Trois jours étaient passés depuis la nuit qu’il avait passé avec sa fiancée, Roland ne l’avait pas revue, ne l’avait pas contactée. Il était préoccupé, ne cessant de penser à elle et à ce qu’ils avaient fait. La nuit avait été sublime, parfaite en tout point. Elle lui avait avoué qu’elle l’aimait, il en avait fait autant. L’instant avait été tellement agréable, scellant leur amour dans la volupté. Néanmoins, dès le lendemain, lorsqu’elle repartit chez elle, la culpabilité avait commencé à germer dans son esprit. Il ne se sentait plus à l’aise avec la situation, ne se sentant plus maître de lui-même et de son corps. Il lui avait appris le pouvoir qu’elle avait sur lui. Mais celui-ci semblait être encore plus fort qu’il ne l’avait imaginé. Il forçait sa protection, faisant tomber ses barrières. Il avait craqué et se sentait faible, n’ayant même pas la force de prier, se sentant honteux vis à vis des Dieux, il s’était infligé plusieurs coups de martinet, lacérant chaque jour un peu plus sa chair. Mais nulle douleur était comparable à celle de ne pas la voir, ne pas lui parler, ni la toucher. Mais il craignait sa faiblesse. Il restait dans son coin, prenant le temps de la réflexion, accusant cette distance qu’il s’était imposé comme une preuve de repentance. Mais ce n’était pas si évident. Sydonnie hantait ses pensées, il l’aimait déjà si fortement, et ce sentiment lui faisait peur. Était-il prêt à l’assumer. Il ne le savait pas. Il se sentait mal. L’amour faisait souffrir, c’était indéniable.
Toutefois, désireux de faire plaisir à sa belle, il attendit que la sergente se rende à la caserne, pour rendre visite très discrètement à Anne. Prétextant une fausse excuse, il lui demanda de chercher dans les affaires de celle qui l’avait recueillie, la chemise qu’elle lui avait empruntée.
- « Bonjour Anne, comment vas-tu ? Je suis très pressé, je ne peux pas attendre Sydonnie, mais pourrais-tu me rendre un petit service je te prie ? »
« Bonjour Roland, je vais bien, et vous ? Bien sûr ! Mais vous êtes certain de ne pas vouloir revenir ce soir ? Je suis certaine que Sydonnie serait contente de vous voir. »
- « Je ne peux pas. Ne lui dis pas que je suis passé, s’il te plaît fais moi confiance. J’ai besoin que tu ailles trouver un vêtement dans ses affaires. Une chemise blanche, qu’elle m’avait empruntée. Tu pourrais faire cela pour moi ? »
« C’est comme si c’était fait ! »
Anna semblait bien avoir envie d’insister, mais le ton pressant de Roland l’en dissuada. Elle aurait pu lui dire que la sergente n’allait pas très bien ces derniers temps, lui demander comment les choses se passaient entre eux, mais elle n’osa pas. Rien qui mit la puce à l’oreille du comte, rien qui lui faisait comprendre qu’il fallait qu’ils se voient.
Toutefois, même s’il prenait quelques distances, il l’avait toujours en tête en effet. Et ce geste lui était destiné. Lorsque Anne revint avec la chemise, il la remercia amplement et lui fit un petit clin d’œil complice. L’aîné Rivefière avait une idée, un présent destiné à sa fiancé. Se rappelant qu’elle avait choisi de porter sa chemise, la nuit où elle était arrivée chez lui, couverte de sang. Un souvenir commun, qui marquait les prémisses de leur relation si peu commune.
L’héritier se dirigeait vers la Hanse, dans le but d’y trouver une boutique de couture. Il n’y s’y connaissait pas du tout dans ce métier. La seule couture qu’il eu à faire jusqu’à maintenant fut d’ailleurs de recoudre celle qui allait devenir sergente cette nuit là. Fait pas anodin.
Il entra dans une petite boutique, qui ne payait peut être pas de mine vu de l’extérieur, mais qui révélait ses trésors à l’intérieur. Aussitôt entré, une jeune femme vint l’accueillir, se présentant. Il lui sourit avec sympathie, avant de faire de même.
- « Bonjour madame Grisregard, Roland de Rivefière. J’ai une petite demande à vous faire, est-ce que vous êtes disponible ? »
Il attendit sa réponse évidemment, avant d’enchaîner sur sa demande. Le comte lui tendit la chemise, essayant d’expliquer son désir.
- « Je souhaiterai la faire ajuster, afin de lui donner une coupe plus féminine, est-il possible de faire cela ? »
La demande pourrait passer étrange, il ne savait d’ailleurs pas si cela était réalisable. Mais il ne devrait pas tarder à le savoir, si la dénommée Adelaide pouvait le renseigner en ce sens.