L'ombre d'Ambre et l'invisible espionne [PV Ambre & Hector]

30 avril 1166

Le soir arrivait comme une mariée discrète. Vêtu d'une robe aux couleurs orangées, violacées, dorées, il descendait lentement sur le marché d'après-midi de la rue des oies où la foule commençait à se disperser. Il restait bien sûr quelques clients à l’affût des bonnes affaires et, évidemment, les commerçants qui commençaient tout doucement à ranger leurs étals en discutant les uns avec les autres à propos de leur journée, des bonnes ventes et des désillusions.

Pour le baron de Sombrebois, ce fût une journée relativement morose. Les pipes et le chanvre séché n'avait visiblement pas été en première place sur la liste de courses des habitants du quartier et, heureusement, Florian, son cousin, lui racontait quelques sottises qui parvenaient à le maintenir dans une humeur relativement bonne.

Bref, les deux Sombreboisiens discutaient, rangeaient et n'allaient sans doute pas tarder à se rendre dans l'auberge qui les accueilleraient pour la nuit. Enfin, ça c'était ce qui était prévu. Mais dans la vie d'Hector, il y avait souvent des imprévus, des évènements, des coups du sort, des hasards heureux ou malheureux, qui venaient mettre à mal les plans - même les plus simples ! - qu'il mettait sur pied.

Et ce soir là, un visage lui apparut dans un dernier rayon de soleil, des yeux d'une clarté superbe... mais teinté d'une infinie mélancolie ; des lèvres rondes et rouges comme des groseilles sucrées... mais qui ne souriaient pas. Elle avait des cheveux blonds désordonnés et une peau dont la pâleur était magnétique.

Hector resta un instant coi devant cette présence énigmatique. Et lorsqu'elle tourna son regard, ces pierres précieuses plus claires que les émeraudes, vers lui, il en eut le souffle coupé et le cœur transpercé !
Cette jeune femme n'inspira au baron qu'une envie folle de la serrer contre lui, de la réconforter et de l'aimer toujours. Elle était malheureuse ? Il la rendrait heureuse. Elle était pauvre ? Il lui offrirait son or. Il la voulait ; elle, déjà. Il avait besoin d'elle comme il lui semblait n'avoir jamais eu besoin de quelqu'un auparavant...

Une groupe de personnes passa entre elle et lui et le baron cligna des yeux.
- Alors, qu'est-ce qu'on fait ? Lui demandait Florian
- Je... Attends... Finis de ranger, je vais voir quelqu'un... Je te rejoins.

Il fit le tour de l'étal et se dirigea vers l'endroit où il avait vu cette envoûtante demoiselle... Il marchait d'un pas pressé mais, avec les gens qui allaient en tout sens et étant lui-même emprunté, désorienté, il faisait des détours, se perdait, retrouvait son chemin... Il se souvint avoir vu des tableaux autour d'elle. Elle devait être du côté des artistes...

Hector S. & Ambre R.

30 Avril 1166

C'était une douce journée d'Avril qui s'achevait. Le soleil, plutôt timide en cette période de l'année, avait décidé de montrer le bout de son nez d'abord timide en mâtiné pour finir sur une après-midi radieuse, réchauffant les cœurs et les chaumières des pauvres malheureux de Marbrume.
Il s'agissait la d'une journée spécial pour Ambre. En effet, c'était le seul jour du mois ou la jeune femme se permettait de faire le marché pour vendre ses œuvres et tissus. La jeune femme ne pouvait pas le faire plus souvent, car la charge de travail demandé pour ce genre d'occasion était bien trop grande pour une femme seule. Surtout qu'elle avait 5 personnes chez elles en plus à s'occuper et à nourrir. Mais, à l'inverse, elle ne pouvait pas non plus déroger à ce rendez-vous; Les bénéfices qu'elle obtenait sur ces journées rendaient possible l'achat de nouvelles matières premières pour faire de belles toiles ou de grand tissus pour les réfugiés, ainsi qu'acheter un peu plus de nourriture pour tout le monde.

La jolie blonde était donc arrivée à l'aurore, afin d'établir son étalage. Pour ces journées denses et difficiles, Ambre demandait souvent l'aide aux femmes qu'elle hébergeait chez elle, au nombre de 2. Malheureusement en cette période, l'une d'elle lui avait annoncé sa grossesse il y a de cela quelques semaines, et ses forces s'amenuisait au fur et à mesure que son ventre s'arrondissait. C'est donc en effectif réduit que sa journée commença.

Ambre s'étira tout en baillant discrètement. Le soleil commençait à décliner doucement, annonçant la fin de la journée. Et qu'elle bonne journée pour elle ! Le retour du soleil en cette dur période avait fait sortir les badauds et les cœurs les plus sombres dans les rues ensoleillées. De la, les ventes étaient allées bon train, les gens heureux de pouvoir acheter de jolies étoffes ou même de long drap dans lesquels s'enrouler en des heures difficiles pour se sentir protéger. La jeune femme se tourna et regarda la grande tapisserie qu'elle vendait derrière elle et soupira. A croire qu'elle n'arriverait jamais à vendre cette oeuvre. Oeuvre que notre héroïne avait mit un an à faire. Une somptueuse tapisserie représentant Marbrume avant la Fange, à son heure de gloire, dans toute sa beautés. Mais dans un sens, cela ne dérangeait pas Ambre. Après tout, elle la pavanait sur son échoppe surtout pour attirer les regards et les gens avec des portes monnaies bien plus modeste que le prix de celle-la. Il ne faut pas se mentir, le temps de la richesse et de l'opulence était belle et bien passée. Les gens préféraient s'offrir de l'utile, ou des babioles aux prix anecdotiques. Et puis, elle était nostalgique en la regardant, lui rappelant l'époque ou elle avait commencer à la tisser, encore enceinte avec son fils courant et criant dans ses pattes, en pleine croissance. Ce souvenir douloureux lui ôta toute gaieté sur son visage, et ses épaules lui parurent dix fois plus lourdes soudainement.

Une lueur aveuglante lui piqua le coin de l’œil, ce qui l'a fit se tourner vers la population mouvante en cette fin de soirée. Surement un objet précieux qui c'était réfléchi sur le soleil couchant pour lui faire signe de se tourner. Sur le coup, Ambre ne vit rien que la masse humaine, vibrante de vie et de bruit. Mais un peu plus loin, dépassant de peu la foule, elle vit un regard d'un bleu limpide sur elle. Ce regard sur elle lui fit rater un battement de cœur. Ce regard l'avait troublé, ce regard transperçant qui l'avait regardé comme jamais on ne l'avait fait avant.
Elle n'avait qu’aperçu rapidement le visage de l'homme propriétaire de ces magnifiques yeux. Plus âgé qu'elle de quelques années, elle avait vu de court cheveux noirs de geai, assorti à une barbe drue. Elle avait eu le temps de remarqué son nez, peu commun, mais qui paraissait tout à fait charmant.
La blonde secoua la tête. Elle avait dû imaginer tout ça. Personne ne la regarderait comme ça, pas maintenant. Plus maintenant. Elle n'était qu'une veuve désabusé et cela se voyait sur elle. Secouant la tête, elle se détourna de la foule et entreprit de ranger l'étale avant que la nuit ne tombe entièrement, l'image de ces yeux bleus encrés dans un coin de sa tête.

Les minutes défilèrent et son étalage se retrouva empaqueté dans quelques gros sacs de chanvres entassé sur une charrette à pousser. Son acolyte commença à partir devant, une longue marche les attendant, leur habitation se trouvant à la toute limite du quartier marchant. En soulevant la lourde carriole pour la déplacer, un petite boite rempli de pièce glissa et tomba par terre. Ambre ronchonna légèrement, la nuit n'allait pas tarder à tomber et elle ne devait pas traîner, surtout avec la foule de personne dans les rues, pressées de rentrer chez elles après une si belle journée. La jeune femme s’agenouilla pour ramasser les pièces et regarda rapidement la foule devant elle. Un éclair bleuté retint son attention et à sa plus grande surprise elle cru encore voir le regard de l'homme qu'elle avait aperçu plus tôt. Et ce regard semblait encore rivé sur elle. Le regard de la jeune femme se troubla une nouvelle fois, surprise. D'autant plus qu'elle avait aussi vu les vêtements de cet homme et qu'il était clairement richement paré. Que lui voulait donc un bourgeois ?
Quelques secondes passèrent, ou elle attendait à tout moment de voir cet homme apparaître devant elle, bien qu'elle n'arrivait pas à imaginer la raison de sa venue. Peut-être avait il vu sa tapisserie et souhaitait-il l'acheter ?

"Ambre, dépêchez-vous de venir, il commence à faire sombre !"

Celle-ci sursauta. Sa partenaire de la journée avait rebroussé chemin et lui sommait d’accélérer la cadence, ce qui était tout à fait justifié. Il n'était pas bon pour deux femmes, frêles qui plus est, de se balader de nuit avec des marchandises dans la ville. Oubliant un instant le parfait inconnu qui avait tant attisé sa curiosité, elle ramassa les dernières pièces au sol et jeta la boite dans la charrette. Malgré la fatigue, elle souleva la carriole et commença à avancer doucement, au gré de la foule qui se fendait difficilement pour la laisser passer.

J'aurais juré qu'elle était là ! Pesta intérieurement le baron en arrivant à un emplacement vide.

Il regarda autour et ne vit rien... jusqu'à ce qu'un bruit parvienne à ses oreilles. C'était le bruit d'une chute d'objet solide suivit d'un tintement de pièces sur le pavé. Hector tourna la tête dans cette direction et vit, derrière pas mal de passants, la blonde qui dont le visage l'avait tant marqué quelques minutes auparavant. Il fit quelques pas dans sa direction puis une charrette s'arrêta devant lui. Il voulu la contourner mais il y avait tant de monde... Le baron pestait intérieurement et, s'excusait auprès des gens pour passer tant bien que mal... Et puis, un moment donné, lorsque la situation se débloqua, un homme qu'il connaissait bien, Richard Dagobert, patron d'une auberge et client d'Hector, s'arrêta près de lui.

- Bonjour monsieur de Sombrebois ! Lui fit-il.
- Bonjour monsieur Dagobert, comment allez-vous ?
- Bien, merci, et vous-même ?
- Et bien... ça coince... comme cette route ! Les affaires ne sont pas aussi bonnes que par le passé. Je ne suis pas sûr de pouvoir continuer de me fournir auprès de vous, voyez-vous, le Labret et...

L'homme voulait visiblement faire baisser les prix de Sombrebois. Hector, lui, avait cessé de l'écouter. Il regarda passer la jeune fille au regard poignant. Même si elle n'était pas ce qu'on eut pu appeler un canon de beauté. Elle avait un charme incroyable et cette fragilité qui fendait le cœur du baron. Il en eut le souffle coupé. Pouvait-il l'aborder ici, maintenant ? Non, c'était impossible. Qu'aurait-il pu lui dire tout d'abord ? Il ne la connaissait pas. Et puis il y avait Dagobert qui lui parlait. C'était un client important et il allait devoir lui répondre.

- Qu'en dîtes vous, cher baron ?
- Je... commença-t-il encore troublé par le passage de l'ange si près de lui, Je suis près à vous faire un prix sur mes produits...
- Ah ! Cela est-il vrai ?
- ... Oui, oui, peut-être, cela devrait être possible. Il faut que je vérifie mes comptes et mes coûts. Mais j'imagine qu'en ce qui concerne les patates je pourrais vous baisse le prix de quatre ou cinq sous la livre. Pour ce qui est des courges, la saison n'a pas été très bonne mais...

La conversation continuait, et la jeune femme s'éloignait, accompagnée d'une suivante, portant une charrette à bras. Hector aurait tant voulu la rejoindre, l'aider à porter son fardeau, lui parler, entendre le son de sa voix, la prendre dans ses bras, l'embrasser, peut-être... Non tout cela n'était qu'un rêve qui s'éloignait.

Malgré tout, il parvint à écourter la conversation en promettant à l'aubergiste quelques réductions. Ce dernier accepta, tout heureux de cette si simple négociation ! Hector, après avoir salué son client, constata que la charrette s'était beaucoup éloignée. A grands pas, il fendit la foule pour rattraper la douce blonde... Mais cette fois, c'était elle qui était en grande conversation. Hector ne pouvait pas la déranger. Alors qu'elle marchait à coté de son interlocuteur, Hector se plaça presque dans son ombre, écoutant, curieux, quelques bribes de sa conversation... Il apprit ainsi qu'elle s'appelait Ambre - Quel doux prénom ! - et qu'elle était tisserande. Il ne voulut rester plus longtemps comme un espion derrière elle (de peur qu'elle ne se retourne !) aussi la doubla-t-il sans vraiment savoir où il allait.

- Hector !

C'était son cousin Florian, sur la charrette menée par sa jument, qui l'interpellait.

- Oui Florian ?
- Où vas-tu donc ?! Nous devons allez à l'auberge, ce n'est pas le moment de flâner, le tournoi commence demain, il faut te reposer ! A quoi ça sert de venir de Sombrebois si c'est pour perdre dès le premier tour à cause qu'on aurait fait n'importe quoi la nuit d'avant !?

Étonnant comme ce tournoi paraissait bien futile à Hector en cet instant précis. Pourtant, il le savait bien, Florian avait raison. Aussi grimpa-t-il au côté de son cousin qui, visiblement, était moins perdu que lui ! Il fit prendre à Moto (la jument) la rue qui partait légèrement sur la droite et Hector n'osa se retourner pour voir si la mystérieuse tisserande prenait également cette direction...

Hector S. & Ambre R.

30 Avril 1166

Il faisait chaud. Était-ce à cause du temps resté lourd malgré le soleil maintenant couché ? Était-ce à cause de cette foule qui s'agglutinait pour rentrer chez eux ? Était-ce à cause de la charrette lourdement rempli qu'elle portait ? Ou était-ce lui ? Ambre s'ébroua à cette dernière idée. A quoi donc pensait-elle ? Ce n'était clairement pas son genre pourtant. La jeune femme soupira devant son propre excès de bêtise et se concentra pour avancer malgré ses membres douloureux. Elle fut d'ailleurs si concentrée qu'elle passa à côté du Baron sans même le voir, lui qui était tout prêt d'elle, planté là, le souffle coupé à la vision de la blonde aux yeux vert.

Son acolyte de la journée, Gisèle, lui parlait avec passion de son ancien passe-temps préférée avant la Fange, la collection de papillon de toute sorte. A vrai dire, cela ne l'intéressait pas du tout, son esprit vagabondait bien plus loin que ça, aussi loin que cet échange de regard. Elle acquiesçait régulièrement, sortant de léger "oui oui" quand le moment s'y prêtait. Elle n'avait absolument aucune idée que l'homme auquel elle pensait distraitement à ce moment précis était juste derrière elle en train d'espionner sa conversation.

▬ "Mh mh"».

"- Ambre, tu m'écoutes bon sang ?!" s’énerva enfin son interlocutrice

▬ "Oh oui pardon, j'avais la tête ailleurs."».

Notre héroïne avait sursauté, surprise de se faire reprendre de cette manière. Elle se remit donc à marcher tout on écoutant plus attentivement sa comparse, riant doucement à ses blagues. Comme à son habitude, elle ne parlait pas ou peu, préférant laisser les gens parler. Les demoiselles marchèrent ainsi quelques minutes tranquillement, la conversation allant de si et de la, laissant la place à une ambiance détendue.
Soudain, dans la pénombre ambiante, la jeune femme crut voir du coin de l'oeil un éclat orange, coloré. Sur le coup, elle pensa à un simple saltinbanque venait de la doubler. Curieuse, elle tourna la tête et failli glisser sur les pavés de surprise. C'était encore cet homme, habillé dans d'épais et beaux vêtements colorés, signe de richesse non cachée. Ambre resta bouche bée quelques secondes, que faisait il la, si prêt d'elle ? Etait-ce un hasard ? Pourquoi avait-elle l'impression que cet homme la suivait ? Comme attirée indéniablement l'un vers l'autre sans pouvoir l'expliquer. Pourquoi cette impression était elle de plus en plus forte, et pourquoi n'arrivait-elle pas à se retirer cette idée de la tête ?
Un homme, non loin d'Ambre cria un nom en direction de cet inconnu. Un nom. "Hector". Au moins, elle ne le reverrait surement jamais plus, mais elle aurait un prénom à mettre sur cet homme troublant. Son compagnon, à bord de la charrette lui parla de tournois et d'un nom qui lui parla vaguement. Sombrebois, Sombrebois... Mais oui! Il s'agissait d'une ville non loin d'ici qui avait été complètement décimé (comme tout le reste d'ailleurs) par la Fange. On dit qu'il n'y avait qu'un Sombrebois a avoir survécu... Était-ce lui, ce fameux inconnu ?

La jeune femme était tellement prise dans ses pensées qu'elle ne vit même pas la charrette d'Hector partir dans la direction opposée. Elle s'était enfermée comme une huître et son amie semblait avoir remarqué son trouble, marchant en silence à ses côtés. Elles avancèrent encore quelques minutes. La nuit commençait à envahir les rues, les torches s'allumant petit à petit dans les rues, les maisons s'allumant de l'intérieur. La foule avait aussi peu à peu disparue au fur et à mesure que les filles s'éloignaient du marché. Elles accélérèrent le pas, ne voulant définitivement pas rester seule dans les rues le soir.

Au moment d'arriver sur un carrefour, un cri retentit. Prêt, tout prêt. Un cri de femme. Ambre n'eut pas le temps de lâcher sa carriole qu'une silhouette noire encapuchonné sorti d'une rue adjacente et fonça sur elle. Enfin, fonça dans la rue qu'elle obstruait allègrement elle et son chariot. On put apercevoir que la personne dissimulée hésita quelques secondes sur la décision à prendre, entre rebrousser chemin ou passer en travers d'Ambre et de son chariot, finit par pousser violemment la demoiselle contre le mur prêt d'elle pour passer et s'enfuir.
Sous la violence du choc, la petite blonde tomba au sol, fesses par terre. Elle n'avait pas eu mal plus que ça, son dos ayant amorti le gros du choc, bien à plat contre le mur. Dans la pénombre, elle distingua une femme au sol, surement assommée (du moins c'est ce qu'elle espérait), dans la rue ou l'ombre était apparue. Un voleur, voir pire se dit-elle.
Avant de pouvoir réagir plus, une charrette conduite par un cheval arriva à toute vitesse face à l’agression. Cheval qui arriva pile en face du vandale ,surpris. Celui-ci sorti une arme qu'Ambre ne pouvait voir de part sa position à même le sol et de nuit. L'animal, apeuré, rua. La marchandise que le canasson avait en charge, ainsi que les humains tombèrent à la renverse, emporté par le violent mouvement de ce dernier, dans un énorme fracas. Le malfrat c'était enfui.

Ambre cria face à l'action. Tout était arrivé si rapidement ! Son amie était restée figée sous l'action qui avait duré seulement quelques secondes. Sans attendre, notre protagoniste se releva non sans mal et demanda à Gisèle de vérifier l'état de la femme agressée, inconsciente. Sans même prendre le temps de s'épousseter après avoir gentiment embrassé le sol, la jeune femme accourue vers les deux malheureux au sol dont elle ne distinguait que des ombres, dans la nuit. Le premier était assis, conscient. Elle s'approcha précipitamment de ce qui semblait être un homme et se pencha vers lui.

▬ "Ca va ? Vous allez bien ?"». dit-elle d'une petite voix fluette

La blonde faillit s'étouffer avant d'atteindre la fin de sa phrase. En effet, l'homme à terre, à côté d'elle, tout près, n'était autre que cet homme énigmatique qui ne semblait pas vouloir disparaitre de sa journée. Hector.

Une nouvelle discussion s'engageait, avec Florian, à propos des joutes du lendemain et Hector lui disait, en parlant de ses futurs adversaires potentiels qu'il n'en craignait aucun. L'instant suivant, un événement inattendu surpris les deux Sombreboisiens : un cri féminin retentit. Florian vit une femme aux prises avec un brigand, vêtu d'une cape noire. N'écoutant que son courage, il lança la charrette dans cette direction pour aider la pauvre femme... mais, 2 ou 3 secondes plus tard, le brigand se retourna en entendant la cariole arriver derrière lui et sortit de sous sa cape un poignard qui brilla et surprit Moto au point de la faire se braquer et renverser le chariot ! Si Florian tomba seulement sur les fesses, sans trop de dommage, le baron, lui, tomba sur la tête et s'en trouva assommé, allongé par terre, inconscient.


- Vous allez bien ?

Il entendait, au loin, une jolie voix fluette, comme un appel qui ne lui était pas destiné, mais, charmé par ces vibrations soniques, il sourit, peinant à ouvrir ses yeux. Le ciel avait une teinte bleu azurite et au devant de ce dernier, l'ange qu'il avait vu au marché - son ange gardien peut-être ? - offrait à sa vue son visage bienveillant, ses grands yeux aimants et ses lèvres attirantes...

Hector ne dit pas un mot, sans doute ne le pouvait-il ni physiquement ni mentalement, et puis cela lui permettait d'admirer un peu plus longtemps ce visage qui lui plaisait tant.

Florian s'approcha à son tour de son seigneur et rompit la magie de l'instant.
- Hector ?! Ca va ?!

Le baron tendit une main à Florian et l'autre à la jeune femme. Ainsi, il put s'asseoir pour vérifier si, effectivement, il n'était pas trop mal. Sa tête tournait un petit peu mais c'était surtout le contact de la jeune femme qui troublait son esprit.

- Merci, fit-il à ses deux aides.

Il porta ensuite sa main droite derrière sa tête et sentit à la fois une bosse et un liquide chaud qui, en ramenant sa main devant ses yeux, s'avéra être, comme il s'y attendait, du sang.
- Je suis vivant, c'est plutôt une bonne nouvelle ! Commença-t-il, optimiste.

Néanmoins, il allait avoir besoin de quelques soins.

- Il faut redresser la charrette et remettre les caisses sur le plateau, Fit Florian, pragmatique.

Hector lui sourit avant de se tourner vers la jeune femme.
- Excusez-moi pour le tracas que je vous cause, mademoiselle, mais auriez-vous un linge ou quelque chose pour arrêter le saignement ?

Sa voix grave était légèrement troublée par l'émotion. Il se mit néanmoins debout pour retrouver une position plus digne de son rang. De cette hauteur, il constata qu'il faisait au moins une tête de plus que la jeune femme et qu'il devait facilement peser deux fois plus lourd que la jolie brindille. Il se rendit compte également qu'il n'avait mal nulle part et c'était une bonne nouvelle.

Hector S. & Ambre R.

30 Avril 1166

Quelques secondes après avoir demandé des nouvelles à l'inconnu, toujours penché au dessus de lui, il sourit. Un sourire sincère, sans raison apparente. Ambre fut troublé quelques secondes. Qu'avait donc cet homme de si spécial ?Il finit par ouvrir les yeux et resta une longue minute allongé à la regarde silencieusement, surement trop sonné pour réagir. Pourtant, son regard était alerte et semblait perçant, mettant mal à l'aise la jeune femme qui détourna le regard quelques secondes en se passant une mèche de cheveux derrière l'oreille nerveusement.
Alors qu'une certaine gêne silencieuse c'était installé entre eux, l'acolyte du dénommé Hector arriva en trombe pour venir en aide à son ami. Sans vraiment demander l'autorisation, celui-la s'agrippa au bras d'Ambre et du compère afin de se relever tant bien que mal. L'écart de carrure fit faillir faire tomber Ambre en avant mais la jeune femme réussit à se stabiliser et garder son maintient pour l'aider. La contact de la poigne ferme de l'homme sur son bras la fit frissonner, la mettant encore plus mal à l'aise et troublée par cette situation.

Quelques secondes après, Hector amena ses mains à l'arrière de sa tête et Ambre vit du sang sur ses mains, ce qui l'a fit s'affoler. Son ami, lui, ne sembla pas s'en inquiéter, ce qui révolta Ambre. Elle fit une mou énervée, mais avant de pouvoir dire grand chose le blessé lui demanda un linge pour s'essuyer. Sans dire un mot, elle lui sourit tendrement en signe d’acquiescement et sans hésiter arracha un morceau de son tablier en un carré presque parfait (Les avantages du métiers). Elle posa sa main doucement, mais fermement sur le torse du baron et le poussa avec bienveillance de telle sorte que ses jambes se retrouvent contre une caisse et qu'il soit forcé de s"asseoir. Ainsi installé, elle pu mettre le linge sur l'arrière de la tête de l'homme et le plaquer avec force sur sa plaie. Ce n'était pas la femme qui avait agit, mais la maman protectrice qui avait géré les 1001 bobos de son fils pendant plus de 5ans. La maman auquel on ne pouvait pas dire non tellement on sentait la bienfaisance et l'implacabilité dans ses gestes.
A vrai dire, elle n'avait même pas réfléchi à ce qu'elle faisait. Oubliant le rang de son interlocuteur, le fait qu'il faisait facilement une tête de plus qu'elle et que surtout, ils ne se connaissaient absolument pas. Elle rougit légèrement (ce qui chez elle donne un rouge loin d'être discret sur sa peau blanchâtre)et se mordit la lèvre inférieur en réalisant ce qu'elle venait de faire, mais ne se décontenança pas. Ils étaient très proche physiquement et Ambre sentait la chaleur de l'homme à travers le bout de textile qu'elle maintenant dans ses cheveux. Elle sourit timidement à Hector et lui dit d'une voix douce mais ferme;

▬ "Vous êtes blessé Monseigneur, il est hors de question que vous souleviez tout ça dans votre état. Par contre je veux bien que vous teniez le linge à l'arrière de votre tête le temps que je m'en charge.[/i] Elle laissa l'homme resté pantois récupérer le tissu. J'ai beau paraître fragile, j'ai l'habitude de porter des choses lourdes, ne vous inquiétez pas."».

Elle lui fit un clin d’œil et s'éloigna vers le collègue du baron, resté bouche bée devant l'audace de cette pauvresse. Sans un mot, elle entreprit avec son aide à relever la charrette. Elle n'avait pas menti, fille de paysans vivant seule depuis un an, elle possédait une force étonnante pour son gabarit. Ils réussirent non sans mal à la relever et commencèrent à ranger les caisses en silence, sous le regard du blessé.
Au bout de quelques minutes silencieuses, elle vit son amie Gisèle revenir de la rue sombre, soutenant une femme mal en point, mais vivante. Avec toute ses histoires, Ambre avait presque oublié cette femme. Elle posa précipitamment la caisse qu'elle tenait et se précipita vers les deux femmes.

"Elle est blessé et ne se sent pas bien, mais elle ne veut pas qu'on l'emmène dans un temple pour se faire soigner, c'est une réfugié... Dit Gisèle, embêté

▬ " Ce n'est pas grave, emmenons la à la boutique, on la soignera nous même."».

Ambre se tourna pour regarder les deux hommes. le premier, qu'elle avait aidé avait quasiment finit de ranger les caisses en bois, mais le baron semblait encore amorphe. Sa blessure à la tête était elle donc si grave ou se passait il autre chose ? Elle grimaça. La jeune femme n'aimait pas l'idée de le laisser la, sans soins, mais elle ne voulait pas non plus l'emmener dans sa boutique. Elle ne voulait pas qu'un homme de la noblesse voit qu'elle héberge des pauvres, on ne sait jamais, cela pouvait être risqué... Mais elle aurait voulu plus le connaitre, lui parler, découvrir ses goûts. Mais elle n'était pas folle. Ils n'étaient pas de la même classe social. Jamais ils ne se reverraient. Jamais il ne la regarderait de cette manière. Jamais il ne se reverraient... Son cœur ce serra à cette idée. Mais il en était ainsi, elle le savait.
Notre héroïne demanda à son amie de reprendre en main leur charrette, s'occupant de la blessée. Triste, sans savoir pourquoi, elle se présenta une dernière fois sur le duo d'inconnu et leurs fit une révérence simple.

▬ " Veillez nous excusez messire, je dois allez m'occuper de cette jeune femme qui c'est faite violenté. Merci de votre aide, et prenez soin de vous surtout..."».

Avant de se tourner définitivement, elle lança un dernier regard à l'homme qui l'avait tant troublé aujourd'hui. Surement la première fois de sa vie, et peut-être la dernière. Elle capta une dernière fois son regard noir de jais si expressif, rata un battement de cœur, et s'éloigna vers la femme blessé pour partir dans la nuit rejoindre sa maison.

Comme Hector se sentait bien sous les mains de la jeune femme ! Elle le força - avec douceur, rassurez-vous ! - à s'asseoir sur une caisse et posa un morceau de tissus sur l'arrière de sa tête. Il ferma un instant les yeux pour apprécier pleinement la tendresse de ce contact. Lorsqu'il releva ses paupières, il vit avec plaisir la teinte rouge qu'avait pris les joues de sa soignante et il ressentit au plus profond de son être un trouble des plus important. Il eut envie de la serrer, elle - plus que son tissus - contre lui... mais n'en fit rien. Avec tristesse il la laissa l'abandonner pour aider Florian à ramasser les produits tombés et, finalement, aider une femme, visiblement bien plus mal que lui. Avant de le quitter, elle lui souhaita de prendre soin de lui.

- Merci encore mademoiselle... vous avez été la meilleure des soignantes...

La plus douce, la plus charmante, ne partez pas, venez avec moi...

Il aurait voulu lui dire tant d'autres choses, des choses plus personnelles, des choses plus futiles, des choses drôles, des choses vraies, des choses gentilles, mais il ne put conclure sa phrase, lui qui, pourtant, était des plus à l'aise avec le verbe ! Cette petite l'avait réellement troublé. Il la regarda s'éloigner, triste et heureux à la fois, et, quand la belle et frêle silhouette eut totalement disparu de son champ de vision, il se trouva bête de n'avoir rien pu ajouter de plus, de ne lui avoir proposé de la revoir ou demandé son adresse ou son nom ! Par les Trois, comment ferait-il pour la retrouver sans aucune de ces informations ? La retrouverait-il seulement ? Ah si, il avait entendu son prénom. Ambre. C'était un beau prénom, certes, mais ce n'était pas le plus rare des prénoms. Serait-ce suffisant pour la retrouver ?

Florian n'était pas du genre à se vexer pour peu mais, ce soir là, il fut légèrement fâché contre son baron de cousin qu'il estimait l'avait littéralement mis de côté dans toute cette brève mais ravissante histoire. Heureusement, une petite pipe de chanvre séché et tout cela serait oublié. Ainsi allait la vie pour le brave écuyer du baron !