Combattre le feu par le feu [PV Adélaïde] [Terminé]

Février 1166

Marbrume - Résidence Terresang > Salon du rez de chaussé

02h23

Voilà quelques semaines que la répudiation de dame Kira avait eu lieu, Alexandre enchaînait semble t-il les catastrophes ... il y avait eu la mort de sa femme puis sa rencontre avec en créature ... la perte de sa main ... le mariage avec Kira de Haldonores ... la tromperie de cette dernière et enfin la répudiation de cette dernière. Il était revenu de son exil dans les marais pour l'annoncer à Kira. Il avait manigancé grâce au contrat de mariage qu'il lui avait fait signé ... il obtenait ainsi le pavillon de chasse et sa fortune, un atout pour son Ordre dont il l'avait démis de ses fonctions et surtout dont il avait eu l'occasion de dégager sa belle soeur, Talya.

Mais quelque chose le turlupina, les rapports de son ordre. La mission à l'extérieur avait était un échec mais la rénovation des remparts avait était un succés mais il ne fallait pas s'asseoir sur ses lauriers, Alexandre n'aimait pas être autant inactif, il n'avait pas la possibilité de faire quoi que ce soit avant le printemps et cela il le ruminait.

Il se trouvait dans le salon du rez de chaussé, assis face à la cheminée qui crépitait et qui renvoyait la chaleur de son âtre sur Alexandre ... qui faisait un bien fou fallait bien l'avouer en ce temps froid mais comme à son habitude quand il réfléchissait trop, il ne dormait pas. Il était presque deux heures et demi du matin et il fixait toujours le feu avec insistance en pensant ce qu'il avait fait de mal ... Il repensait à son passé d'avant la fange, il se posait devant la cheminée avec sa tendre Alice... il tourna la tête vers le fauteuil à côté de lui mais point de femme, point de silhouette rassurante qui lui souriait tout en lui disant qu'il n'avait pas à se renfermer sur lui.

Il n'avait pas eu l'occasion de faire cela avec Kira ... ni même de parler tout court en fait, ils s'étaient mariés -un mariage arrangé- et avait ensuivit une relation uniquement professionnelle ... peut être que si il n'avait pas eu la mentalité d'un âne buté, il aurait fini par l'aimer ... et puis quoi ? Elle l'aurait très certainement trompée tout de même ... c'était dans sa nature, on en changeait pas une femme volage, il regarda une dernière fois le parchemin qu'il avait dans les mains résumant qu'elle était bien arrivé à la Ferme fortifiée de la Bâtelière mais il en avait cure. Il le chiffonna et l'envoya dans le feu crépitant.

Un bruit le fit sortir de sa torpeur,des pas s'approchant de plus en plus ... il se mit à soupirer mais il savait que c'était probablement une servante qui avait vu le feu de la cheminée allumée, cela devait être probablement Anna, la jeune servante qu'il avait réussi à sauver de la Fange ... elle viendrait déposer un verre de vin et une collation à son maître même si il ne lui avait jamais demandé ... il ne prit même pas la peine de se retourner pour voir qui était l'intrus et ouvit la bouche.

"Merci Anna mais vous n'étiez point obligé ... une fois de plus. Posez cela derrière et laissez moi."

La panique semblait contrôler la foule autour des deux sœurs. Les paysans tentaient d’entrer dans la ville. Certains avaient le visage couvert de pleurs, d’autres terrifiés, se frayaient sans ménagement un chemin au travers de la foule pour entrer dans la ville. Sa sœur se pencha vers une petite fille blessée, cette dernière semblait vraiment mal au point, sa jambe tordue semblait totalement inutile et les pleurs de la petite ne laissèrent pas Alice indifférente. Cette dernière se pencha pour bander rapidement sa jambe, et l’on entendit soudainement le son d’un cor. Adelaïde se retourna, pour voir les portes qui commençaient à se fermer. Ils arrivaient…

«Adelaïde suit les Miliciens! VITE! Ils arrivent!»

«NON! Je ne te laisserais pas derrière, Alice».

«Fais ce que je dis et tais-toi!»

Un milicien agrippa la baronne par l’épaule et la tira contre son gré au travers des portes de Marbrume pendant que cette dernière se débattait tant bien que mal. Faisant fi de la bienséance et d’autres règles que la noblesse semblait si encline à suivre. Son attention était vers sa sœur Alice, qui tentait tant bien que mal d’aider d’autres serfs à entrer dans la cité. Son Alice… Sa grande sœur…« ALICE » hurla-t-elle en voyant les portes se refermer pendant que le milicien tentait tant bien de mal de la retenir. Adelaïde se débattait sans ménagement. Elle les voyait s’approcher au loin, ces créatures immondes, et elle réalisait l’ampleur du danger dans lequel sa sœur se trouvait. Elle hurla une nouvelle fois le nom de sa sœur, alors que les portes se refermaient sur le visage terrifié de cette dernière. Puis, un hurlement se fit entendre d’au-delà des remparts et Adelaïde n’eut plus la force de se débattre et se laissa tomber au sol, le corps secoué de sanglot.

Adelaïde se redressa soudainement dans son lit, en posant la main sur son cœur et en regardant les alentours. Son souffle était court et son cœur battait la chamade au travers de la poitrine. Elle secoua la tête, puis ferma les yeux avant de rapporter les genoux contre sa poitrine. Ce cauchemar l’avait mis dans tous ces états. Comment pourrait-elle recommencer à dormir après cette horrible vision? La baronne se laissa tomber sur le lit, les yeux grands ouverts, fixant le plafond de sa chambre. Ce n’était pas réel, ce n’était qu’un stupide rêve. Alice… le simple fait de se remémorer le nom de sa sœur lui amenait la larme à l’œil… Elle s’ennuyait tellement d’elle… Alice avait été son roc, la personne qui avait fait d’elle ce qu’elle était et le vide que sa mort lui avait laissé n’avaient jamais été comblés. Adelaïde essuya une larme qui coula doucement sur ses joues avant de soupirer et de repousser l’édredon et de mettre rapidement ses chaussures. Elle attrapa une longue robe de chambre qu’elle enfile rapidement par-dessus sa robe de satin et fit une boucle lâche avant de s’engouffrer dans les couloirs de la résidence. La nuit était déjà bien entamée, et la résidence, qui généralement bourdonnait d’activité était bien calme par cette froide nuit. Elle descendit rapidement les escaliers pour aller rejoindre les cuisines, se dirigeant par les quelques chandelles qui tentaient tant bien que mal d’éclairer la résidence. Pour finalement arriver au rez-de-chaussée. C’est là qu’elle le vit. Le maître des lieux, Alexandre de Terresang qui semblait totalement perdu dans ses pensées, tout en savourant la chaleur réconfortante de l’âtre.

La baronne l’observa quelques secondes sans rien dire, elle le connaissait assez pour voir que quelques choses le tracassaient. Son expression, sa façon de se tenir… Oui, il y avait définitivement quelques choses qui le dérangeaient, qui le tenaient debout. Il faillit dire que le Vicomte n’avait pas eu la vie facile ces derniers mois. Après la mort d’Alice, la perte de sa main ainsi que le mariage désastreux avec la Vicomtesse qui avait mené à la répudiation de cette dernière, tout cet enchainement d’événements aurait pu plonger même les hommes les plus solides dans le désespoir. Et pourtant, il se tenait toujours debout, prêt à attaquer la Fange et à défendre Marbrume. Adelaïde l’admirait cet homme, elle se demandait comment il faisait pour se tenir droit chaque jour, alors que la vie ne lui amenait que des épreuves… Après quelques secondes, Adelaïde se dit qu’elle se devait être présent pour ce dernier, et ce même si le Vicomte lui avait brisé le cœur en choisissant Kira au lieu d’elle... La baronne s’avança doucement, le bruit de ses pas résonnant sur le bois frais, elle posa doucement la main sur l’épaule d’Alexandre, ce qui le fut instantanément sursauté. Ce dernier tourna rapidement la tête pour voir de qui il s’agissait, et sembla se détendre lorsqu’il la vit. « Toujours debout? Vous ne changerez donc jamais… » Adelaïde secoua doucement la tête avant de faire un sourire. Elle lâcha l’épaule d’Alexandre pour le contourner et s’asseoir à ses côtés. La baronne le regarda en silence pendant quelques secondes puis reprit finalement la parole; « C’est à cause d’elle n’est-ce pas? Je vous ai toujours dit que ce mariage était une erreur » Elle n’avait jamais caché son désaccord quant au mariage d’Alexandre. Elle n’avait jamais aimé cette Kira. Non pas qu’elle lui en voulait d’avoir pris le Vicomte pour elle, mais elle avait toujours eu le pressentiment que Kira était une vipère, le genre de personne qu’on ne pouvait pas faire confiance. Sans compter qu’elle avait toujours cru que cette dernière ne méritait définitivement pas un homme comme Alexandre. Adelaïde se retourna vers Alexandre, avant de lui prendre doucement la main pour la serrer entre les siennes.

«Je suis là si vous désirez en parler. »

Alexandre était dans ses pensées, il pensait avoir à faire à la jeune servante et non à son ancienne amante ... il reconnu de suite la légère étreinte sur son épaule mais cela ne l'empêcha pas de sursauter tel un jeune homme pris sur le fait ... il tourna alors la tête vers la demoiselle et son coeur se mit à battre la cadence comme si c'était la première fois qu'il voyait cette jeune beauté. Cela faisait plusieurs années qu'ils se connaissaient et pourtant Alexandre était toujours autant intimidé par cette jeune femme forte et indépendante. Elle qui l'avait soutenu durant ces derniers mois, il se mit à sourire et reporta son attention sur la cheminée pendant que la demoiselle s'assied à sa droite.

Il n'avait pas fait attention, elle l'avait vouvoyé ... habituellement quand ils étaient entre eux, lorsqu'il n'y avait personne, ils se tutoyaient ... peut être que le vieil homme avait fait quelque chose de mal mais Alexandre ne s'en préoccupa pas lorsqu'elle lui mit dans la tronche sa remarque sur le mariage avec la Haldonores. Il reporta une fois de plus son attention sur la cheminée, bien sûr, il savait lui même que ce mariage n'était pas une bonne idée, il pensait qu'il y aurait des soucis mais il ne savait pas que le genre de soucis qu'attirait la Kira de Haldonores était l’opprobre sur un blason, la ruine d'une réputation ... mais elle n'était pas seul, il avait déjà mis à l'écart cette rouquine volage, il ne manquait plus qu'à tuer l'objet de cette relation adultérine mais ça il le ferait plus tard, lorsqu'il aura le nécessaire à sa vengeance.

Il sentit la peau de la jeune Adélaïde sur sa main, la douceur de celle-ci lui jeta un frisson, non pas dû au froid ou par la peur mais bien d'excitation ... c'était fou ce que la Rougesoleil lui faisait cet effet même si il avait préféré sa soeur et une rouquine qui n'avait pas hésité à le trahir. Alexandre se sentait comme un damoiseau en pâmoison mais il se reprit et regarda sa belle soeur.

"Et toi, tu ne dors pas ?" Lui dit-il en la regardant avec un demi-sourire tout en insistant sur le tutoiement.

La jeune femme avait senti le Vicomte frissonner pendant qu’elle lui caressa doucement la main. Elle étouffa un sourire, même s’il tentait de camoufler ses intentions, Adelaïde savait pertinemment ce qu’Alexandre ressentait. Elle le voyait dans chaque sourire qu’il lui adressait, dans chaque regard bienveillant qu’il lui adressait. Peut- être était-ce le fait qu’elle lui rappelait Alice? Quoique les femmes étaient particulièrement différentes… Non. Adelaïde savait qu’il ressentait toujours ces sentiments, ils avaient tenté de les refouler pendant de nombreuses années, mais ils étaient toujours là. Toujours là à attendre le moment propice, à attendre le moment parfait. Par contre, cela ne l’avait pas empêché de choisir la rouquine au lieu d’elle. Elle se souviendrait toujours de ce jour qu’il lui avait annoncé son remariage. La baronne avait eu l’impression que quelqu’un l’avait poignardé au cœur, elle s’était sentie déçue, trahie. Elle s’était toujours dit qu’il la choisirait après la mort tragique de sa sœur, mais malheureusement le sort en avait été tout autre. Adelaïde reprit finalement le contrôle de ses émotions avant de retourner son regard vers Alexandre qui lui adressa finalement la parole avec un demi-sourire. Elle fit doucement non de la tête avant de rétorquer; «Malheureusement, non… Un cauchemar m’a réveillé, et c’est impossible que je puisse retourner dormir après cette horrible vision.» Elle apporta la main d’Alexandre à ses lèvres avant de déposer un chaste baiser et redéposer sa main sur le canapé.

La baronne frissonna légèrement, due au froid qui habitait cette nuit glaciale avant de se retourner son regard vers le feu qui léchait l’âtre. Elle laissa un moment de silence s’installer entre les deux anciens amants, un air sérieux au visage, avant de baisser la tête, l’air triste. « Elle me manque probablement autant qu’à toi. » Dit-elle en faisant référence à sa sœur. Un silence lourd sembla envelopper la pièce, comme si la mention d’Alice avait étouffé l’atmosphère. Adelaïde soupira avant de tenter de détendre un peu l’atmosphère, «Maintenant que tout cela est derrière toi, quels seront les prochains plans? » Adelaïde savait qu’Alexandre ruminait, car il ne pouvait rien faire avec l’ordre, ou du moins rien faire jusqu’à l’arrivée du Printemps. Mieux valait le recentrer sur les plans qui lui restait à accomplir au lieu de le laisser se morfondre à cause du passé…

Un cauchemar, Alexandre en avait de plus en plus ces dernières semaines, lui aussi. Ces cauchemars se faisaient rares, ils avaient étaient plus présent au début de la mort de sa femme et de la disparition de sa fille ... on ne savait pas si elle était morte ou si elle était en Fangeux comme sa mère d'ailleurs, on ne l'avait jamais retrouvé mais Alexandre avait toujours l'espoir de la retrouver, il faisait mine de ne rien faire mais il prévoyait d'envoyer des équipes de l'Ordre sitôt que le printemps arriverait ... après deux ans.

Il ne fut pas surpris pour autant du geste de la Rougesoleil, oui, il était fréquent que ces deux là montrent encore des signes de rapprochement... en privé bien entendu, il aurait était mal vu de faire cela à la Cour de Terresang ou encore lorsqu'il était marié à la Haldonores même si cela aurait était de bonne guerre mais sa responsabilité aurait repris une certaine descente.

Il fixa le feu, une nouvelle fois ... il avait l'impression de voir le visage de sa Alice au détour d'un crépitement mais ce n'était qu'illusion très certainement ... après tout, quel dieu pouvait bien lui donner la possibilité de revoir sa douce ? Celle qu'il avait malheureusement trompé à de nombreuses reprises, celle avec qui ce n'était qu'un mariage arrangé qui s'était transformé en amour, un amour qu'il e méritait guère car, il l'avait longuement trahi et celle-ci le savait, Alexande en était sûr.

"Elle nous manque à tous, Adélaïde. Elle était ta soeur, et mon épouse, le malheur est équivalent pour tous."

Il avait dit cela tout en fixant le feu et soupirant à sa propre phrase ... bon sang, il y avait des phrases toute faîtes à ne jamais dire et celle-ci en faisait partie. La jeune Baronne lui posa alors la question de ses occupations en attendant le printemps.

"Le peuple de Marbrume à besoin de l'Astre ... nous veilleront à ce qu'il ne manque de rien aussi bien en nourriture qu'en vêtements et en soins. J'ai plusieurs membres de l'Ordre qui sont prêt à organiser des opérations dans toute la cité ... au printemps nous feront nos tracés pour découvrir les itinéraires sûrs et nous rénoveront autant que cela se peut le Pavillon des Haldonores qui m'appartient désormais ... nous auront besoin d'une base opérationnelle."

Il regarda alors la jeune demoiselle à son côté.

"Nous allons avoir besoin d'alliances pour l'Astre et toi ... nous allons devoir te marier pour perpétuer la lignée des Frayer mais aussi des Rougesoleil.

Il regarde une nouvelle fois le feu qui crépitait dans son âtre, devait-il dire à la jeune Adélaïde qu'il avait découvert que sa nièce était peut être vivante ? Nooon ... il ne voulait pas encore lui donner de faux espoirs, il attendrait sûrement.

La jeune femme savourait sa courte réussite. Elle aimait bien recentrer le Vicomte, et lui permettre de remettre un peu d’ordre dans ses idées. Le fait qu’il commence à penser à ses prochaines expéditions hors des murs protecteurs de la cité était une bonne nouvelle. Preuve que les choses avançaient et qu’ils ne se morfondaient pas sur les récents événements qui avaient heurté sa famille. Adelaïde avait un sentiment que ce dernier lui cachait quelques choses, mais n’en fit pas un plat. Après tout, les deux individus avaient beau être proches, cela ne voulait pas dire pour autant qu’il partageait tout. Puis, il la surprit. Ils allaient avoir besoin d’alliance? Elle devrait continuer la lignée des Frayer ? Le fait qu’il n’avait pas ajouté Terresang la titillait légèrement. Mais qui sait? peut-être avait elle mal compris! Elle se releva doucement pour se mettre à genou sur le canapé, faisant ainsi face à Alexandre. Elle avait mille idées qui lui passait par la tête et son cœur se mit à battre à un rythme effréné. C’était peut-être l’occasion de mettre ses sentiments sur la table. Ses sentiments qu’elle entretenait depuis une dizaine d’années… Mais elle avait cette crainte qui la tenaillait – et s’il la rejetait encore une fois? Est-ce que son cœur pourrait supporter un troisième rejet? Elle prit une profonde inspiration avant de se lancer, après tout qu’avait-elle vraiment à perdre? Adelaïde mit doucement sa main sur la joue d’Alexandre et attira son visage près du sien.

Elle voulait voir sa réaction dans ses yeux, après tout, elle le connaissait assez pour savoir exactement ce à quoi il pensait d’un seul regard. « Il n’y a qu’une seule personne avec qui je me vois continuer la lignée des Frayer, Alexandre. » Elle prit bien soin d’éviter de mentionner le nom de famille de son ex-époux. Si l’on pouvait appeler cela un époux… Après tout, elle était bien trop jeune pour se rappeler de quoi que ce soit outre de leurs terribles nuits de noces. Elle sentit son souffle se saccader et elle prit quelques secondes pour tenter de reprendre ses esprits, puis elle releva son regard azuré dans celui d’Alexandre pour continuer; « Je sais ce qu’elle vous a fait vous a déprimé, meurtri. Mais jamais, au grand jamais, je ne ferais quelques choses de semblable. » Son ton était confiant, et elle savait qu’elle ne lui apprenait rien de nouveau. La baronne avait toujours été à ses côtés, et ce peu importe ce qui lui était arrivé. « Vous le voulez autant que moi, je le vois tous les jours dans votre façon de me regarder. » Avait-elle vraiment besoin d’aller plus loin? Ne prenant pas de chance, elle avança son visage à un souffle d’Alexandre, comme pour l’embrasser, mais s’arrêta au dernier moment. Créant ainsi une certaine tension entre les deux ex-amants. Elle baissa une nouvelle fois des yeux avant relevés son regard, avant de s’exclamer d’une voix tremblante; « Vous êtes la seule personne avec qui je me vois bâtir une famille » La balle était dans son camp. Accepterait-il de la marier et de suivre ses sentiments ? Ou se laisserait-il contrôler la raison et les restrictions de la Noblesse?

Alexandre se doutait de la réponse de la jeune femme quand il lui énonça son envie de la marier pour perpétrer la lignée des Frayer en plus des Rougesoleil dont elle se fichait bien ... ce nom n'avait était qu'un symbole de néant, son mari était mort deux mois après son mariage, ils n'avaient même pas eu d'enfant, c'est dire et elle avait traîné ce nom durant de longues années ... un nom voué à disparaître mais voilà, Adélaïde voulait semble t-il sauter le pas, sa rivale se retrouvait dans un temple loin de Marbrume sous bonne garde et ... sa soeur, l'épouse d'Alexandre se trouvait au côté d'Anür.

Il se mit à réfléchir pendant quelques secondes, il l'aimait bien sûr, ses sentiments avaient était refoulés depuis de longues années après leur rupture pour ne pas faire de mal à Alice, cette relation avait était interdite mais voilà que plus rien ne les séparaient ... oui, sauf une chose ... le fait qu'Alexandre avait était marié avec une autre femme qu'elle et la précédente était sa soeur.

Il se leva alors brusquement cessant alors le contact visuel avec la baronne de Rougesoleil et se mit à observer le feu crépitant dans l'âtre de la cheminée, mettant sa main et son crochet dans son dos, il prit ensuite un ton grave.

"Je ne le peux, Adélaïde ..."

Il se tourna alors une nouvelle fois vers elle, reportant son regard avec une mine de tristesse.

"Je t'aimes, certes, nous le savons tout deux depuis des années déjà mais nous avons conclu l'accord de ne plus être ensemble pour Alice, nous l'aimions tout autant et maintenant qu'elle est avec Anür, voilà que tu désire prendre sa place ? Kira n'est parti que depuis quelques jours et voilà que tu sautes sur l'occasion ..."

Il avait dit cela sans penser à mal mais il l'avait dit, il se mit alors à genoux puis prit la main droite de la jeune femme avec son membre valide et lui baisa celle-ci pour ensuite continuer.

"Tu veux un homme pour fonder une famille ? Je ne suis pas un homme, je ne suis que la moitié d'un homme et qui plus est vieux, j'ai passé la quarantaine, je ne suis plus l'homme que tu as connu dans ta jeunesse.. Il se releva alors avec une certaine appréhension, allait-elle le prendre mal ou non ?"Je suis bien trop vieux pour toi, Adélaïde ... tu es une femme exceptionnelle, tu mérite un jeune homme vigoureux qui te donnera plus que je ne peux te donner, je t'aime mais mon amour est plus profond que cela ..."

«Je ne le peux, Adélaïde ...»

Ces mots… Qui aurait pu croire que cinq petits mots auraient pu avoir autant de pouvoir? Le sol sous ses pieds semblait s’être ouvert, elle avait l’impression que son petit monde venait de s’écrouler. Mais ce n’était rien quant à ce que ressentait son cœur… Adelaïde sentit son souffle s’accélérer, comme si la nervosité s’emparait d’elle. Elle baissa les yeux, tentant tant bien que mal de reprendre son calme. Mais que venait-il de se passer? Une douleur lancinante venait de faire son apparition dans sa poitrine, comme si quelqu’un venait de lui donner un coup de dague au cœur. La jeune femme se mit à respirer difficilement avant de mettre la main sur son cœur, tentant désespérément de panser la blessure que quelqu’un venait de lui faire. Son air, généralement si confiant, semblait avoir perdu l’étincelle qui l’habitait. On pouvait y lire de la tristesse, mais surtout de la douleur ainsi que de la déception. Elle se sentait presque honteuse. Honteuse que quelqu’un puisse prendre autant d’importance dans sa vie. Honteuse du désespoir qui l’envahissait et elle avait l’impression que rien ne pouvait la sauver.

Puis vinrent les reproches. Des mots froids, qui lui semblaient sans émotion. Si le Vicomte avait cherché à l’anéantir, il n’aurait pas mieux fait. Elle baissa instantanément les yeux et les ferma, tentant tant bien que mal de retenir les larmes qui s’accumulaient sous ses paupières. La jeune femme tenta de se battre contre la tristesse qui grondait en elle. Rien de ce qu’il venait de lui dire ne faisait de sens, ils avaient commencé cette relation il y avait des années de cela, les sentiments étaient toujours là. Comment espérait-il qu’elle les abandonne? Comment ferait-elle pour passer outre? Alexandre sembla se rendre compte que les mots qu’il avait prononcés avaient fait beaucoup plus de mal et il s’agenouilla devant elle avant de prendre la main droite d’Adelaïde pour la porter à ses lèvres. Il ne la comprenait pas, elle ne voulait pas d’autre homme et encore moins fonder une famille avec quelqu’un d’autre. La jeune baronne avait la certitude qu’elle avait besoin de lui? Adelaïde ouvrit les yeux puis regarda le Vicomte qui se releva et lui fit face. La jeune femme se releva doucement, et s’avança tout près d’Alexandre. Elle mit ses mains sur ses joues pour l’attirer près d’elle et planta son regard azur dans le sien. Elle aurait tant voulu lui murmurer qu’elle l’aimait, mais aucun son ne pouvait sortir de sa bouche. De toute façon était-ce réellement nécessaire? Il pouvait le lire dans son regard, le sentir dans le baiser désespéré qu’il venait de faire.

Adelaïde déposa doucement le front sur ton torse, tentant de cacher les larmes qui ne quittaient plus ses yeux. Elle aimait tant la perfection de cette étreinte, de ses lèvres, humer ce parfum si réconfortant pour un derrière fois. On ne l’avait jamais préparé à cela, on ne lui avait jamais enseigné ce qu’était l’amour. Et quel cruel sentiment qu’était l’amour, lorsque l’on est séparé de celui qu’on aime! Une larme coula discrètement sur sa joue, rapidement essuyée par sa main droite. Puis releva la tête vers Alexandre; « Je ferais ce que vous me demanderez. » Elle avait tenté de le dire sans que sa voix craque, mais c’était tout sauf convaincant. Elle se recula, puis tourna le dos vers Alexandre pour se diriger vers la sortie. Elle devait sortir, elle étouffait dans cette pièce. Adelaïde s’arrêta devant la porte et se retourna vers Alexandre, il y avait un point qu’elle voulait mettre au clair. « Une dernière chose, je n’ai pas sauté sur l’occasion. Pour une fois dans ma vie, j’ai mis mes sentiments à nue devant vous, car vous me l’avez demandé indirectement. Je voulais vous montrer que je ne suis plus l’adolescente dévergondée… mais une femme accomplie qui vous a attendue pendant près de dix ans. Dix ans, sans jamais vous tromper, ou regarder un autre homme. J’ai respecté Kira, et ce, même si son comportement m’a dégoutée au plus haut point… pour vous. Il n’y a pas un moment, une épreuve que je n’aie pas été à vos côtés pour vous supporter ou supporter notre famille. » Elle s’arrêta quelques instants, soucieuse de comment terminer cette difficile discussion. « Si tel est votre désir, soit je me marierais pour faire grandir vos alliances. Je respecterais mon mari et fondrait une famille avec ce dernier. Mais je dois vous demander une dernière fois, car il n’y aura pas de retour sur cette discussion. » Elle expira une bouffée d’air avant de continuer; « Voulez-vous vraiment me perdre? Pour protéger quoi? Ne me mentez pas, Alexandre, je le vois chaque jour dans vos yeux. »

Elle n'avait pas tort, loin de là. La jeune femme avait était là lorsque Alexandre avait perdu sa main, là lorsque Alexandre pleurait sa femme, là lorsque Kira avait décidé que sa protection et sa gentilesse était superflue pour aller se jeter dans les bras du Sanglier de Sombrebois. Le Vicomte n'aimait pas la tournure de cette discussion, il savait tout cela mais il pouvait être le père de la demoiselle, et il était son beau-frère ... et même si ces derniers avaient eu une relation plus qu'amicale lors de son mariage, le changement devait opérer alors que la Fange était aux portes de Marbrume.

La question que la jeune femme lui posa était une question-piège ... bien sûr qu'il l'aimait ... bien sûr qu'il ne voulait pas la perdre mais c'était la guerre, une guerre où il fallait survivre si l'on voulait que l'Humanité la gagne ... Alexandre se mit alors à regarder la jeune Rougesoleil avec un regard empli de tristesse.

"Nous sommes en guerre, Adélaïde, si nous ne faisons pas le nécessaire je risque de vous perdre...Il vaut mieux que cela soit au profit d'un autre homme que au profit des Fangeux. Je ne veux pas devoir abréger vos souffrances comme votre soeur alors que vous êtes devenu l'une de ces créatures."

Qu’était-il arrivé au Alexandre qu’elle connaissait si bien? Qu’elle aimait… Elle lui avait laissé une dernière chance, elle l’avait supplié à sa façon de rester près d’elle et sa réponse venait de détruire le dernier espoir qu’elle avait. C’en était trop, elle ne pouvait pas endurer cette conversation plus longtemps. Cette discussion venait de la briser, elle qui avait tenté de ramasser la poussière de leur relation, mais il fallait croire que le Vicomte ne voyait plus rien en elle. C’était un dur retour à la réalité. Adelaïde comprit rapidement que sa vie n’aurait rien de celle que ses parents avaient eue. Elle pouvait dire au revoir au ménage heureux, au mariage d’amour. Alexandre avait été très clair. La jeune femme baissa légèrement les yeux, incapable de soutenir le regard du Vicomte.

« Vous venez de me perdre. » Elle releva ses prunelles azurées vers lui, pour soutenir son regard empli de tristesse. « Quant à abréger mes souffrances, peut-être devriez-vous le faire maintenant. Je ne suis pas certaine de pouvoir vivre avec le coup de couteau que vous venez de me donner. »

La baronne baissa une nouvelle fois les yeux, avant de soupirer, l’air pensif. Peut-être venait-elle de traverser une limite. Mais au moins elle aurait dit ce qu’elle avait sur le cœur. Elle essuya rapidement une larme qui coula sur sa joue avant de retourner son regard vers son ex-amant. « Je respecterai votre désir pour le mariage. Vous êtes mon suzerain et je ferai ce que vous m’ordonnerez. Puis-je ajouter que le plus tôt sera le mieux, je ne crois pas que vivre sous votre toit encore longtemps sera bien vu. » Elle inclina rapidement la tête pour saluer le Vicomte, puis sortit de la pièce sans attendre la réponse d’Alexandre. Qu’importe à qui il la marierait, elle n’avait pas l’impression qu’elle peut rendre quiconque heureux ou que quiconque voudrait réellement d’elle maintenant.