[Terminé] Sous le sceau du secret (PV Constance)

Sujet: [Terminé] Sous le sceau du secret (PV Constance) Ven 9 Nov 2018 - 18:13

Le 12 décembre 1165

Ce n'est pas la grande foule dans la bibliothèque et ça désole un peu celui qu'on nomme parfois "L'archiviste". Or, archiviste, il ne l'est pas. C'est juste que la bibliothèque, c'est un peu chez lui. Il devait avoir quatre ou cinq ans quand il y est entré pour la première fois, bien avant que ne débute d'ordinaire l'éducation d'un futur clerc. Il se surprend à rêver de cette époque et de l'émerveillement qu'avait suscité cette découverte et tout ce savoir qui était là, à l'attendre. Les livres pour enfants sont rares ici, mais ça n'était pas ce qu'il cherchait de toute manière, déjà à l'époque. Il voulait comprendre le monde qui l'entoure, le passé du monde, son présent et en deviner le futur. Mais bon, s'il lui faut être honnête, la Fange, il ne l'a pas vue venir.

La lecture historique qu'il se grée, pour son pur plaisir, alors que souvent il étudie les matériaux de construction, l'enchante. Deux historiens, deux versions différentes d'un même événement et chaque vision de la bataille si différente. De la brillante victoire à la boucherie inutile, l'analyse s'oppose. L'impact de cette bataille des temps anciens sur notre monde semble minime, et pourtant, en y regardant bien... En parlant de regarder...

Il y a eu un bruit, là, sur la droite. Pas une page qu'on tourne ou un parchemin qu'on froisse, non, un soupir. Il observe la Mère blonde, elle lui paraît nauséeuse. Malade en fait. Fortement inquiète en tout cas. Ce n'est pas l'impression que la Mère herboriste donne habitu... Ah non, ça n'est pas Athanasie, c'est l'autre... "Mère parfaite"... Constance ! Une des soigneuses les plus brillantes du Temple, ça ne l'étonnerait pas qu'elle ait bientôt une promotion. A 18 ans... Ca fait un moment qu'il ne l'a pas vue, elle était partie en mission. Où ça ? Ah oui, du côté des Ventfroid, à la demande expresse de la Comtesse. Ce qui lui a fait rater son mariage, d'ailleurs, ça, ça avait fait du bruit. C'est peut-être ça, le souci, son fiancé a refusé de la reprendre. Rooh, ça ne le regarde pas, il replonge dans la lecture de...

Non, décidément, son esprit ne veut pas se reposer, il doit oublier quelque chose. Bon, qu'elle ne l'aime pas, il le sait, elle ne lui parle quasi jamais. Elle préfère perdre du temps à chercher un ouvrage plutôt que de lui poser la question. Quelle perte de temps ! Mais bon, lui l'aime bien, la petite blonde. Pas physiquement, elle est trop maigre déjà, puis il préfère les rousses volcanique ou les brunes pulpeuses. Question de goût ! Non, il l'aime bien parce qu'elle étudie. Beaucoup ! Et c'est une qualité qu'il respecte. Elle recherchait quoi la dernière fois. Allons Aaron, c'est toi qui as rangé ses affaires. Ah oui, des données sur les grossesses multiples. Pour une Mère soigneuse, rien de trop étonnant. Mais elle n'avait pas trouvé les bons ouvrages. Aaron grimace puis se lève et se dirige à pas tranquille vers diverses étagères, prenant bouquins et parchemins et... une pulpeuse poitrine s'appuie sur son bras avant que des lèvres ne se posent sur sa joue. Il n'a pas besoin de tourner la tête pour la reconnaître, mais qu'elle est énervante à se déplacer ainsi à pas de loup. Mère Constance pourra probablement entendre l'échange entre les deux prêtres, mais vu la teneur, il y a fort à penser que la Mère qui s'adresse à Aaron n'a pas remarqué la présence de sa consoeur. Cela vaut mieux, elles ne s'aiment pas.

- Aaron, j'ai quelques minutes de libre si tu as envie de... Oh, je vois, tu as tes priorités, le travail d'abord, le plaisir ensuite... Ne t'étonne pas trop si je te sors la même excuse ou si j'ai à te confesser comment et avec qui j'ai pallié ton absence... Toujours pas ? Tant pis ! Tu sais ce que tu perds...

Et Abigaelle repart aussi discrètement qu'elle n'est arrivée, lentement, car elle sait que son collègue regarde ses fesses. Il aurait tort de s'en priver, la plastique de la Mère est divine à souhait. Même si c'est un peu son seul intérêt. Bon, fin de la contemplation, il poursuit ses recherches et retourne à sa table, sans s'y asseoir, ouvre diverses pages dans les livres qu'il vient de choisir, y glisse des marque-pages puis rédige un petit mot sur un bout de parchemin. Il hésite un peu, se demandant s'il fait bien, puis se décide, prend les ouvrages et se déplace vers la Mère Constance, dépose les ouvrages à côté d'elle, ouvre un parchemin pour y montrer le croquis d'une femme enceinte. Il suffira d'un coup d'oeil rapide à la Mère pour comprendre qu'il lui apporte l'ensemble des données écrites qui se trouvent ici concernant les grossesses multiples. Puis il lui tend le parchemin sur lequel il a écrit et s'en retourne vers sa place.

- Cela me paraît tôt pour envisager une grossesse multiple dans votre cas, mais si ceci peut vous aider...

L'esprit d'Aaron est apaisé, il reprend son étude historique, semblant lire les deux ouvrages en même temps. Si Constance souhaite lui parler, elle sait qu'elle le peut, on le dérange régulièrement pour une information ou une demande de conseil. Si pas, il estimera avoir fait le nécessaire. Quant à Abigaelle, il en a encore pour deux heures, au bas mot. Il verra bien selon son humeur s'il cherchera à la retrouver ou s'il ira inspecter la salle de repos des soigneurs. Cela fait un moment qu'il n'y est plus allé.

Constance était nauséeuse, comme les jours précédents, davantage encore depuis qu’elle avait remis les pieds à Marbrume. L’idée même de continuer à vivre sans Theodren était un poids bien trop lourd à porter sur ses épaules, l’idée même qu’on découvre son précieux secret, du moins la supposition qu’elle en faisait ne pouvait être que désagréable. La blonde ne savait pas quoi faire pour arranger la situation, l’idée de partir commençait à se faire omniprésente dans son esprit, la solitude de son veuvage avait ce petit goût d’amertume, ce petit goût inconnu qui ne laisse rien présager de bon. C’était seule qu’elle découvrait les événements et c’était tout aussi seul qu’elle essayait d’affronter la vie qui se poursuivait. Constance avait mis en place une forme de protection, des vêtements larges, très peu de contact avec qui que ce soit, hormis les fidèles qu’elle ne pouvait guère éviter. La solution du jour c’était donc imposé, naturellement, aller à la bibliothèque pour s’enfermer dans cette bulle bien à elle.

Sur place, la jeune femme n’avait pas semblé réellement savoir ce qu’elle cherchait, son regard s’était un instant perdu sur la silhouette masculine qu’elle avait reconnue. N’avait-elle pas prêté attention à cet homme qu’elle n’appréciait pas forcément, sans réellement savoir pourquoi, une intuition, un petit quelque chose, ou simplement les rumeurs lui prétend une liaison avec Abigaëlle. Toujours est-il que Constance avait fini par se hisser sur la pointe des pieds afin de récupérer des ouvrages sur la grossesse, idéalement sur celle multiple. Chaque mouvement semblait représenter un acte difficile, complexe, épuisant. Son visage devait pâlir à vue d’œil régulièrement, puis reprendre de légère couleur. Les nausées semblaient toujours aussi présentes et gênantes. Dans cet environnement, même peu animé, dévoiler qu’elle n’était pas en forme pouvait la mettre très rapidement en difficulté. Ce qui n’avait d’ailleurs pas tardé à arriver. Aaron avait fini par s’approcher afin de lui remettre une pile de livres, l’ouvrant sur une note qu’il avait laissé. L’information lui fit hausser un sourcil, rapide, mais discret. Constance n’avait guère eu le temps de réagir, de répondre, avait-elle simplement haussé refermée l’ensemble en douceur, avant de venir rejoindre celui qui se permettait d’interférer dans sa supposée vie privée. Elle se pencha doucement vers lui, murmurant simplement de sa voix douce habituelle :

- « C’est une accusation grave, vous devriez vous abstenir, mon frère surtout quand elle est infondée. » elle se pinça les lèvres « Je fais une recherche pour une fidèle, peut-être pourriez-vous m’aider, à défaut de vous glisser entre… » elle avait fait silence, consciente que cela ne lui ressemblait guère « entre les méandres de vos souvenirs pour vos propres recherches. »

Elle tira une chaise, fit une légère pause, furtive. Ses lèvres ne s’étirèrent guère en un sourire comme autrefois. Constance portait le deuil, le ressentait profondément, fallait-il faire bon nombre d’effort pour la voir sourire. À ses yeux, elle n’avait pas menti, avant d’être une prêtresse était-elle une fidèle sérieuse et présente. Cependant, même si pour certain sa réaction avait tout du mensonge, n’avait-elle pas le choix pour préserver sa réputation ? Les solutions miracles n’existaient malheureusement pas. Se positionnant convenablement sur le dossier de la chaise, la blonde réajusta sa coiffure, replaçant quelques mèches qui avaient, semble-t-il décider de se rebeller de ses tresses pourtant parfaitement nouées.

- « Je comprendrais, si vous n’avez guère de temps à m’accorder. » murmure-t-elle plutôt sincère « Que lisez-vous ? » questionna-t-elle curieuse par la suite « Enfin, pour ma problématique donc, c’est une femme fragile qui porte certainement plusieurs enfants, au moins deux. Je voudrais pouvoir déclencher le travail quand elle est en forme… je sais qu’il ne faut pas jouer avec les décisions des trois, mais sans ça, je doute qu’elle parvienne à survivre à l’accouchement. »

Elle laissa ses doigts rouler sur le bois, perplexe. Les césariennes n’étaient pas en visage, la mère dans son état de fatigue ne survivrait certainement pas à un effort trop prononcé, non, la solution était de choisir le moment de l’accouchement au bon moment, mais en faisant ce choix, Constance était entre deux lignes, le bon et le mauvais comportement. Doutait-elle-même que cela soit véritablement possible.

Ah, la petite Mère se lève pour venir lui parler. Autant ne pas la mettre mal à l'aise, il poursuit la lecture de ses ouvrages, il sait que parfois les gens ont du mal à entrer en confession et un oeil inquisiteur peut les faire fuir. Mais c'est tout le contraire, elle se penche vers lui. Pour l'embrasser aussi ? Cela l'étonnerait. Mais il dévie du regard, c'est l'occasion de vérifier si sa Soeur est aussi maigre qu'elle le paraît ou si elle cache deux rondeurs appétissantes. Après tout, il n'y a pas de mal à se faire du bien. Mais son regard plonge directement dans celui de Constance au mot "accusation grave" qu'elle prononce. Il ne voit aucune honte à attendre un heureux événement, d'autant qu'elle était fiancée. Lui même fricote sans être amoureux, alors pourquoi elle, alors qu'un mariage était prévu, n'aurait-elle pas pris un peu d'avance sur la nuit de noces ? Et un accident, ça arrive, sauf si on prend quelques précautions, mais là, il est trop tard pour la conseiller en ce sens. Quand elle dément, il ne comprend pas vraiment, mais mime une bouche fermée à clé. Cela signifie dans l'esprit d'Aaron qu'il n'en parlera pas aux autres. Mais si elle pense que ce signe signifie qu'il n'en parlera plus à elle, cela revient au même. Il lui a signifié qu'il a compris, qu'elle ne veuille pas en parler la concerne. C'est une érudite, elle sait réfléchir et trouver des solutions.

Par contre, il sourit quand elle dit "à défaut de vous glisser entre" et s'attend à ce que la phrase se poursuive par "les fesses d'Abigaelle". Il ne l'imaginait pas grivoise, mais elle se rattrape par une formule étrange et sans grand sens. Ses souvenirs n'ont aucun méandre. Parfois, retrouver une information prend du temps, dans l'immense classeur qu'est son cerveau, mais rien de nébuleux ou de labyrinthique. Tout est bien classé, il suffit de savoir où chercher. Comme dans cette bibliothèque, en somme. Mais comme elle a demandé de l'aide, il ne replonge pas ses bouquins pour faire attention à elle et attend patiemment qu'elle s'installe et lui expose les faits.

Quand il parle d'une de ses patientes enceinte de jumeaux, il réalise sa méprise. C'est bien dans le cadre d'un soin et non pour elle que sa Soeur faisait ses recherches. Il lui montre la couverture d'un des deux ouvrages pour qu'elle sache ce qu'il lisait et comprenne que c'était pour son plaisir personnel et non un travail qui le retenait qu'il lisait, et qu'il était donc disponible pour elle. Et l'exposé qu'elle lui fait est vachement pointu. Il se gratte la joue alors que ses yeux semblent suivre le vol d'une mouche surexcitée, puis griffonne sur un bout de parchemin :

- Prévoyez quand même un boucher sur place ! je reviens...

Et il se lève pour fouiller deux étagères, en tire un livre, qu'il ouvre à une page précise, lit le passage, le referme et le range, puis passe à un autre, l'ouvre à une page tout aussi précise, acquiesce de la tête et le conserve. Sur l'étagère suivant, un parchemin qu'il ne lit même pas. Il n'est pas souriant en revenant, plutôt préoccupé. Visiblement, il a d'autres informations à communiquer, mais étant muet ili va devoir les écrire. Aussi montre-t-il tout d'abord le parchemin parlant de l'huile de ricin, pointant le doigt sur un effet secondaire qui pourrait être problématique, ses priorités laxatives. Mais il n'est pas inintéressant pour la cause et il laissera Constance le parcourir et en tirer les conclusions qu'elle souhaite. Il pose l'autre ouvrage à côté, indiquant à partir d'où il faut lire. Il s'agit du framboisier sauvage, avec quelques indications sur la posologie. Mais pour les deux, il s'agit d'une aide qui ne garantit nullement un accouchement immédiat. Ce sont plutôt deux "facilitants", mais si elle a besoin de précision pour un accouchement dans l'heure, il n'y a aucune garantie. Et si pour le framboisier sauvage, qui serait sa recommandation, on peut être un peu plus certain du résultat, les posologies sont prévues pour un accouchement simple et pas multiple. Pendant que Constance étudie ses données avec son regard de soigneuse, forcément plus affuté que le sien, il rédige et tend son écrit à Constance quand elle est à nouveau disponible pour un échange. Son écrit n'est pas calligraphié, il est allé à l'essentiel et est lisible :

- Aucune donnée pour accélérer un accouchement multiple, les doses doivent être différente. Je présume que jusqu'ici les accoucheuses ont préféré mener la grossesse le plus loin possible, les jumeaux naissant plus fragiles que les enfants uniques. Pas d'étude du col. Les arts médicaux refusent d'étudier l'architecture d'un corps... Vous pourrez me faire un rapport écrit de cet accouchement, avec vos posologies, les informations médicalement utiles sur la patiente ? Cela pourra aider quand un autre cas se présentera.

Le côté scientifique d'Aaron est intéressé par les données. En tant qu'adorateur de Rikni, sa soif de connaissance peut se comprendre. Possible qu'il n'aime d'ailleurs que cela chez les plus inquiétantes des Trois divinités. Il a plongé son regard dans celui de Constance, attendant patiemment sa réponse. Si elle n'a pas ses capacités mémorielles, cela signifierait qu'elle doive faire son rapport juste après l'accouchement, et même en pleine possession de ses moyens, c'est un acte épuisant, physiquement, et il semblerait émotionnellement. Il comprendrait un refus. Des données imparfaites l'intéresseraient moins. Idéalement, il faudrait un clerc pour prendre des notes durant l'intervention, il a soumis l'idée, mais elle a été rejetée. Pour des cas exceptionnels pourtant, ça serait tellement intéressant...

Constance reste relativement calme, plutôt douce dans ses mouvements et si elle a semble-t-il manqué de faire une remarque déplacé, la jeune femme a su se retenir pour rester dans la bonne conduite. Son sourire ne s’est pas dévoilé sur ses lèvres et son regard émeraude cherchait, semble-t-il à percer la carapace qu’elle pensait percevoir autour de son interlocuteur. L’homme n’avait par chance pas insisté sur la question de sa grossesse prétendue, ce qui la soulagea sans que cela ne soit forcément visible. La blonde n’avait pas eu le réflexe d’effleurer son ventre contenant un début de vie, n’avait pas non plus montré une quelconque forme de révulsion à son égard, bien que son comportement plutôt frivole avait toujours eu don de la déranger. Constance était là pour travailler, non pas pour parler d’elle, mais bien pour trouver une solution à problématique qui semble encore trouver un intérêt à ses yeux depuis son retour. Si elle évoque volontiers son questionnement et son inquiétude, sans omettre un détail qui pouvait lui sembler important, elle laissait de côté l’aspect plus intime, plus personnel de la situation. Feuillant les ouvrages, elle ne pouvait s’empêcher de zieuter du coin de l’œil les actions et pensées de son interlocuteur qui, sans même le savoir, tape là où il ne fallait pas avec sa première supposition. Un boucher, oui, elle avait un. Ses lèvres se pincèrent, son ventre lui donna la sensation de se tordre de douleur, si bien qu’une nouvelle nausée avait fini par pointer le bout de son nez. Incapable d’exprimer quoi que ce soit, la prêtresse avait simplement opiné, suivant le départ d’Aaron du regard sans le suivre, sans dévoiler son incompréhension.

Il cherche plus loin, ouvre un ouvrage puis recommence cette même démarche plusieurs fois, la clerc n’a pas bougé d’un centimètre, détaillant simplement les notes qui lui avaient sortis peu de temps avant. La blonde ne semble pas trouver ce qu’elle cherche et commence à se persuader qu’elle désire provoquer l’impossible. Poussant du bout des doigts le tout, la jeune femme semble perdre un peu espoir, allait-elle devoir gérer une grossesse à risque sans aucune solution pour soulager la mère ou les futurs enfants à naître. Quand Aaron revient, Constance récupère le tout, avise, détaille, fronce parfois les sourcils, se pince le nez avant de finalement se détendre doucement. La blonde attrape le mot, prend le temps de lire, sans pour autant réagir immédiatement, cela ne lui semble pas une mauvaise idée, sans pour autant entrevoir un taux de réussite important.

- « Je doute que cela fonctionne pour être honnête, la saison ne permet pas d’avoir ce genre de plantes fraîches, mais je vais essayer et je vous promets de prendre des notes par la suite.» elle se pince les lèvres « L’accouchement de madame Ventfroid n’était pas complexe, avec celui-ci j’ai l’impression d’être dans une difficulté au-dessus… » elle est sincère, un peu inquiète « Auriez-vous des solutions pour des nausées persistantes ? »

Constance avait changé de sujet oui, elle avait rassemblé les notes, les ouvrages pour prendre le temps de recopier ce qui lui semblait important. Elle restait attentive à son interlocuteur, si elle reconnaissait chez lui sa connaissance, sa mémoire, elle déplorait néanmoins énormément son comportement. Ainsi osa-t-elle demander un conseil, sans en dire plus.

- « C’est dommage vous savez, les rumeurs… Sans ça vous seriez un membre beaucoup plus important de notre clergé. Vous ne regrettez pas, jamais ? »

Il observe Constance lorsqu'elle est en pleine réflexion, comme pour deviner ses pensées. Elle est plus lente que lui, mais aux gestes, capable de concentration et d'analyse. Il lui semble que ces vraies qualités sont là et pas tant dans son humanité et sa gentillesse. C'est cela qui en fait une bonne soigneuse, elle analyse et réfléchit avant d'agir, il en est maintenant convaincu. Mais il n'a aucun mal à suivre le cheminement de ses pensées, elle arrivera aux mêmes conclusions que lui. Alors, il se dit que pour l'aider, le plus simple serait de la rassurer. Il récupère le parchemin sur lequel il a déjà écrit et griffonne :

- Risques : Première naissance, constitution faible, bassin étroit, sous-poids, - de 17 ou + de 30 ans

Au moins, elle aura des données "statistiques". Si la future mère a déjà accouché, est plutôt bien bâtie, bassin large, ni trop jeune ni trop vieille, les chances que l'accouchement se passe bien augmente. Il y en a d'autres, l'absence de maladie durant la grossesse, s'il y a eu des pertes ou des saignements et d'autres données mais qui là sont selon lui aussi valables pour les grossesses normales.

Constance pourra remarquer que son visage et son regard s'illuminent quand elle lui dit qu'elle prendra des notes, visiblement, c'était important pour lui. La dernière fois qu'il a parlé de l'architecture humaine, il a eu de gros soucis, cette Soeur semble plus ouverte sur le sujet. Cela vaudra la peine qu'il l'interroge un jour sur certains points nébuleux, et il y en a beaucoup. Il n'est pas surpris quand elle lui exprime ses inquiétudes et lui donne les données "statistiques" qu'il a sur les accouchements multiples. Ca ne signifie rien, une statistique n'est qu'une donnée, car une ado malingre peut survivre à un accouchement multiple et une mère de famille nombreuse pétante de santé y succomber, mais à choisir...

A la question des nausées, il sourit, reprend le bouquin parlant des framboisiers sauvage, tourne plusieurs pages et lui montre l'article sur le gingembre. C'est pas donné s'il faut l'acheter, mais l'herboristerie doit en avoir, la plante a plusieurs qualités médicinales, et les inconvénients sont gérables. Il estime non nécessaire de lui préciser qu'elle devra le prendre en en râpant un peu sur des crudités, puisque c'est noté pour les nausées liées à la grossesse et que c'est la méthode la plus rapide. Au pire, un herboriste pourra le lui confirmer.

Et quand Constance lui parle des rumeurs, il ignore s'il parle de celles le concernant, ou du risque qu'une rumeur coure sur elle, voulant sans doute s'assurer de son silence. Mais l'un dans l'autre, il se fiche des rumeurs, n'aimant que les faits, aussi en réponse hausse-t-il simplement les épaules. Quand elle souligne qu'il pourrait être un membre plus important du Clergé, il fait non de la tête, sans prendre soin de s'expliquer. Il aurait peut-être un titre plus important, mais il se considère déjà comme important. C'est le maître d'oeuvre, ça a plus de valeur à ses yeux qu'un autre poste qui l'éloignerait de ses passions, pour des études sans doute plus théologiques mais pas forcément plus intéressantes. Puis être haut prêtre ne lui ferait pas perdre sa mutité.

Alors, a-t-il des regrets ? il grimace, hésite. C'est une question difficile. Alors, oui, parfois ! Parce que sa réputation aiderait sa famille. Cela donne du prestige. Mais il renonce à l'expliquer. Puis du doigt, il montre la direction vers les bureaux des hauts prêtres et fait non de la tête. Et du regard, il jette un oeil aux quatre coins du le bibliothèque et émet un soupir de bien-être. Il est heureux en bibliothèque, cela lui suffit. Dans d'autres lieux, il ne serait pas aussi heureux. C'est aussi simple que cela, finalement.

Cette discussion était intéressante à ses yeux, mais la Soeur soigneuse a des soins à faire pour elle et sans doute des notes à prendre, et lui a envie de reprendre son étude. Il sourit à Constance, la salue d'un signe de tête et reprend la lecture de ses bouquins.