des armes plus adaptées que les épées, haches et le reste...

Si y'a des gens intéressés... menuisier, forgeron, mercenaire, chasseur... pourquoi pas médecin... j'vous donne rendez-vous à la fin de la réunion.

Merci de m'avoir écouté ! Bonne soirée à tous.

L'archer quitta sa position et regagna le banc du fond sous le regard de quelques uns, espérant que son annonce lancée à la cantonade allait trouver un écho quelconque.

Sujet: Re: Les Experts - Marbrume [ rp libre] Ven 31 Mar 2017 - 13:28

Maïa marchait en rasant les murs. La vieille guérisseuse l'avait envoyée chez "un bon ami" pour récupérer une plante indispensable à la confection d'une potion que la guérisseuse devait livrer sous peu. Évidemment, elle avait envoyé Maïa faire le sale boulot, peut-être en y prenant un certain plaisir. Elle n'ignorait pas l'aversion qu'éprouvait la jeune fille à se rendre dans ces quartiers. Maïa n'avait donc pas traîné, elle était allée récupérer la plante chez un homme plus tout à fait jeune, qui lui avait fait maintes propositions pour "ne pas avoir fait le trajet en vain", que Maïa s'était empressée de décliner. Quelques grondements de Roda avait suffit à convaincre l'homme de la laisser tranquille. Elle était repartie à grandes enjambées dans les rues, son capuchon rabattu sur la tête. Elle ne tenait pas à être reconnue, bien que cela soit fort peu probable. Il y avait des années qu'elle s'était enfuie de ce quartier, la petite fille dont certains pouvaient se souvenir était devenue une femme. Mais bon, on n'était jamais trop prudent.

- Eh dîtes donc, mam'zelle Maïa ! Ouhouuuh !

Elle s'arrêta, interdite. On l'avait reconnue, ici ? Elle ne connaissait pourtant pas grand monde dans ce quartier. Il lui arrivait de temps à autre de venir travailler dans ce quartier - bien trop souvent à son goût - mais elle n'aurait jamais imaginé que quelqu'un la reconnaisse ici. Mais il fallait bien reconnaître qu'avec Roda toujours à ses côtés, elle était plutôt identifiable... Elle regarda l'importun : effectivement, elle se souvenait de lui. Elle avait soigné, quoi ? Son chien ? Son chat ? Son âne ? Elle ne savait plus trop. Il devait encore avoir besoin de ses services pour l'apostropher ainsi. En soupirant, elle se dirigea vers lui.

- Ah, j'étais pas sûr que c'était vous, j'voyais pas vôt' visage ! Mais c'est vôt' chien que j'ai reconnu, une bête pareille ça s'oublie pas. Au fait, Bichon a fini par claquer. Pas vôt' faute hein, c'est la vie. C'est même pas la vieillesse, il s'est pris un sale coup de sabot, un jour de marché. C'pour ça que j'suis ici aujourd'hui, mais j'ai pas eu l'temps d'le dire. Y'a un milicien qu'a pris la parole. J'me suis dit que ça pouvait vous intéresser, on n'sait jamais. Z'aviez fait du bon boulot, j'voulais vous aider.

Abrutie par le flot continu des paroles de l'homme, Maïa ne voyait absolument pas où il voulait en venir, et ne songeait qu'au moyen de se tirer d'affaire. Elle n'avait vraiment aucune envie de traîner par ici, et la vieille guérisseuse allait lui passer un savon si elle ne lui apportait pas vite ses ingrédients. A ses côtés, Roda ne grognait pas mais on sentait la tension dans son corps canin, véritable reflet des émotions de Maïa. L'homme, plutôt courtaud et bien portant, avec une barbe hirsute encore brune, se souvint soudain qu'il avait quelque chose à dire. Cessant son piaillement inepte, il reprit plus sérieusement :

- Le milicien, y veut nous débarrasser d'la fange, il a proposé de créer des nouvelles armes.

- Je suis guérisseuse, pas forgeronne.

- Mais justement, il a dit qu'les médecins pouvaient venir le voir aussi ! Vous d'vriez lui parler !

Maïa était plus que perplexe. Elle passait sa vie à soigner des animaux, que pouvait-elle contre les fangeux ? A la réflexion, elle s'occupait de ceux-là même qui n'avait strictement rien à craindre de ces monstres. Depuis l'arrivée des Fangeux dans leur vie, elle ne s'était jamais positionnée sur le sujet. Elle n'en avait jamais vu, elle n'y avait jamais été confrontée. Bien sûr, elle ne sortait pas la nuit ou par mauvais temps, et c'est sans doute ce qui lui avait valu d'être préservée, puisque les Fangeux s'aventuraient parfois dans les Faubourgs. Elle connaissait de loin des familles dont un membre avait été tué (en tentant vaillamment de sauver sa famille, bien sûr). Mais rien qui la touche de près. L'homme ventru avait quand même fini par piquer sa curiosité. Elle n'avait jamais cherché à faire quoi que ce soit contre la menace fangeuse, mais c'était peut-être le moment, non ?

- Je vous suis alors. Je pourrais peut-être être utile.

L'homme eut l'air ravi qu'elle accepte. Il la fit pénétrer dans le bâtiment, et après avoir contourné chaises et personnes, il se planta devant le milicien. Maïa avait rarement l'occasion d'approcher de tels personnages. Elle les voyait qui faisait leur patrouille mais ne se souvenait pas avoir un jour adressé la parole à l'un d'eux. Ils n'étaient pas spécialement du même monde. Maïa était donc plutôt impressionnée par l'homme qui se tenait là.

- R'gardez, j'vous amène c'que vous chercher ! C'est la fille qu'a soigné mon Bichon, mais maintenant il est mort. J'vous la laisse, j'suis sûr qu'elle pourra vous aider. Et pas d'blague hein !

Maïa n'aurait pu imaginer pire introduction. L'impression déplorable que le soldat avait dû se faire d'elle l'horrifiait. Elle cherchait à toute vitesse quelque chose à dire pour rattraper la maladresse du petit homme ventru. Sinon, nul doute qu'elle allait se faire jeter aussi sec, le soldat ne voyant pas bien ce qu'elle pouvait faire - et il n'aurait pas tort. Réalisant que son capuchon masquait toujours à demi son visage, elle l'ôta. Ce geste lui permit de retrouver une certaine contenance et elle enchaîna :

- Excusez cette entrée... Je m'appelle Maïa, je suis guérisseuse. Cet homme m'a raconté votre petite tirade. On peut dire que vous lui avez fait forte impression ! Je ne connais pas les armes, mais je connais les plantes. Peut-être qu'on pourrait faire quelque chose ensemble...

Maïa ne savait absolument pas ce qu'elle était en train de faire. Dans un coin de sa tête, la voix de la vieille guérisseuse lui hurlait de partir sur le champ. Le remède n'allait pas se faire tout seul, et le client, hein, le client ? Mais Maïa la fit taire. Ce qu'elle vivait à ce moment semblait bien plus intéressant, et un peu de piment dans sa vie somme toute très plate n'était pas pour lui déplaire.

Sujet: Re: Les Experts - Marbrume [ rp libre] Ven 31 Mar 2017 - 15:17

Son derrière juché sur une table, adossé au mur, un genou remonté vers lui alors que son autre jambe pendait négligemment dans le vide, Caleb écoutait le drôle de couple qui lui faisait face.

- R'gardez, j'vous amène c'que vous chercher ! C'est la fille qu'a soigné mon Bichon, mais maintenant il est mort. J'vous la laisse, j'suis sûr qu'elle pourra vous aider. Et pas d'blague hein !

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de l'archer alors que le brave homme faisait demi-tour.

" Toutes mes condoléances pour Bichon mon vieux, c'était une brave bête, j'en doute pas !

Merci de votre aide, la Milice saura s'en souvenir !"

Le milicien posa son regard d'azur sur la jeune femme... o fille ? Elle semblait bien jeune. Et un inquiétant chien-loup était à ses côtés. L'archer observa la tête avec respect avant de reporter son attention sur la fille. Ses cheveux d'or cascadaient librement.

Alors vous avez soigné Bichon, hein ?!

- Excusez cette entrée... Je m'appelle Maïa, je suis guérisseuse. Cet homme m'a raconté votre petite tirade. On peut dire que vous lui avez fait forte impression ! Je ne connais pas les armes, mais je connais les plantes. Peut-être qu'on pourrait faire quelque chose ensemble...

Le jeune homme haussa des épaules, se redressant, il ôta son derrière de la table pour se lever face à la guérisseuse. Il se demanda vaguement si son sous-entendu était volontaire ou pas. Sûrement pas. Elle semblait aussi innocente que...que... Caleb ne trouva pas de comparaison. L'innocence était rare ces derniers temps. La jeune femme payait pas de mine. Il se demandait comment elle avait survécu aux mois passés. Elle devait sans doute avoir plus de ressources que ne le laissait supposer son visage d'ange.

Aucun idée. J'y connais pas grand chose en plantes. Tout ce que je sais, c'est ce qu'on peut bouffer ou pas en forêt pour éviter de...(sa main s'agita devant son ventre, mimant un désordre intestinal) enfin t'as compris quoi.
Mes idées se limitent, si la trinité le veut, à élaborer un armement plus adapté à la chasse aux Fangeux. Mais y'a peut être des plantes qui pourraient être utiles qui sait ?
Peut-être qu'en leur balançant des bleuets à la tronche, les Fangeux sont pris de quinte de toux ?

Son sourire était franc, ses dents blanches exprimant une bonne humeur souvent communicative.

Toutes les bonnes volontés sont bonnes à prendre alors merci de ta venue Maïa.
C'est en se serrant les coudes qu'on s'en sortira.
Moi, je m'appelle Caleb. Humble milicien de mon état.
Prends une chaise et attendons la fin de la réunion pour voir si d'autres bonnes volontés émergent...

Sujet: Re: Les Experts - Marbrume [ rp libre] Ven 31 Mar 2017 - 22:56

La réunion était semblable à bien d'autres pour la forgeronne. Elle y assistait bien davantage pour écouter que pour parler, des idées étaient lancées, certaines risibles, d'autres bonnes, comme cette idée d'organisation pour les livraisons, mais les décisions étaient rarement prises sur l'instant. En règle générale, les commerçants et les bourgeois se retrouvaient, à deux ou par petits groupes, autour d'une pinte, pour évoquer l'idée de l'un ou l'autre et en discuter plus profondément, et alors les choses s'organisaient, tranquillement et plus efficacement que si les autorités décidaient de la gestion de la situation. Mais il fallait pour cela savoir ce qui avait été dit, par qui, et aussi ce qui avait été passé sous silence. Cyrielle n'était pas très habile dans le décryptage des non-dits, mais son père semblait tirer de précieux renseignements de ce qu'elle lui racontait au retour. Et elle représentait la forge. Par sa présence, elle signifiait que Thomas Lefebvre s'intéressait à son quartier, même lorsqu'il ne pouvait pas être présent. Elle n'était pas simplement sa fille, mais aussi son héritière.

Cependant, cette réunion devait présenter une variation, en la personne du traditionnel milicien. Habituellement, les personnes de corvée de surveillance se faisaient discrètes, comme si les participants pouvaient oublier leur surveillance et livrer le fond de leurs pensées. Mais celui-ci adoptait une attitude bien différente, alors qu'il se plaçait volontairement au centre des attentions, se présentant à grands traits d'humour et d'auto-dérision. Cela lui attira davantage de bienveillance de la part de l'artisane que si il avait adopté une attitude plus orgueilleuse. Elle écouta donc ce qu'il avait à dire, et cela n'était pas dépourvu d'intérêt. Bien sûr, rien ne lui permettait d'affirmer que ses réflexions étaient réalisables, et peut-être ne serait-ce que du temps perdu, mais cela ne lui coûtait rien d'en apprendre davantage, et si quelque chose de concret devait en ressortir, alors y joindre la forge ne serait que bénéfique pour eux. Et, à titre plus personnel, cela piquait sa curiosité professionnelle.

Une fois le milicien retourné au fond de la salle, elle quitta sa place aussi discrètement que sa carrure le lui permettait pour le rejoindre. Alors qu'elle approchait, elle le vit converser avec une jeune femme à la chevelure solaire qu'il lui semblait connaître. Elle ralentit donc le pas, afin qu'ils la voient approcher. La demoiselle était séduisante, et elle ne désirait pas s'imposer au mauvais moment. Elle patienta donc à quelques pas, et cela lui laissa le temps de reconnaître en Maïa la guérisseuse qui l'avait renseignée quelques temps auparavant. Celle-ci semblait embarrassée, sans que Cyrielle puisse déterminer si cela venait du fait de parler à un homme plaisant ou d'une situation désagréable, et elle ne savait donc si il lui fallait approcher pour prêter à la demoiselle une épaule amie à laquelle s'appuyer.

Une baisse momentanée du bruit ambiant lui permit cependant d'entendre les derniers mots du soldat. L'heure n'était apparemment pas à la séduction, et elle franchit les derniers pas la séparant du couple.

« Bonjour. »

Sa salutation à l'égard du milicien était réservée, mais elle adressa un sourire plus chaleureux à la jeune fille.

« Bonjour Maïa, comment vas-tu ? »

Même si elles n'avaient que quelques années d'écart, elle ne pouvait s'empêcher de la considérer comme une cadette, tant elle irradiait la jeunesse et l'innocence. Mais elle reporta ensuite son attention sur le soldat.

« Je m'appelle Cyrielle, je suis forgeronne, et plutôt curieuse de vos idées. Si elles me paraissent réalisables, je pourrais peut-être vous aider à les concrétiser. »

Comme à son habitude, elle était directe, peu habile à dissimuler ou contourner le cœur des choses. Son père désespérait de la voir devenir bonne négociante, mais cela lui évitait au moins de se faire arnaquer, elle jaugeait les situations, les objets et les personnes rapidement, et une fois décidée, il était difficile de lui faire changer d'avis, même lorsqu'elle se trompait.

Le regard froid et déterminé, les traits marqués par la fatigue d’études nocturnes concernant la Fange, le pas leste et directe, quiconque regardait Lothaire Ferbois avait l’impression de regarder une bien curieuse et austère statue se déplacer.

Après tout, cela faisait presque un an qu’il se consacrait à l’étude de cette satané peste verte, à ce maléfique typhus, il était à présent possible pour lui de soumettre quelques idées pour la lutte contre ces goules.

Pour le Plus Grand Bien !

C’était devenu sa rengaine.

Voici qu’à présent, il longeait les murs pour pénétrer au sein du Conseil de Quartier, y prenant humblement sa place, sans se faire particulièrement remarquer. S’asseyant sur un banc vétuste, assis entre un milicien au regard perdu et un brave bourgeois replet.
Ecoutant avec attention les paroles de chacun des intervenants, ce fut celle d’un jeune milicien, plutôt de bonne humeur, qui attira son attention. Si l’on exceptait une ou deux flatteries qui semblait réjouir l’esprit du gros et gras marchand un peu simplet à sa droite, mais qui le laissait personnellement de marbre, ce fut la proposition de réunir plusieurs spécialistes dans différents domaines qui l’intéressait au plus haut point.

Attendant la fin de la réunion, ce fut lorsqu’il s’apprêtait à rejoindre le jeune archer souriant qu’il croisât celui-ci en compagnie de deux jeunes femmes et d’un chien. S’il n’avait pas entendu la première jeune femme, il avait en revanche compris que la seconde proposait ces services de forgeronne. Nul doute que ces talents seraient utiles à la cause.

Se présentant à présent devant le trio, il s’exprima d’une voix forte mais clair :

« Mes salutations, je suis ici pour proposer mes services de médecin, de chirurgien et d’anatomiste. Je serais tout à fait ravi de vous proposer mes services.»

Barral était revenu dans la cité depuis quelques jours à peine. Il avait passé plus d'un mois éloigné de la cité suite au gros orage de début juillet et aux dégâts causés sur le plateau qui avait nécessité l'envoie de volontaire pour aider dans les différents villages touchés.

Le capuchon rabattu sur sa tête, il se tenait debout adossé dans un coin de la salle. Un anonyme parmi tant d'autre ou presque puisqu'il portait la tenue de la milice. Barral ne tenait simplement pas à se qu'on remarque son visage, trop marqué, trop différent, car depuis que le fangeux l'avait griffé il avait du mal à supporter le frottement de la lanière du cache-oeil contre la cicatrice de sa joue. Alors le soir il l'enlevait pour diminuer les frottements mais aussi pour s'habituer à ne plus le porter, parce qu'il avait pris sa décision à ce sujet. Ce soir-là alors qu'il partait on lui avait demandé d'aller laisser traîner ses oreilles dans une réunion, il n'avait pas vraiment prévu cette requête tardive aussi il ne se sentait pas vraiment très à l'aise.

Dans la salle, il se trouvait donc à écouter les propos des divers présents. Depuis la tentative d'assassinat contre le Duc la milice était très sollicitée. Il y en avait forcément parmi la population qui avait encore une dent contre la Haute autorité de la ville. Une réunion était le parfait moyen pour commencer à nouer des liens et préparer des plans pour une action. Mais visiblement ce soir les préoccupations de chacun était autre. C'était plus contre l'insécurité et les vols qu'on en avait qu'après la tête du Duc.

Les propos, non doués de dérision, d'un de ses camarades attirèrent son attention. Le brun était intéressé. Aussi il écouta avec un peu plus d'attention que les plaintes précédentes. Fabriquer des armes plus efficaces contre les fangeux pour qui les avait vu à l'oeuvre de près et les avait combattu était un sujet qui ne pouvait que le passionnait. Lui qui s'était engagé essentiellement pour lutter contre le fléau c'était l'occasion de faire part de ses idées.

Sans réellement bouger de sa place il observa les mouvements dans la foule et repéra sans mal l'homme qui avait parlé. Un petit groupe hétéroclite semblait se former autour de lui. Preuve que d'autres personnes se sentaient concernées par ces propos. Barral quitta le mur s'approchant de l'attroupement qui se formait.

- Bonsoir.

S'il pouvait se déplacer sans peine à présent, il était toujours en convalescence suite à ses blessures. Aussi n'était-il pas eu mieux de sa forme. Il prit soin de garder la partie droite de son visage dans l'ombre de sa capuche.

- Je serais également intéressé de participer à cet échange d'idée. Mon nom est Trell.

Il n'y eut pas beaucoup à attendre pour que d'autres personnes se manifestent. Caleb fut le premier surpris de cet entrain. Alors qu'il venait à peine de reposer son auguste fessier avec une négligence toute calculée sur la table, une jeune femme s'approcha à son tour. Elle semblait connaître la dénommée Maïa et précisa être forgeronne. Voilà qui était intéressant.

"Et bien nous verrons si j'arrive à vous..."

Un vieil homme approcha à son tour, coupant l'archer dans sa réponse. Il avait des poches sous les yeux et semblait aussi drôle qu'un croque-mort. Caleb sourit en étendant sa profession: médecin, anatomiste !

"Un plaisir de faire votre connaissance Doc'. Vous avez conscience que ce ne sera pas rémunéré j'espère ?"

Caleb avait trop fréquenté de médecin ces derniers mois pour ignorer qu'ils facturaient souvent très chers leurs prestations. Il préférait prévenir plutôt que lui faire perdre son temps. Enfin ce fut le milicien qui s'approcha. Il faisait le mystérieux avec sa capuche sur la tête bien qu'ils soient en intérieur....mais il n'avait pas l'air commode. Sûr qu'il saurait apporter son expérience du terrain à ces échanges.

L'archer salua son frère juré d'une parodie de salut militaire. Il esquissa un sourire.

"Content de pouvoir bénéficier de l’œil d'un expert pour évoquer cette question !"

En quelques instants, Caleb avait réuni une vraie petite troupe: deux soignants, une forgeronne, un guerrier. De quoi rassembler tout un tas d'expérience pour cogiter sur le problème. La réunion touchait à sa fin et Karnos la clôtura par un un bref discours, invitant les gens à décamper. Le petit groupe fraîchement introduit fut guidé par Caleb vers la taverne la plus proche, sobrement baptisée "la Taverne du Coin de la Rue", celle-ci ne faisait curieusement pas l'angle.

Il fallut débarrassé une table d'un ivrogne qui cuvait son vin et passer un coup de chiffon mais bientôt tous purent prendre place autour d'une table. La Taverne n'était guère animée. Quelques pistoles échangées avec le tavernier permirent de faire servir du vin coupé à l'eau... ou plutôt de l'eau coupée au vin. C'était l norme désormais. La serveuse au joli déhanché, au décolté généreux qui tentait de faire oublier ses dents gâtées apporta également une planche de fromages et du pain rassi. Caleb piocha une tranche de fromage et regarda se interlocuteurs;

" Bon et bien déjà, merci à tous d'être venus. J’espère que ce sera aussi prolifique que je l'espère... On pourrait commencer par un tour de table pour se présenter brièvement ? (il ne les laissa pas répondre et enchaîna)

Je m'appelle Caleb, archer dans la milice extérieure."

Il laissa chacun se présenter brièvement et reprit la parole quand son tour revînt. Il mâchouillait un bout de fromage fadasse qu'il fit passer d'une goulée d'eau au vin.

"Bon alors, venons en aux faits. Comme j'vous l'disais, j'ai été dans l'armée, pour un comté situé à l'Ouest. j'ai été au front au tout début de la Fange et je reprends du service après plusieurs mois de convalescence.

Quand j'étais alité... j'ai beaucoup repensé aux quelques combats auxquels j'ai participé et auxquels j'ai miraculeusement survécu...

Et le principal atout des fangeux... bah c'est leur agressivité. En tant qu'archer, j'ai remarqué que les larder de flèches les ralentit pas vraiment."

Il frotta sa barbe d'un air pensif, comme s'il cherchait ses mots.

"Pour faire simple, quand on chasse ou on combat, on joue sur les points faibles de sa proie: les cavaliers on les stoppe grâce aux lanciers, les fantassins on les noie sous une nuée de flèche s'ils sont peu mobiles, le loup on l'isole de sa meute... bref, vous voyez le principe.

Les fangeux sont plus fort, plus agressifs, plus résistants que les hommes. Vouloir lutter au corps à corps c'est au mieux risqué.

(Il reprit une trancher de fromage qu'il étala à plat sur une assiette).

Quand j'étais dans l'armée, un vétéran me parlait d'une campagne à laquelle i lavait participé dans le Sud. Il s'était confronté à des tribus qui utilisaient beaucoup l'arc et surtout différents types de flèches: en "V" pour couper une corde, torsadé pour infligé des blessures qui se referment pas, e boule pour assommer sans tuer, sifflante pour semer la panique ou donner l'alarme...

(Il découpa la tranche de fromage en forme de croissant de lune) et aussi des pointes avec cette forme pour couper des membres. Le gros Eustache m'expliquait que les sauvages s'en servaient pour briser les charges de cavalerie en visant les pattes des chevaux.

Alors voilà ce que je me disais: est-ce que ce serait possible de fabriquer des flèches spéciales pour handicaper les Fangeux ? S'ils ont plus de jambes... ou de bras... leur dangerosité diminue grandement. Leur rapidité aussi. la douleur leur fait pas grand chose... mais une jambe en moins ? Un bras et autant de foutu griffe en moins ? Si on est vraiment bon, on pourrait même décapiter une de ces saloperies à distance..."

Caleb se gratta la tête.

"Fin bref, vous avez compris l'délire. J'sais pas si toi Doc et toi Cyrielle vous pourriez conseiller sur la forme de la pointe pour que ça tranche la chair et l'os plus efficacement ? Et c'est un point de vue d'archer, je sais pas si on pourrait pas imaginer des systèmes pour estropier ces saloperies plus facilement, les maintenir à distance ? Parce que bon... une fois que le fangeux est cul de jatte, griffe ou pas griffe, il sera beaucoup plus facile à éliminer..."

Constance venait de récupérer son bâton de marche, de glisser une dague discrète dans sa tenue de prêtresse et de rabattre sa capuche sur son visage marqué par une cicatrice. Doucement elle s’éloignait du temple accompagné d’un gamin âgé au maximum de 10 ans. Le petit avait décidé de faire de Constance sa prêtresse attitrée pour sa formation et malgré le refus de la jeune femme, il continuait à la suivre partout dans l’espoir de la convaincre. Gauthier avait compris qu’il était inutile de faire la conversation avec la balafrée, elle se sentait plus à l’aise dans le calme et le silence. Ainsi sa voix ne raisonna pas, malgré la flopée de questions qui agitait son esprit d’enfant. Le binôme improvisé avait un rythme de déplacement plutôt lent, Constance respectant le rythme de marche de l’enfant. Si elle avait refusé de le prendre entièrement à charge, c’est simplement parce qu’elle ne s’en sentait pas capable, elle n’avait elle-même été lâchée seule que très récemment et il fallait l’admettre, malgré ses nombreux talents dans le soin et dans l’écoute, pour le reste elle n’était pas encore très performante. Un bref regard vers le gamin avait permis à la blonde d’anticiper la question qu’il allait poser. Le petit homme se tripotant les mains nerveusement il avait fini par craquer, prenant la parole d’une voix pleine d’entrain.

- « On va où ma mère ? »
- « Un homme est souffrant dans les bas quartiers, c’est un habitué du temple. Plus qu’il ne peut pas venir au temple, c’est le temple qui vient à lui. »
- « Oh. »

L’enfant avait semblé déçu il s’imaginait certainement déjà vivre une aventure incroyable dans les quartiers, affronter un rat, courir après un bandit qu’il aurait surpris et dans sa force extrême de petit bonhomme de 10 ans il aurait évidemment réduit à néant les malotrus. Gauthier s’était de nouveau replié dans le silence, devant le regard attentif d’une prêtresse qui culpabilisait de ne pas pouvoir lui faire vivre les moments dont il rêve. Les pas des deux compères avaient fini par arriver à quasi-destination, les bas quartiers. Instinctivement, la prêtresse avait déposé une main sur l’épaule du jeune garçon le rapprochant d’elle, la jeune femme n’avait pas des bons souvenirs ici et elle savait pertinemment que le quartier n’était pas aussi sécurisé que ce que le sous entendait la milice. Gauthier avait certainement perçu le soudain léger stress qui émanait de sa formatrice du jour, si bien qu’en bon petit, il était resté proche d’elle pour ne pas l’inquiéter davantage… Du moins, c’est ce qu’il avait vraiment voulu faire, mais le bruit émanant d’une taverne, des voix qui s’élèvent, avait poussé sa curiosité au maximum. Abandonnant la main protectrice qui maintenait la sienne il s’était précipité jusqu’à la fenêtre du bâtiment, se hissant sur la pointe des pieds pour essayer d’y voir davantage. Constance avait fini par se rapprocher pour comprendre l’intérêt soudain que l’enfant portait au lieu.

- « Que fais-tu ? » demanda la jeune femme de sa voix douce
- « Qu’est-ce qu’ils font, tu penses que c’est des voyous, des méchants ? Un regroupement de bandits, il faut prévenir la milice ! »

Amusée Constance avait fini par afficher son premier sourire de la journée, l’imagination des plus jeunes ne connaissait vraiment aucune limite. Elle déposa une main sur l’épaule de l’enfant, s’approcha légèrement de la fenêtre pour y voir un peu plus clair. Secouant doucement la tête, la jeune femme avait fini par reprendre la parole, toujours dans cette douceur qui la caractérisait si bien.

- « Mh, eh bien, à première vue je dirais que la milice est déjà dedans. » Elle s’agenouilla pour être à la hauteur de l’enfant « Je sais que tu rêves d’aventure, c’est normal à ton âge, mais n’oublies pas qu’un jour tu seras un vrai prêtre toi aussi. » Elle passe une main dans la chevelure de l’enfant, l’ébouriffe légèrement avant de reprendre « Voilà ce qu’on va faire. C’est une réunion de quartier, tu n’as cas y aller. La maison de l’homme dont je te parlais est juste à côté » elle la montra d’un signe de la main « Mais tu restes dedans, dès que j’ai fini je reviens te chercher. Cela reste entre nous évidemment. »

Inutile de le répéter deux fois à Gauthier, son sourire était aussi large qu’il pouvait l’être, il avait serré la jeune femme dans ses bras avant de se précipiter à l’intérieur. Le petit bonhomme avait poussé la porte, puis fièrement était venu s’installer au fond à côté d’un homme qui semblait être milicien. À peine l’enfant assis que l’homme juste à côté de lui s’était levé pour prendre la parole, parlant de la fange, d’une arme. Le petit ne saisissait pas tout, au moins le principal quoi que. La réunion s’était ensuite poursuivie et l’enfant fût triste de constater qu’une nouvelle fois, ce n’était pas l’aventure de ses rêves qui était en train de se réaliser. Le temps passait et tout le monde semblait être sur le départ, la taverne se réorganisa comme elle devait l’être et le petit ne s’était pas privé pour aider à son niveau. Un bref regard vers la porte il espérait certainement que sa prêtresse ne tarde plus trop à venir le récupérer. Un soupir s’échappa de ses lèvres, alors que discrètement il s’installa proche à une table, proche de cette du groupe restant encore, écoutant attentivement la conversation. Il essayait de mémoriser au maximum les informations pour retransmettre le tout à sa référente. Enfin, la porte s’ouvrit est c’est une Constance visiblement fatiguée qui cherche du regard l’enfant, un peu inquiète. Gauthier sauta de sa chaise venant retrouver la jeune femme, hurlant avec énergie ce qu’il venait d’apprendre.

- « Constance, Constance » hurla-t-il aussi fort qu’il le pouvait « Ce n’est pas des bandits tu avais raison ! Ils vont faire une arme pour tuer les fangeux, tu t’rend compte. Tu t’rends compte !! C’est des supers gentils !! Mais j’crois qu’ils savent pas vraiment comment faire en fait… P’tetre qu’ils sont pas si doués que ça… »

La prêtresse récupéra l’enfant qui venait de se jeter dans ses bras plein d’entrain, une légère grimace se figea sur les traits de son visage, alors qu’elle avait rabattu sa capuche vers l’arrière pour ne pas paraître impolie. Elle regarde le groupe, en particulier les personnes qui forcèrent vu la discrétion de l’enfant venaient de se tourner vers elle. Passant une main derrière sa nuque, elle inclina poliment la tête, alors que sa seconde main glissait jusqu’à celle de Gauthier.

- « Oh, on peut rester, dis, s’il tôt plaît, s’il tôt plaît, s’il tôt plaît…. »
- « Mh… Eh bien… »
- « Prêtresse…. Constance, je t’en supplie… »

On n’était pas loin du caprice et Constance commençait à se convaincre intérieurement qu’elle devait vraiment apprendre à dire non. Elle lança un bref regard le groupe, soupirant légèrement, après tout, une petite pause ne pouvait pas que lui faire du bien. Ce ne devait être qu’un groupe plein d’espoir qui voulait refaire le royaume. « D’accord » avait-elle murmuré. Gauthier avait déjà couru dans la taverne pour tirer deux chaises de façon très bruyante jusqu’à la table du groupe. La jeune femme avait fini par se rapprocher pour enfin se présenter et surtout s’excuser.

- « Je suis navrée de m’imposer comme ça… Je me nomme Constance, prêtresse du temple de Marbrume…. Et voici… Gauthier. »
- « C’est ma formatrice » la coupa le petit

La jeune femme grimaça légèrement, vraiment, elle allait devoir rapidement apprendre à dire non…

- « Est-ce qu’on peut se joindre à vous ? Cela ne vous dérange point ? » comme pour se donner un peu de valeur, elle tenta une proposition « Avez-vous pensé à l’eau salée, cela semble être l’un des points faibles de la fange… Cela doit être Anür qui nous protège… »

Elle avait sagement attendu qu’on l’autorise à s’asseoir pour le faire et faisant des gros yeux vers le petit homme, elle l’incita à garder cette fois le silence et à rester calme.

Maïa s'était à peine assise sur la chaise que lui désignait le milicien (doté d'un humour enfantin qui fit sourire Maïa) qu'une connaissance surgissait à son tour : Cyrielle, la forgeronne qui lui avait récemment demandé un carnivore domestique. Maïa lui adressa un sourire amical. D'autres personnes ne tardèrent pas à les rejoindre. Ce fut d'abord un médecin à l'aspect tout sauf avenant, puis un nouveau milicien à demi caché sous son capuchon. Maïa se demande vaguement pourquoi, comme elle quelques minutes plus tôt, il ne se découvrait pas le visage. La réunion prenant fin, Caleb les emmena dans une taverne, non loin de là, qui ne payait pas vraiment de mine. Ce changement de décors ne plut pas trop à Maïa qui préférait autant que possible éviter de s'éterniser en de tels lieux. Mais bon, puisqu'elle était là... De toute façon, elle était tout à fait en retard, et les plantes qu'elle gardait dans son sac auraient perdu leur fraîcheur le temps de rentrer. Maïa prit donc place sur une chaise au hasard et se retrouva entre le milicien encapuchonné et le médecin douteux. Inconsciemment, elle fit asseoir Roda du côté de ce dernier, comme un rempart entre elle et cet homme qui l'effrayait quelque peu.

Lorsqu'une serveuse que Maïa évita de regarder avec trop d'insistance apporta une collation de fortune, elle ne se fit pas prier pour se servir. Ca ne valait pas le détour, mais elle se rendait compte que son estomac était vide et ce qu'on leur servait valait toujours mieux que rien. Discrètement, elle fit passer un bout de fromage à Roda. Caleb initia les présentations, et quand ce fut son tour, Maïa parla d'elle en ces termes :

- Je m'appelle Maïa, je suis soigneuse dans les Faubourgs. Je m'occupe surtout des animaux, à vrai dire.

Elle ne voyait pas quoi leur dire de plus et se sentait vaguement mal à l'aise. Elle ne voyait toujours pas bien en quoi elle pouvait être utile. Mais il était peut-être possible de réfléchir sur cette question-là aussi... Après tout, il devait bien y avoir une raison pour laquelle les Fangeux ne s'attaquaient pas aux animaux. Si l'on trouvait de quoi il s'agissait, peut-être que les humains pourraient l'utiliser à leur avantage. Ou alors, ils trouveraient une espèce de bleuet qui ferait des merveilles. Rien n'était à exclure !

Leur groupe déjà bien hétéroclite se trouva bientôt gonflé de deux nouvelles personnes. Un petit garçon fit irruption en braillant et fut rejoint par une prêtresse à l'air très doux, qui avait l'air fort gênée par le comportement du garnement. Celui-là ne finirait certainement pas maître espion plus tard... Maïa les trouva immédiatement sympathiques et les salua d'un hochement de tête et d'un sourire.

Deux invités surprise se montrèrent à leur table. Caleb haussa un sourcil devant l'étrange binôme qui se présentait: un gosse et une prêtresse qui portait sur son visage les stigmates d'une mauvaise rencontre. L'archer observa les deux nouveau venus, amusé par le comportement du garçon dont le regard était plein d'assurance et d'entrain.

"Au contraire, tout effort est bienvenu. Face à un nouvel ennemi, chaque angle d'attaque mérite d'être examiné. Installez vous, je vous prie.
Je m'appelle Caleb, archer dans la Milice."

Observant la femme de foi, son regard s'attardait sur sa cicatrice un peu plus que de raison.

"Ca...ça vous va bien la cicatrice..."

Il esquissa un sourire sincère avant d'enchaîner pour en pas s'attarder sur ce sujet dont il se rendait compte qu'il était hautement déplacé. Caleb fit une place pour le garçon.

Tu viens nous aider pour lutter contre la fange Gautier ? Tu es de la graine d ehéros, c'est ce dont nous avons besoin en ce moment !

Il ébouriffa ses cheveux et rebondit que ce que disait la dénommée Maïa.

ne te dévalorise pas. Si tu sais soigner, tu sais aussi comment blesser ou faire mal. Chaque pièce a deux facettes.

La prêtresse avait évoqué la possibilité d’utiliser du sel, corroborant une rumeur qui courait en ville dernièrement.

" Mais ça marche vraiment le sel ? J'ai entendu beaucoup de gens parler de ça... mais je n'ai pas encore osé affronter un fangeux avec une salière sur la base de simples on-dit...

Si ça fonctionne, ça pourrait valoir le coup d'aller faire quelques réserves d'eau de mer et réfléchir un moyen de leur en envoyer dans la gueule..."

Caleb frotta pensivement sa barbe. Et s'il suffisait d'enduire une pointe de flèche de sel ? Tout était bon pour faire souffrir et tuer ce saloperies. En même temps, le sel, ça semblait logique. C'était des créatures d'eau douce qui se réfugiaient dans les marais. Beaucoup de poissons de rivières ne supportaient pas l'eau de mer. Ca méritait d'explorer cette possibilité, surtout qu’elle serait simple à mettre en œuvre. Du moins plus simple que beaucoup d'idées que le jeune homme avait en tête.

‘’Le sel a des propriétés corrosives, il vous fera rouiller vos pointes de flèches si vous les laissez trop longtemps en contact.’’

La remarque de Lothaire avait quelque chose qui se faufilait entre le réaliste et l’acerbe, comme si l’on cherchait à faire remarquer à un enfant le non réalisme de ces propos. Elle demeurait malgré tout utile au débat, du moins pour le Docteur.

‘’En plus, je vois mal un archer, dans une situation d’urgence, prendre le temps de frotter chaque pointe de flèche avec du sel sans se blesser ni perdre du temps.’’

Il émit une courte pause, comme pour reprendre sa respiration au cours d’une phrase, une brève inspiration avant de s’attaquer de nouveau à son sujet.

‘’Je vous conseillerez plutôt d’utiliser un enduit fait d’huile et de sel pour votre arme anti-fangeux, contenu dans une gourde à votre ceinture, vous pourriez ainsi facilement tremper la pointe de la flèche puis viser la Fange, le tout d’un geste plus naturel. ‘’

L’idée semblait plausible et vraisemblable aux yeux du médecin, il espérait ainsi qu’une piste de réflexions pourrait être écrit.

‘’Mais il vous faudrait surtout l’aide d’une cordonnière ou d’une forgeronne pour le système de lanière contenant cette gourde. Et faire tester cette huile à différents degrés de salinité sur plusieurs corps de Fangeux. Nul doute qu’une personne ayant des compétences en science serait utile, le miennes restant sommaire dans le domaine. ’’

Peu de temps après s'être joint au petit groupe, la réunion s'acheva. Au final ce n'était qu'une réunion banale sans aucun risque pour les dirigeants de la cité. Pour cette fois du moins. Aussi son rapport le lendemain matin serait très succin. Et pour l'heure Barral était bien plus intéressé et curieux par ce projet de création d'arme pour lutter plus efficacement contre les fangeux. Aussi il suivit le mouvement vers la taverne du coin de la rue. Un lieu plus propice pour discuter plutôt que de mener leur conversation en plein milieu d'une autre réunion. Il n'avait pas encore ôté sa capuche.

Décidément ce Caleb était un véritable moulin à parole. Il parlait, il parlait, tellement que Barral se demandait s'il était aussi comme ça lorsqu'il était en mission. Ca devait être quelque chose de se retrouver avec lui. On ne devait pas s'ennuyer beaucoup. Quand vient son tour de se présenter, d'en placer une en fait, il essaya de le faire rapidement sentant que son collègue brûlait d'envie de continuer.

- Comme je l'ai déjà brièvement dit tout à l'heure, je me nomme Barral Trell et je fais parti de la milice extérieur.

Puis il se tut écoutant les autres se présenter à leur tour avant que leur début soit interrompu par l'arrivée d'une prêtresse accompagné d'un garçon. Après tout pourquoi ne pas l'accueillir aussi. Elle avait peut-être des idées ou une autre approche. Qui sait ?

Bien évidemment l'idée du sel fut abordé. Barral en avait entendu parler mais n'avait jamais pu vraiment voir les effets sur un fangeux. Pourtant c'était à sa connaissance la seule chose que les fangeux craignaient.

Le brun finit par enlever sa capuche, c'était devenu un peu incommodant pour s'adresser à ce comité réduit, révélant sa balafre sur le côté droit de son visage mais aussi, - et c'était ça en fait qui le dérangeait le plus, ses yeux de couleurs différentes.

- Les bêtes ne sont pas qu'agressive. Elles sont aussi beaucoup plus rapides et fortes.

Pour en revenir à cette idée de flèche, n'est-il pas possible d'enfermer de l'eau salée à l'intérieur de la pointe pour qu'une fois dans les chairs l'eau se diffuse directement dans le corps ? Ou carrément de fabriquer une pointe en sel solide ?

Je ne m'y connais strictement rien ce ne sont que des idées. J'ignore quels effets cela produirait dans le corps d'un fangeux... mais il est clair qu'il faut des armes un peu moins conventionnelles, plus adaptées, pour réduire les pertes humaines.

Barral avait bien d'autres idées en tête, son cerveau était en ébullition, des idées surement pas vraiment réalisables mais qu'importe.

- Sinon je pensais tout simplement à un dispositif pour asperger le fangeux. Mais là encore je crains que cela ne contribue pas vraiment à le tuer mais plutôt à l'énerver, et donc à le rendre encore plus dangereux.

Plusieurs personnes se joignirent rapidement au trio, un homme à l'air revêche se présentant comme médecin, un second milicien dissimulant son visage sous l'ombre de son capuchon. La réunion se termina sans que Cyrielle y prête grande attention, mais elle doutait qu'il s'y soit dit des choses plus intéressantes que ce que le groupe pourrait développer, et ce fut sans hésitation qu'elle suivit le premier soldat alors qu'il les entraînait vers une taverne. L'en-cas proposé lui était le bienvenu, car elle n'avait rien avalé depuis l'aube, et elle ne tarda pas à goûter au fromage, aussi fadasse qu'il soit, l'accompagnant d'un gobelet de vin clairet.

Le jeune homme se présenta, et une fois que chacun put mettre un nom sur son visage souriant et bavard, il les invita à faire de même. Elle connaissait déjà Maïa, mais celle-ci, coincée entre les deux membres les plus patibulaires du petit groupe, semblait bien mal à son aise, et elle lui adressa un sourire de réconfort. L'encapuchonné semblait appartenir au même corps de milice que l'archer. Le médecin ne semblant pas vouloir se présenter davantage qu'il ne l'avait fait, la grande femme se nomma.

« Je suis Cyrielle Ferrand, forgeronne et fille de Thomas Lefebvre. »

La différence de patronyme révélait son statut de veuve, qu'elle ne tenait pas à souligner davantage. Elle préférait être vue comme la fille d'un artisan que bien des combattants respectaient pour son art que comme l'une des milliers de victime de la Fange. Elle se tient ensuite en retrait, silencieuse et attentive, alors que Caleb leur décrivait les Fangeux au combat. Comme beaucoup de citadins, elle n'en avait en réalité jamais vu, enfermée avec sa mère lorsque ceux derniers avaient attaqué la Hanse et tués tant de civils. Lorsque le soldat évoqua les différentes flèches dont il avait entendu parlé, elle se pencha en avant, son intérêt davantage encore stimulé, gravant les informations qu'il donnait dans sa mémoire. Nul doute que, sitôt qu'elle en aurait la possibilité, elle s'essaierait à leur fabrication. Il n'y avait pas besoin de beaucoup d'explication pour qu'elle saisisse tout l'intérêt des différentes formes mentionnées. Mais elle ne put intervenir, l'arrivée d'un enfant d'une dizaine d'années et d'une jeune femme détournant toutes les attentions. Celle-ci s'excusa de l'interruption, se présentant comme prêtresse et le petit Gauthier s'affirmant son apprenti. La pieuse forgeronne la salua d'une inclinaison respectueuse de la tête, tandis que les réflexions se portaient désormais sur l'usage du sel, selon la sage suggestion de Constance.

Le médecin rappela l'action corrosive et oxydante du sel sur le métal, et Cyrielle hocha la tête en confirmation. Bien sûr, certaines qualités d'acier résistaient efficacement à la rouille, mais le prix et la complexité de la fabrication en étaient dissuasifs, et les réservaient à l'usage des nobles ou des officiers, ainsi qu'à la construction navale. L'idée de l'huile était en revanche tout à fait réalisable, et un contenant adapté ne serait guère difficile à créer. Barral, le second milicien, intervint à son tour, tout en se découvrant enfin. Ses yeux vairons frappèrent l'artisane, qui s'efforça de ne pas trop le dévisager alors qu'il proposait à son tour quelques idées. Mis celles-ci ne lui parurent guère réalisables, et elle lui répondit donc, sans agressivité, mais avec cette arrogance diffuse des connaisseurs envers les néophytes.

« Il me paraît très compliqué de créer une pointe de flèche creuse, qu'on puisse remplir d'eau, assez solide pour pénétrer la chair des fangeux, mais capable ensuite de laisser sortir son contenu. Et il est impossible de tailler le sel. On parle ici du cadeau d'Anür, le sel marin, donc des cristaux minuscules et très friables. Il est impossible de le façonner en pointe de flèche, rien que de la fixer au fût suffirait à le détruire. Je ne sais pas si le sel les brûle profondément au moindre contact, je n'ai jamais été confrontée à ces choses, mais les asperger de sel, par exemple à l'aide d'une fronde, me paraît bien plus simple. Après les avoir blessés à l'aide des flèches dont vous parliez, si on veut rendre ça plus efficace.

Ou à l'aide de l'huile dont vous parliez, docteur. Une simple poche de cuir durci devrait suffire à la contenir et à l'utiliser facilement, peut-être même en mettre dans le fond du carquois, pour que les pointes trempent dedans en permanence, la protection de l'huile devrait compenser l'agressivité du sel sur le métal.

Ces pointes que vous évoquiez, pour tailler les jambes des chevaux... A mon avis, elles seront tout aussi efficaces sur les Fangeux, si elles sont bien faites. Je peux faire des essais de formes et de tailles différentes, si vous pensez avoir la possibilité de les tester... »

Et déjà, elle réfléchissait aux matériaux à utiliser. Si elle trouvait la forme parfaite, alors elle pourrait sans doute fabriquer un moule, afin d'en faciliter la production... Il s'agissait de forge, et en cela elle était douée, et passionnée. Si elle n'avait guère d'idée par elle-même, elle pouvait réaliser celles des autres.

- C'est vous l'experte !

Fit le brun avait un léger sourire. Il n'avait fait qu'exposer ses idées. Et visiblement ce n'était pas réalisable. Au moins il avait pu donner son avis. D'ailleurs un autre point délicat était en train d'être soulever. Comment tester les nouvelles armes ?

- Capturer un fangeux c'est risqué et compliqué. Ce n'est pas comme rattraper une biquette... Je me demande sur quoi on pourrait tester les armes pour s'assurer de leur efficacité. Docteur une idée peut-être ?

Il restait bien une solution : avoir recours au circuit illégal. Devait-on en arriver là pour autant même si c'était dans un but louable ? Barral espérait pouvoir s'en passer. Il fallait rester discret sur leur projet. Et le marché noir était bien le dernier endroit pour garder un secret.

- Forgeronne Ferrand est-il concevable de fabriquer un filet en maille renforcée pour capturer les fangeux ? Il faudrait que l'outil soit suffisamment solide pour résister à la force inhumaine de la bestiole mais assez léger pour qu'un milicien puisse le transporter sans trop souffrir de son poids.

Là c'était le marin en lui qui refaisait surface. Un filet renforcé qui piégerait le fangeux à l'intérieur pour permettre de l'achever à moindre frais. C'était peut-être plus facile à faire.