Sulfureuses négociations PV Victor

Le constat du fait que ma situation économique péricilitait m'avait conduit à ce que je m'appretais à faire. Comme bon nombre de nobles non originaires de Marbrume ou mème du Morguestanc tous mes biens et mes terres avaient été engloutis par la fange et n'étaient désormais plus que les garants d'une position sociale bien précaire. Je ne devais donc ma place à l'Esplanade qu'à la bonté du duc et payais d'ailleurs de ma personne dans toutes les missions en dehors de la ville que l'on pouvait me confier. Cependant malgré le bon sens qui eut voulu que je tempère les excès de mes sauteries qu'elles aient lieu au manoir ou dans les tarvernes les plus mal famées des bas fonds au vu du constat que mème les barons pouvaient désormais manquer de fonds et ce en dépit de quelques arrangements avec de bons amis bourgeois qui en échange de protection de marchandises et d'escorte par certains des Griffons me renflouaient généreusement de temps en temps, je n'avais pas pris acte des difficultés financières me guettant. Tout ceci expliquait pourquoi j'avais demandé une entrevue avec le sang bleu réputé le plus richissime de Marbrume tout autant que le plus sulfureux si l'on se fiait aux ragots et diverses rumeurs. Le comte Victor de Rougelac en personne, personnage hautement controversé aux mille visages et coffres plein d'or. J'avais moi mème une réputation sulfureuse du fait des duels et des festins sans fin empreints d'excès que l'on me prétait. J'attendais donc l'homme avec lequel j'espérais faire affaire voire dans l'idéal m'associer afin de m'assurer un avenir plus serein au niveau financier. Assis sur une banquette confortable dans un lieu peu commun dans lequel on ne penserait guère à faire affaire au premier abord. Un bordel là ou des oreilles indiscrètes ne risquaient pas de trainer ou peut ètre que si car il ne serait nullement étonnant que des espions compétents au fait de l'inaltérable tendance humaine à déblatérer aient la douce idée de se glisser ici. Peu m'importait pour ma part et j'attendais le Rougelac en compagnie d'une modeste escorte de quelques hommes d'armes tous gentillhommes une coupe de vin à la main. Repoussant à contrecoeur les avances de quelques prostituées bien avenantes en me disant que cela manquerait de sérieux d'acceuillir le comte avec une superbe femme sur les genoux.

Nonchalamment installé sur la banquette, je savourais ma coupe de vin épicé en échangeant avec mes gardes du corps sur la beauté et les attraits des catins nous entourant. Plaisantant allègrement avec les Griffons qui verrouillaient ma position aux prostituées les plus audacieuse. Mes hommes affirmaient qu'une matinée à affronter la fange était moins désagréable que la perspective de passer du temps dans un bordel sans se laisser aller à quelques parties de jambe en l'air. Les rires fusaient dans mon petit cercle resseré de protecteurs et cela me fit du bien de me trouver dans une atmosphère aussi détendue car sans me l'avouer, l'entrevue à venir face à l'homme le plus fortuné de la ville ne m'inquiétait pas moins que si je devais un jour répondre de mes nombreux duels devant le duc. Le comte de Rougelac au delà d'une certaine réputation tout aussi sulfureuse que la mienne n'en représentait pas moins une véritable figure à Marbrume. Aussi, ma demande de rencontre pouvait tout aussi bien se voir balayer d'un désintéret si ce dernier estimait qu'il avait mieux à faire que de se rendre dans un bordel pour discuter affaires avec un noble endetté. Je ne savais pas encore comment je pourrais parvenir à le convaincre de m'associer à ses affaires. 


Certaines rumeurs quant à une liquidation d'actifs dans certains coins de la ville de mème que la générosité d'informations de bourgeois dont les activités étaient protégés par mes Griffons me donnaient un angle d'attaque potentiel. Mais, je n'en ressentais pas moins une certaine inquiétude dont j'étais peu coutumier. Pour reprendre la comparaison de mes hommes, je préférais largement me trouver hors des murs de la cité plutot que de faire un faux pas dans une réunion d'affaires. Ainsi, les plaisanteries grivoises de mes soldats étaient plus que bienvenues en plus d'ètre adaptées au contexte. Finalement, un petit groupe d'hommes se dirigea vers notre coin d'un pas paisible. De nouveaux hommes de main s'installèrent près des miens tels un mur infranchissable et je ne tardai donc pas à comprendre que mon invité venait d'arriver avec discretion et subtilité au vu de la lourde capuche sur sa tète comme de l'entrée qu'il avait choisir. Car de ma position, je n'aurais pu manquer l'arrivée du noble. 


Ce qui tranchait singulièrement avec l'attitude de ma propre garde rapprochée comme la mienne. Le comte retira lestement sa capuche m'offrant la vue de son visage là ou le reste de l'établissement ne pouvait se douter de l'identité du mystérieux nouvel arrivant. Un sourire étira lentement mes lèvres alors que le comte repoussait les avances d'une jolie fille de joie. Ce dernier lissa sa barbe avant de lancer les amabilités. Monsieur le Comte de Rougelac. C'est un honneur. Le comte ne tarda pas à commander une coupe de vin avant de devoir repousser de nouvelles avances sans se départir de son sourire. Portant ma coupe à mes lèvres, je laissais le noble s'acclimater avant de répondre à sa remarque avec le mème sourire en coin qui se fit un brin amusé. Si quelqu'un pouvait payer des croupes à l'autre c'était définitivement l'inverse cependant l'hospitalité voulait que le comte ait raison. J'adore surprendre les gens messire. Hum, disons que j'ai pensé que nous pourrions joindre l'utile à l'agréable d'une part et d'autre part ce choix est guidée par cette négociation elle-même. 


Mais avec plaisir un contrat se doit d'ètre célébré. J'avais noté son ton taquin et avais donc répondu sur un similaire mais désormais que la mine comtale s'était fermée je comprenais que nous rentrerions dans le vif du sujet. Reposant ma coupe sur la table devant nous, je pris quelques instants pour organiser mon argumentaire. Eh bien monsieur le comte. Je me suis laissé dire que vous souhaitiez gommer les irrégularités dans votre réputation en liquidant certains de vos actifs les moins respectables. Il s'avère que je dispose d'une certaine visibilité au sein de la noblesse. Il s'avère également que je puisse avoir besoin de liquidités. Je me suis donc laissé penser que je pourrais reprendre vos actifs les moins présentables d'une part et d'autre part militer pour redorer votre blason d'autre part. Une forme d'association en somme. Qu'en dites vous ?

Le Comte de Rougelac s'était effectivement montré détendu et taquin l'espace de quelques instant pour signifier ainsi à son homologue qu'une entente cordiale n'était pas impossible entre eux. Pourtant, il reprit rapidement un mine des plus sérieuse et pour cause, s'il s'était déplacé jusque dans ce bordel peu respectable s'était bien pour entendre ce Baron désireux de faire affaire, il fallait donc se montrer crédible et garder une certaine ascendance sur les négociations et tractations à venir.

Il rentra d'ailleurs rapidement dans le vif du sujet, car autant savoir au plus vite si son vis à vis était sérieux et fiable. En retour, l'homme se montra des plus coopératif, loin bien loin de jouer une mise en scène complexe de but en blanc, Ulysse de Sombreval proposait donc le rachat des quelques actifs encore gênant pour sa réputation et en effet s'il s'était retiré de la gérance de l'Effeuill'Âge il n'en avait pas moins gardé quelques... disons... billes, comme actionnaire minoritaire dans d'autres établissements moins upés. Pensif, il fixa alors Ulysse quelques secondes durant.

- Vous êtes étonnement généreux, ce qui... par expérience, cache évidemment quelque chose.

Il se glissa la barbe, son regard se laissant porté un peu plus loin sur une catin semble-t-il disposé à offrir par moins de trois chaud nid douillets à des clients affamés. S'il fixait la scène du coin de l'oeil il n'en restait pas moins concentrer sur le déroulé de sa rencontre avec ce Baron.

- Admettons que je vous cède mes derniers actifs dans ce genre de lieux de débauche et luxure, rien ne me garanti que vous militerez pour ma cause dans les hauts cercles de la Haute...

Il esquissa un sourire à la commissure de ses lèvres en voyant la fille de joie gigoter tel un pantin sous les jougs des trois clients, non sans reprendre.

- Vous partireriez avec quelques liquidités facilement blanchi et je n'aurais aucun moyen de reprendre mon argent si vous me faite défaut.

Il reporta alors définitivement son attention sur le Baron avec ce regard arrogant et assuré qui le caractérisait tant.

- J'admet l'intelligence et l'opportunisme dont vous faite preuve et je dois vous accorder un début d'intérêt. Cependant vous êtes encore loin de me convaincre de vous faire confiance. Vous devez probablement vous en douter, je suis homme à réclamer des "garanties", être en quelque sorte "maître du jeu".

Il s'humidifia les lèvres du précieux nectar avant de poser sa coupe et prendre un pose un peu plus décontracté sur la banquette , bras croiser, mimant ainsi d'attendre quelques réponses à ses légitimes inquiétudes, non sans rappeler.

- Si nous sortons d'ici satisfait en tant que mâles et hommes d'affaires, il sera évident qu'un quelconque accord sera signé plus tard.

Plus tard... le temps d'enquête sur le passé de ce Baron, il en allait d'une démarche des plus nécessaire pour le Comte de Rougelac. Mais ils n'en étaient pas encore là et Ulysse devait encore en quelque sorte "se vendre".

Le temps de la taquinerie comme de la courtoisie amicale achevée nous pouvions dès lors rentrer dans le vif du sujet. Sujet épineux à ne point douter et dans lequel le comte excellait bien plus que je ne le pourrais jamais. L'homme d'affaire avisé et efficace avait rapidement pris le pas sur le noble prompt à l'amusement et à la grivoiserie. Ce qui ne fut pas pour me déplaire car je préférais de mon coté attaquer sans attendre de la mème manière que l'agressivité me caractérisait dans mon exercice de l'épée ou dans mes opérations martiales. Cette fois nullement parce que cela caractérisait mon style de combat car je ne négociais pas comme je combattais mais bien pour chasser sans ménagement l'appréhension causée par la dite négociation en bien des points inégale. 


Curieux de savoir ce que pensait le comte de Rougelac de mon idée reposant essentiellement sur un échange de bons procédés, je l'observais d'un oeil inquisiteur alors que mes hommes se rincaient l'oeil tout en surveillant les alentours. Il était important qu'aucun noble ou personnage connu ne soit au fait de l'entrevue qui se tenait dans l'intimité chaleureuse d'un tel lieu de débauche. Or, allez savoir à Marbrume... Je croisais le regard soudainement pensif de l'homme d'affaire en quète d'une image neuve et moins polémique et laissais un modeste sourire effleurer mes lèvres. 


"Vous ètes un homme d'affaire avisé monsieur le comte. Je n'en attendais pas moins de vous. Cependant, cette générosité ne masque aucun vice de procédure. Je pense qu'une association doit reposer en partie sur la bonne foi des deux partis."


Le comte se lissa la barbe et se mit à observer du coin de l'oeil le bal des amants tandis que je portais de nouveau ma coupe de vin à mes lèvres sans me départir du modeste sourire qui était né quelques instants plus tot. A l'affut du point de vue comtal sur ma proposition d'alliance je ne quittais pas ce dernier des yeux. 


"Rien en effet si ce n'est ma parole d'honneur. Ce qui d'ou je suis originaire a une certaine valeur et importance. "


Le comte se laissa de nouveau tenter par le spectacle environnant alors que je me focalisais sur notre cercle rapproché en affichant néanmoins la nonchalance coutumière que j'arborais en la plupart des circonstances. Je ne savais pas comment allait se dérouler cette négociation mais cela semblait évident que le Rougelac n'accepterait pas d'accord aussi facilement.
"Vous pouvez en effet considérer les choses sous cet angle critique bien que cela ne soit pas tout à fait avéré car vous pourriez tout à fait entacher ma propre réputation auprès des habitants de l'Esplanade. Or, celle ci m'est chère et précieuse vous vous en doutez puisque c'est grace à elle que je pense pouvoir vous ètre utile et ainsi équilibrer le marché. De l'or contre un soutien parmi les sang bleu. Je comprends que cela puisse paraitre un brin léger mais vous semblez minimiser la contrepartie. Vous n'ètes réellement pas en odeur de sainteté du coté de l'Esplanade. Vous prenez un risque financier. J'en prends un immatériel mais plus important à mes yeux."


Le regard du comte se fit arrogant et assuré alors qu'il plongeait finalement dans le mien. Levant ma coupe quelques instants suite à la remarque du comte, je laissais pourtant s'effacer mon sourire devant l'apreté de la discussion. Des garanties...Je voyais bien à quel genre de garanties il pensait or il m'apparaissait impossible de les lui livrer. 


"A l'opportunisme en ce cas monsieur le comte." Je portais une fois de plus la coupe à mes lèvres avant de reprendre. "Ravi de ce début d'intérèt mais je ne pense pas disposer de garanties sinon je ne me trouverais pas face à vous en cet instant précis. La seule chose que je possède en mon nom propre dans cette ville est ma compagnie militaire mise au service de la cité conformément aux exigences ducale..."


Alors que le Rougelac s'installait plus confortablement de manière un brin théatrale avant de me rappeller sa promesse antérieure ne me faisant guère d'effet devant la perspective d'avoir fait un coup dans l'eau, je réfléchissais à la meilleure manière de convaincre le noble.
"Permettez moi au moins de commander plus de rafraichissements ? Que cette négociation aboutisse ou non, je ne souhaite pas que vous puissiez partir d'ici en ayant passé un mauvais moment. Il m'apparait impossible de vous céder des parts dans ma compagnie et je confesse n'avoir aucune idée des garanties que vous désirez. Et si vous éclairiez ma lanterne monsieur le comte ? Je tiens néanmoins à souligner que je suis un homme de parole et que je suis probablement le seul noble aspirant à vous voir vous refaire une image. Pourquoi faire l'impasse sur un allié inespéré ? Je ne cache nullement avoir besoin de liquidités."

J'avais de plus en plus l'impression que cette entrevue risquait de tourner court d'un moment à l'autre. Traversé par ce sentiment de méfiance qui me soufflait d'esquiver un coup d'épée lors d'un duel pour m'épargner de finir embroché par un adversaire plus doué que la moyenne habituelle. Durant l'espace d'un instant, je vis le comte de Rougelac se lever passablement mécontent et quitter les lieux d'un pas pressé en proie à une déception d'avoir été dérangé pour des broutilles. Je ressentis une bouffée d'amertume devant l'échec qui me pendait au nez ainsi que devant ma propre propension à me jeter à l'assaut d'objectifs impossibles simplement mu par cette arrogance et cette confiance en soi commune à tous les de Sombreval. Si ma baronnie avait été prospère avant la Fange, ce fut l'oeuvre de mes grands parents et nos aieux avant eux. Cat avait rapidement intégré la gestion de nos actifs tandis que remplissais le role de baron dans tout ce que cela avait de traditionnel. Je me demandai si la situation présente eut été différente si j'avais prété attention aux affaires de mon intendant et de mon épouse.


Mais, j'en doutais foutrement car je n'étais pas un homme d'affaire et la gestion d'un patrimoine ne m'intéressait en rien à coté d'une chevauchée sauvage contre la Fange ou d'un débat sur l'art postérieur au fléau avec mes pairs de la noblesse. Aussi devant la perspective désagréable d'un lamentable coup dans l'eau je réagissais comme le ferait un de Sombreval. Balayant l'échec potentiel d'un revers de la main, je me rengorgeais et prenais une posture plus nonchalante et plus confortable sur le cuir tanné. Commendais une nouvelle cruche du meilleur vin de l'établissement renommé dans son domaine et laissais un large sourire éclairer mon visage. Contraste saisissant avec l'attitude désormais sérieuse et professionelle du Rougelac. Cela ne devait pas donner une image bien rigoureuse de l'homme que j'étais mais je m'en moquais. Fiers comme le Griffon clamait mon blason comme mon sang. Le comte s'avanca et s'accouda à la table basse avant de darder un regard azuréen sur ma personne.


"Je pourrais me sentir insulté que vous balayiez de la sorte mon honneur monsieur le comte. Cependant, je comprends bien qu'un tel concept n'ait guère sa place dans le milieu des affaires. Si, je commence à militer en votre faveur sur l'Esplanade avant mème d'avoir pu de mon coté recevoir contrepartie équitable la charge est inversée. Rien ne me dit que vous ne changerez pas d'avis pour une raison ou une autre de la mème manière que vous affirmiez que rien ne vous garantit que je ne disparaisse pas avec votre or. Qui plus est, redorer un blason n'est pas une manoeuvre expéditive cela prendra du temps et demandera du doigté. Mais en preuve de bonne volonté j'accepte. Je tenterais de convaincre Aymeric de Beauharnais pour commencer. Autant commencer en douceur."


Je laissais un instant mon regard vagabonder dans la pièce et me rincais l'oeil allègrement des bustes dénudés et des oeillades aiguichueuses. Mes hommes ne manqueraient pas de réclamer un peu de "repos" à l'issue de cette entrevue. Je les connaissais bien. Reportant finalement mon attention sur Victor de Rougelac je laissais mon sourire disparaitre.


"Cette exigence semble raisonnable monsieur le comte. A cette exception près que jamais mes hommes ne tremperont dans la moindre action pouvant ne serait-ce que donner l'impression de s'opposer à la volonté ducale. Si cette règle d'or vous convient alors le prix d'ami est envisagable. Aucun accord donc... De la confiance en somme et sur quoi celle-ci reposerait elle si ce n'est la parole donnée. Puisque nous en sommes à négocier. Vous ne m'en voudrez pas de me montrer curieux. A combien ma part dans votre commerce de l'ombre pourrait elle se monter ? Ou autrement dit à combien estimez vous le prix de votre réhabilitation auprès de nos pairs ?"

Cette discussion d'affaires avait été inégale dès le départ pour un certain nombre de raisons. Elle n'avait rien de conventionnelle comme ne le prouvait que trop bien nos escortes respectives dressées telles des murailles de chair et d'acier face au reste de la clientèle de cette antre de débauche. Mais pas uniquement pour cela, j'avais proposé une entrevue à mon vis à vis avec une vague idée d'un partenariat potentiel et avais compté sur mon audace et ce que je savais du comte de Rougelac. Je me rendais désormais compte que cela avait constitué un appat bien léger pour un requin financier de l'envergure du noble le plus riche de la cité. De l'immatériel contre des liquidités, des promesses contre la couleur chatoyante d'une belle quantité d'écus, un soutien à prix d'or au sein de l'Esplanade. Cependant, contrairement à ce qu'avait affirmé le puissant comte un peu plus tot les moyens de pression de ce dernier étaient bien réel de son coté. 


Et puis d'ailleurs, cette propagande pourrait bien me couter cher et peut-ètre bien plus que le cout de ma parole et mes louanges. Les associations se faisaient bien plus vite dans les esprits que leurs contraires. Aussi, ce projet était véritablement un pari sur l'avenir et en me vendant de la sorte au comte car sous l'analyse d'une lucidité aussi glaciale qu'implaccable c'était bien ce que j'étais en train de faire. Mais comme le répétait souvent Achille nous vendons tous une part de nous-mèmes parce que le monde était ainsi fait. Un bras capable de manier une épée, une main capable de peindre un chef d'oeuvre ou d'écrire un traité, un cerveau capable de calculer plus rapidement que la moyenne. Peu importait, nous n'étions pas différents des catins qui se trouvaient dans ce bordel. Bien sur tout cela était très codifié concluait mon cadet. Les nobles devaient serment à d'autres nobles et ainsi de suite. Cette réminescence de cynisme me tirai un sourire amusé alors que je prenais le temps de me servir une nouvelle coupe de vin tout juste apportée par une superbe hôtesse. 


Une rasade plus tard je reportais toute mon attention sur le comte de Rougelac qui avait acquiésé par intermittence à mon discours précédent. Scrutant le visage de mon pair, je cherchais à déceler son acceptation de ce marché sur ses traits. Je venais en somme d'entériner ses exigences tout en le prévenant que toute tentative de déloyauté contre le maitre de la cité se retournerait contre lui ou du moins que je n'y participerais en aucun cas ni mes hommes.  Le message du comte avait été clairement transmis ici. L'homme d'affaire ne faisait confiance qu'au concret et les beaux discours ne lui inspiraient rien que mépris et lassitude. J'en avais pris bonne note et veillerais à ne point l'oublier dans nos relations commerciales. Il restait désormais à évaluer le prix de cette opération. Et par pure courtoisie de sang bleu, je laissais Victor de Rougelac estimer la valeur qu'il accordait à sa ré habilitation parmi nos pairs. Levant une fois de plus ma coupe alors qu'un large sourire étirait mes lippes. Je répondais avec emphase. 


"Eh bien trinquons en ce cas. Car, il me semble que nous avons trouvé un accord monsieur le comte. Il va de soit que je le respecterais également entièrement et que mes efforts débuteront dès que je serais de retour sur l'Esplanade. Cela représente en effet une somme impressionnante j'en conviens. Vous me voyez bien heureux d'apprendre que vous attachez une telle importance à votre blason. Cela fera en effet un bien fou à mes comptes j'en conviens. Mais assez parler affaires. Trinquons ! Et penchons nous désormais sur la manière de sceller cette alliance."

L'affaire qui avait semblée bien mal engagée quelques instants plus tot s'orientait visiblement vers un tournant plus favorable pour les deux partis que nous représentions. L'audace mariée à la sincérité d'un engagement sur l'honneur n'avait pas suffi. Ce qui était parfaitement compréhensible au vu du rang d'homme d'affaires impitoyablement réputé du comte de Rougelac. Aussi, j'avais du céder sur certains points mais ne le regrettais nullement. Le marché était relativement équitable et l'intérèt du Rougelac vis à vis des Griffons Moqueurs s'était avéré plus mesuré que ce que j'avais craint d'emblée. Des tarifs préférentiels ainsi qu'une possibilité de primauté sur d'autres employeurs ne me dérangeaient absolument pas. 

Il fallait reconnaitre que posséder une compagnie militaire avait un certain cout financier qui expliquait seulement en partie ma situation financière délicate. Je considérais en dépit de cela mes hommes d'armes comme mon bien le plus précieux au sein de la cité et en tirais une grande fierté. L'accord oral préalable à une officialisation par écrit se concluait de facto par le levée de coude du comte de Rougelac qui à priori satisfait s'appretait à trinquer. Un sourire entendu sur les lèvres mon associé sembla gouter à une décontraction de bon aloi prouvant par là mème que le contrat était accepté. Pour ma part, un bras posé sur le divan et le sourire large je ne me départissais pas de la nonchalance précédente. 


"En effet monsieur le comte. La discrétion est primordiale pour que ce projet aboutisse. Le désinteressement a bien meilleure presse que les manoeuvres politiques."


Les deux coupes ciselées s'entre choquèrent doucement mais fermement dans un résonnement caractéristique. Puis finirent par retrouver le chemin de nos lèvres respectives dans la foulée. Le breuvage pourpre eut bien meilleur gout que les gorgées précédentes. Probablement car il marquait symboliquement l'éloignement des nuages de mon ciel comptable. Reposant la coupe sur la table basse devant nous après l'avoir vidé, je reportais mon attention sur mon interlocuteur. 


"Cela me semble parfait mon cher. Pour ma part, je tacherais d'approcher rapidement le comte de Beauharnais pour entamer cette campagne."


Je ne savais alors pas encore que je cotoierais l'homme au sein de l'ordre de l'Astre d'Azur. Mais, cela constituait une autre histoire. Réflechissant déjà aux autres personnes auprès desquelles je pourrais vanter les mérites et les vertus du comte, je laissais un rire s'échapper de mes lippes à sa remarque teintée d'humour graveleux. 


"Eh bien, je confesse que vous avez raison monsieur le comte. Je ne suis pas un habitué mais je connais les lieux. Je vous prends au mot. Je vais pour ma part régler pour mes hommes si cela ne vous dérange pas."


A cette remarque les intéréssés eurent bien du mal à réprimer des sourires de six pieds de long. Puis, plongeant mon regard dans celui du comte je laissais un sourire en coin étirer mes lippes. Je me penchais sur les différentes options s'offrant à nous ce soir. Mon regard balaya la vaste salle quelques instants avant que je ne reprenne la parole. 


"Je vous propose la location du salon d'honneur si cela vous sied. Ainsi que quelques ravissantes demoiselles qui devraient je le pense ètre à votre gout comme au mien. Carmen !"


La gérante de l'établissement se présenta devant nous. Une matriarche pulpeuse au visage encore éclatant de beauté malgré des traits sévères. Je lui demandais si le salon privé était libre et celle-ci acquiesa avant de donner des ordres pour le faire préparer.

Si nous ne nous étions pas trouvé dans un bordel, j'aurais certainement pu prendre la pleine mesure du défi qui m'attendait avec cette campagne de propagande à mener en faveur du comte de Rougelac mais en l'état le poids de cette transaction ne pesait guère lourd sur mes épaules. La lucidité n'étant pas absente de la négociation passée j'étais pertinnement conscient qu'il me faudrait user de trésors de patience, de manipulation comme de verve habile pour atteindre l'objectif du comte. Il était bien heureux que je disposais pour ma part d'une bonne image au sein de nos pairs. Batie sur la courtoisie, le respect de l'étiquette, la flatterie ainsi que les festins que j'avais pu tenir au manoir. Sans, cette base il eut été facheux que je propose un tel arrangement à mon nouveau partenaire d'affaire pour autant que l'on puisse qualifier le lien discret nous unissant car oeuvrer en faveur d'une personne à la réputation sulfureuse en en ayant également une s'avérerait bien compliqué. Bon, la mienne n'était point exempte il fallait en convenir cependant mes frasques dans la ville basse ne semblait guère géner les nobles de l'Esplanade. Aymeric de Beauharnais au vu de son rang constituait probablement une cible un brin audacieuse cependant toute cette entreprise avait été menée à l'audace. Je comptais prendre rapidement contact avec le comte dans les jours à venir notamment pour prendre des informations sur l'ordre. 


-"Je compte bien y parvenir monsieur le comte. Je compte bien y parvenir. J'ai bien réussi à vous convaincre. Le comte de Beauharnais est un homme de guerre tout comme je le suis. Faites moi confiance."


Les modalités d'officialisation établies nous pouvions désormais passer à une officialisation d'un autre genre conformément aux propos du comte au début de cette entrevue secrète. J'appellais donc la tenancière des lieux par son prénom et lui demandais de nous faire préparer le salon privé de l'étage. Carmen fidèle à elle-mème nous exposa ses formes plantureuses dans une vague de courtoisie et de sourire avant d'envoyer quelques filles préparer les lieux. Je connaissais la maitresse des lieux depuis mon arrivée à Marbrume et il fallait confesser qu'elle avait vu de nombreux Griffons fouler les planches de son établissement. Elle me donnait quelques informations sur les ragots de la cité et nous jouions à un jeu de séduction chaque fois que nous en avions l'occasion par pur plaisir du jeu. Un jeu auquel nous ne pourrions guère nous preter en cette soirée fructueuse. 


-"C'est une question de principe à mes yeux mon cher. Eh puis, je ne souhaite pas que leur torture ne dure plus longtemps. Oh, mais je ne voulais pas vous forcer la main. Si vous préferez choisir, je vous en prie."


Quelque chose me poussait à penser que les hommes du comte ne profiteraient pour leur part pas de l'aubaine du lieu. Ce qui dénotait soit d'une certaine distance entre le Rougelac et ses sbires soit d'une obsession de la sécurité. Il fallait reconnaitre que les deux vigiles de Carmen n'étaient guère des combattants exceptionnels bien que d'une taille impressionnante. Je ne pouvais néanmoins que trop bien comprendre ce souci de se savoir couvert. Moi qui ne me déplacais que bien rarement sans quelques Griffons. Cependant, je n'imaginais que trop bien que le comte avait pu se faire de nombreux ennemis en acquérant une fortune telle que la sienne ou de manoeuvres politiques contre d'autres maisons. Je me levais finalement et entrainant mes hommes et le comte dans mon sillage me dirigeais vers les escaliers d'un pas nonchalant. Adressant des signes de tètes à quelques unes des plus agréables jeunes femmes disponibles, je laissais mes hommes faire de mème alors que l'une d'entre elle passait sa main au coude que je lui tendais courtoisement. 


-"Eh bien Cassandre il semblerait que tu t'embellisses à chaque fois que je passe te voir ! Ne me di pas que c'est le bordel qui te fait rayonner ainsi ?"


J'éclatais d'un rire amusé lorsqu'elle affirmait que j'étais bien trop généreux et que j'étais celui qui la faisait rayonner de la sorte. Puis, alors que j'atteignais l'étage je jetais un coup d'oeil par dessus mon épaule pour observer le comte de Rougelac. Derrière cette porte, un accord serait scellé de bien heureuse manière. Et mes finances ne s'en porteraient que bien mieux.