Un os dans le pâté, [PV Grayle]

Si l’arrivée de la fange eut changé bien des choses, ce n’était pas le cas pour tout. Certaines vieilles habitudes semblent vouloir perdurer, et ce, qu’importe le contexte ou la menace attendant, derrière les murailles, qu’une âme égarée et suicidaire ne décide de s’en éloigner. Pour les avoir longtemps observés en silence, Aeryn Monclar connaissait parfaitement ses frères, quand bien même ils n’évoquaient jamais certains sujets tenant de leur vie privée. Par exemple, elle savait pertinemment que Kaël n’accordait pas de réelle importance à la sexualité. La mercenaire crut d’ailleurs durant des années qu’il était attiré par les hommes, jusqu’à ce qu’elle le surprenne en charmante compagnie, tout à fait féminine. L'aîné était donc le romantique de la fratrie. Le Benjamin, semblait préférer les défis. Les occasions ne manquaient pas pour celui qui aimait séduire filles de taverne ou jolies petites commerçantes… Quant au cadet… Lui, préférait aller au plus simple quitte à voir sa bourse délester de quelques pièces.

À force de le voir observer certaines demoiselles plus que d'autres, Aeryn savait également qu'il avait ses préférences. Il les aimait grandes, blonde et bien en chair. Il avait d'ailleurs trouvé son bonheur au bordel du coin avant de se voir refuser l'entrée sans que sa sœur n'en sache jamais la raison exacte. Il n'allait certainement pas s'en vanter, n'est-ce pas ? Le fait est qu'il devait à présent se rendre un peu plus loin, dans un tout autre lieu d'où il ne revenait jamais pleinement satisfait.

Ainsi, un soir, le mercenaire rentra dans un état pitoyable, un bleu sur la joue et la mine des mauvais jours… L'un de ceux où mieux valait ne pas lui adresser la parole et le laisser vider les pichets de bière sans essayer de les compter. Tous savaient parfaitement d'où il venait, hors missions, il ne changeait jamais ses habitudes. Comme une ritournelle, les agissements d'Ivaad se répétaient continuellement. Aeryn se méfiait donc, le regard de son frère ne lui disait rien qui vaille, aussi se renseigna-t-elle au sujet de la maison de passe dans laquelle il s'était rendu, car il lui parut bien évident que jamais Ivaad Monclar n'en resterait là… Il attendrait le lendemain, ça elle en était sûre puisque la patience n'était pas son fort… Et qui pourrait prédire avec exactitude ce qui se passerait ensuite ? Alors autant se montrer prudente...

Elle le surveilla tout le lendemain, guettant le moindre de ses faits et gestes tout en attendant que le jeune homme ne se décide à agir. Lorsque la mercenaire remarqua que son frère s'apprêtait à rassembler force et courage pour intervenir, la rouquine choisit de le devancer en partant directement pour le bordel… Tout en marchant, elle le maudissait intérieurement pour sa bêtise et son tempérament tout aussi sanguin que celui de leur père et qui lui avait coûté la vie.

Le soleil déclinait derrière les murailles lorsqu'elle arriva enfin, non pas sans se perdre une fois ou deux en chemin, évidemment. Alors, craignant de retrouver son frère devant la porte principale, la mercenaire préféra plutôt contourner la bâtisse jusqu'à la porte située à l'arrière. Là, elle toqua à la porte, aussi fort qu'elle le put afin d'être certaine d'être entendu par quelqu'un, n'importe qui. Et quand enfin la porte s'ouvrir, la rouquine s'engouffra à l'intérieur sans aucune cérémonie.

"Pardon, mais une grosse brute sans cervelle est fermement décidée à venir vous chercher des problème, j'aimerais autant ne pas lui laisser le temps, déclara-t-elle à la personne, probablement surprise de voir une furie débouler de la sorte sans même avoir été invitée. Rien ne la détournerait de son objectif, pas même sa pudeur qui la pousserait généralement à détourner le regard des demoiselles fort peu vêtues présentes çà et là. Au lieu de quoi, elle traversa le bâtiment pour se rendre jusqu'à la porte d'entrée qui s'ouvrit justement sur un Ivaad des plus surpris. Là, profitant de cette seule et unique ouverture, elle se jeta purement et simplement sur lui de manière à le désarçonner suffisamment pour pouvoir l'immobiliser au sol. Là, tandis qu'il se trouvait ventre à terre, la mercenaire s'installa directement sur le dos de son frère avant de se saisir de ses bras pour les ramener jusqu'à elle.

"Bordel, Ryn, mais qu'est-ce que tu fiches ici ?

"Je t'empêche de faire une grosse bêtise, espèce d'idiot. Un seul geste et je t'assigne à résidence pour des mois."

"Pfff, mêle-toi donc de tes affaires, ça ne te concerne pas.

"Beh voyons, tes conneries nous concerne tous et pas seulement nous puisque nous ne sommes plus seuls. Tu y penses à ça, bien sûr que non, tu es bien trop bête pour ça."

"Je t'emmerde, Ryn.

"Justement, si ce n'était pas le cas, je ne serais pas ici," gronda-t-elle avant de porter son attention sur l'assistance."Alors, quelqu'un pourrait m'expliquer ce qu'il s'est passé hier ? Cet abruti ne me dira rien, même si je lui casse les deux bras. Y a t'il des dettes à payer ? Une correction à donner ? Ou dois-je simplement le livrer à quelqu'un ?"

" Tu ne ferais pas ça.

"Je vais me gêner, tiens..."

- Graaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaayyyyyle ?

Le jeune homme soupira intérieurement, fit rouler ses yeux dans les orbites avant de les lever au ciel. Penché au dessus d'une baignoire qu'il frottait avec entrain pour raisons de nettoyage, il répondit d'une voix trahissant un énervement encore sous-jacent.

- Quoooooooooiiiiiiiiiiiiii ?

- Il est revenuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu !

Oh putain. Pas besoin d'en dire plus. Il savait de qui on parlait. Le jeune freluquet d'hier, un mec costaud mais con et agressif. Grayle aurait du s'en douter, les idiots dans ce genre ont toujours besoin de remettre ca pour se sentir exister.

- J'arrriiiiiiiiiive !

Il descendit les escaliers. Le rez-de-chaussée était bruyant, avec un attroupement s'étant formé. Une quinzaine de superbes créatures toutes plus jeunes les unes que les autres regardaient avec curiosité quelque chose se passant dehors. La matrone et son regard d'aigle sévère perça Grayle.

- Règle ca.

Il hocha la tête.

- Laissez les filles, je m'en occupe !

Le mur de donzelle s'écarta alors pour laisser passer Grayle. Vêtu d'un simple pagne, il était aussi peu vêtu qu'elles. Un bel et jeune éphèbe trônant au milieu d'un harem de vestales. Il était athlétique et musclé, une musculature esthétique avant tout, qui n'avait rien de celle du guerrier ou du bûcheron.

Oh, beau duo qu'ils avaient là. Une rousse, aussi hargneuse que jolie, qui plaquait un homme au sol.

*Oh, j'aimerais que ce soit moi*

Il avait toujours eu un petit faible pour les femmes fortes. Bras croisé, il regardait Ivaad d'un oeil plein de nargue, un grand sourire aux lèvres. Le trublion s'agita, reconnaissant le responsable de sa dernière humiliation, et se mit à lâcher une bordée de jurons à faire rougir un marin. Il l'ignora pour se concentrer sur la rousse, probablement sa soeur ? Ou au moins une amie.

- Les corrections, c'est moi qui m'en occupe déclara Grayle, toujours sur le pas de la porte. Ce petit con a cru que sa belle gueule suffirait pour compenser sa petite bourse et sa petite bite. Malheureusement, ca ne marche pas comme ca ici.

- TU M'A ATTAQUE PAR DERRIERE ! JE NIQUE TA MERE !

- T'a vu, c'est un moins bon coup que la tienne, hein ? Les filles ne firent même pas l'effort de masquer leur hilarité. Il désigna Ivaad de l'index.

- Bref, votre ami a agressé une jeune fille qui refusait ses avances et lui a vomi dessus tellement il était bourré. Maintenant on a une traumatisée sur les bras et je me suis tapé un sol à nettoyer.

Toujours assise sur le dos de son idiot de frère, Aeryn attendait patiemment que quelqu'un dans cette assistance féminine ne lui expose les faits. Évidemment, même si pour l'heure elle ne voyait que des femmes face à elle, la mercenaire se doutait bien qu'Ivaad n'était pas venu chercher vengeance parmi elle… D'ailleurs, la raison de l'agitation de son aîné ne tarda pas à apparaître à son tour rendant furieux le mercenaire toujours immobilisé par les bons soins de sa sœur. Et voilà que se mit à pleuvoir un florilège de jurons directement dirigé vers l'inconnu visiblement très assuré quant à ses capacités correctives… Peut-être même trop assuré pour la mercenaire qui ne pu s'empêcher de l'observer de pied en cap, avisant une musculature certes dessinée, mais qui ne démontrait aucune force particulière… Si celle-ci devrait suffire face au commun des mortels, elle ne servirait pas à grand-chose face à un géant en colère. Ivaad n'était que force brute, pour l'arrêter lors de ses colères, les Monclar devaient généralement agir de concert et encore… Seulement dans le but de le surprendre pour mieux le faire tomber dans l'inconscience… Inconscience dont le jeune homme à demi-nu semblait faire preuve en cet instant.

Elle les laissa échanger quelques insultes, les jugeant inutiles… Aeryn attendait seulement les explications qui tardaient visiblement à venir jusqu'à ce que ….

- Bref, votre ami a agressé une jeune fille qui refusait ses avances et lui a vomi dessus tellement il était bourré. Maintenant on a une traumatisée sur les bras et je me suis tapé un sol à nettoyer.

- C'est pas vrai... soupira la mercenaire, morte de honte face à l'incroyable bêtise de son frère. Ivaad, tu es vraiment l'être le plus répugnant que je connaisse...

Elle avait beau avoir été élevé par un homme, grandit parmi eux, évoluer encore au milieu d'autres, Aeryn détestait pourtant ce genre de comportement méprisable. Comme elle le voyait faible et dégoûtant le géant en cet instant...

- Arrête tes conneries, Ryn. C'est elle qui m'a volé ! Je l'ai payé par avance et elle a refusé de me satisfaire !

Pouvait-elle lui faire confiance ? Oui… Mais seulement en quelques occasions, généralement lorsque sa vie était en jeu… Néanmoins pas ici… La mercenaire connaissait trop bien pour savoir que l'alcool lui faisait indéniablement perdre tout bon sens, le peu dont il était encore capable… Sans parler de l'honneur et de la fierté familiale dont il semblait faire fi… Jamais Ivaad n'aurait osé se comporter ainsi du temps de leur père qu'il craignait autant que les autres membres de la fratrie. Seulement, la disparition de Rodrick avait apporté son lot de changement dans le comportement des Monclar ayant survécu à sa folie, celui-ci n'était clairement pas le plus reluisant.

- C'était avant ou après que tu lui vomisses dessus, espèce de porc ?

Jamais Aeryn Monclar n'avait eu honte de toute sa vie, voilà qui constituait une grande première pour elle et, par les Trois, elle détestait ce sentiment… Dégoût. Impuissance. Mépris. Si elle l'avait pu, si elle s'était montrée aussi fourbe que lui, la rouquine lui aurait probablement écrasé la tête au sol afin de lui faire manger la poussière constituant le sol tant elle était furieuse.

- Quelle importance ? Je voulais récupérer mon dû, mais ce pédéraste en jupon m'a jeté dehors ! Et maintenant il ose cracher sur la mémoire de notre mère.

- Je t'ai entendu faire exactement la même chose, crétin. Figure-toi que les insultes que l'on prononce ont étrangement tendance à nous revenir… La prochaine fois, tu la fermeras peut-être, grogna-t-elle avant de prendre un peu plus d'appui sur ses bras juste pour lui arracher un râle de douleur avant de reporter son regard vers l'inconnu. Très bien, comment peut-on régler cette histoire regrettable ?

Grayle, bras croisé, attendait patiemment que le duo finisse de discuter avec plus ou moins de sérénité. Lorsque l'idiot parla de "notre mère", il compris alors qu'ils étaient frères et soeurs. Et ben. En voilà deux qui faisaient la paire ! Le frère excité et la soeur réfléchie. L'un avait les muscles, l'autre avait l'esprit. Quoi qu'elle aussi semblait bien fournie en muscles.

Ce qui n'était pas pour lui déplaire. Il manqua de rire lorsqu'elle prit une position encore plus inconfortable pour l'homme, avant de proposer de régler ca à l'amiable.

- Hum...

Il réfléchit. Il pourrait réclamer de l'argent, ou virer définitivement le frère du bordel. Menacer de le traduire en justice ? Ou lui demander de faire le ménage ? Oui, ce serait une bonne id...

- Sortez avec Grayle !! proposa une des jeunes catins.
- Pardon ?! dit-il d'une voix étranglée.

Elles se mirent toutes à glousser avant de parler à toute vitesse, bruyantes comme un troupeau de dindons.

- Oh oui ! Ca serait bien !
- Il est si beau !
- Si gentil !
- Mesdemoiselles c'est bien gen...
- Il est toujours seul le pauvre !
- Il n'a jamais eu de femme !
- S'il ne travaillait pas ici, je penserais qu'il est vierge
- Hey, je rappelle que...
- Pourtant il baise si bien !
- Si gentiment !
- Les filles c'est gentil mais...
- Vous iriez si bien ensemble !
- Avec vos beaux cheveux !
- Vous seriez un peu son homme, vu que vous êtes plus forte que lui !
- QUOI ?!
- Vous pouvez aussi être cliente, on vous ferait beaucoup de bien !
- Oh oui, venez ! Vous adoreriez !
- A la réflexion, sortez avec moi !
- Est ce que quelqu'un m'écoute ici ?

Elles continuèrent de palabrer, jusqu'à ce qu'un SILENCE autoritaire et d'une voix plus grave que celle d'habitude mielleuse de l'homme, ne retentisse !

- Merci dit-il en revenant à sa voix douce et caressante. Il reporta son attention sur les deux.

- Tout d'abord, mes excuses pour avoir insulté votre mère, et mes condoléances. Ce n'était pas très sensible de ma part, de m'abaisser au niveau de votre frère.
- REPETE UN PEU POUR VOIR ?!
- Chut petit, les adultes discutent.

Rires. Il offrit un gracieux sourire à la rousse.

- Ecoutez, malgré les propositions très tentantes de mes collègues, que vous pouvez toujours relever, voici ce que je propose. C'est ça ou on prévient la milice. Et croyez moi, on a tellement de clients venant de chez eux qu'ils se feront une joie de prendre notre défense. Ou la noblesse. La moitié de nos clients pourraient vous faire disparaître sans que personne ne daigne lever le petit doigt.

Il pointa le jeune homme du doigt.

- Toi, tu va faire des travaux d’intérêt général chez nous. Y a toujours quelque chose à nettoyer, souvent tachées de quelque chose que tu connais bien. Avec un peu de chance un lourdaux se ramènera et t'aura quelqu'un à taper. Et tu aura de belles femmes autour de toi toute la journée. Mais tu touche qu'avec les yeux, compris ? Si t'en frôle une du doigt, je ferais de toi un eunuque. Ou alors Piotr s'en occupera. Et tu pourra pas l'amadouer.

Le dénommé Piotr, l'autre videur du bordel, un colosse dépassant Ivaad d'une bonne tête et tellement large qu'il passait la porte en biais, fit un signe de main et arbora un magnifique sourire édenté.

- Greuh.

- Et pendant que tu me remplacera, bénévolement bien sûr, je m'occupe de distraire ta soeur pendant la journée. En tout bien tout honneur. Et la nuit venue, chacun rentre chez soi, après avoir passé une bonne journée. Alors ? Qu'en dites vous ?

Elle n'avait posé qu'une simple question, afin de régler rapidement cette fâcheuse affaire en espérant que les deux parties y trouvent leur compte. La mercenaire s'était donc attendu à devoir offrir une compensation financière des plus conséquentes avant que son frère ne promette de ne plus jamais mettre un pied dans ce bordel… Voir même dans cette partie de la ville. Elle avait également songé à devoir fournir une aide sur fond de bénévolat pour tenir les brutes à distance des filles… Bien que l'établissement ne semblait pas en avoir besoin… En somme, Aeryn s'attendait à bien des choses, mais certainement pas à ce que semblaient exiger les demoiselles… Il n'y avait rien de logique dans cette demande. Ce n'était pas à la rouquine de payer pour les bêtises de son frère, certainement pas… D'autant plus que chacune d'elle renchérissait sur la demande de la précédente la rendant toujours plus indécente et inadaptée. La mercenaire garda le silence, mais chaque remarque supplémentaire la fit grincer des dents jusqu'à ce que sa mâchoire fut complètement serrée.

- Navrée mesdames, mais je ne suis pas intéressée. De même que je ne vois pas en quoi ceci pourrait réparer les torts de mon frère.

Malgré tout, la rouquine veillait à rester correcte et respectueuse consciente que leurs moeurs ne pouvaient être que différentes des siennes. Leurs vies ne se ressemblaient en aucune manière, de même que leur apparence, Aeryn contrastant grandement au milieu de ses femmes en robes légères prêtes à exhiber la féminité que la mercenaire s'évertuait à cacher.

- Si je suis venue jusqu'ici c'est uniquement pour régler les choses à l'amiable. Épargnez-moi vos menaces et vos propositions indécentes, déclara-t-elle en lançant un regard déterminé à l'assemblée de jeunes femmes aux tenues échancrées avant de le reporter vers le jeune homme. Je vous en serai gré.
-Putain, Ryn. Tu ne vas tout de même pas accepter ?
-Moi non, je n'accepterai rien du tout, contrairement à toi. Être un homme, c'est aussi de savoir assumer ses erreurs et surtout d'être capable de les réparer. Ce ne sont pas quelques tâches ménagères qui vont te tuer, n'est-ce pas ?
-Je ne suis ni une souillon, ni un sac à fout...Aïe ! grogna le géant avant de crier de douleur lorsque sa sœur exerça une nouvelle pression sur son bras.


Aeryn ne le laissa pas finir sa phrase, préférant le couper dans son élan avant qu'il ne devienne vulgaire. Cependant, la rouquine ne put que relever les yeux vers Grayle en entendant la suite de sa proposition… Qu'avait-elle à voir dans cette histoire ? Elle pourrait éventuellement rester afin de s'assurer que son frère reste tranquille, mais de là à voir besoin qu'on lui tienne compagnie…

- Toi… Si tu touches à un seul cheveux de ma sœur, je peux t'assurer qu'avant la fin de l'année, on retrouvera ton cadavre de l'autre côté des murailles.
- Cesse donc avec les menaces, je suis une grande fille, je sais me débrouiller seule. Personne n'essaiera de me toucher, n'est-ce pas ?

La question fut certes posée, mais pourtant celle-ci n'exigeait aucune réponse puisque ce n'était qu'une affirmation déguisée. Il suffisait d'observer son regard avec attention pour le comprendre… Non pas qu'elle craignait quoique ce soit, loin de là, il s'agissait avant tout d'un moyen d'apaiser un frère trop protecteur, bien que brutal. Patiente, Aeryn attendit donc qu'Ivaad arrête de gigoter, signe qu'il était assez calme pour relâcher sa prise et s'éloigner. Le colosse se releva, roulant des bras et des épaules pour apaiser les diverses douleurs provoquées par sa sœur qu'il dévisageait. Comme elle semblait minuscule à côté du jeune géant, pourtant, cela ne la gênait pas le moins du monde. Aeryn connaissait suffisamment son frère pour réussir à le maîtriser, du moins… En général.

- Il a plutôt intérêt, ce nabot.
- Arrête un peu… Il me semble que tu as du travail...
- Pas un mot aux autres...
- Crois-moi, j'ai déjà bien assez honte comme ça. Je ne dirai rien.

Certainement pas… Cette histoire terminée, celle-ci serait aussitôt oubliée… Ivaad n'aura plus qu'à trouver un autre lieu pour soulager ses ardeurs, en espérant tout de même que ce bien désagréable épisode ne lui serve de leçon. S'ébrouant légèrement, probablement pour se donner du courage le mercenaire pénétra à l'intérieur de la bâtisse non pas sans lancer un regard noir au jeune homme en pagne.

- Ne soyez pas non plus injuste avec lui, pas quand il y met de la bonne volonté. Je peux vous affirmer que c'est chose rare avec celui-ci.

- Toi… Si tu touches à un seul cheveux de ma sœur, je peux t'assurer qu'avant la fin de l'année, on retrouvera ton cadavre de l'autre côté des murailles.

Le catin arbora un sourire carnassier en réponse à la menace du grand gaillard.

- Pardon, tu peux répéter ? Je ne t'entend pas de là haut.

Le sourire ne le quitta pas lorsque le jeune homme fut debout sur ses énormes jambes. Il le dominait de la tête et des épaules, mais nulle crainte ne semblait assombrir le beau visage du prostitué, qui gardait une sérénité à toute épreuve. Lorsque la rousse lui demanda d'être clément, il haussa les épaules.

- Je ne suis pas du genre à juger les autres sur leurs erreurs. Il lui lança un regard chaleureux. Attendez moi un peu, que je me rhabille. J'aime être en pagne, mais dehors, ce sera mal vu. Et j'ai quelques instructions à donner au petit.

Un petit clin d'oeil, une tempête d'au-revoirs féminins, et la porte se ferma, laissant le calme envahir la rue en un instant, comme si tout ce qui venait de se passer n'avait été qu'un rêve, aussi insensé que plaisant.

La porte se rouvrit avec fracas quelques minutes plus tard, pour laisser place à un Grayle rayonnant, comme toujours. Ses cheveux avaient été sensiblement recoiffés, et il était cette fois entièrement habillé, et de manière presque conservatrice : D'épaisses bottes en cuir rehaussées de fourrure, une chemise et un pantalon de lin d'un orange vif, recouvert par une veste en cuir épaisse et lourde, où les coutures étaient bien visibles. La veste était sans manches, les bras de Grayle étant recouverts d'une autre chemise de lin, elle aussi orange.

- Mes excuses pour l'attente ! D'ordinaire je suis plutôt rapide. Enfin pas toujours, dépend de quoi on parle !

Il rigola avant de reprendre son sérieux.

- Ma patronne a accepté l'arrangement. Elle a un employé corvéable à merci pendant une journée et qu'elle n'aura pas à payer. Tout le monde y gagne ! Il posa ses mains sur ses hanches -qui étaient relativement prononcées, pour un homme - avant de fixer la rousse.

- Aeryn c'est ca ? Parle moi un peu de toi tiens. J'ai jamais l'occasion de parler avec une femme en dehors du travail. Ca me fera du bien. Il regarda le soleil, haut dans le ciel. Je t'invite à manger. Qu'est ce que tu aime ?

Il avait tort, le jeune homme, de provoquer le mercenaire. Si Ivaad faisait des efforts, ce n'était que par respect pour sa sœur. Il se fichait bien de payer ses dettes, en particulier lorsqu'il pensait avoir raison dans cette histoire. Ce n'était pourtant pas un homme faible que l'on pouvait plier à loisir, au contraire. Ainsi, même dans cette position si déshonorante, le géant des Monclar ne tolérerait pas longtemps le comportement de la catin masculine face à lui et, s'il s'énervait réellement, Aeryn qui perdait elle-même patience, ne pourrait strictement rien faire pour l'arrêter… Et d'ailleurs, au vu du comportement de l'homme en pagne, si désobligeant à l'égard du mercenaire qui fournissait pourtant de réels efforts, elle n'était plus certaine de vouloir brider son aîné.

- Laisse couler, s'il te plait, lui murmura-t-elle en entendant son frère grogner suite à la provocation du prostitué.
-Fais-moi plaisir, petite sœur, chuchota-t-il à son tour. S'il fait mine de poser un seul doigt sur toi, castre-le… Cet homme-là n'a visiblement aucune autre valeur que celle de sa...
- Ne t'en fais pas pour moi. Fais ce que tu as à faire et cesse de terroriser ces pauvres filles. À ce rythme, tu n'auras d'autre choix que celui d'épouser une femme désespérée pour pouvoir te soulager.
- Brouhh, nan… C'pas pour moi ça.
- Alors file, lui lança-t-elle en souriant.
- Prends soin de toi.

Lorsqu'Ivaad la quitta pour entrer dans la bâtisse, celui-ci affichait une mine sévère. D'ailleurs, il ne détournait pas les yeux de la catin, lui lançant quelques avertissements silencieux prouvant ainsi qu'il ne plaisantait pas le moins du monde. Et quand Aeryn demanda à l'homme de ne pas se montrer aussi injuste avec son aîné et que celui-ci répondit qu'il ne jugeait pas les autres sur leurs erreurs, la mercenaire ne put noter qu'une certaine hypocrisie dans ses propos.

- Étrange, à votre comportement, l'on pourrait aisément croire le contraire pourtant, lui répondit-elle en lui lançant un regard froid.

"Quelques conseils à donner au petit…" Décidément, cet homme-là savait se montrer odieux… Et dire qu'elle avait accepté de passer la journée avec lui… Qu'il aille donc se vêtir et qu'il la laisse respirer un peu...

- Faites.

La porte se ferma, laissant le calme et le silence envahir la rue où elle se retrouva seule. Là, seulement, la mercenaire put enfin souffler. Comme elle détestait ce genre d'environnement… Elle reconnaissait la nécessité de ces établissements, certes, elle respectait également ces femmes qui, souvent privées de ressources et de protections, ne pouvaient trouver d'autres moyens de survivre que de vendre leur corps. Néanmoins, ce n'était pas pour autant qu'elle appréciait de se retrouver au milieu de ce foutoir humain empreint de dépravation et de vices en tous genre.

Et puis… Cet homme. Quelle excuse avait-il pour vivre de ses charmes et de ses services douteux. Il était facile pour une femme de se retrouver piégée dans cette situation… Mais pour un homme ? Les possibilités ne manquaient pas pour eux, travail du bois, du fer, de la terre sans parler de la milice qui semblait accepter le tout-venant dans leurs rangs… Non, décidément, Aeryn ne pouvait comprendre son choix à lui, si ce n'est qu'une facilité somme toute dégoûtante. Aussi, quand ce dernier réapparut enfin vêtu de couleur aussi voyante qu'outrageante, la mercenaire ne l'accueilli qu'avec un haussement de sourcils des plus perplexes.

- Tant mieux pour vous, je suppose, répondit-elle à ce qui semblait être une plaisanterie au goût douteux.

"Tout le monde y gagne…" Non, certainement pas. Mais cela, la mercenaire se garda bien de le formuler à voix haute…

- Aeryn, c'est ça... rétorqua-t-elle tout en encaissant un flot de paroles qui lui semblait dépourvu de sens…

Parler d'elle… Pour dire quoi au juste? La mercenaire n'était pas des plus bavardes en particulier face à un inconnu… D'ailleurs.

- Et vous, c'est Grayle, à ce que j'ai cru comprendre ? Je suis désolée, mais je ne suis pas du genre à bavasser, en particulier lorsqu'il s'agit de moi…

Point de bavardage inutile chez les Monclar, on ne les avait pas habitué à ça, en particulier pour la rouquine qui veillait à rester aussi distante que ce que l'on lui avait enseigné.

- Je suis mercenaire, je l'ai toujours été… Je pense que c'est à peu prêt tout ce que je peux vous dire sur moi.

Pas d'ambition, aucun loisir ni d'intérêts particuliers, mais à part tout ce qui touche aux armes et aux entraînements. On l'avait élevé pour se battre, uniquement. Personne ne s'était préoccupé de ses manières, on n'avait pas cherché à développer son sens de la conversation ni même sa curiosité à l'égard des autres… Il en allait de même pour ses goûts…

-Euh… Je n'en sais trop rien. Peu importe, on ne mange que pour survivre, plus particulièrement de nos jours, non ?

La mercenaire se souvenait encore parfaitement du goût infâme du gruau d'avoine souvent rance que l'on leur servait entre deux batailles. Personne ne se souciait de savoir s'il était mangeable ou non, le but de l'alimentation n'était que de remplir leur estomac tout en leur permettant de regagner des forces. Ils ne mangeaient d'ailleurs qu'en fonction de leurs besoins et n'exagéraient jamais sur les quantités… Aussi, il lui était bien impossible de comprendre ce que "aimer manger" pouvait signifier.

- Vous vous souciez réellement de ce qui se trouve dans votre écuelle, vous ? lui demanda-t-elle en haussant un sourcil interrogateur. La nourriture ne sert qu'à combler un besoin vital dans le but de survivre… Quel autre intérêt pouvez-vous y trouver ?

Aux froids yeux de la flamboyante rousse, un regard chaleureux lui répondit.

- Étrange, à votre comportement, l'on pourrait aisément croire le contraire pourtant...

- Oh, ce ne sont que des échanges de plaisanteries. Il n'y a rien de personnel !


Sur les navires qu'il avait fréquenté, insultes et injures et jurons étaient quotidiens. Pour Grayle, ce n'était guère plus que de simples amabilités.

Lorsqu'elle explique que pour elle, la nourriture ne servait qu'à reprendre des forces, Grayle haussa les épaules, avant, d'un geste de la main, de l'encourager à le suivre. Il semblait avoir sa petite idée d'où emmener la jeune femme.

- Si la Trinité nous a donné la possibilité de ressentir le goût des choses, c'est bien pour une raison non ? dit-il d'un air joyeux. Les villes, les royaumes ont leurs recettes, leurs ingrédients favoris... un bon repas vaut tous les repos ! Encore plus s'il est partagé.

Devant le... scepticisme de son interlocutrice, il se mit à réfléchir.

- Attend, Aeryn, comment expliquer... j'ai été marin. Pirate même ! Sur les navires, si tu ne veux pas attraper certaines maladies, tu dois faire attention à ce que tu manges, surtout pour les longs voyages. Et, comme tu peux l'imaginer, en mer... et bien, niveau variété de nourriture... c'est du poisson, accompagné de poisson et saupoudré de poisson. Pour ne pas devenir fou, varier un peu les plaisirs, méthodes de cuisson et autres... c'est utile. Indispensable même !

Ils continuaient de marcher dans les rues, se dirigeant vers les murs extérieurs de la ville.

- Je suis resté quelques années sur mer, et j'ai visité pas mal d'endroits. Et les gens ne cuisinent pas de la même manière en fonction de leur origine. Alors, oui, tu a raison, concrètement, on pourrait passer notre vie à manger la même chose, et se contenter de nourriture juste pour nous sustenter... mais pourquoi se priver d'un des rares plaisirs de la vie ?

Il lui fit un clin d'oeil.

- Après tout, au rythme où les choses avancent, dans quelques années, toute cette ville... il désigna les alentours du bras tous ces gens, toi et moi... nous serons morts ou fangeux. Alors autant profiter du peu de temps qu'il nous reste, non ? En tout cas, c'est ce que je pense.

Il s'arrêta, mains sur les hanches.

- Du coup, Aeryn, qu'est ce qui te ferait plaisir ? Ou qu'est ce que tu aimerais découvrir, culinairement ? J'y pense, si tu a été mercenaire, tu a du rouler un peu ta bosse non ? Tu es allée où ?

Il se remit à la caresser du regard, avant de penser à son frère, lui aussi bien bâti. Si elle avait toujours été mercenaire... hum, peut-être était-ce de famille ? A moins qu'elle ait été capturée et n'ai jamais eu le choix ? C'était peut-être un sujet sensible.

- Supposons que, je ne sais pas, par une quelconque intervention divine, tu n'ait plus le droit d'être mercenaire, ou milicienne. Qu'est ce que tu aimerais faire comme activité ?

- Si la Trinité nous a donné la possibilité de ressentir le goût des choses, c'est bien pour une raison non ? affirma-t-il en riant face à la jeune femme toujours plus septique. Les villes, les royaumes ont leurs recettes, leurs ingrédients favoris... un bon repas vaut tous les repos ! Encore plus s'il est partagé.

Même s’il lui parut de plus en plus évident que les deux étaient bien trop différents pour s’entendre, la mercenaire prit grand soin d’écouter les propos du jeune homme sans l’interrompre. En réalité, la belle ne trouvait d’ailleurs rien à répondre à ses paroles probablement parfaitement logiques pour son interlocuteur, quand bien même n’y trouvait-elle aucun sens. Les Trois avaient probablement leurs raisons, pour cela, elle ne le contredirait pas, néanmoins, il serait simplement bien plus juste d’affirmer qu’Aeryn ne se considérait nullement concernée par toutes ses affirmations.

- Après tout, au rythme où les choses avancent, dans quelques années, toute cette ville... tous ces gens, toi et moi... nous serons morts ou fangeux. Alors autant profiter du peu de temps qu'il nous reste, non ? En tout cas, c'est ce que je pense.

“Profiter”... Voilà une notion qui resterait probablement insaisissable pour la mercenaire. Non, décidément, elle ne comprenait pas ce genre de besoin qu’elle jugeait comme “déraisonnables”, plus particulièrement par les temps qui courent. Pour la jeune femme, la vie telle qu’elle était à présent tenait de la survie pure et dure… Seul les êtres oisifs tels que les nobles perchés bien à l’abri au sein de l’esplanade pouvaient s’offrir un tel luxe… Cet homme-là, était d’ailleurs l’outil de ce genre de désir ou besoin incroyablement déplacés.

- Ainsi va la vie ? ponctua-t-elle en relevant les yeux. Nous n’avons strictement aucun pouvoir sur les décisions des Trois, nous ne pouvons que subir, nous adapter ou bien mourir… La nourriture est à présent plus précieuse que l’or, pourquoi la gaspiller bêtement en s’empiffrant plus que nécessaire ?

- Du coup, Aeryn, qu'est ce qui te ferait plaisir ? Ou qu'est-ce que tu aimerais découvrir, culinairement ? J'y pense, si tu as été mercenaire, tu as dû rouler un peu ta bosse non ? Tu es allée où ?


Ce qui lui ferait vraiment plaisir en cet instant, serait de regagner le quartier général afin de s'entraîner. L’exercice lui parut bien plus constructif et bien moins malaisant que de poursuivre une telle conversation la plaçant indéniablement devant leurs différences. Ses pensées allèrent vers son frère probablement occupé à récurer les latrines du bordel, nul doute qu’elle lui ferait subir bien pire une fois de retour à l’auberge simplement pour lui faire payer le fait de l’avoir mise en pareille situation…

- Je peux comprendre votre point de vue, en forçant un peu. J’ai évidemment goûté de nombreux mets, certains meilleurs que d’autres, néanmoins, je ne trouve aucun plaisir particulier dans leur goût ou dans le simple fait de manger. Cela n’a aucune espèce d’importance pour moi. Manger, nous permets de survivre, c’est tout. Je ne suis juste… pas comme vous lui répondit-elle d’un ton toujours aussi détaché avant de poursuivre.Nous ne sommes jamais allé plus loin que les frontières du royaume que nous avons parcourus de long en large, et même en travers.

Qu’avait-il à l’observer de la sorte ? Mieux ne valait-il pas regarder la route plutôt que de la fixer ainsi ? Aeryn n’aimait pas être le centre d’attention, au contraire. Son père avait tout fait pour la rendre invisible, jadis, c’était donc une habitude à laquelle elle tenait grandement, même si sa tenue et sa chevelure attiraient forcément plus les regards que sa vieille armure intégrale. Aussi, ne put-elle pas retenir un regard noir pour ainsi l’inciter à regarder ailleurs.

- Supposons que, je ne sais pas, par une quelconque intervention divine, tu n'ait plus le droit d'être mercenaire, ou milicienne. Qu'est-ce que tu aimerais faire comme activité ?
- Hein ?

La question la laissa un long moment sans voix, tant elle lui parut surprenante et déplacée. Les réflexions de la mercenaire se portaient sur l’utilité d’une telle interrogation à laquelle ses frères auraient pourtant répondu avec aisance. Elle se souvint que Kaël rêvait de devenir bûcheron pour vivre au grand air sans ne plus avoir besoin de se battre. Elwin aurait voulu devenir ménestrel, même s’il ne savait jouer d’aucun instrument… Ivaad, lui rêvait d’avoir son propre château et surtout les moyens de l'entretenir tout en continuant à guerroyer de tant à autre... Néanmoins, Aeryn, quant à elle ne s’était jamais réellement interrogée sur le sujet. Elle n’était mercenaire que par la volonté de son père et le resterait probablement jusqu’à la fin de sa vie, si les Trois le veulent.

- Je n’en sais rien, honnêtement, déclara-t-elle en haussant les épaules. Je ne me suis jamais posée la question. Je suppose que je continuerai au moins à servir dans l’auberge qui m’emploie.

Toutefois, il ne s’agissait-là que d’un moyen de subvenir à ses besoins, pas d’une réelle envie et encore moins d’un rêve… Elle n’en avait aucun, d’ailleurs, ni même aucune ambition. La mercenaire se contentait de faire acte de présence dans sa vie et cela lui convenait parfaitement.

- Navrée, mais je vous ai prévenu, je n’ai pas pour habitude de parler de moi… Et il n’y a d’ailleurs rien à en dire… Mais, et vous alors, vous dites avoir été pirate, jadis, alors pourquoi choisir de vendre votre corps de la sorte plutôt que de prêter main forte aux gens d’armes ? Est-ce là un autre moyen de profiter du reste de votre existence ou n’êtes-vous plus apte à vous battre ?

La question avait été prononcée avec le même ton piquant qu’à son habitude, bien que ce n’était nullement l’intention de la jeune femme qui se montrait pourtant réellement curieuse. Il suffisait de lire à travers son regard pour comprendre son envie de saisir la personnalité de l’homme face à elle. Elle pouvait concevoir qu’une femme se voit contrainte de vendre son corps pour survivre tout en profitant de la sécurité offerte par ces maisons de plaisir, mais ce n’était pas une chose que la mercenaire pouvait envisager pour un homme, en particulier lorsque celui-ci paraissait être en bonne santé…

- Ne voudriez-vous pas faire autre chose du reste de votre vie ?