Marbrume


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 Un festin pour la pie-grièche [Adeline]

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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptyJeu 14 Fév 2019 - 20:52
♫♪♪♫

« Survivre est une audacieuse perspective dans ce domaine de rats et de corbeaux. »


~~~~

Tout avait commencé en cette maudite matinée.

Sœur Roxane gisait sur le parquet de la chaumière, immobile, pâle … morte. Son corps semblait être plié en deux comme suite à une terrible souffrance, mais son regard vide n’exprimait qu’une forme de stupeur et d’incompréhension. Son doux visage qui d’habitude exprimait la plus douce des tendresses et la plus sincère amabilité, figé à jamais dans un masque mortuaire.

Cesare ne pouvait contrôler les tremblements de ses poings serrés à s’en craquer les articulations, les veines palpitant furieusement sous sa peau rougie. Il regardait avec impuissance le cadavre froid de sa collègue en sachant pertinemment qu’il avait échoué à la sauver. Les miliciens alentours encadraient la maison pour tenter de retenir la foule qui s’était agglutinée avec curiosité pour assister à la scène. Ils n’osaient approcher d’avantage de peur de recevoir quelques coups de massue sur le crâne, mais ils en avaient assez vu pour que les rumeurs aillent bon train. On chuchotait déjà qu’il s’agissait d’un nouveau meurtre frappant le Bourg-Levant, le cinquième depuis un mois déjà. Certains affirmaient avec certitude qu’ils avaient parlée avec la prêtresse qui avait été envoyée par le Clergé pour enquêter sur cette série de meurtres. A plupart s’accordaient sur le fait qu’il devait s’agir du même tueur, celui qu’on surnommait la pie-grièche.

La pie-grièche.

Connaissez-vous ce type d’oiseau si particulier ? Beaucoup de citoyens simples venaient tout juste de découvrir cette espèce à travers les crimes de ce démon qui avait inspiré bon nombre de crieurs publics un peu trop imaginatifs en termes de surnoms pour l’innommable. L’oiseau avait la triste réputation d’empaler ses proies sur des branches pointues et autres objets du même tranchant à la manière de l’exécution sordide du pal, dévorant ainsi quelques organes avant de laisser sa victime empalée pour plus tard. La nature pouvait être presque aussi terrifiante que les immondes fangeux qui rôdaient autour des remparts de la cité.

Notre assassin n’était pas un oiseau, rassurez-vous, bien qu’il ne serait pas surprenant qu’un citoyen quelque peu trop superstitieux réclame avoir vu un être mi-homme mi-abomination à plumes dévaler les ruelles avec des restes humains pendus entre ses serres. Cependant cela ne changeait rien à l’horreur des meurtres perpétrés par ce monstre. Les victimes étaient toujours mutilées, livrées dans un état déplorable qui en ferait tordre de nausée et de larmes le plus vaillant des gardes de la ville. La sordide particularité de ces meurtres était l’absence d’organes dans chaque dépouille trouvée. Rein, poumons, cœur, foie … le meurtrier retirait toujours un sanglant trophée de ses victimes éventrées, alimentant ainsi la légende autour de son surnom. La fréquence de ces crimes était assez alarmante pour que le Clergé lui-même intervienne et ce après que l’un des leurs fut tué de la même brutale et grotesque manière. On se souvenait encore du Père Benoît trempant dans les latrines du Temple, la gorge si sauvagement arrachée qu’on découvrit que sa langue avait été sectionnée avec soin.

L’épouvantable assassin s’était fait ennemi du Clergé ce jour-là et depuis prêtres et miliciens traquaient ce sombre individu depuis des jours et des jours, des semaines même. Jusqu’à ce que Sœur Roxane rencontre son triste destin. Elle avait formé un binôme avec Cesare, tous deux suivant une piste d’un des anciens crimes qu’on accusait être l’œuvre de la pie-grièche. Roxane avait crut être tombée sur une troublante révélation durant ses recherches. Incertaine, elle avait dit à son compagnon qu’elle ne pouvait lui révéler ses craintes tant elles étaient lourdes de conséquences que si elle s’en assurait en personne, et s’était absentée du Temple en laissant Cesare s’occuper d’interroger des témoins potentiels. Le lendemain, le voilà qui avait tout juste le temps de donner un dernier hommage à sa camarade avant le moment fatidique où ils devraient disposer de son corps avant que le fléau de la fange ne l’atteigne.

Au-delà de sa sensation de culpabilité et de rancœur, il était perdu. Roxane ne portait aucune séquelle physique particulière ni aucune trace de coups ou de blessures, rien qui ne semblait trahir la cause de sa mort, à croire qu’elle s’était simplement éteinte ici, dans cette maison abandonnée. Un fort parfum d’encens envahissait encore les lieux. Peut-être que la jeune femme avait désiré se recueillir ou se protéger contre de néfastes manifestations … avant de mourir.

Il posa un genou à terre et pria. Prière pour le salut de son âme. Prière pour recommander son âme vers le domaine des dieux. Prière pour implorer son pardon.

Une servante de la Trinité morte en martyr. Son nom ne sera pas oublié et il veillerait en personne à ce qu’elle soit canonisée pour son abnégation et son courage. Son seul désir était que sa mort ne soit pas vaine. Un tueur courait toujours, libre et prêt à frapper à tout moment.

Mais comment attraper une pie-grièche qui s’amuse à vous voler entre les doigts avec moquerie ?

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Adeline DelormeAlchimiste
Adeline Delorme



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MessageSujet: Re: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptySam 16 Fév 2019 - 20:59
Avec l'arrivée de la fange, les Hommes ont tôt fait d'oublier qu'il n'existe pas pire ennemi que lui-même. L'humain est probablement l'une des seules espèces en ce monde capable de tuer ses congénère sans avoir une réelle bonne raison… Comme celle, tout à fait primaire de manger, si l'on estime de le cannibalisme fait parti de la normalité, ce qui, soyons clair, ne fait absolument pas parti de la normalité... En somme, l'Homme est capable de tuer pour tout et n'importe quoi, comme par “convictions”, par exemple...Et ce n'était pas le fléau qui allait changer cela, n'est-ce pas ?

Je n'ai jamais aimé les rumeurs, en particulier celles qui se murmurent dans les ruelles étroites avant de se répandre comme du crottin de cheval… Celles, en somme, que je ne pouvais qu'entendre, puisque je passais le plus clair de mon temps dans mon laboratoire, justement située dans une ruelle étriquée où les soûlards attirés par la taverne voisine aimaient se rassembler pour discuter. Et si d’ordinaire, je ne prêtais aucune espèce d'attention aux chuchotements perçant la barrière de ma porte, je ne pus faire l'impasse sur celle-ci…

L'on disait, donc, qu'un vilain s'en prenait aux membres du clergé, en commettant de ces atrocités que l'on attribuait généralement aux fangeux… Songeant… Bêtement, que les humains ne pouvaient se montrer aussi barbares… À croire qu'ils avaient oublié que les sombres meurtres avaient toujours existé et qu'ils existeront toujours… Je connaissais donc cette histoire de Pie-grièche et de ces meurtres atroces. Je me demandais, d'ailleurs, comment le Temple allait faire face à cela… Et pourquoi s'en prendre à ces pauvres clercs isolés. J'avais bien mes avis concernant les Dieux, mais je continuais toutefois à respecter les croyants.

Mais ce n'était pas la seule rumeur qui se répandait, forcément, puisque chacun y allait de sa théorie. Certains pensaient qu'il s'agissait d'un fangeux et n'en démordaient pas… Même si personne n'a jamais vu l'une de ces créatures agir de la sorte… Non mais vraiment… D'autres évoquaient plutôt un fanatique, probablement isolé, issus de l'une de sectes nouvellement créées… ou tout simplement un dégénéré, un être ayant tout perdu et collant tout ceci sur le dos des Trois. Il était après tout bien plus simple de s'en prendre à leur représentant plutôt qu'aux déités en elles-mêmes.

Mais enfin, j'avais personnellement bien mieux à faire que de me préoccuper de cette histoire. Nul doute que le clergé et la milice s'occupaient déjà de tout cela… Ne restait qu'à espérer que ces meurtres n'entraînent pas une vague de crime dans leur sillage, sans quoi les gardes auraient bien du mal à contenir une crise de panique générale dans la cité aux portes closes. Je travaillais, donc, comme à mon habitude, cherchant des réponses à la multitude de questions qui venaient me hanter nuit et jour… Tout comme lui... Lui qui était toujours là, à attendre que je ne ferme les yeux pour mieux venir me torturer… Alors, une fois encore, j'éprouvais cette horrible fatigue qui m'empêchait de me concentrer. Je tenais à peine sur mes jambes trop maigre. Mes fioles s'échappaient de mes mains tremblantes et hésitantes… Il le fallait prendre l'air… Voilà, juste un peu d'air frais me permettrait de regagner un peu d'énergie…Et puis, cela tombait bien, je devais me procurer de nouvelles fioles…

Ainsi, mon panier sous le bras, je désertais mon laboratoire pour me rendre chez le marchand. Malgré mon empressement habituel, je décidais de prendre le temps de m'aérer le corps autant l'esprit, m'autorisant ainsi à flâner un peu dans les ruelles pour m’imprégner de la vie… Vie qui me manquait finalement… Je ne regardais pas vraiment où j'allais, je ne pouvais dans tous les cas pas réellement me perdre puisque je connaissais les lieux comme ma poche. Je ne m'inquiétais pas plus de faire une mauvaise rencontre… ma vie ne m'importait pas plus que cela…

Le paysage changeait quelque peu, la pierre laissait doucement place au bois de bonne à mauvaise qualité. Tantôt encore lisse et bien nourrit, tantôt gondolés, voir totalement pourrit. Il ne restait plus guère de maison abandonnée à Marbrume, la population avait grandement augmenté avec la fange. Nombres de réfugiés avaient élu domicile dans des bicoques aux allures douteuses, voir carrément inquiétantes, faute de mieux. Nous ne pouvions malheureusement pas pousser les remparts pour loger toute cette populace indésirée par les locaux… Quelle honte…

Perdue dans mes pensées, je ne m’étais pas rendue compte que plus j’avançais, plus je rencontrais de monde… Jusqu'à tomber devant un attroupement de personnes… Certaines arboraient une mine emplie de curiosité, visiblement déplacée, d'autres paniquaient, pleuraient ou échangeaient quelques messes basses, passablement discrètes… Ainsi entendis-je ce qu'il s'était produit dans cette masure cernée par plusieurs miliciens. Étant certes curieuse de nature, mais n'étant pas de cette habituée au voyeurisme malsain, je décidais simplement de braver la populace afin de pouvoir poursuivre ma route. Quitte à devoir jouer des coudes.

C'était, tout du moins, ce que je comptais faire… Avant de passer devant la maison endeuillée et d'être agressée par une forte odeur d'encens… Ou plutôt du parfum doux-amer que l'encens devait servir à camoufler… Je n'étais pas la seule à ne pas supporter ces effluves dérangeants, l'un des miliciens arborait un visage blême, voir même totalement grisâtre comme s'il était prêt à… Vomir… Ce qu'il fit… Juste sur ma robe. Je poussais un cri de surprise, non pas pour cette agression involontaire, mais plus par ma découverte.

-Sortez de cette maison ! criai-je en me précipitant vers le milicien dans un état bien plus inquiétant qu'une simple intolérance.L'encens est empoisonné !
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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Re: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptyMar 19 Fév 2019 - 22:14
« Elle ne porte aucune blessure, je ne vois aucun dégât physique apparent. »

« Il l’aurait peut-être étranglé, non ? »

« Pas de signe de strangulation, son cou est parfaitement intact et ne porte aucune séquelle. »

« On l’aurait peut-être empoisonnée, vous croyez ? »

« Possible, mais je n’y connais pas grand-chose en ce domaine, je le crains. »

Fixant du coin de l’œil la dépouille qu’on commençait à envelopper dans une toile immaculée, Cesare se pinça les lèvres, retenant l’émotion virulente qui le saisissait. Les miliciens en face de lui n’arrivaient pas à déterminer non plus quelle cause potentielle était derrière la mort tragique de Roxanne.

« Que les Trois nous viennent en aide … »

Les lèvres de la défunte ne portaient aucune trace d’écume apparente, le parquet ne souffrait d’aucune flaque séchée de régurgitation momentanée et les yeux de la défunte n’avaient pas cette teinte sanguine qu’on attribuait à certains poisons particulièrement violents. Agacé par le fort parfum d’encens qui envahissait les lieux, il décida de quitter la pièce et laisser les soldats s’occuper de la dépouille. Le temps pressait, il le savait, la malheureuse les avait quittés mais son corps pouvait toujours devenir le carcan des esprits malfaisants de la Fange. S’occuper prestement de ses funérailles était la priorité absolue, mais il souhaitait de tout son cœur qu’un des experts dans l’art de l’anatomie humaine puisse venir à temps pour examiner le cadavre et déterminer la source de son trépas.

Il attendait devant l’entrée de la bâtisse abandonnée, ruminant ses pensées, cherchant à comprendre, à deviner le pourquoi et le comment. Son air concentré ne souffrait point de la pluie de questions qui fusaient vers lui, envoyées par la foule curieuse qui n’était que difficilement contenue par les hommes d’armes aux longues vouges. Curiosité morbide et agaçante, mais compréhensible. Si certains ne désiraient qu’alimenter leur large panel d’histoires sordides à raconter à leurs camarades de beuveries ou pour enrichir leur lot d’histoires horrifiques réservées aux enfants pas sages, la plupart quant à eux étaient sincèrement inquiets, terrifiés même. On ne pouvait dormir tranquille en sachant qu’un odieux criminel grattait les murs de nos maisons, guettant la victime solitaire à mutiler. Si deux membres du Clergé y étaient passés aussi, cela signifiait que le tueur n’avait aucun scrupule et surtout aucune peur que son âme soit à jamais damnée. Seul un monstre ou un démon pouvait agir ainsi, à s’attirer les foudres des dieux en toute impunité, ajoutant donc encore plus de ténèbres à son portrait déjà fort épouvantable.

Dévorait-il réellement ses victimes ? Imaginer un humain éventrer le corps encore chaud de sa proie et récolter à même ses dents des lambeaux de chaire arracha un frisson désagréable au clerc. Mais il n’eut guère à y méditer d’avantage car une exclamation attira à la fois son attention et celle de la foule. Un milicien venait juste de vider ses tripes sur une demoiselle qu’il n’avait pas remarqué tout à l’heure, s’effondrant aussitôt. Cette dernière avait aussitôt déclaré que l’encens était empoisonné. Dans une situation ordinaire, il aurait demandé fermement à la dame de quitter les lieux du crime et de laisser les professionnels se charger de cette délicate affaire, mais quelque chose empêcha Cesare de congédier la curieuse. La façon à laquelle elle avait crié cette conclusion en si peu de temps, cette réponse si précise à ses multiples hypothèses … se pourrait-il qu’elle soit une de ces personnes capables de deviner les arts funestes et occultes de la mort en un battement de cils ? On les appelait maîtres des arts de la mort chez le bas-peuple, terme certes très développé et éloquent pour désigner souvent un guérisseur, apothicaire ou toute personne qui avait un savoir significatif en ces domaines inaccessibles au commun du peuple.

N’écoutant que son cœur, il fusa vers le malade et la femme aux cheveux d’or, ordonnant au passage à quelques soldats d’appeler au plus vite des guérisseurs compétents. S’accroupissant à leurs côtés, il constata avec effroi que le teint du milicien était d’un gris d’outre-tombe … tout comme la dépouille de Roxanne.

« Que les Trois nous protègent … vite, sauvez cet homme ! »

La foule fut dispersée pour livrer passage à deux clercs qui avaient eut vent du tragique destin de leur sœur. Attirés par les exclamations de leur confrère, ils s’étaient précipités à grand renfort de jeux de coude et d’ordres pour s’approcher vers la victime du poison et le prendre à l’écart. Ils étaient plus habilités que Cesare en termes de guérison et il avait l’intime espoir qu’ils parviennent à sauver le malheureux avant que la Trinité ne l’appelle pour les rejoindre. Désormais la vie du soldat reposait entre leurs mains.

Cesare quant à lui reporta son attention vers la jeune femme à ses cotés, posant une main sur son épaule pour retenir son attention. Ses yeux couleur d’ambre brillaient d’un éclat d’espoir qui contrastait avec son teint pâle et sa mine désespérée.

« Pardonnez mes manières précipitées mais je n’ai pas put m’empêcher de ressasser ce que vous veniez de dire. Un poison ? Quel genre de poison peut être dissimulé dans l’encens ? Seule une immonde sorcellerie pourrait être capable d’un tel artifice, non ? Vous croyez qu’il s’agit de l’œuvre d’un manipulateur des forces obscure, une sorcière ? »

Car il ne pouvait qu’imaginer cela : un art ténébreux, né de pactes avec des démons et de sacrifices sanglants, fruit de pratiques païennes et d’une sorcellerie ancestrale. Qu’un poison puisse être distillé dans l’air était une chose bien trop fantastique pour l’esprit de l’homme de foi, qui ne pouvait que justifier son ignorance par les machinations machiavéliques d’un esprit malin.
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Adeline DelormeAlchimiste
Adeline Delorme



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MessageSujet: Re: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptyDim 24 Fév 2019 - 18:05

Cette odeur… Ce parfum entêtant, agressif qui venait me chatouiller les narines depuis l'extérieur… De quoi pouvait-être composé cet encens, bon sang? Le pauvre homme s'était écroulé, le teint livide comme celui que l'on attribue à la mort ou à toute personne se préparant à passer de l'autre côté. Je me baissais pour mieux l'examiner tout à m'assurant, du coin de l'œil, que la bâtisse se vidait… Ce qui n'était évidemment pas le cas, puisque personne ne m'écoutait… Tant pis, le milicien nécessitait toute mon attention et mon savoir… Sauf que… Sans connaître la composition exacte du poison, comment lui administrer le bon antidote sans le tuer ? Qu'importe la personne responsable de cette création de malheur, elle avait été assez maligne pour camoufler l'odeur avec de l’oliban au parfum trop présent… Ne subsistaient que quelques relents, doux-amers, que seuls les initiés pouvaient reconnaître.

Perdues dans mes pensées et trop concentrée sur l'état de l'homme qui continuait à vomir tripes et boyaux, je ne m'étais pas rendu compte de l'arrivée de l'homme du temple. Ce sont ses cris qui me tirèrent de ma torpeur réflectives, ainsi que l'arrivée de deux autres prêtres. Rapidement, ils se saisirent du malheureux avec la ferme intention de le soigner… Mais comment le pourraient-ils ? Son état d'empoisonnement, déjà avancé, ne laissait rien présager de bon… Pour moi, cela ne faisait aucun doute : le milicien allait mourir sans que personne n’en connaisse la raison. Aussi, me contentais-je de me relever tout en laissant l'espace nécessaire aux soigneurs tout aussi impuissant que moi.

Quand le premier prêtre m'adressa la parole, je ne pus que froncer les sourcils en signe de mécontentement.

-Il n'y a aucune sorcellerie là-dedans, mon père,soufflai-je, lasse d'entendre ce genre d'inepties bien trop communes à mon goût. L'encens en lui-même est fabriqué à partir de la résine de nombre d'arbres ou d'éclats de bois. Rien n'empêche donc de “l'enrichir” avec d'autres résines ou d'autres éclats venant de plantes toxiques… Il n'y a donc rien de “sorcier”, ce n'est qu'une simple recette créée par un individu pourri jusqu’à l'os.

Rolland, mon cher maître, avait pour habitude de comparer l'alchimie à la cuisine. Si cette métaphore pouvait aisément choquer nombre d'insultes, elle n'en était pas moins vraie. Au final, il ne s'agissait que d'un mélange d'ingrédients, un assemblage de matières qui ensemble, façonnaient autre chose de bien plus complexe, il est vrai, qu'une vulgaire soupe.

-L'empoisonneur a donc pu utiliser un mélange de Ricine, de Curare ou de laurier rose. Les Trois se sont montrés très créatif en matière de poison, vous savez ? Toute plante toxique peut être à l'origine de ce poison… Mais je pencherais pour un mélange plus tortueux, pour être parfaitement certains que personne ne puisse fabriquer d'antidote.

Chaque poison agit d'une manière qui lui est propre. Certains vont vous bloquer la respiration et ainsi vous priver d'air ce qui vont mènera directement vers l'asphyxie. D'autres, plus vicieux encore, vont forcer le corps à fabriquer plus de sang que ce qu'il ne peut en contenir… La victime va donc expulser le trop-plein par tous les orifices naturels… Jusqu'à se vider entièrement de ses fluides vitaux. D'autre encore, vont noircir les humeurs au point de flétrir le corps de l'intérieur, l'asséchant purement et simplement avant de le laisser dans un état rappelant étrangement les pruneaux…

Mon regard se porta ensuite vers le milicien, légèrement à l'écart de l'attroupement. Le pauvre n'en finissait pas de vomir et ne tarda pas à remplacer la bile par le sang… Voilà donc sa fin, ses organes s'apprêtaient à exploser de l'intérieur… Mais comment ? Quel poison pouvait provoquer pareille réaction ? Je n’en savais rien, du moins, pour l'heure.

Je me retournais de nouveau vers le prêtre qui m'avait accosté. M'interrogeant sur la raison de sa présence en ces lieux… Et pourquoi ce lieu attirait tant les badauds… Je n’eu pas à réfléchir bien longtemps, présence du clergé, de la milice, de l'encens empoisonné, la curiosité morbide, typiquement humaine. L'équation ne mit guère de temps à se résoudre d'elle-même: un membre du clergé avait été assassiné dans cette maison… Il y avait donc un corps encore présent dans la bâtisse, sauf s'ils s'étaient empressés de déposer le cadavre sur un bûcher funéraire…

-Je peux vous aider, si vous le souhaitez. Mais j'ai besoin de voir le corps et… l'encens. Peut-être trouverai-je les réponses en les observant tous deux.

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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Re: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptyLun 25 Fév 2019 - 20:17
« On ne peut apprendre quelque chose qu’on prétend connaître. »


~~~


Le prêtre fixait la jeune femme comme s’il était le témoin d’un phénomène étrange et inexplicable. Ses yeux couleur de miel palpitaient avec confusion et c’est difficile qu’il retint sa bouche de pendre bêtement suite à son sentiment d’être totalement largué, perdu, marin solitaire abandonné par son navire dans les eaux tumultueuses de l’incompréhension et de l’ignorance. Non contente de répondre à sa question d’une manière quelque peu cinglante en prétendant qu’aucune sorcellerie n’était à l’œuvre, mais surtout par les explications précises offerte par celle qu’on aurait confondu avec une simple citoyenne allée rassembler quelques provisions avec son panier d’osier. Les apparences étaient bien trompeuses et la blonde dame faisait preuve d’une culture époustouflante à mesure qu’elle détaillait ses hypothèses qui eurent le don de surprendre l’homme de foi.

Jamais de sa vie il n’avait imaginé une œuvre aussi diabolique que celle qui avait emporté sœur Roxanne. Un esprit assez tordu et sans scrupules serait à l’origine d’une arme capable d’imprégner l’air même qu’on respire telle une épidémie destructrice ? L’idée même fit déglutir bruyamment le jeune clerc, particulièrement lorsque le son peu ragoutant des vomissements du milicien empoisonné retentirent à nouveau avec une violence à en faire pâlir un vampire.

« Que les Trois nous viennent en aide … »

Inconsciemment et comme à son habitude en temps de troubles et de peur, il enferma les doigts de sa main droite sur son pendentif en forme de fleur de lys, marmonnant quelques versets protecteurs pour puiser le courage nécessaire qui lui manquait en ce moment. La peur, vieille amie, avait en effet posé ses mains glacées sur les épaules du pieux personnage, un sourire carnassier étirant son visage de tête-de-mort. Il fallait dire que ces sordides événements avaient de quoi faire l’effet d’un linceul glacé enveloppant le cœur de Cesare. Des meurtres en série, un tueur introuvable et astucieux, un encens toxique et des dépouilles profanées de la plus grotesque manière.

Un homme d’armes tira le prêtre de ses morbides réflexions en s’approchant de lui de façon peu discrète, ses lourdes bottes claquant sur les dalles de pierre qui formaient le sol boueux. Le militaire s’accroupit légèrement au niveau du père spirituel et lui murmura qu’ils pouvaient disposer du corps de la prêtresse sur un bûcher de fortune hâtivement dressé par les soldats locaux. Les lèvres de Cesare se pincèrent pour former une balafre rosée sur son visage, détestant imaginer sa consœur finir sur un tas de brindilles et de morceaux de bois passablement empilés plutôt qu’un véritable bûcher funéraire digne de ce nom. Mais le temps pressait et l’âme de la douce prêtresse pouvait à tout moment être happée par l’appel du fléau fangeux qui la réduirait alors à l’état de goule hurlante et anthropophage, un triste hommage pour son trépas et un cauchemar pour la foule entassée aux alentours. Imaginer le massacre que pourrait provoquer la créature mort-vivante donna raison à son désir d’attendre qu’on lui trouver un meilleur lit de flammes.

Cependant, au moment où il allait donner l’ordre de disposer du cadavre, l’étrange individu proposa avec audace son aide en prétendant qu’elle pourrait l’aider à voir plus claire dans cette série de meurtres abjects en examinant le corps de la défunte. Si Cesare était pensif, le soldat à ses côtés n’hésita pas à cracher sur le côté pour exprimer son mépris avant d’éructer sur un ton menaçant :

« Z’avez rien à faire ici, ma ‘tite dame. Circulez et laissez les experts s’en charger, avant que j’vous fasse goûter aux baisers de mon gourdin. »

Pour appuyer ses paroles, le rustre personnage porta sa main sur le manche de sa massue cloutée de fer, ses doigts caressant la surface rugueuse du bois tandis que ses yeux jetaient des éclairs violents. Un individu bien habitué à tabasser soudards et clochards à tours de bras, une brute donc. Mais au moment où il allait avancer pour repousser la curieuse d’un coup de pied sur les jambes, il fut arrêté par le bras dressé en obstacle de son supérieur religieux.

« Mais … mon père ? »

« Laissez-la. Elle pourra peut-être lever le voile sur toute cette folie. Occupez-vous du reste des curieux, il ne faut pas qu’ils s’approchent d’avantage, c’est trop dangereux. »

« Bien, mon Père. »

Le militaire à la barbe mal-rasée jeta un dernier coup d’œil dédaigneux à la blonde avant de d’éclipser à grand pas et aller aboyer des menaces sur la foule. Cesare quant à lui fit appel à un de ses frères et après quelques mots échangés, il revint avec deux torchons humides sur chaque main.

« Vu la menace qui plane encore, il serait judicieux de protéger nos poumons de cet encens toxique. Nos confrères utilisent ces torchons pour éviter d’être infecté par les maladies qui hantent les cadavres des défunts. Tenez. »

Il tendit la protection de fortune à celle qui était son dernier espoir d’élucider une partie de ce mystère. Quand elle fut prête, il porta à son tour le bout de tissu autour de sa bouche et son nez avant de conduire sa partenaire provisoire entre les murs ébranlés et vermoulus de l’édifice abandonné. Le corps était toujours là, mesurant de toute sa longueur le sol, inerte et pâle comme un cygne. L’odeur de l’encens s’était faite de moins en moins présente mais le prêtre ne se risqua pas à retirer son torchon, peu enthousiaste à l’idée de vider tripes et sang sur place et ainsi compromettre leur enquête. Il croisa lentement les bras et avisa d’un air légèrement sceptique la femme à ses côtés, attendant qu’elle fasse un quelconque miracle.

« Nous l’avons retrouvé il y a quelques heures ainsi. Aucune trace de coups ni de blessures visibles. Personne d’autre n’était aux alentours et nous n’avons trouvé aucune autre source qui pourrait trahir la présence de cet encens mystérieux. Le tueur a probablement utilisé un encensoir, il n’a laissé aucun indice susceptible de le trahir. L’assassin est très méticuleux et vos propos quant à l’étrange mixture qu’il aurait put utiliser ne fait que lui donner un portrait encore plus inquiétant. »
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Adeline DelormeAlchimiste
Adeline Delorme



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MessageSujet: Re: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptyDim 3 Mar 2019 - 15:07
Grosses bottes, mine patibulaire et expressions grotesques, le nouvel arrivant, l'intrus aux bien rustres manières me déplut immédiatement. Pour qui se prenait-il, grossier personnage visiblement inculte ? Il parlait d'expertise, alors que cet idiot avait tout du crétin sans cervelle incapable de prendre une décision par lui-même faute de capacités à réfléchir… Mis à part pour s'en prendre à une femme maigrelette, visiblement.

Oh, bien sûr, je n'étais ni assez folle, ni assez stupide pour provoquer cette brute. S'il voulait que je parte, je le ferais purement et simplement. Après tout, je ne faisais que proposer mon aide d'experte, je laissais le choix au prêtre d'en disposer ou non...chose que cet imbécile ne pouvait évidemment voir. Néanmoins, fort heureusement pour moi, le clerc décida de s'interposer en repoussant cordialement l'animal… Ce qui ne put que lui déplaire, son regard dédaigneux et sa mine renseignée en attestait grandement…

Je n'ai jamais compris pourquoi certains hommes ne se privaient pas pour s'en prendre ainsi aux individus appartenant à la gent féminine. Ni mon frère, ni mon père, ni même mon cousin, n'auraient osé me traiter ainsi. Il existait chez nous un respect se plaçant bien au-delà du sexe ou de la position sociale… Ce genre d'homme appartenait probablement aux plus basses classes de la société. Il ne devait posséder rien d'autre que son gourdin ridicule qu'il semblait tant affectionner… Un minimum de pouvoir devait me galvaniser au point de pouvoir enfin se sentir important… Lui donner l'impression d'exister, même si la manière me parut bien discutable…

-Merci, lançais-je sobrement au clerc tandis que la brute épaisse s'éloignait pour montrer son arme au reste de la foule.

S'éloignant par la suite, le prêtre revint les mains chargées de deux linges humides en guise de protection contre les émanations de poison. À la vue des bouts de tissus, je ne pus que hausser un sourcil interrogateur. Pensait-il réellement que ceci nous protégerait contre les miasmes toxiques ?

-Ceci est parfaitement inutile, mon père… Il ne s'agit pas de fumée comme celle que l'on peut respirer lors des incendies. Vous avez déjà respiré ces vapeurs… Vous êtes donc forcément déjà intoxiqué, d'une manière ou d'une autre. Il suffira juste d'ouvrir les contre-vents pour renouveler l'air de la pièce et chasser le poison vers l'extérieur. Votre linge ne vous servira à rien.

Je repoussais donc poliment le morceau de tissu tandis qu'il s'armait du sien. Après tout, cela ne pouvait pas lui faire de mal, alors quelle importance ? Il ne me restait plus qu'à le suivre à l'intérieur de la maison. En premier lieu, je m'occupais d'ouvrir toutes les fenêtres de la pièce avant de me pencher sur le corps sans vie de la pauvre femme. Étrangement, celle-ci affichait une expression apaisée, comme si elle s'était tout simplement endormie là, à même le sol.

-A-t-elle été déplacée, lui demandais-je en observant le cadavre avec attention.

Mine cadavérique, évidemment, mais le corps affichait quelques étrangetés. Les veines de ses tempes me semblaient anormalement foncées et épaisses. Cela pouvait être une erreur de ma part, après tout, l'anatomie humaine ne faisait pas partie de mes spécialités… Mais les effets des poisons, si. Je portais donc deux doigts aux fameuses veines les trouvant alors étrangement solides… Une accumulation de fluide, peut-être ? Un épaississement du sang ?

Plus étrange encore, si ses lèvres auraient dû arborer une teinte grisâtre propre aux morts, celles-ci me parurent plus bleutées… Comme sur les cadavres des noyés… A-t-elle manqué d'air ? Mais dans ce cas, pourquoi montrer un visage si paisible alors qu'il aurait dû être troublé par l'effort que son corps avait dû fournir pour respirer ? Non… Cela ne tenait pas…

Perplexe, je jetais un regard à la pièce, cherchant le fameux bâton d'encens responsable de tout ceci… Du moins, le supposais-je depuis le début… Le trouvant finalement sur un vieil encensoir reposant sur un coin de meuble pourrit et visiblement bancal, je me levais pour l'observer. Contrairement aux bâtons ou cônes classiques, les cendres consumées me parurent anormalement épaisses… Comme s’il s'agissait d'un bâton bien plus grand que la norme… Autre chose, les cendres semblaient composées de plusieurs teintes… Toujours en silence, je m'emparais d'un parchemin se trouvant dans mon panier. Je le déchirais en trois morceaux, pour séparer les couches de cendres les unes des autres. Ceci fait, je portais le premier tas à mes narines, humant ainsi une odeur des plus familière…

-Valériane, déclarai-je avant de renifler de nouveau le tas de cendres froides.Mais aussi du houblon et ce qui me semble être du pavot… On utilise ces plantes pour leurs effets apaisant, mais aussi soporifiques. Le mélange décuple les effets, en particulier après combustion… La fumée devait être extrêmement épaisse pour remplir les poumons de votre amie...


Je repose le premier morceau de papier pour me saisir du second… L'odeur m'est tout aussi familière… Celle-ci, légèrement acidulée me donnait presque envie d'éternuer par réflexe, comme si mon corps voulait éloigner rapidement le mélange de mes narines.

-Belladone … La plante des sorcières, murmurai-je. Soporifique, elle aussi, mais sa particularité tient dans les visions qu'elle provoque.

Vu l'air apaisé de la prêtresse, celles-ci n'ont pas dû être traumatisantes. Peut-être aura-t-elle eu l'occasion de rencontrer les Trois lors de ses songes éveillés…

Autre couche de cendre, autres parfums. La couleur de cette dernière était visiblement bien plus foncée que les premières… Donc… Bien plus complexe et subtiles à trouver. Le parfum était piquant, bien plus agressif et ressemblait nettement plus à ce que j’avais pu sentir de l'extérieur en arrivant… Toutefois, le mélange restait flou pour l'alchimiste que j'étais qui n'arrivait malheureusement pas à isoler les différentes plantes composant le mélange. C'est en soupirant que je retournais vers la prêtresse et lui ouvrit les yeux. Je fus toutefois surprise de constater que le blanc avait disparu au profit d'un jaune orangé parsemé de ligne de sang…. Les humeurs devaient être sacrément troublées… Nul doute que si elle avait été éveillée, la dame du temple aurait tout autant souffert que le milicien à l'extérieur…

Je m'emparais alors de mon mouchoir, avant de rouler l'une des extrémités et de l'introduire dans l'une des narines de la prêtresse… Je le tournais légèrement avant de l'extraire… Le mouchoir en ressortie à peine souillé de sang, déjà sec et épais. Je recommençais alors la manœuvre dans l'orifice de l'une de ses oreilles pour faire le même constat… Selon moi, il aurait dû y en avoir plus que cela, mais cette présence était déjà anormale en elle-même…

Un nouveau soupir et je me laissais tomber sur le postérieur pour m'asseoir et réfléchir… J'embriquais les éléments constatés les uns dans les autres jusqu'à trouver une base d'exploitation que j'énonçais au prêtre :

-Comme je le pensais, l'encens est bel et bien responsable de sa mort… L'auteur a usé du vice pour le fabriquer… Votre sœur a d'abord dû se sentir apaisée, calme et sereine, comme si elle était chez elle, en parfaite sécurité. Par la suite, elle dut ressentir une intense fatigue… Un peu comme celle d'un nourrisson venant d'être allaité… Puis, quand le bâton commença à entamer la seconde partie de sa combustion, des visions, visiblement très agréables ont dû faire leur apparition… Puis elle s'est endormie tandis que le bâton continuait de fumer, répendant lentement son poison… Selon moi, elle n'a rien ressenti… Le poison a agi durant son sommeil d’une façon bien sournoise, mais pourtant rapide. Comme si le corps avait volontairement été affaibli au préalable pour ne laisser aucune trace visible sur le corps…

Ce qui avait plus ou moins fonctionné. Sans la présence du milicien malade, je n'aurais probablement pas pu faire le lien avec le parfum particulièrement entêtant venant de la masure… Le milicien… Mais bon sang… Pourquoi était-il le seul à être malade ? Son état d'empoisonnement était visiblement largement avancé alors que le prêtre à mon côté se portait apparemment bien, même après avoir respiré les mêmes miasmes… Alors...Pourquoi ?

-Le milicien de tout à l'heure… Est-ce lui qui a trouvé le corps ? Ou était-il présent depuis bien plus longtemps qu’il n'a osé le dire ?
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CesarePrêtre responsable
Cesare



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MessageSujet: Re: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptyDim 24 Mar 2019 - 12:10
Contre toute attente, la jeune femme s’était révélée être un atout précieux durant cette investigation, au plus grand mépris du soldat endurcis qui la fixait toujours de temps à autre avec un air mauvais. Mais qu’importe si ce malheureux ignorant ne supportait pas qu’une femme vienne se mêler d’affaires d’homme, Cesare lui désirait élucider ce tortueux mystère et il était prêt à faire appel à n’importe quelle main charitable. Hors son instinct ne l’avait pas trompé et la roturière d’apparence avait fait le point sur les propriétés de l’encens empoisonné grâce à une minutieuse fouille qui trahissait une grande expérience dans le domaine de l’herboristerie. Cependant cela signifiait aussi que l’assassin avait des talents similaires et utilisait son vaste savoir pour confectionner une terrifiante arme servant ses noirs desseins. La pie-grièche était clairement un tueur hors du commun et ce n’était pas étonnant que la Milice souhaite mettre à l’écart les fouineurs et les curieux de peur que les rumeurs se répandent comme du crottin de cheval à travers la cité, immortalisant la mémoire de ce monstre comme une légende cauchemardesque.

À la toute dernière remarque de l’étrangère, Cesare fronça des sourcils. Le milicien infecté par les toxiques relents cacherait-il quelque chose ou n’était-il qu’une victime de plus du meurtrier ? Jetant par terre le torchon humide qualifié d’inutile par la supposée experte, il héla un des hommes d’armes, exigeant qu’il aille chercher ses frères et le soldat en proie aux violents vomissements. Si l’homme était condamné, autant qu’il en tire quelques réponses avant de prier pour son âme. Le soldat se précipita hors de la masure, laissant l’étrange duo autour du corps sans vie.

« C’est une bien terrifiante invention que vous venez de me décrire, mon enfant. Jamais je n’avais entendu parler d’une telle ingéniosité dans l’art de la mort et pourtant je vous crois sur parole. Si ce monstre possède les mêmes savoirs que ce que vous venez de me prouver, alors on n’a pas affaire à une simple brute sans cervelle, mais à un mal bien plus grand et terrible … que la Trinité nous vienne en aide. »

« Mon père ! »

Le prêtre se retourna pour faire face au soldat au visage cramoisi, son casque conique sur son torse, la mine accablée. Balbutiant entre plusieurs halètements d’épuisement, il finit par secouer vivement la tête. Le milicien n’avait pas survécu malgré les soins des guérisseurs. Immobile, l’ascète abaissa un instant son regard sur le sol, ses prunelles palpitant tant les émotions contraires se faisaient une guerre sans merci dans sa tête, un bourdonnement terrible sifflant dans ses oreilles meurtries. Réprimant un juron sonore, il serra ses poings avec une telle fureur que les articulations de ses doigts blanchirent comme des os. D’un geste irrité, il congédia l’homme d’armes avant de porter ses doigts le long de son visage, à deux doigts de labourer ses joues avec ses ongles en une ultime manifestation de désespoir.

La pie-grièche filait une fois de plus entre ses doigts et en emportant un bien lourd tribut. Rabattant ses bras sur ses flancs avec désespoir, il jeta un regard affligé à la dépouille de Roxanne avant de murmurer, sur un ton faible et vaincu :

« Vous devriez partir, gente dame. Nous allons devoir nous occuper de deux funérailles aujourd’hui et je doute que vous souhaitiez voir les tristes bûchers que nous allons installer à la hâte. Je vous remercie pour votre aide précieuse. »

Son ton était catégorique et il s’était déjà détourné d’elle, le regard porté vers un horizon invisible, l’esprit embrumé par ses sombres pensées. Elle était libre de partir et nul-doute que si elle s’attardait d’avantage elle risquerait de faire face aux individus moins scrupuleux qui formaient le corps de garde déployé autour de la maison abandonnée.

Une maison maudite.

~~~

Il faisait nuit, en ce lendemain de cette journée fatidique. Une faible pluie s’abattait sur le sombre quartier à peine éclairé par les timides lueurs de quelques feux brûlant à travers les fenêtres des petites chaumières. Les cheminées fumaient lentement, crachant de paresseuses colonnes de fumée qui tentaient de défier la tombée des eaux célestes. Chats et chiens s’étaient réfugiés sous les étals abandonnés par des marchands pressés de rentrer chez eux, les rats quant à eux allant s’immiscer dans les bouches d’égout dans l’espoir que les eaux emportent avec elles quelques nouveaux déchets à grignoter.

Les rues étaient désertes, tout le monde s’emmitouflait confortablement dans son petit nid douillet, se soustrayant aussi bien du froid que des ombres cachant bien plus d’horreurs que de simples croque-mitaines. Pourtant, un individu solitaire traversait à grand pas les tortueuses ruelles, une lourde cape de bure le protégeant de la morsure glaciale de la pluie. L’homme semblait jeter des coups d’œil rapides derrière lui, comme s’il craignait qu’une forme menaçante n’hante ses pas. Ses bottes levaient des gerbes de boue à chaque pas, se précipitant dans une marche rapide vers une demeure beaucoup plus imposante que ses voisines.

Cesare leva le bout de son nez humide et rouge pour fixer les fenêtres du vaste édifice, espérant que sa propriétaire s’y trouvait. Il toqua à la porte à trois reprises, frottant par la suite ses mains dans l’optique de générer assez de friction pour se soustraire à l’engourdissement qui gagnait ses doigts plus pâles qu’un mort. Le prêtre regrettait amèrement de n’avoir pas porté des gants ou des mitaines. Il regretterait presque le confort de sa chambre spartiate au Temple si son devoir ne primait pas au-dessus de sa petite personne. Hors pour remplir sa sainte mission, il avait besoin d’aide.

Quand la propriétaire des lieux daigna faire son apparition, le clerc encapuchonné dévoila son visage perlé de gouttes d’eau, quelques mèches humides formant d’étranges arabesques sur son front luisant, ses yeux brillant sous la bande de ténèbres qui cachait légèrement une partie de sa face.

« Bonsoir. Je vous prie de m’excuser pour venir interrompre votre repos par cette heure si tardive et sans invitation, mais … j’ai quelque chose d’important à vous demander. »

Prenant son inspiration, il se mordilla brièvement les lèvres comme s’il hésitait à faire part de son état d’impuissance, puis ravala sa fierté et finit par déclarer sur un ton plus confident :

« J’ai besoin de votre précieuse aide. »

Bien entendu, il aimerait bien lui faire part d’avantage de l’urgence de la situation et pourquoi il l’avait choisie elle parmi une multitude de candidats potentiels, mais il espérait secrètement que la gente dame ait la décence de l’inviter à s’abriter chez elle. C’est qu’il commençait à perdre la sensation de ses orteils, le malheureux.
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Adeline DelormeAlchimiste
Adeline Delorme



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MessageSujet: Re: Un festin pour la pie-grièche [Adeline]   Un festin pour la pie-grièche [Adeline] EmptyMar 9 Avr 2019 - 10:05
Mes découvertes ainsi dévoilées, mon expertise ne put alors que s'arrêtait là. Dès lors, je n'étais plus qu'une simple habitante de la cité parmi tant d'autres… Inculte et totalement inutile pour la suite. Le prêtre me congédia sans même me porter un regard. Néanmoins, consciente de la portée de mes révélations, comme les difficultés qui l'attendaient pour la suite, je ne m'offusquais nullement de ce comportement et quittais définitivement la maison pour vaquer à mes occupations, bien loin de l'aspect sordide de cette maison.

Le reste de la journée s'écoula plutôt lentement. Mes achats effectués, je les apportais dans mon laboratoire que je veillais à tenir rangé par crainte de mélanger quelques fioles plus ou moins dangereuses. J'y travaillais sans aucune pause jusqu’au lendemain. Il faisait d'ailleurs déjà nuit lorsque je me décidais à rentrer chez moi. La demeure familiale se situait bien loin de la Hanse, à l'autre bout du quartier des commerçants de bourg Levant. Loin de mon laboratoire bruyant et des odeurs douteuses qui s'en échappait bien souvent.

Cela faisait quelques jours à présent que je n'y avais pas mis les pieds. Mon obsession se portait entièrement vers le travail et mes recherches, si bien qu'il m'arrivait bien souvent d'oublier de dormir ou encore de manger durant plusieurs jours. Et puis… Si jadis cette demeure possédait le charme de tout foyer accueillant, aujourd'hui la façade de pierres blanches me paraissait austère et angoissante, si bien que je traversais la cours sans même la regarder… Je ne m'y sentais plus chez moi depuis des lustres… Depuis que le monde était pris de folie et que les morts reprenaient vie pour se nourrir de nos chairs… Depuis la disparition de mon père et de ma sœur… Disparitions qui ne laissaient aucune place à l'espoir de les revoir un jour… Mère ne savait pas ce qu'il était advenu de Renaud. Elle l'imaginait caché quelques part avec certains de ses frères d'armes… Je ne lui avais rien dit, évidemment, elle ne supporterait pas la vérité. Ce secret, je l'emporterai avec moi sur le bûcher et jamais l'image de mon noble frère ne sera ternie par cette malédiction.


Ne vivant pratiquement plus dans cette maison, il m’arrivait souvent de frapper à la porte, comme si je n'étais qu'un simple visiteur de passage… Ce que j'étais, finalement. Et comme à son habitude, mon ancienne nourrice m'accueillit chaleureusement, me serrant dans ses bras maigrelets à force de privation, à peine, eut-elle ouvert la porte. Mais la tendresse ne dura pas, puisqu'elle s'empressa d’aller me préparer un bain, affaires de rechanges, probablement par crainte de me voir brusquement disparaître. Je n'essayais pas de protester, les paroles inutiles ne faisaient guère partie de mes habitudes, aussi me laissais-je guider par la domestique avant de la voir s'en retourner prestement en cuisine…


Ce soir-là, je dînais seule. Mère se trouvait probablement chez ma sœur aînée, enceinte jusqu'aux yeux et qui vivait une grossesse des plus compliquée. Yolande veillait sur sa progéniture avec autant de ferveur qu'une oursonne et ne la quittait quasiment plus. L'immense table me parut d'autant plus grande qu'elle était presque vide puisqu'elle n’accueillait qu'une seule assiette. Assiette qui me semblait bien peu appétissante, malgré le doux fumet qui s'en échappait. La nourriture était devenue un grand problème pour moi, la faim ne me tiraillait plus l’estomac et manger seule dans cette pièce, bien trop grande, n'arrangeait rien à mon piètre appétit. Aussi, je fus presque soulagée d'entendre quelqu'un frapper à la porte.

Comme le voulait mon éducation, j’attendais dans la grande salle que Martha ne se décide à ouvrir. Mais entendant que l'on insistait sur le heurtoir, je compris que la domestique n'était pas présente. Je me relevais donc, rapidement, comme à mon habitude, pour me rendre jusqu'à l'entrée pour accueillir un invité inattendu, trempé jusqu'aux os. À ma vue, l'homme laissa tomber sa capuche afin, de me laisser apercevoir un visage nouvellement familier et que je ne pensais certainement pas revoir de sitôt.

-Mon père ? m'écriais-je bêtement par surprise. Par les Trois, ce n'est pas un temps à traîner dans les rues. Entrez donc, un feu brûle dans la salle à manger...

Je l'invitais à me suivre, tandis que Martha daigna enfin se montrer. Son visage affichait une certaine honte ainsi qu’une mine épuisée, si bien qu'il fut facile de comprendre que la domestique s'était endormie quelque part dans la maison. Elle aussi, elle dormait peu. À la grande époque, cette demeure comptait une dizaine de domestiques, à présent, Martha était seule à travailler ici. De bien des manières, cette femme faisait partie de notre famille meurtrie. Loin de moi l'idée donc de me comporter en maîtresse tyrannique, bien au contraire.

-Veux-tu bien ajouter un couvert, s'il te plaît ? Tu pourras nous laisser ensuite.

-En êtes-vous certaine ? Je pourrai...

Je ne la laissais pas finir sa phrase, préférant couper court à sa gêne qui n'avait pour moi aucune raison d'être.

-Tu es épuisée, tu mérites bien un peu de repos, toi aussi. Ne t'inquiète pas, je m'occuperai de notre invité.

-Bien Mademoiselle.

Martha nous avait élevé, Renaud et moi. Et malgré tout le respect que sa position de domestique lui imposait, elle n'utilisait le protocole et ses manières qu’en présence d'invités. Dans l'intimité, elle me tutoyait, me traitant aujourd'hui encore comme sa propre fille. Je n'aimais pas cette distance imposée, je devais pourtant faire avec, simplement pour éviter les “qu'en dira-t-on”, dont je me fichais pourtant.

Je la laissais s'acquitter de sa tâche, tandis que je débarrassais l'homme du temple de son manteau trempé.

-Installez-vous près du feu, l'invitais-je tout en lui servant une coupe de vin miellé avant de la lui tendre.Ceci devrait vous réchauffer. Vous avez dit avoir besoin de mon aide, en quoi puis-je vous aider, mon père?
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