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 Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]

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MessageSujet: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptyJeu 26 Nov 2015 - 11:47
- Hé, pousse-toi, v’là la De Mirail qui s’avance, bougonna un garde à l’un de ses collègues.

Il était un peu plus de treize heures lorsqu’Ambre de Mirail se présenta aux portes du quartier des officiers, près des remparts intérieurs. Bien longtemps que l’on n’avait pas vu la comtesse quitter son manoir, et sa chevelure flamboyante détonnait au sein des vêtements ternes et mornes des miliciens. Que faisait-elle, allez savoir ? Un mois qu’elle s’était cloîtrée dans sa maisonnée depuis la mort de son De Sarosse.
La jeune femme ne portait néanmoins plus la tenue du deuil ce jour-là ; en revanche, son pendentif autrefois offert par feu son promis brillait toujours sur sa gorge.

Attirant les regards sur son chemin, le port altier, les mains repliées sur son châle, tout en relevant de quelques centimètres la longueur de sa robe pour gravir les marches qui menaient à l’office, Ambre quémanda la venue d’un sergent. L’on partit donc quérir l’un des concernés, un milicien disparaissant dans l’entrebrasure d’une porte, les autres levant un regard curieux vers la comtesse, échangeant quelques banalités locales.

- ‘Nous veut quoi, la rousse, tu crois ?

- J’sais pas, tu connais les nobles, c’est pas à des petits miliciens qu’elle va se confier. Il lui faut au moins un sergent, à cette drôlesse-là, répondit un autre en zieutant du côté de la De Mirail.

Chuchotant dans leur coin, cette dernière n’eut pas vent de leur conversation et de sa suite, tout comme ces deux miliciens ne surent jamais pourquoi la comtesse de Mirail était venue en ce jour.

- Comtesse ? Que nous vaut le plaisir de votre visite ?

Le sergent Enguerrand de Labriolle s’était avancé, curieux de la présence de la noble dans leurs quartiers. Ce sergent était connu pour entretenir de bonnes relations avec les De Mirail, avec les parents encore tenants du titre principalement, mais aussi avec les enfants de la famille. Quelques affaires de-ci de-là, et chacun y trouvait son compte.

- Bonjour, messire de Labriolle. J’aimerais m’entretenir avec vous pour une affaire personnelle. Cela vous ennuierait-il de m’accorder un peu de votre temps ?

Bien évidemment, cela ne se refusait pas, mais le sergent ne semblait pas avoir l’envie que de le refuser ; bien au contraire, croiser une De Mirail semblait égayer légèrement sa journée.
Le sergent jeta un coup d’œil à ses subordonnés, leur intimant d’un signe de tête de continuer leur garde.

- En aucun cas, suivez-moi.

Avec tout le professionnalisme d’un soldat, mais surtout, d’un gradé qui respectait les coutumes et les bienséances, il accompagna Ambre jusque dans son bureau. Lorsque chacun eut pris place, il y eut un certain flottement de quelques secondes.

- Bien. Ambre de Mirail déroula son châle pour se mettre à l’aise, et croisa les jambes sous sa robe bordeaux. Je vais être directe. Je tiens à la discrétion de ce qui se dira dans cette pièce. Officiellement, je ne serai venue que pour avoir quelques informations concernant la sécurité actuelle.

La jeune femme laissa passer une pause durant laquelle les deux protagonistes se jaugèrent du regard.

- J’ai ouï dire que ces créatures, reprit la comtesse, ces « Fangeux », comme nous les appelons, sont parfois d’anciens humains qui se relèvent. Pouvez-vous confirmer ?

- Certainement. Le sergent hocha la tête.

- Bien, répéta Ambre, visiblement satisfaite. Il me faut donc un corps.

Le sergent croisa ses mains devant son menton, quelque peu surpris et perplexe.

- Un corps, madame ?

- Parfaitement, messire de Labriolle. Un corps. J’aimerais étudier cette… transformation. Fournissez-moi le corps d’un mordu. Un mendiant retrouvé mort dans la rue, un enfant que la maladie a emporté, qu’importe. Quelqu’un dont on ne s’inquiéterait pas de la disparition, quelqu’un qui n’a pas assez de famille pour qu’on puisse remarquer que sa crémation funéraire préventive n’a pas eu lieu.

Les échos de quelques armes s’entrechoquant du camp d’entrainement parvinrent jusqu’à eux alors que le sergent digérait la demande.

- Allons, sergent, vous avez des scrupules à m’apporter quelqu’un qui est déjà mort ? demanda Ambre devant la visible réticence du milicien.

- Il ne s’agit pas de cela. Des corps, nous en brûlons tous les jours. En récupérer n’est pas ce qui pose problème. Il s’agit plutôt d’une question de sécurité. Nous avons déjà nos propres scientifiques qui travaillent sur le cas des Fangeux. Vous pensez que je voudrais prendre le risque de laisser seule une comtesse de la ville en présence d’un Fangeux à retardement ? Sur qui croyez-vous que retomberaient les conséquences si vous veniez à être mordue, blessée, ou tuée ? Sans compter que blesser une De Mirail n’est pas vraiment l’un de mes projets, j’entretiens une grande sympathie envers votre famille, et votre père ne me pardonnerait jamais un tel écart.

Ambre balaya ces arguments d’un revers de main. Son père ? Allons, même si ce dernier était encore le comte de la famille, et que dans tous les cas celui qui hériterait serait son frère, Ambre était elle-même désormais bien trop âgée pour qu’on la traite encore comme une enfant.

- Et vous, sur qui croyez-vous que retomberaient les conséquences si ladite comtesse venait à trépasser dans les mêmes conditions, suite au refus d’aide du sergent de Labriolle ?

Regard acéré, ton qui était subitement devenu ferme et plus sérieux.

- Croyez bien que je ne viens pas quémander un pur caprice. Si cela avait été le cas, j’aurais payé l’un de mes gardes et l’affaire serait restée bien plus personnelle. Or, je veux que cela soit fait dans des conditions optimales – autant d’étude que de sécurité. Prêtez-moi quelques-uns de vos hommes pour cette affaire, des gardes qui savent se défendre face aux Fangeux, et surtout, qui connaissent bien le quartier pour pouvoir obtenir un corps discrètement. Et, bien évidemment, si j’étais amenée à pouvoir découvrir quoi que ce soit sur ces créatures, j’en informerais les instances de la ville. Je vous demande cela à vous, Labriolle, car je vous fais confiance de par les longues accointances que nous entretenons depuis plusieurs années. Je vous sais compétent et je n'aurais sûrement pas quémandé l'aide de la milice si vous n'étiez pas l'un de ses membres. Et, si réel besoin est de le préciser, je ne viens pas vous demander cela simplement en tant que service : je fournirai une bourse en or pour le travail, pour vous comme pour vos hommes qui accepteront de m’aider.

Le sergent semblait partagé, et pourpensa encore quelques secondes, avant de finalement accéder à la requête de la comtesse. Les deux concernés palabrèrent encore de longues minutes au sein du bureau, déterminant les tenants et aboutissants de l’affaire, opposant les conditions à propos de la sécurité, du déroulement des opérations, et quelques autres joyeusetés.
Enfin, après une bonne vingtaine de minutes, la porte s’ouvrit et l’on put entendre la voix du sergent tonner :

- Ernie ! Va donc me chercher l’escouade treize.


Dernière édition par Ambre de Mirail le Sam 19 Mar 2016 - 14:58, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptyVen 27 Nov 2015 - 11:51
Et le dit Ernie de s’exécuter. Disparaissant derrière une porte tenue par quelques huissiers en planton, il longea les longues coursives du corps de bâtiment hébergeant les puissances de la milice, grouillantes d’une foule de chevaliers sans commandement, de riches patriotes assoiffés de faire leur devoir, la main crispée sur une lettre de recommandation, ou de simples pères de famille assez cossus et influents pour qu’on leur permette de s’agglutiner dans les anti-chambres, dans les alcôves, afin qu’ils pussent héler un capitaine passant sur leur fils, leur frère, leur beau-frère. La midi était passée d’une heure, et à ces hordes d’hommes pleins de réclamations venaient s’ajoutercourriers en mission et sergents revenant de leur quart, du dehors, ce qui renforçaient un peu l’état d’ébullition de ce repaire d’hommes d’armes.

Il fallut donc quelques minutes pour que le brave Ernhardt traversa ces bandes opaques de doléants et se tailla un chemin jusqu’à l’aile ouest, où était la XIIIème dizaine crépusculaire, l’escouade treize affiliée aux portes du Crépuscule. Enfin, il parvint jusqu’à elle. Il entra dans une grande salle, à cheval entre l’ensemble de bâtiment formant le cœur de la « Capitainerie du Guet » et les dépendances occidentales, un vieil hôtel particulier qui, par la force des choses, avait été absorbé par celle-ci. La pièce, elle faisait office de trait d’union entre les deux bâtisses et cette fonction la définissait. Sans cheminée aucune, trouée par deux grands portails d’un côté, l’un donnant sur une cour extérieure, l’autre par lequel arrivait Ernhardt, et par une demi-douzaine d’huis plus petits, perçant autant d’accès à une myriade de salles et d’appartements situés dans l’aile occidentale, la pièce était encombrée de tous bords par des archebancs, des tonneaux, des bottes de foin. Sur deux murs, des tapisseries épaisses et ternies par le temps exhalaient l’odeur forte du crottin de cheval et excréments d’autres races, à moins que les odeurs ne se dégageaient directement du sol où, sous la paille, les restes de fèces écrasés dégageaient d’ultimes effluves.

Elle servait à tout, cette pièce, et son rôle de carrefour indispensable lui avait valu d’être utilisées tour à tour comme entrepôt, stock de bois, écuries et corps de garde. Aujourd’hui, aucun arrivage n’étant prévu, ni retour de patrouille montée, on y avait mis la treizième escouade, qui était disséminée en petits groupes autour d’un ou deux braseros finissants. Il y avait une odeur de saucisses forcies à la farine noire dans les airs, et ce fumet bizarre ressemblait aux vapeurs de l’ambroisie divin dans cette atmosphère saturée de merde et de moisissure. De la grosse dizaine d’individus, bien peu levèrent la tête en direction de l’émissaire de Labriolle, habitués maintenant aux allées et venues dignes d’un moulin de leur grand corps de garde et tout au manger de leur ration chaude.

« Mais c’est l’Ernhardt qui nous arrive là. Il veut un bout de saucisse ? » Les mains au dessus de quelques braises, seul soldat debout, Berndt Glemser, coutilier-dizainier de la XIIIème l’avait aperçu. Pas du genre à refuser un bout de gras, l’alpagué s’approcha et ne se fit pas prier. « Quelles nouvelles ? » interrogea le coutilier Glemser avec anxiété. Ce grand gaillard borgne avoisinait une petite cinquantaine qui lui avait grisé les tempes puis tout le reste, pourtant il tenait ces hivers avec un allant extraordinaire. Il fallait bien avouer qu’il tenait lieu de légende dans le rang, tant par le nom de sa famille, qui donna d’innombrables et illustres hommes de la garde au service de la ville, que par la dignité avec laquelle il avait porté ce lourd héritage héroïque. C’était pitié de le savoir maintenant en charge de la treizième. Car l’escouade n’en avait que le nom : c’était les restes de bandes saignées à blanc par le fléau ou cassées lors des réformes d’urgences menées au sein du Guet. Sans affectation précise et engorgée de jeunes recrues de bonne famille, elle venait en renfort des vraies escouades quand elle ne végétait pas là, comme pépinière d’hommes d’armes pas encore éprouvés. Les vétérans de la bande, quatre en comptant Glemser, s’étaient vite agacés de tenir la main des petits cons piaffant d’une excitation mal contenue, et cherchaient souvent à être adjoints en soutien au reste des garnisons pour éviter ces effusions de testostérones qui leur chalaient guère, voire leur tapaient sérieusement sur les esgourdes. Le coutilier-dizainier Glemser soupçonnait amèrement que la charge de ce lambeau de troupe n’était rien d’autre qu’un limogeage. Pour ne pas trop y penser, il se distrayait dans l’entraînement de cette marmaille. Mais chaque départ momentané, chaque affectation spéciale de ses gars, des « vrais », piquait sa fierté déjà meurtrie, et s’il tenait encore la tête haute, quelques semaines supplémentaires de ce traitement achèveraient certainement de l’abattre.

Voilà pourquoi le vieux routier était anxieux. A voir Ernhardt, rattaché à Labriolle, faire halte dans leur moulin, il se prenait à espérer quelque chose, un truc qui permettrait de rallier les gars, de les fondre dans un seul corps. Faire de cet agrégat d’individualités une patrouille, enfin, bordel de merde !
« Je viens de Labriolle, possib’ qu’ait de l’action pour vous autres, » déclara Ernhardt, prêtant à Glemser de l’espoir à lui en faire briller l’œil.

Le sourire qui s’accrochait comme une bernique à son rocher sur le visage usé de Glemser disparut aux premiers mots de Labriolle. Son corps lui-même s’affaissa sous le coup de la déception.
« Coutilier Glemser, » avait entamé celui-ci, « sélectionnez quatre de vos meilleurs hommes, que les autres rejoignent leur quartier. » Ceci dit, il fit signe au vieux Berndt d’entrer avec son échantillon et rentra dans son bureau. Les deux lignes ordonnées de son escouade s’égaillèrent sur un ordre marmonné. L’esprit de corps, ça serait pour demain.


Oui, il répondait de ces hommes.

Oui, il jurait de tenir le secret, tout comme les autres.

Oui, sur les Saints-Andouillers.

Ils jurèrent tous, sur l’insistance du sergent. Et pourquoi pas sur la tête de leur mère, tant qu’on y était, pensa sombrement Anton ? Il était amer pour le Glemser, celui-là, et toutes ces manigances, au cœur même des quartiers de la milice, sous les yeux d’une créature rousse, – il la soupçonnait être la Mirail, – qui gardait le silence, drapée dans sa dignité de noble bonne femme et ses étoffes à la mode, ne lui disait rien qui vaille. Pendant que ceux qui comptaient continuaient dans l’interaction, le garde Gunof, dans un garde à vous un peu relâché, coulait un regard en coin sur la donzelle. Plutôt grande, un peu longiforme. Mais mettable. Très mettable. Un cœur de rubis gros comme ac entre les seins, avec de l’ambre flottant immobilement autour. Pas de doute, c’était la comtesse éplorée, la presque-veuve à Armand, le traître Sarosse.

Finalement, on en vint au sujet qui les avait amené jusqu’à Labriole. Cette histoire de corps ne semblait pas ravir le coutilier de la treizième, qui fronça les sourcils. L’aura de mystère qui entourait l’affaire, ainsi que cette femme que Labriolle s’était gardé de présenter formellement, ajouait à sa réticence. Enfin, il conclut, avec une intonation qui pouvait être interprétée comme une interrogation ou une déclaration :
« Voyons, ce n’est pas sérieux… »

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MessageSujet: Re: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptySam 5 Déc 2015 - 23:38
Les palabres avaient duré un certain temps jusqu’à ce que Labriolle appelle une escouade de miliciens. Ambre était satisfaite de la tournure des choses. Elle était restée depuis bien trop longtemps en-dehors des affaires de la ville, se retranchant dans son deuil. Sans compter l’habituelle neutralité des De Mirail. Mais cette époque était terminée. Aujourd’hui, des morts-vivants grognaient aux portes de la ville, on avait tué son futur époux, et maintenant que la durée coutumière du deuil était terminée, ses agissements allaient se faire bien plus présents. Trouver des alliés, former des accointances au sein de la milice, des accords avec les marchands importants de la ville. Tout ceci se préparait, si l’on voulait mettre le Duc à terre, et le projet ne se ferait certainement pas en quelques jours, mais durerait bien des semaines voire des mois.

Pourtant, en cette journée, l’objectif d’Ambre était purement personnel. Armand de Sarosse était mort à cause de Sigfroi, c’était certain, mais la comtesse souhaitait tout d’abord en apprendre plus sur ces bêtes qui avaient amené l’humanité au bord de sa perte. Le corps d’Armand n’avait pas été retrouvé – ou du moins, pas reconnu parmi le charnier –, et la jeune femme avait besoin de voir de ses yeux l’ampleur des horreurs que constituaient les Fangeux. Elle n’avait pu apercevoir ces derniers que depuis les remparts ; en soi, elle n’en avait donc jamais vraiment vu un correctement. Il était essentiel pour elle de voir ces créatures, comme pour constater des faits, platement, avant d’entreprendre quoi que ce soit d’autre.

Ambre échangea quelques banalités avec le sergent Labriolle en attendant l’arrivée des miliciens, notamment sur leurs familles respectives et sur les affaires qu’ils avaient pu entreprendre ensembles. La comtesse, bien qu’avenante comme le voulait l’étiquette, laissa une impression d’absence et de détermination qui ne partirait visiblement pas tant qu’elle n’aurait pas vu un cadavre se réanimer sous ses yeux. Quelque chose avait changé en la comtesse de Mirail ; l’éclat de ses pupilles était différent, comme plus sec.

Enfin, les gardes se présentèrent. Un coutilier dénommé Glemser et quelques-uns de ses hommes, visiblement intrigués des raisons pour lesquelles on les avait convoqués, jetèrent un regard perplexe à la comtesse, avant de se concentrer sur leur supérieur. Ce dernier leur expliqua rapidement de quoi il en retournait et la comtesse le laissa faire sans mot dire. Impatiente que tout avance, la susnommée n’en montra néanmoins rien et resta droite sur sa chaise, jaugeant du regard sans pudeur aucune les hommes devant elle, platement mais sérieusement, évaluant le potentiel de chacun. Son regard croisa celui d’un garde dont la balafre défigurait la joue gauche jusqu’à la commissure de la lèvre supérieure, à l’air bougon.
L’observation de la comtesse prit néanmoins vite fin avec la première réaction de Glemser suite à la demande de Labriolle ; elle tourna donc à nouveau ses yeux vers le coutilier. Concrètement, il n’était pas ravi. Autant même dire que ça lui cassait cordialement les couilles, même si cette expression n’effleura jamais l’esprit de la comtesse. Trop raffinée, faut croire.

- Ça l’est, coutilier. Le sergent Labriolle conservait tout son flegme et son autorité, quand bien même il avait affiché des doutes et des réticences face à la comtesse à peine une heure plus tôt. Une fois qu’il s’engageait, l’homme était toujours d’un sérieux professionnel. La comtesse de Mirail ici présente – la concernée hocha la tête doucement – souhaite faire observer l’une de ces bêtes par un médecin, et a quémandé nos services en toute humilité. Je ne laisserai pas des incapables s’occuper d’une telle affaire, pour retrouver un Fangeux courir en ville et contaminer tout le quartier. La comtesse a bien ses propres gardes mais ces derniers n’ont aucune expérience avec ces bêtes. Je veux que le corps qui sera récupéré soit ligoté en bonne et due forme, qu’on lui retire ongles et dents avant la mutation ; et qu’on assure la sécurité des intervenants. L’observation se fera dans un sous-sol de la caserne dans le quartier milicien, non pas au sein des bâtiments des officiers, le transport d’un corps jusqu’ici étant trop peu discret.

Le sergent s’arrêta, tournant le visage vers la comtesse, lui laissant la parole.

- Merci, messire de Labriolle. Ambre s’adressa ensuite directement aux miliciens. Je fournirai à chacun des participants une petite bourse en or. Je ne suis pas ici pour vous mettre en danger, mais bien pour en apprendre plus sur ces choses. Qu’Anür nous garde, mais si les dieux nous ont envoyé un tel mystère, il en est de notre devoir d’en découvrir les tenants. Nous avons perdu trop d’hommes et bien trop de proches pour rester inactifs, et je commence à perdre patience. Si l’expérience s’avère concluante, je financerai possiblement certaines affaires de la milice, pour mieux vous équiper face à ces créatures. Car l’on ne peut pas dire que vos armures rutilent, c’est un fait. Son regard s’attarda avec placidité sur une partie de leur équipement. Mais nous verrons tout cela bien plus tard. Actuellement, que pouvez-vous me dire à propos de votre expérience face aux Fangeux, soldats ?
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MessageSujet: Re: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptyJeu 10 Déc 2015 - 12:29
L’Ernhardt aurait mieux fait de se casser la jambe avant de délivrer la semonce, se dit Gunof en jetant un coup d’œil au dizainier Berndt Glemser. Pour connaître comme sa poche le vieux borgne, Anton put détecter derrière la mine marmoréenne du vétéran un océan de lave qui le faisait bouillir vif. Les yeux de son commandant, bien qu’immobiles, luisaient d’une flamme d’indignation à mesure que Labriolle détaillait l’assignation crapuleuse. Le balafré soupçonna, à entendre la liste des supplices dont ils étaient chargés sur la personne d’un cadavre frais (doux euphémisme pour désigner un moribond obscur), que le sergent prenait un certain plaisir à commander une telle tâche au Glemser, qu’on savait revêche de nature, de plus en plus indiscipliné depuis la mort d’un de ses fils, Oscar Glemser, et surtout jaloux de la position de Labriolle, promise à lui et revenue à cet indigne petit gars sorti des froufrous de dames bien en cour telles que cette coquette de Mirail. Jalousie que Labriolle n’ignorait pas – la chose, sauf son respect, était de notoriété publique –, et dont il semblait de nouveau s’amuser.

Il ne tourna même pas les yeux quand la comtesse prit la parole. Anton, moins énervé par ces déclarations ignominieuses et plus sensible aux beautés du monde matériel, abandonna ses discrètes œillades du côté du vieux borgne pour le spectacle plus ragoûtant de la dite coquette de Mirail. Il s’attendit à ce qu’elle enrubanna la chose, petite demoiselle qu’elle était. Il se fourvoyait : elle mit sur la table l’idée de « petits cadeaux » avec la subtilité d’un auroch en rut pour finir de persuader les hommes de la XIIIème. Anton tiqua et se retint de jeter un nouveau coup d’œil en direction du coutilier Glemser. N’importe, il savait déjà son commandant sur le bout des doigts, et cette tirade sur l’or, conditionnée par le succès d’une tâche des plus ignobles, devait cuire le visage du borgne de la vieille garde comme un enchaînement de gifles humiliantes.

La question flotta dans les airs, et les gars tournaient leur attention vers le vieux, pas vraiment enthousiastes à l’avoir brouillé contre eux. La mission était, pour continuer dans l’hypocrisie, « des plus délicate » : on ne leur demandait rien de moins que de servir de bouchers sur cadavre humain pour le compte d’une riche femme qui s’ennuyait, laquelle récompenserait ses hommes de mains en mettant des deniers dans leurs poches. Les hommes de la XIIIème avaient de quoi envier le train de vie des putes à marin à ce moment précis. La mission, vraiment, manquait de lustre. Et le regard intense que s’échangeaient sergent et coutilier, en pleine détestation réciproque, le confirmait. Le garde Gunof, lui, appréciait ce petit moment d’accalmie pour graver au mieux la rouquine dans sa mémoire. Sa mise, travaillée avec élégance rare, valorisait un corps qu’il ne se serait pas cru capable d’examiner de si près. Son visage s’encadrait d’une coiffure raffinée, dont il pouvait admirer la régularité, et un maquillage adroit accentuait encore un peu la physionomie accorte de cette séduisante déesse descendue du monde d’Outremur pour donner son or et faire couper des doigts et des dents aux simples mortels qu’ils étaient. Ce pouvoir de contrainte, bien cruel, offert par sa place dans le monde, par sa richesse et son rang, Anton s’en vengea inconsciemment pendant un fragment de seconde : il l’imagina retournée à ses noires robes de deuil et contorsionnée en des positions bien peu honorables, aidée et contrainte en cela par son serviteur le garde Gunof.
Parce que le silence qui s’installait rendait un peu trop louche le regard très fixe dudit garde, ou parce que ses rêveries gauloises l’incitaient à pousser l’audace jusqu’à une bravade jetée à la face de la comtesse, Anton décida, contre vents et marées, de prendre la parole.

« Des dévorants, j’en ai occis mon comptant, Gräfin, et croyez qu’avec un téméraire tel, vous allez p… »
« Il suffit, Gunof ! »
ordonna Berndt Glemser dans un sifflement courroucé. Sur le coup, Gunof se tint plus droit, regarda bien devant lui, dans le vague ; il pouvait sentir le regard noir de son supérieur lui brûler les tempes. Interrompu dans ses pensées, le coutilier prit le parti de son premier sentiment sur cette affaire, et exposa son avis d’une voix lente, mesurée et plus articulée que de coutume. « Cette tâche, pour bonne et belle qu’elle est, Messire, je ne la goûte pas beaucoup. Et je ne vais pas risquer pour les lubies d’une… »
« Les lubies d’une… ?! »
l’interrompit violemment le sergent de Labriolle, qui avait perdu son sang froid sous le choc avant de se reprendre. Glemser en profita pour conclure.
« Je la refuse, voilà. »
« Vous la refusez, vous refusez les ordres qui vous sont donnés … »
La voix de Labriolle avait tout repris de son flegme racé. Il répétait cela très distinctement, et l’intonation avait quelque chose de la sentence d’un juge. Le sergent hésita un moment sur la marche à suivre ; il voulait visiblement avoir un petit tête-à-tête avec son coutilier, mais se rappela de la présence de la comtesse. Ne pouvant décemment pas la mettre à la porte pour aboyer et menacer de mille morts le vieux borgne, et encore moins avoir cette discussion devant elle, il se leva, fulminant de cette petite situation vexante devant une civile, de la bonne société qui plus est. Sa voix, un peu altérée, s’était faite douce pour la damoiselle de Mirail.

« Damoiselle, il serait inconvenant d’exhiber devant une femme de votre rang les rudesses propres aux choses militaires. Souffrez que je prenne congé de vous un instant, afin d’avoir un mot seul à seul avec mon servant. Ne craignez rien de mes soldats, ils seront de la dernière correction à votre adresse, et soyez sans crainte sur la suite de cette noble entreprise. » Il était à la porte quand il eut fini de lui signifier ce petit aparté. Sur une voix tout autre, « Glemser, derrière moi. » dit-il, et ces deux-là disparurent du bureau. Et voilà que trois gardes faisaient les statues, comme des connards, pour le divertissement d’une comtesse.
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MessageSujet: Re: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptySam 12 Déc 2015 - 18:35
Un milicien avait commencé à répondre à Ambre, interrompant le silence désagréable qui s’était installé dans la pièce suite aux paroles de la rousse. A croire qu’ils n’avaient jamais vu ou entendu un sang-bleu d’aussi près. Et, dans un affront évident envers la De Mirail, le coutilier réduisit son homme au silence, s’adressant au sergent comme si nulle comtesse ne se trouvait dans la pièce.

- Faites, sergent, faites donc, répondit Ambre à Labriolle. Mais ne perdez point trop de temps à convaincre ce qui ne peut être convaincu.

La réputation joviale d’Ambre de Mirail semblait se démentir pour la première fois, et ces miliciens semblaient en faire les frais. Pas de sourire, et un certain mépris évident s’affichait sur ses traits lorsqu’elle s’adressa par la suite au coutilier Glemser avant qu’il ne disparaisse derrière les pas de son sergent :

- Je ne connais pas les raisons qui vous font refuser cette entreprise, et, à vrai dire, je ne souhaite pas les connaître. Mais que proposez-vous donc pour que nous puissions nous défendre face à ces bêtes ? Aller capturer un Fangeux vivant, au péril de vos vies, dehors, alors que nous pouvons en récupérer un en toute sécurité au sein même de nos murs, avant qu’il ne soit transformé ? Ou, allons plus loin, ne rien faire du tout ? Je ne sais point où les études en sont sur ces Fangeux au sein de la milice, mais ce n’est visiblement pas de la sorte que nous apprendrons à les surmonter. Vous n’êtes pas digne d’un enfant de Rikni, coutilier, si cette simple mission vous fait frémir. Je suis certaine en revanche que beaucoup d’autres seront prêts à prendre votre place pour ces lubies, nul besoin donc de nous faire souffrir de votre venin vipérin.

Un élément à moitié motivé ne serait pour la comtesse qu’une faiblesse au sein de cette petite compagnie temporaire. Elle pouvait très bien se passer d’un coutilier. Après tout, il fallait simplement attacher un corps, de simples gardes étaient compétents pour une telle tâche.
Son comportement avait été on ne peut plus exemplaire : demander avis et aide à la milice, proposer une rémunération pour cette tâche qui venait s’ajouter au travail quotidien des miliciens qui y seraient affecté. Comment pouvait-on être plus corrects ?

Ses yeux azurés abandonnèrent la porte désormais close qui avait fait disparaître Labriolle et Glemser, pour venir se poser sur le garde aux paroles inopinées.

- Quel est votre nom ? Je suis disposée à écouter vos descriptions concernant ces dévorants, comme vous les appelez, en attendant qu’ils ne terminent.


Ambre se recula sur le dos de son fauteuil, dans une position d’attente, qui, espérons-le, ne serait pas trop longue, sans quoi elle perdrait probablement rapidement patience. Son regard resta posé sur le balafré, tandis que les deux autres gardes restaient debout et immobiles, indécis et mal à l’aise à devoir attendre en compagnie d’une noble.
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MessageSujet: Re: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptyJeu 17 Déc 2015 - 12:52
Son nom ? Anton n’osa pas le donner tout de suite. S’il ne s’était pas senti de mécontenter son supérieur auparavant, toute velléité de s’adresser à la pouliche lui passa sacrément après qu’il fut témoin de l’admonestation dont elle avait gratifiée le coutilier Glemser. La damoiselle n’avait pas mâché ses mots, trèvepeste ! Passant sur les côtés ingrats de la tâche qu’elle souhaitait accorder au vieux borgne, elle l’avait retenu avec d’une longue diatribe tandis que les deux officiers s’apprêtaient à traverser le pas de la porte. Entre deux pièces, Glemser s’était retourné et l’avait regardé, bien obligé. Gunof avait maintenu le garde à vous, et à mesure que la comtesse vitupérait le vétéran blanchi au harnais, il se réjouit de ne pas pouvoir croiser l’œil du vieux. Fixer la fenêtre, voilà le salut. Ne surtout pas se retourner. Un de ses collègues, lorsque la rouquine insinua le vieux coutilier lâche, ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil au dessus de son épaule, trop curieux de voir l’expression du chef, avant de revenir à un garde-à-vous pétrifié. Un regard aux deux autres miliciens leur apprit qu’ils allaient écoper d’un Glemser massacrant les jours à venir. La gourmandeuse conclut son blâme. Avec venin vipérin, nota un Anton émerveillé. « Madame, » broncha Labriolle en guise de congé, et les deux officiers, sans autres mots, disparurent enfin après un flottement tendu.

Un instant de gêne passa où le regard d’Anton papillonna entre le minois de la jeune femme et la fenêtre. La greluche s’était engoncée dans son fauteuil, faisant savoir qu’elle était « disposée » à l’entendre, et vite je vous prie. L’impatiente et sa morgue assombrirent un peu le garde Gunof, pas habitué à ce qu’une femme l’utilise en guise de laquais. Un jour il t’arrivera des soucis, la Sarosse, se vengea-t-il, mentalement et petitement. Ses yeux se fixèrent sur la rouquine, la dévisageant un peu d’un air équivoque où sourdait un peu de défi et de crainte. Qu’attendait-il ? La permission du vieux Glemser ? Qu’elle le traite de couard, à son tour ? Il ne se sentit pas d’être injurié par une femme, surtout une de celles qu’il ne pouvait pas cogner.

« Anton. Garde Anton Gunof de la XIIIème de la milice interne, Gräfin. Votre très humble serviteur. » Il avait passé le rubicond et se donna une seconde de répit pour y songer. L’air impatienté de la comtesse lui rappela ses ordres. « Dévorants, morts, mordeurs, mangeurs, ennoyeurs, les sobriquets leur manquent pas, nommez comme y vous plaira. Y sont créatures de la lune, nul doute là-dessus, donc maléfiques, comme sont striges et bisclaverets. La plupart semble être les esprits de goules prenant possession des cadavres des morts, mais j’ai entendu dire de gars de l’externe qu’ils ne seraient que les esclaves de maîtres mordeurs, des créatures ayant à peine semblance humaine et gigantesques, des cavaliers démoniaques jetant leurs chiens tricéphales sur les hères du marais, lors des nuits de grandes tempêtes ou de pleine lune…

« D’aucuns pensent que la nuit, surtout quand la lune est bien pleine, les esprits conquièrent plus aisément les corps, qui sont plus ou moins prenables selon leur degré de souillure. Les corps de gens pieux sont moins corruptibles, vous saisissez ? Ca je sais ; pour la lumière lunaire et si ça influe, je rapporte juste, j’ai pas vu, Gräfin. » Il avait dit tout cela en toute bonne foi et avec le plus sérieux aplomb, et apprendre à la rouquine ce que d’expérience la soldatesque avait accumulé à propos de ces monstres l’eut presque distrait des appâts de celle-ci. « La nuit est leur. On a même recensé des morts qui se relevaient dans certaines églises, mais l’une d’elle n’avait pas encore été bénie et l’autre, on soupçonne qu’elle est souillée par du sang versé… C’est des métèques qu’auraient ramené le mal dans celle-ci, alors que les frères les avaient accueillis gracieusement. Ceux-là, des fois... »
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MessageSujet: Re: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptyMar 22 Déc 2015 - 2:33
Les gardes s’étaient tus, droits et immobiles, regardant devant eux d’un air fixe sans jamais trop oser dévisager la comtesse. Seul un avait la force pour ce faire ; il s’agissait du fameux Gunof, celui à qui la jeune rousse s’était adressée. Ambre considéra longuement le milicien alors qu’il accédait à sa demande et lui exposait toutes les rumeurs qu’il avait entendues à propos des Fangeux. Cet homme paraissait avoir une certaine expérience au sein de la milice, et la jeune femme se demanda si la cicatrice qui lui barrait le visage était due à une escarmouche avec l’une de ces créatures. Quoique la blessure paraissait peut-être un peu trop ancienne pour cela.

- Merci pour votre réponse, milicien Gunof. J’ai entendu toutes sortes d’histoires et de théories sur ces bêtes, à vrai dire, qu’il est difficile de démêler le vrai du faux. Quand j’ai voulu faire venir des témoins civils, un tas d’escrocs et menteurs se sont pressés à ma porte dans l’espoir de recevoir compensation. La comtesse eut une moue de dédain. Je suis bien aise d’enfin avoir le point de vue d’un réel homme d’armes de la ville. Ambre fit une pause, méditant les paroles dudit garde. Plus actifs la nuit, la foi protectrice, autant d’élément dont la noble avait eu vent mais dont elle avait désormais confirmation. Il est clair que nos dieux nous mettent à l’épreuve en ces temps troublés, même s’il est difficile de deviner avec précision leurs desseins. Est-ce vraiment de leur fait, ou celle de sorciers rancuniers envers notre royaume ? Les théories s’affolent et se chevauchent, et nous avons pour l’instant échoué à en confirmer une.

Quelques échos d’une conversation se firent entendre à travers la porte, mais nul ne sut dire s’il s’agissait de Labriolle et de Glemser ou d’autres miliciens qui passaient par là.

- A combien de reprises avez-vous vu ces bêtes en action ? reprit la comtesse. Sont-elles si rapides qu’on le dit ? Pour celles qui étaient humaines avant de se relever à moitié mortes, à moitié vivantes… semblaient-elles avoir ne serait-ce qu’un souvenir de leur ancienne vie ?

Les multiples questions d’Ambre montraient l’intérêt de cette dernière. Si son projet en laissait plus d’un sceptique, l’on ne pouvait en tous les cas pas dire qu’elle ne prenait pas cela au sérieux. Elle souhaitait comprendre les mécanismes de ces créatures et mènerait son étude avec un professionnalisme sans faille.

Les autres gardes les écoutèrent parler autant que ce fut nécessaire, et participèrent ou non à certaines remarques pour accompagner leur collègue ; puis vint le temps où Ambre remercia Anton, attendant le retour du sergent et du coutilier. Le temps sembla s’étioler en de longues minutes durant lesquelles l’on pouvait entendre les cliquètements des armures des soldats, quelques raclements de gorge, les respirations de tout un chacun. Ambre pianota doucement contre son bras, se faisant la réflexion que le sergent de Labriolle devait manquer d’autorité pour mettre tant de temps à redresser les bretelles de son coutilier.

Ils terminèrent par se montrer à nouveau. Labriolle semblait mécontent, l’expression de celui qui perd son temps avec des sornettes. Quant à Glemser, il resta silencieux, résigné par dépit, l’air de celui qui a avalé trente châtaignes piquantes. Ambre posa le regard sur eux, attendant la suite.

- Excusez-nous pour tous ces désagréments, comtesse. Mon coutilier s’occupera de sa charge comme si sa vie en dépendait. Labriolle se rassit à son bureau avec un dernier regard appuyé envers son sbire, l’esprit déjà occupé par les préparatifs.

- Bien.

Ambre posa les yeux sur Glemser, et tous savaient que ces deux-là ne seraient pas faits pour s’entendre pendant toute la durée que prendrait l’opération. Si la comtesse n’exigerait pas qu’il l’apprécie, elle exigerait en revanche un travail sans mauvaise volonté ; ainsi, elle comptait bien à ce que cet homme ne vienne pas faire des siennes. Ambre respectait leur travail ; elle attendait qu’ils fassent de même.
Après quoi, Labriolle expliqua comment se déroulerait l’action. Tous les hommes ici présents seraient à charge de cette mission. Le sergent serait informé constamment de l’avancée des choses ; quant aux miliciens, ils n’avaient pas de délai à respecter. Ils trouveraient le corps lorsqu’ils le trouveraient, avec toutes les mesures de sécurité entreprises. Cela pouvait mettre deux jours comme trois semaines ; toujours était-il que la comtesse devrait être informée par missive ou tout autre moyen le moment où il faudrait se présenter dans la salle d’étude.

- Ceci me convient. Je me présenterai dès que j’aurai de vos nouvelles, conclut la comtesse après le petit discours du sergent.

- Des questions de la part de l’escouade XIII ? demanda Labriolle.
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MessageSujet: Re: Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé]   Une étude peu scrupuleuse [Anton Gunof & Ambre de Mirail] [Terminé] EmptySam 2 Jan 2016 - 21:02
« A combien de reprises, har ? » La mine sérieuse voire carrément sévère de l’héritière n’avait pu empêcher notre Anton de s’extirper de la carapace du soldat au garde à vous. Et à mesure qu’elle échangeait avec le soudard, celui-ci se persuada que l’on pouvait converser avec plus de familiarité, là, tranquillement, entre nous. La demoiselle, après tout, était dans une position qui ne manifestait guère son rang. Plongée dans un fauteuil au milieu des bâtiments de la Capitainerie du Guet, sans suite ni pair avec elle, elle était seule et ressemblait, aux yeux du garde Gunof, plus à une simple femme endimanchée avec soin qu’une puissante. Aussi l’Anton se mit-il un peu plus à son aise. Et comme il se lançait sur un monologue à l’actif de sa carrière de tueur de morts, il se relâcha tout du long.

« A combien de reprises, har, har ! » reprit-il, roulant déjà des mécaniques. Il leva la tête, posant comme s’il était une statue de sage pensant les mystères du ciel et de la terre. « Parbleux ! Je saurais pas les compter, damoiselle. Des cents ? Des mille ? N’est pas une nuit sans son comptant, au vrai. » Il se pencha un peu vers la donzelle, un sourire prétentieux fiché entre ses deux oreilles. « Vous mirez ça ? » Il passa un doigt lent sur la longue estafilade qui le défigurait de haut en bas. « La griffe d’un de ces homoncules, effilée tel un poignard. Et ça, ça, là ! » Il avait rapproché d'un coup son crâne, violant sans scrupule l'espace personnel de l'héritière, pour montrer un creux qui sillonnait l'arcade de son sourcil droit. « Un croc d'iceux, comme je vous dis. Un géant, ce monstre, et plus vif que foudre, sans mentir ! Qui m'arriva par surprise, perfidement ; car c'est perfide, et doué d'une sale rouerie, comme celle du rat, si fait, si fait. A peine que je sens cette sale face me manger la mienne, de face, à peine que ça arrive que SCHLACK SCHLACK SCHLACK. » Il mima les coups de son poing en direction du crâne de la rouquine. « Trente six coups de coutelas à la cervelle en salaire, courtoisie du bon Gunof. » Il avait dit tout cela en fixant Ambre, et quand il en eut fini avec sa petite vantardise, ses lèvres se retroussèrent en un sourire mauvais et satisfait destinée à l'interlocutrice. La proximité du visage du garde, ainsi que l'insistance de son regard, ajoutait à son langage corporel quelque chose d'un peu dérangeant.

Le rapprochement qu'avait effectué le garde vers la rouquine durant sa racontade se volatilisa quand le bruit de bottes se fit entendre dans la coursive attenant à leur bureau. Le charme était rompu, Anton lâcha les yeux de la jeune femme et se remit au garde-à-vous. Il remit son regard sur l'héritière quelques fois, mais n'ouvrit plus la bouche, peu enclin à se retrouver le bouc émissaire de Labriolle et Glemser déjà particulièrement irrités. Une ou deux minutes passèrent ainsi, puis la porte se rouvrit. La situation s'était clarifiée entre les officiers, et la mission était acceptée. Derrière un Berndt Glemser livide et ses deux compagnons, Anton sortit en considérant une dernière fois la petite comtesse d'un regard étincelant.
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