Au rapport, mon capitaine ! [PV Aymeric][Terminé]

Les événements se sont succédé depuis l'entretien qu'Aymeric a eu avec Adelaide. L'éducation de sa fille, le trajet jusqu'au Labret, la négociation avec Lance, le déplacement jusqu'à la ferme, la négociation avec la veuve, retour à Usson, la rencontre avec Bérard, le retour, plus agité que l'aller puis la "surprise" quand il a retrouvé ses foyers, et le Vicomte de Terresang toujours absent. Autant dire qu'il n'a pas attendu quand on lui a annoncé qu'Alexandre était revenu de sa petite sauterie et qu'il s'est présenté chez lui, avant d'être invité à rejoindre la grande salle. Et c'est le postérieur d'Alexandre qui s'adresse à lui.

- Vu que mon épouse est partie avec ses domestiques le jour même où j'ai quitté Marbrume pour rejoindre le Labret et qu'à mon retour, le paternel et ses domestiques, eux, étaient toujours là. Heureusement, il me reste ma fille et mes deux fidèles domestiques, mais comme le Clergé a décidé que je ne pouvais pas l'adopter de suite, non, sincèrement, le retour à la maison ne fut pas bon. On peut parler de choses sérieuses, maintenant ?

Aymeric déplie ses prises de note et annonce la couleur.

- Je n'avais pas en main toutes les données, entre autres financières, de l'Ordre, mais j'ai pu négocier utilement. Pour l'un d'eux, l'investissement ne sera pas lourd financièrement parlant et cela pourrait occuper utilement nos hommes, Vicomte. Pour l'autre, vu les marges que cela pourrait dégager, je pense que l'investissement en vaut la peine. Démarrons par Lance Damboise, l'éleveur.

Visiblement, Aymeric tient à en finir rapidement.

- L'homme est compétent, nos informations étaient bonnes. Je ne m'y connais pas en élevage mais j'ai assez bossé avec des chevaux pour savoir si un gars fait de l'esbroufe ou non. Il s'en sort bien et n'a pas foncièrement besoin de nous. J'ai su le convaincre qu'un partenariat servirait autant ses intérêts que les nôtres. Il y a peu à investir de notre part. Un bon législateur pour l'aider à diminuer ses taxes et nous pourrons récupérer 25% de ses bénéfices en or ou en nature. Un maître d'arme pour l'aider à se battre, puis des chasseurs pour ramener du bétail sauvage vers ses pâturages. Là aussi, on récupère 25%, des bénéfices. Suffit d'une bonne capture pour que ça soit rentable et l'investissement est minimal, voire nul.

Il en profite pour glisser une information autre.

- J'ai fait affaire avec lui moi aussi, car cela pourra aider mes investissements propres. Il avait un souci pour la fabrication de ses fromages, j'ai besoin de chèvres pour ma fermette dans les faubourgs. Lors du prochain voyage de notre bateau, il y aura 12 cages et un vinaigrier à transporter. Gracieusement, car il en bénéficiera. Au retour, il y aura 12 chèvres dans une cage chacune, à livrer dans les faubourgs. Je paierai une pièce d'or par chèvre à la livraison. Vivantes, évidemment.

Il revient à Lance.

Un bon cheptel capturé et on gagne un boeuf ou un cheval. En prime, concernant les chevaux, il est prêt à nous les dresser gratuitement. Bref, en se bougeant un peu de notre côté pour l'aider, on peut vraiment y gagner en or ou en nourriture. La viande, c'est précieux. Et si on a vraiment pas de chance et que même notre législateur n'arrive pas à faire baisser les taxes, on ne perd rien et lui ne râlera pas parce que j'ai su l'aider pour ses fromages.

Il a un sourire. 25% en échange de conseils en matière législatives et d'un entraînement qu'on donne quand même ici à Marbrume, ce n'est pas bien inquiétant. Et si ça marche du feu des dieux, les gains seront conséquents, aussi pour l'éleveur.

- Bien, s'il n'y a pas de questions sur ce partenariat, je pourrai aborder le second des trois points dont je voulais te parler, Alexandre. Et je vais du plus simple au plus complexe.

L'information selon laquelle il ne paiera rien, il la laisse en suspend. Il paiera si les choses se déroulent comme il le présage, donc mal. Mais d'abord, en finir avec la mission.

- Donc, pour Lance Damboise, un investissement en argent nul ou presque et 25% de la marge qu'on dégagera. Le législateur seul pourra nous rapporter pas mal, mais dans les faits, c'est surtout la capture des animaux redevenus sauvages qui sera rentable et nous fera en prime bien voir du Duc. Si on améliore les rentrées du Labret, tout le monde sera ravi. Bien, la veuve Dumas maintenant...

Il soupire, ça sera plus compliqué.

- Elle s'en sort bien, a déjà des accords commerciaux et n'a presque pas de réserve. Forcément, la nourriture ne se garde pas fort longtemps. Négocier a donc été plus complexe et la marge dégagée par le législateur était moindre. C'est plus niveau formation qu'elle est intéressante, car elle est compétente. Et là, il y a moyen de joindre l'utile à l'agréable.

Aymeric sourit, pour la première fois, plutôt fier de son idée, apparemment.

- Il reste des fermes inoccupées dans le Labret, la terre voisine de la fermière l'est depuis deux ans. Former des paysans de l'Ordre à la gestion d'une ferme, à la culture, aux périodes où on peut planter, tout ça pourrait nous offrir un accord avec cinq fermes plutôt qu'une. Et avec 5 ouvriers agricoles, la veuve Dumas pense pouvoir tripler sa production de légumes et travailler une nouvelle parcelle de céréales.

Aymeric se doute que désormais Alexandre voit où il veut en venir.

- Pour l'heure, elle ne peut héberger 5 personnes, elle tient à sa liberté, ni les nourrir. Pour la nourriture, à l'été, avec les premières récoltes, ça ira. Et avec une production triplée, il lui faudra une grange. Alors, si nous fournissons les ouvriers, la grange à l'étage duquel les ouvriers pourraient dormir et si nous payons le gîte et le couvert jusque là, la veuve est prête à nous laisser 50% de ce qu'elle conserve après taxe. Contre une grange dont les bois nous appartiendront toujours, des ouvriers qu'elle forme pour nous, des outils qui appartiendront aux ouvriers, et trois mois de gîte et couvert pour les 5 courageux qui iront se former chez elle. Au printemps prochain, on diminuera notre part à un tiers, je pense que ça sera correct, car on aura couvert notre investissement en ayant une autre ferme disponible sans doute, et l'accord toujours valable avec notre amie fermière. Là, on investit, mais du point de vue nourriture, ça sera forcément rapidement rentable.

Il tend les notes qu'il a prises tant avec Lance qu'avec Mathilde pour qu'Alexandre ait les bases et ajoute.

- Il faudra qu'on envoie une compagnie pour nous assurer qu'on ne perde pas ressources ou gens, donc pour protéger nos investissements. Pour Lance, il vit vraiment sur les bords d'Usson, la milice y est régulièrement, je ne suis pas trop inquiet. Pour Mathilde, elle est beaucoup plus isolée. Bon, les 5 futurs fermiers qu'on forme maîtriseront des armes, mais quelques mercenaires pour surveiller les alentours ne seraient vraiment pas de trop. La ferme est bien située, d'autres seront attaquées avant, que ce soit par les pirates ou les bannis, mais s'ils réfléchissent un peu à l'endroit le plus idéal pour avoir le temps de bien le faire, cette ferme est une magnifique cible.

Voilà, Aymeric en a fini, il a le sentiment d'avoir fait du bon travail. Il ne touche pas à la boisson qu'on lui a apportée et son regard se fait plus sombre.

- Alors, maintenant que les choses sympas ont été évoquées, attaquons un point qui ne manquera pas de poser problème, Vicomte. Une rumeur particulièrement désagréable prétend que vous seriez en cheville avec le Rougelac et que vous songeriez lui offrir le cul de la baronne de Rougesoleil en échange d'un arrangement commercial que j'imagine hautement profitable à vous ou à l'Ordre... Alors, je me contenterai d'une seule question : S'agit-il pour vous d'un jeu pour vous moquer du Rougelac ou bien avez-vous réellement perdu tout sens de l'honneur pour vous acoquiner avec ce déchet ?

 « Oui, surtout si la milice extérieure se voit offrir de nouveaux chevaux … les éclaireurs ne seront plus forcés de faire leur trajet à pieds … c'est astucieux et surtout la réputation de l'Ordre auprès du Duc mais aussi de la Milice … bien entendu, il faut que nous convoyons ces bête jusqu'à Marbrume en bonne santé mais nous y arriverons. »


Il écouta alors par la suite le jeune Beauharnais lui énoncer l'accord qu'il avait fait avec la dénommée Dumas, une fermière du Labret qui semblait, poui lui, très compétente, car, apparemment elle accepterait de former des paysans de l'Ordre aux travaux de la ferme pour ainsi s'occuper des fermes inoccupées du Labret … le rendement de la nourriture serait triplés voire quadruplés, le Duc serait ravis mais il avait parlé de marge de manœuvre compliquée et il n'avait pas tort de penser cela… on lui proposait de payer la construction d'une grange … ça c'était normal, la fermière faisait partie du peuple mais qu'en plus il devrait payer les extras de déplacement de ces cinq ouvriers en plus de payer le gîte et le couvert que la demoiselle leur donnerait si gentiment … hm, sur du court terme ça promettait de ne pas être avantageux pour l'Ordre même si sur le long terme, ce que le Maître de l'Ecu d'Azur lui disait était bien plus qu'avantageux … cela promettait mais il fallait sortir les sous pour tout cela … il faudrait qu'il réfléchisse à tout ça à tête reposée en compagnie de ses intendants.


Il prit alors le pichet d'hydromel puis se servit une coupe tout en versant dans l'autre. Il but alors une gorgée avant de faire un signe à Aymeric de prendre la sienne et regarda plus attentivement les notes qu'il avait prise tout en les rapprochant avec sa prothèse.


Hm … en plus des cinq hommes qu'il devrait payer, il devrait envoyer des mercenaires d'Ulysse … oh bien sûr, il payait le salaire de la compagnie à 38 % et c'était un investissement bien rentable tant que la compagnie était déployée sur un contrat juteux mais … oui, il enverrait des mercenaires de Sombreval et non des escorteurs qu'il devrait payer plein pot … Quoi ? Oui ! Faut faire des économies ! On est en période de disette


Alexandre approuva les dires du jeune héritier … le fléau de l'humanité n'était pas les Fangeux mais bien les pirates et les hors-la-loi qui profitaient du chaos généré par la Fange pour s'approprier des ressources qui ne serviraient à rien si les humains arrivaient à mourir. Il regarda alors le jeune homme dont le regard s'était assombri, il voulait lui dire qu'il avait fait du bon boulot mais quelque chose disait au Vicomte qu'il allait regretter ces paroles d'ici quelques instants.


Eh, il n'avait pas eu tort une fois de plus … il regarda le contenu de sa coupe puis eut un demi sourire avant de boire une seconde gorgée de son hydromel, que la peste soit sur Adélaïde, elle était parti baver au futur Comte Aymeric de Beauharnais … mêler une personne extérieure à cette affaire était une mauvaise chose, surtout quand la personne en question était le Némésis de celui qui était votre partenaire en affaire … il était de notoriété publique que le Beauharnais n'aimait pas le Rougelac et c'est bien pour cela qu'il ne lui en avait pas parlé de suite mais il regarda Aymeric, son sourire avait disparu et il posa sa coupe sur la table tout en laissant en suspend son geste quand le récipient était sur le meuble.


 « Je … ne prendrais pas en compte votre ton désobligeant, Messire de Beauharnais. »


Il se détourna de celui-ci pour aller vers le bureau derrière lui où il semblait chercher quelque chose.




 « Je ne sais pas pourquoi la Dame de Rougesoleil vous a parlé de cela alors que je m'apprêtais à le faire. »


Il prit alors une pile de parchemins reliés entre eux par un fin fil de cuir et continua.


 « Ces histoires ne concernent que les Maisons Terresang, Rougelac et Rougesoleil et vous ne faîtes pas partie de l'équation messire de Beauharnais. »


Il se retourna alors vers Aymeric puis avant qu'il ne puisse répliquer il reprit.


 « Néanmoins, vous m'êtes sympathique et comme vous le savez, j'aime votre franc parler mais n'allez pas en abuser… vous êtes peut être destiné à devenir comte à la place de votre père mais vous n'êtes pas mon suzerain et je n'ai donc pas de compte à vous rendre. »


Il se mit à le regarder de son regard gris et il lui adressa un semi-triste, il tenait les documents qui pouvaient lui démontrer que Alexandre avait négocier comme il se doit la main de sa belle sœur et uniquement dans le but de renforcer l'Ordre.


 « Vous n'êtes encore qu'un jeune adepte dans les jeux de la Noblesse, dans la Cour des dirigeants et vous ne semblez pas vous êtres améliorer en matière d'étiquette … ce que je me fiche bien, Aymeric de Beauharnais mais n'allez pas me faire le coup de l'homme qui pense pouvoir discerner l'honneur ou non de quelqu'un. »


Il attendit quelques instants.


 « Mais je suis un vieil homme qui aime jouer, alors jouons. Vous voulez savoir si je suis en affaire avec Victor de Rougelac ? Je suis en affaire avec lui. Pourquoi ? Pour renforcer mes liens dans la cité de Marbrume mais aussi pour aider l'Ordre à avoir une source de revenu stable, de l'équipement de bonne qualité presque gratuitement et pouvoir faire du domaine des Haldonores une base d'opération secondaire de l'Astre … je n'y arriverais qu'avec l'argent du comte sans terres.
Comment puis-je négocier à l'amiable ? Le Comte cherche une femme depuis longtemps, Adélaïde de Rougesoleil, un nouveau mari et sachez que c'est elle qui a initié ce jeu avec le Rougelac, c'est elle qui a proposé de ce marier avec lui pour lui soutirer l'argent nécessaire mais aussi les matières premières qu'il utilise pour ses armes. »


Il regarda alors le futur comte tout en posant le tas de parchemin sur la table.


 « Vous avez un soucis avec mes méthodes ? Soit, parlons en. Vous avez un meilleur parti que Victor de Rougelac ? Soit, parlons en. Mais sachez que ma décision est déjà prise et si vous pensez que je changerai d'avis … c'est que vous semblez bien mal me connaître, Aymeric. »

Alexandre signale qu'il ne prendra pas en compte le ton désobligeant employé par Aymeric, ce qui arrache un sourire à l'héritier :

- C'est fort dommage, le ton était un excellent indice permettant de cerner le fond de ma pensée... Et si la Baronne m'en a informé, c'était AVANT mon départ pour le Labret. Autant dire que j'ai eu le temps de ruminer tout ceci.

L'argument selon lequel la maison des de Beauharnais n'est pas concernée est tout à fait exact, Aymeric le reconnaîtra sans peine.

- Ce n'est pas en tant que "futur suzerain" que je vous en parle, mais en tant que partenaire de l'Ordre. J'ai rejoint l'Ordre sur les valeurs qu'il défend. Si elles sont bafouées...

Que le Terresanguin ne vienne pas lui beurrer la raie avec une histoire d'étiquette, de rang, de lien indéfectible et autres fadaises. Ah non, Alexandre vient lui parler lui parler de sa jeunesse dans le monde des nobliaux, ce qui n'est pas sans amuser Aymeric, qui lit les documents qu'Alexandre lui tend.

- En effet, je ne suis pas encore aux faits de tous les jeux de la noblesse, ce qui me permet de ne pas être aveuglé par des règles débiles que le commun des mortels peut voir mais qu les nobles dans leur tour d'ivoire ne cernent même plus... Et le cul d'Adélaide est l'un des plus chers de l'histoire de l'humanité, si j'en crois ces documents. De quoi être bien aveuglé, en effet. En matière de poudre aux yeux, c'est du costaud quand même. C'est qu'il semble y mettre le prix, le Rougelac, pour se racheter un honneur. Et le pire, c'est quand dans votre monde, Alexandre, il va y réussir... Bien, jouons, je vous écoute...

Un accusé a le droit de se défendre et Aymeric écoute Alexandre avec patience et attention. Et quand Alexandre lui signale qu'il ne changera pas d'avis, Aymeric se dit qu'il n'a donc aucun effort à faire pour présenter les choses sous un jour... présentable.

- Tout a un prix, paraît-il. Je connais désormais celui de votre honneur. Il est hors de mes moyens, mais accessible quand même. Une prostituée chère n'en reste pas moins une pute, mon cher Alexandre.

Et le cher, ici, peut parfaitement être entendu comme "onéreux" et non plus comme une marque de respect.

- Bon, vous reconnaissez vouloir renforcer vos liens dans la cité, c'est bien. Le nier aurait été stupide. La source de revenu stable pour l'Ordre, l'équipement et autre fadaise, vous m'excuserez, mais ce sont des excuses pour tenter de justifier le reste et puisque vous me permettez d'en discuter, allons-y !

Aymeric n'a pas haussé le ton, il expose les choses presque cliniquement, avec sang froid. Ce qui rend la portée de ses mots plus forte encore. Il est conscient de ce qu'il dit.

- L'Ordre n'a pas besoin de fonds illimités. Dans mon monde, qui comme vous le souligniez n'est pas le vôtre, on ne dépense pas les sous qu'on n'a pas, on fait avec ce qu'on a. Si on a 500 écus, on fait avec 500. Si on en a 5000, on fait avec 5000. Et bizarrement, 500 bien utilisés valent mieux que 5000 pour lesquels on ne s'inquiète pas puisque, de toute manière, on a un financier. C'est une tranquillité d'esprit que vous vous achetez, Vicomte, et cela, je ne vais pas vous le reprocher. Non, mon reproche est ailleurs.

L'explication se poursuit, sur le même ton.

- Votre financier est-il digne de confiance ? N'essaiera-t-il pas de vous rouler ? De tricher sur les chiffres ? De frauder jusqu'au Duc lui-même ? D'un homme d'honneur, j'aurais tendance à répondre non, mais de lui. Il est inutile que je vous retrace son parcours, il est connu. Mais la dignité et l'honneur n'en sont pas les premiers jalons. J'ignore ce qui vous permet d'imaginer qu'il en ira différemment pour vous, Vicomte. Mais alors, le reste de vos arguments. Pardon, mais bien qu'étant tout neuf dans la confrérie des gens qui usent d'un titre pour se faire mousser, vous serez gentil de ne pas me prendre pour un enfant.

Il lève le pouce pour indiquer son premier argument :

- Rougelac ne cherche pas une épouse. Il pouvait en avoir une, la mienne, qui en plus d'être féconde était riche. Que demander de plus ? Ce n'est pas une épouse qu'il veut, mais une réputation. La sienne étant entachée, l'écouse vertueuse lui permettra de se racheter une réputation. Ce n'est pas une épouse qu'il cherche, mais une virginité. Un peu comme une pute qui voudrait faire croire qu'elle est vertueuse. Si vous voulez faire semblant d'y croire, grand bien vous fasse, les faits après tout comptent moins que l'interprétation qu'on en fait dans votre monde, pas vrai ?

Il lève un second doigt

- Adélaide cherche un époux, ça, à la limite, je ne la connais pas. Mais de là à vouloir Rougelac... Si tel était le cas, pensez-vous réellement qu'elle mettrait notre amitié en danger en m'informant de vos relations avec elle, puisque mon animosité pour votre nouveau riche partenaire commercial n'est pas un secret ? Soit elle veut réellement épouser le Rougelac et créer une dispute entre nous, auquel cas il était inutile de m'en avertir, le mariage se faisant, je l'aurais appris et j'aurai réagi tout pareil, je suis tout sauf surprenant de ce point de vue. Soi il lui déplait et elle voit en moi la dernière chance de vous faire entendre raison. A tort, vous êtes au moins aussi buté que moi, ce qui est une qualité, que je ne vous retire pas.

Il s'adoucit ? Pas vraiment, il démonte les arguments un par un.

- La force de Victor, c'est de faire croire qu'il est puissant et indispensable. Sa fortune, et je me moque de comment il l'a acquise, je suis factuel, est son plus grand atout, mais elle ne repose sur rien. Puisque la réputation devient plus importante, il doit dépenser et se débarrasser de ses avoirs problématiques, ceux qui peuvent être assimilé à de la contrebande. Il a assez de pouvoir pour se jouer de la milice, mais pas du Duc. Viennent donc des commerces plus honnêtes, mais moins rentables. J'aide à la gestion d'une menuiserie et d'une forge. Sans matière première, ça n'est pas rentable, ou difficilement.

Il semble se détendre et poursuit.

- La vraie fortune est là, dans les matières premières. Et les matières premirèes, ce sont les propriétaires de domaine qui les ont. Lui, comme moi, si les fournisseurs décident de ne plus rien nous vendre, c'est fini. Et toi, bougre d'imBECILE, tu lui offres des terres en plus de ta protégée ? Voilà où ça mène, la vision des nobles. Tu lui abandonnes un terrain. Bien, espérons qu'Hector et les Ventfroid fassent pareil et là, Victor sera réellement puissant et non plus seulement parce que VOUS pensez qu'il l'est.

Oui, il a haussé le ton.

- Parce que, dis-moi, Alexandre, quel fait d'arme justifie qu'il ait une terre ? A-t-il seulement accompli un exploit ? Tu as perdu ta main au Labret. Hector s'est forgé une solide réputation au combat. Mais Victor ? Son seul exploit est de, peut-être, je n'ai pas vérifié, avoir baisé des putains sans choper de maladie honteuse. Cet exploit magnifique justifie-t-il qu'on fasse d'un noble sans terre un noble terrien ? Il y a deux catégories de nobles, ceux qui osent s'exposer pour le bien de tous, et ceux qui paraissent, pour leur bien à eux. Le Duc récompense les guerriers. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on s'entende entre nous. Parce que le jour où il faudra prendre les armes contre les pirates, la fange ou les bannis, toi, Hector et moi seront l'arme à la main. Victor, pour un tournoi avec des armes en bois, sera dans les tribunes, avec les gueux, par peur qu'une écharde abime son doigt. Et c'est à lui que tu confies ton avenir ? Un mercenaire a plus de noblesse qu'un mondain qui se cache derrière lui. Et c'est sur lui que tu veux garantir, selon toi, la survie de l'Ordre ? Très bien, mais ça sera sans moi.

Il soupire.

- Il y avait de meilleurs partis, politiquement aussi. Mais j'dois être trop con pour qu'on en parle, n'est-ce pas ? Victor est le pire parti de tout Marbrume, tu y perdras ton honneur et bientôt ton Ordre. C'était du bel ouvrage pourtant. Adélaide est forte. Si en prime elle est maligne, ce couple pourrait être diabolique. Vu de l'extérieur, ça pourrait même être amusant à suivre, tiens. J'avais pensé un temps que le monde des sangs bleus pouvait partager mes valeurs, Foi, Force et Honneur. Je ne me permettrai pas de douter de ta Foi, encore moins de ta Force. Je n'aurai pas un sourire béat si nous devions nous affronter en duel. Et j'ose espérer que tu ne serais pas confiant en m'affrontant non plus. Mais je ne transige pas avec mon honneur. Le loup a pénétré l'Ordre, je m'en retire. Et si tu as pu penser qu'il en irait autrement en t'acoquinant avec Rougelac, c'était bien mal me connaître, Alexandre...

Alexandre regarda sa coupe posée sur la table … il sentait qu'après cette entrevue il aurait besoin de quelque chose de plus fort … bon sang de bon soir, était-il idiot ou le faisait-il exprès ? Il y avait une différence entre le Vicomte Alexandre, Seigneur de Terresang et le Seigneur Alexandre, le Maître dirigeant de l'Ordre ! C'était deux entités bien distinctes  et il ne comprenait pas pourquoi il faisait pas la distinction ! Rougelac était en affaire avec Terresang et non avec l'Astre d'Azur … bon sang ! Alexandre eut un demi sourire, bon sang, il aimait bien ce type mais il commençait à lui courir sur le haricot.


 « En effet, vous êtes un partenaire et un allié précieux pour l'Ordre mais vous n'arrivez pas à faire la différence entre moi et l'Ordre. Je ne suis pas l'Ordre, c'est vous et ceux qui le dirige en général, je ne suis qu'un rouage de l'Astre et vous êtes si aveuglé par la haine que vous portez à Rougelac que vous ne voyez pas les avantages que cela peut nous apporter. »


Alexandre commençait doucement à monter en pression … d'accord, il aimait son franc parler mais là, il allait bien trop loin. Il décida de se reculer de la table de commandement où était disposé les différents documents et les cartes de la région pour aller s'asseoir dans un siège … il en avait besoin et il sentait qu'il devrait rester assis avant que ses jambes ne se dérobent sous la colère.
L'héritier comtal ne comprenait rien à la situation, Victor de Rougelac un financier pour l'Ordre ? Alexandre préférait mourir plutôt que donner les comptes de l'Ordre à cette fripouille même si il allait être son beau-frère d'ici peu… mais pourquoi parle t-il de financier ? Alexandre n'a parlé que d'équipement pour l'Ordre et la fabrique n'appartiendra pas à l'Ordre en lui même mais à Alexandre qui mettra certains bénéfices dans les caisses de l'organisation … rien de plus. Bon sang, ça y'est, il sentait la pression de la colère lui monter jusqu'au cerveau … rester calme surtout et éviter de boire … heureusement qu'il avait laissé sa coupe sur le bureau. Il écouta alors le Beauharnais tout en mettant son coude sur l'accoudoir du siège et il tenait sa tête avec sa main puis il l'écouta déblatérer … quand finira t-il ? Oui, Alexandre trouvait Aymeric sympathique, il parlait beaucoup quand la situation l'exigeait mais cela partait dans un monologue ennuyeux surtout qu'il n'avait rien compris à la situation … il releva la tête à l'insulte qu'il venait de prendre en pleine face. Bon, il resta calme tout de même, bon sang . … quand va t-il finir ? Oui, Alexandre aurait pu le couper et lui dire sa façon de penser mais il attendait qu'il ait fini et c'était pas près de finir apparemment.


Voilà, il se lançait dans les faits d'armes et en plus il parlait d'Hector de Sombrebois, ce vil coquin qui lui avait pris sa femme, ce sanglier bouffi qui se croyait séduisant avec ce nez, que dis-je ce pic … ah, il avait donc fait un détour vers Sombrebois ? Il n'en savait rien, il le pensait vu qu'il parlait de lui en ce moment, bon sang … si le Beauharnais pensait qu'il n'avait pas mis sous pression le Terresang, là il l'avait fait en lui parlant de celui qui avait couché avec sa femme et en plus cette dernière avait disparu à cause de lui… oui, la répudiation était en partie de la faute d'Hector, c'est à cause de lui si elle a disparu.


Bon, voilà nous étions au chantage et à la manipulation, donc Aymeric ne voulait pas que Victor soit le partenaire d'affaires d'Alexandre et il lui faisait bien comprendre … c'était soit lui, soit Rougelac … était-ce une plaisanterie ? Il lui mettait la pression intentionnellement ou il était fou ? Le Noble ne prit même pas la peine de se lever de son siège pour lui parler, après ce qu'il venait de faire il n'en méritait pas tant.


 « Bien. »


Il attendit quelques instants avant de reprendre, aucune émotion ne relfétait ce que ressentait Alexandre et c'était bien grave, il regarda alors le bureau où se trouvait les cartes.


 « J'avais dans l'idée de vous faire mon successeur aux commandes de l'Ordre mais il semblerait que ça ne se fasse pas. »


Il soupira puis regarda Aymeric.


 « Vous m'avez insulté Aymeric de Beauharnais, vous avez insulté la Baronne de Nerra. Vous m'avez qualifié de personne sans honneur et d'imbécile, sachez que vous n'avez rien compris à la situation. Je lui donne des terres pour qu'il les réaménage et qui va les réaménager d'après vous ? Qui va les fortifier ? L'Ordre. Il payera de sa poche plutôt que nous, et nous seront gagnant. Un homme est puissant par sa fortune mais si il ne lui reste rien qu'adviendra t-il ?Il crèvera comme le dernier des mendiants, car il ne servira plus au Duc. »


Il attend que Aymeric capte ce qu'il venait de lui dire et reprit.


 « Je ne confie rien à personne, Victor de Rougelac ne sera jamais le financier de l'Ordre, il est juste quelqu'un qui s'est fait enfler par une personne plus forte que lui et croyez vous que je lui donne cette terre sans quelque chose ? Je ne lui donne rien, il loue la terre contre une dizaine d'écus par mois … cette terre ne lui appartiendra que si je le décide et c'est ce que vous semblez avoir lu de travers,messire. »


Il se leva alors du siège, ses jambes lui faisaient moins mal mais quelque chose se brisa en lui en même temps que le partenariat entre les deux maisons, si le Comte héritier voulait toujours partir.


 « Vous voulez partir, Seigneur Aymeric, Comte Héritier de Beauharnais ? Soit, partez mais je tiens à ce que vous soyez là pour votre dernière réunion de l'Ordre de l'Astre d'Azur … si vous déclinez cette invitation, nos deux maisons entreront donc en guerre froide et toute relation sera rompu et je cela me désolerais d'en arriver là surtout que tout cela ne vous concerner pas. »


Il s'approcha alors de lui avec un sourire triste, le Vicomte semblait être sincère et on voyait bien que cela l'emmerdait au plus haut point mais le Beauharnais venait d'ajouter un affront à Alexandre. Il hocha la tête envers sa personne puis commença à partir hors de la pièce lorsque un serviteur fit son entrée.


 « Raccompagnez messire Beauharnais jusqu'à la porte et convoquer l'intendante Ardenas pour que nous puissions discuter des sommes à reverser au Seigneur Aymeric si il décide de partir… vous me donnerez votre réponse lors de cette fameuse réunion, le 11 mars 1166. »


Puis il partit hors de la pièce laissant le jeune Beauharnais avec le serviteur comme chaperon, il avait besoin de se détendre et rien de tel qu'un bon bain pour se faire mais il se connaissait, il allait ruminer tout cela et ce n'était pas très bon pour lui.

Aymeric, successeur d'un ordre financé avec l'argent de Rougelac, non, effectivement, ça ne se fera pas.

- Prends mes propos pour des insultes si ça te chante, Alexandre. Je crois au contraire qu'il y a longtemps que plus personne n'a osé te dire les choses droit dans les yeux. Et je n'ai pas insulté la baronne, elle, elle conserve mon estime. Pour l'honneur, j'y reviendrai, mais pour l'intelligence... Vous lui donnez des terres qu'il paiera pour faire fortifier. Bien ! Ensuite, il aura donc un domaine qu'il peut faire défendre. Ou revendre, éventuellement. Alors si tu avais imaginé cette opération pour le mettre sur la paille, quand on peut offrir un domaine comme garantie, on n'est pas sur la paille. Ce que tu lui offres, c'est un investissement. Oh, je ne doute pas que tu saches te débrouiller en matière de commerce, mais s'il est un domaine où je suis convaincu que Victor nous surpasse, c'est bien celui-là. Ca, et l'art de faire chanter les gens, de les manipuler, de mentir, bref, de tout ce qui différencie les hommes d'honneur des hommes comme lui. Oh, au passage, vu que je ne suis pas idiot non plus, si vous donnez un domaine au Rougelac, qu'il paie l'Ordre pour le faire réparer, vous pouvez nommer cela un contrat, moi, j'appelle ça un financement. Et dans les faits, il est bien le financier de l'Ordre.

On peut changer le nom qu'on donne aux choses, les faits sont là.

- Oh, au passage, fortifier un domaine, ça demande de la matière première, surtout du bois. L'argent qui va sortir des poches du Rougelac, il transitera par les poches de l'Ordre, mais celui qui en bénéficiera, c'est le fournisseur de bois. Le plus gros fournisseur, nous le connaissons, n'est-ce pas ? Quitte à vendre la baronne, il aurait été plus malin de la lui vendre directement... et plus rentable. Mais trève d'arguments, vous refusez de toute manière de les entendre, autant les bons que les fallacieux.

Alexandre exige la présence d'Aymeric, et le menace d'une guerre froide entre les deux maisons.

- Ce serait dommage que nos maisons soient en guerre, mon père et vous fonctionnez de façon identique, en plaçant les intérêts avant les valeurs. C'est un choix. Je ne suis que l'héritier, inutile de nuire à mon père. Je viendrai, pas pour l'Ordre, pas pour vous, mais parce que je me suis engagé auprès de monsieur Damboise et madame Dumas de défendre leurs intérêts, car j'estime qu'n bon contrat est un contrat où chaque partie sort gagnante. Alors oui, il sera bon que je les représente. Une dernière chose, Alexandre. Les affaires sont les affaires. J'ai acheté du bois à Sombrebois, vous marchandez avec Rougelac, on peut s'en vouloir l'un l'autre pour ça.

Une ouverture vers une trêve ? Le rustique Aymeric s'assagirait-il ?

- Non, ce qui me met hors de moi, ce qui me pousse vers l'écoeurement, c'est que vous sachiez qui est Victor, ses défauts, les rumeurs qui courent sur lui, ses moeurs, et que malgré ça, vous lui offriez en pâture votre belle-soeur qui pourtant vous est dévouée et qui vous respecte. Elle vous tenait en estime et vous la vendez à ce type ? Ca, ça me donne envie de vomir. Et c'est bien parce que je reconnais aux gens le droit à l'erreur que je me suis limité à mettre en doute votre honneur et votre raison. Parce que, si j'étais aussi sectaire que certains le pensent, je me serais permis une question. Si vous faites ça à des membres de votre famille qui vous respectent, qu'êtes-vous capable de faire à des inconnus que vous prétendez respecter, Vicomte ? Maintenant, vous savez, vous n'avez plus aucune excuse. L'aveuglement lié à l'orgueil, tout ça, ça fait partie de l'erreur. Voir l'erreur bien en face et ne pas y réagir, ça n'est plus une erreur, mais une faute.

Il regarde le serviteur et lui adresse poliment la parole.

- Inutile de me raccompagner, je connais le chemin. N'y voyez aucun outrage, les domestiques d'ici sont supérieurs aux miens. Il m'aurait plu que vous les formiez.

Et Aymeric s'en va, sans se retourner, retrouver ce Manoir qu'il déteste tant. Heureusement qu'il a sa fille. Enfin, "sa". Même le Temple le fait chier pour l'heure.