"Faut-il nous quitter sans espoir ... De nous revoir un jour''' [PV Adélaïde]

13 juillet 1166
Marbrume – Esplanade
Neuf heures et dix minutes.

Marbrume, on la surnommé la Cité Franche, la Cité des Survivants, le dernier rempart de l'humanité… elle a tant de surnoms mais Alexandre en a un paquet pour elle également ; le nid à vipères, le nid à corruption, la ville gangrenée … mais il fallait se l'avouer ;, si cette ville n'existait pas eh bien, l'Humanité n'aurait plus eu de refuge pour s'abriter de la Colère des Dieux mais certain profitaient de cet aspect pour asseoir leur avantage à la misère des autres pour s'enrichir même si l'or ne commençait à plus rien servir ou alors, il allait directement dans la poche du nouveau Roi pour la reconstruction du Goulot causée par la Fange il y a deux mois.

L'invasion, la fameuse attaque Fangeuses qui avait rassuré Alexandre dans son choix de partir de cette ville qui n'avait de sécurisé que les hauts-remparts de l'Esplanade qui avaient sauvé un petit nombre de chanceux mais plus de quinze milles victimes avaient été déploré … quinze milles en quelques heures, le Vicomte avait également payé le prix de cette maudite attaque, son montant ? La motricité de sa jambe. Il avait était griffé en profondeur à la cuisse par une maudite bestiole et le voilà aussi affaibli qu’un vieillard obligé d'utiliser une canne pour marcher… les prêtres lui avait dit que ça allait durer pendant un certain temps avant que sa souplesse ne revienne mais il gardera toujours des séquelles de cette attaque … c’est-à-dire qu’il n'aura plus sa bonne jambe de jeune homme de 20 ans mais son âge reviendra à son bon souvenir et son membre sera donc celui d'un vieillard de quarante balais … ça n'arrangeait pas tellement le vieux Terresang qui avait toujours fait en sorte de se garder en pleine santé malgré son âge avancé … c’était donc un échec, il avait déjà une jambe dans la tombe.

Cet handicap n'allait pas l’empêcher de faire en sorte de partir pour sa nouvelle destination : le Labret. Il allait laisser sa Résidence sous la surveillance d'un de ces représentants qui allait superviser les opérations de rénovation que Alexandre avait décidé d'entreprendre au nom du Roi au Goulot, laissant à Marbrume une vingtaine d'ouvriers de l'Ordre et prenant le reste pour l'ancienne ferme des Colbleu qu’il avait fait rénover et agrandit les bâtiments pour y abriter plusieurs personnes … ce qui permettrait de ne pas avoir de frais d'auberge … ce qui arrangeait grandement Alexandre mais ce qui l’arrangerait encore plus c’était les nombreuses opérations qui l’attendaient au Labret … là bas, le peuple aurait peut-être plus de chose à faire faire aux ouvriers Azuréens ce qui permettra à l'Ordre de montrer ses talents.

Il aidait tant bien que mal à charger une charrette lorsqu'on vint le trouver.

« Qu'est ce qui se passe ? »
«Une personne demande à vous voir, mon seigneur … elle est à l’entrée. »

Une personne … qui pourrait bien vouloir voir le vieux Terresang avant son départ pour le Labret ? Les nobles de l'Esplanade ne l’appréciait guère vis-à-vis de sa vie privée mais aussi pour son engagement envers le peuple et peut être aussi un peu à cause de sa participation à l'invasion … beaucoup aimeraient le voir mort, après tout, il avait fait son temps , non ? Il se fit alors aider pour descendre du véhicule et se dirigea vers l’entrée en claudiquant avec sa canne.

De toute les personnes qui pouvaient venir le voir pour le tuer en premier, Alexandre aurait pensé à la jeune demoiselle en souffrance devant lui … après tout , tous ses malheurs étaient l'œuvre indirect de Alexandre … c'est lui qui l'avait vendu pour son propre profit mais il l'avait fait à contrecœur mais ce n’était pas cette excuse qui allait faire de lui un Saint.

« Comtesse ? Que faites vous là ? Vous auriez dû me prévenir de votre arrivée et j’aurais fait en sorte de vous faire escorter et avec un meilleur moyen de locomotion … »

Elle était devenu comtesse et même si cela ne voulait rien dire, Alexandre vouvoyait sa belle sœur en public, elle était devenu un peu plus supérieur que son beau frère … le Vicomte se fichait un peu de tout ça en fait mais il en avait assez fait , la jeune Rougelac méritait peut être aussi qu’il arrête ses faux semblants … c’était à elle de voir.

Le souvenir est une présence invisible, intouchable. Un pâle rappel de bon ou mauvais moment qui nous ont touchés, changé… La Comtesse de Rougelac avait l’impression que chaque souvenir était une plaie. Une plaie qui ne pouvait se guérir, qui ne faisait que lui rappeler ce qu’elle aurait pu avoir, ce qu’elle avait été si près de toucher. Elle qui était passée si près du bonheur… Deux de ses enfants, sa famille, son amour… Il ne restait plus rien… et lorsqu’elle avait appris qu’Alexandre partait pour le Labret, elle n’avait pas réfléchi. Elle s’était rapidement mise en route pour sa résidence, avec un but bien précis en tête. Si la maisonnée avait été surprise de la voir dans la résidence de son ancien suzerain. Quant à Alexandre, sa surprise fut encore plus grande que tous les autres. Après tout, leur dernière rencontre avait été loin d’être des plus amicale…

« Comtesse ? Que faites vous là ? Vous auriez dû me prévenir de votre arrivée et j’aurais fait en sorte de vous faire escorter et avec un meilleur moyen de locomotion … »

« Plus rien de cela n’a d’importance, Alexandre. » Pas un sourire, pas un seul éclat d’une quelconque émotion dans son regard. La Comtesse tourna rapidement les talons pour s’engouffrer dans la maison de son beau-frère. Cette maison qu’elle connaissait que trop bien, qui aurait pu être sienne. Que se serait-il passé si Alexandre avait pris l’offre qu’elle lui avait faite il y a quelques mois dans cette même pièce? Aurait-elle continué à être aveuglée par Alexandre? Aveuglé par cet amour qui l’avait bercé pendant de si nombreuses années? Peut-être que cela aurait été la meilleure des solutions… Après tout, que lui restait-elle maintenant? Aussitôt qu’elle entendit la porte se refermer, Adelaïde se retourna vers le Vicomte, toujours impassible, même devant ce dernier qui tentait de claudiner avec une canne. Ils s’observèrent silencieusement pendant quelques secondes, avant qu’un murmure ne s’échappe des lèvres de la Comtesse. «Tu l’as laissé mourir.» Le ton était cassant, accusateur. Elle n’avait pas besoin de mentionner de qui elle parlait, il le savait très bien. Peut-être avait-il même été jaloux de leur relation à un certain point? Nul le savait, et de toute façon était-ce réellement nécessaire a ce moment précis? Ce qui était fait a été fait. Les dieux l’avaient rappelée à eux. Lui, son amant, le père de son premier enfant… La jeune femme ne broncha pas, regardant la réaction de son beau-frère, mais avant même que ce dernier ne puisse rajouter quoi que ce soit elle enchaina; «Tu aurais pu faire quelques choses…» Adelaïde baissa rapidement les yeux, l’air soudainement triste, tentant de reprendre ses esprits, puis releva son regard rempli de larme vers son ex-amant. «J’ignore si tu l’as fait exprès, et les raisons m’importent peu… Je ne suis pas venu te faire un procès. »

Adelaïde se retourna une nouvelle fois avant d’aller s’asseoir doucement sur le canapé, les yeux toujours baissés. Elle ne pleurait pas, depuis les terribles événements du couronnement, elle n’avait pas réussi à laisser couler une seule larme,et pourtant, elle avait l’impression de se noyer à l’intérieur. Elle avait l’impression que chaque souffle, chaque respiration lui demandait un effort surhumain.Elle avait l’impression que les nombreuses blessures qui l’avaient affligé ces derniers mois avaient finalement eu raison d’elle, Adelaïde ne pouvait plus faire semblant d’être forte, ne pouvait plus faire semblant d’être heureuse ou digne. Elle souffrait à chaque seconde qui passait…«On m’as appris que tu partais pour le Labret et je tenais a te dire au revoir une dernière fois. » Des mots qui lui laissaient un goût amer dans la bouche, comme si une décision des plus tragiques avait été prise…

L'entente entre Alexandre et Adélaïde n'était plus au beau fixe depuis bien longtemps, depuis cette affreuse nuit où Bertrand et lui avaient rendu visite à la nouvelle comtesse, elle n'était plus au beau fixe depuis cette dispute, depuis que la baronne avait voulu épouser Alexandre … et si cela avait était autrement ? Et si Alexandre avait accepté la proposition d'Adélaïde ? Oui, il l'aimait … encore aujourd'hui ? Non, il en doutait … peut être un peu au fond de lui et ce qu'elle avait vécu, lui donnait envie de la prendre entre ses bras mais il doutait que son étreinte serait d'un grand secours à la demoiselle, cela aggraverait très certainement les choses plutôt que les améliorer. Alors que la Comtesse endeuillée franchissait le pas de la Résidence, le Vicomte boiteux se mit à la suivre tout en étant accompagné du son mat de sa canne sur les pavés.

La Résidence des Terresang, cette même bâtisse qu'il allait quitter pour l'inconfort du Labret, pour le bon air de la campagne, pour le danger multiplié par dix des champs à nus … il y avait tant de souvenir dans cet endroit aussi bon que mauvais et cela faisait bizarre de revoir la Rougelac dans le petit salon où le Vicomte avait séjourné durant ses nombreuses insomnies… la boucle semblait boucler mais à cet instant, les deux nobles s'entendaient et ne se lançaient pas de reproches … comme à cet instant où le Terresang prit de plein fouet la remarque de la Rougelac … le laisser mourir ?

Alexandre se revoyait dans le chaos ambiant alors qu'ils essayaient tous de barricader le premier accès … le désordre était tel que l'on ne s'entendait plus, les blessés affluaient, l'odeur du sang était tel que l'on ne sentait que cela … le bruit des blessés étaient presque normal. Il se revoyait durant la scène et il se souvenait avoir réagi en premier … qu'avait-il dit déjà ? Ah … il se souvenait :

« Corbera ! Pensez vous que vous êtes capable de suivre un vieux gaillard pour sauver un jeune con pendant qu’il se fait bouffer le bras et que au moment où je vous parle, il va surement calancher ! »

Oui … Il était accompagné de Corbera … accompagné du chevalier qui avait décidé que Logan de Sylvecastel ne serait qu'un arbre -certes magnifique- qui gênait la procession…. Il avait décidé de le tuer alors que Alexandre avait frappé dans le lard … il se souvenait d'ailleurs, il avait frappé, il avait empalé le Fangeux et s'était reculé, non, il ne l'avait pas touché ! C'était le Chevalier qu'il l'avait fait ! C'était trop fort ! Trop fort de se faire accuser de quelque chose alors qu'il n'avait rien fait !

Il reprit ses esprits tout en voyant le regard emplit de larmes d'Adélaïde … elle pensait réellement qu'il avait tué son vassal tant adoré ? Ce même vassal qui lui avait probablement mis des bâtons dans les roues pour le mariage entre elle et Victor de Rougelac ? Oui … elle le pensait … mais il n'avait rien fait … alors qu'elle se retournait pour aller s'asseoir sur le canapé se trouvant face à la cheminée éteinte, il ne bougea pas … de toute manière l'aurait-elle voulu ? Non, probablement pas.

Ah … la voilà donc la raison pour laquelle elle était ici, l'accuser de quelque chose qu'il n'avait pas commis et en plus de cela lui dire au revoir pour son départ tout en pensant qu'il était coupable d'un tel crime.

« Et c'est ainsi que tu veux que nous nous quittions ? Comme la dernière fois ? Sur une dispute, une accusation erronée ? » Dit-il dans un murmure, il se trouvait derrière le canapé où était assise, il ne voulait pas bouger, il regarda le sol une petite seconde puis releva la tête vers celle qui était autrefois son amante … du moins vers son dos qui était invisible.

« Je pars mais je ne compte pas partir indéfiniment, cette Résidence m'appartient et je ne laisserais pas le Roi s'approprier tout ce qu'il me reste ou encore ces rapaces qui me servent de congénères. Mais là n'est pas la question… tu viens ici pour me dire au revoir et tu m'accuse de quelque chose que je n'ai pas commis. »

Cette fois, il se dirigea lentement vers le côté du canapé où se trouvait Adélaïde, le son de sa canne sur le sol était amplifié, cela donnait un petit air dramatique à la scène, non ? Il ne bougea pas, ne regardant pas Adélaïde mais le tableau au dessus de la cheminée qui représentait les familles Frayer et Terresang.

« Sur leur tête, sur ses cendres. » Venait-il de laisser un indice de son départ dans cette phrase? « Sur les anciennes terres de Terresang, je te jure sur la tête de ma défunte femme et feu ta sœur, que je ne suis en aucun responsable de sa mort, j'ai contribué au sauvetage du châtelain de Sylvecastel, ma lame a percée le corps de la Goule mais n'a aucunement transpercé ton vassal, Adélaïde. J'ai voulu le sauver car je savais son importance pour toi alors ne m'accuse pas d'une chose que je n'ai pas voulu alors qu'au contraire, j'ai voulu bien faire. »

Il y avait quelque chose de plus fort que la mort. Cette présence insoutenable de ceux qui ont disparu dans votre mémoire alors que vous y êtes toujours… Si seulement la comtesse pouvait effacer ses souvenirs… Logan, Alexandre… Si seulement elle avait pu être frivole, ne pas se soucier ou se battre autant, car au final ou cela l’avait mené? Adelaïde ferma doucement les yeux, écoutant silencieusement la moindre parole de son beau-frère. Il était inutile de commencer une autre dispute. Elle était venue faire la paix avec ce dernier, lui dire ses adieux, elle devait avancer d’une façon ou d’une autre… «Peu importe Alexandre… Ce qui est fait est fait.» En relevant doucement son regard hagard vers son ancien amant. Adelaïde le regarda sans mot dire, l’air perdu. Une vision désolante, surtout lorsque l’on savait à quel point elle avait pu être une adversaire redoutable pour certaines personnes. Soupirant, avant de baisser une nouvelle fois son regard vers le tapis finement tissé il y avait des larmes qui ne cessaient jamais de couleur, des vides que l’on ne peut combler, peu importe ce que l’on essaie de faire. Des souvenirs que rien n’efface et des personnes qu’on ne remplace jamais… Combien de fois lui avait-on répété qu’elle était jeune et qu’elle pourrait refaire sa vie? Combien de fois lui avait-on dit que tout irait bien? Cela n’avait plus d’importance, elle n’en voulait plus. Ne voulait plus de cette chienne de vie qui ne faisait que lui mettre des bâtons dans les roues. N’avait-elle pas payé assez le prix? Un léger soupir avant de reprendre doucement la parole; « Les dieux m’ont arraché non seulement Logan, mais aussi mes enfants. Rien que l’on n’y puisse changer toi ou moi… Rien que quelconques excuses ou accusation pourraient changer. » La Comtesse releva doucement les yeux vers son ancien amant, impassible. Allait-il réaliser ce qu’elle venait de lui avouer? Peu importe. Il était trop tard, et probablement que le Vicomte s’en foutait éperdument.

«Peut-être que tu ne pars pas indéfiniment. Mais rien n’est certain que je serais à Marbrume lorsque tu reviendras. » Adelaïde soupira avant de se relever, puis laissa son regard bleuté glisser vers son le Vicomte. Pour le moment la seule fenêtre qui semblait ouverte était loin d’être la solution joviale. La jeune femme se mit à marcher vers Alexandre, avant de s’arrêter tout près de lui. L’ambiance semblait soudainement beaucoup plus lourde, Adelaïde pouvait sentir son souffle devenir de plus en plus court alors que son regard azuré se relevait vers Alexandre. Interdite, elle l’observa quelques secondes, avant de déposer doucement la main sur sa joue. Caressant du bout des doigts la barbe légèrement hirsute du Vicomte. Elle avait l’impression que ce dernier s’était brandi alors que ses fins doigts s’approchaient de son visage, comme s’il s’attendait à un quelconque geste de violence. Le visage de la comtesse sembla se détendre pendant une minuscule seconde, avant qu’elle ne reprenne la parole, murmurant à son beau-frère; «Au revoir, Alexandre. J’espère sincèrement que tu pourras retrouver le bonheur, sur tes terres, ou peu importe où tes pas te mèneront. » Sans attendre, la jeune femme enleva soudainement sa main avant de tourner les talons, prête à partir.

Alexandre semblait avoir perdu tout esprit combatif quand il avait vu entrer son ancienne amante dans sa demeure, même après ce qu'il venait de se passer ces derniers mois, ils étaient toujours plus ou moins liés par leur passé même si Adélaïde lui en voulait terriblement -il ne fallait pas se le cacher-, l'un revenait toujours vers l'autre même si c'était pour de mauvaises raisons mais qu'importe, les Terresang et les Frayer -même si elle ne portait plus ce nom depuis longtemps, elle le restait- ont toujours étaient liés depuis deux décennies et cela n'allait pas changer à cause du Fléau ou encore du mauvais caractère des deux antagonistes qui étaient dans cette pièce.

Le Vicomte de Terresang prit la révélation comme une gifle, elle avait était enceinte ? Ses enfants ? Attendez … il avait apprit la convalescence de la jeune femme peu de temps avant l'invasion, elle avait fait une fausse couche la première fois ? Pourquoi ? A cause de quoi ? Et surtout, qui était le père ? Ce ne pouvait pas être Victor, non … bon, sinon ? La seconde fois ? Durant l'attaque des Goules ? Ainsi, l'invasion des monstres n'avaient pas uniquement touchée le peuple mais aussi les sang-bleus … mais attendez, où se trouvait-elle ? Le Seigneur pensait que la jeune comtesse était derrière les lignes, derrière le groupe de Défense, aucun Fangeux n'avait franchi le périmètre … que c'était-il donc passé là bas ?

Il se fit enlever de ses pensées, par la peau délicate de la main de la jeune Rougelac … bon sang, le contact de sa peau lui faisait encore de l'effet mais il n'était plus question de faire quoi que ce soit, les deux nobles avaient franchi la ligne de non retour et c'était Alexandre qui avait parcouru les derniers mètres malgré le ralentissement de Adélaïde, c'était lui qui en avait décidé, c'était lui qui devait se blâmer et surtout, il n'aurait jamais pensé qu'elle lui toucherait ainsi sa barbe, surtout que leur dernier entretien s'était fini avec une cruche éclaté contre un mur et des mots aussi durs que la canne d'Alexandre. Il se mit à regarder le sol alors qu'elle commençait à partir tout en lui disant au revoir … bon sang, devait-il lui avouer avant qu'elle ne parte ? Voulait-il vraiment qu'elle fasse cela ? Non … peut être pourrait-elle l'aider ? Mais accepterait-elle seulement ? Il releva prestement la tête puis attrapa le bras de la jeune femme tout en délicatesse et sans violence.

« Pars avec moi. »

Trois mots. Simple. Trois mots qui voulaient tout dire, trois mots qui pouvaient s'avérer mortels -si on en prenait la mouche de l'autre côté-, trois mots qui pouvait être qualifier de rupture d'accord.

« Pars au Labret avec moi, partons rejoindre l'air pur de la campagne ensemble ... » Il se mit à soupirer puis eut quelques secondes d'hésitation. « J'ai besoin de toi. »

Il la lâcha alors puis observa le doux visage de la jeune femme qui était autrefois empli de joie mais celle-ci avait disparu après le mariage avec le Rougelac qu'il avait lui même organisé.

« Et Claire également. »

Révélation, nous voilà, quitte à s'ouvrir, autant l'être jusqu'au bout.

« Ta nièce se trouve au Labret, amnésique. Je ne vais pas au Labret pour m'amuser, l'Ordre n'est qu'un prétexte, j'y vais car j'ai retrouvé ma fille, ta nièce, la seule personne qui nous relie encore à Alice. Aide moi une dernière, rejoins moi… je ne te demande pas d'oublier ce que j'ai fais, je ne te demande pas de me pardonner, je te demande d'honorer la mémoire d'Alice en faisant en sorte que celle de Claire revienne. »

Adelaïde s’arrêta net lorsqu’elle sentit Alexandre lui agripper le bras. Ses paroles lui semblaient suréaliste. Partir avec lui? Mais elle était mariée maintenant! Cela serait incroyablement mal vu pas les autres résident de l’Esplanade, puis ces paroles la fit fondre. Il avait besoin d’elle? Depuis quand? Et qui pourrait avoir réellement besoin d’elle alors qu’elle-même était incapable de se sortir de la noirceur qui l’entourait…

« Et Claire également. »

Son souffle s’arrêta, comme si l’air de la pièce avait disparu. Ces trois mots venaient de lui faire l’effet d’une bombe, comme si son petit monde n’avait pas d’importance. Venait-il réellement de dire Claire?? Non c’était impossible… Comment aurait-elle pu survivre? Où était-elle ? Adelaïde fit un pas vers Alexandre l’air triste. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais la seule chose qui put traverser ces lèvres était un faible; «Claire?» Presque un murmure autour dans le brouhaha qui résonnait dans la grande demeure du Vicomte.

« Ta nièce se trouve au Labret, amnésique. Je ne vais pas au Labret pour m'amuser, l'Ordre n'est qu'un prétexte, j'y vais, car j'ai retrouvé ma fille, ta nièce, la seule personne qui nous relie encore à Alice. Aide-moi une dernière, rejoins-moi… je ne te demande pas d'oublier ce que j'ai fait, je ne te demande pas de me pardonner, je te demande d'honorer la mémoire d'Alice en faisant en sorte que celle de Claire revienne. »

La vie est drôlement faite. Elle a l’art de revenir sur ses pas pour vous prendre par surprise, de vous réunir comme de vous séparer… et voilà que la chance venait de tourner, voilà que le destin lui donnait une chance de réunir sa famille. D’honorer Alice… Était-ce un message de sa sœur? De ne pas abandonner? La comtesse leva doucement le regard vers le portrait au-dessus de la cheminée, admirant tour à tour Alice et Claire, souriante. Cela lui semblait si loin désormais… Elle sentit ses yeux se remplir d’eau, puis elle les ferma rapidement avant de baisser la tête, tentant de contrôler ce trop-plein d’émotion qui faisait surface. Adelaïde se retourna puis fit quelques pas vers le bureau avant d’y déposer ses deux mains, comme pour se retenir. C’était définitivement un signe. Il y avait quelques choses qui se préparaient, et elle ne pouvait laisser sa famille ainsi. La comtesse se redressa, puis épongea rapidement les larmes qui perlaient au coin de ses yeux pour se redonner contenance puis se retourna vers son beau-frère. «Oui je vais venir avec toi au Labret. Pour Claire… Mais surtout pour Alice. » Silencieuse, elle observa de ses prunelles azurées son ancien amant. Les derniers mois avaient heurté considérablement leur relation, et elle se doutait bien que la réparée serait une épreuve des plus demandante, et rien n’était totalement certain. Adelaïde s’avança doucement vers son beau-frère avant de s’arrêter tout près de lui. Elle releva doucement son regard pour croiser le sien avant de murmurer à son tour; « Sur leurs têtes, sur ses cendres. » Puis prenant son courage à deux mains, elle étreignit son beau-frère avant de déposer sa tête contre son torse. Ce n’était rien de romantique, au contraire, elle avait simplement besoin de ce soutien familial, de savoir que sa famille pourrait la supporter à nouveau et à ce moment précis, elle n'avait aucune envie de partir.

Alexandre avait un certain art pour le mélo-dramatique, il fallait tout de même le dire … alors même que la jeune Rougelac était sur le point de partir pour ne plus revenir très certainement, il lui asséna un coup de massue derrière le crâne et kidnappa son esprit pour qu'elle reste … c'était ce que l'on pouvait pressentir mais le Vicomte n'était pas ce genre d'homme, oui, il l'aimait -peut être un peu moins- mais elle restait sa belle sœur et en plus de cela mariée à son ennemi d'autrefois qui pouvait devenir un nouvel ennemi mais elle restait son unique lien avec Alice, c'était comme-ci son esprit avait guidé les pas d'Alexandre jusqu'au Labret pour ensuite faire venir Adélaïde … Les dieux commençaient à lui faire entrevoir son futur possible, peut être même à lui pardonner ses fautes.

Il accueillit presque volontiers l'étreinte de la jeune brune, son contact lui faisait presque du bien, il n'avait pas ressenti cette chaleur dans son ventre … non, ne croyez pas que c'était de l'amour que l'on pouvait qualifier de romantique comme votre serviteur si dévouée l'a énoncée mais plus de l'amour familiale, comme un frère qui aime une sœur, comme un fils qui aime une mère … c'était un pur contact, de l'amour pur et non artificiel, c'était un moment de tendresse que Alexandre avait oublié depuis la mort de sa femme. Il avait oublié ce que cela faisait, sa gorge en était presque enrouée, il voulait en profiter pour s'excuser mais pourquoi gâcher un si beau moment en blablatant sur sa trahison, pourquoi faire cela alors que l'on voyait bien que la demoiselle était au bord de la dépression ? Elle avait perdu deux enfants et son vassal -mais amant aussi ?- puis elle avait gagné un mari qu'elle n'aimait pas … Alexandre se disait que retrouver Claire était peut être la solution à son problème, peut être qu'elle allait retrouver un semblant de bonne humeur, mais il fallait déjà faire retrouver sa mémoire à l'héritière vicomtale. Il murmura alors l'oreille de sa belle sœur :

« Nous ferons le nécessaire pour que Alice soit honorée et que Claire nous soit rendu, soit-en sûr. »

FIN