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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyJeu 22 Nov 2018 - 22:16


~ 10 Janvier 1166 ~

[Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] Sans_t12

Sydonnie venait d’émerger de sa nuit de sommeil, comme souvent celle-ci fut courte et ponctuée de ses sombres cauchemars. C’est brusquement, avec un front en sueur qu’elle s’était réveillée, ouvrant ses prunelles, détaillant ce plafond qu’elle devait connaître sur le bout des doigts. Ses draps n’avaient définitivement plus l’odeur de son banni et le peu de vêtement qui lui restait de lui avaient été tellement portés, qu’il ne lui apportait plus le moindre réconfort. Difficilement, celle à chevelure de jais s’était relevée, s’enroulant dans ce drap bien trop solitaire pour elle, imprégné de souvenir passé dans les bras d’un autre homme, d’un prêtre, qui, se le répétait-elle à chaque fois, n’était qu’un passe-temps d’un soir. Passe-temps qui devenait régulier tout de même, n’avait-elle pour autant pas le moindre sentiment amoureux à son égard, la relation ne lui permettait que d’oublier quelques minutes seulement à quel point elle pouvait être seule. Grimaçant, elle avait abandonné le tissu protecteur sur le sol, ouvrant les portes de son armoire pour enfiler sa tenue désormais habituelle. Un pantalon, une chemise, un corset quand elle n’était pas en service.

Aujourd’hui, la milicienne n’était pas attendue dans la caserne, sa coutilerie était libre de toute occupation, du moins en apparence. Sydonnie avait dans l’idée d’essayer de s’occuper l’esprit, ainsi avait-elle commencé par arranger la demeure jusqu’au milieu de matinée, avant de constater qu’elle n’avait plus de quoi préparer le moindre repas. Un bref soupir lui avait permis de repousser l’idée de rentrer visite à son prêtre. Pas de dépendance s’était-elle répété oralement à deux reprises. Attrapant une petite paniette, celle de sa mère. Juste avant de partir la femme d’armes avait enfilé son long manteau. Dehors la fraîcheur lui piqua les joues, tout comme son nez qui avait dû très légèrement virer au rouge. Rapidement, elle avait pris la direction du marché, elle ne voulait pas faire beaucoup d’achat juste de quoi préparer son repas du jour. Comment souvent, elle s’était laissé un peu emporter par la foule, dévorant les différents petits stands des vendeurs des yeux. En hiver, les étales étaient moins chargés, plus maigres, c’est que faire pousser des légumes en hiver ce n’était pas très courant. La viande était onéreuse, même pour la coutilière. Comme souvent, son choix s’était dirigé vers quoi faire un potage, quelques légumes, un maigre morceau de viande pour se donner l’illusion de s’être fait plaisir.

Tout aussi naturellement, elle avait réglé avant de laisser son regard vagabonder sur les différentes têtes des quelques visiteurs, à cette heure-ci, la fréquentation était importante, sans réelle distinction de condition. Les têtes habituelles, des moins habituelles et cette femme de dos à la chevelure aussi sombre que la sienne, se dirigeant visiblement difficile dans la foule. La silhouette fit sourire la milicienne, qui sans l’ombre d’un doute pressa le pas pour venir déposer sa main sur l’épaule de la jeune fille.


- « Bonjour Ombeline » fit-elle plutôt joyeusement, sincèrement heureuse de croiser son amie « Je ne m’attendais pas à te trouver ici, est-ce que tu as besoin d’aide ? »

Rabattant la petite panière contre son torse, pour éviter de prendre trop de place, la milicienne fut légèrement soulagée de croiser celle qui ne pouvait pas voir, égoïstement cela lui évitait de devoir justifier sa mine plutôt fatiguée. Glissant sa main sous son bras, pour la guider, elle n’avait pas pu s’empêcher de faire une légère pression pour lui confirmer sa présence à son côté, pour lui indiquer où elle se trouvait exactement. Avec son accord elle l’entraîna un peu sur le côté, poursuivant simplement la conversation.

- « Tu as un peu de temps ? Je pensais te voir me rendre visite maintenant que tu sais où j’habite, tu sais la maison dans la hanse, avec le prêtre ? Il te reste des achats à faire ? »



Dernière édition par Sydonnie d'Algrange le Sam 22 Déc 2018 - 19:13, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyVen 23 Nov 2018 - 18:08
Auréolée par la foule toujours en mouvement, Ombeline se fiait à ce qu’elle entendait pour savoir quel stand devait attirer son attention. Comme chaque fois qu’elle faisait le marché son panier n’était pas particulièrement rempli, mais au moins elle se mêlait à l’activité de la ville plutôt que de demeurer cloîtrée dans la Balsamine. Avec tout ce monde en train de faire des aller-retour, ces petits groupes qui jacassaient tandis que d’autres s'attroupaient autour d’un étal, la jeune femme avait du mal à évaluer les distance et ne heurter personne. Souvent on la bousculait et elle avait à peine le temps de voir une silhouette floue passer à côté d’elle que déjà une autre la doublait ou se dressait sur sa route. Précautionneuse et surtout très habituée à cet exercice, elle naviguait avec une voilure réduite pour éviter les plus gros écueils.

La main sur son épaule lui fit à demi tourner la tête, plus pour tendre l’oreille que pour voir le visage de la personne qui l’interpellait. La voix de Sydonnie lui tira un sourire et se laissa prendre bras-dessus bras-dessous en toute confiance.

Bonjour jolie Sydonnie, j’en ai de la chance de tomber sur toi ! Si je pouvais compter sur toi pour éviter de foncer encore dans quelqu’un je t’en serais drôlement reconnaissante, répondit-elle avec un gloussement en se rapprochant encore de la milicienne pour esquiver un groupe de badauds.

Sa compagne enchaîna immédiatement avec deux questions et une information de taille qui laissèrent Ombeline un peu coite avant de la faire rire. Quel empressement ! Les dieux devaient vouloir cette rencontre puisqu’il semblait que c’était exactement ce dont avait besoin la brunette. Ravie de se faire kidnapper de la sorte par son amie, la fleur de trottoir hocha la tête.

Bien sûr ! Je suis toute à toi, je n’ai rien de bien spécial à acheter de toute façon.

Tout au plus avait-elle acheté une pomme un peu farineuse et une petite figure en bois représentant un cerf. L’objet n’était pas plus grand qu’une paume de main mais elle avait trouvé l’odeur du bois agréable et le polissage de chaque angle avait conquis la sensibilité de ses doigts. Elle possédait déjà une très jolie figurine de bois du même commerçant représentant une sirène et peut-être un jour dépenserait-elle assez d’argent pour s’offrir une représentation de Rikni, la protectrice de toutes ses nuits.

Je vois que cette ville est vraiment minuscule : si je m’attendais à ce que le prêtre qui m’a aidé l’autre jour soit aussi une connaissance à toi ! Je n’avais aucune idée qu’il s’agissait de ta maison, il n’est pas particulièrement bavard le bougre, fit-elle avec un sourire en coin. Peut-être que l’on devrait trouver un endroit plus tranquille que le marché si tu veux discuter. Pourquoi pas chez toi justement ? À moins que ton silencieux ouvrier ne s’y trouve, bien sûr.

Guidée par Sydonnie, l’aveugle pu traverser la marée humaine sans encombres. Elles finirent par s’extraire de la foule pour retrouver un peu de calme et moins d’oreilles indiscrètes.

Alors, comment vas-tu depuis ce fameux paris ? Les autres t’embêtent toujours autant ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptySam 24 Nov 2018 - 2:57


- « Est-ce que cela ne s’appellerait pas la technique du rentre-dedans, ce que tu essaies d’éviter ? » souffle la brune dans un petit rire.

Si la milicienne semblait détendue, ce n’est dû qu’à la présence de la femme de joie, Ombeline était un peu particulière pour la coutilière, sans qu’elle n’identifie clairement pourquoi. Elle ne pouvait pas réellement l’intégrer dans une relation amicale tout en ayant conscience qu’elle était devenue plus qu’une simple connaissance. La présence celle qui ne voyait plus grand-chose lui apportait un peu de réconfort, l’espoir d’un jour pouvoir affirmer ses choix sans regret, d’un jour pouvoir assembler la femme d’arme et la femme tout court. Sydonnie avait balayé sa pensée d’un petit mouvement de tête, préférant évoquer non pas sans humour le fait qu’elle avait un ami commun, le prêtre Aaron Clay. L’acceptation d’avancer un peu ensemble, de bavarder avait quelque chose de soulageant pour la plus âgée des deux, une manière pour elle d’oublier un peu toutes les émotions qui pouvaient l’assaillir, lui brouiller les pensées. Resserrant ses doigts sur l’avant-bras de la prostituée, Sydonnie n’avait pu que l’emporter un peu plus loin, s’éloignant de la foule pour emprunter le chemin menant à sa propre habitation.

Curieusement ou plutôt par habitude, celle à la chevelure de jais n’avait pu s’empêcher de détailler les achats, enfin l’unique achat de cette connaissance améliorée, affichant un sourire devant la représentation de la petite statuette, intérieurement, la milicienne s’était promis de lui offrir celles manquantes, un jour. Avançant lentement, Sydonnie n’avait pas pu s’empêcher de partir légèrement dans ses pensées, percevait-elle Ombeline comme celle qui pourrait l’écouter sans jamais juger ? Naturellement, elle avait resserré un peu son emprise, s’autorisant un petit rire furtif, mais néanmoins sous-entendant bien des arrières pensés.


- « Je l’ai vu hier, je doute qu’il passe deux jours de suite. Dans les pires des cas, si m-le prêtre Clay est là, cela sera l’occasion de partager une infusion à trois » elle l’avait entraîné jusqu’à la sortie du marché de la hanse « Il n’est là que le temps de quelques travaux normalement, ta présence lui a valu quelques remontrances »

Elle laissa un petit silence, prenant le temps de réfléchir à la dernière question de son interlocutrice, la coutilière s’était imaginé volontiers tout lui raconter sans le moindre tabou, mais alors qu’elle avait voulu, rien ne s’était extirpé de ses lèvres. Ombeline avait dû ressentir la légère angoisse de la milicienne, qui secoua simplement et encore une fois la tête, préférant rebondir sur la rivalité qu’elle pouvait avoir avec ses collègues.

- « Je te mentirai plus que largement si je te disais que tout va très bien » elle soupira « Ma coutilerie a tendance à se faire un peu trop repérer en ce moment. Enfin, je suppose que si tout était trop calme, je m’ennuierais n’est-ce pas ? Quant à mes collègues ou supérieurs, oserais-je te dire que rien ne change…. Enfin, suffisamment parlé de moi, et toi, si tu prenais le temps de me parler et de me raconter ta raconte avec notre ami commun ? »

Les pas du duo avaient dû se faire relativement rapides, puisque déjà, la porte de la demeure se dressait devant elles. Abandonnant un instant la proximité de la jeune femme pour déverrouiller l’entrée, elle était rapidement venue lui reprendre le bras pour l’accompagner à l’intérieur et fermer une nouvelle fois la porte derrière elles. Une fois dedans, elle relâcha entièrement son invitée, l’habitation n’était ni trop grande, ni trop petite pour qu’elle risque quoi que ce soit. La pièce était large, composée en son centre d’une chemisée, sur la droite un petit coin salle à manger, avec une table et des chaises, de quoi ranger les éléments de cuisine. Sur la gauche, un petit coin salon, des canapés, une petite bibliothèque qui contient beaucoup plus d’objets de décorations qu’autre chose. Entre les meubles suffisamment d’espace pour se mouvoir. Au fond, des escaliers pour monter jusqu’aux chambres et à la salle d’eau.

- « Fais comme chez toi, je vais mettre un peu d’eau à chauffer. » Elle se pinça les lèvres une fraction de seconde « Dis-moi Ombeline, puis-je te poser une question indiscrète ? » elle attendit un signe une réponse, avant de poursuivre « Comment fais-tu pour ne pas t’attacher à tes clients, je veux dire, tes habitués ? Tu ne ressens jamais rien pour eux ? »

Si la question pouvait paraître n’avoir aucun fondement, en réalité dans l’esprit de la milicienne elle prenait tout son sens. Mettant de l’eau à chauffer, sortant deux tasses, Sydonnie semblait particulièrement à l’écoute de son interlocutrice. Tirant une chaise, la milicienne préparait un coin idéal pour celle qui ne voyait pas, tout en faisant en sorte de lui laisser son autonomie la plus complète.

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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyDim 25 Nov 2018 - 2:39
Si elle était un peu déçue d'apprendre que rien n'allait vraiment mieux, Ombeline n'était cependant pas vraiment surprise. Il faudrait sans doute plus pour changer l'état d'esprit de quelques miliciens cabochards. On ne leur demandait pas de penser à l'envers tout de même, juste d'apprécier à sa juste valeur une combattante qui exerçait le même métier qu'eux, mais ça devait être encore trop pour certaines têtes de pioche comme Gauvin. Celui-là elle ne risquait pas de l'oublier. Et puis de l'autre côté du panier il y avait ceux qui permettait d'avoir encore un peu fois dans le genre humaine et dans le sexe masculin, comme Ernold. Puis juste au milieu se trouvait les bizarreries comme Rémi Asselin. Impossible à classer, il était bien trop excentrique.
La question fit sourire Ombeline qui s’exécuta avec plaisir.

Une histoire sans doute très bête. Je revenais du marché et en arrivant à la Hanse, une foule paniquée remontait la rue et criait au fangeux. À cause des massacres dans le quartier, personne n'est très raisonnable quand on brandit la menace des fangeux. J'ai eu peur et je me suis laissée entraîner malgré moi jusqu'à être un peu perdue. Aaron était littéralement sur mon chemin, je l'ai percuté sans le remarquer à temps et il m'a évité d'être plus bousculée. Je t'avoue qu'être coincée de force sous un porche par un grand type qui ne parle pas, j'ai pensé au pire, s'esclaffa-t-elle en revivant la scène. Mais un milicien est passé après la cohue et a reconnu sa tenue de prêtre, ça m'a mit sur la piste. Après ça je lui ai simplement demandé de me ramener dans la grande rue des Hytres, pour pouvoir rentrer par moi-même.

Histoire passionnante. Mais elle voulait bien faire acte d'honnêteté maintenant qu'elle savait que c'était chez Sydonnie qu'on l'avait emmené par surprise. La milicienne n'avait sans doute pas été enchantée d'apprendre qu'on avait introduit une étrangère chez elle, la pauvre.
Elles parvinrent d'ailleurs jusqu'à la demeure de cette dernière et effectivement, l'agencement des meubles dans la pièce principale respectait à la lettre le souvenir de la malvoyante. Se dirigeant d'instinct vers la table qui se trouvait proche de la cheminée, à la recherche d'un peu de chaleur, Ombeline se défit de son châle et posa son panier au pied de la chaise qu'elle prit pour ne pas être dans le passage. La boisson chaude était une très bonne idée.

Il régnait ici une tiédeur agréable qui lui picotait les orteils et les doigts. L'hiver n'était pas vraiment rude à Marbrume, la mer adoucissant toujours les températures, mais il faisait une humidité désagréable qui vous rentrait dans les os et vous glaçait de l'intérieur. Les plus vieux habitants souffraient beaucoup durant la saison froide, leurs articulations usées mises à rude épreuve par le temps. La jeune femme n'était pas du genre frileuse, sans doute habituée à se promener avec peu de vêture quelle que soit la saison, mais elle devait reconnaître que le vent venu de la mer et le froid avaient souvent raison de ses extrémités lorsqu'elle allait vadrouiller dehors.
Attentive à la question, elle inclina légèrement la tête sur le côté pour prêter une oreille bienveillante à la question de son amie, qu'elle sentait un peu incertaine du terrain sur lequel elle s'aventurait. Un sourire en coin lui étira les lèvres.

Bien sûr que je m'attache à eux. Tout comme eux s'attachent à moi, dans un sens.

Elle joignit les mains pour les frotter doucement et les réchauffer plus vite.

Tu ne peux pas rester indifférente à quelqu'un qui partage ta couche régulièrement. Même si c'est contre de l'argent. Soit tu te mets à détester la personne, si elle te traite mal, soit tu finis par avoir de la sympathie ou de la tendresse pour elle. C'est quelque chose de normal, répondit-elle d'une voix douce. Depuis deux ou trois ans, j'ai un client qui vient presque toutes les deux semaines. Il est marié pourtant, mais il trouve avec moi un moment de calme qu'il ne doit pas avoir chez lui. Il me parle de sa femme, qu'il aime toujours figure-toi, de ses enfants qui grandissent malgré les temps difficiles. Il me parle de la pêche, des problèmes de son bateau, de ses craintes et de ce qu'il espère pour l'avenir. Je commence à bien le connaître et j'attends maintenant ses visites. Je prends des nouvelles de sa famille.

L'expression de la jeune femme était emprunte d'une tendresse sincère. Son regard était perdu quelque part dans les flammèches de l'âtre et sans doute pensait-elle à ce client dont elle taisait le nom, à ce qu'ils partageaient. Ce n'était pas évident de mettre des mots justes sur ce qui lui semblait naturel après tout ce temps et qui pourtant offenserait la plupart des gens bien.

Il n'est jamais mauvais avec moi, jamais brutal, il s'inquiète de ma santé et de mon humeur. Comment pourrais-je rester indifférente après tout ce temps et tout ce qu'il me dit ? Je ne conçois pour lui aucuns sentiments amoureux et s'il venait me dire qu'il ne pourra plus jamais me voir, je n'aurais pas de chagrin. Ce n'est pas vraiment un ami, mais ce n'est plus un inconnu. Il fait partie de mon quotidien.

Elle haussa les épaules l'air de dire "c'est comme ça" et quitta son air rêveur pour recentrer son attention sur Sydonnie. De la milicienne elle ne percevait que la silhouette et des couleurs qui se brouillaient, mais elle savait encore distinguer le visage d'une chemise. Sans doute ne la regardait-elle pas tout à fait dans les yeux, mais au moins elle la regardait. C'était moins perturbant pour son interlocutrice, elle le savait. Personne n'était très à l'aise lorsqu'elle fixait le vide.

Tu pensais que je ne voyais mes habitués que comme des porte-deniers avec des jambes ? demanda-t-elle avec un petit rire.
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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyLun 26 Nov 2018 - 1:00


Évitant soigneusement les quelques piétons que le duo pouvait encore croiser, la milicienne écoutait non pas sans une certaine attention les dires de sa compagne du moment. Si son questionnement n’avait pas eu pour fondement de comparer les deux récits, elle ne put néanmoins pas s’empêcher de le faire, déformation professionnelle. Les lèvres de la coutilière avaient dû s’étirer en un sourire, satisfaite de réaliser que l’homme de foi ne lui avait guère menti. Était-il bien venu en aide à Ombeline l’accompagnant dans sa demeure pour la mettre à l’abri, mais aussi pour faciliter la conversation. Son âme de femme d’armes lui avait murmuré qu’elle devait absolument tirer cette histoire d’alerte aux fangeux au clair, puisque hormis via les deux protagonistes elle n’en avait nullement eu vent. Fronçant les sourcils, elle n’avait pu retenir un léger soupir, persuadée que des hommes un peu fatigués par la charge de travail avaient dû sans aucun doute étouffer cette affaire.

- « Une rencontre surprenante en effet, semble-t-il toujours être là où il faut, quand il le faut. Heureusement que tu ne l’as pas agressée, tu aurais réussi à te mettre le temple sur le dos » tenta-t-elle de plaisanter.

Si la voix de la milicienne n’avait laissé entrevoir aucun reproche, ironie ou insatisfaction, elle n’en restait pas moins toujours un peu déstabilisée par l’idée qu’une possible parfaite inconnue foule le plancher de sa demeure sans son autorisation. Fort heureusement, l’inconnue ne l’était définitivement plus. Accompagnant la fleur de trottoir jusqu’à sa maison, poussant la porte pour la faire entrer, elle l’avait relâché pour la laisser s’épanouir comme elle l’entendait. Il était toujours un peu douloureux de nommer l’habitat comme son chez elle, était il y a encore quelques mois à sa défunte mère. Le crépitement du feu rendait la pièce suffisamment chaude pour être agréable et une fois la porte d’entrée fermée ne restait-il plus le moindre courant d’air. Les tasses s’étaient rapidement retrouvées sur la table, les plantes à l’intérieur, rien de très fort, juste de quoi donner un peu de goût à l’eau chaude. La question avait semblé surprendre la fleur de trottoir, du moins, c’est ce qu’avait pu percevoir Sydonnie sur son visage, un petit sourire en coin, une légère réflexion et elle s’était lancée dans la réponse.

Récupérant de l’eau chaude, la plus ancienne des deux avait fini par déverser le liquide dans les récipients, non pas sans écouter d’une oreille particulièrement attentive les propos tenus. Poussant du bout des doigts la tasse vers Ombeline, la milicienne avait fini par s’installer sur une chaise pas très loin de la cheminée. Croisant ses jambes, tirant une autre chaise pour la rapprocher et déposer le bout de ses pieds dessus. La première affirmation sembla déstabiliser d’Algrange, qui ne parvenait pas à se l’expliquer, pour la femme de joie, l’attachement était inévitable, n’était-ce pas tout le contraire qu’elle avait imaginé jusque-là ? Une légère grimace avait fini par déformer son visage, léger, furtif, invisible pour son interlocutrice. Les lèvres jointes, elle avait enroulé de ses doigts sa propre tasse, savourant la chaleur de celle-ci sur les paumes de ses mains. La jeunette avait fini par poursuivre son explication, utilisant des mots simples, mais dont le sens laissait plutôt dubitative la milicienne. C’était presque frustrant pour celle qui n’avait de cesse de se répéter que jamais Aaron n’aurait la moindre importance à ses yeux, oui elle avait fini par s’auto persuadée qu’elle aurait toujours le dessus sur la situation, qu’elle restait commandante de cette histoire et non un pion. A trop jouer, n’allait-elle pas finir par se perdre ?

Les lèvres de celle à chevelure de jais, c’était pincé, un brin contrariée, ne parvenait-elle pas clairement à se décider, à trancher. La milicienne avait fini par froncer les sourcils, consciente de la sincérité des propos de son amie. Difficile pour elle de trouver un juste milieu, difficile de savoir vers quoi elle se dirigeait. Prenant une légère inspiration, elle fut gênée par la question qui clôturait plus ou moins ce premier aspect de la conversation. Détaillant le visage et le regard d’Ombeline, Sydonnie fit silence, ne sachant pas réellement comment rebondir.


- « Oh non, non, pas du tout… Je me demandais comment tu te protégeais pour éviter l’attachement… Je ne suis pas convaincue que ce soit une bonne chose, pour être honnête. Je voulais comprendre. »

Resserrant ses doigts sur son récipient, la jeune femme semblait un peu confuse. Sa relation physique avec le prêtre était à leurs balbutiements et déjà, la coutilière n’était pas convaincue de pouvoir s’en passer, comme une dépendance, il était son unique moyen d’oublier un instant seulement que tout n’était pas si convenable dans son existence. Avalant une gorgée, celle à la chevelure de jais semblait réfléchir, hésiter, pouvait-elle parler à Ombeline sans gêne aucune ? Sydonnie n’en était pas encore convaincue, pourtant la situation commençait à la ronger, à la déranger.

- « N’as-tu jamais été amoureuse, Ombeline ? Tu dois trouver mes questions étranges… Je suis désolée… Je crois que je suis un peu perdue en ce moment » souffla-t-elle dubitative « Cette maison était la demeure de ma famille, comme tu le sais, j’ai perdu mère il y a peu, j’ai donc hérité du commerce et de la maison. » elle se pinça les lèvres « Mère aurait voulu que je sois la digne héritière de notre famille avec tout ce qu’il va avec… Suis-je beaucoup plus douée dans le domaine des armes, du combat que dans celui des relations… C’est pitoyable pour une femme, non ? »

Une nouvelle fois, un soupir avait fui ses lèvres. Si Sydonnie était bien à la ramasse dans un domaine c’était celui des relations. Avait-elle toujours jusque-là imaginé rester seule toute sa vie, puis il y avait eu Chris, un amour sincère et partagé, malheureusement il était banni et quand elle avait fini par renoncer elle c’était juré de ne pas retomber dans le piège… Et puis maintenant ? Maintenant il y avait cette relation avec un prêtre, très certainement pour les mauvaises raisons. Fallait-il encore se l’avouer, faire le lien entre les ressemblances. L’accord était pourtant simple, se faire du bien et repartir, personne ne se devait rien. Avalant une nouvelle gorgée de son infusion, la milicienne semblait en pleine réflexion, son regard fixait un point imaginaire quelque part dans les flammes, puis de nouveau sur le visage d’Ombeline. La coutilière n’avait pas l’habitude de se confier, encore moins de parler d’elle, alors évoquer un événement dont elle avait plus ou moins honte, sans pour autant le regretter et qui surtout pourrait mettre à mal sa réputation n’était pas envisageable, pas facilement du moins.

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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyLun 26 Nov 2018 - 16:07
La formulation de la réponse de Sydonnie en disait long sur ce qu’elle percevait de l’attachement et des relations humaines. Ombeline prit sa tasse sans rétorquer immédiatement, plus attentive au discours de son amie. Le choix des mots avait une importance toute particulière que l’on reléguait souvent au second rang et qui pourtant en disait long sur celui qui les prononçait. Ce qu’elle entendait là c’était surtout une sacrée dose de méfiance envers les autres. Peut-être qu’à force d’être coincée dans un panier de crabe, la milicienne en était venue à se sur-protéger des autres pour éviter d’être touchée par ce qu’on pouvait dire ou penser d’elle… C’était la seule explication qu’Ombeline trouvait à cette attitude somme toute inédite à ses yeux.
La jeune femme s’excusa pour sa curiosité et le sens confus de son discours, expliquant qu’elle se trouvait dans une période où elle se sentait désorientée. Que pouvait-il bien lui être arrivé pour qu’elle se questionne autant ?
Ombeline pencha de nouveau la tête sur le côté, les mains bien serrées autour de sa tasse chaude.

Tu as rencontré quelqu’un ?

La question lui était venue sans qu’elle y réfléchisse vraiment, comme une suite logique de ce qu’avait dit Sydonnie. Un court silence suivit cette question avant qu’elle ne reprenne.

Je ne vois pas pourquoi je devrais me protéger contre l’attachement. Ce n’est pas une maladie mortelle ou un animal dangereux tu sais… Et je ne comprends pas non plus pourquoi une femme se devrait d’exceller dans les relations aux autres. N’y a-t-il aucun homme qui soit excellent dans le commerce et la relation à ses clients ?

La question était évidemment purement rhétorique, mais elle avait le mérite de remettre les choses dans l’ordre. La perception de la femme d’arme était-elle si étriquée ?

Je crois que tu te fais des noeuds dans la tête où il ne devrait pas y en avoir, ma belle, fit Ombeline avec un sourire en coin. Je crois aussi qu’il vaut mieux une excellente femme d’arme plutôt qu’une piètre commerçante, quoi qu’en disent les bonhommes de la caserne. Pourquoi tu les écoute, ces imbéciles ? Ils n’ont rien de bon à t’apporter s’ils ne sont pas capables de reconnaître ta valeur. N’écoute que ceux qui acceptent qu’une femme puisse être aussi forte qu’eux !

Il ne devait pas y avoir qu’Ernold tout de même. Du moins elle l’espérait vraiment parce que sinon, la situation était bien triste. Il avait fallu la fin des Hommes pour que l’on accepte que les femmes se batte, mais ce n’était pas encore assez pour qu’on leur donne du crédit, apparemment.

Moi j’ai pas eu le temps de tomber vraiment amoureuse, je crois bien. Faut dire que pour séduire une fille comme moi, soit il faut trois fois rien, soit il en faut trois fois plus qu’avec une autre. S’pas comme si on pouvait compter sur ma frustration de vierge pour essayer de m’attraper ! dit-elle sans prendre de gants, dans un haussement d’épaule. Mais ça serait mal si je tombais amoureuse, tu penses ? Ou est-ce que ça ferait de moi une femme un peu plus normale et un peu plus fréquentable ?

La question était volontairement à double tranchant. Si son amie voulait tourner autour du pot, grand bien lui fasse, mais Ombeline préférait le franc-parler et les mots justes. Ses histoires d'amour n'étaient certainement pas la raison pour laquelle elle se trouvait ici.
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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyLun 26 Nov 2018 - 23:12


— Tu as rencontré quelqu’un ?

La question avait eu un impact non négligeable, comme suspendu dans l’air, comme un coup de fouet violent sur son subconscient. Jamais. Le mot c’était immédiatement imposé dans son esprit, jamais elle ne chercherait à remplacer Chris à avoir une autre personne que lui dans sa vie. Qui pouvait bien être Aaron, l’homme avec qui encore elle partageait un moment intime la vieille dans son bureau à la milice. Le souvenir étira ses lèvres en un sourire, sans empêcher pour autant une multitude de doutes l’assaillir. Était-elle en train de trahir Chris, de le tromper, était-elle prête ? N’était-ce réellement que physique ? Oui, parce que jamais elle n’aurait de sentiment pour lui, jamais. Le mot se ricochait dans sa tête, lui offrant presque une migraine, ses yeux c’étaient brouillé et son rythme cardiaque avait doublé, comme à chaque fois que l’ombre de son banni venait planer sur elle. La voix d’Ombeline l’avait douloureusement ramené dans la réalité, Sydonnie avait légèrement froncé les sourcils, il n’était pas question d’apparence, ni de la place de l’homme ou de la femme. Réellement de ce mot qu’elle haïssait l’attachement et ses formes, ce qui entraîne l’absence, le manque la dépendance, la tristesse, le deuil.

Plus son interlocutrice évoquait les choses, plus les sourcils de Sydonnie se fronçaient et plus elle semblait confuse dans ses pensées et ses envies. Pourquoi Ombeline évoquait l’importance des apparences ? Et puis cette révolte avait quelque chose de touchant, d’agréable, cette manière dont la malvoyante s’offusquait, se révoltait était agréable. La milicienne avait fini par étirer ses lèvres, simplement, avant d’être une nouvelle fois profondément attristée par les dernières paroles de la fleur de trottoir. Cherchant à se détendre la coutilière attrapa sa tasse pour avaler une gorgée, alors qu’elle avait fini par se relever pour se positionner devant Ombeline, plaçant une main sur chaque épaule et plongeant dans son regard presque vide, qui ne lui permettait pas de tout distinguer.


- « Je te souhaite le plus sincèrement du monde de tomber amoureuse Ombeline, d’aimer et d’être aimé, de vivre à travers un regard et d’avoir de l’importance pour une autre personne que toi. Être dans un autre cœur, avoir une sensation de manque, ce sont des choses agréables… Cela ne ferait pas de toi une meilleure personne ou une moins bonne personne ma jolie »

Sydonnie avait fini par relâcher les épaules de la femme de joie, non pas sans émettre une légère pression et sans passer une main sur le visage de son amie pour replacer une mèche indomptable. S’éloignant de quelques pas, croisant les bras sous sa poitrine, se reculant pour finalement faire face à la cheminée, la femme d’arme avait fini par oser se livrer :

- « Je me suis toujours moquée des pensées des autres tu sais, les apparences, ce qu’on peut penser de moi… Si cela avait eu de l’importance à mes yeux, je ne serais pas milicienne ni coutilière. La vie oblige à faire des choix… As-tu déjà dû choisir entre l’amour de ta vie et l’aspiration de ton existence ? » elle soupira doucement « J’ai dû choisir et aujourd’hui, je pense que j’ai perdu bien plus que ce que je pensais… Alors non, je n’ai personne dans ma vie. Enfin, pour être franche, cela dépend ce que tu entends par avoir quelqu’un dans sa vie. »

La vérité c’est que Sydonnie était terrifiée par l’idée de s’attacher, de trahir, de souffrir encore. Comment pourrait-elle admettre désirer plus que de raison un banni, comment pouvait-elle envisager et accepter cet état de fait ? Essayait-elle de l’oublier dans les bras d’un autre, essayait-elle de s’améliorer réellement, mais peut-on simplement passer sous silence ce qui nous a fait vibrer intérieurement d’une force aussi démesurée.

- « Je ne suis pas aussi fermée d’esprit que ça » fit-elle dans un demi-rire « J’admire ta confiance en toi, ta façon de donner du plaisir, de dire les mots sans réfléchir, j’admire cet aspect sans tabou dont tu te défais si facilement… Ce n’est pas si simple, malheureusement. » Elle fronça les sourcils « Je suis une grande coutilière, je le pense sincèrement, mais… » la vision de Chris, de sa propre séance de torture « Mais je suis une piètre femme et ça me manque, d’être autre chose qu’une coutilière, de n’avoir personne qui m’attend quand je rentre le soir, de parler… Ne rêves-tu pas d’autre chose, d’avoir ton métier et ta vie à toi ? »

Et si maintenant elle lui disait qu’elle essayait d’oublier dans les bras d’un autre, du prêtre ? Est-ce qu’elle la jugerait ? Est-ce qu’elle pourrait l’aider à comprendre pourquoi elle agissait ainsi ? Et puis soudainement, ce fut cette phrase qu’elle avait prononcée plus tôt.

- « Qu’est-ce que tu recherches chez un homme Ombeline, tu dis que tu n’as pas vraiment eu le temps, mais je crois qu’en réalité cela nous tombe un peu dessus… Tu ne penses pas ? Enfin, il y a toujours les autres relations, celle physique » elle haussa les épaules, simplement « Je crois que j’ai fait une erreur… et je ne sais même pas pourquoi je te dis ça, peut-être que tu ne me jugeras pas toi, pas parce que tu es femme de joie, non… Mais je ne sais pas, j’ai besoin d’honnêteté et je sais que tu es comme ça. Si je te disais que j’avais une relation juste physique avec un prêtre, ça serait fou, non ? Je dérive complètement. »

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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyDim 2 Déc 2018 - 15:21
Le souhait de Sydonnie la toucha. On ne lui avait jamais souhaité autre chose que de s’en sortir et à choisir, elle préférait qu’on lui souhaite de l’amour et du bonheur plutôt qu’un vague « s’en sortir ». Elle doutait qu’un jour elle puisse sincèrement tomber amoureuse, consciente de la désillusion dont elle était victime depuis déjà bien longtemps, mais c’était un espoir plutôt agréable quand même.

Le trouble de son amie l’intriguait beaucoup. Elle l’écoutait parler, beaucoup, évoquer à demi-mot des souvenirs ou des pensées sans jamais aller au bout et en s’éparpillant dans tous les sens. Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure : elle voulait parler de quelque chose mais n’osait pas ou ne savait pas comment. Ça peinait à sortir, ça se retournait dans tous les sens et finalement, alors que la jeune femme pensait que la coutilière allait perdre son souffle à force de chercher ses mots, la question tomba finalement sur la table comme une bille de plomb. La surprise fut si grande pour la belle-de-nuit qu’elle haussa, malgré tout, les sourcils bien haut, prise de court. Un prêtre ? Sydonnie voyait un prêtre et se torturait avec ça ? Voilà qui n’était pas commun, comme affaire.
Prenant le temps de réfléchir, Ombeline leva sa tasse avec un « mmh. » un peu perplexe. Les détails de l’histoire tenaient encore du secret, mais elle n’en avait pas vraiment besoin pour l’instant. Après une gorgée, elle reposa la tasse.

Pas si fou que ça, si tu veux mon avis, répondit-elle en haussant les épaules.

Un sourire doux lui éclaira le visage tandis qu’elle se laissait aller contre le dossier de sa chaise.

Les prêtres sont des hommes comme les autres, il n’y a pas de mal à se rapprocher d’eux. Que ce soit pour une affaire de cœur ou une affaire de chair, tant que c’est ce que tu désires.

C’était à son tour de chercher un peu ses mots. Elle prit le temps de prendre une autre gorgée de l’infusion, la chaleur agréable de la boisson se diffusant peu à peu dans tout son corps. Il faudrait qu’elle songe à en boire plus souvent, c’était bien plus agréable que le vin. Et bien moins cher ! Après quelques instants, elle ouvrit de nouveau la bouche.

Je pense que l’on a droit à l’erreur et qu’il faut en tirer profit. Une erreur n’est une mauvaise chose que lorsque l’on persiste dedans. Si tu as l’impression de t’être trompée à propos de ce prêtre, demande-toi ce qui te cause ce malaise pour trouver la bonne solution. Est-ce que c’est parce que tu t’es sentie obligée ? Dans ce cas, ne le revois plus. Est-ce que c’est parce que tu ne t’autorise rien avant le mariage ? Tu peux te confesser et demander pardon à Anür, elle saura être clémente. Ou alors est-ce que c’est parce que tu as l’impression de trahir quelqu’un que tu aimes ?

Elle ne pouvait pas ignorer les indices : Sydonnie lui parlait d’amour avec une telle conviction qu’elle était forcément elle-même amoureuse, ou l’avait été un jour, et sa relation avec le prêtre mystérieux était d’après ses mots « physique » et non sentimentale. Le lien n’était pas bien difficile à faire. Bien sûr, Ombeline n’avait ni la science infuse, ni aucun pouvoir de divination, mais le malaise évident de son amie à parler de cette affaire mettait la puce à l’oreille.

Je vais te raconter quelque chose. Il y a quelques années, un jeune homme est entré à la Balsamine. Un nouveau client, sans doute pas puceau mais pas encore habitué aux affaires de luxure non plus. Je crois qu’il m’a choisi d’abord par pitié, en pensant que je ne devais pas avoir beaucoup de succès à cause de mes yeux et que ça me rendrait service d’avoir un client. On s’est mit à discuter sans vraiment se rendre compte et je l’ai trouvé gentil. Il était sincère, n’essayait pas de cacher son jeu et il avait l’espoir naïf d’améliorer ma situation par son simple geste. C’était touchant. Puis il est revenu, de plus en plus souvent, même lorsqu’il n’avait que de quoi se payer un verre. Ce n’était plus par pitié pour moi et je crois que j’étais en train de tomber amoureuse de lui. Mais il a arrêté de venir, d’un coup d’un seul.

Elle haussa les épaules sans dissimuler la déception sur son visage. Bien sûr qu’elle s’était mise à espérer et bien sûr qu’elle était peinée, encore aujourd’hui, qu’il l’ait tout simplement abandonnée. Mais c’était son lot, sans doute.

Je n’ai pas eu le temps de tomber amoureuse. Il est parti trop vite. Et pourtant, la première fois après lui que j’ai entamé une discussion agréable avec quelqu’un, comme nous le faisions tout les deux, j’ai eu cette désagréable impression de le trahir. Comme si j’accordais à quelqu’un un privilège qui lui était réservé, fit-elle avec un petit rire, consciente de l’absurdité de ces paroles. Mais le vrai privilège, ce n’est pas les mots que l’on offre ou même son corps que l’on abandonne, c’est la place unique que l’on accorde à quelqu’un dans sa vie. Il avait une place que personne ne pourra lui prendre, même si je parle à d’autres, même si j’en embrasse d’autres ou si je couche avec d’autres que lui. La vraie trahison, ça serait de faire comme s’il n’avait jamais existé et comme s’il n’avait jamais compté pour moi.

Cette fois, c’était à son tour de parler avec conviction. Cet aveu qu’elle faisait à Sydonnie, personne ne pourrait l’en détourner. On pouvait bien se moquer d’elle, essayer de lui prouver qu’elle avait tort, elle était certaine d’avoir raison puisqu’elle était en paix avec elle-même. Ce qu’il lui restait de romantisme ressurgissait à travers cette histoire, une sensiblerie que certains auraient sans doute raillés mais dont elle n’avait pas honte.
Les mains serrées autour de sa tasse, elle hocha la tête comme pour affirmer un peu plus ce qu’elle s’apprêtait à ajouter.

Je ne sais pas vraiment ce que c’est que d’être amoureuse, mais je peux t’affirmer que tant qu’une relation te rend heureuse, alors ce n’est pas une mauvaise chose. Ne penses pas aux conventions ou aux attentes des autres ou même aux conséquences et encore moins à l’avenir, ne pense à rien d’autre qu’à ça : est-ce que cette relation, même physique, te rend heureuse ? Est-ce qu’elle t’apporte quelque chose de bien ? Est-ce que tu veux la poursuivre ? Si oui, alors pourquoi est-ce que ça serait si fou que ça ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyDim 2 Déc 2018 - 22:17


La milicienne détaillait son amie un peu particulière, cette femme qui était parvenue l’espace d’une fraction de second entendre les troubles de l’esprit de la coutilière. Sydonnie n’était guère très bavarde concernant sa vie privée, n’appréciait-elle pas franchement évoquer son passé, son présent ou même son avenir. Cependant, la situation lui avait semblé trop lourde, trop intense pour ses épaules et elle avait fini par évoquer ses troubles, sans que cela ne puisse réellement avoir le moindre sens pour les oreilles attentives de son interlocutrice. Nerveuse, la milicienne triturait sa tasse entre ses doigts, faisant tourner le restant de liquide qui se trouvait à l’intérieur, son regard clair avisait avec insistance Ombeline, curieuse, presque dérangeait de lui en avoir ‘autant’ dit à son sujet. Si il lui venait à l’idée de parler, si elle finissait par elle aussi la juger, la condamner pour des actes que la femme d’arme n’était pas encore convaincue d’assumer. Puis ce fut un sourire doux, agréable à découvrir, rassurant accompagnant cette phrase sans jugement. Ce n’était pas si fou, vraiment ?

Sydonnie avait dû sentir la totalité de ses muscles se détendre avec une lenteur déstabilisante, alors que ses deux prunelles restaient bien rivées sur les lèvres de son invitée. Attendait-elle la suite, la condamnation, l’avis, le verdict sans réellement savoir si elle était capable de supporter des mots allant à l’encontre de ses actes, de ses suppositions. Était-il trop tard pour revenir en arrière de toute manière. Ombeline avait un don pour trouver les mots justes, pour débuter par les choses simples, pour arriver plus calmement aux réflexions plus complexes. Un prêtre était ainsi du point de vue de la femme de joie des hommes comme les autres, tout aussi apte à intervenir dans les histoires de cœur que de chair, sa manière d’évoquer les coups d’un soir l’amusa un peu et c’était-elle contenté d’opiner, signe qu’elle écoutait, omettant que son amie était incapable de le percevoir. La pensée du consentement était un peu plus délicate, si la milicienne avait été évidemment favorable à sa relation, avec le recul la regrettait-elle un peu, tout en étant convaincue qu’elle y retournerait sans la moindre hésitation si l’opportunité se représentait. Complexe. Lâchant un bref soupir, elle s’était concentrée sur la suite des propos de la femme de joie, tout en continuant sa réflexion vis-à-vis de ses envies.

Piquant particulièrement juste sans pour autant en avoir conscience, les suppositions d’Ombeline avaient réussi à tirer une grimace à la milicienne. N’avait-elle pas l’impression d’avoir fait une erreur, ni même de faire du tort à Anür, en revanche, de trahir Chris c’était fort possible. Cherchait-elle peut-être à provoquer son esprit, ses souvenirs, cet homme qui ignorait certainement tout de sa perdition. Non, ce n’était pas réellement pour le trahir, mais pour ne pas l’oublier. Oserait-elle avouer qu’elle l’entendait chaque fois qu’elle se mettait en danger, qu’elle avait l’impression de percevoir sa silhouette grogner lorsqu’elle s’approchait de ce prêtre. Oui, Sydonnie se refusait de tourner la page, d’oublier celui qui était son parfait opposé et son parfait complément en même temps.

Un peu gênée, D’Algrange avait dû se renfrogner sur sa chaise, avisant le liquide restant dans le fond de sa tasse, avant de l’avaler pour ne plus penser, ne plus supposer. Avait-elle l’impression de devenir folle, de dériver, de chercher des réponses à ce qui n’était ni explicable ni réaliste, un simple jeu de son esprit la torturant. Triste, elle sentit sa gorge se nouer douloureusement, la démanger, la piquer comme-ci on cherchait à l’étouffer, ce fut la voix de son interlocutrice qui lui avait permis de se ressaisir se concentrer sur autre chose. Ombeline ne parlait plus de Sydonnie, mais bien d’elle-même et sans qu’elle ne se l’explique, la milicienne avait apprécié sa confidence, attention aux moindres mots formulés. L’histoire était mignonne, en tout cas pour celle qui croyait depuis peu aux sentiments sincères. Curieuse, Sydonnie n’avait pas pu s’empêcher de se questionner sur la raison de cette disparition, pourquoi un homme abandonnerait-il si vite ? Pour une autre femme ? La coutilière avait froncé les sourcils, ne comprenant pas réellement cette fin désagréable. Le rapprochement entre les histoires similaires, mais pourtant si opposées avait semblé lui permettre de comprendre certains points. Ombeline avait raison, c’était bien son incapacité à tourner la page avec Chris, son refus d’avancer qui provoquait en elle les regrets et le doute.


- « Tu as raison » souffla-t-elle simplement « Cela semble si simple dit comme ça et pourtant la réalité est un soupçon plus compliqué n’est-ce pas ? Lorsque tu as commencé à échanger avec d’autres personnes, n’as-tu pas pu t’empêcher de ressentir ce petit pincement dans le fond de ta poitrine ? Ce soupçon de regret ou de doute ? »

Elle avait fini par se relever, abandonnant sa posture pour abandonner sa tasse vide dans une bassine. Ne pouvait-elle s’empêcher de réfléchir, de ne pas être convaincu de la situation, de ne pas réellement savoir comment, puis vint la sensation qu’il était l’heure de prononcer des aveux en ayant conscience que le risque qu’Ombeline parle à qui que ce soit était faible, qu’on la prenne au sérieux d’autant plus.

- « J’ai eu une relation, une relation cachée pendant presque un an. » Finit-elle par avouer « C’était un banni » ajouta-t-elle en laissant un silence « Il venait parfois ici, sous une fausse identité. C'était un homme bien, je crois… Je n’ai jamais pu réellement l’officialiser, quoi que sur la fin était-il présent lors d’événement, se faisant passer pour un architecte… » sa voix trahissait sa mélancolie, son amusement aussi « Et puis… la situation c’est compliqué, la peine du bannissement a été abolie et avec lui tous mes espoirs de lui voir accorder une grâce quelconque… Je suis devenue coutilière et j’ai dû faire un choix, ou est-ce lui qui a fait ce choix pour moi ? Je ne sais plus vraiment. »

Elle s’était pincé les lèvres, sa gorge s’était nouée encore une fois sans qu’elle ne se l’explique, cela faisait plusieurs fois maintenant que la milicienne n’avait que l’impression de sombrer toujours davantage.

- « J’ai choisi la fidélité de mon Duc, la confiance du peuple et aujourd’hui, je ne sais même pas si il est toujours en vie… celui qui a cette place toute particulière et j’ai peur de l’oublier Ombeline. Je devrais me sentir honteuse, peut-être même que tu ne dois plus me percevoir de la même manière, mais je m’en moque… Ce que j’ai vécu avec lui, c’est mon plus beau souvenir… Et j’ai peur que tout disparaisse… Je ne le revois que quand je suis avec Aaron, lorsqu’il pose ses mains sur moi, je l’entends grogner, me mettre en garde et à chaque fois… Suis-je en train de succomber à la folie… » elle fit une pause secoua la tête, s’appuyant contre la table « Pourquoi est-ce que ton client régulier a disparu, est-ce que tu le sais ? Si tu pouvais le revoir une fois, qu’est-ce que tu lui dirais ? »

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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyDim 16 Déc 2018 - 23:02
Ombeline avait haussé les épaules en guise de réponse à la première question. Bien sûr qu’elle avait pensé à cet imbécile de lâcheur et qu’elle s’était sentie un peu coupable, mais était-ce vraiment important ? Ça n’avait pas duré, elle s’était vite détaché de cette désagréable impression. Elle ne s’attarda pas sur cet élément, préférant s’intéresser au contenu de sa tasse et écouter ce que Sydonnie avait à lui raconter.

Et quelle histoire elle racontait ! Rien de moins que l’aveu d’avoir hébergé et fréquenté un banni ! Une âme trop bien pensante aurait sans doute sauté au plafond et conseillé d’en parler à la milice ou au moins argumenté pour que cela ne se reproduise plus jamais, mais Ombeline ne pensait qu’à une chose, le sourire aux lèvres :

On dirait une histoire de conte de fées.

La jeune femme posa son menton dans le creux de sa main, l’air un peu rêveuse. On pouvait bien être catin et romantique, non ? Évidemment, elle ne croyait pas qu’un jour un beau jeune homme de l’Esplanade viendrait la ravir à son bordel pour vivre heureux dans une belle maison et avoir beaucoup d’enfants, c’était pousser la naïveté romantique un peu trop loin, cependant elle n’était pas hermétique aux histoires d’amour et encore moins lorsqu’il s’agissait d’amour interdit. Le monde se portait déjà bien assez mal comme ça alors s’il fallait en plus condamner les couples heureux juste pour une histoire de bannissement… N’importe quel habitant de Marbrume avec un peu de plomb dans la cervelle savait bien que tous les bannis ne l’étaient pas pour des raisons graves. Il devait se trouver un bon paquet d’innocents ou de malchanceux dans tous ceux qui avaient été jetés dehors aussi Ombeline doutait que l’amoureux secret de Sydonnie soit un meurtrier violent. Partant de là, pourquoi devrait-elle condamner cette relation ?

Il y a donc quelque part derrière ces murs un homme avec qui tu aimerais passer tes jours. On peut dire qu’Anür ne t’a pas rendu la tâche facile, hm ?

La brunette se redressa un peu, son sourire se diluant dans une expression plus sérieuse et pensive tandis qu’elle prenait une nouvelle gorgée de thé. Elle pouvait comprendre que la situation soit pénible et compliquée pour la milicienne, mais elle n’était pas certaine d’avoir la légitimité de lui donner des conseils en la matière. Pour ce qui était des affaires de luxure, elle avait assez de connaissances en la matière pour donner sa part de recommandations, mais les affaires de cœur lui étaient étrangères. Ou plutôt, elle se sentait trop incertaine pour pouvoir aiguiller correctement son amie.
Après quelques instants de silence, Ombeline se risqua tout de même à avancer une opinion.

Peut-être que tu es en train de perdre la raison, oui. Ou peut-être simplement qu’il te manque beaucoup. Après avoir été abandonnée à la Balsamine, j’ai souvent cru entendre la voix de mon frère ou ses pas, cru reconnaître son odeur en passant près d’un client… Je n’ai jamais été très proche de mes aînés mais ils étaient ma famille et je crois que je les aimais vraiment beaucoup malgré tout, alors devoir vivre sans eux avait quelque chose de contre-nature les premiers temps. Ça finit par passer. Elle poussa un soupir un peu las. Est-ce que tu vas aussi chercher une mère de substitution maintenant que la tienne est morte ? Pour ne pas l’oublier.

La question était aussi dénuée de tact que pleine de bon sens. Pourquoi diable irait-on oublier les gens qui ont comptés simplement parce qu’ils ne sont plus là ? La mémoire humaine avait déjà fait ses preuves pour ce qui était de se souvenir des défunts, c’était une excuse bien mal fagotée que d’invoquer un oubli pour justifier une relation physique avec un autre homme.

En dix ans sans les avoir revu, je n’ai pas oublié mes frères ni ma mère. Si tu as peur d’avoir la mémoire courte pour un homme qui a tant compté à tes yeux alors rassure-toi : tu ne l’oublieras pas de sitôt. Cela dit, au risque de te sembler désagréable, je te conseillerais de ne pas te cacher derrière cette excuse pour justifier ta relation actuelle avec Aaron. Il n’y a rien de plus risible qu’une personne qui se bâtit un palais de mensonge pour ne pas voir ce qu’il y a derrière, asséna-t-elle avec sévérité. Tu n’as pas besoin de voir le spectre d’un ancien amour dans tes relations présentes ou futures pour les légitimer. Si tu as envie de tirer un prêtre dans ton lit et que tu en sors plus sereine ou plus détendue, grand bien te fasse. Pas besoin d’en faire le support de souvenirs heureux sous prétexte d’une soudaine amnésie qui te tomberait dessus un beau matin, Sydonnie. Aaron n’est pas le même homme que ton banni et il ne le sera jamais. Brouiller les frontières entre eux ne fera que teinter tes beaux souvenirs d’une couleur différente. Et ça, ma fille, ça risque vraiment de te rendre folle un jour ou l’autre.

Ombeline se sentait tout à coup dans la peau de Mahaut, la rouquine forte en gueule qui l’avait prise sous son aile dès son arrivée. De toutes les filles elle était la doyenne et à ce titre, elle dispensait souvent ses conseils ou ses mises en gardes aux autres. Dotée à la fois de l’expérience offerte par les années de vie et d’une sorte de bon-sens inné qui visait toujours juste, elle démêlait toujours les situations les plus complexes. À force de l’écouter, Ombeline avait sans doute prit un peu de cette sagesse brute de décoffrage qu’elle exploitait à cet instant pour la première fois.
La tasse vide regagna la table. Bien qu’elle n’affiche pas de grand sourire, la fleur de trottoir ne semblait pas pour autant fâchée et se contentait de fixer la lueur vacillante des flammes dans la cheminée. Elle était plus concernée par le bien-être de son amie que par la moralité de ces relations diverses.

Tu as le droit de connaître d’autres hommes, ajouta-t-elle avec plus de douceur. Et moi si je revoyais celui qui venait me rendre visite, je crois que je lui dirais qu’il est sacrément en retard pour notre rendez-vous. Et qu’il va devoir trouver une bonne façon de se faire pardonner s’il ne veut pas se prendre un coup de pied au derrière.

Elle passa volontairement sous silence la raison de cette disparition puisqu’elle n’en avait aucune idée. Mort, marié, parti loin de Marbrume ou juste lassé, peu importait pourquoi il n’était plus jamais revenu. Elle avait refusé de lui donner trop d’importance dans sa vie et elle n’allait pas s’y mettre maintenant.

Comment était-il ce banni ? Donne-moi des détails, qu’à défaut de parler d’histoire de plumard on puisse parler d’histoires de cœur ! En échange je te dirais comment j’imagine l’impossible amour de ma vie, fit-elle avec un gloussement, bien décidée à orienter le ton sur quelque chose de plus plaisant et moins dramatique.
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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyLun 17 Déc 2018 - 14:12


Un conte de fées. La comparaison avait dû tirer un sourire à la milicienne, qui instinctivement avait reporté son regard sur la silhouette féminine. Sydonnie n’avait jamais perçu son histoire avec Chris comme un conte de fée, avait-elle tout juste préféré la vivre au jour le jour, avec cette certitude que chaque nouveau lever de soleil passé dans ses bras ne serait pas le dernier. Toute belle histoire connaissait toujours une fin et si la sienne n’avait guère était tragique dans les faits, au fond de son âme, c’est bien le bruit d’un cœur qui se brise qui s’était rependu dans tout l’intérieur de son corps. La milicienne ressentait cette même sensation, ce même pincement évoluant en explosion à chaque fois qu’elle abordait son souvenir, à chaque fois qu’elle avait l’impression de sentir son odeur, ou entendre sa voix. Revivait-elle un peu trop souvent cette fin, cette conclusion qu’elle n’avait jamais désiré, jamais envisagée, jamais souhaité. Ses lèvres s’étaient entrouvertes pour laisser un soupir s’échapper, définitivement, la femme d’armes ne percevrait aucunement cette relation comme un conte pour enfants qui fait rêver les jeunes filles. Que pouvait-il y avoir de beau dans la souffrance, dans la distance, dans le manque d’une absence ? Ses doigts avaient dû se resserrer sur le bord de la table où elle s’était appuyée, consciente que malgré le soulagement d’en avoir enfin parlé à quelqu’un, la discussion ne lui avait guère rien apporté d’autre.

L’évocation d’Anür n’avait pas arrangé le tourment des pensées de la coutilière, qui ne percevait que dans ses paroles, une tentation mesquine de la déesse qui l’avait fait succomber sur la mauvaise personne. La vie était faite de choix divers et variés : vivre ou mourir ; avancer ou ruminer le passé ; suivre le Duc ou se rebeller ; aider la population ou profiter de la souffrance de celle-ci. N’avait-elle jamais eu conscience que même l’amour était un pion à jouer, à choisir avec finesse pour se placer convenablement sur l’échiquier de la vie. Ce n’était pas faute d’argumentation en ce sens de sa défunte mère, pouvait-on seulement choisir pour qui notre cœur allait battre un peu plus fort que la normale ? Se renfrognant légèrement, D’Algrange avait cet amer goût du regret : celui de ne pas avoir tout quitté pour lui, d’avoir écouté la voix de la raison, celle qui caresse notre subconscient de la douce et délicieuse idée qu’il fait plus bon vivre à Marbrume, qu’on est plus en sécurité. Quel est le prix de la sécurité quand chaque jour est une plaie ouverte et sanguinolente qu’il faut éponger en permanence ?


- « Certainement » souffla-t-elle simplement en balayant l’air d’un geste de la main « Nos divinités sont joueuses, je crois. Elles aiment nous voir affronter les épreuves et les surmonter »

L’interlocutrice de la femme d’armes avait fini par se redresser, le sourire un peu rêveur qu’elle affichait sur ses lèvres s’estompant pour ne laisser qu’un visage un peu plus sérieux. Sydonnie ne savait guère si c’était de bon ou mauvais augure, toujours est-il qu’elle n’avait pas perçu le moindre jugement, le moindre dégoût, comme-ci l’acte était d’une banalité déconcertante. La réponse fut plus douloureuse, plus piquante, n’allait-elle pas remplacer feu sa mère, c’était une évidence, alors pourquoi devait-elle le faire avec Chris ? C’était différent, tellement différent, n’avait-elle jamais oublié un événement marquant ? Un événement tellement douloureux que l’esprit, le corps, l’être tout entier décide de ne plus le mémoriser, de ne plus le retenir, de l’évacuer par le moindre pore de la peau. C’était ça que craignait la milicienne, ce choix involontaire, cette protection innée pour éviter de sombrer.

La conversation avait fini par dériver sur Aaron et cette relation que la milicienne percevait comme purement physique, comme un défouloir, une manière d’oublier Chris tout en se souvenant de lui en même temps. C’était complexe à expliquer, à percevoir, mais il s’agissait bien de ça, l’entendre, le voir à travers les mouvements et le comportement purement provocateur qu’elle entretenait avec le prêtre. Comment Ombeline pourrait la croire ? Comment pourrait-elle penser sincèrement qu’elle ne se cacher pas derrière cette idée, mais que l’idée était bien réelle, qu’elle le voyait vraiment, que ça lui permettait de savourer sa voix dans ses oreilles, de ses prunelles d’imprégner la silhouette masculine qu’elle aimait tant. Aaron dans tout ça ? Elle n’en savait rien, il était agréable, il lui faisait du bien, n’envisageait-elle pour autant rien d’autre que ce rapport purement et simplement physique. La femme de joie n’avait pas tort pour autant, à trop tout mélanger n’allait-elle pas se faire davantage souffrir ? C’était violent, cette façon de lui mettre le nez dans ses défauts, dans ses maladresses, son cœur s’était pincé, ses mains avaient dû serrer davantage le bois, par colère, par rancœur aussi. S’attendait-elle à des paroles rassurantes et non ce qu’elle percevait comme une agression qui la chamboulait plus que de raison.

- « Ce n’est pas…. »

Une excuse, un mélange, une fausse raison ? Si peut-être que si dans le fond, était-ce difficile d’admettre que la chaleur d’un corps avait quelque chose de réconfortant. Était-ce réellement trop douloureux d’envisager que peut-être l’habitude des rapports ne pouvait que créer inévitablement un attachement. Sydonnie refusait cette évidence, trop dure, trop malheureuse de voir potentiellement son Chris remplacé par un autre, un autre qui était si loin de lui, de sa douceur, de son écoute. Aaron n’aimait que le sexe et comment lui reprocher quand l’accord entre eux deux était ainsi fait ? Sydonnie se sentait un peu mal à l’aise, d’une part parce qu’elle prenait conscience qu’elle n’utilisait que le prêtre à des fins purement égoïstes, d’autre part parce que ce genre de comportement ne lui ressemblait, jamais s’était-elle abandonné ainsi dans les bras d’un inconnu, jamais l’idée même de n’avoir qu’une relation physique n’avait germé dans son esprit avec Chris, avant cette douleur et ce besoin de compenser. Sydonnie n’avait guère cherché à formuler une explication, l’évidence même qu’Ombeline n’avait pas entièrement faux semblait la frapper de cette manière désagréable. Fort heureusement, la femme de joie avait su alléger de nouveau l’atmosphère en évoquant ce fameux jeune homme très en retard et le bon vieux coup de pied au derrière ? La milicienne était même tentée de retrouver l’identité de ce fripon, juste pour faire jouer de son influence, de résoudre le mystère de cette disparition. Peut-être qu’au fond, elle aussi avait le droit à un conte de fées ? Peut-être qu’il avait été enrôlé dans la milice ? Envoyé au Labret ? Pire peut-être n’était-il plus et donc pas responsable des non-visites ?

- « Tu as raison, c’est tout ce qu’il mériterait… Je vais essayer pour Aaron, de ne plus faire de rapprochement, tu as raison… ils sont bien différents l’un de l’autre… Et puis, je ne suis de toute façon pas convaincue que cette relation dure très longtemps. »

La milicienne avait balayé l’air de sa main, comme certaine que cette relation n’irait pas plus loin que ce qu’elle était déjà. Le prêtre est un homme agréable à l’œil, doué dans les draps d’un lit, mais cela s’arrêtait là. Il attisait sa curiosité, devait-elle faire de même involontairement, sans pour autant que l’un ou l’autre ne soit véritablement sous le charme.

- « Physiquement ? Il était… sauvage, je crois que c’est le mot qui lui convient le mieux » fit-elle de cette voix pleine de tendresse et de nostalgie « Il n’était pas un très grand bavard, je crois qu’il m’écoutait plus qu’il ne parlait. Il était grand, brun, une barbe qu’il entretenait que lorsqu’il savait qu’on allait se voir, ou lorsqu’il devait soigner son apparence dans la ville… Ses mains étaient larges et sa paume un peu rugueuse. Sa peau était parcourue de cicatrices… Son visage était marqué par quelque cicatrice, notamment celle au milieu du front, il fronçait trop les sourcils c’est pour ça… » emporté par ses souvenirs, elle aurait pu le dessiner avec une exactitude dérangeante, fermant les yeux, elle était en mesure de voir son visage, de sentir son odeur, la sensation de sa peau contre la sienne « Il était protecteur aussi, je crois, et plutôt bienveillant vis-à-vis de moi, il s’effaçait souvent pour me mettre en valeur, pour me pousser ce qu’il estimait être le meilleur pour moi… je crois qu’il n’a jamais pris au sérieux mon attachement… J’en suis même convaincu.. »

Est-ce qu’elle lui avait seulement dit un jour à quel point il pouvait compter pour elle ? Se souvenait-elle de cette première dispute, où elle lui avait reproché de ne pas visualiser un avenir commun, ou elle s’était sentie abandonnée, alors que l’homme n’avait cherché qu’à la protéger de la dure réalité de la vie en extérieur, des risques et de la mort omniprésente, de la violence des hommes.


- « Enfin, je suppose que tu as raison, je ne vais pas l’oublier de sitôt, pour le reste, je suppose qu’il est grand temps que je fasse confiance à ma défunte mère… Les relations ne sont pas faites que de sentiments.. Il faut savoir se ranger de temps en temps… » elle avait roulé des épaules « Tu connais le prêtre alors ? Je me demande comment tu le perçois ? C’est un homme à femmes, en tout cas, je ne serais pas surprise qu’il avoue aimer plus les femmes que la trinité elle-même… » elle s’était mise à rire, doucement « Bon, je t’écoute à ton tour de parler un peu… Dévoile-moi la description de l’impossible amour de ta vie… »

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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyMer 19 Déc 2018 - 0:32
La description était assez détaillée pour que l’aveugle s’en fasse une bonne idée. Elle savait encore différencier le blond du brun, même si ça n’avait plus grand valeur à ses yeux, c’était le cas de le dire, mais c’était surtout les petits rien sur le tempérament qui l’aidaient à se faire une idée. Sans doute imaginait-elle un homme différent de celui qu’était ce fameux Chris, mais le plus important c’était d’entendre Sydonnie replonger dans des souvenirs agréables. Elle devait l’aimer, c’était certain, pour se rappeler de lui aussi fidèlement. Ombeline se promit de prier Anür pour qu’elle donne une seconde chance à son amie de faire un choix entre sa vie à Marbrume et une vie hors des murs mais en compagnie de son amant. Si ça devait lui porter malheur, alors tant pis, elle pouvait bien supporter quelques déboires supplémentaires en guise de remboursement pour ce petit coup de pouce divin pour la milicienne. Peut-être était-ce un peu irrespectueux d’envisager les miracles et les faveurs divines comme une marchandise que l’on pouvait monnayer ou compenser… Les mauvaises habitudes du métier sans doute.

Ça devait être un gars bien, de ce que tu m’en dit.

La formulation la fit rire et elle hocha la tête. Un marché était un marché après tout et elle avait promis de raconter plus en détail ses rêveries naïves. Faisant mine de se remémorer un homme qu’elle avait construit de toutes pièces, elle avança quelques premiers détails.

Il sera assez grand pour que je puisse poser la tête au creux de son épaule lorsqu’il me tiendra dans ses bras. Il a un regard tranchant comme une lame bien affûtée, qui te transperce et qui fouille au fond de toi. Un regard qui serait capable de percer la brume qui est dans le mien, ça me ferait quelque chose ! gloussa-t-elle en imaginant l’air féroce que pourrait avoir un homme avec un tel regard alors qu’elle-même serait incapable de le remarquer. Peu importe la couleur de ses cheveux, tant que je peux passer ma main dedans. Et sa peau sentirait le soleil et le sel.

Il pouvait sembler étrange de décrire une personne à partir de son odeur, mais c’était aussi naturel pour Ombeline que ça l’était pour une autre femme de parler de la couleur des yeux. Perdre la vue la rendait plus sensible à de nombreux autres détails comme le son de la voix, l’odeur de la peau, les angles d’un visage. Elle bâtissait son portrait sur ce qu’elle aimait le plus et sur ce que ses sens pouvaient apprécier.

Je veux qu’il ait des mains larges et solides, abimées par le travaille ou le maniement des armes. Ah et bien sûr il faudra qu’il sache m’embrasser sans brusquerie et si possible sans avoir trop de barbe ou de moustache. Elle fronça le nez avec un air mutin qui lui allait bien. Je n’aime pas que ça pique trop. Et pour finir, j’ai besoin que sa voix me donne des frissons lorsqu’il murmurera à mon oreille. Qu’elle gronde comme une tempête lorsqu’il se mettra en colère et qu’elle éclate lorsqu’il rira.

Inconsciemment, la jeune femme avait mélangé à tous ces éléments des détails prit au piège dans sa mémoire, datant d’une autre époque. Une époque où elle se jetait dans les bras de son père pour qu’il la soulève très haut et où elle l’accompagnait sur les quais pour l’aider. Aide qui consistait surtout à s’asseoir bien sagement sur une caisse pour regarder les marins vaquer à leurs occupations tandis qu’elle avait le droit de défaire les nœuds des lignes de pêche. De vieux souvenirs flous, teintés de nostalgie et de bonheur. Que quelques gouttes de cette époque bénie se diluent dans le morne présent et Ombeline était heureuse. Qu’il s’agisse d’un client travaillant au port, d’un homme à la voix forte s’esclaffant dans la salle commune de la Balsamine ou d’un bavardage anodin sur les bateaux de pêche, il en fallait peu pour qu’elle soit satisfaite. Alors quoi de plus normal si son homme si parfait et si imaginaire reprenait quelques traits à son défunt père ?

La donzelle se pencha alors par-dessus la table et fit signe à Sydonnie de se pencher pour s’approcher. Elle voulait lui murmurer quelque chose à l’oreille visiblement. À travers le voile épais de sa vue, Ombeline perçu la silhouette de son amie se penchant à son tour pour l’écouter attentivement et elle murmura alors :

Mais surtout, il en aura une belle qu’il saura utiliser comme personne avant lui ! susurra-t-elle en mimant un écart conséquent entre ses deux mains pour appuyer son propos avant de s’écarter en éclatant de rire.
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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptyMer 19 Déc 2018 - 22:57


Un instant, la situation sembla faire rire la milicienne, qui prenant un peu de recul prenait conscience de l’absurdité du moment. Elle, celle qui s’était battue corps et âme pour parvenir à gravir les échelons de la milice, se retrouvait à discuter avec une femme de joie, fleur de trottoir qu’elle appréciait, à lui raconter un moment vécu qui pourrait la condamner à mort. Le tout, avec le cœur battant la chamade dans sa poitrine, le souvenir de l’odeur de l’homme lui remplissant les poumons et avec ce vent de nostalgie, cette sensation banale de ne rien faire de mal hormis converser avec une amie. Oui, un instant, D’Algrange trouva l’instant risible, presque absurde, parler ainsi de relations, de la pluie et du beau temps, d’une souffrance aberrante pour ceux qui avaient perdu proches, époux, ami. Alors quoi ? C’était ça être une femme, c’était vers ça qu’elle se destiné ? Ruminer encore et encore un choix, souhaiter plus que de raison revenir en arrière alors que l’avenir qui se dressait devant elle ne faisait que lui tendre les bras ? Elle était ridicule, terriblement et même si Ombeline semblait la comprendre, l’apaiser même via des paroles brutales, mais réconfortantes d’une certaine manière, Sydonnie venait d’entrevoir la possibilité que peut-être il était temps de cesser de ruminer.

C’est bien la voix de la malvoyante qui avait fini par la tirer de ses pensées, alors qu’elle évoquait le fait que Chris devait être un gars bien. Possiblement, pouvait-on être un gars bien en étant banni ? Si des erreurs avaient dû être commises, aujourd’hui, la coutilière ignorait toujours de quoi il retournait pour l’homme qui avait pourtant partagé si longtemps sa vie. Au fond, peut-être était-ce ça aussi la raison de son départ, peut-être n’avait-il pas voulu évoquer ce passé, peut-être avait-il dû redouter le moment elle apprendrait qu’il n’était pas un homme si bien que ça ? Enfin, lâchant un soupir la femme d’armes ne put que se résigner à cesser de réfléchir, avec des peut-être elle pourrait refaire le royaume, mais certainement pas retrouver son banni. De toute manière Ombeline avait de nouveau attiré pleinement son attention, évoquant avec une certaine malice son homme parfait. Jouant le jeu, la milicienne avait fermé les yeux, cherchant à s’imaginer le plus fidèlement possible cet individu qui n’existait certainement même pas.

Un homme grand, avec un regard intense, transperçant, une silhouette large et protectrice, plutôt musclée. Si Ombeline ne semblait pas avoir de préférence pour les cheveux, Sydonnie l’imaginait volontiers blond ou pourquoi pas roux, pour dénoter avec la chevelure de jais de la femme de joie. La jeune femme cherchait à se remémorer l’odeur du sel, de la mer, mais ne pouvait que difficilement inventer l’odeur du soleil sur la peau de quelqu’un, aussi abandonna-t-elle rapidement cette idée, néanmoins satisfaite de la première image qu’elle avait en tête. La suite était plus simple pour d’Algrange, percevoir des mains rugueuses parcourant la peau, des baisers doux et à la fois autoritaires, une absence de barbe ou de moustache. Oui, alors qu’elle ouvrait les yeux, elle était presque convaincue de pouvoir reconnaître ce monsieur parfait si elle venait à le croiser.

Détaillant avec une certaine affection son amie, la milicienne fut un peu surprise de la voir lui faire signe d’approcher, ce qu’elle fit sans attendre. Se penchant, pour échanger un murmure, elle avait fini par rire volontiers à cette remarque. Malgré la profession de cet étrange bout de femme, Sydonnie n’en restait pas moins surprise de l’importance de la sexualité dans certaines relations, elle, pour qui ce domaine était terriblement nouveau. Le rire avait dû être commun et comme dans un aveu formulé à demi-mot, la coutilière s’autorisa un aveu.


- « Si tu veux tout savoir je crois que la trinité offre bien des avantages à ses représentants...
Mais je reste convaincue que la taille ne compte pas... Cela ne compte pas, n'est-ce pas ?
»

La jeune femme c’était de nouveau mise à rire, avant de venir déposer ses lèvres sur le front d’Ombeline. Marque physique d’affection, mais aussi très certainement une forme de remerciement. Parler lui avait fait le plus grand bien, lui avait, semble-t-il retirer un certain poids de ses épaules.

- « Je te promets de te trouver cet homme parfait, si je le croise je l’envoie directement à la balsamine, mais attention, si je suis responsable de votre rencontre, j’exige une présence à votre mariage et le moindre détail de votre nuit de noces et même avant. »

Encore une fois, Sydonnie c’était mise à rire, profitant de cette insouciance qui ne durerait guère, une fois la femme de joie sortit, aucun doute qu’elle serait de nouveau submergée par ses craintes, par son manque de Chris, par son envie trouver une solution qui n’existe pas, par cette dépense physique à ce prêtre alors que sa conscience lui hurle de cesser cette relation qui ne mène à rien.

- « Je ne sais pas comment te remercier pour être honnête… Je n’ai pas beaucoup d’amies et je suis heureuse que tu sois là… Je ne sais pas trop ce que ça représente pour toi et je dois être ridicule à formuler ça ainsi… Mais, merci en tout cas Ombeline. Vraiment. »

Comme pour se soulager, elle l’avait prise dans ses bras, tout en se penchant, émettant cette légère pression, dans cette position elle lui murmura une promesse qu’elle lui avait déjà faite il y a quelque temps maintenant :

- « Le jour où tu as besoin, n’oublie pas que je suis là. »

Une nouvelle fois, elle déposa ses lèvres sur son front, réfléchissant à ce qu’elle pourrait bien lui raconter, ce qu’elle pourrait bien échanger. En réalité, la milicienne ignorait tout du quotidien de cette femme un peu particulière et n’osait pas forcément s’insérer dans sa vie qu’elle jugeait privé ou intime.

- « Un jour, j’aimerais que tu me parles de toi, de tes soucis, de ton quotidien… D’ailleurs, je ne serais pas surprise de me faire entraîner dans un nouveau jeu d’argent à la Balsamine… Mais je doute qu’on puisse obtenir une nouvelle fois, autant de chance que la dernière fois ».

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MessageSujet: Re: [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline]   [Terminé] De voyante à malvoyante [Ombeline] EmptySam 22 Déc 2018 - 16:37
La réflexion étonna autant qu’elle amusa la jeune femme et elle tenta d’imaginer un instant ce que pouvait donner Aaron dans un rôle d’amant plutôt que de prêtre. Elle s’était faite une idée approximative de son allure, il lui suffisait d’imaginer le reste…

Voyons, bien sûr que ça compte ! Même un expert de la baguette magique ne peut pas faire de miracle s’il n’a qu’une minuscule brindille à manier, fit-elle sur ton faussement prophétique.

Ce qu’il ne fallait pas dire pour rassurer son homme, vraiment…
Ombeline accepta le baiser de bonne grâce. Ce petit moment de confession juste entre elles était une bonne surprise et il chamboulait un peu le quotidien régulier, presque monotone, qui était le sien. Elle n’avait pas encore de grande histoire d’amour à raconter, mais elle s’y connaissait assez en relations humaines pour apporter sa petite pierre à l’édifice lorsqu’on le lui demandait. Peut-être qu’elle finirait par avoir elle aussi une romance passionnée à raconter à Sydonnie ?

Tu sais que tu peux passer quand tu veux, même si c’est juste pour boire un verre. Dom sera ravi d’avoir une jolie fille au bar, pour changer. Et si on doit de nouveau jouer notre nuit, autant se partager la victoire ou la défaite !

Au fond d’elle-même, la jeune femme doutait que ce soit une bonne idée de raconter ce qui pouvait lui peser sur le coeur ou ce qu’elle vivait à la Balsamine. Bien qu’elle présenta toujours les choses avec décontraction et naturel, elle n’ignorait pas que son métier était à part, mal vu et mal accepté. Elle ne voulait pas susciter de la pitié ou du dégoût en narrant le quotidien d’une prostituée, surtout chez son amie. Cependant, après tous les aveux dont elle avait été témoin, il serait ingrat et indigne de confiance de ne pas partager un peu de ce qu’elle vivait pour équilibrer la balance.
Jusqu’à présent, ses seules amies travaillaient à la Balsamine, il lui était donc assez difficile d’envisager qu’elle puisse se livrer de la même façon à une personne ne baignant pas le milieu. L’expérience était nouvelle, le résultat incertain, mais il fallait essayer au moins une fois. À leur prochaine rencontre elles discuteraient donc un peu plus d’Ombeline et de sa vie au bordel, en espérant que ça ne fasse pas fuir la milicienne.

Bon, si j’ai pu t’aider au moins un peu c’est déjà pas mal. Je suis contente de voir que je peux aussi soulager un peu l’esprit de quelqu’un.

La jeune femme quitta sa chaise avant de la repousser correctement contre la table et de remettre son châle sur les épaules. Il se faisait tard, on l’attendait sans doute chez elle en se demandant si elle ne s’était pas perdue en chemin. Les filles se faisaient rapidement du soucis lorsqu’elle rentrait en retard.

Je ne vais pas abuser plus de ton temps, j’entends déjà Madame me rabrouer pour avoir autant traîné. Merci pour l’infusion, ça réchauffe drôlement. Prends soin de toi Sydo. C’est vraiment chouette d’avoir une amie en dehors des murs de la Balsamine, tu sais ?

Un sourire un peu timide mais sincère éclaira le visage d’Ombeline d’une expression presque candide. L’espace d’un instant, elle ressembla à n’importe quelle jeune fille de son âge, prête à rentrer chez elle et reprendre le cours d’une vie normale.
Son panier passé à son bras, elle quitta la demeure de la milicienne en lui adressant un dernier geste de la main. Pourvu que cette aventure avec le père Clay ne se termine pas en catastrophe...
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