Marbrume


Le Deal du moment :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot ...
Voir le deal

Partagez

 

 ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Karl StannerContrebandier
Karl Stanner



...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
MessageSujet: ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)   ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) EmptyMer 21 Aoû 2019 - 17:13
Début juin 1166



Une matinée clémente avec son soleil au rendez-vous accompagné de quelques nuages blancs, le contrebandier savourait un début de journée prometteur.
Debout devant la seule fenêtre de son petit taudis, il respirait l'air iodé accompagné de son odeur de vase que la plupart des gens n'appréciaient guère. Sans pour autant l'aimer, Karl avait grandit avec cette effluve, un arôme fort et unique qui signait le Port. Cette odeur annonçait le retour en terre connue.

Cette dernière pensée le ramena à son office du matin et il regagna en quelques pas la table dans l'arrière boutique sur laquelle était étendu un étrange assemblage de papiers fins, plusieurs vélins de différentes tailles reliés entre eux par une fine corde.
Le tout formait une carte grossière, sa valeur n'avait pourtant pas d'égale dans les possessions de son propriétaire, le tracé complexe, qui ornait les différentes feuilles, représentait le fruit de plus d'une année à s'aventurer dans le sous terrain des Bas Quartier.
Une cartographie des Égouts sous le Goulot, c'est ce qu'il aimerait dire mais la tâche était bien trop grande et dangereuse et sa « carte » se résumait aux chemins qu'il empruntait pour ses affaires et des informations qu'il avait acheté aux habitants du dédale.

Karl étudiait son chemin de contrebande, un trajet qu'il connaissait par cœur mais qu'il se forçait à revoir chaque fois qu'il allait l'emprunter. Une méfiance pour les habitudes qu'il tenait de son père et qui ne s'était pas arrangé avec la Fange.
Songeur, il passa son doigt le long d'un trait gras représentant l'une des principales artères des Égouts, la Milice patrouillait cet endroit. Il estimait pouvoir gagner beaucoup de temps en passant par là mais il augmentait le risque pour son équipe car les gardiens de Marbrume ne leur feraient aucun cadeau.
Le contrebandier secoua la tête en signe de désapprobation pour lui-même, il avait déjà un autre élément à intégrer dans son plan.
Son nouveau Grimpeur faisait ses premières armes aujourd'hui et tenter un nouveau raccourci en même temps relevait de l'irresponsabilité. L'ancien négociant musela son opportunisme et refit son parcours une dernière fois dans sa tête. Il était temps d'aller au temple puis de rejoindre les autres.
Il rangea soigneusement le plan dans son étui de cuir qu'il déposa à son tour dans une cache, une fissure dans un de ses murs derrière un meuble. Satisfait, il mit ses bottes et attrapa son manteau avant de quitter son chaleureux taudis pour remonter vers Bourg Levant et rejoindre le Quartier du Temple.

Karl marchait de son pas assuré dans le quartier populaire, saluant parfois un client ou une connaissance sans se laisser retarder plus que nécessaire. C'était un jour de contrebande et il n'avait que son plan et son rituel en tête, ce dernier commençait par une prière et un don à la déesse malicieuse.
Le Temple était imposant, un bâtiment digne de la place de la religion dans le cœur des hommes et des femmes du royaume. Karl était quelqu'un de pieux pourtant il n'aimait pas se rendre dans le lieu de culte. Sur les trois divinités, une lui avait prit sa femme puis ses parents sans compter le Fléau que beaucoup s'accordaient à désigner comme le courroux d'Anür tandis que Serus lui avait refusé son droit à une descendance.
Il chercha les étendards verts de Rikni pour se diriger dans une des allées qui lui était consacrée. Il demanda à voir un prêtre pour une bénédiction en l'échange d'un don, il resta vague parlant d'un besoin pour ses relations et ses affaires. Dans sa prière, il demanda à la Dame serpentine de le favoriser dans les Égouts et que rien ni personne n'entrave son chemin, il lui demanda aussi d'accorder ses faveurs à ses compagnons d'aventures.

Cela fait, il retourna dans les Bas Quartiers en direction d'une taverne miteuse comme il en existe des dizaines dans le Goulot. C'est là qu'il avait donné rendez-vous à ses compères car le bouge se trouvait à deux rues de l'entrée qu'ils allaient emprunter pour descendre.
Karl arrivait toujours en avance, il s'installa sur une table et commanda un pichet de vin bon marché. Un godet en main, il posa calmement son regard sur la porte attendant les membres de l'équipe.

Mousse fût le premier à arriver, c'était son Éclaireur. Il habitait la plupart du temps dans le sous terrain où il disait avoir aménagé une petite alcôve. Le contrebandier n'avait jamais vu l'endroit et il s'en fichait, l'important c'était que Mousse connaissait les dangers, les pièges et la populace des Égouts. Un gars capable de comprendre les bruits et les traces du dédale, de prévenir le danger et de garder un chemin sûr.
C'était un petit homme au teint pâle presque maladif, la trentaine passée et une calvitie naissante attaquait sa tignasse brune. Une hygiène digne de son domicile c'est d'ailleurs ce qui lui valait son surnom : La mousse des Égouts, cette plante invasive qui se nourrit de l'humidité ambiante se retrouvait souvent sur les affaires de son Éclaireur, parfois sur sa peau.
Il était hagard en passant l'entrée de la taverne, sans doute mécontent de sortir de son trou mais il esquissa un sourire en voyant le contrebandier et d'un pas rapide s'installa à son tour.

« Bonsoir. »

Ermite dans l’âme, il ne parlait pas beaucoup ce qui convenait tout à fait à Karl.

Bonnet passa la porte une dizaine de minutes après le premier. Il était difficile de ne pas le remarquer, un géant de deux mètres avec plus de gras que de muscles mais qui suffisait à faire son effet. Celui d'impressionner quand les problèmes pointaient le bout de leur nez et la force nécessaire pour porter facilement des caisses de marchandises sur de longues distances.
On l'appelait Bonnet à cause du petit vêtement de laine grise qu'il portait en permanence sur son crâne chauve, cadeau de sa défunte mère qui s'était toujours occupée de lui et que la Fange lui avait enlevé.
Son Porteur avait la caboche qui tournait en sous régime, c'était un enfant un peu lent, piégé dans le corps d'un mastodonte aux yeux verts. Karl l'avait rencontré dans ses premiers mois dans le Goulot, le colosse errait dans une ruelle après avoir veillé le cadavre de sa mère pendant trois jours, incapable de se débrouiller seul. Le contrebandier avait saisi l'opportunité de se faire un allié malléable et impressionnant.
Bonnet fit un large signe en direction des deux taiseux et tira une chaise qui paraissait bien petite par rapport à l'homme de main.

« Salut Chef ! Salut Mousse ! »

Les deux nommés eurent la même réaction et hochèrent la tête pour le nouveau venu, sa présence força quelques interactions entre le trio notamment celle d’empêcher Bonnet de vider le pichet en quelques gorgées.

La Murène entra dans la taverne en troisième, elle passa son regard d’automne dans la salle avant de s’arrêter sur le trio, un fin sourire aux lèvres, elle rejoignit la table tout en se laissant glisser lourdement sur une chaise dans un bruit métallique.
Il faut dire que la femme portait une armure de cuir complète et qu’une cotte de maille rouillée renforçait son torse. C’était le Soldat de l’équipe, celui qui affrontait le danger en premier et qu’on écoutait quand ça commençait à chauffer.

« J'ai hâte de voir ta nouvelle recrue Chef, tu as toujours du goût pour choisir les âmes en peine. »

Joyce de son vrai nom était une native du Port, elle avait un caractère bien trempé et un sang chaud qui faisait rapidement le tour de son mètre soixante-dix.
Habile avec son épée courte, elle avait développé son style de combat mêlant le pugilat et l'escrime. Elle a gagné son surnom par réputation à force de mordre ses adversaires, arrachant un morceau de nez ou d'oreille pendant un combat.
Les cicatrices sur son visage et ses cheveux bruns qu'elle gardait courts accentuaient son air de garçon manqué que Karl connaissait depuis quelques temps déjà. Ils avaient travaillé ensemble pour le compte d'un chef de bande. Ce n'était pas la seule histoire qu'ils partageaient ce qui avait créé une relation de confiance, du moins il l'espérait, car elle était un atout de choix.

Le Chef, le Soldat, le Porteur et l’Éclaireur. Il ne manquait plus que le Grimpeur.
Revenir en haut Aller en bas
Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
MessageSujet: Re: ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)   ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) EmptyJeu 22 Aoû 2019 - 19:51
Karl lui avait demandé de se choisir un pseudonyme. Question de prudence avait-il précisé, on n’utilisait pas son nom pour se balader dans les dédales souterrains de la ville. Alaïs comprenait ça aisément et se triturait les méninges depuis l’aube. Ca lui passait l’anxiété de ce qu’elle s’apprêtait à faire. Jusque là elle n’avait rien entrepris de plus risqué que se retrouver pour un ou deux jours en geôles, et elle sentait confusément qu’elle était en train de passer un cap fatidique. Pourquoi du reste ? Pour quelques pièces, pour un peu de nourriture en plus, qu’elle pourrait partager avec Kryss et les autres dans le Dépotoir ? Elle n’avait même pas évoqué son entreprise, trop peu sûre d’elle-même pour risquer une discussion qui la dissuaderait d’aller jusqu’au bout.

Non, vraiment elle n’avait pas d’idée. Elle avait pensé à Féline, le petit surnom que lui donnait Kryss plus affectueusement qu’autre chose. Elle avait même pensé à Ficelle, le nom de son chat au Labret. Puis lui étaient venus tout un tas de noms plus ridicules les uns que les autres. Quelle importance après tout ? Au fond, Karl souhaitait simplement avoir un mot à coller sur sa trombine pour l’appeler quand nécessaire. Mais pour Alaïs c’était une autre affaire. Un nom avait son importance. Elle tournait en rond en voyant avancer le jour. Ne sois pas en retard. Elle ne risquait pas de l’être. A moins de renoncer maintenant et se contenter de se faire malmener par la vie, au gré des aléas d’une brise qui n’avait de cesse de la bousculer sans qu’elle ne parvienne à reprendre l’ascendant.

Elle était lasse d’être une gamine, sans toutefois avoir encore le courage d’être autre chose. Mais peut être que cette excursion était un signe. Alaïs fixait le ciel à peine nuageux. Elle n’avait jamais eu grand chose à dire aux dieux et se gardait de trop s’approcher du Temple. Elle n’avait pas envie qu’ils la remarquent, d’une certaine manière, sa vie dans l’ombre lui convenait. Elle avait l’intime conviction que se faire remarquer des dieux était tout autant un moyen de s’attirer leurs grâces que leurs foudres. Et puis, jusque là ce n’est pas comme s’ils avaient fait grand chose pour elle.

Elle vit passer Kraker le nain de la troupe, et lui dédia un sourire alors qu’il la regardait d’un drôle d’air. C’était difficile de passer outre sa vigilance, alors elle sauta sur ses pieds et piqua un baiser sur sa joue.

“J’ai à faire, Kraker, ne m’attendez pas pour le dîner !”

Sans attendre de réponse, elle sautilla en direction de la ruelle la plus proche. Elle n’entendit pas la recommandation qu’il lui fit, alors qu’elle lui tournait le dos. Par ce geste simple, elle avait pris sa décision. Il était temps de grandir, de passer le pas, quel que soit le coût, elle en avait assez de subir, assez d’être la gamine qu’on bouscule, cette “garçonne” sans visage. Malgré la Fange, malgré la pauvreté, envers et contre tout. C’était probablement une solution simpliste, mais elle n’en avait pas de meilleure.

Elle retrouva facilement son chemin à travers les ruelles qui devenaient maintenant un parcours familier. Elle n’avait plus si peur des ombres et de la faune qui les peuplaient. Elle pouvait mettre des noms sur certains visages, et peu l’importunaient désormais. Elle avait adopté le Goulot comme le Goulot l’avait adoptée. Il était plus généreux qu’il y paraissait pour ceux qui savaient y voir. Une histoire de donnant donnant qui ne s’embarrasse pas de morale ou de conventions.

Elle arriva aux abords de la taverne et inspira un grand coup. Il était temps de passer aux choses sérieuses et d’avoir l’air… crédible ? Elle en doutait un peu, mais quoi qu’il arrive, Karl lui faisait confiance pour endosser le rôle du Grimpeur et il était un peu tard pour reculer. Elle s’avança donc, se faufilant entre les tables avec sa souplesse habituelle et trouva le visage de Karl parmi le petit peuple qui s’égayait déjà. Elle sentait ses paumes légèrement empoissées d’une sueur qui lui rappelait la sensation de vertige qui la prenait quand elle se lançait dans une nouvelle acrobatie. Il n’était pas seul et elle enfila son plus joli sourire pour saluer la petite assemblée hétéroclite dont un géant à l’allure impressionnante et au regard doux. Il lui rappelait Mograth, le géant un peu simple d’esprit de la troupe des Macchabées. Ici ce n’était rien d’autre qu’une autre troupe de plus avec un nom de scène différent.

La Murène la détailla d’un oeil critique et Alaïs tâcha de faire comme si elle ne le remarquait pas. Elle s’installa sans plus attendre entre la Murène et Chef, adressant un signe de tête à Mousse qui sentait aussi fort que son nom le laissait présumer.

“J’espère que je suis pas en retard. Qu’est ce que j’ai raté ? Au fait, moi c’est Vipère.”

Le nom lui était venu tout seul, en franchissant la porte. Quelque chose d’un peu moins inoffensif que son apparence le laissait penser naturellement, quelque chose d’un poil plus agressif, et quelque chose qui plairait peut être à Karl, qui s’appliquait à rechercher les faveurs de Rikni. Peut être que Vipère pourrait être un gage de chance. Du moins, elle l’espérait. Elle ne compenserait pas la force de la Murène, mais il était peu probable que celle-ci puisse la rattraper à la grimpe ou à la course. Une fois les présentations faites, aucun ne fit de commentaire sur la nouvelle recrue. Après tout, peu importait le nom ou la dégaine, tant que le boulot était fait.

Karl hocha la tête et donna quelques instructions à voix basse, avant qu’ils se décident à quitter la table à la nuit tombée. Il avait remis un sac de toile à Alaïs ou plutôt Vipère, un costume de scène peu banal, qui lui permettrait d’affronter les risques des Egouts. Ils se séparèrent ensuite, temporairement. Il aurait été mal vu de se déplacer en groupe jusqu’au lieu d’infiltration. De fait, chacun avait son trajet prévu dans les rues du Goulot. Bonnet avait le plus direct, histoire que le géant ne se perde pas. Il avait tôt fait d’oublier les instructions qu’on lui donnait, ce qui n’était pas des plus rassurants en soi. Mousse lui, filait selon sa propre route, grand habitué des lieux, il n’avait besoin de personne. Quant à Murène, elle prendrait la rue principale, histoire de noter le passage de la dernière patrouille.

Vipère héritait d’un trajet tortueux, mais ça ne le dérangeait pas. Elle connaissait les ruelles comme sa poche et se hisserait sur les toits en cas de mauvaise rencontre. Ainsi, tout était en place. Chef fut le premier à partir, il semblait pressé de se mettre en route, la nervosité se traduisant dans le léger battement de ses doigts sur le bord de la table, avant qu’il ne se lève brutalement. Sans un regard en arrière, il s’engouffra selon son propre itinéraire dans les rues, sans indiquer par quel chemin il passerait pour sa part. Vipère sentait bien la méfiance dont il l’entourait encore. Elle devait faire ses preuves pour avoir droit à son respect. La Murène dut saisir son regard en direction du contrebandier car elle plaqua une main dans son dos avec une certaine bienveillance : “T’en fais pas ma jolie, tout se passera comme sur des roulettes. Fais ce qu’on te dit et y’aura pas d’accroc.”

La Vipère hocha seulement de la tête avant de serrer son baluchon contre elle et se lever à son tour. Mieux valait qu’elle n’ouvre pas la bouche maintenant. La tension crispait ses muscles et ni une ni deux, elle fut dehors à inspirer les odeurs de la nuit qui arrivait. Un long périple les attendait et ils devaient être revenus avant l’aube, pour des raisons évidentes de discrétion. Elle se planqua dans un recoin sombre pour se changer en vitesse, enfilant les bottes montantes, et les pièces de cuir supplémentaires, les gants et la capuche large qu’elle rabattit sur ses cheveux trop reconnaissables dans la rue. Karl y avait adjoint une dague d’une qualité supérieure à celle qu’elle avait, un poil plus longue également, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Elle en testa l’éclat dans la nuit, et en apprécia le poids au bout de ses doigts. L’instrument restait assez léger pour qu’elle la manie sans peine. Elle se prit à espérer qu’il lui laisserait une fois le travail terminé, mais encore fallait-il en arriver jusque là.

Mue par l’appréhension de ce qui allait suivre, elle filait vivement dans les ruelles sombres, concentrée comme si elle s’apprêtait à se lancer dans une figure complexe. Alors qu’elle débouchait enfin sur le point de rendez vous, elle entendit un bruit de sabots et se plaqua vivement en arrière contre la pierre d’un mur tordu, baissant la tête. C’était presque l’heure du couvre-feu et toute personne qui trainait désormais dans les rues risquait le cachot. Elle retint sa respiration, en distinguant les hallebardes des gardes qui avançaient dans sa direction. Les regards scrutaient chaque ombre, chaque recoin, et elle entendit le pas des chevaux ralentir alors qu’ils arrivaient à sa portée. Elle se mordit l’intérieur de la joue, tous ses muscles tendus dans un seul but : fuir.

“Eh toi là bas !”

C’était le signal qu’elle redoutait et ni une ni deux, elle bondit dans la ruelle dans le sens opposé. Si les gardes voulaient l’attraper, ils devraient poursuivre à pied, dans le noir, et en plate sur le sol boueux. Elle croyait presque s’en sortir mais en fut quitte pour une première déception. L’un des soldats plus téméraire que les autres ne la lâchait pas d’une semelle et lui intimait de s’arrêter entre deux foulées. Elle n’en courut que plus vite, avant de tenter le tout pour le tout, arrivée à un embranchement qui tournait raide, sautant d’un bond contre la façade en empoignant le rebord d’un volet. Elle grimpa grimpa, et atteignit les toits sans mal, se plaquant contre une cheminée en attendant quelques instants. La suite ne se fit pas attendre. Le garde commença à ralentir, frappant à une porte pour en réveiller les habitants. Des cris de protestation s’élevèrent, et lorsque la suite de son groupe le rejoignit pour poursuivre les recherches, Vipère ne demanda pas son reste et s’éloigna avec précaution dans la direction opposée.

Elle remonta le foulard sur le bas de son visage, et s’engouffra dans la nuit, se glissant le long de la façade opposée du bâtiment avant de courir de l’autre côté de la rue, pour rejoindre les autres. Lorsqu’elle les aperçut enfin, Chef faisait le guet devant le point de rencontre avec la mine furibonde.

“Qu’est ce que tu foutais, bordel ?
- Une patrouille ! Je les ai semés, mais il ne faut pas trainer.”

Il ne chercha pas à discuter, jetant un regard par dessus son épaule puis l’empoigna d’un geste ferme en direction de la grille déjà ouverte, la poussant presque de force à l’intérieur. Les autres ne pipaient mot, prêts à partir, la corde déjà en place pour la descente. Alaïs s’y agrippa et descendit vivement les quelques mètres de chanvre, et put bientôt sentir l’odeur nauséabonde des Égouts lui chatouiller les narines, l’obscurité épaisse, le contact boueux des matières fétides sous ses pieds. Elle mit quelques instants à ajuster ses sens dans cet environnement malsain, hostile, complètement privée de repères. Elle entendit vaguement un grouillement infect non loin de ses oreilles et retint un frisson de terreur. Mais déjà, les autres la rejoignaient en bas, et puis elle sentit le contact rugueux de la corde repliée sur ses bras, Chef lui collant abruptement son outil de travail dans les mains.

“En route.”
Revenir en haut Aller en bas
Karl StannerContrebandier
Karl Stanner



...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
MessageSujet: Re: ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)   ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) EmptyDim 25 Aoû 2019 - 15:49
Vipère se déplaçait devant lui d’un pas mal assuré tout en gardant la tête haute pour donner le change, elle tenait le coup pour le moment.
La Murène marchait devant Alaïs, main droite sur le manche de son épée et sa main gauche tenait l’unique torche du groupe, un petit phare de lumière dans ce dédale sombre et puant.
Bonnet fermait la marche, la masse imposante de l’homme de main avait quelque chose de rassurant pour le contrebandier, on se posait plusieurs fois la question avant d’attaquer une montagne qui rôde dans les Égouts.
Ils formaient le groupe principal regroupé autour d’une faible source de lumière dans l’obscurité ambiante qui régnait au sein des boyaux interminables de Marbrume.
L’Éclaireur faisait son boulot, plusieurs mètres en avance du reste de l’équipe pour s’assurer d’une voie sûr et anticiper tout danger, le tout sans éclairage. L’avantage de vivre dans le sous terrain, ses yeux s’habituaient plus facilement à l’obscurité et lui donnait l’avantage de la discrétion.
Il avait mis au point un ensemble de sifflement pour prévenir du danger, Karl n’avait pas besoin de savoir où était Mousse, il devait juste écouter.
C’est bien pour cette raison qu’il payait l’homme plus que les autres, sans lui le chemin de contrebande serait bien plus dangereux.

Une heure s’était écoulée depuis leur départ, rien n’était venu entraver leur chemin, si ce n’est quelques rats entreprenants et une alerte de Mousse. Il avait entraperçu deux silhouettes au détour d’un boyau, elles avaient continué sans remarquer le petit homme qui n’avait pas hésité à se coucher sur le sol humide.
Chef menait le reste du groupe à la baguette, il n’avait pas vraiment besoin de rabrouer les habitués mais il avait du reprendre l’acrobate alors que cette dernière laissa échapper le début d’un cri quand une vermine, assez grosse il faut le reconnaître, s’attaqua à sa botte. Karl avait couvert la bouche de la jeune femme de sa main alors qu’elle envoyait valdinguer le rat.
Encore quelques minutes et il déboucherait sur une des principales artères des Égouts, il fallait la traverser pour rejoindre l’une des conduites qui passait sous les Faubourgs et atteindre leur point d’arrivée.
Un sifflement aigu suivi de deux tonalités plus graves bousculèrent le bruit de ruissellement ambiant, la Murène se figea et dégaina de moitié sa lame tandis que Bonnet laissa échapper un faible grognement.
Tout le monde connaissait le code, Karl passa sa main mutilé sur son menton avant de remarquer le regard de la voleuse sur lui, on pouvait y lire une question mêlée à la peur.
Elle pouvait, car Mousse devait être au bord de la bouche qui donnait sur l’artère et cette dernière n’était pas vide de présence.

« La Milice. »

Il avait chuchoté l'unique mot, pas besoin de lui dire ce que feraient les gardiens de Marbrume s’ils croisaient un groupe aussi loin dans les Égouts.

« Fais chier...Qu’est ce qu’ils foutent là ? »

Mousse était revenu et avait confirmé le danger, une patrouille de soldat arpentait la veine du sous-terrain et elle inspectait les différents embranchements. Le contrebandier soupira, il n’avait pas le choix.

« On revient au dernier boyau. Mousse tu y retournes dans dix minutes. »

Le groupe se déplaça encore plus silencieusement, si la Milice faisait bien son travail il allait être en retard, peut-être trop pour sortir dans les Faubourgs.
Il n’était même pas question d’affronter les soldats, seule Murène avait une chance contre l’un des miliciens. Le contrebandier maugréa, l’artère était inhabité habituellement et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils passaient par là.
C’était juste un manque de chance, Rikni la malicieuse voulait le mettre à l’épreuve avec sa nouvelle recrue qui devait mériter son audacieux surnom.
L’attente fût longue avant que Mousse ne revienne pour signaler la fin de la menace et d'un passage relativement sûr mais la tension était palpable au moment de traverser l'artère, personne n’avait envie d’être surpris par un retour de patrouille.
De toute façon il passerait par un autre endroit avec la marchandise, un peu plus long néanmoins plus tranquille, du moins pour ce qu’on pouvait trouver de sûr dans les Égouts.

Il avait atteint la dernière ligne droit du trajet, l’Éclaireur resta en arrière après un signe de tête en guise de bonne chance pour la suite.
Le reste du groupe continua encore sur plusieurs dizaines de pas, Karl observa son Grimpeur qui serrait tellement sa corde que ses doigts blanchissaient à la lumière de la torche.
Ils étaient arrivés à leur destination car au-dessus de leur tête, sur environ cinq mètres, se trouvait la sortie vers les Faubourgs.
Chef regarda sa recrue et lui désigna la grille du doigt.

« Grimpe sur les épaules de Bonnet. La pierre est glissante mais tu devrais repérer le chemin qu’on a préparé. »

Karl posa une main sur l’épaule d’Alaïs avant de chercher son regard. Il fallait la mettre en confiance et il n’avait pas envie de perdre son nouveau Grimpeur, il commençait à apprécier la voleuse.

« C’est pas différend de grimper sur la façade d’une maison. Tu as l’expérience et le talent maintenant va ouvrir cette grille. »

La Murène lui mit une tape amicale dans le dos alors que Bonnet posa le genoux à terre tout en offrant un sourire édenté qui se voulait rassurant tandis que Chef gardait son impassible visage, les deux mains jointes dans le dos.
C’était à elle de jouer.
Revenir en haut Aller en bas
Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
MessageSujet: Re: ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)   ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) EmptyDim 25 Aoû 2019 - 17:04
Vipère avait la trouille, c’était peu de le dire. Elle marchait entre Murène et Chef, dont la présence la rassurait quelque peu. Repère familier dans un environnement nauséabond et obscur, elle avait beau chercher les étoiles, elle n’était pas prête de les trouver. Elle faisait attention à chaque pas qu’elle faisait, prenant garde à ne pas faire plus de bruit que nécessaire. Soudain, elle sentit un pincement violent au travers de sa botte épaisse, et fit un bond en arrière, heurtant la poitrine de Chef dans le même mouvement. Elle sentit la morsure hargneuse du rat qui ne lâchait rien, persuadé qu’elle ferait une pitance acceptable et se débattit en retenant un hurlement de frayeur. Elle sentit la main de Chef se plaquer sur sa bouche et décocha un violent coup de pied dans la bête qui s’éloigna en couinant sa fureur.

Il l’avait maintenue ainsi avec un regard plein d’éclairs, et elle lui avait rendu avec la même ardeur, la même hargne, le coeur en cavale dans sa poitrine. Son sang n’avait jamais circulé aussi vite dans ses veines, et elle avait l’impression de faire un bruit énorme rien qu’en respirant. Finalement la pression des doigts de Karl sur son épaule l’avait remise dans le droit chemin, tout en lui laissant entendre qu’il ne lui en voulait pas. Voilà qui était rassurant. Son heure approchait et elle commençait déjà à calculer les mouvements qu’elle devrait faire, visualisant les prises quand un sifflement se fit entendre, la tirant brutalement de ses pensées. Elle se crispa, et se plaqua avec les autres dans un boyau adjacent. La milice. Encore. Murène pestait, ils allaient perdre de nouveau du temps, un temps précieux, cet implacable ennemi des crapules et autres créatures de la nuit.

L’attente parut interminable, et la Vipère préférait se mouvoir que se tenir immobile dans l’angoisse et l’impuissance. Finalement, ils purent repartir, la patrouille avait passé son chemin et la voie était libre. Elle avait l’impression d’avancer jusqu’à l’échafaud. Elle n’aurait pas le droit à l’erreur. Une chute à cette hauteur et elle pourrait dire adieu à un os ou deux, se briser l’échine ou le cou si Bonnet ne parvenait pas à la rattraper. Elle avait l’impression qu’un volcan sommeillait dans ses entrailles, prêt à exploser. Au delà de la grille, le ciel et la nuit l’attendaient. Les uns et les autres lui adressèrent des encouragements. Ils n’étaient pas plus tranquilles qu’elle. Seul Karl avait l’air paisible, posant sa main sur son épaule, plantant son regard dans le sien pour lui transmettre son calme. Son coeur rata un battement et elle hocha seulement de la tête. Elle n’était même pas sûre d’avoir compris ce qu’il avait dit. Seuls le ton et l’intention importaient.

Elle retira ses gants. Elle inspira longuement, une fois, deux fois, trois fois. Puis elle bondit sur les mains tendues de Bonnet, qui l’envoya dans l’air avec une force incroyable. Le géant ne déparerait pas dans un numéro d’acrobatie. Elle apprécia la poussée, tendit les mains et agrippa la première prise qui passa sous ses doigts, suspendue dans le vide à cinq mètres de haut. Elle calma le balancement de son corps, doucement, entièrement concentrée sur son objectif et sur la maîtrise de ses muscles. Son ventre, son dos se contractèrent en même temps que ses épaules et ses pieds rejoignirent une autre prise, appui précieux de ses mains, sur cette paroi presque horizontale. Elle sentit le sang remonter à son crâne, tandis qu’elle ajustait sa position, tous ses muscles contractés pour lutter contre la gravité.

Si tu tombes, c’est la chute, si tu chutes c’est la tombe. Un vieux dicton du fond des âges qui lui tira un sourire en forme de rictus. Elle avançait lentement mais régulièrement jusqu’à la grille, une prise après l’autre, les membres écartelés sur la paroi, calant un peu mieux la pointe de ses pieds dans les creux. L’humidité de la paroi menaçait de lui couler dans les yeux à chaque instant, la moindre gêne pourrait lui être fatale dans cette opacité. Mais mieux valait ne pas y penser. Elle atteignait son objectif. La grille n’était plus très loin, qu’elle distinguait à l’envers. Elle s’immobilisa à portée, et réajusta son équilibre pour relâcher une des prises et tendre la main vers la grille, incroyablement lourde dans cette posture précaire.

D’une ultime poussée, elle réussit à la ramener de côté. Elle souffla, une fois, deux fois. Attrapa la corde et le grappin déjà fixé à cette dernière. Souffla, une fois, deux fois. Fixa le grappin sur le bord. Assura le grappin. Attrapa la corde. Souffla une fois, deux fois. S’y propulsa d’une main, puis se hissa vers la surface, émergeant à l’air libre, comme une nouvelle naissance.

Désormais, la toile tapissée du ciel l’illuminait, un souffle de vent infime venait caresser son visage en sueur. Elle l’avait fait. Elle abandonna un instant son visage aux étoiles, en fermant les yeux, la respiration haletante de l’effort qu’elle venait de fournir. Mais bientôt, elle vit émerger Murène, puis Bonnet, plus lourdement. Les deux lui tapèrent sur l’épaule, comme une marque d’adoubement. Elle restait à la grille pour surveiller le passage, et vit les deux silhouettes bigarrées s’éloigner dans la nuit. Elle risqua un oeil en contrebas, où Karl attendait toujours et capta son regard l’espace d’un instant, avant d’en revenir à l’obscurité ambiante. Un lien ténu qui les reliait par quelques mètres de chanvre. Elle leva le pouce pour le rassurer. Ses affaires tournaient bien, pour le moment. Les deux ne tardèrent pas à revenir, Bonnet chargé d’un lourd sac de riz. Une petite fortune en ces temps de disette. Murène passa la première, suivie de Bonnet, puis Alaïs entreprit l’opération inverse. Ce n’était pas le plus facile de refermer la grille derrière elle.

Elle retira la corde, se contorsionna sur le rebord, retrouva les appuis qui l’avaient menée jusqu’à la surface et abandonna l’air libre à regret. Elle retrouvait la surface horizontale et ses muscles semblaient déjà avoir imprimé leur position dans cette posture périlleuse. Elle étendit la main, ramena la grille sans heurts, et jeta un oeil en contrebas. Bonnet l’attendait, les bras grands ouverts. C’était un numéro qui demandait pas mal de confiance en son partenaire. Mais le géant ne doutait pas, aussi immobile qu’une statue souriante. Elle lui fit un signe de la tête et se laissa chuter, atterrissant pile dans l’étau solide de ses bras. Il la maintient avec une grande délicatesse néanmoins, avant de lui faire retrouver la surface des égouts. Alaïs lui sourit, le coeur battant, et déposa un baiser sur sa joue. Brave Bonnet !

Elle récupéra la corde d’un mouvement sec du bras, et ramena l’ensemble, avant de le fixer à nouveau sur son épaule. Chef la regardait faire, et elle se demanda si c’était l’homme ou le contrebandier qui sembla soulagé, l’espace d’un bref instant.

Plus qu’à rentrer.
Revenir en haut Aller en bas
Karl StannerContrebandier
Karl Stanner



...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
MessageSujet: Re: ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)   ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) EmptyMar 27 Aoû 2019 - 23:34
Le contrebandier guidait son groupe à l'affût du moindre son de son Éclaireur. Ils avaient fait le plus dur et Bonnet transportait la précieuse cargaison sur son épaule, cette dernière était enveloppée dans un sac de cuir pour la protéger de l'humidité.
Il avait indiqué à Mousse d'emprunter un autre chemin plus long pour éviter complètement la Milice, de toute façon le temps n'était plus contre eux. L'important c'était d'éviter un maximum de danger.
Son regard se posa sur la petite femme qui marchait devant lui, elle avançait toujours d'un pas mal assuré mais le reste de son corps trahissait une nouvelle assurance. Elle pouvait se le permettre, l'acrobate avait parfaitement rempli son rôle sans le moindre faux pas.
Karl n'était pas spécialement surpris, il ne recrutait que les personnes qui remplissaient ses exigences et que son sixième sens validait ensuite.
Néanmoins, il avait observé la rouquine effectuait son numéro avec appréhension par peur de perdre sa nouvelle recrue, un doute qui reste malgré un pari gagné d'avance.
Quand elle avait fini ses acrobaties, qu'elle était redescendue avec toute son agilité le contrebandier avait poussé un soupir de soulagement. Leurs regards s'étaient croisés, il n'avait pas cherché à dissimuler son contentement pour ses performances. De la revoir aussi.

Le trajet se passa sans encombres et seul les jurons étouffés de Murène vinrent briser le silence du dédale. Cette dernière tomba à genoux dans l'eau croupie après avoir perdu l'équilibre sur le sol humide des Égouts. Alaïs s'était précipité pour l'aider, lui tendant une main amicale. »

« Merde !...Merci, Vipère. Putain, je vais sentir comme Mousse à ce rythme-là. »

Cette phrase arracha un sourire à Karl, non seulement il appréciait la touche d'humour mais son équipe avait accepté le surnom de la voleuse et donc la surnommée.
Mousse revint vers eux, le groupe n'était plus qu'à quelques conduites de son point de retour et l'Éclaireur allait rentrer chez lui, c'est-à-dire rejoindre son petit coin à lui dans le sous-terrain.
Il salua chaque membre d'un bref signe de tête gardant Chef pour la fin, les deux avaient un accord tacite qui demandait une confiance mutuelle. Karl reviendrait dans plusieurs jours pour lui donner sa part, Mousse ne voulait pas remonter à la surface trop longtemps. On n'habite pas dans les Égouts pour rien.
Après une poignée de main rapide, l'homme du dédale s'éloigna sans se retourner et disparu rapidement dans la pénombre, le contrebandier passa alors devant pour finir de mener son troupeau à destination.
Il fit signe à son Grimpeur, encore une fois à elle de grimper pour délivrer le groupe et d'ouvrir la grille sur Marbrume. L'ascension était beaucoup moins dangereuse que pour sortir dans les Faubourgs, il regarda l'acrobate escalader de nouveau les parois humides en portant la corde en bandoulière.
Trop pressée ou farce de Rikni, elle rata une prise et manqua de totalement perdre ses accroches, elle ne devait son salut qu'à un réflexe providentiel.
Karl s'était avancé sans même sans rendre compte, prêt à rattraper la jeune fille en cas de chute tout comme Murène avait elle aussi fait un pas en avant.

« Merde, fait attention ! »

Le contrebandier grogna et ignora le regard mauvais que lui renvoya son Grimpeur, ce n'était pas le moment de se blesser à quelques mètres de la réussite. Avec agilité et une prudence retrouvée, Alaîs termina son boulot. Elle savoura en première un air frais en ouvrant la grille.
La voleuse accrocha la corde après avoir vérifié qu'aucune surprise ne les attendait dehors, seul une légère bruine accompagnait le retour de l'équipe triomphante.
Chef fût le dernier à sortir en se hissant avec le cordage, une chose qu'il n'aimait pas. Sa main mutilé se rappelait à lui pour ce genre d'exercice.
Le couvre feu était en application, un dernier danger avant la délivrance, Karl leur donna rendez-vous dans son taudis au Port avant de récupérer leur précieuse part. Ainsi chacun emprunta un chemin différent et solitaire pour finir la mission dans la boutique du contrebandier, sauf Bonnet qui restait avec Chef pour porter le chargement.
Le capitaine de bande voulait garder un œil sur sa marchandise et que même un homme de main un peu lent connaissait la fortune que représentait le sac. La confiance inconditionnelle n'existait pas encore.

« En route, Bonnet.»

La Murène et Vipère attendaient déjà les deux hommes dans la rue juste à coté de la boutique, d'un bref signe de tête les quatre se retrouvèrent devant la porte et Chef glissa sa lourde clef dans la serrure avant de laisser rentrer ses hôtes.
Bonnet fût le dernier à rentrer et ferma la porte derrière lui, le claquement de porte sonna comme le gong de fin. La mission était terminée et réussie.
Une atmosphère de soulagement embrasa le taudis, les langues se délièrent pour se féliciter alors que des sourires décoraient les visages même celui du contrebandier.

« Vous avez fait du bon travail. J'offre ma tournée. »

Karl se déplaça vers un de ses tiroirs à la recherche du précieux liquide en gardant une oreille attentive aux éclats de voix, ces trois équipiers avaient besoin de parler après autant de temps dans le silence et de tension.

« Vipère est incroyable ! C'est un oiseau ! »

Le grand enfant agitait les bras pour accompagner ses mots, il avait l'air d'un albatros un peu lourdeau mais tout le monde comprenait ce qu'il voulait dire.

« Pas mal du tout pour une première fois. Je n'ai pas eu l'occasion de te montrer ce que je sais faire. Une prochaine fois ! »

Karl était revenu avec une bouteille à demi pleine et des godets pour chacun, ainsi sur la table de l'arrière boutique les quatre camarades d'un soir partagèrent un verre d'un vin pas si mauvais, en même temps après une mission dangereuse tout avait meilleur goût.
Le contrebandier en profita pour lever son verre en direction d'Alaïs suivi par ses deux compagnons, même si Bonnet avait déjà fini le sien.

« Pour notre Grimpeur. Elle a été digne de son rôle ce soir et un fier membre de notre groupe. Je compte sur elle pour nos prochaines sorties car avec ce genre de talent c'est la fortune assurée.
Allez, santé. »


Le groupe trinqua dans la bonne humeur, la nouvelle venue était au centre de l'attention et nombre de questions furent posé, parfois indiscrètes parfois complètement immorales mais le tout sans méchanceté.
Karl en profita pour commencer à faire le partage car il savait bien que son équipe attendait aussi son salaire, ils restaient les artisans d'un métier dangereux.
Chacun avait le droit à son pochon de la marchandise récupérée que le contrebandier distribuait après avoir vérifié le poids sur une petite balance en cuivre. Chef laissa ensuite tout le monde se reposer dans sa boutique, pas besoin de violer une fois de plus le couvre-feu ce soir.
Lui ne dormait pas, du moins pas tout de suite, il devait falsifier ses comptes pour que son chargement supplémentaires soit le moins suspect possible.
A la lueur d'une bougie, il lui arrivait de relever la tête de son livre pour regarder les trois qui dormaient avec une drôle d'idée en tête.
Cette petite troupe lui rappelait la famille.
Revenir en haut Aller en bas
Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
MessageSujet: Re: ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)   ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) EmptyMer 28 Aoû 2019 - 10:41
Alaïs avait à peine compté le temps qui les avait séparés de la sortie. Elle se sentait pousser des ailes dans le dos à mesure qu’ils s’approchaient de la fin et c’est sûrement ainsi qu’elle perdit un peu de patience, lui faisant manquer de prudence au moment de saisir les prises qui la rapprochaient de l’air libre. Son pied rata une prise et soudain le sol l’appela dangereusement. Elle entendit Karl l’invectiver quelques mètres plus bas, tandis qu’elle faisait un effort monumental des bras et de tout le corps pour reprendre l’équilibre d’une traction puissante et reprendre les prises de ses pieds. Ce n’était pas le moment de lui faire la morale et une fois rétablie, elle lui jeta un regard noir. Ce n’est que lorsqu’elle croisa ses yeux dans l’obscurité qu’elle constata qu’il était en dessous, bras tendus pour la réceptionner. Et qu’il avait l’air tout simplement inquiet. Elle reprit alors son calme et son ascension, dissimulant un sourire qu’il ne verrait jamais, bien au secret de l’obscurité des égouts.

La nuit enfin. Ses entrailles se détendirent alors qu’elle se terrait accroupie près de la sortie, assurant le passage des trois autres. Mousse les avait quittés sans qu’elle le remarque, ou presque. Drôle de créature mi-homme mi-rat qui préférait vivre dans la noirceur des profondeurs. Chacun avait sa propre notion sur les moyens de survivre dans ce monde. Alaïs quant à elle avait besoin d’air pur, et des étoiles au dessus de sa tête pour se sentir exister. Les autres ne tardèrent pas à la rejoindre, Chef en dernier, un peu plus lent à cause de ses doigts manquants. Elle le saisit sous le bras pour l’aider d’une poussée à franchir les derniers mètres et passa outre le grognement qu’il émit contre cette faiblesse momentanée qu’il aurait bien voulu dissimuler.

Comme si Rikni leur souriait à travers la voie lactée, le trajet du retour se déroula sans un nuage. Alaïs marchait vite, galopant presque à travers les ruelles vides. Elle ne s’était jamais sentie si libre qu’à cet instant, alors qu’ils avaient échappé au danger, enfreint les règles d’une existence bien cadrée, bien calibrée. Un doux poison envahissait ses veines, trahissant un plaisir qui dépassait le simple désir de se débrouiller pour gagner sa subsistance. En l’engageant, Karl avait révélé chez elle quelque chose qu’elle ne soupçonnait pas jusque là et qui transcendait la trouille et la lâcheté dont elle se croyait investie. Vipère avait dépassé sa peur, traversé les ténèbres terrifiantes et elle en était ressortie plus grande, et plus déterminée que jamais à diriger son existence, gagner sa liberté.

C’est tout juste si elle ne rentra pas dans Murène, une fois devant la boutique, absorbée dans ses pensées et la sensation de ses jambes parcourant la nuit tiède. Les deux échangèrent un sourire de connivence, déjà liées par une forme d’amitié qu’on ne rencontre que dans l’adversité, et qui se passe de mots. Elles n’osaient pas encore briser le silence cependant, fixant seulement la ruelle en attendant le retour des deux autres, qui ne tardèrent pas à les rejoindre. Ce ne fut que lorsque la porte de la boutique se referma que chacun s’autorisa à respirer enfin pleinement, et à exprimer la joie qui bouillonnait en eux, animés de la même sensation de liberté que seule la transgression des règles peut apporter. Et chose rare, Karl souriait. Alaïs l’observa blottie au milieu des deux autres qui la congratulaient, étudiant ce visage sous un jour nouveau.

Etait-ce seulement la joie de faire du profit ? Peut-être. Mais soudain il n’avait plus l’air si sévère et renfermé, et elle devina un homme qui n’avait pas toujours été austère et silencieux. Ils avaient tous changé depuis la Fange, et Alaïs oubliait parfois qu’il restait néanmoins des traces de leur humanité que même les pires horreurs ne pouvaient arracher au coeur des hommes. On ne faisait que dissimuler ce qui restait de plus cher et de plus pur tout au fond de soi, pour éviter que le monde ne vous arrache les miettes de ce trésor impalpable. Al’ ne se rendait pas bien compte de ce qu’elle-même avait déjà perdu, ou de ce qu’elle avait gagné en retour. Mais les questionnements attendraient, l’heure était à la fête et à la joie d’une victoire bien méritée.

Le vin s’invita à la table, et ses compagnons la couvraient d’une attention nouvelle, une acceptation mêlée d’une certaine admiration, ce qui la remplit d’un sentiment nouveau. La fierté. Chose assez rare pour être notée, elle en avait des frémissements dans le dos. Pour un petit temps, elle n’était plus seulement un parasite du Goulot, ou la petite protégée de Kryss, elle était un membre à part entière d’un groupe de contrebande. Elle souriait de toutes ses dents, les yeux brillants et s’exclama à l’adresse du géant :

“C’est toi qui me donnes des ailes, Bonnet ! Quelle force mon gaillard, j’aurais pu toucher les étoiles s’il n’y avait pas eu la grille des égouts pour m'arrêter !”

Et elle lui tapota la joue avec une affection non feinte, comme on adopte un nouveau frère d’arme. Murène n’était pas en reste et elles se promirent de se tester l’une l’autre dans une petite joute afin de mesurer leurs talents respectifs. Le Soldat de leur troupe lui paraissait aussi forte et solide qu’un roc dans la tempête, et Alaïs priait pour hériter ne serait-ce que d’un quart de son assurance et de sa fougue face au danger. Chef mit le clou final à cette petite cérémonie, portant un toast à son attention et elle lui retourna un sourire éclatant, mêlé d’une forme de reconnaissance. Il lui avait laissé sa chance, parmi toutes les raclures du Goulot, et pour ça, il gagnait en retour une gratitude qu’elle ne pouvait exprimer à haute voix mais qui lierait ses pas aux siens de manière profonde et durable.

On laissait filer la nuit derrière les fenêtres, le sang trop bouillant pour penser à la fatigue. Murène et Bonnet lui posèrent mille questions sur sa vie, et Al’ ne s’effarouchait de rien, accoutumée aux échanges sans formalisme. Elle venait du Goulot, elle avait dix huit ans, et son père vivait au Labret dont elle était originaire. Elle ne l’avait pas revu depuis la reprise des terres, il y avait un an et demi. Sa mère, elle ne l’avait jamais connue, partie avec un autre homme quand elle était encore dans ses langes. Non ça ne faisait rien, elle pouvait en parler, tout ça appartenait à un passé si lointain qu’elle n’arrivait même plus à le quantifier. Comment ça un petit ami ? Elle avait bien un ami de petite taille, Kraker, le nain de la troupe des Macchabées et se fendit d’un sourire malicieux en refusant d’ajouter quoi que ce soit à ce sujet face aux protestations de Murène. Aimer les femmes ? Mais non voyons ! Quelle idée ! Si elle se coupait les cheveux courts, c’est que c’était plus facile pour faire ses acrobaties, pas pour ressembler à un garçon… Le plus osé qu’elle avait fait, c’était de prendre un bain avec une prostituée de la Planche Cloutée, qui s’était contentée de lui savonner le dos.

Et les questions s’enchaînaient, et pour détourner l’attention de sa vie intime, Al’ attrapa les verres vides pour les faire voler autour de sa tête, ajoutant quelques contorsions à l’exercice pour en corser la difficulté. Elle frimait un peu, la Vipère, et de cette manière mit fin à la curiosité naturelle de ses compères. Après tout, elle avait bien le droit à un peu de secret ou un rien de pudeur. Karl souriait toujours, moins bavard que ses comparses néanmoins, il semblait toujours à une certaine distance d’eux, même en étant à la même table. Il observait et ne paraissait pas s’ennuyer mais il ne se mêlait pas pour autant aux frasques. Il finit par reprendre son rôle de Chef et compter le butin pour chacun, divisant minutieusement le grain octroyé aux uns et aux autres selon les termes de l’accord qu’il avait passé avec eux. Al’ en avait presque oublié cette partie de l’affaire et s’en morigéna intérieurement. Elle finirait par se faire rouler dans la farine, si elle n’était pas plus attentive à ce genre de détails.

Mais Karl était un contrebandier honorable, et se chargea pour elle de respecter le marché qu’ils avaient passé ensemble. Elle contempla le pochon de riz avec des yeux ronds. Voilà qui agrémenterait les repas de la troupe pour une certain nombre de jours, en étant prudent sur le rationnement. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu autant de nourriture sous les yeux. Murène et Bonnet calèrent leur part sous leur tête en se trouvant une place près du poêle, étouffant quelques bâillements. L’aube allait poindre son nez d’un moment à l’autre, et il était l’heure de voler quelques heures de sommeil au petit matin. Karl, lui, rejoignit sa chaise et son livre de compte, fidèle compagnon qu’il ne lâchait qu’à regret, semblait-il. A moins qu’il ne s’en serve de paravent. Une autre vitrine qu’il gardait avec tout un chacun, y comprit lui-même.

Al’ se coucha au milieu des deux autres qui ne tardèrent pas à ronfler, rattrapés par la fatigue. Elle aussi était harassée, mais elle était animée de quelque chose qui continuait de cavaler dans ses veines et le vin n’y était pour rien. Sans qu’elle puisse mettre le doigt dessus, ça fourmillait sous sa peau et ça l’empêchait de plonger dans une inconscience bienvenue, même paupières fermées. Elle se tourna de côté, et de ses yeux mi-clos fixa la silhouette besogneuse et penchée du contrebandier. Peut être ressentait-il la même chose qu’elle, et elle cherchait quelque secret sur les ombres de son visage que la lumière de la bougie projetait en quelques taches sombres et mouvantes. Impossible de deviner à quoi il pensait, mais elle le surprit tout de même à relever le nez dans leur direction, avec une lueur dans le regard qui lui rappelait quelque chose. La tendresse.

Elle esquissa un sourire et s’endormit.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
MessageSujet: Re: ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)   ...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot) Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
...Gagne sa place ! (PV Alaïs Marlot)
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - Zone souterraine ⚜ :: Egouts-
Sauter vers: