[MJitage] Patte de velours [Lyanna]

Mars 1166 ~ Port de Marbrume

Pierre avait la fâcheuse habitude de postillonner abondamment lorsqu’il discutait à haute voix avec un interlocuteur quelconque, ses lèvres légèrement grises écumant souvent d’une salive dont la forte odeur avait de quoi faire plisser bien des nez aux narines sensibles. Le percepteur Hadrien sentait sa patience lentement s’effriter comme un mur de sable assailli par des vagues venant lécher ses flancs tandis qu’il tentait de garder une distance respectable avec le bavard marchand sans pour autant le blesser. Un filet de bave vint tâcher le lourd pourpoint du marchand de sel et son interlocuteur eut du mal à ne pas recracher sa coupe de vin épicé tant son dégoût commençait à se faire violent. Il laissa ses petits yeux aux pupilles noires comme du jais se porter vers son assistant, un jeune page occupé à griffonner sur un parchemin les ressources qui feront l’objet du calcul strict et complexe des taxes imposées par le Duc aux classes aisées. À voir la liste, Hadrien se désespéra en constatant qu’il allait devoir supporter encore un peu plus longtemps les tergiversations de son hôte.

« … ce bon vicomte de Blanchevalée a sans doute la plus belle tapisserie de chasse que mes yeux aient eu à voir, par les Trois ! On se croirait presque à la place de ces gaillards, de fiers chevaliers à dos de fougueux destriers, la lance entre les mains, pourchassant les sangliers sauvages en compagnie d’une bonne meute de chiens. Le vicomte m’a raconté l’origine de la tapisserie tandis que nous soupions, oh et ce souper, par tous les Dieux ! Aviez-vous déjà goûté à leur fabuleux festin de cygnes ? Serus, doux Serus, voir ces magnifiques oiseaux sur des plateaux scintillants … »

La discussion à sens unique se poursuivait dans les entrepôts tandis que, plus loin, la grande demeure du gentilhomme était livrée à la merci d’individus malintentionnés. La maison était de bois mais disposée sur un support de pierre solide et soutenue par des poutres en bois de chêne de très bonne qualité, contrastant avec les chaumières des quartiers pauvres où les réfugiés survivaient comme ils pouvaient. Deux étages, un magasin et les quartiers même de Pierre. La demeure était proche des entrepôts du port de Marbrume ce qui permettait au marchand de toujours garder un œil vigilent sur son précieux commerce et sa main d’œuvre tout aussi précieuse. Un petit mur de pierres formait la seule barrière qui séparait la maison du reste de la cité. Quelques fleurs derrière ce monticule de pierre formait un simulacre de jardin fleuri dont le parfum n’était pas assez puissant pour affronter les forts relents salés de la mer et encore moins l’odeur putride du poisson à vous en faire tordre les boyaux. Si l’odeur était une nuisance, il fallait aussi penser aux cris constants des vendeurs du marché qui rivalisaient de leurs voix de stentors pour attirer les clients en quête d’un repas frais. Une cacophonie à vous en donner la migraine.

Tobias avisait la demeure du marchand en plongeant avec gourmandise ses dents dans une pomme qu’il avait récemment chipé en passant par le marché local, à l’insu du vendeur pourtant aux aguets. Le jeune homme était paresseusement assis sur la branche d’un arbre à proximité, une jambe repliée sur son torse et l’autre se balançant lentement d’avant en arrière. Un bonnet de feutre porté avec négligence sur ses cheveux châtains cachait la moitié de son visage qu’on jugeait espiègle et malicieux. Outre ses vêtements de lin aux couleurs vertes et ses bottes de cuir, une petite dague ornait sa ceinture de simple facture. Cet étrange personnage était très bien dissimulé entre les feuillages du vieil orme vu que les passants occupés aux diverses tâches ne semblaient nullement l’apercevoir sur son perchoir. Croquant son fruit avec nonchalance, on pourrait croire qu’il s’agissait d’un paresseux ouvrier se cachant à l’abris du regard d’un contremaître pour fuir le labeur du jour, mais ses yeux vifs et pétillants semblaient chercher quelque chose du regard. Quelqu’un, pour être exact.

Tobias avait suivi le plus discrètement possible cette fameuse voleuse dont on lui avait parlé, comment pouvait-il la perdre de vue avec sa chevelure plus flamboyante que le soleil même ? Comme il s’y était attendu, la petite renarde était en chasse pour commettre un nouveau larcin et cette fois-ci il comptait bien l’aborder. Il l’avait déjà vue à l’œuvre par le passé, elle ferait un élément prometteur au sein de leur petite communauté … tout comme un rival nuisible. Dans tous les cas, il fallait que cette concurrence cesse d’une manière ou d’une autre et c’est pourquoi la guilde des voleurs avait chargé celui qu’on surnommait « trois-mains » de faire en sorte que la dénommée Rubis ne constitue plus un problème pour leur fraternité criminelle.

Aujourd’hui était le grand jour et il avait tout prévu. Il devina que la rousse avait jeté son dévolu sur la demeure d’un riche marchand, sans doute escomptait-elle piller les précieux biens que devait cacher le gentilhomme dans un quelconque coffre, cassette ou grenier. Le manque de gardes aux alentours rendait la tâche aisée dès qu’on parvenait à passer le mur sensé dissuader la majorité des délinquants de basse catégorie, mais des surprises pouvaient toujours se cacher dans l’ombre. Quoi qu’il en soit, Tobias était prêt à siffler pour attirer l’attention de la voleuse dès qu’elle quittera la maison. Le reste ne dépendra que d’elle.

La rumeur courant dans le port allait toujours bon train, ravissant chacun dans ses affaires, quelle qu'en fut la nature. Le bruit des vagues se brisants sur le mur de pierre de la jetée, léchant les quelques rares embarquations encore en état, l'écho des pas sur le pavé et des cris des marchands, le murmure tonitruant et innaudible des passants qui se donnaient le bonjour et discutaient de tout et de rien, frivolement, en profitant de la belle journée qui s'annonçait à peine. Le tout s'additionnait pour créer une véritable cacophonie de sons diffus et variés, qui s'élevait sur les lieux animés du quartier portuaire où s'alliaient marchés, tavernes et promeneurs.
Lyanna avait toujours adoré cette partie de la ville, où elle avait d'ailleurs élue domicile il y avait de cela plusieurs années. Elle se servait de la taverne des Eaux Troubles comme repère, l'établissement se trouvant non loin du grenier où elle résidait clandestinement. Le patron, André, et elle avait un marché : une part des gains contre son silence et il fermait les yeux sur ses activités douteuses. Elle n'était pas la seule à utiliser l'une de ses tables comme bureau d'affaire. Mais la réputation de son identité secrète avait récemment prit des proportions telles qu'il était préférable de garder quelques pièces en réserve pour acheter la confiance de son partenaire.
La jeune femme se souvenait très bien de ses débuts : gamine des rues, dérobant à la sauvette quelques bourses et butins pour le compte d'un autre. Elle s'était libérée de l'emprise de son bourreau, prêt de six ans plus tôt. Elle était alors devenu Rubis, une voleuse anonyme et sans visage. Si son nom n'avait connu qu'un modeste succès, gagnant avec peine quelques petits contrats de vols et quelques autres d'espionnages, ces derniers mois les choses avaient prit une toute nouvelle tournure pour l'infortunée scélérat. Après quelques casses d'une particulière complexité ayant fait grand bruit dans la cité, et la rumeur que la voleuse offrait ses services à quelques personnes haut placées de la ville, Rubis était devenue une cible toute choisi par les miliciens, mercenaires et chasseurs de tête. Sa renommée l'avait quelque peu dépassée, mais elle s'enorgeuillissait volontier de cette réputation de voleuse de génie dont nul ne connaissait le véritable nom ni le véritable faciès. Quelques indices ci et là avaient cependant philtrés... Sa longue chevelure rousse et sauvage dansant au vent... Ses yeux affutés d'un bleu azur sous le couvert de son capuchon... Rien ne permettant pourtant son arrestation et ne faisant que grossir un peu plus l'espèce de légende entourrant la dîte Rubis.
Pourtant, bien occupée à d'autres affaires, Lyanna avait du mettre un peu en suspend sa
qualité de voleuse pour se concentrer sur son nouveau double emploi. Domestique amicale et aux petits soins pour la Baronne de Nerra ; espionne infiltrée et sévissant dans l'ombre pour le Comte de Rougelac. La tâche était ardue, longue, pénible, érintante... D'autant plus qu'elle se trouvait contre son gré dans cette situation. Mais elle s'en tirait plutôt bien, une fois les comptes faits...
Mais il est une chose propre à tout les voleurs, de Marbrume comme d'ailleurs : ils ne possèdent jamais - Ô grand jamais ! - assez d'or...

C'est pourquoi Lyanna trépignait d'impatience en ce jour. Il y avait plusieurs semaines de cela, les ragots du port lui avaient apporté une information des plus alléchantes : il se disait que le marchand de sel, Pierre Quelque-Chose, possédait une petite fortune qu'il gardait chez lui, en sécurité dans un coffre ou une cassette. C'était le richissime homme qui, en personne, bavard comme le décrivait sa réputation, en avait discuté avec quelques personnes, et celles-ci s'en étaient allé à leur commérage, sans prêter attention aux oreilles indiscrètes et exercées de la voleuse qui en avait prit bonnes notes, flairant la belle obène.
La rousse avait prit le temps d'organiser son coup, de toute manière retenue par ses nouvelles obligations au grand jour. Elle avait économisé les paies versées par la Comtesse de Rougelac, ainsi que celles offertes plus officieusement par son "tendre" mari pour l'espionner. Ceci fait, elle s'était finalement offert une tenue digne de ce nom pour ses activités de l'ombre : un pantalon de cuir sombre et un gilet du même ouvrage. Elle avait également observé les habitudes et aller-venu de sa future victime, tâchant d'imaginer le meilleur moment opportun pour pouvoir se glisser dans sa chaumière sans être vu ni faire de mauvaises rencontres. Elle avait observer les allentours de la maisonnée, cherchant à déterminer la manière dont elle devrait s'y prendre pour y pénétrer, voulant deviner la disposition des pièces, l'endroit où le trésor devait être caché... Puis elle avait patienté, beaucoup patienté... Jusqu'à obtenir un jour de congé où le marchand lui semblerait suffisement occupé pour qu'elle puisse s'offrir le luxe de s'essayer à cette nouvelle intrusion, à cette mission en solo qu'elle faisait plus par vanité et avarice que par réelle nécessité, et certainement pas sous contrat.
Et ce jour était arrivé.

Lyanna avait revêtue sa toute nouvelle tenue de cuir, qui collait son corps mince et ses courbes généreuses, parfaitement ajustée à sa taille. Dans sa botte droite se trouvait son petit poignard qui avait fait toute sa renommée : une lame courte et fine, dont la garde était serti d'un rubis à la couleur rouge et foncée, semblable à celle du sang. Elle passerait sans doute pour une mercenaire, mais ne voulant rien laisser au hasars, elle s'était dissimulée sous une longue cape de voyage, capuchon relevé sur sa tête, et avait couvert son visage de moitié avec un châle lui aussi sombre, qui ne laissait paraître plus que ses yeux de biche à la teinte bleutée. Ses cheveux avaient tant bien que mal été ramassés sous ses vêtements, même si quelques mêches rebelles aux reflets carmins s'en échappaient malgré tout.
Jouant toujours la sécurité et la discrétion, elle s'était faufilée par les toits jusqu'au lieu de son futur crime, n'abandonnant son perchoir qu'au dernier moment, lorsqu'elle n'eut plus d'autre choix, toujours avec prudence et patience. Elle dominait son excitation avec brio jusque là, avançant méticuleusement dans son approche, réfléchissant à chacun de ses pas et de ses avancés pour être bien sûr de ne commettre aucune erreur. D'ordinaire, elle préférait sévir de nuit. Mais dans le cas présent, la fenêtre d'ouverture était mince, et seule cette matinée lui permettait enfin de passer à l'action.
Guettant aux portes de l'habitation les allentours, la voleuse finit pas se décider à passer le mur de la propriété. Elle grimpa en essayant de faire le moins de bruit possible, tout en se hâtant pour ne pas être vu, puis, accroupie, se faufila à travers les jardins fleuris. Les odeurs florales emplissaient son nez, agressant son odorat, si bien qu'elle dû se faire violence pour ne pas éternuer. Progessant lentement, tâchant de se faire furtive, elle gagna pourtant la porte d'entrée qu'elle observa un instant pour en déterminée la résistance.
Un nouveau regard en arrière. La voie était elle libre? Il semblait... Ou du moins, personne ne paraissait lui avoir prêté attention pour l'heure.
Avec empressement, Lyanna tira de sa botte son poignard et, avec l'habilité qui lui était coutumière et l'adresse qu'elle avait acquérie au fil des années, enfonça sa lame dans le mécanisme de la serrure, tentant de le faire pivoter et ainsi crocheter la porte qui la séparait de l'intérieur.
Si cela s'avérait un échec, elle ferait le tour de la propriété, à la quête d'une autre porte – ou peut être d'une fenêtre laissée ouverte? - où elle aurait pu retenter sa chance...

Tout occupée qu'elle était à son affaire, la demoiselle ne sembla pas se rendre compte que, d'un peu plus loin, perché sur un arbre, quelqu'un l'observait à l'oeuvre...

Les yeux de Tobias pétillèrent de malice tandis qu’il s’adossait sur son perchoir pour mieux contempler la rouquine à l’œuvre, un sourire mesquin étirant son visage angulaire. La rivale de larcin s’avérait agile vu la façon dont elle grimpa le mur encerclant la demeure sans laisser de trace ni attirer le regard d’un quelconque passant. Elle avait la souplesse nécessaire à un cambrioleur de bonne expérience mais le voyeur n’était pas encore satisfait. Elle devait déjà pénétrer la demeure du marchand et on savait que ce genre de bonhomme, s’il se montrait radin en terme de gardes et sentinelles n’hésitaient pas à renforcer portes et fenêtres, les barricadant pour qu’elles résistent à des coups de hache ou autre objet contondant. Cependant un voleur digne de ce nom savait déjouer les mécanismes les plus complexes en faisant preuve d’un astucieux mélange d’intelligence et de dextérité. La jeune Lyanna semblait avoir déjà repéré sa cible qu’elle commençait à en crocheter la serrure épaisse. Tobias fut surpris de la voir utiliser son poignard plutôt que de petites aiguilles en sachant bien que les dagues pouvaient s’émousser dans cet exercice, mais peut-être que la dénommée Rubis allait le surprendre encore plus ?

Spoiler:

La pointe de l’arme blanche se mesurait au mécanisme de la lourde serrure dans un cliquetis ténu, métal contre métal, la volonté de Lyanna contre un simple outil. Qui aurait crut alors que ce simple objet allait triompher ? Sans doute pas Tobias qui faillit avaler de travers une bouchée de son juteux fruit lorsqu’il vit le poignard de la voleuse glisser brusquement de sa main pour en mordre la chair avant de tomber sur le sol dallé dans un tintement de métal dramatique. La main droite de Lyanna commença alors à saigner légèrement, de fines perles écarlates venant suinter à travers ses doigts serrés. La blessure n’était pas profonde mais allait sévèrement handicaper la malchanceuse rouquine tout au long de son larcin, si bien entendu elle ne rebroussait pas chemin pour lécher ses plaies et ruminer son infortune.

Tobias passa sa main sur son visage pour supprimer son hilarité incrédule. Était-elle réellement la fameuse Rubis dont on lui avait loué ses prouesses criminelles ? Cet échec face à une simple serrure de facture ordinaire réduisait drastiquement la gloire du portrait qu’il se faisait de la jeune femme. Elle, rivaliser avec la guilde ? Sottises. Mais il ne devait pas s’empresser dans son jugement, peut-être s’agissait-il d’un vilain caprice du destin ? Dans ce cas les choses allaient devenir plus difficiles pour l’intéressée maintenant qu’elle avait une vilaine éraflure sur sa main. Allait-elle réussir à se ressaisir et trouver une seconde solution ? Un bon voleur s’armait toujours de plusieurs plans minutieusement préparés et élaborés pour arriver à ses fins.

Spoiler:

En scrutant les alentours, l’œil avisé de la cambrioleuse repéra un détail particulier sur l’un des murs de pierre soutenant l’édifice de bois : sur un des flancs rocheux la pierre s’était légèrement effritée sans avoir été entretenue. Un maçon expérimenté aurait vite repéré cette faille problématique en un coup d’œil mais le propriétaire des lieux n’avait peut-être pas l’œil expert d’un maître de la pierre. Quoi qu’il en soit, la pierre rongée de ce côté du mur offrait des prises naturelles faciles pour celui ou celle qui désirerait grimper vers l’intimité de la maison du marchand. Même un bambin pouvait profiter de ces trous à peine visibles mais assez profonds pour laisser les doigts de toute une main s’y faufiler.

Ainsi Lyanna allait parvenir à pénétrer le premier étage à travers une des fenêtres dont les volets n’étaient pas verrouillés. L’étage ressemblait plus à un réservoir pour le bourgeois à en juger par le nombre considérable de sacs de toile, coffrets, tonneaux et autres urnes dispersées à travers la superficie du carré de maison. Un escalier en bois vermoulu menait au second étage, les quartiers du marchand. La porte n’était pas massive et aucun cadenas n’en verrouillait l’accès, seule la serrure narguait insolemment la malicieuse voleuse, lui rappelant son douloureux échec. Allait-elle tenter à nouveau de rivaliser avec le fer ?

Sujet: Re: [MJitage] Patte de velours [Lyanna] Mer 4 Sep 2019 - 0:13

La dague pénétra la fente de la serrure sans mal. Si tôt, oreille tendue, accroupi devant la porte, la voleuse s'affaira, faisant doucement pivoter sa lame dans le mécanisme qui maintenait encore l'obstacle verrouillé. Rien de ce côté... De celui-ci, en revanche, un léger cliquetis. Lyanna affichait un petit sourire, dissimulée sous son capuchon et le voile qui cachait le bas de son visage. Pour elle, cette serrure n'était qu'une simple formalité. Le crochetage n'avait pour ainsi dire plus de secret pour elle. Elle était venu à bout de systèmes bien plus compliqués que ça. Autant dire qu'elle n'avait aucun doute sur ses compétences pour cette première partie d'infiltration.
Peut être se faisait elle trop confiance, d'ailleurs...
Le loquet à l'intérieur du mécanisme résistait. Elle forçait un peu... Toujours pas. Réajustant la trajectoire de sa lame, il lui sembla que le cliquetis s'intensifiait encore, que la pièce de métal se défendait moins contre l'intrusion de sa dague. Ça serait bon dans quelques secondes... Mais alors qu'elle donnait un ultime petit coup de poignet...

- Ah !

Lyanna ne put retenir une petite exclamation de douleur étouffée. La lame, après un nouvel effort à l'intérieur de la serrure, était brusquement ressortie, dérapant contre le fer de la porte et venant finir sa course contre la chair de sa main droite. Le fil de la lame, aiguisé, avait mordu sa chair sans pitié. Une longue entaille couvrait désormais sa paume, perlant de sang qui gouttait au sol, sur les pavés de l'entrée de la demeure qu'elle venait d'essayer de forcer. De surprise, elle lâcha la dague qui rebondit au sol dans un tintement sonore. Serrant ses doigts, se maudissant de sa maladresse, elle jeta un œil aux alentours pour vérifier que personne n'avait remarqué sa tentative d'infraction... Ni son terrible échec.
Mieux valait ne pas rester davantage dans le coin.
Toute colère contre elle même, elle ramassa son outil et dispersa les quelques gouttes de son sang de sa botte. Inutile de laisser des indices de son passage et de son infortune. Ce qui était en revanche bien sûr, c'était que cette blessure, bien que superficielle, n'allait pas lui simplifier la tache par la suite.
Faisant le tour de la bâtisse, les yeux exercés de la voleuse repérèrent rapidement un pan de mur dont le mauvais entretien offrait des prises naturelles pour l'escalade. Lyanna leva les yeux pour découvrir une fenêtre, juste au dessus, qui n'avait pas été tout à fait bouclée. Parfait !
Sortant un mouchoir de son corsage, elle se confectionna un bandage de fortune pour sa main, tant pour ne pas souffrir davantage que pour ne pas laisser de marque ensanglantée sur le mur. Puis, elle entama son ascension avec agilité. Si sa blessure lui arracha quelques grimaces, elle ne perturba pas sa montée, et arrivée au rebord de la fenêtre, elle eut l'agréable surprise de pouvoir la repousser sans avoir à en faire sauter le gond.
C'est ainsi qu'elle entra dans ce qui lui sembla alors être une remise pour la marchandise. Des sacs de toile, des tonnelets et des caisses jonchaient la pièce d'une manière relativement ordonnée. Un escalier, dans ce coin, devait mené de toute évidence vers ce qu'elle devina être les quartiers du marchand.
Lyanna tendit l'oreille, observa les alentours, immobile, cherchant avant tout à détecter une éventuelle présence dans la pièce ou le restant de l'habitation. Ceci fait, en professionnelle méthodique, elle commença par fouiller la pièce, à la recherche d'éventuels trésors cachés : de l'or, une clef, peut être des outils pouvant lui être utiles, tel que des crochets dont, comme une idiote, elle ne s'était pas munie, toute certaine qu'elle était de pouvoir venir à bout des serrures de la maison sans avoir besoin de se fouler. Ou peut être d'un clou... L'instrument s'étant avérer fort utile lors d'une de ces précédentes mésaventures, aussi morbide que tordue. La jeune femme prenait milles précautions, marchant sur la pointe des pieds, fouillant avec délicatesse, reposant avec douceur... Nul besoin de faire plus de bruit que nécessaire et d'ainsi alerté quiconque de son intrusion en ces lieux.
Son rapide examen achevé, il était à présent temps pour elle d'emprunter l'escalier menant à l'étage supérieur. En haut de celui-ci, elle se trouva nez à nez avec une nouvelle porte. Après avoir testé la poignée - qui bien évidemment n'ouvrit pas la porte -, la voleuse observa la serrure, les gonds de la porte, essayant d'en déterminer la difficulté de crochetage, les éventuelles failles de cette entrée verrouillée. Elle ne semblait pas plus compliquée que la précédente... Mais comme elle n'était visiblement pas dans un jour de veine...
Bien que le souvenir de ce douloureux et humiliant échec fut encore bien présent dans son esprit, hors de question pour Rubis de renoncer maintenant. Se munissant de l'outil qui lui semblait le plus adéquate (crochet/clou/dague/autre chose ?), la voleuse entama dont sa deuxième tentative pour forcer la serrure, en faisant néanmoins cent fois plus attention qu'un peu plus tôt...

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