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 Lion et Cerf

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Hugues de NoblecoeurBaron
Hugues de Noblecoeur



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MessageSujet: Lion et Cerf   Lion et Cerf EmptyJeu 21 Jan 2016 - 16:10
Le baron reposa le lourd volume sur son bureau. « Chronologie et arbre des grandes familles du Duché de Morguestanc », un ouvrage aussi lourd que fastidieux, écrit par un homme sans doute mort depuis quelques années, déjà, voire même pendant la rédaction du livre, tant celui-ci était ennuyeux. Il regarda par la fenêtre, la journée était belle pour l'hiver, le ciel était bleu pâle et le soleil caressaient les toits des masures de la ville. S'il restait là à étudier le tome mortel, Hugues finirait par perdre l'esprit, aussi se décida-t-il à sortir prendre l'air. La réunion dans le château ducal ne quittait pas son esprit, et il se rappela soudainement de la première qui brisa le silence suivant la tirade du Duc, Dame de Colombel, Haute Prêtresse de Serus, une jeune femme d'un certain courage, une sorte de courage nouvellement acquis.

C'est en repensant à celle-ci que le baron se rendit compte qu'il n'avait pas prié les Dieux depuis son arrivée, ou en tout cas pas solennellement. Non pas qu'il fut un homme d'une grande piété, mais il respectait les puissances dépassants les hommes, ce n'était ni de la peur ni de la superstition, plutôt comme un maigre espoir, une envie d'y croire, un essai qui ne coûtait rien. Il se mit donc en route vers le temple, ou plutôt ses alentours, où Dame de Colombel ouvrait les portes de sa demeure pour qui voulait se recueillir plus tranquillement, et discrètement. Le noble vint sans escorte, après tout, si les Dieux tuaient ceux qui venaient les honorer, à quoi bon ?

La rumeur disait vrai, l'endroit était bel et bien propice au recueillement et à la méditation, il s'en dégageait une atmosphère simple et calme, presque reposante. La nature y était bien présente, quasi sauvage, sous forme de lierres grimpant aux murs ou d'herbes caressant les pavés. L'habitat même de la Haute Prêtresse semblait voué à Serus avec cette statut le représentant, au fond. Le baron aurait voulu déposer une offrande, mais il préférait donner pour ceux qui en avaient vraiment besoin dans l'instant et puis, si le Dieu en était vraiment un alors il devait être sage, et comprendrait sa décision.

Il remarqua un vitrail représentant une nouvelle fois la divinité, au travers duquel il aperçut la prêtresse. Leurs regards se croisèrent, et le noble lui sourit. Il pouvait passer pour un païen, avec ses lions présents partout sur son tabard, sa chevalière ou ses manches, il portait d'ailleurs la même tenue qu'à la réunion, signe que la simplicité faisait partie de sa vie. La dame vint finalement le rejoindre dans la cour, il s'inclina pour l'accueillir.

 « Haute-Prêtresse. J'espère que je ne fais pas tâche, un lion dans la demeure du Cerf peut prêter à sourire. »
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Sélène de ColombelHaute-Prêtresse de Serus
Sélène de Colombel



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MessageSujet: Re: Lion et Cerf   Lion et Cerf EmptyJeu 21 Jan 2016 - 17:18
Pas de présence au temple aujourd'hui, Sélène était restée chez elle. Les événements récents l'avaient vidée de ses forces, semblait-il, et elle préférait rester dans son jardin en compagnie de ses résidents secrets plutôt que d'aller chercher la présence de ses semblables. Elle avait eut sa dose de foule pour un moment.
Elle passa la matinée au lit avec un épais volume d'herboristerie, pour peaufiner ses connaissances et lorsque sa femme de chambre entra pour lui recommander, avec un sourire, de se lever pour aller déjeuner, elle concéda qu'il était un peu tard pour traîner en chemise de nuit. Après un brin de toilette, elle enfila une robe corsetée blanche et bleue pour aller déjeuner en compagnie de sa femme de chambre qui était également sa dame de compagnie depuis quelques années déjà. Cela permettait à la maîtresse des lieux de prendre des nouvelles de ses domestiques, des affaires de la ville concernant les petites gens et de ne pas être seule pour manger.

Ce fut alors qu'elle se rendait à son jardin, en passant devant le grand vitrail qui donnait sur la cour intérieure devant sa maison, qu'elle remarqua la présence d'une personne en contrebas. Les croyants étaient assez nombreux à venir, même s'il n'y avait jamais foule car on respectait toujours le côté privatif de cet endroit de prière. Cette fois il s'agissait d'un homme seul et bien qu'il soit un étage en-dessous, Sélène pouvait sans mal remarquer qu'il était grand et solide.
Comme avertit d'une présence, l'inconnu leva les yeux et alors la jeune femme le reconnu : c'était le seigneur Noblecoeur, dont elle avait plus ou moins fait la connaissance lors de la réunion chez le duc. Ils esquissèrent chacun un sourire en guise de salutations et elle entendit sa voix à travers le fin assemblage de verre qui composait le vitrail.

« Haute-Prêtresse. J'espère que je ne fais pas tâche, un lion dans la demeure du Cerf peut prêter à sourire. »
« Messire Noblecoeur. Vous êtes le bienvenue ici, après tout le lion et le cerf sont tous les deux des animaux couronnés. Permettez-moi de vous rejoindre. »


Elle disparut du cadre de la grande fenêtre en demi-cercle, le temps de traverser le couloir qui menait à la porte de d'entrée ou à la porte de son jardin. C'était ainsi comme un sas avant sa véritable demeure, permettant de relier l'avant et l'arrière de la maison tout en gardant la chaleur dans les pièces à vivre. La jeune femme déverrouilla sa porte et poussa le loquet pour l'ouvrir, apparaissant à nouveau aux yeux de son visiteur surprise, mais sur le perron cette fois.

« C'est une agréable surprise de vous trouver ici. J'aurais pensé qu'un guerrier tel que vous se serait plutôt tourné vers Rikni. »
Dit-elle avec une pointe de malice dans le regard, en descendant les escaliers pour rejoindre le baron.

L'air était vif, mais dans cette cour ils étaient protégés du vent. Sélène frissonna.

« J'espère que je ne vous interromps pas dans vos prières. Je suis curieuse : comment notre Vieux Père pourrait-il vous aider dans votre lutte contre la Fange ? À moins que vous ne soyez venu pour une demande plus personnelle... Généralement, ce sont des couples qui viennent prier ici. Pour des poètes. »


La prêtresse imaginait très bien ce grand gaillard à la crinière solaire marié à un petit bout de femme aussi doux qu'un agneau. Les contraires s'attiraient souvent, elle avait tous les jours l'occasion de le remarquer. Mais si elle le taquinait gentiment sur la raison de sa venue, elle ne doutait pas moins qu'il soit venu pour une toute autre raison que celle de vouloir un héritier.
Noblecoeur faisait partie de ce petit nombre de nobles pour qui Sélène avait d'emblée de la sympathie. Peut-être que c'était son regard bienveillant ou cette barbe incroyable qui lui mangeait le visage et qui le faisait déjà ressembler à un sage. Quoi qu'il en soit, elle avait plus de plaisir à engager la conversation avec lui qu'avec un autre représentant des sang-bleu.
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MessageSujet: Re: Lion et Cerf   Lion et Cerf EmptyMar 26 Jan 2016 - 0:39
La Haute-Prêtresse faisait parti de ces personnes qui semblaient totalement en phase avec leur profession. Quand l'on imagine un boucher, par exemple, l'on se dépeint immédiatement un homme bourru, bedonnant, aux traits porcins et aux cheveux plus gras que la couenne qu'il découpe à longueur de journée. Pour les artistes, l'on imagine aisément de jeunes hommes à la pilosité encore hésitante, à la chevelure hirsute et aux traits féminins. Et bien, quand il s'agissait d'imaginer une jeune prêtresse, qui plus est du Dieu Cerf, on ne pouvait faire mieux que la réalité. Sélène collait parfaitement à son statut, avec sa beauté vierge de toute arrogance ou vulgarité, sa jeunesse jalousée, sa voix calme et douce, sa démarche de biche. Elle pourrait donner l'envie de croire au pire des païens d'un simple regard, et sa présence bienfaisante apaisa immédiatement le baron, qui sourit à nouveau quand elle plaça le lion aux côtés du cerf.

Son visage s'assombrit toutefois quelque peu quand elle évoqua Rikni, qu'il n'appréciait pas vraiment, même s'il la respectait autant que les autres divinités. Elle représentait le malheur, la guerre, les cauchemars, et l'on faisait appel à elle pour sa force, son courage, ce que le lion désapprouvait. Pour lui, les Dieux devaient montrer aux hommes le chemin de la vertu et de la sagesse, les aider à être méritants, humbles, afin de devenir leurs égaux avant la fin des temps, et non pas des figures autoritaires et effrayantes prêtant leur puissance pour qu'ils s’entre-tuent et redeviennent des bêtes.

 « Hélas, la Déesse de la guerre doit certainement avoir son soûl de sang et de massacres, tout comme moi, aussi tenais-je à prier celui qui fait renaître plutôt que celle qui fait combattre. Mais pour être honnête, je tenais surtout à éviter les temples que je trouve souvent bien trop austères, et bien trop fréquentés. J'ai appris que vous accueilliez les croyants chez vous également, une initiative charitable que j'approuve énormément. Beaucoup trop de Hauts-Prêtres oublient la vraie essence de la religion derrière les atouts que leurs confèrent leur rang, à savoir la communion avec le peuple. Vous n'êtes pas tombée dans ce piège malgré votre jeune âge, vous êtes déjà bien plus sage que beaucoup d'entre-nous. »

Il termina à nouveau sur un sourire aussi sincère que ses paroles. Le baron méprisait le mensonge, la flatterie, le menant à détester par la même occasion les intrigues de cour, et même s'il était conscient que la vérité n'était pas toujours bonne à entendre, il préférait de loin le silence à la fourberie. Ce qui lui causa d'ailleurs une vive réaction du Duc lors de son conseil restreint.

Le lion fit retentir son rire dans la cour quand la religieuse lui demanda la raison de sa venue et le contenu de ses prières, faisant par la même allusion à l'aspect fécond du Dieu Cerf.

 « Je ne demande jamais l'aide des Dieux, ils ont leurs plans et nous n'avons pas notre mot à dire. Je prie seulement pour avoir la sagesse nécessaire à sa compréhension, ce qu'ils ne m'ont pas encore accordé, je le crains. »

Il ria à nouveau avant de reprendre

 « Rencontrez-vous encore beaucoup de couples ? Les gens sont incroyables... Ils ont beau avoir le ventre vide et être entourés de démons, leurs couches sont toujours aussi chaudes ! Malheureusement, je ne goûte pas à ce même plaisir, celle que j'ai aimée a été emportée par la Fange, et notre survie m'accable tant de tourments que je n'ai pas pensé aux femmes depuis longtemps. »

Il soupira, et sa silhouette s'assombrit quelques instants, le temps pour une brise légère de lui soulever la barbe, puis, comme à son habitude, il retrouva son aura solaire. Le malheur ne prenait jamais prise très longtemps sur lui, son esprit étant trop optimiste, trop utopiste.

 « Mais c'est quelque chose qui doit vous être totalement inconnu, vous devez avoir de nombreux courtisans, n'est-ce pas ? »
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MessageSujet: Re: Lion et Cerf   Lion et Cerf EmptyJeu 28 Jan 2016 - 1:45
Son "jeune âge". Combien de fois devrait-elle encore entendre ces mots ? Bizarrement, ils venaient toujours de la bouche d'un homme. Quand il s'agissait de trouver une femme, ce n'était pas un problème d'avoir 17 ou 18 ans, mais lorsqu'il s'agissait d'être haute-prêtresse, avoir 20 ans semblait relever du miracle pour occuper cette fonction. Mais Sélène avait l'habitude et pardonnait facilement. Elle n'avait pas besoin de sa reconnaissance des autres pour faire ce qu'elle avait à faire et se savait aussi capable qu'un homme de dix ans son aîné. Si une fille de 16 ans pouvait être mère, une prouesse qu'aucun homme ne pourrait jamais accomplir, il n'y avait pas de raison qu'elle-même parvienne à occuper son poste au sein de l'église. Le compliment lui alla d'ailleurs droit au cœur et elle en remercia silencieusement le jeune baron. Ce n'était pas tous les jours qu'on lui disait qu'elle était avisée.
La jeune femme hocha la tête lorsqu'il fit remarquer que les temps étaient troubles mais que les gens ne se laissaient pas abattre pour autant. À vrai dire, c'était même le contraire ! Le fait qu'il y ait tant de morts donnait au peuple l'envie de vivre pleinement chaque journée et ils étaient nombreux à vouloir se marier rapidement et fonder une famille. Profiter du moindre instant semblait être devenu une devise collective et on ne pouvait pas leur en vouloir. De toutes façons, il faudrait bien repeupler un jour ou l'autre, sinon la Fange aurait l'humanité à l'usure.

« Mais c'est quelque chose qui doit vous être totalement inconnu, vous devez avoir de nombreux courtisans, n'est-ce pas ? »

Cette fois ce fut au tour de Sélène d'éclater d'un rire clair. L'idée lui semblait si incongrue qu'elle ne l'avait elle-même jamais envisagée et de l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre avait un côté ironique très amusant. Après tout, ne dit-on pas qu'il vaut mieux rire que pleurer ? Elle remit derrière son oreilles une de ses boucles brunes qui venait lui barrer le front.

« J'ai été fiancée, dans ce qui me semble être une autre époque. Mes parents avaient choisi mon époux, bien sûr. Mais je ne l'ai jamais rencontré. Le Fléau s'est abattu trop vite sur nous et je crains qu'il n'ai fait disparaître mon fiancé avant même que je sache à quoi il ressemble. La seule note positive dans ce tragique événement est que je n'en éprouve aucun chagrin puisque je ne le connaissais même pas de visage. »


Elle se détourna pour s'approcher de la statue de Serus et balaya de la main quelques feuilles venues se poser sur le rocher où le dieu cerf se tenait. Quelqu'un avait déposé un fruit un peu sec, elle devrait penser à le retirer avant qu'il ne pourrisse. Un sanctuaire avec de la nourriture en décomposition, ce n'était pas très accueillant. Un enfant serait certainement content d'avoir quelque chose à se mettre sous la dent si elle la laissait à disposition.

« Je crois qu'il n'y a personne, parmi la noblesse de Marbrume encore en vie, qui souhaite épouser une vicomtesse dont les terres inaccessibles ont été envahi par les fangeux. Les courtisans ne sont donc pas nombreux. »


La jeune femme posa de nouveau ses prunelles aigue-marine sur le baron, un sourire étirant ses lèvres rosées. Il n'y avait aucune trace de déception ou d'amertume sur son visage.

« Mais la situation de notre monde présente un avantage indéniable qui aurait été hors de ma portée avant : le nombre de partis s'est drastiquement réduit, ce qui laisse deux solutions. Cela laisse deux solutions aux femmes qui, comme moi, sont les seules représentantes de leur lignée. Soit il faut épouser un homme de la noblesse, même petite, et espérer qu'il ne soit pas prit par une autre, soit il faut s'ouvrir à un mariage moins prestigieux et pourquoi pas suivre nos inclinaisons au détriment des profits habituels. L'idée d'un mariage de coeur est plutôt séduisante, ne trouvez-vous pas ? »


La prêtresse s'adossa au mur, juste à côté de la petite fontaine qui dégoulinait contre les pierres pour aller rejoindre la rigole tortueuse qu'on avait sculpté au sol pour reproduire le tracé d'un ruisseau. Distraitement, elle trempa le bout de sa chaussure dans le demi pouce d'eau juste venant elle.

« Une autre serait très certainement choquée par cette idée, je vous demande pardon si elle vous met également mal à l'aise. C'est une lubie que je ne devrais pas avoir, mais assister à aux mariages des petites gens qui sont généralement fait par amour vous rend forcément un peu plus romantique et rêveuse. Mais baste de parler de tout ceci ! Vous n'êtes certainement pas venus pour écouter des complaintes de jeune fille. Puisque vous êtes ici, j'aimerais prendre un peu de votre temps pour m'entretenir personnellement avec vous à propos de ce que vous avez dit lors de la très fameuse réunion chez le duc. Cependant cet endroit est un peu trop exposé aux oreilles indiscrètes... Accepteriez-vous de me suivre dans mon jardin ? Je suis certaine que le lion que vous êtes appréciera le décor. Abstenez-vous simplement de rugir sur mes timides petits protégés. »
dit-elle avec un air mystérieux.

Elle se détacha du mur et fit signe à Noblecoeur de la suivre alors qu'elle empruntait de nouveau l'escalier. Ils entrèrent dans la demeure, bien que le petit couloir n'ai aucune décoration personnelle permettant de l'identifié comme une pièce de la maison. Il était possible de le suivre tout droit jusqu'à un autre escalier qui descendait ou de tourner à droite à mi-chemin, ce qui permettait de passer devant le fameux vitrail et de rejoindre la véritable demeure de Sélène. Mais puisqu'ils allaient au jardin, elle fila droit et descendit les degrés de bois ciré qui ramenaient au rez-de-chaussée de l'autre côté du bâtiment. Une petite pièce qui ressemblait à une ancienne laverie avait été reconvertit en ce qui semblait être une réserve pour du matériel de jardinage, des sacs de grains et des mêmes des ustensiles d’apothicaire.
La demoiselle fit traverser les lieux à son invité et avant de lui ouvrir une nouvelle porte, qui donnait sur l’extérieur. Hugues se retrouva alors en forêt. Ou du moins, dans ce qui ressemblait très fortement à une forêt. Des arbres, de l'herbe, des buissons de baies, un terrain irrégulier... L'endroit semblait tout droit sorti d'un rêve, comme si la petite porte qu'ils avaient franchit les avait propulsé dans une autre région, quelque part sur terre. À bien y regarder, on pouvait cependant remarquer qu'il y avait des passages clairement définis entre les arbustes, qu'il y avait trop de plantes florales différentes sur un petit espace et même quelques herbes aromatiques. Il s'agissait donc bien d'un jardin, mais un jardin sauvage et énorme. Sans les murs des autres habitations, que l'on voyait se perdre sous la végétation à droite et à gauche, on aurait put se croire dans un espace totalement ouvert.

Sélène prit la tête de la promenade, amusée par l'expression du baron. Peu de gens étaient conviés à visiter ses jardins, mais ceux qui y entrait avaient toujours ce même air un peu médusé. Leurs pas les conduisirent sous les arbres aux branches dénudées pour arriver dans une clairière artificielle où un banc permettait de s'asseoir. Un renard se tenait là, sans aucune crainte et lorsqu'il aperçu la jeune femme, il s'approcha avec enthousiasme. Sa maîtresse s'accroupit pour lui offrir les caresses qu'il réclamaient.

« Il y a ici un renard, cinq lapins, quelques poissons et des grenouilles, de nombreux oiseaux et un grand cerf. S'il vous trouve digne de confiance, il se montrera peut-être. »


Comme si tout ceci était parfaitement naturelle, Sélène se redressa et alla s'asseoir sur le banc tandis que son petit compagnon à la fourrure rouge filait entre deux buissons.

« Ici nous pourrons parler sans problème. Je ne pense pas que quelqu'un se serait ingénié à nous espionner, mais je suis prudente par nature. Surtout en ce qui concerne les affaires politiques. Je commencerais avec cette question : étiez-vous tout à fait sérieux en proposant de jouer le rôle d’appât lors du déplacement de la population ? Je sais que ceux qui conduiront le cortège seront en danger, mais cette mission de diversion, c'est tout bonnement du suicide. Je ne conçois pas qu'un baron puisse songer à ce genre de plan. Qu'aviez-vous vraiment en tête en le proposant ? Adoucir l'humeur du duc à votre égard ? »
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MessageSujet: Re: Lion et Cerf   Lion et Cerf EmptyJeu 28 Jan 2016 - 4:19
Le baron fut étonné de voir la Haute-Prêtresse rire aux éclats. Non seulement parce qu'il se pensait le seul en étant encore capable, tant l'humeur de la ville et de ses habitants était morose, mais aussi parce qu'il n'avait jamais rencontré un membre de la caste religieuse aussi vivant, aussi frais, seulement des personnes austères, fières, inaccessibles. Ce fut donc une agréable surprise à laquelle il répondit en souriant, presque niais, tant il était abasourdi par la candeur de la religieuse, si spontanée, si fraîche.  « Les Dieux l'ont béni... » pensa-t-il avant d'écouter son discours concernant son mariage et tout le reste.

 « La femme dont je vous parlais était une roturière, j'étais prêt à abandonner titres et terres pour elle, même si je me trouvais fort loin dans la ligne de succession ! Vous ne me choquerez pas, dame Colombel, j'ai abandonné les codes du vieux monde bien avant l'arrivée de la Fange. »

Il se tut finalement pour la suivre dans les méandres de sa propriété. Quelle chance avait-elle d'être née dans le duché ! Elle vivait ici depuis longtemps et ne devait pas être autant dépaysée par les événements que le baron. Lui se sentait seul dans son manoir impersonnel, froid et vide, qui ne lui rappelait rien de chez lui. Où étaient ses grandes falaises brunes, ses rivières serpentant à leurs pieds, ses oliviers majestueux puisant leurs forces chez elles... Et l'air frais, l'air pur ! Tout n'était que puanteur et pourrissement ici, quelle disgrâce !

Quand ils arrivèrent finalement dans le jardin, ou plutôt le bosquet, le lion n'en croyait pas ses yeux. Une nature sauvage, pure, intacte, vierge, pleine de vie et de vigueur, un havre de repos, un coin de quiétude, l'autel de Serus le plus sincère, le plus véritable. Et celle qui en était à l'origine lui énuméra ses habitants dans le plus grand des calmes comme si ce spectacle était d'une banalité affligeante. Il y avait même un cerf. Un cerf ! En pleine ville ! Quels dons incroyables cachaient encore cette jeune femme ? Le noble la regardait, dubitatif, presque sonné, il était à nouveau témoin de la pureté de la vie, de son innocence, une chose qu'il avait oublié depuis longtemps, comme un guerrier ne sachant reconnaître la paix après avoir passé son existence à guerroyer.

 « Je vous dois des excuses, Haute-Prêtresse, j'ai dit que vous ne me choqueriez pas et pourtant me voilà ébahi comme l'enfant qui voit la mer pour la première fois. »

Ils s'assirent sur le banc et c'est là qu'il comprit pourquoi la jeune femme l'avait emmené ici, pour des questions politiques, et plus précisément sur son intention de jouer l'appât dans la reconquête du plateau de Langret.

 « Pour être honnête, je n'ai que faire de l'humeur du duc. Tous mangent dans sa main parce qu'ils sont des couards, même si nous fonçons dans la gueule du loup. Je me devais de dire ce que je pensais, comme je me dois de faire ce que je pense être nécessaire. Que vaut mon titre de baron aujourd'hui ? Un manoir vide ? Le ressentiment du duc ? Je suis un étranger ici, et je ne suis pas plus baron qu'un autre à présent. La Fange nous a tous mis sur un même pied d'égalité, une chose que les Dieux n'ont pas su faire. Sauf si bien sûr, ce fléau est de leur fait, auquel cas nous devrions prier pour le salut de nos âmes ! »

Il rit à nouveau. Il n'avait pas eu l'intention de blasphémer, mais cette pensée lui creusait la cervelle depuis quelques temps déjà.

 « La seule chose qui me différencie du paysan, maintenant, c'est mon éducation. Je suis encore jeune, mais je suis sur les routes depuis une dizaine d'années déjà, où j'ai guerroyé, mené des troupes, monté des escarmouches et tendus des embuscades. Je suis capable de conduire ces hommes vers la réussite et par la même occasion d'épargner de nombreuses vies dans le convoi. Et il aurait été bien lâche de ma part de formuler une telle idée pour laisser un autre prendre le risque derrière. Dire ce que l'on va faire, faire ce que l'on a dit, c'est un choix. Je suis persuadé de pouvoir réussir, mais si les Dieux en décident autrement, alors je reviendrai vous hanter et cet endroit charmant abritera un nouvel habitant, un lion ! »

Sa longue barbe blonde s'agitait comme une marionnette quand son rire tonitruant perça les buissons. Il ne mourrait pas, du moins l'espérait-il.
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MessageSujet: Re: Lion et Cerf   Lion et Cerf EmptyMar 2 Fév 2016 - 0:48
Malgré l'affaire pourtant sérieuse, grave même, dont ils parlaient, Hugues gardait une énergie impressionnante et éclatait toujours de son rire tonitruant. Rien ne pouvait l'abattre semblait-il et Sélène se dit que si quelqu'un pouvait galvaniser les foules, c'était bien lui. S'il faisait une annonce public pour inciter les gens à partir pour le plateau du Labret, beaucoup se sentiraient pousser des ailes.

« Vous portez terriblement bien votre nom, messire. Prenez garde tout de même à ne pas commettre de folie. Perdre un baron, même venant d'ailleurs et même nouvellement nommé, serait une perte lourde pour Marbrume. Quoi qu'en dise le duc. »


Au terme de cette réunion, Sélène ne savait pas vraiment quoi penser du duc de la ville. Elle n'avait jamais vraiment su d'ailleurs. Tant qu'il respectait les accords avec Cerbois et qu'il ne causait pas de problèmes, elle n'avait pas à se soucier de lui. Mais à présent qu'elle devait travailler de concert avec lui comme héritière de son titre, la question se posait un peu plus. Ses sentiments étaient mitigés et si d'un côté elle le respectait et approuvait certaines de ses démarches, elle ne pouvait pas s'empêcher de garder une certaine méfiance vis à vis de lui. Entre ses coups d'éclat en pleine réunion et ses accusations publiques, il brossait son propre portrait d'une façon étrange.
Elle mit de côté cette question pour le moment et se reconcentra sur le présent.

« Vous semblez proche du peuple, plus que n'importe quel noble dans cette ville. Je ne connais pas bien les domaines hors des frontières de Morguestanc, il y en avait tant... Pourriez-vous me parlez du vôtre ? Quelles denrées y exploitait-on ? Vous avez dit avoir fait la guerre pendant dix ans et je n'ai pas eut vent de conflits dans notre région. Où étiez-vous partis vous battre ? »


La curiosité de Sélène était sincère. D'autres auraient pu demander ses informations par soucis politique ou pour les utiliser à leur avantage, mais la jeune femme était juste curieuse de savoir d'où venait Noblecoeur, qui pour elle était un parfait inconnu. Terresang était connu pour défendre une bonne partie des frontières de la région, à l'époque, Sombrebois était un voisin de Cerbois, Mirail et Brasey se faisaient connaître pour leurs intrigues de cour. Traquemont, anciennement Corbeval, était connue de réputation même avant sa venue. Mais Noblecoeur... Voilà un nom qui ne lui évoquait rien et elle en était désolée car elle découvrait un caractère solaire et rayonnait qui lui plaisait. Si tous les membres de cette lignée se montraient aussi digne de leur nom que le jeune baron, elle aurait plaisir à les rencontrer.
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MessageSujet: Re: Lion et Cerf   Lion et Cerf EmptyMar 16 Fév 2016 - 20:23
Le lion sourit à nouveau quand il entendit les nouvelles paroles de la Haute-Prêtresse, bien que celui-ci fut quelque peu mélancolique car, à l'évocation de son patronyme, il repensa à sa famille maintenant disparue. Même s'il n'était pas le genre d'homme à pleurer sur le passé, il ne pouvait réprimer quelques pointes de tristesse qui venaient parfois lui mordre les entrailles.

 « Le vrai Noblecoeur était mon père, je ne suis que le produit de son éducation. Il était si fier, si fort, si juste. Même à son âge, je suis sûr qu'il aurait pu m'envoyer manger la boue en deux coups d'épées, ah ! Sa robustesse m'étonnera jusqu'au cercueil, et sa compassion bien au-delà. Il y avait toujours la même lueur dans ses yeux, qu'ils les posent sur un paysan ou sur un duc, toujours cet amour paternel, fraternel, comme s'il se souciait des tracas de chacun, tout en restant à l'écart des intrigues politiques, ce que je tiens de lui. Si je peux paraître rustre ou manquer de tact en certaines occasions c'est tout simplement parce que nous n'avons jamais eu d'attirance pour les jeux malhonnêtes de la cour, nous en restions toujours à l'écart, je n'avais donc aucune expérience dans ce domaine, pis encore, je n'aspirais pas à en maîtriser les règles.. Aujourd'hui je crains ne pas avoir le choix, malheureusement. Mais vous ne me verrez jamais à l'une de ces soirées mondaines qui ont lieu à l'Esplanade vous pouvez en être sûre ! »

Il se gratta la barbe. Durant sa jeune vie déjà bien remplie, il avait vu des roturiers plus fins d'esprits que des fils de vicomtes, des conscrits en guenilles plus courageux que des seigneurs en plates et perchés sur des chevaux. C'est bien le problème qu'il reprochait à l'hérédité, à partir de laquelle tout le système actuel tournait, elle place des fourbes au tempérament de rats à la tête de richesses dont ils n'auraient même pas oser rêver s'ils étaient nés dans la rue. Et pour ceux qui n'ont pas cette chance, difficile de s'élever. Pour un lion si féru de justice, c'était irritant.

 « Eh bien, mes terres se situaient à l'extrême sud-ouest, où falaises rocailleuses côtoyaient rivières sereines et oliviers centenaires. Le soleil brillait toujours, et la terre était sèche, difficile à cultiver, nos paysans travaillaient dur, ils en avaient, du mérite. Le vent venait vous caresser le visage comme une mer caresse son nouveau-né. Je ne me sens pas vraiment chez moi ici, au cœur des marécages, mais au moins je suis en vie. »

Il aurait pu raconter encore mille choses sur sa région natale, comme le talent de ses charpentiers à construire des navires robustes, comme le tempérament explosif des femmes y vivant, capables d'être bise le matin et tornade le soir, comme les tapisseries décrivant les exploits épiques des héros de jadis qui recouvraient les murs de la salle commune de son château, comme la forêt s'étendant au nord du domaine, repaire des monstres les plus affreux pour les vils garnements, berceau secret des amants célébrant un amour naissant. La liste était longue, mais il ne souhaitait pas ennuyer la damoiselle. Peut-être lui raconterait-il tout ceci s'ils venaient à se revoir, à devenir amis, mais pour une première discussion, le baron ne voulait pas faire fuir l'adoratrice du Cerf avec ses longues histoires.

 « Je suis parti faire la guerre pour deux raisons, et le goût du sang n'en est pas une. Tout abord, c'était un prétexte pour découvrir le royaume et ceux qui le peuplent. Et puis, pour un dernier né loin dans la succession comme moi, porter les couleurs de ma maison au combat est un grand honneur. J'ai traqué des bandits de la Grand-Route jusqu'aux bois où ils se terraient, détruit la flotte de Brakan le serpent des mers, le chef d'une bande de pirates qui harcelaient les villages côtiers du sud. Mais je n'oublierai jamais mon aventure au grand nord, où les innombrables clans cannibales s'étaient réunis sous une seule bannière et menaçaient de raser chaque village qu'ils trouveraient. Ce froid, cette peur d'être dévoré comme une vulgaire charogne, la neige qui vous fait stagner au même endroit pendant des mois, la nuit qui serre le jour dans ses griffes de ténèbres, autant de tourments qui ont accablé mon âme durant cette histoire. Mais j'y ai également vécu des moments formidables. C'est d'ailleurs pendant ces escarmouches que j'ai rencontré celle qui aurait dû être ma femme. Quand je me perd dans mes songes et que je me revois coincé dans cette grotte avec mes hommes, bloqués par le blizzard et les cannibales, je peux ressentir le froid et la peur écraser mon cœur. Puis je revois son visage, ses yeux, ses lèvres, ses cheveux, et le bloc de glace gelant ma poitrine se transforme en un soleil si brûlant que je me sens capable de soulever un roc ! »

Le lion était ému, et bien qu'aucune larme ne lui ravagea les joues, ses yeux brillaient tout de même d'une lueur mélancolique. Après tout, il n'en avait encore jamais parlé, mais la dame et son bosquet lui donnèrent envie de se confier, un peu trop peut-être, si bien qu'il s'excusa après sa tirade.

 « Daignez accepter mes excuses douce dame, je vous ennui avec mes histoires. Elles sont d'un autre temps, d'un autre monde, et devraient rester là où les rires et la joie existaient encore. En tout cas, je comprend pourquoi vous êtes Haute-Prêtresse, votre aura transformerait un lion en chat. »
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