Marbrume


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Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



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MessageSujet: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyDim 25 Aoû 2019 - 13:35




La Chope Sucrée
Fin juillet 1166


Tout ou rien avait changé. Cette phrase qui ne voulait strictement rien dire. On n’était pas à une contradiction près. Alaïs plissait les yeux dans l’ambiance compacte, étouffée et moite du bar. L’odeur diffuse de houblon, le plancher collant sous les assauts des bières renversées et la crasse des pochards aux bottes sales, les rires gras qui envahissaient l’espace. Non rien n’avait changé ici. Pourtant Alaïs ne reconnaissait personne. Ca ne l’aurait pas dérangée avant. Avant quoi au juste ? Elle finit par se résoudre à avancer dans la salle bondée de la Chope Sucrée. Des mois qu’elle n’était pas venue ici. Depuis cette nuit d’horreur lorsque la Fange avait attaqué le Goulot.

Pourtant tout était normal, banal, presque tranquille, ici. Rien ne persistait de cette épisode funeste. Elle ne comprenait pas. Peut être était-ce elle qui avait changé après tout. Elle avait bien du mal à sourire, le coin de ses lèvres lui semblait scellé de plomb. Elle était fatiguée, chose rare, avançant les épaules basses, le pas traînant. Alaïs l’acrobate, vaste blague. Et pourquoi était-elle là d’abord ? Peut être avait-elle besoin que personne ne la reconnaisse, que personne ne la regarde. Elle s’accouda au comptoir. Elle n’avait pas encore croisé Estelle, elle devait être occupée en cuisine. Était-elle là en cliente, ou en mendiante en quête de travail ? Elle ne savait pas. Lance un dé et le destin te le dira.

La serveuse circulait entre les tables ses bras chargés de plateaux, sans la remarquer. Elle n’avait pas soif, ça tombait bien. C’était donc ça, le vague à l’âme ? Elle se courba sur le comptoir, la tête entre les mains, et poussa un lourd soupir. Son regard suivait les lignes discontinues des rainures du bois sous ses yeux. Il lui semblait que c’était ça la vie. Réflexion des plus philosophiques. L’existence résumée là sur un plateau de bar. L’alcoolisme n’était pas loin. Elle revenait soudain sur son idée. Elle avait soif, très soif. Et puis d’abord qu’est ce que c’était que ce foutoir ? Elle n’était même pas ivre, que ça tambourinait déjà entre ses oreilles.

Elle tourna la tête, presque prête à griffer ou mordre, comme un chaton énervé. Il y avait un attroupement de types plus allumés les uns que les autres, se heurtant les épaules, tous tournés dans la direction d’un mur de la taverne. Etait-ce un nouveau culte à un dieu oublié ? Alaïs plissa le regard sans s’approcher. On entendait maintenant des rires et des cris scandés : “Merrick, Merrick !” Alaïs haussa un sourcil. Ce nom là lui disait quelque chose. Ce ne serait pas le nom de ce type qui trainait toujours au bar à zieuter la patronne pendant son service ? Ah ça lui revenait bien maintenant. Elle ne se souvenait pas pourtant qu’on scandait son nom comme pour glorifier les héros légendaires de Marbrume. Il était plus connu pour sa descente que pour ses remontées en flèche.

Malgré tout, ça l’intriguait. Le petit démon sur son épaule la poussa à quitter son trône de tristesse et se faufiler entre les ivrognes rassemblés non loin, tirant quelques exclamations outrées ça et là. Une large cible circulaire avait été installée contre le mur de la taverne. Le brave Merrick se tenait devant le groupe, tenant quelques minces couteaux entre ses doigts pour les lancer sur la cible. Quelques uns avaient touché assez honorablement le centre du cercle de bois, d’où les vivats. Les paris allaient bon train, égayant les faces rougeaudes des clients. “Merrick, Merrick !” Nul doute, Marbrume avait trouvé son sauveur. Merrick leva une main, comme pour intimer le silence à la foule, ajoutant quelque emphase à son geste. Puis lança le couteau qui fila droit sur la cible, suivi d’un fracas de hourras et d’accolades chaleureuses. Pour sûr, le protégé de la patronne avait fait quelques heureux, ce soir.

Alaïs pencha la tête, captivée par l’éclat des lames fichées dans le bois. Elle fit un aller retour entre la cible et Merrick. C’était une idée complètement folle. Ou pas ? On la bouscula. De nouveaux braves postulants au titre de héros venaient de poindre, et voulaient accéder à la gloire. Elle fut repoussée rudement de côté, et elle grogna, mécontente et ignorée dans son outrage. Et quand elle redressa les yeux en pestant, elle tomba nez à nez avec le visage pâle et délavé de Merrick qui la regardait en haussant un sourcil perplexe ou un peu imbibé. Elle fit un effort surhumain et décrocha un sourire éblouissant à l’intéressé.

“Eh salut Merrick !”

Le destin avait jeté les dés, et elle avait tiré un drôle de numéro.



Dernière édition par Alaïs Marlot le Mar 1 Oct 2019 - 18:09, édité 2 fois
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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyDim 25 Aoû 2019 - 20:33
Les souvenirs sont bien souvent les pires des tourments.

Cela faisait déjà presque trois mois que les événements tragiques ayant secoué Marbrume étaient passés. Cela faisait sept semaines qu’une partie du Goulot était devenu Chaudron, que la place des pendus avait laissé place à celle des chevaliers. Ironiquement, les pendus étaient toujours en plus grands nombre que les chevaliers en cedit lieu, alors que les forbans et malandrins courant les ruelles et venelles de la cité fortifiée ne manquaient pas, et que les héros harnachés d’acier de pieds en cape étaient introuvable, pléthore fâcheusement décimée sous les griffes des macchabées. Toujours est-il qu'au milieu du capharnaüm des contrecoups de l’offensive de la fange, au centre du tumulte des premiers instants, où la poussière des brasiers mortuaires retombait, et à la prémices du retour à la normale, rien n’avait changé. Du moins pour Merrick Lorren, l’ivrogne milicien devenu piètre coutilier.

De fait, même à l’aube d’un retour immuable à la routine, les cauchemars étaient toujours les mêmes, se jouant avec une malveillante répétition dans son esprit torturé. Violent, sanglant et mortel. pre, pugnace et acerbe. L’unique répit qui lui était offert dans cette mer d’horreur dans laquelle il baignait toutes les nuits était lorsque ses cauchemars se trouvaient entrecoupés de ses plus vieilles peurs, de ses plus vieux échecs envers sa famille. Ainsi, une part du jeune homme était encore arrimé à l’assaut sur le Goulot, prisonnier d’une situation infernale ou aucune échappatoire ne lui semblait possible ou offerte. Le point de rupture n’était jamais bien loin, la zone de non-retour le guettait avec une déliquescence toute morbide…

Toutefois, le perfide venin du houblon était encore à même de le rassurer pour un temps, de repousser la frayeur omniprésente qui s’emparait de son être. Ainsi, l’ivresse était le seul exutoire possible, bien que celui-ci est une fâcheuse tendance à ne plus être suffisante. En outre, difficile d’être toujours ivre avec la présence de deux femmes qui avaient leur mot à dire sur la situation. La première était logiquement Estelle de Chantauvent. Pour elle, l’homme d’armes ne pouvait être constamment une loque humaine. La seconde était Sydonnie de Rivefière. Sa sergente qui le surveillait très étroitement depuis sa montée en grade n’accepterait aucunement que son habitude à la surconsommation vienne nuire à son nouveau rang. Foutue noble entêtée et bornée, n’avait-il de cesse de se répéter…

Or, aujourd’hui tout était différent. Une certaine liberté planait sur lui, alors que le lendemain était -enfin- un jour de repos pour lui et ses hommes. Oui, penser à autrui au sein de la milice était tout nouveau pour Lorren. Probablement qu’il ne s’y habituerait jamais, alors que de parler de ses “miliciens” sonnait toujours aussi étrange en son for intérieur. Bref, qu’importe… Ainsi donc, Merrick se trouvait là où il était à son meilleur, là où il était tel un poisson dans l’eau; à la Chope Sucrée et au milieu d’une foule d’ivrognes hilare. Apte et en mesure de cacher ses sombres tourments, le coutilier souriait et parlait en offrant de grands gestes, aussi amples, farfelus que superficiel. N’hésitant pas à passer et repasser une main dans sa tignasse bien en place, le jeune homme était partout et sur tout les fronts, participant à l’ensemble des instants de plaisir du groupe qui se formait autour de lui. Pour autant, sous ce masque de gaieté forcé, son teint blafard, ses cernes violets et prononcés et ses yeux rougis de fatigue ne mentaient pas…

-”Eeeeeh, Lorren ! T’es coutilier maint’nant ? Viens nous montrer ça, haha...hips !” Éructa un habitué du débit de boisson, montrant des couteaux de lancer.

Souriant et trouvant que c’était une bonne idée tandis que s’était plutôt tout le contraire, Merrick Lorren, déjà plus que impacté par l’alcool, se dirigea vers lui pour participer au jeu guère avisé pour des hommes bancal, chambranlant et vacillant. “ Mon ami, j’en suis, moi, Merrick Lorren, le grand coutilier et héros de la cité de Marbrume !” Quelques encouragement et rire vinrent ponctuer cette tirade qui avait plutôt l’allure d’une bravade. Quémandant le silence d’un geste impérieux, tel qu’un gradé -bien que minime- de la milice se devait de le faire sur la masse de pécores, pensait-il, l’ivrogne se concentra pour faire son premier jet. Sans l’ombre d’un doute, ce fut une réussite, alors que la lame se fichait parfaitement dans la cible. Les vivats qui s’en suivirent démontrèrent qu’il avait réussi. “Je suis Merrick Lorren !” Mieux valait le répéter, pour que tous s’en souviennent, évidemment… “ J’étais devant le roi lorsqu’il posa son genou à terre, devant nous !” C’était peut-être la centième fois que l’histoire était racontée par Merrick, mais encore là, ce n’était pas la cent-unième fois qui poserait problème, non ? “Je fus un tireur d’élite lors de l’offensive, abattant fangeux sur fangeux ! Tchac, tchac et tchac !” Continua-t-il en mimant un archer en train de tirer. "...Alors, le couteau de lancer est un vrai jeu d’enfant pour moi !” Vidant sa chope d’un trait, la laissant retomber bruyamment sur la table à ses côtés, l’ivrogne s’empara rapidement d’une nouvelle lame et relança l’arme pour prouver ses dires, visant le centre de la cible.

(jet de dés effectué)

Une grande part de chance l’aida sans l’ombre d’un doute. La lame retourna se ficher dans la cible, en un bruit sec. Les vivats furent les mêmes que précédemment, tandis que la foule s’époustouflait devant autant de précision d’un homme qui n’était en réalité guère meilleur que la moyenne. Or, confiant à outrecuidance et narcissique à souhait, Merrick n’avait jamais douté de sa réussite. Haussant les épaules avec lenteur comme si l’action était normale et anodine, l’homme d’armes eu une moue de suffisance avec de dresser un grand sourire à la cantonade et d’ouvrir les bras en grand. “Tentez de faire mieux, bande d’ivrognes !” Sur cette entrefaite, des mains et des doigts volèrent en direction des armes pour destituer de son piédestal celui qui n’en descendrait pas de lui-même. Laissant les devants de la scène à ces nouveaux prétendants au titre, Lorren tenta de se frayer un chemin au travers de la masse humaine pour retrouver un peu de quiétude pour son esprit alangui par l’alcool et les spiritueux en tout genre.

Or, contre toute attente, il se retrouva devant une jeune femme qui lui rappelait quelqu’un sans qu’il puisse définir qui elle était. Cette dernière, le salua de son prénom, alors que lui n’arrivait pas à se souvenir de son existence… Fronçant des sourcils, en quête d’un souvenir qui lui échappait, Lorren finit par abandonner cette quête de remémoration futile et bien vaine. Après tout, il était évident pourquoi elle se trouvait là, avec son grand sourire, devant le héros du Goulot… “Navré, mademoiselle. Je suis déjà casé.” Avant qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, si l’idée lui traversait l’esprit, il dressa une main pour la couper. “Oui, oui, je sais. C’est difficile à imaginer, à se faire à l’idée. Mais malheureusement, c’est bien vrai.” Puis hochant la tête sous les auspices d’une moue qui se voulait compatissante; “Vous êtes très belle, je dois le reconnaître. Vous n’aurez aucun mal à vous trouver un autre soupirant. Sans le moindre doute ! Sur ce, si vous voulez bien m’excuser…” Évitant sa présence sur une pirouette, le coutilier la dépasse avant de se figer net. Mais oui, il la reconnaissait !

Se retournant rapidement, attrapant Alaïs par les épaules, il lui offrit un énorme sourire, la brassant peut-être un peu trop énergiquement. “Mais oui, la petite Marlot ! Vous êtes vivante !” Dit-il en riant. “Je suis content de voir que vous n’avez pas fini comme l’autre serveuse...enfin.” Coupa-t-il plus rapidement, tandis que son visage s’assombrissait. Puis redevenant gai en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, fortement aidé par l’alcool ingurgité, le coutilier poursuivit: “Estelle va être heureuse de voir revoir, je n’en ai pas le moindre doute !” Tournant la tête rapidement de droite à gauche, en quête de la propriétaire de l’établissement, Merrick finit par avoir le tournis suite à ses mouvements un peu trop prononcés. Tanguant sur place, se retenant aux deux épaules d’Alaïs qu’il tenait toujours, Lorren réussit à ne pas vaciller vers l’arrière. "...Mais avant, je...je crois que je...je vais avoir besoin d’un peu d’air frais.” Se passant une main dans la chevelure, déplaçant plus de cheveux qu’il n’en replaçait sous l’attaque de ses doigts gourd et malhabile, le piètre milicien fit un signe de la main à Alais pour qu’elle le guide littéralement vers l’extérieur, le calme et l’air frais de cette nuit de juillet.

-” Après vous, mademoiselle !” Loin d’être une courtoisie et une preuve de civilité, Lorren nécessitait plutôt de l’aide pour atteindre la sortie sans finir malade. Or, trop fier pour l’affirmer et quémander une quelconque aide, Merrick Lorren préféra laisser la chance à la jeune femme de faire preuve de bonté, camouflant ce stratagème sous une fausse politesse...

Oui, le coutilier était un vrai idiot.
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyLun 26 Aoû 2019 - 12:10
Le héros de Marbrume était passablement saoul. Il lui avait soufflé dans la figure un relent de vinasse mêlé de houblon qui aurait probablement déclenché un incendie à la moindre étincelle. Elle avait ouvert la bouche pour protester, puis s’était raidie à l’adjectif “petite” - qu’il était difficile pour une personne de taille “modeste” d’être qualifiée autrement que par rapport à sa distance avec le sol - s’était vaguement débattue quand il l’avait empoignée par les épaules pour la secouer comme un prunier - et s’était finalement résignée à le tracter plus qu’à le guider vers la sortie. Elle craignait sérieusement pour ses bottes à la couleur qu’il arborait et au tangage plus que menaçant dont il semblait victime. Elle avait encore eu là une riche idée, vraiment, très inspirée.

Mais quelque part la Vipère habilement cachée en son fort intérieur était patiente, infiniment patiente, évaluant les possibilités, jaugeant des opportunités que le destin dressait sur sa route, aussi incongrues semblaient-elles. Elle avait entendu la mention de “coutilier” quelque part dans les vivats. L’homme avait donc été fraîchement promu. Et du reste, il avait tout de même l’avantage d’être toujours vivant, ce qui en soi faisait un argument de poids en sa faveur. Elle se demandait tout de même ce qui avait bien pu mener le piètre milicien à une telle ascension, le détaillant du coin de l’oeil tout en franchissant les portes de la taverne. Elle avait l’habitude d’être douée pour deviner les gens en les observant assez longuement. Et elle avait beau scruter Merrick, elle ne voyait pour le moment qu’une silhouette un peu mince, écrasée par l’ivresse, un regard torve que l’alcool illuminait de manière artificielle, et un teint passablement maladif qui lui paraissait de mauvais augure pour les minutes qui allaient suivre.

Elle le dirigea donc prudemment vers un recoin pas trop sombre, qu’il n’aille pas se faire des idées, inopinément bien orienté vers un parterre encadré de quelques pierres qui avait dû autrefois accueillir des fleurs ou quelques plantes d’agrément et qui désormais pourrait bien faire office d’un seau d’aisance de circonstance. Une fois rassurée quant au destin de ses propres bottes, elle se frotta la nuque tout en fixant le jeune homme. Etait-ce vraiment judicieux ? Il y avait fort à parier qu’il aurait tout oublié de leurs échanges d’ici au lendemain, voire de s’endormir au milieu de la conversation, auquel cas elle l’abandonnerait là où il était sans se retourner. L’homme avait déjà le poids d’un âne mort sur son épaule, elle n’allait certainement pas se briser l’échine pour le ramener à l’intérieur. Mais pour l’instant, elle devait lui reconnaître qu’il tenait le coup et gardait les yeux vaguement ouverts. Il menaçait néanmoins de l’abandonner en cours de route, si elle ne se décidait pas rapidement à se rappeler à son attention fluctuante.

“Ca fait un bail, dis donc ! Rien n’a changé ici, on dirait… Sauf pour certains, pas vrai ?” Petit sourire goguenard, un brin canaille. “Alors comme ça, tu vas faire de la patronne une honnête femme ? C'est pour quand ? Faudra m'inviter à la noce ! Je pourrais même amuser les convives, si vous voulez !” Elle esquissa un sourire espiègle mêlé d’une pointe de flagornerie avant de poursuivre. “Et coutilier avec ça, de ce que j’ai entendu ! Décidément, t’en rates pas une ! Je ne te savais pas si doué pour jouer du couteau ! C’était vraiment impressionnant, ma parole ! Où est-ce que tu as appris à faire ça ?” Elle en faisait peut être un poil trop, mais elle avait comme dans l’idée que Merrick n’y verrait qu’un éloge sincère de sa personne. Elle évalua de nouveau l’état du coutilier à la fin de sa petite tirade et ajouta. “Comment ça va ? L’air frais te fait du bien ? La nuit est jeune, c’est pas le moment de nous lâcher !”. Et d’un geste large elle désigna la rue vidée de ses habitants, seulement traversée par un chat craintif et malingre qui poursuivait une proie plus grosse que lui.
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyLun 26 Aoû 2019 - 20:38
C'est sans rechigner, ou bien s’appesantir sur son état plus que déplorable qu’Alaïs Marlot accepta de lui apporter son secours pour sortir du four qu’était devenue la Chope Sucrée. En outre, la jeune femme n’eut même pas l’audace, ou bien l’envie de perdre son temps, à réfuter les prémices de son allocution, tandis qu’il l’avait présentée comme une fillette en quête de son premier ébat, épris de l’héroïsme pur dans lequel Merrick Lorren se drapait lui-même. La jeune femme s’était-elle assagie entre temps, ou avait-elle toujours été ainsi, à laisser couler et ne pas relever ces hérésies avinées et houblonnées ? Au final, le coutilier ne pouvait pas réellement le dire, ne connaissant pas assez sa vis-à-vis, mais surtout, n’ayant pas l’esprit assez clair pour déchiffrer les méandres du manque de réaction explosive de sa sauveuse.

Car oui, la Marlot avait de quoi être caractérisé de sauveuse. Véritable bouée de sauvetage sur laquelle l’ivrogne était affalé, la blonde était le moyen le plus sûr pour que Lorren soit en mesure de crever les flots d’ivrognes, de ribaude et de débauche dans laquelle la Chope Sucrée nageait actuellement. Grâce au support de l’ancienne serveuse de l’établissement, le naufragé qu’il était, perdu sur la mer de l’ivresse, pourrait retrouver un tant soit peu le calme et l’air frais de l’extérieur, et peut-être, garder le contenu de son estomac en place, alors que la houle le faisait plus que tanguer dangereusement.

Peut-être…

Se focalisant sur sa démarche plutôt que sur l’étalage d’une quelconque conversation qui serait difficilement audible dans le brouhaha incessant de l’établissement, le duo réussit à trouver un point de chute à l’extérieur, pas trop loin de l’entrée de l’auberge, mais tout juste assez pour que les sonorités de l’endroit soient en partie étouffées par les parois de l’établissement. Soufflant et ahanant sous un mauvais coup de son foie et de son estomac, Merrick se laissa tomber sur le banc, attrapant sa tête entre ses mains et cachant son visage son sa chevelure. Le visage obstinément tourné vers le sol et non vers sa partenaire, l’ivrogne suivit tout de même les dires de celle-ci.

-”Ça fait un moment, en effet…” Que dire de plus ? C’était la stricte vérité. D’ailleurs, il était lui-même curieux de comprendre et de savoir pourquoi cette dernière avait disparu ainsi, du jour au lendemain. Mais pour le moment, l’heure n’était pas aux interrogations. C’était à Alaïs de mener l’échange, après tout. D’un coup, Merrick se redressa, aussi bien de corps que d’esprit. Se levant et retrouvant l’appui du sol sous ses pieds, le coutilier plongea son regard dans les yeux de sa sauveuse. La manoeuvre fut effectuée avec moult vacillements, mais Lorren réussit tout de même à tenir debout, plus droit que fier. “Elle était déjà une honnête femme !” Oui, bon. En quelque sorte, non. Mais à ses yeux, oui. Oui, bon. Ce n’est pas très clair tout ça, mais pour l’ivrogne, le tout était limpide. Logique. "...Le mariage ? C’est pour bientôt...je crois…?” Hésitant quant à la suite, interdit et indécis quant à savoir si le mariage aurait réellement lieu avec l’ensemble des éléments néfastes qui leur incombaient, l’homme d’armes ne pouvait que rester évasif, terminant sa réaction quelque peu exagérée sur un haussement d’épaule aussi amère que défaitiste.

Croisant les bras, le regard de Merrick Lorren s’illumina différemment à la suite des mots d’Alaïs. Chez le jeune homme, il fallait comprendre deux choses. Premièrement, il était un habitué de l’état second dans lequel il baignait -ou plutôt était imbibé. Dès lors, Merrick se trouvait être en mesure de rester un peu plus concentré que la moyenne sur la réalité en elle-même. Deuxièmement, son réel penchant, sa véritable “drogue” n’était en aucun cas l’alcool qui n’était qu’un exutoire. C’était plutôt le dialogue, la lutte des mots au détriment des maux physiques. Ainsi, commençait-il à flairer un début de débat ou d’échange intéressant. Ainsi, se faisait-il violence pour être concentré et prêt à dialoguer un minimum. “Merci, et pour être tout à fait honnête, je ne le sais pas trop moi-même.” En effet, Lorren avait lancé à quelques reprises des couteaux, sans jamais en faire un entraînement véritable. Sans l’ombre d’un doute, c’était plus la chance que son talent qui avait fait voltiger ses lames.

Puis, jouant à l'effarouché, faisant mine de se rebiffer à la suite des mots de la Marlot, Merrick secoua la tête négativement. “ Pour qui me prenez-vous mademoiselle ? Pensez-vous réellement que moi, Merrick Lorren, est en mesure de vous lâcher alors que la soirée ne fait que commencer ?!” Comme pour donner écho à ses paroles stupide, le miaulement fêlé d’un chat errant vint supporter ses dires aussi insipides que stupide. “ Personne ne me verra plus flancher !” Dit-il en vacillant. Puis, se passant une main dans la tignasse, geste narcissique à souhait, le coutilier perdu de son bagout au profit d’un ton nettement plus sérieux.

-”Alors, qu’est-ce qui te ramène enfin par ici, Alaïs ?” Sourire torve en coin, visage penché sur le côté et bras toujours croisé, le milicien attendait. “ Nous te pensions morte. C’est...Estelle qui va être heureuse de savoir le contraire, alors que tu laissais plutôt présager l’inverse par ton absence...Si plutôt elle ne se montre pas excessivement fâchée par ta disparition.” Petite piqure à peine dissimulée. Haussant les épaules et faisant un geste fugace de la main, le milicien continua. “ Mais ton retour pourrait m’être utile…” Son esprit embrumé et aviné fonctionnait au ralenti, mais aussi à plein régime pour enchaîner deux pensées, pour tenter d'imbriquer ensemble des parcelles de réflexion. “ De plus en plus de clients de la Chope Sucrée finissent par se faire voler. Que ce soit lors de la soirée ou après, je ne suis pas en mesure de le dire. J’aurais besoin de quelqu’un pour ouvrir les yeux…”

À la fois mission sous l’égide de ses fonctions, mais aussi impératif pour le bon fonctionnement de l’établissement qui appartenait à la femme qu’il allait probablement, potentiellement et hypothétiquement marier, Merrick voulait ramener la situation à un état de stabilité le plus rapidement possible. “ Si tu m’offres ton aide, je pourrais peut-être m’assurer qu’Estelle soit clémente ? Et puis, si le tout se termine positivement, je pourrais probablement te rendre un petit service en retour, non ?”

Après tout, sur le coup, cela lui sembla logique. Que voudrait une jeune fille de toute façon ? Un conseil d’une personne hautement avisé, un coup de pouce pour charmer l’élu de son coeur ? Oui… ça risquait d’être cela, pensa-t-il en souriant. Évidemment, fier de ce qu’il ficelait, Merrick Lorren n’avait aucunement conscience qu’il avait tort sur la finalité de ce possible échange de bons procédés. Après tout, Alaïs Marlot cachait peut-être bien son jeu, mais la blonde risquait de vouloir bien plus que des fadaises aussi superflues qu’inutiles… mais ça, ça restait à voir !
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyLun 26 Aoû 2019 - 22:39
La Vipère sentait un filon, au gré des élucubrations quelque peu vacillantes de Merrick. Le jeune homme s’était relevé si soudainement à la mention du mariage qu’Alaïs avait craint de devoir le rattraper au vol avant qu’il ne goûte le pavé. Mais le jeune homme maintenait le cap, vaille que vaille, telle une boussole cassée mais hyperactive. Et si elle ne fit que sourire avec son espièglerie habituelle à ses approximations concernant son futur statut d’homme marié respectable, elle sentit bien quelque chose poindre sous son regard aviné, quelque chose qui ressemblait à… du souci ? Ou quelque chose d’approchant. Elle n’en était pas bien sûre et la sensation avait été si fugace qu’elle semblait presque illusoire, un instant plus tard.

Voilà maintenant qu’il semblait s’intéresser à elle, et ce qu’elle avait bien pu faire les mois où elle s’était absentée. Elle en haussa les sourcils de surprise, peu habituée à ce qu’on se soucie le moins du monde de là où elle traînait ses guêtres. Après tout Merrick et Estelle n’étaient ni des proches, ni vraiment des amis, tout juste quelques relations tissées dans des circonstances assez misérables, et elle se surprit elle-même à sentir comme une pointe d’émotion alors qu’il fixait ses yeux sur elle assez longuement pour lui témoigner de l’intérêt. Aussi, elle répondit un peu plus sérieusement, se dépouillant brièvement de son air canaille.

“Eh bien, le soir de l’attaque… j’ai un peu paniqué, je dois bien l’avouer… J’ai couru et je me suis perdue, et j’ai fini par atterrir dans le Goulot… Une sacrée nuit d’horreur, ça oui… Mais j’ai rencontré mon ami Kryss, c’est un saltimbanque. On a réussi à survivre, je ne sais trop comment, un vrai miracle ! Et puis, il m’a proposé de rester dans sa troupe, alors je l’ai suivi... Puis, j’ai fait quelques affaires par ci par là… Tu sais comment c’est, il faut bien gagner sa croûte !” Elle se faisait un peu plus évasive sur les moyens qu’elle avait dû employer pour y parvenir, et comptait un peu sur l’état de concentration fluctuant de Merrick pour passer outre ces petits détails de pure convenance.

Elle hésita quelque peu sur la suite, et finit par s’assoir à côté du milicien en fixant le ciel étoilé en laissant passer un silence “Pour ce qui m’amène ici… Eh bien, je ne sais pas trop. Je reviens du Labret… Mon père… Bref. J’étais dans le quartier de la caserne après le retour du convoi, alors je me suis dit que je pourrais passer par ici… Donner des nouvelles, quoi.” Elle fixa un regard doux teinté de tristesse sur lui, l’espace d’un instant, comme s’il pouvait la voir à travers la brume alcoolisée qui l’entourait avec une persistance qui confinait à l’acharnement. “Je ne savais pas qu’Estelle se faisait du souci, loin de moi l'envie de lui en donner, ma foi. J’étais sûre qu’elle aurait d’autres chats à fouetter que de s'inquiéter d’une serveuse de passage ! Et pas très douée avec ça !” Elle étira de nouveau un sourire canaille, ne rechignant jamais à un peu d’auto-dérision. C’est vrai qu’elle n’avait pas brillé particulièrement à servir les commandes, s’embrouillant régulièrement dans son service, tête en l’air qu’elle était.

Elle reprit finalement avec sa gaieté coutumière “Enfin, je trouverais bien le moyen de me rattraper, pas vrai ? Des vols tu dis ? Oh je vois ce que c’est…” Elle le voyait fort bien même. Elle passa une main dans sa nuque et rit à la proposition qu’il lui fit ensuite. “Mais… Merrick, c’est pas toi le milicien de nous deux ?” Elle rit un peu plus, se figurant le tableau. La voleuse qui enquêtait pour le service du milicien poivrot. Il était vraiment doué ce Merrick, c’était peu de le dire ! Elle l’écouta jusqu’au bout cependant, sentant se rapprocher quelque chose d’un peu plus alléchant. Mais elle en fut quitte pour une première déception.

Comme si le courroux d’Estelle lui infligeait quelque tourment… “C’est pas plutôt toi qui as peur de te faire remonter les bretelles si tu n’arranges pas ça rapidement, hein ?” Elle ne pouvait s’empêcher ce petit trait moqueur, sachant bien que le concerné lui vendait de la poudre de perlimpinpin en échange de ses efforts. Avant qu’il ne se rebiffe, elle leva une main en signe d’apaisement. “Mais t’as de la chance, j’ai pas spécialement de boulot en ce moment. Je pourrais bien te filer un petit coup de main… Et puisque tu parles de service... Eh bien moi, je veux apprendre à me défendre. Physiquement, je veux dire. Avoir une dague c’est bien, mais savoir s’en servir, c’est mieux. Tu dois bien pouvoir m’apprendre ça, toi, non ?” Elle lui adressa un sourire lumineux, non dénué d’une certaine insolence, qui comptait sur la chance autant que sur sa gouaille naturelle.

“Après tout, quand on est fraîchement promu coutilier, un homme respectable, le grand héros de Marbrume même, on doit bien avoir quelques petits tours dans sa manche. Et moi, c’est ça que je veux.” Elle avait abattu ses cartes comme ça, l'air de rien, sans se soucier d’un potentiel refus, et patienta tranquillement le temps que l’information remonte dans les méandres tortueux de l’esprit du milicien.
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyMar 27 Aoû 2019 - 18:27
Merrick Lorren l’écouta. Du moins, fit-il l’effort d’essayer. Après tout, bien que la volonté soit présente, l’effort était subséquent pour un individu aux prises à une lutte effroyable contre son estomac, belligérant vilipendant criant et grognant son mal-être. La rixe était âpre et ardue, comme l’écoute des élucubrations d’Alaïs Marlot. Pour autant, le coutilier réussit à suivre en partie l’histoire des derniers événements qui caractérisait son existence. Car oui, Lorren n’en avait pas rien à faire. Oh, ce n’était pas qu’il était réellement épris d’un quelconque sentiment pour la jeune femme devant lui. Il ne la connaissait guère, au final. Toutefois, il connaissait suffisamment Estelle de Chantauvent pour savoir que la disparition de cette dernière avait eu de quoi l’inquiéter. De fait, la dernière serveuse de la Chope avait fini assassinée de façon aussi morbide que macabre par une de leur vile connaissance… Martin, un tueur prenant plaisir à dévorer ses victimes.

Ainsi, lorsque Alaïs était disparue durant l’offensive des prédateurs de l’humanité, le duo s’était demandé si elle était réellement morte des griffes de la fange, ou si c’était plutôt le monstre qui les guettait comme des proies qui venaient de leur arracher une nouvelle connaissance. L’ivrogne avait rapidement réussi à faire fit de ce bref sentiment de culpabilité. Or, cela avait probablement été plus difficile et dur pour la propriétaire de la Chope Sucrée. Après tout, son empathie était aussi développée que l’égo de Lorren. Hochant la tête à la fin du bref monologue de la Marlot, pinçant les lèvres il finit par prendre la parole. “ Dans tous les cas, heureux de te savoir vivante. C’est ça l’important !” C’était vrai. Mais pour qui ? Pour lui, ou pour le bonheur de la Chantauvent ? Est-ce que Merrick Lorren pouvait réellement être une bonne personne un de ces jours…? Dur à dire.

-” Oh, elle ne le dira peut-être pas, mais avec ce qui est arrivé à la serveuse avant toi… enfin. Je suis convaincu qu’elle sera contente de te savoir en pleine forme.” Puis, alors que la conversation devenait à ses yeux beaucoup trop sérieuse, pour lui, l’ivrogne aimant les beaux discours, mais peu l’ouverture des mots en direction des sentiments, Merrick réajusta pour retourner se perdre sur le ton de l’humour. “ Par contre, c’est vrai qu’elle a beaucoup de chat à fouetter et un homme d’armes en particulier à surveiller. Il a tendance à souvent se mettre les pieds dans les plats, alors…” Haussant les épaules, vacillant et souriant, il se passa -encore- une main dans les cheveux.

Alaïs suivit ce retour aux sources de leur conversation, en renouant avec sa gaieté coutumière. Hochant la tête et grognant sa satisfaction, le milicien déposa ses mains sur ses hanches, prenant une position qu’il jugeait comme pleine de confiance plutôt que de suffisance. Toutefois, son allure et son ivresse minaient quelque peu le résultat final, alors que son équilibre était plus que précaire. Qu’importe, lui n’en avait pas conscience. Ainsi, le dialogue s’enchaîna sur son besoin d’une aide extérieure pour attraper le coupable de vol dans ou aux alentours de l’établissement qui avait pignon sur la place des chevaliers. “Évidemment que c’est moi le milicien !” Puis, se tapant le front du plat de la paume, réajustant en n’ayant pas conscience qu’elle le savait parfaitement, alors que l’alcool lui avait fait oblitéré de son esprit que l’information avait déjà été dite à mainte reprise. “J’ai été nommé coutilier !” Oui, la fierté transparaissait dans sa voie. Une fierté qui avait tendance à s’effriter lorsque l’ivresse n’était pas au rendez-vous, lui qui vivait l’enfer, surveillé par sa sergente.

-“ Je suis plus que connu par ici, Alaïs.” Commença-t-il avec morgue et suffisance. “Tout le monde connaît ma relation avec la patronne et ma profession. Milicien ou non, je n’ai aucune chance de trouver le coupable, bien que mon rang me l’ordonne.” Pour une des rares fois depuis le début de la soirée, la prise de parole de Lorren n’allait pas en tout sens et couvait une certaine once d’intelligence. En effet, le voleur n’avait que très peu de chance de dévoiler ou d’agir lorsque l’homme d’armes était présent ou à promiscuité. D’où l’importance d’avoir une aide extérieure, une aide provenant d’une jeune fille qui semblait dénuée de toute velléité d’arrêter un criminel. “Moi, avoir peur de me faire remonter les bretelles ? Impossible ! Je suis sans peur et sans reproche !” S’était plutôt le contraire, habité par une pléthore aussi conséquence de peur et de reproche possible…

Puis, sur le ton de la confidence, se penchant vers l’avant le regard illuminé par l’amusement et l’attrait de la plaisanterie: “Ce n’est pas encore une mission officielle. Je ne fais que réagir en amont. Et puis, ce n’est pas la dame de Chantauvent qui risque de me punir…je crois que je l’ai à la bonne !” Termina-t-il sur clin d’oeil goguenard, puis un hochement de tête convaincu. Probablement que si la patronne entendait ça, Merrick n’afficherait pas autant de confiance et de bagout autant crasse que puéril. Toutefois la suite eut le mérite de le désarçonner au plus haut point.

De fait, alors que Merrick Lorren s’était attendu à avoir une demande hautement superflue de la part de la Marlot en échange de son aide, la jeune femme le surprit en demandant de l’aide pour apprendre et être formée aux rudiments de l’autodéfense. Se rendait-elle compte qu’elle ne demandait pas à la bonne personne ? Oui, bon. Le coutilier était nettement en mesure de lui apprendre les bases et de lui fournir un semblant de formation à même de la tirer de mauvais pas. Toutefois, il ne pouvait se qualifier de “maître d’armes”. Enfin, un apprentissage de quelques manoeuvres ne serait rien de bien compliqué, même pour lui. “ Marché conclu.” Ne fit-il que dire, la regardant sous un jour nouveau, sans sourire moqueur ou taquin et avec un froncement de sourcil à peine perceptible. Avait-il mal cerné Alaïs ? Très probablement. L’ancienne serveuse cachait très bien son jeu. À lui de s’en méfier, désormais.

Sans plus d’ambages, Merrick dressa la liste de ce qu’il savait, des prémices de piste qu’il avait. “Lissandre est l’un des clients qui se sont vu voler sa bourse. Difficile pour moi d’aller le questionner, notre relation est loin d’être au beau fixe…” De fait, l’habitué avait -et continuait- à tenter de charmer Estelle. Les deux hommes avaient eu une rixe verbale de longue haleine lorsque Merrick était arrivé dans le décor et avait commencé à prendre l’ascendant sur son rival. Aujourd’hui, tous deux s’évitaient alors qu’ils étaient encore en plus que mauvais termes. Désormais, la furie de la Chantauvent était trop effrayante pour que la lutte dépasse le simple regard haineux.“Peut-être pourrais-tu voir avec ce dernier s’il peut te donner des informations ? Je pourrais questionner l’autre personne sur ma liste…” Puis haussant les épaules. “Par la suite, il faudra garder les yeux ouverts et tenter de trouver le coupable. Rien de plus simple !” Mentit-il éhontément.

Puis s’étirant: “ Mais tout ça, ça pourra attendre demain soir. Si je ne m’abuse, je ne suis guère en état…à demain avant l’ouverture du soir, détective Marlot !” Termina-t-il l’entretien sans se retourner.

À ce rythme et à cette heure, l’unique chose qui attendait Merrick Lorren était les bras de Morphée… Ou plus qu’il se risquerait, pour le meilleur, mais surtout le pire, à se perdre de nouveau dans la masse d’ivrognes hilare. Car après tout, toutes les cours avaient besoin de leur roi pour fonctionner. Et dans cette pléthore de pécore avinée, Merrick Lorren était probablement le plus emblématique, malheureusement pour lui. Sans l’ombre d’un doute, le mal de tête le guetterait au tournant. Mais le coutiler n’en ferait qu’à sa tête, s’abrutissant à nouveau pour oublier, encore et encore…
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyMar 27 Aoû 2019 - 22:51
“Marché conclu” C’étaient ses propres mots. Il n’avait même pas cherché à discuter, ce qui fit hausser les sourcils à Alaïs. Elle doutait un peu de la parole de l’ivrogne, l’expression ne tirait pas son inspiration de nulle part, et elle lui empoigna la main pour la serrer fermement, scellant l’accord qu’elle ne tarderait pas à lui rappeler s’il venait à l’oublier. Elle avait suivi son verbiage titubant avec patience et un léger sourire goguenard, attendant simplement qu’il accepte ou non sa part du marché. Ainsi, il commença à lui raconter ses affaires, et ils entrèrent dans le vif du sujet.

S’il s’agissait de vol à la sauvette, il y avait peu de chance que les clients aient quoi que ce soit à raconter. Le voleur agissait vite et bien, justement pour ne pas se faire remarquer. D’autre part, il ne suivrait aucun schéma particulier, frappant d’opportunité en opportunité, sans se soucier de ses victimes. Mais elle était prête à perdre quelques minutes de conversation avec ce fameux Lissandre, avec qui Merrick disait qu’il n’était pas en très bons termes. Nul doute que l’homme savait se faire des amis autant que des ennemis, ainsi allait le quotidien des piliers de comptoir. Il suffisait parfois d’une partie de cartes et d’un mauvais perdant pour déclencher une série de vengeances et de revanches dans un cycle sans fin.

“Très bien, j’irai voir ton Lissandre demain soir, mais n’espère pas tirer grand chose de lui. Ce genre de vol laisse peu de traces en général.” Elle parlait d’un ton badin, presque anodin, mais elle commençait à s’inquiéter de savoir si elle devrait courir après un ami ou un concurrent. Quoi qu’il en soit, elle n’avait pas eu le temps de voler ces gens là, et ça c’était tout de même une bonne nouvelle. De toute façon, elle n’aurait jamais porté préjudice à la tenancière en détroussant ses clients. C’était malvenu de mordre la main qui se tendait vers vous. Elle se demanda si son code d’honneur ne l’obligerait pas à laisser une petite marge de manoeuvre au voleur de ces gens tout de même, ou si au contraire, elle se devait d’éliminer tout rival de sa profession. Quoi qu’il en soit elle était à la fois, la pire et la mieux placée pour accomplir ce que Merrick appelait une “mission”.

Encore quelques indications et il s’éclipsait déjà, ou zigzaguait vers l’intérieur de la taverne, abrégeant leurs échanges en la qualifiant de “Détective Marlot”, une première. Elle roula des yeux, plus affligée qu’autre chose, et repartit dans l’autre sens en direction du Goulot, sans même avoir bu une bière.

***

Le lendemain soir, elle refit son apparition tel un diable sortant de sa boite, et constata que la foule était toujours aussi dense à la Chope. Nul doute que les voleurs à la sauvette se feraient un plaisir de passer ici. L’ambiance légèrement embrumée, les lumières tamisées, il n’y avait qu’à se pencher pour ramasser les bourses qui trainaient imprudemment. Alaïs parcourut machinalement la foule du regard, à la trace d’un individu qui pourrait ressembler à un confrère.

(Jet de dés)

Elle fixa un bon moment la foule, adossée au chambranle de la porte, prenant son temps. Et soudain, son échine se hérissa instinctivement. Oh oh. Elle fut tentée de rebrousser aussitôt, mais l’individu ne l’avait pas encore remarquée. Il s’agissait du type qu’elle avait flouée au marché quelques mois plus tôt, se montrant plus habile que lui à détrousser les passants. Le voleur l’avait coursée avec sa bande dans la rue, jusqu’à la retrouver dans une taverne en compagnie de son ami contrebandier. Karl avait réussi à faire décamper les gredins en fin négociateur qu’il était mais ceux-ci s’étaient montrés très clairs à ce sujet : si Alaïs se retrouvait une nouvelle fois sur leur territoire, elle le paierait cher. Elle avait pris la menace très au sérieux, et quand bien même on n’était pas dans le Goulot, il y avait peu de chance que l’argument pèse dans la balance aux yeux des voyous.

Pourquoi fallait-il que ce soit ce type là en particulier, à cet endroit précis ? Si elle était davantage portée sur la religion, elle jurerait que Rikni se moquait de la Vipère. Elle baissa la tête et se faufila jusqu’à trouver Merrick, toujours accoudé au comptoir, pour changer. Elle lui saisit la manche, passant les formalités d’usage :

“Désolée Merrick, mais ça va pas être possible.”

Une lueur anxieuse avait traversé son regard. Elle pouvait profiter de l’occasion et dénoncer son larron, mais qu’est ce qui l’empêcherait de la retrouver ensuite pour lui faire payer son cafardage ? De plus, il pourrait toujours parler et la dénoncer à son tour, ce qui n’était pas du tout pour lui plaire. Non, il fallait savoir quand négocier un repli stratégique et c’est exactement ce qu’elle comptait faire.

HRP:
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyLun 2 Sep 2019 - 19:26
Tout était dit, la soirée s'en allait en direction de son dénouement, non pas vers l'ébauche d'une débauche déjà bien actée, mais plutôt vers la finalité de cette soirée fortement avinée. Exutoire, temps d'arrêt des tourments, l'ivresse était l'unique support pour Merrick Lorren, le coutilier chancelant qui s'éloignait en quête de sa chope laissée trop longtemps au loin. Chaque chose arriverait en son temps. Ce soir, il oublierait. Demain, il réglerait le cas de ce perfide voleur qui venait jeter l'opprobre sur la Chope Sucrée. Du moins, si l'ivrogne s'en souvenait encore et si son mal de crâne était supportable...

◈ ◈ ◈

La journée fut difficile pour Merrick. Non pas à cause de ses tâches lui incombant, plutôt rapidement dévolu à autrui par le gradé, mais bien à cause de ce mal de crâne qui devenait une fâcheuse constante. Regrettant amèrement l'excès à chaque aurore, le jeune homme ne manquait tout de même aucunement de s'enivrer lorsque le crépuscule commençait à apparaître. Bien que grognon, plaintif et bougon face à ces réveils difficile, l'élancement de son crâne et les plaintes de son corps étaient nettement moins terrible que les maux de sa conscience et de son esprit. Dès lors, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Lorren acceptait ces moments difficiles pour en éviter des pires une fois la nuit arrivé.

Or, cette fois-ci, il fallait se faire une évidence: l'exagération à lever le coude d'hier le faisait nettement plus peiner qu'à l'accoutumée. La gorge asséchée comme un vieux parchemin depuis longtemps oublié le tiraillait, alors que le sang battant à ses tempes le vrillait au supplice. C'est tel une loque humaine que Merrick traversa de peine et de misère la journée, se retrouvant tout de même attablé au comptoir le soir venu. Ainsi, alors que les festivités battaient leur plein, le milicien avait le front appuyé sur le comptoir, la main enserrant une chope, certes, mais rempli d'une eau cristalline et non d'un alcool ambré à même d'embrumer son esprit. Même lui devait parfois s'avouer vaincu. Ce soit, il n'y aurait pas d'alcool.

Ou très peu...

C'est ainsi ployé et prostré qu'Alaïs Marlot vint le quérir. Merrick n'avait pas oublié la jeune femme -un exploit- ni leur conversation d'hier. Cependant, pour le moment sa conscience était ailleurs, tandis que la lutte qu'il menait était trop abrasive pour que son esprit torturé se focalise sur leur quête de mettre la main sur le coupable des larcins grognant au début du babillage de la petite blonde, le coutilier laissa sa tête roulée pour lui couler un regard au travers de ses cheveux en bataille. La joue désormais appuyée sur la surface froide de bois, l'œil bleu rougi, Merrick resta silencieux pendant un certain temps.

-"Il se passe quoi là, Marlot ?" Dit-il en grognant à moitié, ne comprenant pas où elle voulait en venir et fronçant les sourcils. Soupirant et se redressant, Merrick déposa sa mâchoire dans sa main, se tournant vers la voleuse. "...Alors ?" Plissant les yeux, tentant de comprendre et de lire la réponse sur le visage de son homologue, le jeune homme pianotait sur le bar de sa main libre. (jet de dés effectués). "...Qu'est-ce qui te fait peur ?" Finit-il par aboyer. Oui, c'était ça. Son regard nerveux, son hésitation et l'ensemble de son corps transpiraient un semblant, ou un soupçon de peur. Que lui cachait-elle ?

Se levant de sa chaise pour supplanter de sa taille celle qu'il avait nommée détective hier au soir, Lorren prit le temps de prendre une longue gorgé d'eau. Son visage se crispa sous les effets de ce liquide avec aucune saveur. Déposant sa chope avec plus de fermeté que nécessaire, celui qui n'avait pas la tête à tergiverser se passa une main dans la chevelure avant de pointer d'un doigt Alaïs. "Toi, tu sais quelque chose. Je veux savoir, maintenant." L'homme d'armes n'était pas encore arrivé à l'intimidation. Après tout, ce n'était pas le genre du couard qu'il était. Toutefois, c'était peut-être déjà suffisant pour que la jeune femme s'ouvre et lui déblatère les aléas qui la faisaient agir avec nervosité. Et puis, si nécessaire, Merrick n'hésiterait pas. Oui, il n'était en aucun cas un homme courageux. Toutefois, ce n'était pas l'ancienne serveuse de la Chope Sucrée qui allait l'effrayer.

En attente d'une réponse qui se faisait attendre, le coutilier laissa son regard courir le long des badauds en présence. Se pouvait-il que le coupable soit quelque part, là, à l'intérieur de l'établissement ? "Il est ici ?" Pensant avoir potentiellement raison, le coutilier plissa à nouveau des yeux, comme si cet effort de concentration lui permettrait de trouver le coupable d'un simple coup d'œil. Futilité bien puérile, tandis que l'unique piste de la soirée était discernable uniquement par Alaïs, elle qui connaissait le possible et potentiel coupable. Sans la regarder, continuant à chercher, il termina sa prise de parole : "Si tu ne me dis rien, tu peux dire adieu à mon aide pour t'apprendre à te défendre." Le ton était tranchant.

Pour Merrick Lorren s'était une impasse. De fait, sans l'ouverture de sa vis-à-vis, aucune chance pour lui de percer ce mystère. Dès lors, tout se trouvait entre les mains de la Marlot. Réussirait-elle à vaincre son indécision à parler, ou garderait-elle son mutisme ? Dans tous les cas, il était peut-être déjà venu l'heure et le temps de mettre un terme à leur collaboration, alors que la voleuse se rétractait déjà. Allez savoir ce que la suite allait offrir, mais une chose était certaine ; la balle n’était dans le camp de nul autre que d'Alaïs Marlot.
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyMar 3 Sep 2019 - 17:51
Elle n’avait jamais vu Merrick Lorren bouger le petit doigt pour autre chose que picoler ou amuser la galerie. Soudain, il s’était dressé face à elle et fronçait les sourcils avec un air vaguement menaçant, endossant le rôle du milicien qu’il était, après tout. Il fallait croire qu’elle l’avait gravement sous-estimé, ou qu’il tenait un peu plus à sa fonction que sa nonchalance teintée d’ébriété ne laissait penser. Alaïs écarquilla les sourcils d’étonnement, avant de ressentir la douloureuse pression de l’étau dans lequel elle s’était mise toute seule. Mais pourquoi avait-il fallu qu’elle fourre son nez dans les affaires de Merrick ? A peine rentrée du Labret, elle replongeait dans les ennuis. Elle avait vécu une nouvelle attaque de la Fange, y avait survécu, et voilà qu’elle allait se faire suriner bêtement dans une ruelle sombre et malodorante pour avoir voulu marchander avec le milicien. Non vraiment c’était trop stupide.

Quand il haussa le ton pour l’intimider, elle ne put que l’implorer du regard aposant ses mains sur son bras pour le calmer, si c’était possible. Au moins, il n’avait pas l’air trop ivre encore, soit que la soirée était trop peu avancée, soit qu’il avait décidé de diminuer la voilure.

— Merrick, par pitié, baisse d’un ton… Je vais t’expliquer mais ne t’énerve pas….

Ce n’était pas sa colère qu’elle craignait, ni la menace qu’il pouvait représenter. Non, elle avait surtout peur qu’il ne la fasse remarquer avec ses grands gestes et son ton de baryton, maintenant qu’il se découvrait des ressources d’autorité et des élans de bravoure. Il faisait autant de bruit qu’un mammouth dans une boutique de porcelaine. Elle essayait désormais de le faire retourner à son tabouret, s’inclinant vers lui pour l’obliger à parler plus bas.

— Il y a un…

Mais avant qu’elle ne se mette à parler, elle sentit la présence dans son dos, bien trop proche. Elle ne l’avait pas entendu arriver, toute occupée qu’elle était à contenir Merrick, et maintenant il était trop tard. Elle ferma les yeux, s’immobilisant un bref instant, se maudissant intérieurement. Elle sentit avec plus d’acuité que jamais la morsure d’une lame contre son flanc, insidieuse langue fourchue qui menaçait de traverser la couche fine de ses vêtements. Mais au lieu de la transpercer immédiatement, la pointe aiguisée restait à sa place, maintenant seulement la pression d’une piqûre bien trop explicite à son goût. Elle déglutit difficilement tandis qu’une main se plaquait sur son épaule, avec une pression faussement amicale. Un jeune homme d’une vingtaine d’années s’assit à côté d’elle, un grand sourire cordial aux lèvres, l'agrippant un peu trop brutalement pour venir l’embrasser sur la joue. Elle faillit se débattre mais la lame restait bien trop étroitement collée à son flanc pour qu’elle n’ose moufter.

— Eh ben alors chérie, tu me dis pas bonjour ? Tu m’as manqué, je te cherchais partout, où t’étais passée ?

Le jeune homme à la mine gouailleuse sourit à Merrick en poursuivant d’un air faussement tragique :

— Ah les femmes ! Elles vous font courir partout, puis une fois qu’elles vous ont à leur merci, paf, elles disparaissent et vous laissant en plan le coeur brisé ! T’es le nouveau sur la liste ? Fais gaffe, celle là pourrait bien te faire tourner en bourrique.

Il pinça la joue d’Alaïs puis entoura sa taille d’un bras possessif, ignorant la mine déconfite de la voleuse.

— Dis donc l’ami, c’est pas que je veuille être désagréable mais Al’ et moi, on a plein de trucs à se raconter, ça te dérange pas si je te l’emprunte quelques minutes, pas vrai ? Histoire de rattraper le temps perdu !

Il dédia à la Vipère un regard plus qu’appuyé. Si tu bouges, si tu parles, je te tue. Le message était on ne peut plus clair, et la voleuse mit un peu trop de temps à répondre, déglutissant avec peine. Elle ne comptait pas vraiment sur la présence d’esprit ni l’instinct de Merrick. Déjà l’homme s’apprêtait à l’embarquer, se redressant en la maintenant contre lui, sa lame toujours dans le dos de la jeune femme, discrète mais insistante, et temps qu’elle restait fichée là, Al’ n’avait strictement aucun moyen de se révolter. En derniers recours, elle lança un regard désespéré à Merrick. Le laisse pas m’embarquer. Le laisse pas.

Elle avait lancé les dés, et elle avait perdu.
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptySam 7 Sep 2019 - 18:20
Est-ce que Merrick Lorren était un idiot ?

Capable du meilleur comme du pire, du plus fâcheux comme du plus propice, le jeune homme côtoyait les hauts et les bas de son esprit bien souvent trop aviné et en prise aux lendemains plus que difficiles. Pour autant, il n'en restait pas moins vivace d'esprit et habille de sa langue pour conter aussi bien fleurette que des élucubrations dépeignant son héroïsme qui ne se ternissait jamais. Mais en cet instant précis, en ce moment charnière pour la jeune Alaïs Marlot, est-ce que le coutilier comprenant l'ensemble des tenants et aboutissant de ce qui ce jouait ? Les risques qu'encourrait l'ancienne serveuse de la Chope Sucrée ?

Allez savoir... (dés).

Cette fois-ci, probablement bien aidé par sa sobriété peu coutumière et certainement passagère, Merrick Lorren comprit tout de suite ce qui se jouait sous ses yeux. La mine alarmée de la Marlot lui mit la puce à l'oreille, et l'air de l'inconnu impromptu lui semblait n'être qu'une façade à la truculente malveillance qui couvait sous son masque de paraître, fissuré par la hargne et la haine qui le dévorait à découvrir Alaïs en sa présence. Charmant. Soupirant, se passant une main dans la tignasse, le coutilier se releva, fermant les yeux un bref instant avant de les ouvrir de nouveau. Il ne pouvait savoir si le lascar présent devant lui était la crapule, le pendard qui délestait les clients de leurs maigres revenus et objets de valeur. Pour se faire, pour le découvrir, il était nécessaire que la jeune femme reste ici. Dès lors, Merrick décida qu'elle n'irait nulle part. Comment ? Aucunement par la violence. Après tout, l'homme d'armes n'était aucunement milicien dans l'âme, alors que cette profession n'était que son gagne-pain. Pour éviter les risques de la rixe, qui l'inquiétait et lui faisait craindre le pire, le coutilier peu courageux décida de ruser.

Il restait désormais à savoir si cela allait fonctionner...

Laissant le potentiel et possible criminel déployer son jeu, le milicien resta silencieux, observant la scène qui se jouait sous son regard. N'ayant aucunement conscience qu'une lame piquait les omoplates de la voleuse, Merrick conservait un peu plus son calme, n'estimant pas que sa vis-à-vis était en danger. Une chance pour les deux, car à le savoir, probablement que l'ivrogne aurait perdu sa contenance et son allant qui lui permettrait de peut-être tirer de son mauvais pas Alaïs. Une fois que l'ensemble des dires de son adversaire furent présentés, Merrick soupira. Récupérant un chiffon aux couleurs de l'établissement qui se trouvait derrière le bar, Lorren se mit à astiquer une chope avec ce dernier. "Vous plaisantez ?" Dit-il sans plus regarder le duo, s'appuyant au support de bois que lui offrait le comptoir. "Elle vient de commencer son service. Elle n’ira nulle part, vous m'entendez ? " Poursuivit-il dans un regard torve, redressant son visage en direction du belligérant qui voulait prendre la tangente avec sa victime.

-"La Chope est bondée, et Estelle ne pourra pas se passer d'une des serveuses l'espace d'un instant." Haussant les épaules avec fatalisme, dressant une moue qui se voulait navrée et contrite, Merrick déposa la chope de nouveau propre et ouvrit les bras en grand. "Désolé, mais elle devra rester." Étrangement, ces derniers mots sonnaient nettement plus comme un ordre qu'une demande. De plus, nulle trace d'empathie ou d'excuse dans son allocution. Puis, jouant de son bagout, se penchant vers l'avant il poursuivit. "Vous l'avez dit vous-même: vous connaissez les femmes, non ? Je doute que la dame de Chantauvent voie d'un bon œil qu'une de ses filles quitte au milieu du service. Et comme je veux qu'elle me regarde sans vouloir ma peau, je ne peux vous laisser l'amener pour l'instant." Secouant la tête, feignant d'être désemparé, Lorren présenta ses poignets l'un à l'autre. "Je suis pied et point lié, l'"ami" !"

De fait, bien évidemment, il ne l'était aucunement. Après tout, Estelle n'escomptait plus l'aide d'Alaïs à la chope Sucrée, alors que celle-ci avait disparu depuis quelque temps déjà. Or, fallait-il encore le savoir. Autre fait important, qui allait peut-être faire pencher la balance, s'était de savoir si l'homme à la dague connaissait Merrick. Si tel était le cas, s'il savait pour la profession de l'ivrogne, peut-être qu'une finalité plus âpre et ardue attendrait la Marlot. Il était facile de concevoir pourquoi le malfrat ne voulait pas que la jeune femme parle avec un coutilier de la milice...

-"Pourrais-je savoir votre nom, "l'ami" ?" Puis après quelques instants de silence. "Oh, toutes mes excuses ! Il serait plus courtois de me présenter avant; Merrick Lorren. Enchanté." Poursuivit-il en omettant ses fonctions au sein des homme d'armes à la solde du roi. Puis tournant son regard vers Alaïs, il continua. "Tu n'as pas du travail, toi ? Regarde là." Dit-il en pointant un groupe qui venait de s'attabler. "Occupe-toi d'eux !" après ses dires, il lui jeta le torchon aux couleurs de l'établissement. Est-ce que tout cela fonctionnerait ? Dur à dire, difficile à savoir. Pour autant, Merrick Lorren tentait du mieux qu'il le pouvait de préserver Alaïs, de l'empêcher de se retrouver seul à seul avec le forban qui se trouvait devant eux. Mais de là à savoir si le tout serait suffisant...

À un pas de capturer le possible criminel des larcins, le duo était aussi à un pas de l'échec, d'un risque nettement plus grand pour Alaïs Marlot. De quel côté la balance allait-elle pencher ?
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Alaïs MarlotVoleuse
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptySam 7 Sep 2019 - 22:36
La crapule observait le milicien avec un sourire flottant. Croyait-il qu’il allait l’embobiner avec cette histoire de service ? Et le voilà qui prenait le rôle de tenancier, lui affirmant qu’il avait besoin de la blondinette pour le service. Il éclata d’un rire franc. Pour sûr que le milicien devait s’y connaître en matière d’alcool, mais il les absorbait plus facilement qu’il ne les servait. Le voyou reconnaissait un milicien entre mille, et celui là ne faisait pas exception à la règle. Non seulement il aurait pu voir venir le bobard à cent lieues, mais en plus de ça, il était sûr de l’avoir croisé sur le chemin de la caserne avec quelques uns de ses hommes. Le voyou avait une bonne mémoire des faciès, et c’était bien la raison pour laquelle il s’était empressé de rejoindre la voleuse, avant qu’elle n’ait eu le temps de parler. Il arrivait juste à temps pour l’empêcher de cafarder et elle ne s’en tirerait pas à si bon compte.

“Alors comme ça tu frayes avec la milice, hein ?” lui susurra-t-il à l’oreille tout en gardant son sourire de façade. Puis il s’adressa à Merrick, toujours aussi rieur.

“Alors ça c’est trop fort, ma petite Al’ qui fait du travail honnête ? Une première ! C’est que tu devrais te méfier, mon brave, Al’ est très très maladroite à fourrer ses mains partout… Cela dit, moi c'est Timmy, enchanté... Merrick Lorren”

Observant avec une certaine satisfaction la réaction de son vis à vis, il resserra un peu plus sa prise sur l’épaule de la jeune fille qui se tenait coite, peut être pour son propre bien.

“C’est qu’elle a tendance à toujours se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, c’est dans sa nature, pas vrai poupée ? Tu sais jamais te tenir tranquille. Tiens pas plus tard qu’au mois de juin, j’en ai une bonne, tu veux que je te raconte, l’ami ? Ah mais non voyons, ne fais pas cette tête mon oiseau, je sais bien que tu voulais seulement goûter la marchandise… Mais j’en connais de belles sur toi, je suis sûr que tu lui as pas tout raconté à ton ami le tenancier...”

Il avait insisté sur ce dernier mot avec un sourire carnassier et Alaïs sentait le sol se dérober sous ses pieds, alors même que la pression de la dague se relâchait quelque peu dans son dos. Le voyou savait qu’il la tenait, d’une manière bien plus ferme avec ses secrets qu’avec la pointe de sa lame. Si Merrick décidait de l’embarquer, il serait dans son plein droit et elle risquait davantage dans une cellule que dans les Bas Fonds. Elle en profita pour dégager son épaule d’un coup sec, reprenant une distance un peu plus saine avec son voisin, lui dédiant un regard mauvais.

“Et toi qu’est ce que tu fais ici, Timmy, t’as pas d’autres chats à fouetter ? Tu vois bien que tu l’ennuies avec tes histoires à dormir debout. Il se fait tard, tu devrais rentrer avant le couvre-feu.”

Le dénommé Timmy haussa les épaules.

“C’est que je me sens bien, ici. Je suis sûr que les chambres sont bonnes et qu’on y dort bien. Puis notre tavernier nous vante bien les mérites de l’endroit… Tu me sers un verre, l’ami ? Entre connaissances communes, on est comme qui dirait… presque de la famille ?”

Il détaillait Merrick d’un air moqueur, s’installant toute à son aise au bar, les coudes sur le comptoir. Al’ se tenait aussi raide que la justice, triste ironie du sort pour une voleuse, et cherchait un moyen de se tirer de ce mauvais pas. Si Merrick se liguait contre elle maintenant, elle ne donnait pas cher de sa peau, même en courant très vite. Elle inspira longuement, essuyant discrètement ses paumes empoissées par l’angoisse contre le torchon que lui avait envoyé Merrick.

“Ecoute Timmy, arrête ta comédie, si tu veux de l’argent, je t’en donnerais mais sors d’ici et ne reviens pas.

(jet de dé charisme - échec critique)

Le voyou l’observa longuement avant de répondre, un éclat de pure malveillance traversant son regard.

“Tu sais quoi, Al’ ? J’en ai marre que tu me fasses perdre mon temps. Quelle confiance on peut accorder à une fille qui ne tient jamais ses promesses ? Hein ? D'ailleurs où il est passé ton copain, là, le grand type mutilé ? J'aurais bien aimé lui taper dans le dos à celui-là... Mais je crois que je vais attendre sagement que tu finisses ton “service”, et après, toi et moi, on rattrapera le temps perdu. Je ne compte pas te lâcher d’une semelle maintenant qu’on s’est retrouvés.”

La voleuse sentait ses genoux faiblir sous le poids de ce regard qui la vrillait. Elle venait de comprendre pourquoi il y mettait autant d’assurance. Il était certain qu’il n’était pas seul. Comme la fois où elle l’avait doublé au marché, il devait avoir un complice qui attendait son heure caché dans un coin. Et là au milieu de cette foule dense qui composait la clientèle de l’auberge, elle se sentit soudain très seule.
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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyLun 23 Sep 2019 - 3:31
Tout cela était particulièrement incongru. Là, ce trio se faisant face, se regardant tels des chiens de faïence au milieu de la Chope Sucrée. Que penser du nouvel arrivant, qui venait ajouter une variable difficilement discernable dans cette quête de ce briscard de voleur ? Était-ce la preuve irréfutable que ce mécréant était ledit salopard osant délester les clients de leur avoir, ou bien était-il autre chose ? Se mordant la lèvre inférieur, indécis et hésitant, le coutilier ne savait que faire. Pour autant, bien qu'il nageait au milieu d'une ambivalence teinté d'incertitude, Merrick Lorren était certain d'une chose, d'un détail; Alaïs Marlot ne partirait pas de sitôt, encore moins en présence de cet énergumène à la mine patibulaire.

-"Timmy, hein ? Je ne l'oublierais pas." Dit-il dans un sourire et une mine en tout point affable.... si ce n'était de ses yeux bleus fatigués et hagards d'ivrogne qui restait aussi inexpressif et scrutateur qu'à l'approche du badaud qui venait de déclamer son identité. Du moins, si celle-ci était réelle. Faisant fit, peu cas des prémices des dires du désormais dénommé Timmy, Merrick haussa les épaules. Pour autant, à force de tourner autour du pot, de tenter d'hameçonner l'homme d'armes, le pendard créa une hésitation fugace dans l'esprit du jeune homme. Disait-il vrai ? Se pouvait-il que la Marlot soit une personne de peu de foi ? Si tel était le cas, s'était peut-être elle la coupable des déboires des clients appartenant à la propriétaire de l'établissement !

Coulant un regard en coin à la principale concernée, Merrick commença à avoir un doute. Se pouvait-il que... non ! S'était stupide...non ? "Il n'y a aucune chance que vous restiez ici." Poursuivit-il tout de même de but en blanc. Le voyou lui donnait envie de vomir avec son attitude. " Voyez ça comme un ordre, "l'ami". Déguerpissez." Déchiré entre le doute de savoir l'ancienne serveuse peut-être voleuse, il n'en restait pas moins que Merrick détestait ce Timmy. Il fallait être osé pour chercher des problèmes à un milicien. Chose que l'insipide et infâme être semblait savoir, alors qu'il avait mis l'accent sur le mot "tenancier" lorsqu'il avait voulu parler du jeune homme. Certes peu courageux, il n'en restait pas moins que ce petit scélérat ne l'inquiétait pas outre mesure. La réserve qu'il affichait toujours était justement cette hésitation du couard qui l'habitait. Bon nombre de ses camarades et collègues l'auraient attaqué sans autre sommation.

La suite de l'échange entre le duo se fit comme si Merrick Lorren était absent. Chose qui n'était pas plus mal tandis qu'il essayait toujours de démêler le vrai du faux, se demandant si Alaïs Marlot ne l'avait pas doublé. Quelle ironie cela serait, faisant d'elle la coupable, le juge et le bourreau. Pouvait-il encore lui faire confiance ? Dur à dire, difficile à savoir...

Finalement, Timmy disparu comme le coutilier l'avait demandé, sans une dernière menace à l'encontre de celle qu'il présentait comme un être de peu de foi. De nouveau seul avec la jeune femme, Merrick Lorren plongea son regard dans les yeux d'Alaïs. "...Est-ce vrai ?". Son regard se faisait scrutateur au possible, en quête d'un indice qui lui donnerait la réponse. " Je commence à le croire. Pour connaître des crapules comme ça, il faut baigner dans le même monde, Marlot." Tambourinant des doigts sur le comptoir, ne la lâchant plus de son regard incendiaire, il continua. "Serais-tu une criminelle ? Serais-tu la voleuse qui opère ici, Alaïs ?" Se penchant vers l'avant, déposant sa main sur sa dague qui traînait à sa ceinture, le jeune homme attendit. "Je veux la vérité !" Éructa-t-il plus fort, perdant son ton neutre et égal qu'il maintenait au profit d'une colère encore ourdie sous un contrôle de plus en plus précaire.

Alaïs Marlot devrait faire attention. À trop danser entre la justice et le crime, l'un ou l'autre des camps pouvaient la rattraper pour ses fautes et lui causer des torts. En ce jour, s'était les deux milieux qui venaient se liguer contre elle. D'un côté, le voyou qui la voyait comme une menace, de l'autre le coutilier qui commençait à l'imaginer comme une brigande. Sans support, la jeune femme risquait de tomber. Et en cet instant, Merrick Lorren n'avait aucune envie de lui offrir la moindre aide. Lui ferait-elle changer d'idée ?
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Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyMer 25 Sep 2019 - 15:48




La Chope Sucrée
Fin juillet 1166


Elle avait vu la menace s’éloigner pour revenir comme une vague de fond vers elle, s’échouant sur les rivages de son esprit encore gonflé de cette adrénaline furieuse qui lui intimait de courir loin. C’était vraiment trop fort. Il fallait vraiment qu’elle arrête de vouloir rendre service à droite et à gauche et à tenter le destin avec des jeux hasardeux. Elle se le tenait pour dit. Maintenant Merrick, l’ivrogne notoire, le grand héros de Marbrume la dévisageait comme si elle était la pire des ordures. Les miliciens étaient tous les mêmes. Sauf Landric. Landric était trop bon pour ce monde, de toute façon. Elle sentit soudain la colère monter en elle, supplantant la crainte, contre tout instinct de survie. Elle empoigna le bras du milicien, avec force, sachant bien où elle était posée.

— Et si tu réfléchissais deux minutes pour changer, Merrick Lorren ? Tu ne crois tout de même pas que tu vas me faire une leçon de moralité alors que t’es là à zoner comme une épave les trois quarts de tes journées, hein ! Ah le beau coutilier ! Laisse-moi te dire une bonne chose : je viens de revenir à Marbrume, avec le dernier convoi, je suis dans les registres, alors explique moi comment j’aurais pu voler les clients de la Chope alors que j’étais même pas dans le coin, hein ? Au cas où t’aurais pas remarqué, chacun fait ce qu’il peut pour survivre ! Mais moi, je suis pas une chienne à mordre ceux qui m’ont filé un coup de main !

Elle tremblait d’indignation et d’une fureur plus grande encore.

— Pourquoi tu crois que je te demande de m’aider à manier le couteau ? Tu crois que c’est facile pour une fille comme moi dans le Goulot ? Que mes acrobaties me donnent du pain tous les jours ? Ouais, je connais des sales types ! Et pas qu’un peu ! Celui là m’aurait fait la peau ou pire encore ! Et je peux te dire que c’est un vrai charognard. Tu voulais un coupable, tu devrais commencer par celui-là. Et laisse moi te prévenir que c’est un pas un rigolo, et qu’il sort jamais seul.

Elle relâcha ensuite le bras du pauvre Merrick et poursuivit en désignant la salle d’une main.

— Ils se cachent dans la foule, et ils sont moins faciles à attraper que moi. Ah si j’avais été moins conne… Les miliciens, hein, vous êtes pas censés protéger les gens ? Parce que des fois, j’ai l’impression que vous êtes pires que la racaille des bas-fonds.

Elle n’y allait pas avec le dos de la cuillère, mais elle connaissait trop l’envers du décor pour ne pas déverser sa bile et son amertume comme ça lui venait. Elle tendit ses poignets vers Merrick, son regard toujours planté dans le sien, avec une expression sauvage.

— Tu veux m’arrêter, Merrick Lorren ? Vas-y. Le bûcher manque toujours de carburant. Montre leur quel bon milicien tu es. Alors quoi ? Je peux crier et me débattre, si tu veux. Ca te donnera peut être l’air un peu moins minable que t’as l’air maintenant. Et on sera deux comme ça.

Il y avait une lueur de désespoir dans les prunelles d’orage de l’acrobate. Une envie de crier qui dépassait la simple colère. Elle avait du venin à revendre, et Merrick était la cible toute désignée pour le recevoir.


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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyLun 30 Sep 2019 - 22:54
Était-ce une blague ? Merrick Lorren ne pouvait le dire. Est-ce que réellement Alaïs Marlot tentait de défendre ses agissements frauduleux et crapuleux en comparant cela à l'ivrognerie du coutilier ? Par la Trinité, cette jeune fille était fêlée. Bien que ce comparatif saugrenu heurtait son amour propre, guère habitué à être malmenés, ces mots étaient vides de sens et d'une répartie bien maigre face aux fautes commises par la Marlot. Oui, potentiellement et possiblement que l'homme d'armes n'était pas un parangon de justice, un modèle à même d'insuffler force et courage dans le cœur de ses paires et compères miliciens. Toutefois, à la différence de cette perfide gamine, lui ne faisait rien d'illégal et ne vivait pas dans le crime. Un très mauvais défaut était loin d'être équivalent -ou pire- qu'une profession illicite, arbitraire et injustifiable. Elle se justifiait en trouvant inconcevable qu'un ivrogne tente de jouer le moralisateur, alors qu'elle agissait à titre de criminelle ? Fadaise et foutaise que tout cela ! La place des pendues, désormais chevalier, était remplie de personne de son genre au bout d'une corde et pour autant, aucun ivrogne n'y était suspendu à une corde.

-"Dégage, Marlot. Fais-toi prendre par ce connard, j'en est plus rien à foutre." Face à sa colère qui s'ourdissait par tous les pores de sa peau et qui se déversait comme du fiel dans ses paroles, Merrick ne lui offrait qu'un froid ressentiment dénué de la moindre émotion. Croisant les bras, il poursuivit. " Qu'importe que tu ne sois pas la fautive dans cette histoire. Le fait est que tu ne démens pas la réalité; tu es une voleuse, une criminelle." Là était la réelle problématique pour celui qui se trouvait du bon côté de la loi. Mauvais milicien et piètre coutilier, il n'en restait pas moins l'un de ses produits, membre d'un groupe qui luttait contre la lie de la société dans laquelle baignait Alaïs. Étaient-ils donc désormais ennemis.

Son calme apparent chavira sous l'élancement d'une haine vorace. " Veux-tu arrêter de jouer à la victime un instant ? Tu avais la chance d'arrêter, Marlot. Tu avais un emploi ici, mais tu as disparu au pire moment pour renouer avec la criminalité, hein ? Quelqu'un t'avait offert une chance de t'en sortir et tu as préféré replonger dans le marasme et l'illégalité. C'est ÇA le vrai problème, gamine. Tu ne veux pas te soustraire à ce monde de corruption. Tu creuses ta tombe par toi-même. "

Lorsqu'elle le lâcha -enfin- il lui glissa un regard torve empreint de l'ensemble de ressentiment que sa vision lui instiguait. La jeune femme réalisait-elle la chance qu'elle avait de faire affaire avec Lorren et non pas l'un de ses collègues ? Car un autre énergumène que lui l'aurait déjà arrêté. En outre, pour de simples larcins, ce n'était pas les geôles des prisons qui auraient attendu Alaïs, mais un jugement bien plus expéditif. Le pire aurait été la pendaison et le meilleur une main coupée. Après tout, la milice n'irait pas remplir ses prisons pour des délits mineurs. Nourritures et argents pour s'occuper de ce genre de petits brigands étaient une véritable perte d'argent.

-" Je vais prendre tes inepties pour argent comptant." Après tout, il ne doutait guère des paroles d'Alaïs en ce qui concernait son retour tardif à Marbrume. C'était trop gros, trop facile à vérifier pour être irréel. En outre, il était aussi vrai que ce Timmy semblait un quidam bien apte à voler autrui. Merrick irait voir en sa direction pour trouver réponse, avec l'ensemble de sa coutelerie... " En l'instant, tu ne fais que passer pour une idiote. Ton discours est aussi lamentable que le rôle de victime que tu essaies d'endosser. Dégage, je ne t'arrêterais pas pour un crime que tu n'as pas commis." Après tout, bien qu'il ne doutait plus de sa profession, il n'avait aucun aveu direct ou bien preuve pour la châtier. "Mais dorénavant, fais attention à toi, Marlot. La milice sera mise au courant de ta prétendue profession. Tu n'auras plus de passe-droit, j'en fais le serment."

Alaïs Marlot pouvait partir sans rien attendre comme sévices de la part du coutilier. Toutefois pouvait-elle en dire autant du mécréant l'attendant ? Ce n'était plus le problème de Lorren. Lui en avait déjà suffisamment assez fait en lui laissant la chance de s'éclipser. Mieux vallée pour elle de ne plus être pris à partie par la loi, car la prochaine fois, l'ivrogne s'assurerait que la justice lui tombe dessus.

Sans plus un regard en arrière, il se mit à fendre la foule pour monter vers les étages de la Chope Sucrée.
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Alaïs MarlotVoleuse
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MessageSujet: Re: Flagrant délire [terminé]   Flagrant délire [terminé] EmptyMar 1 Oct 2019 - 9:50




La Chope Sucrée
Fin juillet 1166


Les cartes avaient été dévoilées et la partie avait fort mal tourné. Alaïs avait oscillé pendant la diatribe vindicative de Merrick, empoisonnée par son propre venin, retourné contre elle, additionné à l’acidité du reflux de son opposant, qui ne semblait pas moins compact que le sien. Elle lisait le mépris dans son regard, toutes ces choses que la vie s’était bien chargée de lui envoyer à la figure depuis son plus jeune âge. Quelque part, elle avait l’habitude mais c’était toujours aussi étourdissant de voir le vrai visage des hommes se révéler dans cet ultime moment où le chacun pour soi reprenait le dessus. Tout cela n’était finalement que du vent, une formidable bourrasque qui - lorsqu’elle passerait - la laisserait seulement à sa solitude et face à l’errance de sa vie. Mais quelque part, si l’indifférence de Merrick lui importait peu quant à son propre sort - elle fronça les sourcils lorsqu’il l’invectiva sur ses choix. En était-ce un vraiment ? Est ce que sa fierté lui intimait de reprendre le combat, de défendre le peu d’honneur qui lui restait ? Son ton était plus calme, mais non moins tranchant lorsqu’elle demanda pour la forme :

— Dis moi, Merrick, toi qui n’as pas l’air de souffrir de la faim plus que ça, combien de temps crois-tu qu’on survive avec seulement un bol de gruau dans le ventre pendant la semaine ? Je peux te le dire moi : un mois tout juste, puis tu t’affaiblis si bien que tes muscles ressemblent à du parchemin, tu commences à perdre tes cheveux et tes ongles, puis le froid arrive et tu crèves pendant une nuit obscure sans même t’en rendre compte.

Elle soupira finalement, tandis qu’il la chassait comme si elle était devenue un chien galeux :

— J’ai pas attendu de ta bonté ou de celle d’Estelle pour essayer de survivre. Je suis une idiote lamentable à tes yeux ? Eh bien, j’espère que tu ne seras jamais dans le besoin, ni seul et désarmé dans le Goulot. La lie connaît ton visage désormais et tu ferais bien de surveiller tes arrières, et non, je ne parle pas de moi. Si tu étais moins pressé de me cracher à la figure, tu aurais compris. Mais tu ne vois rien. Je te comprends dans le fond, c’est plus facile de voir la vie en deux couleurs, le gris c’est jamais facile à regarder.

Elle se redressa en voyant qu’il s’apprêtait à la planter là et dégagea une petite pièce de sa poche, un des seules qu’elle possédait, et la plaqua derechef dans la paume du milicien.

— Donnant-donnant. Les passe-droit n’existent que pour ceux qui n’en ont pas besoin ou les chanceux. Nous sommes quittes désormais, Merrick Lorren. Adresse mes amitiés à Estelle.

Elle ravala une certaine tendresse pour la tenancière qui l’avait aidée, jetant un vague regard vers la cuisine. Puis se ressaisit bien vite. Elle vrilla un moment le milicien du regard, sincère et aussi tranchante qu’une lame aiguisée. Elle avait pris cent ans d’un coup, et il lui semblait que son enfance, les souvenirs du Labret s’étaient tous évanouis dans une brume épaisse impossible à traverser. Elle relâcha finalement le milicien sans un mot, sa colère douchée ou seulement écrasée par un sentiment plus pesant, et elle quitta la Chope de la même manière qu’elle y était entrée, sans un regard en arrière.

Dehors, la nuit l’attendait mais pas ses ennemis. Comme si, finalement, il n’y avait plus rien à jouer sur ce théâtre, où trop d’actes s’étaient déroulés pour une seule nuit. La vengeance, la colère, le ressentiment, tout ça devrait attendre un jour nouveau, et Alaïs enfonça ses poings dans ses poches crevées, retournant au gris du Goulot, quittant les belles rues du quartier de la Hanse, trop belles pour elle sûrement, se fondant de nouveau dans la masse obscure à laquelle elle appartenait désormais.



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