Réconciliation ou Déconciliation ? [PV Adélaïde]

Cela faisait déjà quelques jours qu’Adelaïde était revenue dans la résidence de Nerra, au grand Bonheur de son frère ainsi que de sa sœur. La jeune femme se souvenait encore de leur réaction alors qu’elle et sa suite étaient arrivées dans sa résidence. Ils lui avaient carrément sauté dans les bras, et c’était à ce moment qu’elle avait su qu’elle avait pris la bonne décision. Sa famille avait besoin d’elle. Lécanore avait besoin d’un exemple tandis que Lucas, lui avait besoin de la fougue et la logique de sa sœur. Adelaïde était certaine qu’il deviendrait un bon suzerain. Adelaïde savait que la noirceur vivait sous la lumière… que chaque humain en était la preuve vivante. La baronne devait simplement s’assurer que son frère prendrait les bonnes décisions, qu’il verrait le bon du mal… et pour cela elle devait donner l’exemple.


Et notre récit commença sous les portes qui s’ouvrir devant la Baronne qui s’engouffra dans le salon. Si l’ambiance était légère avant l’entrée d’Adelaïde, on aurait dit que la tension venait de monter d’un cran. Comme si tout le monde retenait leurs respirations. Le regard azuré de la jeune femme s’arrêta net dans celui d’Alexandre et n’y dériva pas alors qu’elle prenait la parole; « Lécanore, Lucas, voulez nous laissez. » Le ton était sec, mais la fratrie savait très bien que la discussion qui se préparait devait arriver, pour le bien de leur famille. Ce soir, une coupure ou une réconciliation se ferait entre les Frayer et les Terresang, c’était un moment décisif pour leurs familles. Ils avaient été ennemis pendant de nombreuses années, avant de s’unir à nouveau. Lécanore fut la première à sortir de la pièce, non sans lâcher un regard rassurant à sa sœur d’ainée. Lucas, quant à lui, salua aimablement le Vicomte, avant de se diriger vers Adelaïde. Il lui prit les mains, avant de la serrer dans ses bras. « Tout ira bien » lui murmura-t-il à l’oreille. « Peu importe ce qui se passera, nous serons à tes côtés. » Adelaïde le repoussa doucement avant de lui faire un sourire déterminé. Puis, Lucas sortit de la pièce, en refermant la porte derrière lui, laissant les trois adultes dans la pièce. La baronne de Nerra se retourna vers Bertrand de Montbard, puis lui fit un sourire accueillant; « Bienvenue dans mon humble demeure, Votre Honneur. » Puis, se retourna vers Alexandre, elle fit une légère révérence, attrapant gracieusement la jupe de sa robe, avant de baisser respectueusement la tête. « Votre Grandeur. » C’était évident que leur relation en avait pris un coup. Il n’avait plus de chaleur dans sa voix, l’accueil respectait toutes les mœurs de la bienséance sans plus.


Adelaïde se dirigea vers une table, là où quelques coupes ainsi qu’une carafe de vin l’attendaient, puis versa délicatement le liquide rougeâtre dans trois coupes. Elle en attrapa deux, avant de se diriger vers Bertrand pour lui en tendre une. Puis, sans croiser le regard du Vicomte, elle se dirigea vers ce dernier. Il attrapa la délicate coupe ouvragée et leurs doigts s’effleurèrent. Ce qui fit lever le regard de la Baronne dans le sien. Elle profita de ses minuscules secondes pour tenter de déchiffrer son beau-frère. Que pouvait-il ressentir en ce moment? La détestait-il autant que cette fatidique nuit? Car soyons honnête, leur dernière discussion avait été loin d’être la plus agréable. Elle ne vit rien dans son regard, outre peut-être que l’appréhension. Adelaïde lâcha finalement son regard pour leur désigné les confortables fauteuils qui ornait le salon de sa demeure, et leur dit d’une vois accueillante; « Je vous en prie, assoyez-vous. » La jeune femme fit rapidement demi-tour pour attraper sa coupe avant de se diriger dans le canapé en face de celui où le Vicomte s’était installé. Puis, voyant que ce dernier ne semblait pas nécessairement vouloir entamer la discussion, elle prit les devants; « Je vous remercie d’avoir accepté mon invitation, messire. Je crois qu’après notre dernière discussion, nous avions quelques choses à discuter. Si cela ne vous dérange pas, j’aimerais commencer. » Adelaïde prit une gorgée de sa coupe avant de lever planter son regard dans le sien et continua; « Je vous présente mes excuses pour mon excès de colère. Certaines paroles ont dépassé mes pensées. » Bien entendu, elle n’avait pas précisé quelle parole, cela dépendrait de ce qu’Alexandre lui répondrait… après tout, elle était toujours en colère contre lui…

« Ce que je tiens à dire, Messire de Montbard, c'est que la Dame de Rougesoleil a outrepassé son statut de vassal en insultant son suzerain et en tenant tête à ce dernier en contestant décision sur décision. La Maison de Terresang vous demande de vous excuser de l'avoir insultée et d'avoir pu remettre en cause sa suzeraineté sur la Maison de Frayer et Rougesoleil ainsi que sur leurs vassaux. »


Adelaïde hocha un sourcil alors qu’elle écoutait la réplique d’Alexandre. C’était réellement dans cette direction qu’il voulait diriger l’entrevue… Très bien… La baronne déposa à son tour le verre de vin sur la table avant de fixer Alexandre pendant quelques secondes. Puis, son regard azuré se porta vers Bertrand de Montbard qui soupira bruyamment, bien conscient que cette conversation était très mal partie. Certes, Adelaïde avait ses torts, mais elle n’était pas la seule… Les prunelles azurées se retournèrent vers Alexandre, et elle le fixa de nouveau pendant quelques secondes pour déterminer de quelle façon elle devait répondre. Alexandre devait réaliser quelque chose et pour cela elle devrait diriger la conversation d’une main de fer pour y arriver. Malgré que le Vicomte ne risquait pas d’apprécier. Certains arguments étaient que de petites graines. Tous ne donnent –pas un chêne, mais si vous en plantez suffisamment, un chêne poussera sûrement tôt ou tard. « Ce que je tiens à vous répondre, Votre Grandeur, c’est que vous avez aussi outrepassé non seulement votre statut de suzerain, mais aussi celui de beau-frère. Non seulement la Maison de Frayer, mais aussi celle de Rougesoleil vous demande vos excuses officielles. » Du coin de l’œil, elle put apercevoir Bertrand de Montbard qui manqua s’étouffer avec sa boisson. Adelaïde baissa les yeux avant de se relever pour marcher doucement, bien consciente des deux paires d’yeux ébahis qui la fixaient. Elle s’arrêta derrière le canapé, avant de placer doucement ses mains sur le dossier du canapé. Adelaïde se pencha doucement vers l’avant avant de fixer une nouvelle fois Alexandre, et avant que ce dernier ne puisse ouvrir la bouche, elle reprit la parole; « Vous voyez que vous n’êtes pas le seul qui peut jouer ce jeu. Alors, épargnez-moi ses paroles insipides et soyons honnête, voulez-vous? » Elle prit une inspiration avant de continuer; « Il y a toujours trois versions de la vérité, celle de chaque parti ainsi que ce qui s’est réellement passé. Je vais vous demander d’écouter mon point de vue sans m’interrompre, peut-être que les dires vous dérangeront, mais rappelez-vous que c’est MA version des faits et de mes pensées. Je vous inviterais à faire de même lorsque j’aurai terminé. » Voyant qu’Alexandre ne répondit rien, elle se permit de continuer; « Il y a quelques semaines, vous et moi avons eu une discussion dans votre résidence. Une discussion ou j’en suis sortie le cœur en miette. Là où j’ai réalisé que toutes ses années que j’ai passé à refuser demande en mariage après demande en mariage avaient été vaines. » Un voile de tristesse sembla assombrir le regard de la Baronne, pour une fois elle montrait réellement ses émotions.


Adelaïde savait pertinemment que Bertrand se doutait bien de leur relation, ils avaient toujours été trop près l’un de l’autre. Alexandre avait toujours été surprotecteur, surtout après la mort d’Alice. « Si vous croyez que mon père n’a pas tenté de me remarier à mon retour à Nerra vous faites grave erreur. Il a tenté de nombreuses fois et j’ai refusé à chaque fois. Pourquoi? Parce que je refusais de me donner à quiconque alors que je pensais qu’à une seule personne. Cela n’aurait pas été juste pour mon futur époux et cela n’était pas la vie que je désirais donner à quelqu’un. Vous devez peut-être penser que je suis un être vil et manipulateur, Alexandre, mais j’ai des valeurs très spécifiques, que je me tâche de respecter. » Elle reprit doucement sa marche, pour s’arrêter devant la cheminée où les flammes léchaient doucement la pierre. Puis se croisa les bras, comme pour tenter de se rassurer, pour se donner du courage. « Je l’avoue, j’ai espéré prendre la place de ma sœur ainsi que celle de Kira. Mais vous avez été très clair à ce sujet le mois dernier. Je me suis résigné… J’ai mis mon futur entre vos mains alors que vous me promettiez un jeune homme vigoureux, pour l’ordre, pour ma famille, mais uniquement pour vous. » Adelaïde se retourna pour faire face à Alexandre, ces yeux ne brillaient aucunement de sa fougue habituelle, non c’était de la tristesse que le Vicomte pouvait voir maintenant. « Pour moi, cela voulait dire que vous choisirez non seulement un parti qui vous avantagerait, mais aussi un qui pourrait me rendre heureuse. J’ai rapidement eu l’impression que j’avais fait une erreur lorsque je vous ai vu rencontrer parti après parti et que ces soi-disant partis étaient loin d’être avantageux pour moi. C’est à ce moment, que j’ai eu l’impression que je n’étais rien pour vous, qu’une pièce de viande à offrir au plus offrant. » Adelaïde baissa son regard avant d’aller s’asseoir sur le canapé une nouvelle fois devant Alexandre, mais cette fois, son regard azuré le fuyait. Elle tentait désespérément de retenir ses larmes. Adelaïde se sentait trahie, oui trahie que son suzerain, son propre beau-frère avait agi que dans ses intérêts et non les siens. « Saviez-vous pourquoi Ulysse aurait accepté un mariage qui ne désirait pas? C’est simple, j’ai fait mes recherches… Ce dernier est en manque cruel d’argent. Ma dot, ainsi que mes possessions auraient pu couvrir toutes ses dettes. Est-ce vraiment un jeune homme vigoureux qui me rendrait heureuse? Le baron est une bonne personne, certes, mais il est aussi un homme à la réputation tout aussi sulfureuse que Victor de Rougelac. Il n’est pas venu vous rencontrer pour de bonnes raisons. »


Il fallait maintenant aborder le sujet qui faisait mal. Victor… Adelaïde tenta de ravaler ses larmes, puis releva la tête pour Alexandre; « Pour ce qui est de Victor… Je vous l’ai dit lorsque vous m’avez convoqué dans votre bureau après sa lettre. C’était une intrigue que seul un mondain aurait pu comprendre. Une intrigue de mondain qui se joue dans les finalités, les détails et les connaissances d’autrui. Je vous ai demandé de me faire confiance, de me laisser gérer cette situation. Je vous ai même dit que même si cette dernière semblait hors de contrôle, que je savais exactement où j’allais. Mais au final, j’ai faite tout ce que bonne vassale ferait, je vous ai donné le choix de négocier vous-même ou de me laisser continuer. Vous m’avez dit de continuer, de faire aller mes contacts pour tout préparer et vous m’avez envoyé à Sombrebois pour négocier avec Hector pour négocier vous-même avec Victor. Vous avez agi dans mon dos et vous m’avez vendu pour quelques choses que j’aurais pu acquérir gratuitement. » Adelaïde secoua la tête avant de fuir une nouvelle fois le regard de son suzerain, et secoua doucement la tête. « J’ai l’impression que vous m’avez trahi, Alexandre. Que vous agit que pour vous et non pour nos intérêts, comme vous m’avez promit voilà quelques semaines. Vous m’avez paradé comme un prix, pour obtenir des arrangements avec plusieurs hommes, mais sans jamais me demander mon opinion. Je vous les déjà dis, je voulais un homme qui marchait à mes côtés, non-devant moi et vous m’avez promis un jeune homme vigoureux… » Elle sentit sa voix craquer, alors elle s’arrêta pendant quelques secondes pour attraper la coupe avant d’y tremper ses lèvres. La jeune femme détestait ce montré sous ce jour, mais Alexandre ne lui avait pas laissé le choix. Elle déposa une nouvelle fois sa coupe sur la table avant de se redresser. « Je l’ai vu que vous étiez intéressé par l’offre de Victor… Mais vous ne m’écoutiez pas et ce peut-importe ce que je faisais. Je tentais même les actions les plus démesurées, mais rien n’y faisait, j’étais désespéré et j’ai demandé l’aide d’un de vos amis. Je me disais qu’il serait probablement la meilleure personne pour vous faire voir raison. »


La jeune femme passa doucement un de ses doigts sous ses yeux, pour enlever une des larmes qui menaçait de couler sur sa joue à tout moment. « Et quand vous m’avez dit que c’était lui que vous aviez choisi, j’ai complètement perdu la raison… Vous m’avez même fait l’offense de ramener le Baron de Rougesoleil dans le décor… Un homme qui m’a détruit alors que je n’étais qu’une enfant. Vous n’avez aucune idée de qui il était réellement. Personne ne le sait. Pour vous, il n’était qu’un homme qui avait quelques crises de colère. Mais le saviez-vous qui écopait de ses crises de colère derrière les portes closes, Votre Grandeur? » Adelaïde se tut pour laisser le temps à Alexandre s’assimiler ce qu’elle venait de dire… Elle n’en avait jamais parlé à personne, avait toujours camouflé les marques pendant leurs quelques mois de mariage. Il n’y avait qu’une seule personne qui avait une idée de ce qui se passait, et c’était un de ses malheureux châtelains qui avait malheureusement vu ses marques. Mais ce n’était pas là où elle devait amener la discussion, elle devait se recentrer. « Alors oui, j’ai perdu le contrôle lorsque j’ai découvert ce que vous faisiez. Pouvez-vous vraiment m’en vouloir? Vous m’avez promis quelques choses et vous m’avez donné l’opposé. Vous m’avez utilisé, moi, une personne que vous disiez aimer. Que la trinité me pardonne, mais je vous en veux. Je vous en veux d’avoir brisé votre promesse, d’avoir fait fit de mes dires et de me marier a un homme dont je ne veux pas et qui se plait déjà à me parader et à m’utiliser alors que nous ne sommes mêmes pas marier. » Elle soupira avant de se laisser tomber légèrement dans le confortable fauteuil, pour fermer les yeux, tentant désespérément de chasser les horribles souvenirs qui remontait a la surface. Elle venait de dire sa vision des choses, venait d’expliquer son raisonnement. Alexandre était libre de faire ce qu’il voulait avec cela, peut-être entendrait-il raison? Ou peut-être que la colère l’emporterait a ce moment-là… Elle ouvrit les yeux une nouvelle fois avant de conclure; « Voilà ma façon de penser, ma version des faits. Peut-être ai-je mal agi en me laissant emporter par la colère... Mais à ce moment-là, je ne savais plus comment vous faire comprendre... Je ne voyais aucune lumière dans l’obscurité, et je n'avais aucun espoir de ma sortir de cette situation. »

Alexandre l’avait écouté du début à la fin, sans l’interrompre une seule fois, certes elle avait pu apercevoir quelques réactions, quelques regards échangés entre le Vicomte et le Baron. La tension était palpable dans la salle, mais elle n’avait pas tout dit. Puis alors qu’Alexandre prit finalement la parole, ce fut Bertrand qui prit finalement la parole. Il lui reprocha d’avoir outre passé ces droits, certes elle l’avait fait. Dans le but unique de faire prendre conscience à son suzerain qu’il commettait erreur après erreur et c’était la seule façon qu’elle avait vue pour lui faire comprendre. Mais Bertrand la surprise, ce dernier prit aussi son partit en remettant Alexandre a sa place, lui confirmant qu’Adelaïde avait eu en quelque sorte raison d’agir comme elle l’avait fait? Du moins, c’est de cette façon qu’elle le voyait.


« J'imagine que tu as un plan, parle et je t'écouterais. »


Un plan? Non elle en avait pas ou du moins n’en avait pas préparé. À quoi cela aurait servi? Après tout, il ne l’avait pas écouté la dernière fois, pourquoi cela changerait-il maintenant? Adelaïde baissa les yeux aux sols, pensive, se demandant si elle devait répondre et surtout comment répondre. Alexandre était un être à part, qui s’énervait ou qui focalisait sur certains dires, elle avait l’impression de marcher sur des œufs depuis quelques semaines. Elle ne savait pas trop sur quel pied danser. Le silence dura quelques minutes, quelques minutes où l’esprit de la Baronne allait à toute allure, tentant de peser le pour et le compte de chaque situation. Devait-elle lui révéler sa visite surprise chez Victor après l’annonce au beau milieu de la nuit? Devait-elle lui révéler le terrible secret avec lequel il la tenait en otage? À ce moment précis, elle aurait préféré être mariée au Baron de Sombreval plutôt qu’au Comte de Rougelac… Et je crois qu’il est inutile de réitérer ses pensées sur le Baron… Adelaïde releva finalement les yeux vers son suzerain avant d’ouvrir la bouche. «Je ne sais pas…ou plutôt je ne sais plus… Je vous l’ai dit Alexandre, j’ai toujours l’impression d’être au milieu de l’obscurité et de ne pas voir la lumière. » Adelaïde pourrait tenter sa chance comme avec son père. Peut-être qu’Alexandre accepterait le même marché qu’elle avait fait avec lui? Elle en doutait. Le Vicomte était loin d’être le type d’homme qui acceptait de la laisser prendre les devants. « Je vous ai déjà demandé de me laisser régler le cas de Victor, je vais vous redemander de vraiment me laisser allez et de me faire confiance sur ce coup. Pour ce qui est du mariage… » Adelaïde soupira ; mieux valait être honnête. « J’ai une personne en tête, mais cette dernière ne pourra pas réellement vous apporter quoi que ce soit sur le moment. Il est un homme bon, que j’ai connu presque toute ma vie. » La jeune femme releva le regard vers son suzerain pour tenter de le déchiffrer . Allait-il accepter? Elle en doutait. Il s’était beaucoup trop battu ses derniers temps pour tenter de soutirer quelconques avantages a tous les prétendants qui passait…