Alliée ou Ennemie ? [PV Adélaïde.]

« Votre honneur, Le Vicomte souhaite s’entretenir avec vous sur le champ. »


La Baronne leva soudainement la tête du document qu’elle était en train de lire avant d’acquiescer au serviteur. « Aucun problème Henry, où est-il? » La réponse ne tarda pas. « Dans son bureau », La baronne replaça le mémo qu’elle était en train de lire et se leva rapidement pour aller rejoindre le Vicomte dans son antre. Des milliers de pensées lui traversaient l’esprit. Mais de quoi voulait-il lui parler? Après leur dernier tête-à-tête et la négociation avec le Baron de Sombreval, il ne s’était pas réellement parlé… Elle avait l’impression que le fait qu’elle prenne de plus en plus de place, et le fait qu’elle devenait de plus en plus indépendante dérangeaient particulièrement le Vicomte. Était-ce par jalousie? Se rendait-il compte qu’il était en train de la perdre? Adelaïde soupira et entra dans la pièce. Elle trouva Alexandre, debout devant la fenêtre, perdue dans ses pensées. « Vous m’avez demandé? »


« Tu comptais me le dire quand ?»


« Dire quoi? » demanda-t-elle avant de l’interroger du regard. Puis voyant, qu’Alexandre n’avait aucune intention de le regarder, elle retourna son attention sue le bureau en désordre du Vicomte. Et quel désordre! C’était à se demander comment ce dernier faisait pour travailler ou même organiser l’ordre dans un tel fouillis! Adelaïde balaya rapidement le bureau du regard puis s’arrêta rapidement lorsqu’elle vit le parchemin avec le sceau du Comte de Rougelac. La jeune femme arrêta carrément de respirer, comme si le monde s’était arrêté autour d’elle. Il avait donc mis sa menace à exécution. Elle avait eu le faible espoir que ce dernier se serait peut-être lassé d’elle et qu’il était passé à autre chose, mais non. Le Comte avait passé à l’attaque, et il était loin de laisser sa nouvelle proie partir. Combien de temps était-elle resté ainsi immobile? Quelques secondes tout au plus, quelques secondes tout au plus, mais qui sembla avoir duré une éternité pour la Baronne. Elle se décida finalement à attraper la missive, et la parcourut rapidement. Il était futé le Comte, non seulement protégeait-il ses arrières, mais la lettre était pleine de double sens. Double sens que même Alexandre semblait avoir compris. Adelaïde se retourna rapidement vers Alexandre, on pouvait voir l’inquiétude sur son visage. Comment ce dernier avait-il pris la nouvelle? Comment lui parler? Il ne servait à rien d’être agressif, il ne ferait que rendre la pareille. Adelaïde prit rapidement la missive, et se dirigea rapidement vers Alexandre, s’arrêtant que lorsqu’elle fut à côté de lui. « Je te l’aurais dit une fois que j’aurais eu terminé de négocier. »


« Regarde-moi », dit-elle en mettant sa main sur la joue d’Alexandre pour attirer son regard dans le sien. La jeune femme tenta tant bien que mal de déchiffrer le regard de son beau-frère, mais elle avait du mal. Était-ce de la déception? De la colère? Mieux valait le rassurer le plus rapidement possible question d’apaiser la colère qui pourrait gronder en son suzerain; « Tu m’as donné un mandat à accomplir, Alexandre. Celui d’agrandir les commerces et ainsi remplir les coffres de l’astre. Ma stratégie nous permettra non seulement d’acquérir les fonds nécessaires, mais aussi de contrôler une bonne partie des fabriques d’armements. Je le sais que tout semble… disons hors de contrôle. Mais je t’en prie. » Adelaïde lâcha finalement la joue d’Alexandre pour aller saisir sa main valide et la porte à ses lèvres, avant de donner un léger baiser sur cette dernière. « Fais-moi confiance. » Elle releva ensuite son regard azuré vers son suzerain, sans lâcher sa main. Son regard était inquiet, sincère, jamais elle ne lui ferait quoi que ce soit qui pourrait lui faire du mal, et ce, même s’il lui avait brisé le cœur il y a de cela a quelques semaines. Elle était à lui et à personne d’autre. «Je t’ai toujours été loyal, ce n’est pas parce que je vole de mes propres ailes depuis quelques mois que tu dois en douter. »

La réaction d’Alexandre la surprit. Non seulement il se détacha brusquement d’elle. Mais son ton et son regard changèrent, il était furieux et il déversait son venin sur elle. Mais il toucha une corde sensible… Sa robe qui voulait tout dire? Alexandre n’y allait pas de main morte, formulant reproche après reproche à la Baronne. Si sa première réplique heurta passablement la jeune femme, le reste la mit en colère. Pour qui la prenait-elle? Pour une catin qui vendait son corps au plus offrant? Non, mais! C’était lui qui essayait de la vendre en ce moment pour soutirer le plus pour son ordre! Car soyons honnête, c’était carrément ce qui se passait en ce moment. Il la vendait à celui qui lui ferait la meilleure offre… Celui qui avantagerait le plus l’ordre. Si ce n’était pas Ulysse et sa bande de mercenaires, cela serait certainement quelqu’un qui a de l’argent! Adelaïde réalisa soudainement qu’Alexandre n’en avait absolument rien à faire d’elle, mais qu’il se servait d’elle comme un vulgaire pion. La baronne serra des poings pour contenir la rage qui l’envahissait soudainement. «Comment oses-tu me parler ainsi?! Après tout ce que j’ai fait pour toi! » Adelaïde s’approcha rapidement d’Alexandre pour s’arrêter à un souffle de ce dernier, plantant son regard défiant dans celui empli de colère de son suzerain. «Tu crois que je suis une catin peut-être? Que je me donne au plus offrant?! Puis-je te rappeler que c’est TOI qui essaie de me vendre au plus offrant, tout ce qui t’importe est l’ordre et rien d’autre. » Adelaïde secoua doucement la tête, non sans lâcher le regard d’Alexandre. « Et dire que j’ai été assez idiote pour penser que je comptais pour toi. Tu peux parler comme tu veux au sujet de la Noblesse et de leur façon de faire, alors que tu viens de passer les treize dernières années à me manipuler. Félicitations, tu fais maintenant partie de ceux que tu détestes.»


Adelaïde se recula, avant de tourne le dos à Alexandre pour aller près de la cheminée. Un feu brulait dans l’âtre, elle tendit les mains comme pour se réchauffer. Mais ce n’était qu’un leurre. Elle sentait les larmes qui lui montaient aux yeux, de rage ou de tristesse? Peu importe, elle ne voulait pas qu’Alexandre la voie ainsi, faible, et le cœur brisé. La baronne reprit un ton posé, froid. « Ce qu’il veut c’est simple, le beurre et l’argent du beurre. » Adelaïde ravala ses larmes et se retourna pour faire face à Alexandre. « Il me veut moi, et ma dote. Il veut me contrôler, mais aussi contrôler mes avoirs. » Son visage était vide d’émotion, comme si rien ne lui passait par la tête. Mais elle était dans un dilemme. Devait tout lui dire? Où devait-elle conserver son secret? En ce moment, elle ne savait pas ce qui se passait dans la tête d’Alexandre, surtout depuis le début de cette altercation. «Et vous l’avez dit vous-même, si vous lui donner pas ce qu’il veut, il trouvera une façon de l’avoir quand même.» Un léger indice, pour lui faire comprendre que la situation était beaucoup plus complexe de ce que le Vicomte pensait. Si elle ne faisait que partager la dernière rencontre qui avait eu lieu entre elle et le Comte de Rougelac, elle n’aurait l’air que d’une victime prise au piège et surtout il apprendrait un de ses secrets. Par contre, s’il lui faisait assez confiance, elle lui dirait tout son plan, un plan compliqué, mais qu’il fonctionnerait à merveille.

Ces mots lui avaient fait mal… Tellement mal. Peut-être qu’Alexandre était furieux de la façon qu’elle lui avait parlé, mais il le méritait. Comment avait-elle fait pour aimer cet homme? Et pourquoi l’aimait-elle toujours autant? Elle avait tout ce que ce dernier désirait, une fortune, une tête sur les épaules… et pourtant ça ne semblait pas assez. Adelaïde encaissa les paroles du Vicomte sans rien dire, le visage sans émotion. C’est dans des moments comme celui-ci qu’elle aurait aimé être une de ses femmes idiotes de la Noblesse, car c’était définitivement la meilleure chose qui aurait pu lui arriver dans ce monde cruel. Être une belle idiote… cela lui aurait donner une vie beaucoup moins compliqué. Adelaïde dévia son regard pour regarder le seul, tentant de reprendre le cours de ses idées et ne pas laisser la colère la contrôler.


«Qu'as-tu en tête ?»


La baronne releva la tête vers le Vicomte, et posa son regard azuré dans le sien. «Plusieurs choses… L’art de la négociation est de s’adapter aux épreuves et aux demandes des autres. » La jeune femme soupira, avant de retourner vers la fenêtre. Observant les gens qui marchaient et continuaient leurs activités, sans se douter du drame qui se passait dans la résidence près d’eux. « Mon premier but était d’acquérir une partie de sa fabrique d’arbalètes, et d’investir dans son agrandissement et diversifier les activités. Cela nous aurait permis d’avoir des armes facilement pour l’ordre. » Et voilà, elle venait de toucher la corde sensible de son suzerain sans le vouloir… mais elle avait bien spécifié qu’elle avait fait toutes ses démarches pour lui et personne d’autre. « Mais le Comte est entré dans mon jeu et a décidé de me coincer lors de notre deuxième tête à tête. » Elle ouvrit doucement sa main et écarta légèrement les doigts en posant son regard sur cette dernière. « C’est un peu de ma faute, je cherchais à avoir ses motivations pour le déjouer et maintenant il me tient dans le creux de sa main. » Elle referma doucement sa main, avant de se retourner légèrement vers Alexandre; « Il m’a demandé ma main et ma dote. Ma proposer de jouer une partie beaucoup plus complexe. Et si tu refusais de lui offrir ce qu’il veut, il me demande d’investir le montant équivalent à ma dote dans sa fabrique, en réduisant mes profits bien entendu.»


Elle posa finalement son regard dans celui d’Alexandre; «Je ne vois que deux options a ce problème. La première est que tu le rencontres et négocie un quelconque arrangement pour l’ordre. Il pense pouvoir nous contrôler, mais il se trompe. On ne tourne pas le dos à sa famille, et ce, même si l’on n’est pas d’accord avec eux.» Dit-elle en regardant son ancien amant dans les yeux. «En même temps, cela nous permettra d’avoir ce dont nous avons besoin, de l’argent et des armes.» Elle baissa les yeux, en fronçant légèrement les sourcils. Cela voulait aussi dire qu’elle serait prise dans un mariage sans amour – ou les intrigues et les guerres de pouvoirs seraient monnaie courante. Mais si Alexandre parvenait à négocier un quelconque arrangement… Il aurait une chance de rapporter énormément pour l’ordre. Adelaïde soupira pour relever le regard vers son Alexandre avant de continuer; «La deuxième option est beaucoup plus longue. Je sais que nous voulions nous concentrer sur l’importation des minerais des mines du labret. Pour faire des armes, nous avons besoin de ses matériaux. En offrant à Victor un accès à cette marchandise, il pourrait très bien revoir l’offre et être apte à négocier. Ce qui voudrait dire que je serais moins perdante. Les ressources se font de plus en plus rares- c’est hideux comme pensé, mais c’est le moment d’en profiter. Si tu me laisses négocier cette deuxième option, je peux te garantir que nous aurons aussi un avantage. Il sera moins grand que le premier certes, mais nous aurons un accès facile aux armes qu’il fait et un partenariat commercial avec un des hommes les plus riches de Marbrume.» Certes il y avait une partie qu’elle avait omise dans la deuxième option, notamment comment elle forcerait la main a son adversaire, mais il y avait des choses que l’on devait garder secrètes. Adelaïde alla s’asseoir sur un des canapés qui ornaient le bureau non sans dévier son regard du Vicomte. «Au final, la décision est vôtre.» Sa vie reposait entre ses mains, il ferait bien ce qui lui plairait, de toute façon elle n'était rien d'autre qu'un pion pour lui, il lui avait bien fait comprendre.

L’atmosphère était devenue bien tendue alors que la Baronne regardait son suzerain qui semblait bien concentrer sur le feu qui dansait dans la cheminée. Allait-il lui demander comment il l’avait coincé? Après tout c’était une des premières choses qu’elle aurait faites. Elle resta silencieuse, sachant que ce dernier réfléchissait à ses plans, puis ce dernier se retourna pour finalement lui dire qu’elle avait de bonnes idées. À cette remarque, la jeune femme ne broncha pas. Mais ce fut la seconde réplique qui la fit sourire.


« Alice aurait probablement eu la même pensée que toi, Adélaïde. »


La jeune femme baissa le regard, pour observer un peu plus les motifs du tapis qui ornait la pièce. La tristesse orna soudainement son visage, avant qu’elle ne réussisse à se ressaisir et releva le regard pour le planter dans celui d’Alexandre « Alice était mon idole, elle m’a tout appris.» Puis elle se releva doucement avant de lever légèrement le menton. « C’est grâce à elle que je suis la personne que je suis aujourd’hui. Je suis resté trop longtemps dans votre ombre. C’est à mon tour de briller.» Répondit-elle le plus sérieusement possible. Adelaïde voulait qu’il lui fasse confiance, elle était prête à relever ce défi, prête à contrôler Victor. Que cela soit dans un mariage forcé ou dans une entente commerciale. Le mariage ne l’enchantait pas, mais cela ouvrait des possibilités hors du commun pour leur famille et Alexandre l’avait dit lui-même – ils devaient survivre.


« Nous pouvons probablement jouer sur ces deux solutions même si l'idée de te marier à ce salopard me dégoûte au plus haut point … mais il y va de notre survie. Je te charge de faire ce que tu as dit, trouve où il trouve ses ressources, tu as carte blanche et accès aux coffres de la Résidence … emploie tous les moyens possibles, TOUS! Sans exception… que cela soit légal ou non, je veux tout savoir … quant à moi, je vais lui répondre d'une manière qu'un noble comme lui va comprendre. »


Adelaïde resta de marbre devant l’affirmation – pardon- l’ordre de son suzerain. « Parce que tu crois que je n’ai pas déjà commencé? Ait un peu confiance en moi, Alexandre. Mes pions étaient en place quelques heures après notre dernière rencontre. » La jeune femme fit quelques pas en avant pour s’arrêter devant Alexandre, et leva doucement la tête pour planter son regard azuré dans le sien. « Mes pions étaient bien en place avant cette discussion. » Elle s’arrêta et fronça doucement les sourcils avant de baisser la tête. « Si vous me le permettez, je vais me retirer. J’ai une négociation à préparer.» Adelaïde contourna Alexandre sans lui adresser un autre regard, puis sortit de la pièce. Elle devait prendre contact avec Covalt pour voir ce qu’il avait découvert…