- Un soupirail, une soupirante - [ Ethaïs - Ysarn ]

Cette période de l’année, était une succession d’aubaines pour les artisans du bâtiment. La cité tout comme ses captifs, commençait à souffrir des premières manifestations du froid. L’esmarbre susurrait dans les chaumes, caressant la moindre parcelle de peau découverte … Il bordait dores et déjà les vagabonds vers un éternel sommeil. Autant de va nu pieds que l’intendant avait arraché à l’étreinte de cette inflexible faucheuse à pèlerine blanche ; Autant d’hommes à nourrir et instruire, pour barder les rangs et disposer d’une main d’œuvre suffisante. L’hiver qui se laissait à peine entrevoir, promettait d’être long comme un jour sans pain et on le devinait meurtrier, même escamoté sous la houppelande ocre de l’automne. Dans le crépuscule rougeoyant, la cohorte approchait de la fine fleur de l’hostellerie des bas-quartier ; Une maison close que le charron avait chaudement recommandé à son maître d’œuvre. L’idée de courir la vérole ne plaisait guère au meneur de cette brigue enhardie, mais il avait finalement cédé à ces turpitudes, gageant que ces instants de détente ne pourraient qu’améliorer l’état d’esprit de ses ouvriers. Tenant l’arrière garde, il lâcha la meute de chiens enragés dans cet enclos ; Manifestement tendu et anxieux, il veillait au bon déroulement de ces hommages. Il était après tout question de sa réputation et celle de son affaire.

Agmer Brisier, était en tête du cortège et tenait les travailleurs en respect, aucun d’entre eux n’avait osé s’aventurer plus avant. La douzaine de rustauds formait un demi cercle aux portes, le sang bouillonnant et les lèvres écumant, probablement. Un spectacle navrant, aux yeux du Juré, qui se contenta de déléguer la lourde responsabilité de chaperon à son bras droit.

- « Observez les règles de bienséance, ne dilapidez pas votre solde et surtout, respectez l’intégrité des femmes que vous … Honorerez. Mon nom est une extension du vôtre, si vous le salissez bande de paillarts, vous le prononcerez avec amertume, lors de trop courtes nuits et de trop longues journées. Allez donc faire vos offices et soyez prêts pour l’aube. »

Chassant son cheptel d’un revers de main, il partagea quelques secondes durant, un regard entendu avec Brisier avant d’en revenir aux affaires qui étaient siennes : Une forme de débauche qui n’avait guère sa place dans ce genre d’établissement. La taulière qui n’était plus une débutante, à en juger par les outrages du temps dont elle avait été victime, fondit sur Ysarn comme un oiseau de proie. Aux vues de son charme fané, la chasseresse tenait à dire vrai, bien plus du charognard. Un homme bien peigné et coiffé d’un catogan, tenant une barbe taillée et des atours entretenus au milieu de colosses terreux fleurant la sueur, promettait plus de caillasse que d’ardoise. Aussi fit-elle de jolis ronds de jambe, ou s’y essaya-t-elle avec l’élégance d’une poissonnière.

-« Quelque chose plait à mon bon sieur ? Voyez donc ces jolies fleurs, je peux peut-être apporter soutien et conseil à ce gentilhomme ? Ou … Plus de chaleur. Peut-être … »

La maquerelle fit cependant face à l’arctique brise du déclin bien avant l’heure, forcée qu’elle fut de toiser la paume du bourgeois érigée entre eux, tel un rempart. Imperméable à ses cajoleries, le notable s’accorda même l’audace de se déparer de son long manteau de daim, sans solliciter ses services. Oripeaux sous le bras, il lâcha promptement une pleine main d’écus, comme si cette poignée lui avait brûlé les doigts. Le tribut était plus que généreux, au moins de quoi se payer deux de ses filles et pas des vilaines.

-« Une alcôve au fond de la salle, votre meilleur bouteille d’hypocras et pour le reste … Je saurais fort bien aviser. Seul. »

Déconfite, la « séculaire » bordelière mena ses troupes en silence, se contentant d’opiner du chef. L’épreuve débuta donc lorsque le nanti prit place, les deux gobelets d’étain vides à sa tablée, la bouteille au centre et l’intimiste lueur d’un candélabre, fermé par une tenture installée à la hâte. Les deux premières envoyées, lancées à la bourse de ce rentable client, s’en étaient vite revenues ventre à terre. L’homme les avait toutes deux congédiées pour la même raison : Un manque flagrant de bienséance. Aucune d’entre elles n’avait eu le bon sens de demander ou d’attendre une invitation.

30 octobre 1165

L’air se rafraichissait. Ethaïs, assise en tailleur sur sa couche, contemplait le coucher du soleil. Caché par les nuages, elle entrapercevait les derniers rayons, colorant le ciel de teintes orangés. Comme hypnotisée, elle n’entendit pas les bruits de pas se dirigeant vers elle. Ainsi, sursauta-t-elle lorsqu’une des filles lui caressa l’épaule. Sa peau était si douce, et son parfum enivrant. Iris se retourna pour la contempler. C’était la petite merveille dégotée lors du recrutement, organisé par le tenancier, en début de mois. Avec Satine, c’était ses seules véritables amies. Elle avait toujours pu compter sur leur soutien en cas de coup de blues. Rien que pour cela, la fille de joie leur en était reconnaissante. La chaleur humaine avait été longuement effacée de la vie de la jeune fille. Revivre réellement était une révélation et être considérée comme un être à part entière gommait les blessures du passé.

« Travailles-tu ce soir ? » L’interrogea-t-elle tout en l’étreignant.

« Je ne pense pas » Répondit Iris, le regard pétillant.

« Ok. Je vais me préparer seule dans ce cas. »

Ethais lui offrit un sourire en guise d’encouragement. Elle n’avait pas le cœur à réaliser des passes ce soir, ou du moins pas avec les clients qui se trouvaient ici. Depuis qu’elle avait eu le privilège de côtoyer la haute société, le retour à la réalité était difficile. Néanmoins, elle était consciente qu’il fallait reprendre le travail, sans quoi les repas se feront rares.

En chemise de nuit, la jeune femme quitta son matelas pour se contempler dans le miroir situé au-dessus de sa cheminée. Elle poussa un soupire avant de se déshabiller pour revêtir une robe vert d’eau, brodé sur le corset. Un chignon vint se poser sur tête avec un bijou pour l’encadrer. Fin prête, elle saisit sa cape, entreposée sur le rebord d’une chaise, et quitta sa chambre ainsi que le bordel.

L’air était frais, voir même glacial pour la saison. Elle leva les yeux au ciel, où les premières étoiles apparaissaient. Un sourire illuminant son minois, elle déambula dans les ruelles à la recherche de son bonheur, en évitant avec soin la milice. Depuis sa mésaventure à l’auberge avec Alfonso, il y a de ça un mois, la peur se faisait sentir en son être. Rien que la pensée la fit grelotter. Elle serra davantage sa cape contre son buste pour se couvrir de la brise levante.

Son regard se porte sur l’enseigne d’un commerçant. Le nom lui était inconnu. Curieuse, elle s’avança vers la porte, espérant en apprendre davantage. Quelle ne fut pas sa surprise en s’apercevant qu’une maison close avait été érigée ici. Dans son souvenir, c’était une ancienne bâtisse, où vivait les prostituées la plupart du temps qui ne travaillaient pas au couleur d’un bordel.

« Madame, puis-je vous aider ? » S’enquit un homme, juste derrière elle.

« Oh… Non c’est bon » Bafouilla-t-elle, en se passant une main dans les mèches virevoltantes.

« Puis-je entrer dans ce cas ? » Demanda-t-il en la tournant.

Ethais se décala. La lourde porte en bois s’ouvrit alors sur la gouvernante, ou tenancière. C’était difficile de le savoir. Piquée au vif, Iris s’avança à son tour, sous le regard surpris et méfiant de la vieille femme.

« Qu’est-ce qui vous amène ? »

« Ne puis-je apprécier la compagnie d’une dame sans être jugée ? » Tenta la catin.

En réalité, cette dernière était curieuse de voir l’intérieur, les filles comme les clients qui pouvaient fréquenter les lieux. D’un pas non assuré, elle laissa sa cape à l’entrée ainsi que quelques pièces et découvrit le salon. Composé de petites alcôves, l’ambiance était au romantique et sensuel, bien loin du Plat du Jour. « Peut-être devrai-je toucher deux mots à Fenrir demain matin. » Songea-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure, signe de nervosité.

Elle s’avança pour observer les filles faire. Certaines était grotesques, vulgaires. Elle était choquée de les voir se comporter ainsi et ne comprenait pas comment des tenanciers avait eu l’idée de les engager. Sans réellement faire attention, elle recula et manqua de bousculer une table. Elle fit volte-face, rouge de honte.

« Excusez-moi ». Bafouilla Iris, en cachant son visage comme possible.

Son regard se posa alors sur l’homme occupant l’espace.

« Je suis maladroite, j’espère que je n’ai rien cassé ou renversé… Je suis si confuse, cela ne me ressemble pas. J’étais juste absorbée par l’endroit, étrange à mes yeux et inédits. Que puis-je faire pour me faire pardonner ? » Dit-elle d’un débit très rapide comme si elle espérait pouvoir courir une fois ses paroles terminées.

Dans le feu de l’action, elle n’avait pas remarqué que l’homme était seul avec sa bouteille et deux gobelets, l’un d’eux était à terre, mais vide. Pour l’autre, la chandelle n’éclairait pas assez l’alcôve pour qu’Iris puisse mesurer les dégâts de son acte.

« Que se passe-t-il ? » S’énerva une voix derrière sa personne.

Ethais reconnut la voix de la femme l’ayant accueil quelques minutes plus tôt.

« Cesse de déranger les clients qui attendent. » Continua-t-elle

HRPG:

Tout était affaire de calcul, à bien des égards, chaque geste du juré semblait cérémonieux. Déroulant une longue poche contenant un nécessaire à fumer, le client fortuné s’était détourné de sa quête initiale : A savoir la recherche d’une aimable compagnie. Sortant l’épice de sa blague, il tassa le fourneau d’une pipe en écume avec une telle précaution, qu’il ne sembla pas en laisser échapper une miette. Le bec bientôt niché entre les lèvres, il alimenta le briquet à amadou, embrasant le blond. Dès lors le parfum doux-amer de son addiction s’éleva dans l’air. Les paupières closes, il se laissa aller à un instant d’abandon, isolant les parasites sonores pour se concentrer sur les conversations susceptibles d’attiser en lui, un quelconque intérêt. Quelle ne fût pas sa déception. Les galants, plus moribonds les uns que les autres, vomissaient leurs gargarismes ardents au visage de compagnes de couche, forcées de se suspendre à leurs lèvres tremblotantes et éternellement sèches. Arides.
Malédiction de boit-sans-soif.

Seul un heurt l’arracha à ce triste bilan, suivi du tapage provoqué par l’un des gobelets d’étain renversé. Son regard obscur, teinté d’une insondable profondeur, se posa tout naturellement vers la source de cette malencontreuse réaction en chaîne … Infortunée petite chose ou habile prédatrice ?
Parfois, tout était affaire de calcul.

S’enfonçant presque dans le dossier de sa chaise, comme si il prenait du recul sur la scène, Ysarn sonda la jeune femme. Comme beaucoup trop de mâles dans la vie de cette courtisane, il eut l’audace de la toiser de pied en cap, mais ne luisait pas dans son œillade, cette répugnante flamme. L’éclat cependant, trahissait une forme d’intérêt, difficile à définir. Si la surprise et l’apparent désir de repenti faisaient se bousculer les mots de la songeuse, son discours restait intelligible et siège de manières qu’aucune des autres coureuses de table, n’avait su manifester. Lentement, l’intendant se redressa, fléchissant la nuque pour saluer cette prometteuse envoyée.

-« Il n’y a pas de mal, simplement un verre vide sur le plancher et pour ce que j’en vois, une femme tout à fait confuse. Peut-être accepteriez vous de nous servir, je gage qu’une gorgée d’hypocras vous fera le plus grand bien et saura balayer les troubles qui sont les vôtres. »

L’intervention de la taulière une fois encore, fut interrompue par le bourgeois ; Le flot de ses palabres inutiles vint se fracasser sur un inébranlable récif : La paume impérieuse d’un client qui se voulait roi. Prise d’un salutaire mutisme, la vilaine se confondit en excuses avant de s’escamoter derrière les tentures ; Son désir de contrôle était mort avec l’espoir d’obtenir une quelconque gratification. Le gentilhomme Vailescand se concentra donc sur le savoir faire de l’hôtesse qu’il avait choisi, ou celle qui l’avait choisi.

-« Je me demande quelles pensées pourraient vous priver de toute vigilance ma demoiselle, surtout dans un établissement comme celui-ci. N’y voyez aucune offense, mais … Vous semblez perdue. » - Crut-il bon de souligner. Non sans laisser fuser en sa direction, un trait de fumée âcre, d'un gris de perle.

Ethaïs, reconnaissante, inclina légèrement la tête pour le remercier. La gouvernante, odieuse, était repartie et laissa le champ libre à la jeune femme. Toujours confuse, cette dernière scruta son interlocuteur. Son visage, inconnu, l’intimida quelque peu tandis qu’elle se rapprochait d’un pas lent vers la banquette qui lui faisait face.

« Je serai enchantée de boire quelques gorgées, d’un alcool qui m’est étrangers. » Dit-elle

Iris prit place, ayant pris soin de ramasser le gobelet à terre. Avec un sourire timide, elle servit en premier Ysarn, avant de se servir un demi-verre, histoire de goûter, intriguée par l’odeur enivrante. Elle porta son verre, d’un geste délicat, au nez et huma les délicieux arômes qui s’en échappaient. Malheureusement, le coin était trop sombre pour en apprécier la robe.

D’un air attentif, elle écoutait les paroles de son « sauveur », tout en reposant le verre sur la table, apposant ses deux paumes dessus, craignant peut-être que celui-ci s’envole.

« Je… » Commença-t-elle avant de se raviser.

Ethais ferma les paupières, un soupire s’échappa de ses lèvres. Elle ne savait que lui répondre. Lui dire la vérité… Il trouverait surement cela étrange. Lui mentir… Non plus, elle n’était pas ce genre de femme. Cependant, il attendait une réponse, quel qu’il soit. Se murer dans un silence profond n’était pas une discussion, et l’impolitesse qui en ressortait était bien trop importante. Iris n’avait pas été éduquée de cette manière-là.

« Avant tout de chose » Reprit-elle avec un demi-sourire, scrutant les moindres gestes de son interlocuteur. « Je me nomme Ethaïs, Monsieur. Et mes pensées étaient tournées envers les autres alcôves. Je suis surprise de voir tout ceci. Je n’ai pas l’habitude de fréquenter ce lieu et je n’en connaissais pas la réputation jusqu’à maintenant. J’eusse pensé que les femmes exerçant ce métier avaient plus de manières, de courtoisies et de savoir-faire. » Continua-t-elle.

Elle porta le gobelet à ses lèvres et lapa du délicieux contenant. Ses paupières, mi-closes, témoignaient de son plaisir.

« Me voici donc, trop distraite que je vous ai bousculé votre table. » Termina-t-elle

De nombreuses questions trottaient dans la tête de la catin. Elle était curieuse d’en apprendre davantage sur le personnage, tout comme sur l’établissement.

« Mais assez parler de ma personne. Je monopolise l’attention et cela n’était pas voulu. Puis-je au moins avoir votre nom, pour ainsi connaitre l’identité de mon interlocuteur ? » Demanda-t-elle avant de reprendre. « Par la même occasion, pourquoi n’êtes-vous déjà pas accompagné ? Aucune de ces dames vous sciez ? »

L’attrait de l’inconnu, cette exhortation qui appelait les plus téméraires à sonder l’obscurité au lieu de la craindre. Cet état d’esprit plaisait grandement au juré et il s’était manifesté au travers d’une nouvelle épreuve. Il ne manqua pas de gratifier la jouvencelle d’un sourire franc, de ceux qui creusaient de maigres rigoles aux abords de la commissure de ses lèvres. Fourbes étaient ces traits, encore susceptibles de le trahir, de terrasser les chimères qu’il s’évertuait à créer. Plus encore, la galante eu le beau geste de servir son hôte, quant les virtuoses de la jambe légère auraient tété le goulot avec l’avidité des conquérantes. Peut-être était-elle la courtisane qu’il s’en était venu quérir au milieu des bordeliers et des catins.

Attentif, il écouta son récit, non sans un certain amusement. L’histoire de l’oublieuse et rêveuse Ethaïs, que la danse lascive des tissus et la débauche de couleurs, avaient fait dériver jusqu’à sa tablée. Lui incombait donc la tâche de faire de ce naufrage, une inoubliable escale. Par mimétisme, sans doute, il s’accorda une longue gorgée de ce sucre doux-amer, fermant les yeux et relevant le menton comme si il accompagnait quelques chantres. Quand la nébuleuse se fit plus inquisitrice, osant enfin lever le voile sur son mystérieux bienfaiteur, celui-ci s’arracha à son fugace instant d’abandon pour revenir planter dans ces mires d’un bleu intense, son regard d’un noir profond. L’ombre regardait l’azur, la surface tendait à percer l’abysse.

-« Peut-être est-ce votre force Ethaïs, le fait de s’attirer certains égards est pour certaines, un attribut naturel, pour d’autres une éternelle quête. Je vous pardonne pour cela, la vieille harpie qui tient les lieux, elle, ne le fera peut-être pas … » - badina-t-il. - « Ysarn Vailescand, un nouveau visage venu hanter ces murs et par extension, ceux de cette bien triste cité. »

Le mutisme qui suivit aurait été suffisamment éloquent pour répondre à la seconde question de cette demoiselle, mais l’intendant ne se priva guère du plaisir de répondre et par la même occasion, d’éprouver la hardiesse de celle qui se révélait jusqu’ici confuse.

-« Vous êtes ici en ma compagnie. Il semblerait bien que mon indécision n’aie plus lieu d’être, vous m’êtes de toute évidence très seyante. Comme vous l’avez judicieusement souligné, les « hôtesses » ici bas, manquent cruellement de forme comme de fond. » - s’amusa-t-il, avant de partir à son tour en quête d’informations. Echange de bon procédé. -« Vous évoquiez vos habitudes, je m’interrogeais donc tout naturellement sur les obscures raisons qui vous ont amené sous cette enseigne … »

Iris, habile créature de la nuit en temps normal, fille craintive et méfiante le jour, plissa légèrement les yeux. Quelques rides d’expressions vinrent marquer son visage de porcelaine. Elle se plaça de telle sorte que ses mains retinrent sa tête via un piédestal pour le menton. Elle était attentive et d’une grande curiosité. « Il est différent. » Songea-t-elle tandis que son visage s’illuminait à nouveau un faible sourire.

Les bruits environnants s’amplifièrent, masquant alors la fin de son récit. Ethaïs se rapprocha pour écouter les dernières paroles. La dernière question, posée indirectement, de façon sournoise. A ce moment précis, la catin était déstabilisée. Elle ne savait que répondre sans se vendre. Alors, elle porta le verre à ses lèvres et en lapa une gorgée du nectar. Un silence s’installa entre les deux compères d’un soir, permettant de jouir des scènes adjacentes. A leur droite, des rires grossiers s’élevaient, tandis qu’à leur gauche quelques gémissements échappaient à deux femmes.

La demoiselle se racla discrètement la gorge, presque gênée par les scènes. Du moins, c’est ce qu’on être laissait transparaitre. Néanmoins, elle n’avait pas pour habitude de côtoyer des maisons aux mœurs douteuses tenues de cette manière-là. « Les filles n’ont-elles pas de chambres où exercer sans gêner les autres convives ? » S’interrogea-t-elle, un de ses sourcils s’arquant. A ce moment, elle se redressa dans l’assise et reposa ses prunelles sur Ysarn, qu’elle avait presque oublié, obnubilée par le brouhaha. Se souvenant de la conversation entamée quelques minutes plus tôt, elle prit une nouvelle gorgée avant d’entamer une quelconque réponse.

« Pourquoi mes raisons de ma présence en ces lieux seraient-elles obscures ? N’avez-vous donc jamais croisé de Dame appréciant la compagnie de d’autres ? » Dit-elle d’un ton léger.

Elle lui adressa un sourire timide. En réalité, la question était bien plus vaste que cela. Lui dire sa véritable nature, mentir et se faire passer pour une autre. Son esprit tergiversait, tout comme sa raison.

« En réalité, je ne sais pas pourquoi je suis venue dans cette enseigne. Je connais les maisons closes, puisque je travaille pour l’une d’entre elles. Néanmoins, la curiosité de connaitre une autre enseigne m’a peut-être conduite ici. » Reprit-elle après un cours lapse de silence.

Elle était gênée, et sa gestuelle la trahissait. Ses dernières paroles avaient surement alerté la tenancière puisque cette dernière, non loin de leur alcôve, se hâtait d’un pas pressé vers leur table. Néanmoins, sans raison apparente, elle reprit la direction du hall d’entrée.

« Cette femme est étrange, je n’ai jamais vu une tenancière ou gouvernante aussi peu respectueuse de l’intimité de ses clients. Mais êtes-vous un habitué de l’endroit ? »