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| Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] | |
| Sydonnie de RivefièreSergente
| Sujet: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] Dim 7 Mai 2017 - 10:29 | | | ~ Un réveil cadavérique ~~ Fin Août ~ Ma tête me lance, mes membres sont engourdis. Aïe. J’amène lentement une main jusqu’à ma chevelure, tirant légèrement sur celle-ci, la massant doucement. Par les trois, plus jamais je ne bois comme ça. Les yeux toujours fermés, la bouche pâteuse, j’ai du mal à émerger, vraiment beaucoup de mal. J’ai froid. Pourquoi ? Fronçant les sourcils, cherchant à tirer des draps que je ne trouve pas pour me réchauffer, je m’étonne du sol froid sous mon corps. J’étais si ivre que ça que je ne suis pas parvenue à me glisser dans ma couche ? Laquelle déjà, celle de la caserne ou celle chez ma mère. Mh. Je lâche un grognement, fronce de nouveau les sourcils, ouvre difficilement un œil tout en essayant de m’étirer. Ma joue sur un sol froid, que je ne reconnais pas m’arrache un nouveau ronchonage, alors que je me redresse avec toute la difficulté de la terre. Où suis-je ? Ma vision est encore floue, mon esprit particulièrement embrouillé. En position demi-assise, dans un endroit sombre, humide et surtout obscur je ne distingue pas grand-chose autour de moi. Ma tête me lance, une fois, deux fois, trois fois et cette fois c’est un véritablement gémissement de douleur qui s’échappent de mes lèvres. L’alcool s’est terminé, on ne m’y reprendra plus. J’amène mes mains à mon visage, frottant mes yeux, mes joues, essayant de sortir de cette sensation étrange. Mais où suis-je ? Ma vision a beau s’ajuster, je ne reconnais pas le lieu. Merde. Instinctivement, je regarde autour de moi, ouf pas d’homme autour de moi, c’est déjà ça. Une boule se forme dans mon bas ventre et si je m’étais encore fait enlever ?! Non, pas de chaîne, pas d’élément de tortures… Je tente de me relever une première fois, mais quand je fais un pas, je glisse sur une substance visqueuse sur le sol, je me retrouve de nouveau ventre face contre terre ou plutôt plancher. L’obscurité semble vouloir me jouer des tours, puisqu’elle ne permet pas d’identifier les éléments autour de moi. Je lâche un soupir, grognant un vulgaire « il y a quelqu’un » avant de me relever de nouveau.
Comme-ci on allait me répondre ‘oui, je suis ton bourreau, on va jouer à un jeu toi et moi’ non, vraiment je suis sotte. Me redressant avec difficulté, je reste un long moment assis à regard bêtement droit devant moi, à avaler ma salive pour calmer ma soif et à cligner des yeux pour ajuster ma vue. Ça ne marche pas franchement, un léger bruit me fait sursauter et des mouvements me laissent penser que je ne suis pas seule ici. Merde. Bordel. Chier. Je m’immobilise immédiatement, pourquoi est-ce que j’ai ouvert ma grande bouche ?! Je n’étais peut-être pas repérée avant de parler… Va chier. Cette fois-ci, je me relève plus brusquement, quitte à provoquer un tournis. Je ne me sens pas très bien, j’ai envie de vomir, mais bien plus que d’éviter de poser une flaque sur le sol, je me demande dans quoi j’ai glissé. Je me penche donc vers l’endroit de ma chute, frôlant de mes doigts la substance visqueuse, épaisse… Instinctivement je la porte jusqu’à mon nez, là où je peux la sentir, mais surtout voir un peu plus. Mon esprit ne fait qu’un tour, je reste un moment sans réaction, c’était du sang. Je dépose mes mains sur ma lame, dégaine et l’avise, elle est propre. Je ne peux pas m’empêcher de soupirer longuement, par les trois, j’ai bien cru que j’avais tué quelqu’un sans le savoir. Enfin n’y a pas de donc corps pas de mort, dans la théorie.
Épée toujours parfaitement en main, en position défensive, j’avance en crabe à la recherche de la sortie, une lumière sous une porte en haut des marches m’indique le passage à emprunter. Plus jamais je ne bois comme ça. Plus jamais. Je me dirige fièrement vers la porte, mais là c’est une nouvelle chute, j’trébuche sur un truc énorme, imposant et chaud ? De nouveau face contre terre, j’ai failli m’embrocher avec mon épée et quand j’ouvre les yeux, c’est bien une tête détacher de son corps qui se trouve un peu plus loin, que je découvre. Ni une ni deux je lâche un petit cri de surprise, me recroquevillant et reculant vivant avant de cogner de nouveau contre la ‘masse chaude’. Dans l’instant je me retourne secoue ce que je viens d’identifiant comme un corps –un autre ?- non, il est chaud, donc vivant… Il a une bouteille dans une main et … une lame ensanglantée dans l’autre. Le meurtrier ?! Alors que je le secoue encore un peu grognant un « Milice intérieure de Marbrume, vous êtes en état d’arrestation » le visage de l’homme se tourne vers moi et malgré l’obscurité je découvre un sergent…
- « … » J’attends qu’il émerge un peu plus, je ne sais pas quoi faire pour être honnête. J’ai l’épée dégainée dans sa direction, il est couvert visiblement de sang, à mieux regarder visiblement moi aussi –peut-être pas forcement parce que je suis tombée dans la flaque-. Je cligne des yeux encore et encore, ma bouche doit être entrouverte prête à gober une mouche. Merde. Qu’est-ce que je fais ici, avec un sergent… Et un corps ? Je n’arrive pas à me souvenir, je sais plus. Putain.
- « Sergent Beaumont ? » demandais-je naïvement afin d’avoir une confirmation.Si les coutilier étaient des éléments communs, qui disparaissaient régulièrement dans les missions. Les sergents eux, c’était des hommes de paperasses, autant dire que ça ne crevait pas souvent, alors à force on les connaissait plus ou moins tous, au moins de vu. Si lui il allait me reconnaître, j’en savais trop rien… Quoi que. J’venais d’être promue coutillière et des femmes coutillières y en avait pas beaucoup… C’est ça ! Je me souviens. J’ai été promu hier, j’étais à la chope sucrée pour fêter ça avec Gabriel, parce que Chris n’était pas là, enfin Chris n’est jamais là… Je sens que je me disperse alors je secoue la tête. On a bu beaucoup, on a chanté, dansé… Puis Gabriel a dû repartir pour faire chanter la sérénade à sa Cyrielle. Quand j’y pense, ce con m’a lâchée pour une forgeronne, qui ne l’aime même pas en plus. L’enfoiré, s’il était resté, je ne serais peut-être pas là. Non… J’peux pas penser ça… Il était ivre… Et puis bon, s’il a une chance de la sauter, peut-être qu’après j’aurai pu besoin de le réconforter ce nigaud. Peu importe… Comment de la chope sucrée, j’suis arrivée là avec le sergent.. Oh oui, c’est ça ! J’ai rencontré un collègue, il m’a proposé des verres dans la vieille taverne, j’ai dit comme une idiote, c’est là qu’il était là le sergent… Mais après…- « Sergent ! » grognais-je sans changer de position arme dans sa direction « Réveillez-vous, c’est grave... Vous vous souvenez de quelque chose ?! » T’façon hormis attendre ses aveux, je ne peux pas faire grand-chose… Mais il y a quelque chose de louche dans cette histoire. On allait être accusé tout les deux, il fallait faire quelque chose et vite.
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| | | Elric de BeaumontSergent
| Sujet: Re: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] Mer 10 Mai 2017 - 11:58 | | | Le sel dans les narines, le sel dans la gorge ; L’ambiance à la Hanse est toujours la même, froide et étrangère, là où mille galères vont et viennent pour braver les flots afin de ramener des biens des quatre coins du globe. Du moins, de nos jours, la flottille disponible a été considérablement réduite, et les distances parcourues rognées pour ne jamais s’éloigner au-delà de la rade de la cité. Je ne travaillais pas à cette heure-ci, et pourtant je me promenais en uniforme, avec la livrée aux couleurs du bourg, brigandine sur le torse, épée au flanc. Vous avez pas idée de l’autorité qui émane de moi, et de la peur qui se retrouve sur les pêcheurs qui rentrent au port. Je les regarde, comme ça, avec un grand sourire carnassier, tandis qu’ils baissent les yeux et continuent leur travail, inquiet à l’idée que je m’amuse à fouiller leurs navires à la recherche de preuves qui les lieraient aux activités de piraterie du Dauphinat. Mais aujourd’hui je n’ai pas le temps à procéder à cette extorsion en règle, d’autant plus que le gars avec qui j’ai rendez-vous m’a déjà fait suer avec ça. Il n’aime pas la façon que j’ai de perturber les commerçants, alors que c’est son rôle de protéger les pêcheurs et de s’assurer que tout va bien pour le mieux.
Aujourd’hui, j’avais rendez-vous avec le prévôt des marchands de Marbrume. Pas le passé, cet homme et -ses échevins- était l’officier le plus important de la Hanse, avec une influence considérable auprès du bailliage et du parlement local. Aujourd’hui, il ne servait plus à grand-chose, puisqu’on ne commerçait plus du tout, et qu’on aurait bien peine à défendre des métiers qui n’ont plus aucun moyen d’être exercés avec le manque de matière première et de débouchés. Malgré tout, en tant que maître des entrepôts communaux, il conservait une importance politique primordiale et sensible. C’est lui qui avait la charge importante de protéger la nourriture qui venait du Labret en attendant sa cession aux guildes des boulangers qui iraient préparer le pain qu’on vendrait au peuple. C’était un système assez mal foutu, mais qui empêchait que ces énormes connards de la guilde boulangère prospèrent en faisant une inflation galopante sur le prix du pain ; Au moins, ici, on était capables de conserver par assise du parlement un prix maximum qui permettait aux bourgeois de continuer de se nourrir. C’était pas la même chose pour les réfugiés sans moyens financiers qui se contentaient de crever la gueule ouverte...
Du coup je me suis arrêté devant la porte d’une grande maison bourgeoise à colombage, avec des bosquets de plantes aux fenêtres, de grandes vitres bien jolies et pas poussiéreuses, un endroit tout à fait charmant, et propre, et surtout qui ne soit pas rempli de criminels grâce aux patrouilles de miliciens qu’on découvrait quelques fois, et qui arpentaient les ronds-points et les angles des ruelles, tout un tas de soldats qui mettaient très mal à l’aise les passants ; Mais ces gars-là me saluaient quand je passais. J’étais le roi du sel pour eux. J’ai frappé à la porte, du poing. Un grand judas métallique a coulissé, et une paire d’yeux m’a observé avant de se refermer subitement. C’était marrant, mais en fait, si la maison du prévôt était à colombage, le rez-de-chaussé était en pierre, avec des grilles d’acier aux fenêtres, et une lourde porte qu’on aurait pas pu abattre avec un bélier. Ça se voyait que le gars craignait une émeute ; Sans doute que si un jour la populace a vraiment faim, si un jour il y a des rumeurs que ce type fait du détournement de vivres des entrepôts, une armée de fous viendrait le défenestrer et l’embrocher de partout. D’ailleurs, ça s’est confirmé quand on a enfin retiré les loquets de la porte. Ce n’est pas un simple bouffon qui m’a accueillit, mais un valet d’armes, avec le gilet de maille sur le corps et un poignard au ceinturon. On s’est saisi de mon mantel et on m’a guidé jusqu’à l’étage, en s’excusant bien sûr des procédures de sécurité mais que c’était pour le bien de tous. J’ai fait semblant de pas comprendre en lui donnant mon arme avant de me rendre à l’étage, le plus rapidement possible, histoire de pas croiser la bande de soudards à la solde du prévôt qui devait être en train d’attendre dans la salle d’armes, avec leurs lances et leurs épées. Après avoir grimpé un escalier en colimaçon, tout fait de pierre, j’ai ouvert un sas de portes en bois pour me retrouver dans le petit salon de sire François Madande, qui avait la tête devant la fenêtre. Il ne daignait même pas se tourner pour m’observer, et moi même ne daigna même pas l’observer, préférant passer devant un grand buste en marbre qui le représentait, mes pas faisant craquer le parquet de bois, pour aller directement m’asseoir à la table où une assiette était pleine de fruits et où un verre se tenait à côté d’une échoppe de vin. Je prenais une serviette et la déplia en un vif mouvement, avant de l’enrouler autour du col de ma brigandine, histoire de pas saloper mes vêtements de travail. C’est là que François se retourna en soupirant. Il était, comme à son habitude, bien habillé, avec ses longs cheveux bien peignés, et du maquillage sur son visage. Il avait un air commun, ni vraiment beau ni vraiment moche, mais son poids généreux et ses grosses joues lui donnait un aspect particulièrement poupon, et innocent. François ressemblait en fait à un grand gamin, rien à voir avec ma tronche de soudard, moi qui suis un mec si peu recommandable, mais c’était pas grave. Au fond sire Madande était un gars plutôt gentil, mais très peureux et couard, comme n’importe quel richou qui ne va dans les bas-quartiers que s’il est entouré de spadassins à sa solde, sinon quoi il se retrouve à trembler et à écarquiller les yeux quand il est agressé par de vilaines prostituées qui montrent leurs seins et lui promettent du bon temps, ou bien on le retrouve à donner quelques piécettes à des mendiants amputés qui n’oublient jamais de lâcher un guttural « Merci m’sieur ». Vous voyez le portrait. François est un faible, et un escroc qui détourne également, mais c’est pas un mauvais bougre, c’est pas un vilain, c’est pas un gars immonde qui provoque la mort d’enfants et qui assassine ses ennemis politiques, alors, vu le climat actuel de Marbrume, on peut carrément dire que le type est dans le camp des « gentils ».
– Qu’est-ce qui peut possiblement justifier la mort de Calixte. – C’était pas une mort volontaire, je répondis en haussant les épaules, puis je me saisis de la cuillère orfévrée pour commencer à boire ce fameux potage qu’on m’avait préparé, ce qui changeait des ragoûts fétides que je prends en casse-croûte avec du pain dur quand je suis au Labourg. – « Pas volontaire » ?! Répéta-t-il avant de s’élancer vers la table, frappant ses mains sur la table, ce qui me fit nullement trembler tant il échouait à se donner un air imposant. Toute la rue Saint-Arille a pu la voir étalée sur le pavé, le crâne fendu ! – Elle est tombée tête la première. Elle a pas fait exprès. – Putain d’enfoiré ! Qu’est-ce que t’as foutu ?! – C’était rien qu’un malheureux accident, je repris entre deux aspirations de soupe. Je suis pas venu vêtu en milicien. J’ai traversé par le passage mitoyen du vieux bâtiment abandonné, comme tu m’as dis. Mais elle m’a repéré, je sais pas comment, probablement avec de la magie noire. J’ai pas eu le temps de faire un pas dans son échoppe que la sorcière m’a balancé un sort à la figure ! J’ai dû me coucher par terre pour éviter une flambée qui m’est passée au-dessus de la tête et qui a enflammé le mur de derrière. Je l’ai poursuivie bien sûr, en tuant son chien au passage, qui m’a mordu la cuisse et qui m’aurait déchiqueté si je n’avais pas pensé à me plastronner avec du cuir clouté. Je l’ai poursuivie jusqu’à l’échafaudage, et j’ai grimpé le beffroi, comme un voleur. J’ai bien tenté de la raisonner, lui dire de s’arrêter, et que je voulais pas la tuer, juste lui parler et tout... Pis une planche s’est cassée et elle est tombée en hurlant et elle s’est éclatée le crâne contre la chaussée. La milice a rappliqué aussitôt et comme tu devines, j’ai pas pu dire « vous inquiétez pas, je suis de la maison ». J’ai surtout cherché à partir en courant et me cacher quelques jours le temps que les choses se tassent.
Il a tout gobé. Et il a lentement tiré sa chaise pour s’asseoir. Calixte c’était une sorcière, une alchimiste qui préparait des potions et des mélanges bizarres. Une chiromancienne, les femmes nobles allaient chez elle pour se faire dire la bonne aventure, mais je crois qu’elle faisait un peu plus que ça. On disait qu’elle avait cinquante ans, mais elle m’avait toujours parue être une femme magnifique, du coup peut-être qu’elle utilisait un charme pour se faire plus belle qu’elle n’était vraiment. Dans tous les cas, je sais de source sûre qu’un sire de l’Esplanade couchait avec elle et lui donnait des faveurs, notamment qu’il pouvait la faire passer en douce dans le quartier noble où elle papillonnait en quasi-courtisane. Un sacré bout de femme. Mais François la craignait, il m’a raconté plein d’histoires, disant que chaque rencontre avec elle était profondément malsaine, comme si elle était capable de lire dans l’esprit des gens et de comprendre leurs secrets. Il la soupçonnait de faire du chantage, d’avoir peut-être un registre chez elle où elle consignait des secrets sur les nobles. Pour le bien de la cité, François a voulu le récupérer, et comme je sais bien casser des crânes, il m’a envoyé le chercher. En réalité, moi aussi je voulais le registre, mais pas pour lui donner, juste pour le garder pour moi-même. Je n’étais pas né de la dernière pluie, quand bien même François aime me prendre pour un idiot ; J’avais très vite compris que ce pseudo-registre, il l’avait pas imaginé dans toute son intelligence, il savait de source sûre qu’un tel bouquin existait. Et il y a un truc qui que François ignore sur moi, parce qu’il croit probablement que je suis qu’un centenier qui a été promu en frappant des crânes ; Il ignore que je sais lire. J’ai trouvé le registre. D’ailleurs je l’ai amené avec moi. Mais je ne vais pas lui dire tout de suite. J’ai besoin qu’il raque pour que je lui rende. Je vais pas lui faire le chantage maintenant, notez bien, parce qu’au rez-de-chaussé la porte est verrouillée et il y a une demi-douzaine de gens armés. Je veux juste tâter le terrain et lui faire miroiter que j’ai caché le registre quelque part, avant de lui expliquer que j’aimerais bien un dédommagement pour qu’il l’obtienne. Ainsi nous serons deux heureux. Mais Calixte m’a vraiment pas rendu la tâche facile ! C’est vrai que je voulais pas la tuer en plus. Je souhaitais juste lui parler, lui demander quelle était la relation entre elle et François. Maintenant son crâne c’était de la bouillie séchée sur un trottoir, quel dommage pour une femme si intelligente... Mais c’est peut-être mieux que de finir hurlante sur un bûcher entouré d’inquisiteurs en capes longues.
Du coup il s’est assis et a enfin daigné me servir à boire. Et tous deux nous avons porté notre gobelet vers nos lèvres pour avaler le liquide. J’ai grimacé quand j’ai senti un jus acide traverser ma gorge, me faisant déglutir et laper le palais de façon très inquiète.
– C’est quoi ce truc ? – Cépage du Labret. –...Tu déconnes ? – Ça a été fermenté le jour même avec des raisins du plateau reconquis par la milice. – C’est aigre et c’est à peine alcoolisé, je répondais en pestant, mais sans pour autant m’arrêter de boire, me contentant de traduire mon dégoût en fronçant les sourcils. – Tu crois que notre priorité c’est de transformer le Labret en vignoble ? On a juste eut un grand miracle : Les fangeux, contrairement à une armée, ne s’amusent pas à tout anéantir, alors on a pu sauver des raisins qu’on a vendangés rapidement, et que Sigfroi a ramené avec son armée. On l’appelle « la Cuvée Miraculée du Divin Duc ». – Son altesse le duc devrait avoir honte d’associer son titre avec cet immonde jus de raisin. Mais c’est mieux que de boire une eau-de-vie qui rend aveugle. En parlant de ça j’ai- – Change pas de sujet Elric. Je t’en veux toujours pour Calixte. C’était une femme admirable. – Toutes mes condoléances, Francis...
Un grand sourire carnassier jaillit sur mes lèvres. « Francis », c’est comme ça que la garce l’appelle dans le bouquin. Sire Madende semble perdu un moment, interloqué, ses grasses joues imberbes gonflant subitement. Puis il comprend où je veux en venir, que j’ai le registre en ma possession, et qu’il faut se mettre à table, et que je-
– Réveillez-vous, c’est grave... Vous vous souvenez de quelque chose ?!
C’est tous les souvenirs que j’ai pu ramener à la va-vite dans mon esprit, cheminant dans ma logique de pensée, pour tenter de reconstituer le trajet entre le moment où je prenais un repas dans le petit salon d’une maison bourgeoise de l’avenue du Pavois au Bourg-Levant, pour finalement me retrouver la gueule contre un dallage pierreux. Il faisait humide et froid, et une odeur répugnante à en vomir qui chatouillait les narines ; Une odeur de mort. Je roulais sur le ventre en grognant, quand un contact métallique me fit tressaillir. Je posais les paumes de mes mains sur le sol avant de me forcer à me lever, en récupérant mon épée maculée de sang et de chair sur le sol. Je m’éloignais le plus vite possible de la femme qui avait geint avec son ton de fausset, et qui avait commis la grossière erreur de me mettre en joue.
– Dizenier d’Algrange ! On vous a jamais appris à pas foutre vos coutelas sous la gorge de vos supérieurs ?! Vous savez très bien que j’ai des réflexes ! Vous avez envie que je vous tranche sans faire exprès ?!
Avec le recul je me rendis compte que c’était peut-être pas la chose à dire. Parce que je claudiquais pour marquer la distance entre elle et moi, parce que je me cognais contre une petite étagère en bois, ce qui fit renverser des bibelots sur le sol. Il faisait tellement noir que j’avais aucune idée de ce qui se trouvait sur cette maudite étagère. J’espère que ce bruit d’éclatement de verres qui a résonné étaient des bouteilles, ça voulait dire qu’on était dans une cave à vin quelconque. Mais s’il s’agissait de fioles ou de potions, possible qu’on ait atterrit chez un foutu psychopathe qui allait nous prélever les organes et notre sang pour en faire une collection ! J’ignorais pourquoi je pensais à des trucs comme ça. Je me cognais la tête avec ma main pour tenter de me réveiller, et retracer le chemin entre la baraque du prévôt et ici. Le trou noir complet. L’amnésie la plus pure. Et puis tout naturellement, j’avais noté l’odeur de cadavre, le fait que j’étais armé, et le fait que j’étais blessé. Je posais mes mains sur mon corps à la recherche d’une plaie, en priant silencieusement Anür de pas tomber sur un ventre ouvert, auquel cas j’étais condamné. Ma brigandine était un peu éraflée, assez pour qu’on puisse en voir des plaques d’acier qui scintillaient à la lumière ; Mais il n’y avait pas de lumière. Ma vision était un peu camouflée par un filet de sang poisseux qui me sortait du front, et ça devait être le mien. Ma commotion allait certainement pas arranger mon état, d’autant plus que j’avais un compagnon de route. Dire que j’avais remis le coutelas de promotion au dizenier d’Algrange juste hier, et qu’aujourd’hui j’étais dans une cave sordide avec elle. Quelle idée elle a eut de s’engager dans la milice celle-là ! Jamais Étienne la Carpe ou Anton Gunof auraient pointé une arme sur moi ! Je grommelais dans ma barbe avant de serrer les dents, sifflant quelques mots à son attention.
– Cessez immédiatement de parler. Y a peut-être quelqu’un là-haut.
Je fermais vite mes yeux, forçant mes paupières l’une contre l’autre. J’avais pas des douleurs musculaires, mais c’était comprimé dans ma mâchoire, ça forçait les tempes, ça rageait dans une dent, j’avais des tas de mouches devant les yeux, ce qui ajoutait encore plus aux ténèbres. Mes pas étaient titubants, dignes d’un ivrogne, et j’agitais les mains devant moi pour tenter de m’équilibrer, comme un chat avec la queue. J’avais l’impression d’être une cloche qui sonnait, mais j’espérais que c’était l’angélus et non le glas.
– Bougez pas. Pas un geste.
Je tentais de suivre la trace de l’objet sur lequel j’avais entendu d’Algrange trébucher. Elle s’était ramassée comme une merde à quelques pieds à peine d’ici, je pense être capable de retracer son chemin. Je m’agenouillais devant une masse circulaire, que j’attrapais par une touffe de cheveux. Mes yeux s’habituaient un peu à l’obscurité, même si j’étais loin d’avoir des pupilles de matou, et c’est avec grande difficulté que je pus observer le visage du décédé. Il était atrocement mutilé. Les lèvres du pauvre bougre avaient été cousues avec du fil, on l’avait énuclée et rattaché ses paupières, si bien qu’il pleurait du sang. C’était même pas un meurtre à ce niveau, on avait mit en scène sa mort, comme dans une sorte de rituel hérétique un peu bizarre, ce qui aurait fait avoir une attaque cardiaque à une prêtresse. Je pivotais mon buste pour tourner la tête vers le dizenier qui m’accompagnait, et je la vis clairement avoir un mouvement instinctif, comme si elle allait vomir, comme les chats font avant de cracher des boules de poil.
– Ce gars c’est le prévôt des marchands, je dis en chuchotant. Autant vous dire que c’est une pointure et qu’on est pas dans la mouise. Tu m’auras vraiment trucidé jusqu’à l’os espèce d’enculé, je m'adressais à la tête, tournant le visage du mort pour le regarder droit dans ses yeux qui n’existaient plus. Paix à ton âme va, que Anür te sois clémente.
Je jetais la tête au loin pour me défaire de cette puanteur macabre qui allait me faire vomir, et le crâne s’éclata contre un morceau de mur de pierre. Voilà que j’étais tout droit avec la milicienne, et qu’on devait franchement avoir l’air beaux dans notre attirail dégoulinant d’hémoglobine.
– Est-ce que vous êtes blessée, dizenier d’Algrange ? J’ai... J’ai l’impression de m’être battu. Mais c’est surtout dans mon crâne... Je sais que j’ai dû lutter.
Je marquai une pause de même pas une seconde. Je lui laissais pas le temps de parler pour soudain renchérir.
– Avant même que vous alliez vous imaginer quoi que ce soit, c’est pas moi qui aie buté le type. Déjà parce que j’ai aucune raison, et qu’en plus jamais je l’aurai couturé comme une robe. Donc je sais que cette situation est extrêmement bizarre, mais vous allez arrêter de me regarder méchamment et de garder votre arme à la main. Je sais que les preuves sont assez accablantes contre moi, puisque j'ai une lame pleine de sang séché, donc, soyez gentille. Hein. Déjà vous devriez même pas être dans la milice ; Les femmes c’est pas censé se battre, encore moins quand elles ont une gueule d’ange. Donc, maintenant, garde-à-vous dizenier d’Algrange !
Je continuais de marmonner dans ma barbe, un peu tout seul, comme un de ces déments qu’on croise dans la rue. Et je jetais mon regard vers la lumière du dessous de la porte. Je fis un signe de tête pour l’indiquer au dizenier.
– J’ai pas tellement confiance en l’idée qu’on se contente de... De sortir comme ça, pieds devant. Vous avez une idée d’où on peut-être ? Et qu’est-ce qu’on fout ici ? Parlez-moi, d’Algrange, c’est important. Parce que moi je me souviens de que dalle.
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| | | Sydonnie de RivefièreSergente
| Sujet: Re: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] Mer 10 Mai 2017 - 21:11 | | | Au contact de ma lame, le sergent avait roulé sur le ventre avant de se relever brusquement, s’éloignant de la même manière. Les traits de mon visage avaient dû se fendre en une légère grimace de surprise et de mécontentement. Pourquoi ça tombait toujours sur moi ce genre d’histoire ? Je n’avais pas pour autant rengainé ma lame. Je n’étais pas sereine, lui non plus visiblement, la question restait en suspens, pourquoi. Je n’avais pas pu m’empêcher du sursauter quand il avait pris la parole et par réflexe je m’étais mise en posture défensive. Ce n’était pas parce qu’il était mon supérieur qu’il ne pouvait pas être un félon. Le bougre m’entraîne dans les histoires après un jour seul de promotion. De nouveau une grimace traverse mon visage, alors que je secoue doucement la tête, laissant au passage ma chevelure s’ébouriffer, ou se démêler, je ne sais pas trop.
- « Non, sergent, je… » je ne sais pas quoi dire, c’est certain, mais je ne veux pas lui donner l’ascendant « Vous admettrez que cette situation est étrange, sans vouloir vous offenser évidemment. Si vous le permettez, je vais rester un instant comme ça » et même s’il ne le permet pas d’ailleurs.
J’avais relevé les yeux vers sa silhouette à la prononciation de sa dernière phrase et même si mes lèvres étaient restées closes, je pensais bien trop fort que cela ne serait pas la première fois qu’il tranche quelqu’un malencontreusement. Je n’avais pas pour habitude d’écouter les rumeurs, ni même de porter des jugements trop actifs, ma coutillerie m’avait permis de me méfier des apparences, qui étaient souvent trompeuses. Cependant, là, la situation était différente, j’étais en présence d’un de mes sergents, qui lui-même était recouvert d’un mélange de son sang et de celui d’un inconnu, sa lame était ensanglantée avec encore quelque bout de chair, difficile de faire pire, difficile de ne pas se laisser influencé avec facilité par ce que mes deux prunelles bleutées pouvaient observer. Il recule mon supérieur, il recule cherche à se dédouaner et le voilà qu’il fait tomber une multitude d’éléments sur le sol dans un fracas pas possible, il était certain que niveau discrétion, lui comme moi, on avait déjà connu mieux. Forcément. Mes sens commençaient à s’accommoder de l’obscurité et même si je ne parvenais pas à voir comme en plein jour, j’étais cependant en mesure de distinguer plus ou moins, les meubles et les personnes présentes… Du moins, le cadavre, et le sergent. Mon nez me piquait, du moins l’odeur omniprésente du lieu commençait à devenir désagréable, la mort, le sang, un joli mélange qui n’offrait pas une senteur des plus attirantes. Il reprend la parole, m’ordonnant de me taire, je lui adresse un regard froid qu’il ne doit pas être en mesure de percevoir et c’est tant mieux. C’est lui qui fait le plus de raffut et c’est moi qui dois me taire, vraiment ? J’hausse un sourcil, alors que je tourne les talons, bien décidée à remonter les marches vers la mystérieuse porte débouchant certainement sur une sortie. Moi je ne veux pas d’histoire, j’viens de monter en grade, si je me retrouve déjà dans une affaire louche. Je prends une inspiration, cherchant certainement un peu de courage, rengaine finalement ma lame et avance. De nouveau il prend la parole le sergent, à croire qu’il avait ça dans le sang. Une véritable pipelette. De mon côté c’est la chute, j’trébuche et j’me retrouve face contre terre dans un grognement digne d’un ours. Je me relève difficilement pendant que mon supérieur lui, ce lance tel un chat sauvage en pleine chasse à la recherche de sa proie. Mon regard se perd sur la victime, accompagnée d’une magnifique nausée, digne des plus grands cracheurs de boules de poils que le royaume a dû connaître. Je m’éloigne un peu, le temps de reprendre mes esprits, écoutant d’une oreille attentive les paroles de Beaumont.
- « Par les trois, ne me dites pas que vous le connaissez en plus ?! »
Comment ça, on ? Non parce que moi j’avais pas signé pour me retrouver dans une sorte de cave avec mon sergent et à le couvrir pour un meurtre, alors le on, supérieur ou pas, il pouvait bien se le garder. Premièrement sa lame, était l’arme du crime et en plus il connaissait le bougre qui gisait sur le sol ? J’étais dans un mouvement rêve, une plaisanterie, c’est quoi le bizutage des nouveaux coutilier c’est ça ?! Non… Non ? Non. Il semble enfin se soucier de ma personne de mes blessures, j’ai mal au crane, une belle bosse ensanglantée au-dessus de la tête, j’la sens bien en passant ma main, une entaille au niveau de l’arcade, mais elle a visiblement eu le temps de coagulé, hormis ça, rien de grave. Mes lèvres s’entrouvraient légèrement pour répondre, mais il enchaîne à une rapidité déconcertante. Serait-il anxieux ? Je… J’hausse un sourcil devant la suite de la conversation, faisant de gros yeux ronds. Si j’avais pu faire le gros dos et m’iriser comme un chat de gouttière en colère je l’aurais fait volontiers. Mais là, j’étais plutôt dans le genre sans réaction à me demander ce que je pouvais bien foutre là et comment j’étais encore parvenue à me mettre dans une merde noire. En plus il osait remettre mon statut de femme dans la milice en doute.
- « Je vous arrête tout de suite, si vous sous-entendez encore une fois que je n’ai pas ma place dans la milice alors que c’est vous-même qui m’avez promu, je vous laisse dans votre merde. Moi. HEIN. Non parce que bon… »
Parce que bon, je n’avais rien demandé moi. À personne. J’avais dû redégainer instinctivement ma lame un peu plus tôt, du coup, signe de bonne volonté je l’avais de nouveau rengainé.
- « Puis bon, vous avez raison, toutes les preuves pour l’instant vous désignent comme coupable… Par les trois, sergent, si vous avez fait quelque chose, il faut me le dire, j’veux bien vous aider, mais merde, faut être honnête avec moi ! J’veux pas retrouver ma tête au bout d’un pique et la vôtre non plus. »
J’avais haussé les épaules, simplement par réflexe, j’en savais rien, j’avais pas de souvenir. Je passe une main sur mon visage, me revoie en train de rire avec la coutillerie pour fêter ma sortie, j’me revois bien rejoindre Gabriel pour un dernier verre, mais le reste c’est le trou noir. Puis bon, j’vais pas avouer à un sergent n’avoir pas vraiment fait attention au couvre-feu et avoir fait le mur de la caserne juste pour me vivre un moment calme à me saouler, à fêter ma promotion.
- « Non, je ne sais pas… Non, je ne me souviens de rien… On avait pris un verre avec la coutillerie… je crois, je ne sais plus trop… Vous êtes certain que vous n’étiez pas ivre hier soir ? » Pas que je le suspectais d’être un ivrogne, mais quand même un peu. Cela compléterait parfaitement l’image que j’avais de lui en l’instant présent ; J’hausse doucement les épaules, alors que mon regard se fixe dans la seconde vers la source d’un nouveau bruit, quelqu’un approche. Je fais signe à mon sergent de se reculer, je me planque sur le côté des marches. À peine le temps de réagir que la porte s’ouvre, qu’un homme très imposant descendant doucement les marches en fredonnant, je ne l’identifie pas et une fois en bas des marches, je ne sais pas trop ce qui m’a prise… Je suis sortie de ma cachette et mis un gros coup de manche derrière la tête de l’individu. Le gros homme tombe dans un raffut pas croyable, faisant trembler le sol par sa rencontre avec le sol… Je cligne des yeux, rengaine ma lame, lance un regard vers le sergent. Cette fois, j’viens vraiment de m’appliquer dans l’affaire et si j’avais eu l’espoir de pouvoir me tirer de là en laissant Beaumont se dépatouiller tout seul, il venait de s’envoler en une fraction de seconde. Je lâche un long soupir, avisant mon supérieur, lasse.
- « Et celui-là vous le connaissez ? »
Il était gros, bien vêtu, il s’alimentait visiblement plus qu’à sa faim… Moi il ne me disait strictement rien. Enfin, avec l’ouverture de la porte, au moins on y voyait un peu plus clair ici… Quoi qu’en balayant le lieu d’un regard, j’aurais préféré rester aveugle, il y avait du sang un peu partout, le corps n’avait plus de tête, plus que mon supérieur avait cru bon de repeindre un mur avec celle-ci. Alors, monsieur l’homme sergent, qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
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| | | Elric de BeaumontSergent
| Sujet: Re: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] Ven 12 Mai 2017 - 20:32 | | | Tout naturellement vous connaissez mon peu de patience envers certaines représentantes de la gent féminine, mais en tant que bon noble -du moins à moitié- je m’abstiens généralement de les battre. La plupart du temps au moins. Certes, parfois, j’ai un peu la main dure je dois l’admettre, mais c’est souvent la faute à la garce d’en face, qui est désobéissante, désobligeante, qui attire mon courroux. La majeure partie du temps, je suis trop fatigué pour secouer ma femme d’ailleurs, et elle profite de cette faiblesse pour me gifler et me griffer en retour, et en plus je dois réserver mes forces de correction pour mes propres enfants, que j’aimerais pouvoir surveiller plus souvent ; Je vous dis tout ça parce que le dizenier d’Algrange a le vilain défaut d’être une fille, mais qu’elle est également soldate et inféodée, alors peut-être que si je la tabasse on me pardonnera bien ce manque de courtoisie. Je dis ça, parce qu’elle s’est mise à raconter que j’étais ivre et que tout était de ma faute, et à me menacer en plus, et je trouve ça bien trop beau pour que ce soit vrai. J’ai fermé mes poings, très fort, ces poings qui étaient recouverts de mes gants habituels. Malheureusement un homme est descendu dans la cave, et le dizenier d’Algrange n’a rien trouvé de mieux à faire que de l’assommer. Je pestais en serrant les dents tandis qu’elle retournait le gars. Il était dodu, pas assez pour être obèse, mais franchement bien engraissé vu que la disette de Marbrume s’est transformée en famine. Je ne lui prêtais pas d’attention pour l’instant, préférant tirer le fer, ma main agrippant le pommeau de mon épée, et dans un crissement de fourreau, la lame maculée se trouvait prête à trancher.
– Voilà bien une manière d’agresser les gens, soldat. Je me demande bien ce que vous foutez ici avec moi, parce que je ne me souviens pas m’être réduit à être votre comparse de beuverie ! Vous me semblez bien peu inquiète de votre situation, et bien prompte à m’accuser, alors même que vous êtes dans la même cave avec moi ! Maintenant, arrière.
Je lui montrais les crocs, comme un loup, en m’approchant de l’assommé. La semelle de ma godasse servit à le retourner sur le côté, à le faire rouler comme un sac sur le ventre. Il respirait encore, ses lèvres tremblaient, et ses doigts bougeaient : Il n’avait pas encore sombré dans l’inconscience, il devait simplement être groggy, avec les mouches devant les yeux. Je collais ma botte sur sa mâchoire, et il se mit à bouger très vite, tentant de se dégager. Moi, je levais mon regard vers dame d’Algrange, en continuant de lui parler, la suspectant de plus en plus d’être un danger pour mon intégrité physique.
– Vous connaissez le principe des « Trois Traits », dizenier ? C’est une punition dont j’ai déjà entendu parler, que des loges d’hérétiques avaient l’habitude de faire un tel châtiment, notamment les croyants de Sitry. Vous voyez, les inquisiteurs sont très forts pour repérer les apostats secrets, mais plutôt que de les jeter au bûcher, ils préfèrent les torturer pour qu’ils deviennent leurs agents-doubles, et ainsi anéantir des groupements entiers en découvrant leur identité. Eh bah, ces enflures, quand ils trouvaient un traître parmi eux, ils les condamnaient aux Trois Traits. D’abord, on leur arrache les yeux, je continuais en mimant le mouvement du couteau sur mon visage à l’aide de mon index, puis on coud les paupières, et après, c’est les lèvres. Le gars est aveugle et muet, il peut plus parler, généralement la mort arrive plus tard, inévitable, mais uniquement au bout d’épouvantables souffrances. Je suis pas en train de suggérer que c’est un fidèle de Sitry qui a tué le prévôt, d’autant plus que les hérétiques ne l’auraient pas décapité juste ensuite, mais juste que... Bah... Là on est dans une situation où va falloir qu’on appelle un prêtre.
Je passais ma main au fond de mon mantel. On m’avait volé mon paquetage. J’avais rien sur moi. Et surtout... J’avais perdu le journal de la sorcière. Peut-être que ce crime était-lié à ça ? Dans tous les cas je n’allais pas révéler ce genre de chose au dizenier. Il était bien possible qu’elle soit elle-même une hérétique. Sitry est la fausse-déesse de la malice, de l’épreuve, de se foutre de la gueule des gens. Rire de leurs victimes en les torturant physiquement et psychologiquement leur ressemble beaucoup. Je suis certes assez peu dévot, mais lorsqu’on me parle d’un tel culte, je ne peux pas m’empêcher de sortir ma lame et de souhaiter remplir la sainte-officine sanglante de Dame Rikni. Mais je n’étais pas sûr que Sydonnie sache quoi que ce soit sur Sitry : C’était un culte qui avait été frappé de mort depuis trois siècles maintenant, tous ceux qui osaient prier la déesse chienne étaient frappés d’anathème, on avait anéanti toutes les statues qui la représentaient, supprimé son visage fétide de toutes les enluminures, brûlé des livres par centaines. Les seuls à encore prier Sitry étaient des hérétiques cachés au fond des montagnes, ou bien des mondains qui faisaient des orgies démoniaques dans le plus grand secret, traqués par les prêtres inquisiteurs et par les chevaliers croisés. Mais si effectivement Sydonnie suivait les préceptes de ce culte démoniaque, eh bien, voilà, je devais rester sur mes gardes.
– Dizenier d’Algrange, Interrogez donc cet homme que je suis en train d’étouffer sous ma botte, et faites-lui dire où on est, qui il est, et qu’est-ce qu’on fiche ici.
Je partais à reculon, l’arme toujours sortie, pour aller occuper et garder la porte. Je craignais l’arrivée de renforts depuis l’étage, et je n’avais pas vraiment envie que Sydonnie parte gambader toute seule là-haut. Non pas que j’aie peur pour sa vie : J’avais peur qu’elle aille hurler que j’étais bien éveillé et qu’elle n’avait pas eu le temps de me mettre en position de tueur avec le prévôt... Vous voyez où je veux en venir ? |
| | | Sydonnie de RivefièreSergente
| Sujet: Re: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] Ven 12 Mai 2017 - 21:53 | | | L’homme était étendu sur le sol, j’avais toujours ma lame en main, je me retrouvais plutôt en position défensive alternant mon regard entre ma victime et mon sergent. Si j’avais eu l’audace d’oublier à quel point les femmes n’étaient pas les bienvenues dans la milice, il venait de me le rappeler de plein fouet. Supérieure ou pas, j’avais bien eu des difficultés à retenir mon grognement de contrariété, ravalant ma salive à plusieurs reprises pour éviter de lui dire le fin fond de ma pensée. J’avais simplement haussé les lourdement les épaules, crachant ma réponse, comme un serpent aurait craché son venin ou comme un chat aurait fait le gros dos en faisant le crabe.
- « C’est déjà mieux qu’assassiner un prévôt. » Rétorquais-je visiblement amère. « Je m’inquiète complètement de ma situation ne vous méprenez pas, mon sergent, justement je me demande bien pourquoi vous êtes là, je ne me crois pas encore suffisamment sotte pour boire en votre compagnie, même ivre. »
L’ambiance était pesante, s’il ne me faisait pas confiance, moi non plus. En dehors de la caserne il ne restait qu’un homme parmi tant d’autres et moi une femme. J’étais très loin de me laisser faire, je n’avais pas envie de me faire malmener par un possible meurtrier aux idées plus que dérangeantes. J’avais finalement piqué juste au début de notre conversation, sinon il ne serait pas en train de cracher sa salive. Ne voilà pas que le sergent vient pousser notre belle au bois dormant, de la godasse en plus. Et c’est lui qui critiquait ma façon de réagir ? Pfeu. Il n’était pas complètement inconscient, ni complément conscient et j’avais beau aviser son visage, il ne me disait rien… Quoiqu’en y regardant bien, il me rappelait le type qui nous avait collé lourdement à la chope sucrée… Est-ce que ? Non de non, c’est celui que j’avais refoulé à plusieurs reprises. Pas le temps ni l’envie d’exprimer ma découverte, j’relève les yeux vers mon bavard de sergent qui m’annonce le plus naturellement du monde qui connaît la technique utilisée sur le cadavre, il me déballe l’histoire l’air de rien et je ne peux pas m’empêcher de faire de gros yeux rond.
- « Rien que ça » murmurait-je « vous en savez des choses sur le sujet, mon sergent. » Je soupire « Vous êtes en train de me demander sérieusement de chercher un prêtre ? Vous voulez ameuter tout le temple ici ? Vous ne pensez pas qu’on est déjà tous les deux dans des draps suffisamment sales ? Vous voulez lui dire quoi au prêtre, b’jour on a besoin de vos services pour un corps, c’est la milice qui d’demande on est les premiers suspects ? »
Un peu bougonne j’hausse les épaules, il en avait des drôles d’idées mon supérieur. Il me donnait l’impression de prendre plus la chose à la légère que moi, ameuter un prêtre, il ne voulait pas faire venir des enquêteurs aussi ? Non ? Bon. Je n’avais jamais entendu parler de son histoire, peut-être parce que je n’ai jamais franchement fait attention au fou furieux… Ou alors parce que je ne m’intéressais pas suffisamment aux autres. Quoi qu’il en soit j’avais l’ordre d’interroger le pauvre type qui gisait sous la botte de mon insouciant sergent. D’Algrange si, d’Algrange ça et lui il fait quoi pendant ce temps-là ? Il se touche la bite. Oui monsieur. La bite. J’hoche simplement la tête en sa direction, alors qu’il s’éloigne l’arme dégainée, visiblement excessivement sur ses gardes. Soit c’est lui qui est définitivement trop inquiet, soit c’est moi qui ne prends pas pleinement conscience de la situation. Quoi qu’il en soit, je n’allais pas perdre mon temps à réaliser un interrogatoire en douceur, non. Je m’installe sur le ventre de ma victime, je dégaine ma dague que j’viens placer sous sa jugulaire. Mes yeux sont froids, sombres, vibrant d’une nervosité que je ne me connais pas.
- « Bon, t’vas me dire ce que tu sais, sinon tu vois la tête sur le mur là à droite ? Bah, la tienne, elle va la rejoindre. Parce que moi, j’n’ai jamais demandé à être emmerdé, j’viens de passer coutilière t’vois le genre ? Une histoire comme ça, ça peut briser ma carrière et celle de mon sergent là haut. Donc t’vas me dire ce que tu faisais à la taverne de la chope sucrée hein ? Mieux t’vas me dire pourquoi j’suis là avec mon sergent n’est-ce pas ? T’vas être gentil. »
Je lui mets une petite tape sur la joue de mon autre main. L’homme ne réagit pas, secoue la tête de droite à gauche et j’dois bien avouer que ça m’agace. Pourquoi est-ce qu’il faut toujours utiliser la force, il remue sous moi, s’applique à essayer de me faire tomber. Pas de chance pour lui, j’suis plus forte que ce que mon corps menu laisse paraître. Tout ça fini par me faire perdre patience et j’viens appuyer ma lame sous sa gorge, jusqu’à le faire saigner, je la dégaine lentement et appuis sur sa joue, juste de quoi faire un joli sourire ensanglanté. L’homme se met à hurler à supplier, sans parvenir à me faire bouger de ma position, par crainte que ma lame ne lui tranche définitivement la gorge.
- « Ooooh, bah voilà-t-il pas qu’il a retrouvé sa langue notre gros copain, bah il va l’utiliser intelligemment si il ne veut pas que j’la lui coupe hein ? » - « J’vais parler, j’vais parler… Beaumont dite à cette folle de ne rien me faire sinon, sinon vous allez avoir des problèmes ! » - « Oh, mais il vous connaît sergent ? » - « Il est dans des magouilles ton sergent, il avait un livre, des notes… Il fallait le faire tomber… Puis si y avait moyen de faire tomber la milice aussi… Une femme coutilière, quoi de mieux… »
Je serre les dents, l’enfoiré. C’était prémédité, c’était prévu. Bordel de merde. Je lance un regard vers mon supérieur, cette fois, si j’avais des doutes sur lui, ce n’est pas confirmé pour le meurtre, mais pour les magouilles oui… En revanche, moi j’suis reconnue non coupable. J’enfonce davantage ma lame, lui demande de nous dire où nous sommes.
- « Au hérisson mélomane… dans une taverne de la hanse… La patronne devrait plus tarder à arriver… Elle devait vous trouver là..C’était.. C’était le plan… »
Cette fois-ci je lui mets un énorme coup sur le crâne, il tombe définitivement dans l’inconscience et je me relève lourdement en lançant un regard vers celui qui à présent en plus de représenter menace devait aussi s’associer avec moi pour nous sortir de cette affaire.
- « Bon faut tout m’dire sergent, qu’est-ce qu’on fait ? On le laisse là et on le fait accuser ? On enquête, on fait quoi ?! J’veux bien vous aider moi, vraiment… Faut qu’on trouve une solution, c’est quoi cette histoire de livre, de note ou j’sais pas quoi ?! »
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| | | Elric de BeaumontSergent
| Sujet: Re: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] Sam 13 Mai 2017 - 4:31 | | | Je rangeais l’épée après avoir entendu la confession du fretin. Son visage me revenait toujours pas, mais il semblait avoir une aisance à parler, ou tout du moins, à parler de façon totalement cryptique. Il n’empêche que le dizenier d’Algrange se hâta à l’assommer et donc à couper court à sa confession. Tant pis. Je rangeais l’épée au fourreau, tout en continuant d’observer la scène du crime de gauche à droite. Il fallait à présent que je mène une enquête policière, avec le peu dont j’étais capable. Mais pour l’heure, j’avais des tâches plus urgentes... – Dizenier, mettez cet homme aux fers et amenez-le à l’étage. Je vais prévenir le guet afin que des sergents de ville ferment l’entrée à la taverne. Assurez-vous simplement qu’il ne se mette pas à parler à quiconque, en le laissant bien assommé. Je serai le seul à l’interroger, personne avant moi, qu’il n’aille pas se mettre à raconter des choses qui nous placeraient dans une situation indélicate...Je pouvais bien sûr deviner une hésitation qui serait naissante dans la tête d’effrontée de la saphiste, mais je la balayais le plus rapidement possible, et le plus simplement du monde. – On est dans la même barque, je vous conseille donc de la boucler et de faire ce que je dis ; Si vous vous mettez à cafter, vous vous retrouverez au fond d’une houle que vous ne pouvez pas contrôler. Au travail, je le veux poings et pieds liés.Et ayant dit ça, je me tournais pour grimper les escaliers. *** Dans l’heure, la taverne était cernée de sergents de paix. Bien sûr les curieux avaient été immédiatement attirés, d’autant plus que le Hérisson Mélomane n’était pas un de ces vieux tripots merdiques où truands et coupes-jarrets venaient s’empiffrer, c’était un endroit réputé et important. La patronne avait pas mal de relations, notamment avec les échevins du bourg, échevins qui venaient de perdre leur prévôt. Vous n’avez pas idée d’à quel point un sentiment de trouille c’était emparé de moi... En sortant de la taverne, il avait pas fallu longtemps pour que deux sergents qui patrouillaient m’approchent, étonnés de voir un centenier couvert de sang poisseux, séché, et la brigandine ouverte. Ils eurent au moins la gentillesse de m’obéir sans poser de questions, et d’aller rejoindre le dizenier d’Algrange pour qu’elle garde le prisonnier, en l’enfermant dans une pièce de la taverne, et que personne n’aille lui parler. Je prétextais que l’affaire était de nature politique, ce qui était vrai, mais la véritable raison était d’une simplicité déconcertante que vous-même pouvez comprendre : Il pouvait se mettre à brailler à tout-va que j’étais un meurtrier, et nul doute que le dizenier d’Algrange, sitôt qu’on lui parlerait, irait confirmer ses dires, me mettant dans une posture fort désagréable. Je priais pour qu’il soit dans les vapes suffisamment longtemps pour que je puisse aller le torturer et le faire corroborer l’alibi que j’aurai inventé de toute pièce, mais il fallait pour cela la complicité d’Algrange avant que quiconque n’aille lui-même tailler le bout de gras avec elle, tout ceci faisant que je me retrouvais à être dans un éternel combat contre la montre. Fort heureusement, sûrement que Anür est venue me sauver, le dizenier qui est arrivé le premier sur les lieux, c’est sire Étienne, dit « la Carpe », un complice de quelques-unes de mes activités, bien qu’il soit un peu trop honnête pour ce que je lui demande. Il arriva avec son groupe, une dizaine de sergents d’armes équipés de gros gourdins et de jaques, avec de bonnes têtes de soudards vulgaires : Bien assez pour pouvoir faire fermer l’entrée et éloigner les curieux. En attendant qu’il mette en place son périmètre de sécurité, je suis monté à l’étage pour me servir de l’alcool de derrière le bar, n’oubliant pas de laisser une pièce sur le comptoir afin qu’on aille pas m’accuser de vol après ; D’habitude, je le fais sans ronchonner, mais là, il y a limite. Quand enfin Étienne revint, il retira son gros casque qui protégeait son petit cerveau, pour éponger son front du plat de la main. Il faisait chaud en ce mois d’août, et puis il y avait la foule, et surtout, le cadavre. – Bon, Elric. On a droit à quelques instants avant que les huiles soient mises au courant et que cet endroit soit rempli d’enquêteurs. Dis-moi tout. Qu’est-ce que t’as encore foutu ? – Crois-moi ou non, Étienne, mais cette fois-ci, je suis totalement innocent, blanc et pur. – Ah mince ! C’est une mauvaise nouvelle alors.Je poussais une chaise devant moi à l’aide de la semelle de ma botte. Le type s’approcha et la retourna, afin de s’asseoir à l’envers, ses avants-bras sur le dossier. – Et Sydonnie... Elle a quoi à voir là-dedans ? – Le dizenier d’Algrange n’a pas de trace de sang sur elle ou sur sa lame. Elle n’affiche pas de marques de lutte. Et c’est elle qui m’a réveillé. Je la suspecte donc de m’avoir placée dans cette position. – Oué, bah, hé... Peut-être que elle, elle pense que c’est toi le meurtrier. – Je n’ai aucun intérêt à commettre un tel meurtre. Tu sais très bien que le prévôt était de mèche avec moi dans nos combines. T’es même venu manger chez lui. – Tu te souviens absolument de rien ? Tu sais, il y a des produits qui font ça, une amnésie complète et- – Étienne, c’est ta queue qui parle.Il est vrai que cette saloperie de Carpe est en partie responsable de la promotion du dizenier d’Algrange. J’en avais émis de très grandes réserves, étant fermement opposé au fait qu’une femme puisse assumer une quelconque fonction de commandement, même sur quelques soudards à peine. Je déteste les femmes miliciennes. Je peux vous citer un tas de raisons. Les femmes sont inférieures physiquement, elles sont plus petites, plus faibles, et surtout, elles sont pas du tout adaptées à la vie en communauté, surtout en guerre, surtout face à des monstres. Il faut que vous compreniez qu’une femme ça a ses règles, ça a l’air con dit comme ça, mais sérieusement. Des miliciens, ce sont avant tout des soudards, du menu fretin, des chiens de fosse, des gars qui ont un confort à la spartiate dans les casernes, qui chient devant les autres dans un coin, qui pissent debout contre un mur pendant que le reste de la lance attend dans son dos. Les femmes ça distraie. Les femmes ça se fait violer en douce pendant la toilette. Les femmes ça apporte plus de problèmes que de solutions, alors une femme qui commande, vous imaginez ? Pourtant c’est ce crétin de Étienne qui m’en a parlé pendant deux semaines, deux semaines entières, sans aucune cessation. Et vous savez pourquoi ? Pourquoi il m’a broyé les burnes avec gueule-d’ange qui est peut-être une tarée fidèle de Sitry ? C’est parce qu’il est amoureux d’elle. Oh je le sais, ça se voit, putain, il parle d’elle avec la même fascination hébétée d’un pré-adolescent, assez pour que j’ai à chaque fois envie de lui péter la gueule. Et n’allez surtout pas croire aux contes de fée, il n’y avait aucune chance pour que son sentiment soit réciproque, aucune femme ne peut être amoureuse du dizenier Étienne, parce que le mec est immonde. Il ne devait pas être immonde de naissance, je pense, mais il y a une raison pour laquelle on l’appelle « la Carpe » : Il n’a pas de lèvres, elles ont été arrachées. Il invente des histoires à chaque fois, racontant qu’on l’aurait torturé après avoir tranché une douzaine de brigands, des conneries comme ça, mais à moi il m’a avoué la vérité, sa langue se déliant au bout du sixième verre... C’est son père qui lui a fait ça. Un forgeron, bourru et violent, qui a voulu le punir d’avoir fait le mur et couché avec la prêtresse du village ; Il lui a foutu un bâton rougi au feu sur la bouche, et c’est parti tout seul pendant qu’il hurlait. Le résultat était que la Carpe faisait peur, on le reconnaissait de loin, et on ne pouvait faire que trembler en voyant cette espèce de morceau de peau et de chair atrophiée qui bougeait à la place de sa bouche. Tous les miliciens ont des cicatrices, même moi j’ai des traces de confrontation, une bonne taillade à l’œil, des doigts bourrus, des bras éraflés... Mais lui ça va au-delà, on dirait un personnage de sale histoire, il transpire la haine et la violence. Un bien mauvais souvenir. Je vous dis tout ça au cas où vous ne connaissez pas toutes mes aventures avec Étienne. Je préfère tout vous rappeler plutôt que de vous laisser dans le secret, c’est mieux ainsi. – Du coup... T’as prévu de faire quoi ? – J’hésite. J’hésite encore. J’ai toujours pas touché au corps, mais faut qu’on fasse une investigation maintenant. Amène un de tes sergents avec toi. On va voir d’Algrange.
Je me lève tandis qu’Étienne se dirige vers l’entrée. Il siffle et pointe du doigt un de ses soudards, et tous les trois, nous pénétrons dans la petite arrière-salle qui a été transformée en zone de garde-à-vous dans l’urgence. Le gars de tout à l’heure, le riche gros lard, qui est avachi dans un coin avec les mains ligotées. D’Algrange est censée monter la garde. Je lui indique rapidement le nouvel invité, qu’elle ne doit connaître que trop bien vu comment Étienne est gentil et prévenant avec elle, et qu’il n’arrête pas de glousser en tentant de lui raconter des blagues niaises à souhait. – Bonjour dizenier d’Algrange. Je vous présente le dizenier Étienne. Il a eu la gentillesse de bien vouloir venir sur les lieux et de fermer l’accès à cette taverne... Mais cela ne durera qu’un temps. Au bout d’un moment, la hiérarchie sera informée de l’identité du mort, et le Hérisson Mélomane sera envahi d’enquêteurs en tout genre. Suivez-moi donc, je vous prie. J’observais alors le troisième soudard détaché de la lance d’Étienne, dont j’ignorais le nom mais dont j’avais déjà vu la tête. Il était plus petit que moi, mais tout de même sec et teigneux avec sa grosse bouche et son arme à la ceinture. – Tenez la garde sergent. Si l’homme se réveille, vous serez gentil de le bâillonner immédiatement à l’aide d’un foulard. – Oui sire, il répondit. – À la cave. – Ouvrez la voie centenier, grimaça Étienne, et laissez-moi prendre une torche.Je quittais donc l’arrière-salle accompagné de mes deux soldats, l’un qui était un complice, l’autre qui allait être obligée de le devenir sous peine de finir étripée au bout de mon épée, en espérant que ce ne soit pas moi qui pende au bout d’une corde. Nous retournions donc en descendant les escaliers de pierre, et cette fois-ci, j’essayais de m’attarder sur les détails que j’avais jusqu’ici ignorés, tentant surtout de sauver ma mise, pressé l’urgence de la situation, passant outre une enquête approfondie. Je notais bien des traces de sang sur les marches, très limitées, sans éclaboussure. Je retournais vers la porte ouverte, et Étienne ne put s’empêcher de tirer un mouchoir pour se couvrir les narines. Il est vrai que ça puait là-dedans, ce qui indiquait déjà un début de décomposition. – Cette odeur c’est pas normal, je me mis à dire. Les corps ça commence à puer que quelques jours après leur mort... – C’est quand la dernière fois que t’as vu le prévôt ? Chuchota la Carpe. – Je... Putain. On était redescendus sur la toute dernière marche et nous entrions dans la cave, qui maintenait était parfaitement visible, puisque Étienne avait eut l’intelligence d’allumer une torche qu’il tenait à bout de bras devant lui. On assistait à une véritable scène de meurtre, macabre. Il y avait des bouteilles cassées, des tonneaux qui étaient couverts de projection de sang, des morceaux dans les murs, dans tous les sens, certains plus secs que d’autres. Le corps était avachi sur le ventre, un bras sur le dos, un sur le ventre. Et la tête éloignée dans le coin, parce que je l’avais projetée contre le mur. C’était difficile de se concentrer avec cette puanteur qui gagnait le nez et qui donnait envie de vomir, de dégueuler tout le contenu de ses boyaux... – Je te jure Étienne, j’ai un putain de trou dans mes souvenirs... J’arrive pas à aller plus loin que... Bon sang, je crois que quand je suis allé chez le prévôt, c’était y a deux jours. Deux jours... – Effectivement je t’ai pas vu pendant toute une semaine. Mais c’est parce que tu m’avais dis que t’avais une affaire urgente. Sur les registres de la milice, il est écrit que t’es parti dans une chevauchée au-delà des murs.D’Algrange est juste à côté de nous, en train d’écouter avec ses grandes oreilles comment j’ai fraudé, comment j’ai fais croire que j’étais parti avec une patrouille dans les marais du Morguestanc, une excuse parfaite. Qui en réalité est totalement fausse : J’avais l’affaire de la sorcière à résoudre, il fallait que j’enquête pour retrouver le journal, puis au final j’ai été obligé de me cacher, et quand je suis allé terminer ma mission, paf, je me réveille dans une cave pourrie avec le mec mort. Au fond tout ça je pourrais bien le finir de moi-même, trouver une solution, mais la Sydonnie me gênait atrocement. Je me mettais à la dévisager, avec mes crocs de loups bien en vue. Qu’est-ce qu’elle foutait là dans toute cette affaire, elle ? Elle m’avait dit participer à une beuverie à l’étage, est-ce qu’elle a juste été assommée parce qu’elle traînait dans le mauvais couloir au mauvais moment ? Que des assassins l’ont foutu là par pur hasard ? En quoi ça les arrangeaient ? Et le type à l’étage, qu’est-ce qu’il racontait comme conneries, parce que sa gueule ne me revenait pas du tout ? Jamais il ne se serait mit à table directement et aussi simplement pour confier faire partie d’une sombre conspiration, alors, c’était quoi son but ? Putain les questions me trottaient dans la tête comme pas possible, ça tournait en boucle dans mon cerveau, et le meurtre je le voyais, avec mes yeux, mes yeux qui avaient pas encore quitté les orbites, arrachées par le couteau cérémoniel d’un infidèle du culte de Sitry... – Faut qu’on appelle l’Inquisition, dit la Carpe avec un ton monotone. – Enculé d’Étienne, ferme ta gueule ! Je répliquais aussitôt. – Le prêtre Lucain est à Marbrume. C’est un excellent enquêteur, il sait trouver les hérétiques à partir d’indices extrêmement minces... Il peut être informé, venir ici, nous aider à avancer. – Le prêtre Lucain est un enfoiré violent qui a déjà fait brûler des villages entiers à cause de la suspicion d’une seule sorcière ! – Tu es une victime dans cette affaire Elric, il voudra t’aider, et- – J’ignore si j’ai quelque chose à me reprocher ! J’ai deux jours de vide dans mon esprit, bordel ! Non, on va contacter Jean Trois-Doigt. Il a son propre réseau de renseignements dans la ville, après tout il dirige des tas d’enfants mendiants et de faux amputés, de sa Cour des miracles... Il saura comprendre un peu plus ce qui s’est passé ici. – L’un n’exclue pas l’autre, Elric. Dans tous les cas il faut qu’on réussisse à comprendre ce qui s’est passé ici. Y me semble que t’as un peu étudié ça nan, les éclaboussures de sang ? Je haussais les épaules. Un macchabée, des tâches, et surtout un gars au-dessus à qui il fallait couper les pouces. Au fond c’était une affaire de meurtre comme une autre. Le seul problème c’est que j’étais dedans jusqu’au cou. Je me retournais donc vers le dizenier d’Algrange. – Très bien. Dizenier, vous et moi, nous sommes dans une situation très complexe. Naturellement, vous n’avez aucune envie ni aucune raison d’être mêlée à cette merde, qui est uniquement la mienne. Vous pourriez immédiatement quitter cette pièce et dire que vous m’avez vu me réveiller avec une lame ensanglantée dans une cave, avec le cadavre de l’homme politique le plus important de Marbrume. Je vous comprendrais. Et je suis sûr que sire Étienne va s’empresser de me trahir et de soutenir votre témoignage. – Voyons, Elric, eh eh, tu vas pas- – Cependant, j’aimerais en appeler à votre esprit et à votre âme. Je sais que vous êtes le genre de personne qui accorde de l’importance à l’honnêteté et à la sécurité du peuple de Marbrume. Vous êtes une bonne personne, gueule d’ange, c’est rare dans ce dépotoir de ville. Vous savez que je suis innocent. Enfin... Innocent pour ce meurtre, au moins. Et plus important, vous n’ignorez pas que la secte de Sitry est dangereuse, que ce sont des gens qui sacrifient des enfants et qui organisent des orgies sanglantes. Qu’est-ce que vous préférez donc, dizenier ? Vous tirer de ce pétrin en allant jacqueter ? Ou bien me faire aveuglément confiance et qu’ensemble on réussisse à comprendre ce qui s’est passé ici ?Et je fis lentement un pas vers elle, et ma voix se fit plus suave alors que je continuais. – Et puis... Si ce n’est pas votre sens de l’honneur qui vous commande, eh bien... Je suis sûr que je trouverai un moyen de vous récompenser.La corrompre, quoi. Y a tellement de façons de corrompre un homme, pas forcément qu’avec de l’argent, avec des services aussi, par exemple la muter à la protection du quartier noble, une affectation tellement plus calme que de devoir se trimbaler dans les marais... Mais restait une possibilité, une grave, celle que Sydonnie soit complice du meurtre, et donc, opposée à moi. Mais j’eus un éclair de génie. Un dilemme. Un moyen de voir qu’elle n’avait véritablement rien à se reprocher. Lucain avait une certaine célébrité dans le Morguestanc. Pas la célébrité d’un grand haut-prêtre respecté et aimé, non, plutôt celle noire et inquiétante du gars qui a allumé plus de feux que l’orage. On parlait de lui en craignant son nom, car ses yeux gris pénétraient votre esprit, et on était comme transcendés par sa présence, on se sentait obligé de confesser toutes ses fautes, même les plus graves, comme s’il était une sorte de mage qui pouvait délier votre langue. Si jamais elle faisait vraiment partie de la secte de Sitry, elle devrait logiquement le craindre, cet homme qui avait démantelé tant de loges noires. – Qui pensez-vous que nous devons appeler pour nous aider ? Jean Trois-Doigt est un truand avec beaucoup de petites oreilles qui traînent à Marbrume, et Lucain est un expert de la lutte contre l’hérésie... Les deux ? Aucun ? Ou bien pensez-vous qu’il serait plus judicieux de faire appel à l’une de ces deux toiles ? |
| | | Sydonnie de RivefièreSergente
| Sujet: Re: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] Sam 13 Mai 2017 - 14:18 | | | J’en avais connu des situations merdiques et des journées merdiques, mais celle-ci, j’pense qu’elle venait de battre tous les records. Je lâche un soupir de lassitude, visiblement agacée au plus haut point par cette situation dont les tenants et les aboutissants m’échappent, j’apprends des choses que je préférais ignorer, largement. On ne pouvait pas dire que le Sergent y mettait du sien, rendant la situation et l’ambiance encore plus pesante que ce qu’elle n’était déjà. Cependant, j’obéis, je garde mes réflexions pour moi, me promettant de le faire tomber à la première occasion. Si je n’étais pas sans ignorer que certains de nos hauts gradés étaient des magouilleurs, une fois la preuve sous les yeux, je ne pouvais plus feindre de l’ignorer. Le regard j’ai lancé à mon supérieur à dû être particulièrement sombre, s’il pensait que j’allais le laisser me faire porter le chapeau, il pouvait se le mettre où je pense son ordre.
- « Nous serons les seuls à l’interroger » rétorquais-je avec un sourire mauvais.
Quoi qu’il en soit, on n’a pas vraiment eu le temps de bavarder, si mon idée avait été de faire le tout dans la plus grande des discrétions, le sergent lui, il jugeait bon d’alerter tout le peuple, si il avait pu solliciter la veuve et l’orphelin à ne point en douter qu’il l’aurait fait. Je m’exécute, trouve de quoi attacher l’autre idiot, m’appliquer à serrer les liens, à le réveiller, puis à le faire monter à l’étage pour l’enfermer dans une chambre sans demander mon reste. L’homme est encore à moitié sonné, mais j’ai le temps de lui glisser quelques mots à l’oreille.
- « Tu ne parles à personne… Sauf à moi. Si le sergent vient t’interroger seul, j’te déconseille fortement de le laisser me faire porter le chapeau. Je sais pas qui tu es, je ne sais pas ce que tu me veux ou lui veux, mais j’veux pas être la coupable toute trouvée. Je t’assure que niveau torture j’ai beaucoup plus d’imagination que qui que ce soit. »
Je ne sais pas si il m’a comprise, quoi qu’il en soit, j’ai eu le temps de proliférer mes menaces. Si je n’étais qu’une coutilière et donc forcément un grade inférieur à celui qui était dans la soi-disant même barque que moi. J’étais loin, très loin, très très loin d’être stupide. Je n’étais pas une vulgaire paysanne ayant rejoint la milice, j’avais reçu une éducation, moi. En fermant la porte, j’tombe sur deux miliciens, j’hausse simplement les épaules, le regard mauvais.
- « L’sergent il nous envoie vous aider coutilière - J’crois pas avoir demandé de l’aide grognais-je sous le regard interrogatif des deux hommes. - Vous surveillez cette porte, vous restez devant, personne ne rentre, personne ne sort, me suis-je bien fait comprendre ? »
Ils opinent tous les deux, je me contente de les pousser pour me faire un passage descendant vivement les marches à la recherche de mon acolyte forcée. J’avais un mauvais pressentiment, celui qui ressemble à l’instinct féminin, mais en plus développé. Enfin c’est surtout que j’avais tellement l’habitude de me retrouver dans des coups foireux, que mon alarme de danger ne cessait de raisonner dans ma tête. J’tombe nez à nez avec l’autre ignare de Sergent, celui là même qui m’entraîne dans sa chute. Putain, j’suis pas marié et j’me retrouve en lien dans une affaire louche avec un sergent qui fait des magouilles. Je soupir, mon regard Azur se dépose sur l’autre sergent, que je reconnais que trop bien, peu importe, je fais mine de rien. Affiche un sourire tend la main pour la le lui serrer le plus naturellement du monde. Si c’est lui qui est venu ça ne doit pas être pour rien et je ne peux m’empêcher de lancer un regard mauvais aux deux hommes, d’ailleurs, je m’en cache pas et lance amère.
- « Alors il a essayé de me faire porter le chapeau pour sa connerie, il vous a promis quoi sergent ? De l’argent, des femmes ? » je lui avais murmuré ça l’oreille, quand je m’étais penchée en avant pour lui serrer la main.
Me reculant, j’avise toujours de mon regard froid le sergent Beaumont, je lui en veux, je lui en veux pour tout ça, pire je le tiens responsable de cette affaire et malgré ma loyauté sans faille pour la milice, j’dois bien avouer que cette fois, j’suis bien tentée de poignarder dans l’dos l’un de mes supérieurs, juste pour remettre les choses à leurs places, les profiteurs, ça n’a rien à faire dans la force de l’ordre de notre Duc. Quoi qu’il en soit, on abandonne le haut de l’établissement pour retourner dans la cave et j’reste silencieuse, une véritable tombe, j’écoute les paroles que les deux hommes s’échangent sans vraiment savoir si je dois pleurer ou rire de ce que je suis en train de découvrir. Si Hérald entendait tout ça, il deviendrait fou, complètement. On repasse finalement la porte menant à la cave, l’odeur nous prend au nez autant que la vision et je retiens une nausée, puis une autre et enfin une troisième. Franchement, j’en ai vu des meurtres, mais dès comme ça, rarement. Si bien que la vision du corps, de cette position, des morceaux dans les murs me paraissent particulièrement complexe à analyser. J’abandonnais les deux hommes sur place pour m’engouffrer davantage dans la cave, sans pour autant rater une miette de la conversation. Le prêtre en question était complètement dingue, un psychopathe parmi les prêtres, l’avoir dans les pattes n’étaient pas une idée que j’appréciais particulièrement surtout que je supposais fortement que lui et Beaumont était à mettre dans le même sac. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas vraiment le temps d’y réfléchir, je préfère m’appliquer à comprendre comment on peut en arriver à réaliser une telle boucherie. Y a pas d’autre mot de toute façon. Je parcours le lieu à la recherche d’indices, autre que les choses choquantes qui attirent directement l’œil. Je m’arrête au niveau de la tête, l’avise longuement, reviens sur mes pas pour revenir au corps, la position n’est pas anodine non plus. J’dirais qu’il s’est fait assommer par-derrière, avant de se faire torturer et massacrer de la sorte. Évidemment, je ne fais que supposer. Je ne suis pas une experte en analyse de meurtre. Le pourquoi du comment ne m’intéresse généralement pas, j’préfère directement passer à l’étape interrogatoire suspicion et aveux. Vla pas que le sergent me propose de me graisser la patte, cette fois, je m’arrête dans mon observation, pivotant légèrement vers lui.
- « J’vous arrête tout de suite. J’vais enquêter avec vous, parce que pour une raison qui m’échappe je me retrouve mêlé à cette histoire. Si vous êtes innocent, je n’aurai aucune raison de vous amener sur la place des pendus, si en revanche en avançant dans l’enquête j’decouvre que vous êtes bel et bien le coupable et qu’en plus vous avez voulu me faire porter le chapeau, vous pourrez ravaler vos menaces et vos idées déplacées vis-à-vis de la femme dans la milice parce que j’me chargerai moi-même de vous couper la tête. Et ceux avec tout le respect que je vous dois, évidemment. »
Évidemment, je n’étais pas du genre à me laisser influencer par qui que ce soit, supérieur ou pas. Si il pensait honnêtement que j’étais quelqu’un d’achetable, il se trompait lourdement. Je sais que ma phrase ne lui plaît pas, pire je sais parfaitement que je viens de me le mettre à dos, au fond cela ne m’importe peu, la justice plus que le reste, c’est réellement ça qui m’intéresse.
- « Cessez de me prendre pour une abrutie de paysanne » grognais-je « qu’on remette bien les choses dans l’ordre, comme vous l’avez si bien dit, nous sommes dans la même barque. J’vais répondre donc à votre question en vous disant que j’choisi ni l’un ni l’autre, j’vais pas jacter parce que j’suis pas connu pour ma lâcheté ou mes bavardages et je ne vais pas non plus vous faire aveuglement confiance, vous savez ce qu’on dit, non ? Toujours se méfier des apparences. »
La tension était de nouveau palpable entre nous, si bien que mon regard s’était fait beaucoup plus mauvais, plus tendu. J’avais la main sur ma lame, prête à dégainer pour me défendre en cas d’agression, bien que j’étais certaine que le sergent n’était pas suffisamment insouciant pour ça. J’allais devoir mettre de l’eau dans mon vin, adoucir la situation, sinon le travail d’équipe allait rapidement voler en éclat.
- « J’veux pas d’histoire » admis-je finalement d’une voix plus douce « Je veux juste comprendre, comment je me suis retrouvée là. Si vous, vous n’avez pas de souvenir moi non plus. J’me souviens juste d’avoir bu plusieurs verres, je n’étais pas ivre. J’fêter ma promotion, malgré l’interdiction de sortir, c’est vrai, mais franchement, il ne s’est rien passé de notable. Vous êtes certain de pas le connaître l’autre gros de l’étage, il connaissait votre nom ? Vous avez pas foutu votre nez entre les cuisses d’une noble dame mariée, j’sais pas moi… Vous avez bien fait quelque chose pour attirer la colère d’un malade, non ?! »
Et moi dans tout ça, qu’est-ce j’avais fait pour me retrouver là, j’étais quoi le témoin, celle qui se trouvait au mauvais moment au mauvais endroit ? Une victime de plus, une preuve de plus ? J’étais quoi moi… Je passe une main derrière ma nuque la frottant légèrement, j’avais beau retourner tout ça dans tous les sens, je ne trouvais pas de solution. L’idée de faire venir le prêtre me semblait plus, simple, l’autre n’était pas idiot non plus.
- « On a cas faire venir les deux… Autant ne pas se priver, j’voudrais que tout ça soit réglé vite. J’suppose que votre femme ne voudrait pas vous voir absent trop longtemps aussi. » Soupirais-je plus que dépitée. « Par contre, on s’détache pas, tant que cette histoire n’est pas terminée, j’suis votre ombre et vous la mienne, hors de questions de me retrouver poignarder dans le dos. Qu’on se le dise. Votre oreille là, vous voulez qu’on lui demande quoi ? Votre secte là, je la connaissais même pas, vous pensez franchement qu’il va avoir des informations ? Il parlera comme ça, enfin j’suppose que vous avez de quoi le faire chanter lui aussi… »
Au fond, j’suis plus en train de grogner quelque chose.
- « Bien on fait déjà venir le prêtre, en fonction de ce qu’il dit, on fera venir votre autre gars-là. Avant de le faire venir, autant avoir des questions à poser. Vous n’avez rien d’autre à me dire, avant que j’découvre d’autres informations peu glorieuses à votre sujet ? »
J’étais toujours en position défensive et même si j’avais accepté de collaborer je n’étais pas prête d’oublier tout ça. Le temps allait me dire si je gardais tout ça pour moi, ou si au contraire j’allais le faire tomber dès que possible.
- « D’ailleurs, parlez-moi un peu du livre ou des notes que vous n’avez visiblement plus. »
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| Sujet: Re: Un réveil cadavérique [Sergent Elric au rapport ♥] | | | |
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