♪ Partenaire particulier, cherche... ♪ (PV Roland de Rivefière)

~ 5 juillet 1166 ~
~ Manoir Rivefière ~

Et voilà ! ENFIN ! Le Comte de Rougelac était enfin autorisé à quitter sa demeure après 2 longs mois de convalescence qui lui parurent interminable. Mais que faire, quoi faire ? Par quel bout pouvait-il donc reprendre ses affaires ? Bérard d'Ergueil, son maître d'arme s'en était allé à Sombrebois tout comme la "Muraille", on lui avait d'ailleurs transmit une missive stipulant l'achèvement des travaux, et ces deux hommes de mains ne seraient évidemment rentré de si tôt. Pourtant autant, devait-il ronger son frein et attendre leur retour pour pouvoir déambuler dans les allées de la Capitale ? Non, hors de question pour Victor de moisir un jour de plus dans son antre, il lui fallait prendre l'air, dégourdir ses jambes et reprendre le cours de son existence après la terrible épreuve qu'il avait dû affronter.

Ses options étaient toutefois réduite, car sans escorte, il était impensable de rejoindre le Labret ni même Sombrebois, alors devait-il s'atteler à des affaires au cœur même de Marbrume. Elles étaient nombreuses, mais Rougelac était un personnage méticuleux, organisé qui priorisé bien évidemment ses affaires. Et... malgré ce que l'on pouvait penser après qu'un arrangement "secret" ait été passé avec la fouineuse et non moins dangereuse Sergent de la Milice, en la personne de Sydonnie de Rivefière, Rougelac n'en avait nullement terminé avec cette Famille dont il avait dû céder son emprise "financière". Pas moins de 1.700 écus avaient dû lui filer entre les doigts, plus les intérêts qui en découlaient, de quoi le briser le cœur pour sûre, afin d'étouffer une affaire avec le Comte de Beaharnais, maudit soit-il ! Mais que valait l'Or contre une Vie ? Evidemment, une Ordalie contre Aymeric aurait signé sa mort, de fait, un arrangement avait été conclu avec l'épouse d'un certain Roland... Un héritier qui avait incarné avec un précepteur fort averti dans le domaine équestre et qui avait depuis toujours éveillé l'intérêt du mondain.

Loin de désirer influencer ce dernier, Victor avait tout de même cherché à en faire un allié plutôt qu'un ennemi, comme l'était sa chère et tendre soeur en la personne de Séréna. Rivefière était une Maison en pleine essor et le mariage entre son héritier et une haut gradé de la Milice lui offrait indéniablement une place de choix sur l'Esplanade, ainsi, mit bout à bout chaque élément de ce vaste puzzle, vous comprendrez bien aisément que le sang-bleu de Rougelac n'avait pas l'intention de totalement se désolidariser de cette famille aussi intrigante que passionnante. Evidemment, il ne pouvait plus compter sur le défunt patriarche alors sa porte d'entrée était celle du beau blond qui a présentait tenait les rennes et les Reines de la Maison. Entretenir un lien peut être complexe semblait donc bienvenu, conscient que Roland avait su par le passé lui prêter oreille, il était temps de s'en assurer et qui sait d'asseoir une influence aussi anodine soit-elle car oui, ne nous y trompons pas, Sydonnie comme Séréna allait voir la présence de Victor comme un signe de mauvaise augure.

Ainsi, revenons en à nos moutons, De Rougelac avait prit la décision de se rendre au Manoir qu'il connaissait presque comme le sien, emportant avec lui une tenue moindre faste qu'il avait troqué par quelques communes frusques le faisant paraître avec une sobriété certaine, attachant à sa taille une ceinture où pendait un fourreau et son épée. Voilà une vision peu banal du Comte de Rougelac me direz vous. Frappant à la porte, il fut naturellement accueilli par une domestique qui le laissa pénétrer le hall d'entré avant que le sang bleu ne prenne la parole.

- Pourriez-vous m'annoncer au Comte Roland de Rivefière et à lui seul. Je vous en serais gré.

Ainsi commençait sa visite chez Roland, ni plus ni moins avec dans l'idée de partager quelques activités avec ce dernier comme la monte et qui sait, la brette puisqu'il devait encore parfaire ses nouveaux talents initié par son maître d'arme, un autre blondinet d'ailleurs. C'était étrange comme il appréciait les têtes aux crinières dorées ! Vous savez lire entre les lignes ? Je vous aide... : l'or. Quoi ? Roohhh, on ne change pas un homme du tout au tout diantre !

Victor l’avait contacté récemment afin de lui rendre visite, avec la volonté de parfaire son entraînement. Cela ne le dérangeait pas, évidemment c’était même l’occasion pour lui de s’entraîner également. Sauf qu’aujourd’hui il avait prévu une épreuve un peu plus corsée, il s’était bien gardé de prévenir son partenaire, si particulier, de prime abord.
Roland attendait donc son invité, ils ne s’étaient pas revus depuis un certain temps, depuis le jour de l’invasion à vrai dire. Ils n’avaient échangé qu’à peine quelques mots ou un regard d’ailleurs. Avant cela, il y avait eu l’affaire sur laquelle il avait enquêté avec Sydonnie, celle qui avait remis en cause le lien financier qui les unissait auparavant. Victor n’était plus le créancier des Rivefière, il n’avait plus la mainmise sur la famille, il ne pouvait plus exercer son pouvoir de la même manière. Malgré cela, au lieu de se sentir piégé, il avait voulu reprendre contact avec l’aîné de la famille, celui qui était devenu comte à présent et plus simplement l’héritier qu’il était. Il avait appris par la force des choses, à se méfier du comte du Rougelac. Il savait qu’il n’était pas tout blanc, il traînait ses casseroles derrière lui, comme beaucoup de monde, de toute façon. Roland n’était plus l’homme bon qu’il avait été autrefois non plus. Les gens changent et se nuancent, la perfection n’existait pas. Et c’était bien là qu’était toute la complexité de l’être humain. Et par extrapolation, son intérêt.

Qu’attendait-il alors de lui maintenant, est ce que le gouverneur de Sombrebois avait une autre idée derrière la tête, nourrissait-il d’autres projets pour lui et sa famille, ou simplement avait-il envie de garder sous le coude une amitié, une alliance. Difficile à dire et à prévoir. Le blond ne méprisait pas le mondain, bien qu’il eut plusieurs raisons légitimes de le faire. Il avait cette étrange capacité à chercher toujours à voir au-delà de ce que les gens voulaient simplement montrer. Derrière le masque. Trouver le bon en chacun. Même si parfois, la noirceur était difficile à percer.

Le comte de Rougelac fut annoncé et Roland descendit l’accueillir, sans tarder. Il fut avant tout surpris par la tenue sobre et simple du mondain, qui était bien diamétralement opposée à ce qu’il avait l’habitude de porter. Mais soit, pour manier l’épée et monter à cheval, mieux valait une tenue ample et pratique, plutôt que de s’encombrer de vêtements ajustés et fort peu confortables.

Le blond lança son regard clair vers son invité, tout en descendant les dernières marches du grand escalier. Lui-même était sobrement vêtu. L’été apportait la douceur nécessaire, il portait une chemise de qualité, mais très légère, à laquelle il fixerait une mince protection tout de même, pour les activités qu’il avait prévues ensuite.

- « Bonjour mon cher Victor, je suis ravi de constater que vous êtes en forme ! Je n’ai pas pris l’initiative de venir vous rendre visite. Mais je suis certain que bien des femmes ont dû veiller ardemment à votre chevet. »
Il s’approcha de lui, les lèvres étirées dans un mince sourire.
« Vous êtes correctement rétabli ? On m’a rapporté que vos blessures étaient importantes. Je tiens à m’en assurer avant de commencer à vous entraîner. »

Même si dans tous les cas, il ne faudrait peut être pas y aller trop brusquement. Deux mois de soins et convalescence, ce n’était pas rien. Il était passé à un cheveu de la mort, sans doute.

- « Margareth, préparez mon épée, je vous prie. Et demandez au maître d’écurie de seller prestement les chevaux. »

« Bien monsieur. »

La petite domestique, dévouée, s’exécuta sans attendre. Elle était d’une aide précieuse depuis l’attaque, elle gérait la maison, en plus de s’occuper de la santé de son épouse et de sa mère. Cette dernière avait ses facultés physiques, mais son mental peinait de plus en plus, suite à la disparition de son époux.

- « Comment va votre épouse, Victor ? Mes condoléances pour l’enfant. »

Évidemment, il était au courant. Adélaïde était sa meilleure amie, sa confidente. Bien qu’il ignorait si le comte de Rougelac était au courant de la nature précise de leur lien.

Le délais d'attente fut de courte durée pour le Comte de Rougelac avant de voir apparaître son homologue en haut de l'escalier qui donnait sur le hall d'entrée de la demeure des Rivefière. Le blond qui le toisait de son regard clair était des plus fringuant et se porta rapidement à son encontre vêtu de braies toutes aussi sobre que les siens. De là, Roland usa d'une verbe protocolaire somme toute prévisible et de circonstances, même s'il s'osait à une allusion qui ne put que faire sourire le quadragénaire. Un constat saisissant, frappant s'offrait de fait au mondain qui ne lui était pas désagréable. Roland avait prit en assurance, c'était certain, sans doute le poids de son nouveau rôle prédominant sur sa Maison l'y avait aidé.

- Mon ami, aurais-je bien eut envie de vous dire que oui ! Mais... la réalité est tout autre voyez-vous, mais je vous l'accorde cela aurait grandement accélérer mon rétablissement.

Sourire également étiré, il reprit une mine plus sérieuse à la suite des propos tenue par le Comte de Rivefière.

- Soyez sans craintes, mon guérisseur à suffisamment prit de précaution pour que je puisse me présenter aujourd'hui à vous sans l'ombre d'une menace, bien que je garderais éternellement les vestiges de ces tragiques événements.

Il laissa alors le beau blond passer ses directives à son petit personne. Quoi? N'ai-je point le droit de venter la beauté d'un fringuant Apollon à la tête d'une famille en pleine essor ? Cela fait-il de Victor un homme aux mœurs que les Trois condamnes ? Il est vrai que le titre pourrait vous y faire croire... Mais revenons plutôt à nos moutons, il fallait bien combler le vide dû à la préparation des monture, alors comme pouvait s'en douter Victor, le sang bleu qui lui faisait face repris de plus belle la conversation, orientant celle-ci vers son inquiétude quand à l'état de santé de la Dame de Rougesoleil et Comtesse de Rougelac. Une main posé sur l'épaule du beau blond (grrr, coquin que victor est ^^) Victor prit un air plus grave et solennel avant de répondre.

- Je craint que cette perte l'ait beaucoup affecté... Il lui faudra du temps, beaucoup de temps et si cela n'est qu'une épreuve des Trois après notre Union, nous l'a surmonterons ensemble. n'ai-je point prêter serment en ce sens ?

Victor cachait mal ses propres maux à ce sujet, lui aussi était profondément affecté par la perte de son héritier, mais il se devait de garder la tête haute, son rang et sa nature l'y obligeait. Il était évidemment loin de se douter que son épouse entretenait un lien d'amitié avec Roland, mais il sembla naturellement lui avouer cela :

- Je m'efforcerais d'être le plus présent possible pour elle, hélas comme vous le savez, mes obligations sont nombreuses et je ne peux me permettre de rester au manoir à la soutenir durant cette épreuve. je compte sur votre bienveillance ainsi qu'à celle des gens qui l'entoure pour l'y aider et que nous puissions reprendre ensemble les projets qui sont les nôtres. Evidemment, je prierais les Trois pour ma mie retrouve force et fécondité... et qu'à cette égare ils m'offrent un héritier et fasse de ma Dame une mère comblée.

Ce temps, cet espoir était pourtant lointain, mais Victor s'accrochait à cette conviction, mais Adélaïde aurait elle la force de subir une nouvelle épreuve que tous deux espéraient couronnés de succès ? Seule la propre intéressée pouvait l'infirmer ou le confirmer.

Pas de femmes à son chevet, ni épouse, ni maîtresse, ni amie ? C’était étrange, est-ce que la réputation anciennement sulfureuse du mondain commençait à se ternir ? Ou est-ce qu’il tentait de se racheter une conduite exemplaire auprès de sa femme, mais celle-ci continuait à faire la sourde oreille ? Roland ne savait pas vraiment quoi en penser et il serait peut être un peu audacieux d’aller plus loin sur ce terrain. Autant, qu’il parvenait à discuter de leur relation avec Adélaïde, mais avec le principal intéressé, c’était assez différent. Il préféra simplement sourire à la remarque et laisser la conversation prendre une autre tournure facilement.

Il comprenait, les vestiges de tout cela, il montra simplement sa balafre, d’un geste de la main. Le visage du comte de Rivefière en porterait toujours ces fameux vestiges. Marqué à vie, comme un animal qu’on marque au fer, une cicatrice dont il ne se dépêtrait jamais, lui rappelant ce jour de misère, ce cataclysme infernal dont il ne sortirait plus.

- « Mais ravi de constater que vous êtes néanmoins remis sur pied, l’entraînement pourra alors être efficace, si je ne dois pas faire en sorte de vous ménager. » Taquina-t-il.

Le blond commençait à connaître le comte de Rougelac, son visage arborant cette expression qui lui était propre, lorsque le sujet dérivait vers une éventuelle gravité. Parfois, cette expression était fausse et forcée. Un air faussement solennel, pour apitoyer et bafouer l’interlocuteur. Il savait jouer avec les émotions de son visage à sa guise, pour déformer la vérité. Difficile de savoir efficacement lorsqu’il était sincère et lorsqu’il ne l’était pas. Roland ne repoussa pas la main qui venait à présent se poser sur son épaule, geste assez inhabituel entre eux, cependant. Victor commencerait-il à se lasser de la compagnie de ces dames ? Assurément non, mais la remarque restait tentante.

Le noble confirma la pensée de Roland, l’épouse de Rougelac était, comme il était évidemment pensable, toujours en proie à la tristesse face à la perte de son enfant. Le deuxième enfant qu’elle perdait, cela devait être dramatique. Il pensait alors à lui, à son ancienne volonté d’être père. Maintenant que l’idée était presque palpable, est-ce qu’il en avait toujours réellement envie, est-ce qu’il se jugerait capable d’être un bon père… Après les évènements récents, il ne savait plus. Vivre avec le sentiment que le chair de notre chair pouvait être blessée, qu’on pouvait lui faire du mal, délibérément. Ce serait un poids lourd à porter, comme un fardeau. Mais, il n’irait évidemment pas contre les Trois, leur volonté était plus puissante que les lamentations d’un homme perdu.

Il comprenait à présent le sincère désarroi de Victor, il avait suggéré que le blond l’aide à retrouver force et courage, lui demandait-il cela en connaissance de cause quant à leur amitié, ou pas vraiment. Difficile à dire, mais il préféra garder l’information pour le moment, bien que convaincu que rien ne restait bien longtemps caché.

- « Je comprends parfaitement, vous aurez mon soutien évidement dans cette épreuve. » Affirma-t-il sincèrement.

Il aperçut alors la petite domestique, qui d’un bref mouvement de tête, lui indiqua que tout était prêt. Il invita alors le comte de Rougelac à sortir dans la petite cour adjacent à la maison. Inutile de rejoindre l’arrière de la demeure, pour ce qu’il avait prévu aujourd’hui.
Il récupéra les deux chevaux, gardant cette fois-ci son propre cheval. Le deuxième était à présent complètement dressé et avait plusieurs fois été en extérieur.

- « Il ne devrait pas vois poser problème, mais si tel était le cas, nous échangerons de monture. » Rassura le comte de Rivefière. « La séance de ce jour sera un peu différente mon cher Victor. Nous n’allons tout de même pas rester enfermés comme des gentilshommes de l’Esplanade toute notre vie ! Un petit tour dans les faubourgs vous ravirait-il ? »

Il faisait beau, chaud, le soleil était au zénith. Les fangeux n’appréciaient guère ce temps et les faubourgs restaient surveillés et animés à ce moment de la journée. Le risque zéro n’existait plus, il en était conscient. Mais il fallait bien bouger un peu, Victor avait envie de se dégourdir, finalement c’était parfait. Il lui adressa alors un sourire, alors qu’ils se mettaient tous deux en selle. Il pressa les flancs de l’animal, le deuxième cheval suivrait tout naturellement, s’il y est invité.
Ainsi, ils commencèrent à descendre, à cheval, la grande rue des Hytres.

Roland le taquinait, mais cela restait "bon enfant" et après tout, ne valait-il pas mieux prendre le taureau par les cornes ? En tout cas, les deux nobles semblaient en accord et si leur relation était encore ambiguë après quelques affaires d'intérêts qui avait mit hors jeu le Comte de Rougelac, il fallait à tout prit classer cela comme de l'histoire ancienne et repartir sur de nouvelles bases. D'ailleurs, le beau blond lui exprima son soutien durant cette épreuve de la vie qu'endurait Victor et son épouse ce qui ne pouvait que réconforter ce dernier quand à ses intentions de ne pas se faire du nouveau Comte de Rivefière un ennemi mais bien un ami à défaut d'être un allié, seul l'avenir le dira. C'est à ce moment précis que la domestique réapparut afin d'indiquer au maître des lieux que tout était prêt pour la sortie des deux nobliaux.

Contre tout attente, le duo emprunta l'accès à l'entrée principale. Si Victor s'en retrouva quelque peu surprit, il n'en exprima nul mot, se laissant guider au bon vouloir du noble guerrier jusque dans la petite cour adjacent à la maison. Que lui réservait-il ? En tout cas, Roland cherchait à se montrer rassurant dans un premier temps avant que les deux nobles ne se hissent sur leur monture respective. Rougelac n'eut guère longtemps à s'interroger sur ce changement de programme que son acolyte lui dévoila ses intentions : arpenter les faubourgs ! Etrange idée... L'espace d'un instant, le quadragénaire resta interdit avant de réagir non pas en désespoir de cause mais bien piquer par un esprit nouveau de curiosité qu'il semblait entretenir depuis son rétablissement, comme si cette douloureuse épreuves avait remis en cause une certaine partie de sa personnalité plutôt conservatrice jusque là.

- Après tout, je crois que vous avez bien raison. J'ai durant trop longtemps jouis de ma zone de confort. Il se bien temps que je découvre d'autres choses, à mes risques et périls, ai-je envie de vous avouer.

Rougelac semblait exprimer une certaine forme de phase transitoire dans sa vie. Ses malheureux déboire durant l'attaque de la Fange l'avait profondément marqué et il semble voir la vie sous un autre angle.

- Puissiez-vous toutefois me laisser un peu de souffle durant nos exercice du jour car j'aurais une requête un peu particulière à vous faire part. Mais chaque chose en son temps. Je vous suit volontiers et puisse votre fraîcheur et votre vivacité me pousser à dépasser encore une fois mes limites, cela me rajeuni en un sens, même si mon corps n'a plus vingt an et me le fera payer ce soir.

Dit-il, un large sourire aux lèvres, continuant de se montrer spontanée et transparent avec son alter ego qui incarnait l'avenir de Marbrume alors que lui demeurait l'un des vestige d'un ère qui était en passe de s'achever. Bien cramponner sur sa scelle, il semblait en tout cas bien à l'aise, ce qui devait ravir le Comte de Rivefière quand à ses aptitudes de précepteur.

Roland constata l’absence spontanée de réponse de la part de son interlocuteur. Il doutait et sa réaction était assez légitime. Il n’avait certainement pas du tout prévu de sortir hors des remparts de Marbrume, il s’agissait là pourtant d’un très bon exercice. Être confronté à un environnement plus hostile que celui de la cité. Mais il allait de soi que Victor était amené à faire du chemin en extérieur, avec Sombrebois bien évidemment. Ce n’était pas un exercice si éloigné de cela de ce qu’il avait déjà pu voir. Mais c’était différent, il ne pouvait pas le nier.
Après l’épreuve qu’avait connu Marbrume, il restait primordial de continuer à sortir, ne pas se terrer à l’intérieur des murs plus si protecteurs, de toute façon… Changer d’air, voir les choses sous un nouvel angle. Ce serait parfait et tout à fait à l’ordure du jour pour cet entraînement.
Victor lui confiait d’ailleurs ses pensées, il était d’accord et suivrait l’idée loufoque du comte de Rivefière pour ce début de journée. Parfait, les deux hommes étant sur la même longueur d’ondes, ils allaient pouvoir se diriger vers le lieu convoité.

- « Une requête ? Intéressant… Vous avez le mérite d’avoir piqué ma curiosité. »

Qu’est ce qu’il pourrait bien lui demander, la question resterait en suspens jusqu’au moment souhaité. Une chose était bien sûre, Rougelac ne perdait pas le nord, lorsqu’il avait une chose en tête, il savait garder les idées claires. Roland en sera alors avisé lorsque le brun jugea le moment opportun. Le comte de Rivefière chassa alors ses question de son esprit, il fallait malgré tout garder les idées claires pour sortir de la cité et de la protection qu’elle offrait, même s’il ne comptait pas s’aventurer plus loin que le début des faubourgs.

Arrivés à destination, après avoir passés les diverses portes dressées guise de sécurité supplémentaire, les deux hommes allaient pouvoir commencer à s’entraîner.

- « Depuis nos premiers cours de monte, avez vous eu l’opportunité de monter à cheval en extérieur Victor ? Que la réponse soit positive ou non, êtes-vous à l’aise avec ça ? »

C’était important d’avant tout jauger sa réaction, son ressenti. Car l’animal, savait ressentir ses craintes. Si l’homme angoissait, était nerveux, le cheval en ferait de même. Ils étaient parfois comme des éponges, absorbant les émotions de leur cavalier.

- « Je vous conseille de rester détendu, de vous concentrer sur votre objectif. Évoluez librement, nous avons de l’espace, slalomez un peu dans les faubourgs, sans trop vous éloigner, évidemment. Mais prenez confiance et ayez conscience de l’environnement qui vous entoure. Sans pour autant qu’il devienne un obstacle, domptez les lieux, comme vous le ferez avec le cheval. »

Il espérait le mettre en confiance, grâce aux conseils qu’il lui prodiguait.
Il pressait les flancs de son propre équidé, afin de le mettre gentiment au trot, détendant concomitamment leurs muscles. Les faubourgs n’étaient pas humides, grâce à la chaleur de ses derniers jours, il n’avait pas plu, ce qui avait permis aux chemins de sécher. Sous le soleil estival, même la fin du monde paraissait plus gaie, quelle étrange ironie. Roland était habitué à monter ce cheval, ils avaient survécus à bien des batailles, entre les hommes, puis entre les créatures. Celui de Victor était un peu plus jeune, mais correctement dressé. Il avait juste besoin d’être en confiance avec son cavalier, de nature plus craintive, mais dans l’ensemble, cela devrait bien se passer.

♪ Partenaire particulier, cherche... ♪ ◈ 5 Juillet 1166

Ses lèvres s'étirèrent, offrant un large sourire à son interlocuteur après que ce dernier ait naturellement avoué être piqué par la curiosité. Comment pouvait il en être autrement ? Sa réplique avait fait son effet et c'est tout ce qui importait pour l'heure car la requête qu'il préparait était loin d'être anodine. Mais pour l'heure, il fallait donc quitter sa zone de confort et plus les deux destriers s'enfonçaient dans les faubourgs plus l'inquiétude gagnait le Comte de Rougelac en voyant les remparts rapetisser à mesure que les secondes et les minutes s'écoulaient. Brisant un silence devenu légèrement pesant, le sang-bleu a la tête de la Maison Rivefière s'enquierit de l’éventuelle pratique de la monte depuis leur dernier cours.

- Oui Roland, j'ai pu pratiquer. J'ai dû rejoindre à deux reprises Sombrebois, fort heureusement sous bonne escorte. Mais je ne possède pas toute l'aide d'un cavalier confirmé et de fait, parcourir la distance fut plus longue que prévue.

C'était naturellement évident, Victor ne maîtrisait pas encore totalement le galop donc il avait mit un tiers de plus sue le temps prévu pour rejoindre la place forte de Sombrebois. Séance tenante le jeune et beau blond qui devait souvent faire fondre ces dames, au grand damne de sa nouvelle épouse (quel jeu de mot!) formula conseils à son aïeux d'âge. Se détendre, une obligation qu'il avait comprit et assimilé. Roland lui avait inculquer nombre de préceptes et le premier d'entre eux était de ne fait qu'un avec sa monture. Le cheval ressentait la moindre émotion qui pouvait transpirer du cavalier qui le montait et Victor devait donc rassurer sa monture pour se rassurer lui-même.

Acquiescant en élève averti, Victor prit une bonne bouffée d'air frai avant de se détendre, les rennes de sa monture en main sans se montrer le moins du monde tendu ou nerveux. Le cours du jour fût dès lors prescrit par le brave et doué Comte de Rivefière. Si Victor savait à présent sceller, monter et diriger l'équidé il fallait à présent qu'il puisse œuvrer en toute circonstance et en tour environnement du plus rassurant au plus hostile et il commençait donc à comprendre les intentions de son précepteur. A l'écoute active, Rougelac se décida à s'appliquer malgré certaines choses qui semblaient le répugner au cœur des faubourgs, mais qu'importe, il devait parvenir à ses fins et comme on le dit "la fin justifie les moyens".

Suivant les pas du destrier de Roland, Victor guidait donc sa monture à travers les ruelles malfamées des faubourgs. Sans sa garde rapprochée, Rougelac était naturellement moins à l'aise, mais il savait pouvoir compter sur le Comte de Rivefière. Soudain, alors qu'il s'en retrouvait pensif, Victor faillit écraser sous les sabots de son jeune cheval un petit garçon qui avait croisé à la perpendiculaire sa route pour récupérer un jouet en bois de pierre facture. Fort heureusement, il se ressaisit suffisamment à temps pour changer la trajectoire de son destrier et rejoindre son semblable qui avait prit une légère avance.

- Ce n'est guère évident mon ami... il faut avoir l'oeil absolument partout en ces bas lieux.

Finalement à mesure de leur promenade, Victor prenait de plus en plus confiance, appliquant les conseils du mieux qu'il le pouvait, même si quelques maladresses s'offrait de ci de là.

- Et jusqu'où allons nous nous rendre ? N'oubliez pas que nous devons aussi nous exercer à la brette... serais-je en mesure de bien monter mon cheval au moment de rejoindre l'Esplanade après l'effort ?

Victor s'inquiétait et avait cette fâcheuse manie de tout chercher à calculer et prévoir au lieu de laisser les choses se dérouler et de s'adapter. Il avait toujours eut une sainte horreur de ne pas maîtriser le moindre de ses gestes et déplacements. Roland le bousculait dans sa manière d'être et pourtant s'il n'en montrait rien ou peut, Victor en était plus que satisfait.

Évidemment, Sombrebois. Roland hacha la tête à ses propos, le comte de Rougelac avait rejoint le baron de Sombrebois, cela lui avait totalement échappé. Ces derniers temps, plus encore qu’avant, il ne suivait pas beaucoup les histoires de la noblesse, mais sans doute cela devait changer. Il n’était plus simple héritier à présent, il était à la tête, il représentait le nom des Rivefière et tout ce que cela représentait, prendre les décisions, les bonnes comme les mauvaises puis garder un œil sur les activités de la cour, ne pas rester dans l’ombre, afin de garder une place plus ou moins sure, à l’abri, dans l’esplanade pour sa famille. Peut être devrait-il tenter de se rapprocher du cercle restreint des personnes influentes à la cour, mais cela ne serait pas aisé. Une chose est sure, il était à présent connu et un tant soit peu respecté par le roi, depuis l’invasion. À lui de continuer à faire perdurer la belle image de la famille, sans la salir, la tronquer.

Il ne connaissait pas très bien l’avis de la cour sur Victor, ils n’avaient jamais vraiment parlé de cela, simplement tourné autour du sujet, il le savait doué pour les intrigues liées à la noblesse. Sa mauvaise réputation passée avait peut être entaché quelque peu ses relations, mais vu son évolution, les choses évoluaient peut être, à quel point et comment, il l’ignorait. Peut être auront-ils l’occasion d’en discuter plus tard. Le blond n’oubliait pas non plus la remarque de son interlocuteur précédemment, sur la requête qu’il devait lui formuler.

Après quelques périples, Les deux hommes arrivèrent à un carrefour, il y avait un peu moins de monde ici, moins de risques à ce qu’un enfant ne se retrouve coincé sous les sabots du cheval de Victor. L’animal était certes un peu craintif encore, mais au fur et à mesure que Victor se détendait et était à l’aise avec sa monture, cette dernière semblait en faire de même. Le couple cheval/cavalier évoluait alors de façon plus harmonieuse et moins crispée.

- « Ne vous inquiétez pas mon ami, nous y sommes. Et si dans le pire des cas, vous êtes trop fatigués, nous pourrons toujours vous basculer sur le cheval comme un sac de grains, pour qu’il vous ramène un bon port ! » osa plaisanter Roland.
L’ambiance était beaucoup plus détendue entre les deux hommes, le fait qu’il n’y ait plus de relation financière tendue entre eux, qu’il ne menace plus sa femme ou n’essaie plus d’intimider sa sœur, forcément, tout cela redistribuait les cartes.

- « Nous allons nous éloigner l’un de l’autre, lancer les chevaux au galop et nous donner un coup épée contre épée, comme une joute, mais gentillette. Le but n’étant pas de nous faire chuter. » Expliqua Roland. « Du moins, pas pour l’instant. » Ajouta-t-il, continuant sur sa lancée taquine.

Il s’éloigna alors, prenant le côté droit du chemin, invitant Victor à se rendre en face de lui, prenant suffisamment de distance entre eux pour que les chevaux puissent galoper librement. Il sortit alors l’épée de son fourreau, tout en faisant tourner l’animal, de manière à se retrouver face à Victor. Il prit alors les deux rênes dans une main, épée dans celle de droite.

- « Vous viendrez de ce côté » Montra le blond, en désignant le côté de son épée à l’aide de son bras. C’était évident, mais autant le préciser. « Ne vous resserrez pas trop, afin que nous puissions être libre de notre mouvement. Enfin, essayez avant tout de rester bien rectiligne, je rectifierai si besoin. Faites moi signe lorsque vous êtes prêt ! »

Le moment venu, Roland élançait alors son destrier, épée au clair, légèrement tendue vers l’avant, tout comme son buste, en appui stable sur ses étriers, de manière à venir taper doucement contre l’épée adverse.

♪ Partenaire particulier, cherche... ♪ ◈ 5 Juillet 1166

Roland adoptait une attitude de plus en plus décontracté à l'endroit du Comte de Rougelac, s'offrant même le luxe de plaisanter à plusieurs reprises. Loin de lui en tenir rigueur, Victor y voyait plutôt la naissance, l'entretien d'une relation plus amical et il est vrai que depuis qu'il ne tenait plus la Maison Rivefière de son influence financière, les choses semblaient s'apaiser de part et d'autre. Les deux cavaliers débouchèrent donc finalement sur un carrefour bien moins emprunter par la populace, le lieu sommes tout idéal de l'avis de Roland pour démarrer les leçons et exercices du jour. Religieusement, Rougelac qui avait stationné sa monture tout à coté de son précepteur, écoutait ce dernier exposer l'épreuve qu'il allait devoir surmonter. Ainsi, le beau blond semblait vouloir associer l'art de l'épée et de la monte ce qui n'était pas pour déplaire à Victor bien qu'un soupçon d'anxiété pouvait se lire sur les traits de son visage. Allait-il être capable ? Le mondain était de nature optimiste, plus encore depuis qu'il avait échappé à la mort.

- Une joute ? Je ne m'y attendais point, mais cela me convient fort bien mon ami.

Scrutant ses gestes, écoutant les consignes du noble guerrier, le quadragénaire s'exécuta pour finalement se mettre en position, un peu plus lentement que son adversaire puisque l'exécution de ses ordre auprès de sa monture n'étaient pas encore des plus fluide. Il tira alors de son fourreau harnaché à son flanc droit, l'épée qu'il y avait soigneusement entreposé. Il la leva alors et suivi les gestes de son précepteur. Si la consignes était effectivement évidente, mieux valait en effet s'en assuré et Victor pointa l'épée là où on lui avait demandé, prenant la mesure de la distance à respecter pour ne pas causer la moindre maladresse lorsque les deux jouteurs se trouveraient au contact.

- Ainsi ? Je suis prêt cher Comte.

Roland semblait approuver et tout était enfin prêt pour s'élancer au galop. Les deux cavaliers frappèrent de leur talons les flancs de leur destrier respectifs et fondaient l'un sur l'autre. A juste raison, Roland dû rectifier sa trajectoire afin de ne pas risquer une collision avec son élève. Victor quand à lui cherchait à maîtriser du mieux qu'il pouvait sa monture tout en maintenant l'équilibre de son épée de son autre main. C'était la première fois qu'il devait faire corps avec son cheval sans que ses deux mains ne guide ce dernier par les rennes. Un exercice compliqué pour un néophyte tel que lui, mais pourtant, il semblait vouloir mettre du cœur à l'ouvrage. Seulement voilà, au contact des deux lames, le Comte de Rougelac vacilla sur sa scelle, manquant de lâcher son épée. Il laissa alors sa monture trotter quelques dizaines de mètres plus loin avant de manœuvrer de telle sorte que cette dernière se retourne et face face à son précepteur.

- Mes excuses messire, je ferais mieux la seconde fois. Je manque encore de coordination, je le craints.

Reprenant son souffle, il serra plus fermement le pommeau de son épée, laissant le soin à son partenaire de lui inculquer quelques conseils et correctifs quant à sa maladroite exécution de sa leçon du jour puis rajouta.

- Dites moi Roland, comment c'est déroulé la lutte contre l'invasion fangeuse. J'ai ouïe dire que vous étiez à l'avant garde ce jour là ?

Si Victor n'amène pas encore le sujet qu'il souhaitait évoqué avec le Comte de Rivefière, il commençait soigneusement pourtant à en dresser quelques subtils contours. La patience était une vertu et il fallait rester après tout concentré sur sa leçon du jour avant d'évoquer des affaires plus sérieuses.

Les deux hommes s’élancèrent alors dans un galop modéré, le but de l’exercice n’étant pas la vitesse dans un premier temps. Il fallait déjà voir si son élève parvenait à suivre une trajectoire rectiligne, tout en tenant les deux rênes dans une seule main, l’épée qui pourrait le déstabiliser dans l’autre et continuer tout de même à avancer, tout en gardant le regard fixé sur son assaillant et sur les alentours. Oui effectivement, tout cela additionné faisaient beaucoup de choses et d’attention pour un seul homme ! Mais l’équitation et l’art de la guerre demandaient beaucoup de ressources, de concentration et de discipline. Il ne fallait pas se contenter d’être un bourrin sans cervelle, la rigueur était de mise. En cela, même si Victor, et cela était bien normal en novice qu’il était, commettait des erreurs, le maître gardait foi en lui. Car il était un homme intelligent, précis et avec un sens prononcé des convenances lorsqu’il le voulait. Il savait qu’il pouvait s’appliquer et mettre toute sa bonne volonté à l’ouvrage. Les nets progrès qu’il avait d’ors et déjà accomplis en était bien la preuve.

Toutefois, le sang bleu dû réajuster quelque peu sa propre trajectoire, afin de laisser de la marge de manœuvre suffisante et ainsi éviter un choc, une collision qui aurait pu être trop brutale et non contrôlée.

Malgré les efforts du blond aux yeux clairs pour ne pas être trop brute et mettre en confiance son partenaire, ce dernier fut tout de même légèrement déstabilisé. Il l’aperçut en se tournant instantanément sur sa selle, pour vérifier s’il n’allait pas chuter et potentiellement se blesser après ce déséquilibre, mais il n’en fut rien. Il perdit alors quelques temps la maîtrise de sa monture, mais reprit doucement le cap et revint lui faire face.

- « Ce n’était pas si mal que ça, concentrez vous plutôt sur un objectif, fixez un point imaginaire à l’horizon, plutôt que de regarder mon épée ou la votre dans un premier temps. Ça vous aidera à rester fixe et droit, sans sentir le déséquilibre. »

Cela faisait beaucoup de choses à encaisser d’un coup, Roland en était bien conscient et il ménageait son élève. Ils étaient égaux, tous deux comtes et amis, il avait bien la patience avec lui et cela ne lui dérangeait pas de s’entraîner avec lui.
Il allait donc lui proposer de continuer l’exercice. Mais hormis leur entraînement journalier, le noble semblait avoir autre chose à lui demander, était-ce la requête en question, celle qu’il avait très brièvement évoqué précédemment ?

Il souhaitait lui parler du jour de l’invasion… Roland n’en avait pas beaucoup parlé et pourtant, il ne se voyait pas du tout refaire un semblant de récit. Cette journée, il avait juste envie de l’oblitérer, de la perdre dans les méandres dans son esprit et ne plus jamais y revenir. Pourtant, elle restait là, dans le cœur et l’esprit de toute la population, dans les marques sur les murs, dans cette odeur de mort que l’on croit encore flotter dans l’air… On en revenait encore. Toujours.

- « Oui, j’étais dans le groupe d’attaque. C’était assez éprouvant, le nombre de fangeux conséquent et les chances de survie moindre. Chaque homme ce jour là a su être utile afin de venir au bout de ses monstres. » Répondit-il, assez rapidement. Il n’avait guère envie de s’étendre sur le sujet et cela devait se voir à son expression, qui s’était assombrie. Sans pour autant en tenir rigueur à son interlocuteur, il comprenait cette volonté d’en savoir plus, si tel était le but de la démarche. Peut être que Victor avait autre chose en tête à cet instant, mais le blond l’ignorait.
« Enfin, une sombre journée pour nous tous, qu’on préférait certainement garder derrière nous. »
Il tentait de faire comprendre à son homologue qu’il ne souhaitait pas en dire davantage, qu’il ne ferait pas liste de ses exploits et échecs, qu’il ne jouerait pas au héros qu’il n’était pas. Qu’il en vienne là où il voulait ou alors qu’il stoppe sur ce sujet qui peinait tant le guerrier.

Il attendit une quelconque réplique, avant de se remettre en position, ils pourraient refaire plusieurs fois l’exercice du jour, en corsant un peu plus les choses selon les progrès et améliorations de son élève.

♪ Partenaire particulier, cherche... ♪ ◈ 5 Juillet 1166

Ne jamais rester sur un échec. Victor était pleinement conscient qu'il allait devoir produire le double des efforts en comparaison à un jeune novice, du fait de son âge déjà plus qu'entamé. Assidu, le Comte de Rougelac se mettait peut etre en danger plus que de raison, la preuve en fut lorsqu'il s'en retrouva déstabilisé au contact du fer des deux épées alors que les destriers s'étaient lancés au galop. Fort heureusement, le mondain ne chuta point, mais se fit une belle frayeur au passage, de quoi paradoxalement le galvanisé pour la suite de l'exercice qui allait être répété et répété par son instructeur tout du long de la journée. Quelques gouttes perlaient déjà sur son front lorsque les deux cavaliers se firent à nouveau face, Victor prenant acte des bons conseils de son précepteur quand à fixer un point à l'horizon afin de ne pas dévier maladroitement de son axe la monture qui faisait corps avec lui.

Cependant, les deux sangs-bleu ne se relancèrent pas immédiatement à l'oeuvre, Roland prenant soin de répondre à la curiosité du quadragénaire. Tout portait à croire que le souvenir de ce funeste jour était douloureux pour le blondinet qui arborait une mine bien plus sombre. Sans doute avait-il ses raisons de ne pas s'attarder sur ce sujet, bien que cela laissait perplexe et intéressait le Comte de Rougelac. Mais chaque chose en son temps, il ne fallait pas brusquer le digne héritier de la Maison de Rivefière et trouverait un jour ou l'autre le moyen de lui faire délier la langue à cet épineux sujet. La réponse de Roland, aussi brève soit-elle laissait alors l'opportunité à Victor pour exposer sa fameuse demande et c'était bien dans cet objectif qu'il avait au départ questionner son semblable.

- Assurément mon ami, assurément. Et si nous ne pouvons oublier, nous devons gardé à l'esprit que la menace demeure plus que jamais présente. Et à ce sujet, comme vous le savez, mes intérêts se sont légèrement orientés sur l'une des place forte de notre Royaume, puisque nous ne parlons plus à présent de Duché. J'imagine que vous êtes pleinement conscient que la renaissance de bastions ne peut être qu'utile face à la Fange ? Après tout cette Menace n'est pas une fatalité, chacun nourrit l'espoir qu'elle soit tôt ou tard éliminée, même s'il faut attendre plusieurs générations pour la voir exterminée.

Il fixa un instant Roland dans le blanc des yeux, même si a cette distance, il était bien difficile de s'en assurer.

- Marbrume a payé un lourd tribu cela va s'en dire et vous par la même occasion. Pourtant, aurais-je besoin de vous, mais ne croyez point que cela serve mes propres intérêts. Vous n'êtes pas sans savoir que mes efforts pour réhabiliter le mur du Bourg de Sombrebois m'ont coûté plus d'un tiers de ma fortune personnelle ? Et je craint devoir peut être un jour m'endetter, qui sait, pour voir cette place forte retrouver sa splendeur d'entant. Mais le fais-je par égoïsme ou intérêt personnel ? Vous le savez, j'ai très peu à y gagner dans un futur proche et l'entreprise est des plus risquée. Mais si ce projet porte ses fruits, ne serait-ce point là un exemple à suivre, le symbole même que notre Royaume ne se résigne pas face à la Fange ?

Il baissa légèrement le regard et vint flatter l'encolure de son destrier, non sans serrer fermement le pommeau de son épée avant de relever le menton.

- Mais pour ce faire, j'ai besoin d'hommes, de volontaires afin de rebâtir les demeures et renforcer la partie supérieure du mur. Seulement, nul bûcheron, nul charpentier ne me suivra s'il ne se sent pas en sécurité. Et je dois donc à cet constatation, trouver de valeureux guerriers et ainsi me permettre de résoudre cette équation, comprenez-vous ? Mais... qui serait fou pour me suivre jusqu'à Sombrebois ? C'est là que je pensais pouvoir vous demander votre intervention. Par vos faits d'armes, vous êtes respecté et écouté par bien des braves. Ainsi, aurais-je besoin de vous pour recruter ce qui formera la future garde de Sombrebois.

Il secoua la tête, comme conscient du poids certain de sa demande.

- Je ne vous demande pas de me répondre séance tenante, mais réfléchissez-y mon ami. Qu'aurais-je a vous offrir en retour ? Bien peu de chose j'en ai peur, seulement l'espoir que notre lutte contre la Fange soit renforcé par la renaissance d'une place forte, ce qui pourrait également nourrir l'espoir de projet similaire.

Roland constatait que Victor semblait vouloir amené gentiment son idée, sa requête, ou n’importe comment nommer la chose qu’il avait à lui demander. De son innocente question sur les évènements tragiques que la cité avait dû à affronter, il en vint à évoquer le bourg dont il était devenu gouverneur, Sombrebois. Cela n’étonnait pas le blond, que son homologue vienne à lui en parler, tout en ayant au préalable tâté le terrain, il connaissait l’homme, il se formaliserait certainement pas pour si peu. En revanche, qui lui demande son aide, cela le surprit quelque peu. Il décida alors de s’avancer plus vers lui, guidant sa monture vers son interlocuteur, vu que pour le moment, l’heure était plus tournée vers la discussion que l’entraînement. Il demeurait également curieux d’en savoir davantage sur cette demande inopinée, ainsi que ce qui se passait dans le regard du comte en l’instant.
Il s’approcha alors, au pas allongé, en pressant donc quelque peu l’allure, sans être trop pressé non plus. Il restait en retrait, légèrement, méfiant mais curieux.

Il écouta attentivement les paroles de Victor. Il comprenait sa démarche et il semblait réellement sincère. Il n’y avait peut être pas grand-chose à gagner, rien de vraiment personnel dans cette affaire. Il saisissait cette volonté de fuir la cité, d’aller voir ailleurs si cela est possible, s’il y a encore de l’espoir ailleurs qu’entre les murs de Marbrume. C’était une action périlleuse. Mais oui, il en comprenait le but. Lui-même d’ailleurs, et Serena avaient déjà évoqué cette idée dernièrement, ce sont des projets qu’ils avaient tous deux en parallèle. Mais maintenant, tout cela semblait assez compromis, trop difficile et des trop de vies seraient une nouvelle fois mises en jeu. Il n’en avait pas la force actuellement. Mais peut être, que si quelqu’un d’autre se chargeait d’un tel projet, il pourrait y apporter sa modeste contribution, aider en ce sens, afin de maintenir l’espoir. Et peut être un jour, lui aussi, à son tour, quitter la cité.

- « Tout d’abord, sachez Victor que j’appuie fortement votre volonté de redonner au bourg de Sombrebois, un tant soit peu de sa splendeur perdue. Mais, je dois vous avouer que je n’aurais personnellement pas choisi une place forte au cœur des marais pour m’y engager. Déjà, parce qu’il est évident que la fange y est la plus rassemblée, puis le bourg est éloigné de Marbrume, ce qui rend les convois et les acheminements compliqués et difficiles. »

Il énonçait des vérités, à n’en pas douter, son interlocuteur en était pleinement conscient. Inutile alors de s’attarder davantage. Il jeta son regard clair dans celui du comte, puis lui confirma sa pensée.

- « Je ne vous promets rien, je ne me lancerai pas personnellement dans ce projet. Mais je veux bien tenter de convaincre mes anciens hommes. Une poignée d’hommes a survécu à mon exode et celui de ma famille. Mais ils ne sont plus sous mon commandement à présent. Nous n’avions pas de quoi les payer. Et de toute façon, je ne sais même pas si tous ont survécu. Mais je suis encore en contact avec l’un d’entre eux, de temps en temps. Je lui en toucherai alors un mot, si l’affaire est susceptible de l’intéresser, il en parlera à son tour à d’autres. Il est un bon combattant et un homme fiable. Cependant, vous vous doutez bien qu’il ne fera rien gratuitement. Je ne parle pas forcément de monnaie, vu qu’à l’heure actuelle, ce n’est pas tant avec l’argent seul que l’on survit. Mais vous devrez lui assurer des vivres et un endroit où être en sécurité, évidemment. »

Il ne savait pas bien si l’homme accepterait et si cette mince proposition allait convenir au comte de Rougelac. Mais les temps étaient durs et plus rien n’était simple. Les gens ne se laissaient pas enrôler dans tout et n’importe quoi. Mais cela ne lui coûtait rien d’en parler.

- « Je ne peux forcer personne, mais je suis convaincu que votre cause est bonne Victor. Vous avez raison de vous battre, et pour cela, vous aurez mon soutien. Je suis navré de ne pouvoir vous aider davantage. J’ai perdu beaucoup. Et peut être ai-je besoin moi-même de retrouver un peu d’espoir, afin d’y croire personnellement. »

Il chassa ses pensées sombres, qui revenaient précipitamment.

- « Nous pouvons continuer un peu cet entraînement, si vous le souhaitez. Ou nous arrêtez là pour aujourd’hui. »

Par sa requête inattendue, le Comte de Rougelac venait de signer l'arrêt provisoire de la séance d'entraînement avec son noble précepteur. Ce dernier d'ailleurs, c'était approché de Victor, piqué par la méfiance et la curiosité avant que le mondain ne s'emploie dans un exposé aussi solennelle que réaliste. Conscient de la folie de son entreprise, Rougelac en appelait donc aux ressources, aux relations de son précepteur dans l'espoir de convaincre quelques guerriers à partir à l'aventure, aussi périlleuse soit-elle dans les tréfonds des marais.

Bien loin de lui rire au nez, Roland prenait donc la mesure des propos de son élève, lui rappelant la réalité complexe de ce projet après lui avoir formuler son soutien. Bien entendue, ce dernier ne pouvait lui promettre d'accéder à sa demande mais voulait bien œuvrer dans la limite de ses moyens à aider le Gouverneur. Possédant encore quelques contacts avec un ancien compagnon d'arme en lien avec sa Maison avant que la Fange n'apparaisse, il assura au Comte de lui en toucher un mot, mais prévint ce dernier qu'il allait devoir offrir quelques garanties pour s'offrir les services de ce vétéran.

Acquiescant, Victor avait déjà travaillé sur ce point et ne savait que trop bien qu'aucune bourse d'argent ne pourrais acheter les hommes et femmes susceptible d'adhérer à ce vaste projet.

- J'ai pleinement conscient d'être dans l'obligations d'offrir de meilleurs garanties et j'ai déjà fort bien songer à cette question. La sécurité sera en effet un élément prépondérant et l'achèvement de la base du mur représente un premier gage de bonne fois. Vous pourrez dire à votre homme qu'en ralliant ma cause, il se verra offert un lopin de terre pour y ériger sa demeure.

Lui accordant quelques sombres pensées, Victor rapprocha sa monture de celle de Roland avant de poser un main sur son épaule, manquant un court instant de perdre le contrôle de l'équidé.

- Rassurez vous, je ne vous en demandais pas plus. Votre contribution et votre soutien représente déjà plus que vous ne pouvez le penser. Votre modestie vous honore mon ami et sachez que je vous en suis fort reconnaissant.

Il accorda une courte pause, prenant la mesure de la tâche immense qui lui incombait.

- Je n'ai pas la prétention de lever une armée de colons pour rallier les marais. Je reste pragmatique. Chaque homme, chaque femme qui pourrait me rejoindre représentera une pierre des plus précieuse à cet édifice encore fragile.

Il adressa ensuite un sourire entendu à son acolyte avant de faire manoeuvre sa monture et reprendre la distance avec le Comte de Rivefière. Le regard déterminé, le pommeau de son épée fermement tenue dans sa main libre, il dévisagea alors le beau blond.

- Voyez-vous que j'ai pu prendre ma journée pour ne pas rentrer au Manoir courbaturé et suintante de transpiration ? Si je m'efforce de m'agerrir à la monte et à l'épée c'est bien parceque je n'ai pas l'intention de fuir mes responsabilités! Quelle image monterait un Gouverneur incapable de se défendre ? Se suffisant dans une fonction sans donner de sa personne ?

Il lui adressa un large sourire franc en opinant du chef.

- Je compte bien quitter ma zone de confort mon ami ! Grâce à vous ! Continuons donc ! Faite de moi un bon cavalier ! Je n'ai pas la prétention de croire que vous ferez d'un homme de mon âge un cavalier d'exception.

Lui adressant un oeillade complice et entendu, il était donc prêt apres cet apparté à reprendre l'exercice.

Roland était rassuré d’entendre que le comte de Rougelac avait déjà réfléchi aux garanties requises, pour solliciter des hommes à rejoindre ses rangs, dans le but de protéger et aider à la reconstruction très délicate qu’était le bourg de Sombrebois. C’était bien loin d’être une mince affaire, très périlleuse et même suicidaire penseraient certains. Mais au moins, il faisait quelque chose, même après avoir participé à la lutte contre l’invasion fangeuse, Victor continuait à ne pas perdre espoir, à donner de sa personne et de son temps afin que l’homme survive et réussisse à reprendre les terres qui étaient autrefois les siennes. Il ne fallait pas s’avouer vaincu dans ce monde où régnait l’horreur et le chaos, au contraire. Ce tempérament était le bon, cette volonté de ne rien lâcher, de faire face encore et toujours à l’adversité.

Le comte apprenait ensuite de son homologue que celui-ci céderait un bout de terre à l’homme qui autrefois était sous les ordres de l’aîné des Rivefière. Évidemment, c’était très louable de sa part, mais encore fallait-il parvenir à sécuriser le lieu. Ceci ne serait pas fait rapidement. Cela restait une promesse. Promesse qui serait peut être tenue dans le temps, seuls les Dieux jugeront de cela, de par leur miséricorde.

Le blond hocha la tête, il n’y avait pas grand-chose d’autre à promettre de toute façon, même les plus riches ne l’étaient plus vraiment, la monnaie était presque vouée à disparaître, c’était déjà le cas dans les classes les plus populaires, où juste le troc régnait en maître absolu. L’argent était devenu presque obsolète. Qu’en faire, lorsqu’il n’y a quasiment plus rien à acheter, où les vivres s’amenuisent et qu’il devient difficile de nourrir toute une population.
Le noble fut cependant tiré de ses sombres pensées, par une main posée sur son épaule, celle de Victor. Il n’avait qu’à peine vu qu’il s’était rapproché de lui, peut être comprenait-il d’une infime manière le mal être qui rongeait l’âme de Roland. Les mots qu’il prononça lui parurent sensés, même presque réconfortants. Il répondit faiblement à son sourire, en gage de leur nouvelle confiance mutuelle. Cet homme qu’il avait voulu frappé il n’y avait pas si longtemps, devenait ou redevenait peu à peu, ce qui pourrait le plus se rapprocher de son ami. Car, il était étrange de le dire, mais le comte de Rivefière n’en avait pas réellement. Son envie de solitude, le peu d’estime qu’il avait de lui-même et son grand manque de confiance l’en empêchait peut être, il se fermait aux autres la plupart du temps. Mais en ces temps troublés, tout le monde avait besoin d’alliés. Le comte de Rougelac pourrait en être un.

- « C’est entendu mon brave Victor, reprenons alors ! »

Et ainsi, les deux hommes se remirent à la tache, ordonnant à leur monture de retrouver leur place initiale. Ils firent plusieurs allées et venues, brandissant leur épée, à chaque fois, l’exercice prenait un peu plus en vigueur couplée à une maîtrise élégante. l’art des joutes équestres était admiré par tous, en digne représentant, parmi d’autres, de la noblesse guerrière, Roland appréciait ce moment. Apprendre à monter convenablement à cheval, apprendre à se battre à l’épée, c’était ce qu’on lui avait inculqué depuis sa plus tendre enfance, guidé par son père. Ce dernier n’était plus là à présent, mais l’héritier se devait de surpasser le maître, il était devenu le chef de famille à présent, il tenait les rênes de sa maison. Il allait s’en montrer digne.
À la fin de leur exercice, ils reprendraient alors le chemin de l’Esplanade, il y avait encore tant de choses à faire, pour la cité, pour le duché, pour ce qu’il restait de l’humanité.

[Fini pour moi, merci pour ce rp

]