Merrick n'en menait pas large. C'était dur, trop dur de se relever des événements qui avaient amené la chute du Goulot dorénavant Chaudron. Las des nouvelles tâches lui incombant, Merrick, le couard, le paresseux et l'ivrogne , n'avait que très peu de temps pour se reposer entre ses différentes affectations. En outre, le sommeil ne venait guère, ou alors entrecoupé de cauchemars tous plus horribles les uns que les autres. Par le passé, ses nuits avaient été courtes et difficiles à cause de ses échecs lors de l'apparition des prédateurs de l'humanité. Aujourd'hui, bien que ses horribles actes le hantent toujours, ceux-ci venaient d'être supplantés lorsqu'il rejoignait l'étreinte des bras de Morphée. De fait, ses agissements et ce qu'il avait vulors de l'attaque de la fange sur le dernier bastion humain étaient les nouvelles réalités morbides le guettant au tournant et peuplant ses nuits.
Oh ! Oui, le groupe, qui était parti à l'offensive avait été acclamé comme des héros. Contre son gré, alors que tout ce qu'il voulait s'était fuir le plus loin et le plus rapidement possible, Lorren avait du suivre cette compagnie hétéroclite pour sauver le plus grand nombre. Or pour ce faire, les troupes s'étaient transformées en boucher et bourreau, sacrifiant une pléthore de gens pour préserver le restant de la cité. Aucune distinction n'avait été faite. Enfants comme femmes avaient trépassé sur l'autel de la sécurité, sur la préservation de cette place des Pendus désormais faite Chevaliers. De ces actes odieux et immoral, Merrick n'en tirait aucune joie, s'appuyant tout de même sur la béquille de la gloire qui lui était offerte pour contrebalancer ce marasme macabre qui le prenait à bras le corps. Toujours est-il que de jour, jouer le héros n'était pas un problème. Toutefois, de nuit, ces actes qui faisait sa petite et piètre renommée se rappelaient à lui pour le parjurer et le déchirer.
Pour lutter face à ce propre ressentiment à son égard, pour empêcher les cauchemars de venir troubler ses songes, le jeune homme avait fait ce qu'il savait faire le mieux: boire jusqu'à en être ivre. Boire jusqu'à s'assommer. Pour plusieurs raisons, ce stratagème qui avait fonctionné par le passé n'était plus suffisant. Entre la recrudescence de ses missions et de ses devoirs avec la milice, et qui plus est avec une sergente continuellement sur son dos, Lorren n'avait guère la possibilité d'être la proie de la débauche bien souvent. De plus, l'alcool semblait insuffisant pour complètement supplanter les troubles de sommeil, pour complètement oblitérer les cauchemars.
Dès lors, il devait trouver un remède miracle, quelque chose de plus fort. Sans quoi, Merrick Lorren risquait bel et bien de devenir fou...
◈ ◈ ◈
Fendant le flot de badauds d'un pas aussi mornes que lent, Merrick allait cahin-caha en direction d'une enseigne qu'il avait entendue lors d'une conversation avinée entre deux piliers de comptoir. Une boutique d'herboristerie où un supposé remède miracle contre la gueule de bois existait. Le jeune homme n'était pas réellement en quête de cettedite mixture aux effets magiques. Toutefois, si quelqu'un était capable de créer cela, il lui était peut-être possible de confectionner quelque chose pour rendre ses nuits plus calmes, non ? Grognant sous un rayon du soleil qui vint égratigner sa rétine, le coutilier mit une main en visière pour préserver son regard clair et rougit aussi bien par le manque de sommeil que l'alcool de la veille. Finalement, si le mélange contre les lendemains difficiles existait, peut-être qu'il l'essayerait...
Replongeant de nouveau derrière l'ombre protectrice d'une bâtisse plus imposante que les autres, Lorren cligna des yeux à quelques reprises pour se réhabituer à cette noirceur bienfaitrice. Le teint plus que blême et les cernes violacés, l'homme d'armes soufflèrent, las de cette pérégrination qui ne mènerait probablement à rien. C'est sur cette entrefaite pleine de mornitude qu'il vit l'enseigne de la boutique qu'il cherchait, battant aux vents qui la balayaient inlassablement de gauche à droite.
"C'est là..." Dit-il pour lui-même, comme pour se convaincre. Se passant une main dans la chevelure pour lui redonner son allant premier, le coutilier resserra les pans de son manteau avant de couler un regard de droite à gauche et de traverser l'intersection.
-"Bonj..." Commença-t-il avant de s'interrompre, lorsqu'il rentra à l'intérieur de la boutique. Le lieu était quasiment vide de toute trace humaine, véritable crypte faite uniquement de silence et d'une contemplation presque maussade. Derrière le comptoir se tenait assise une jeune femme, qui le regard perdu dans le vague croquait négligemment une pomme. Sans trop savoir pourquoi, Merrick se sentait comme un intrus, tandis qu'il s'apprêtait à tirer de sa rêvasserie la potentielle propriétaire des lieux. Dès lors, resta-t-il silencieux à son tour durant quelques secondes, avant de se rabrouer et de se morigéner. Allons, du nerf Lorren !
"...Jour." Termina-t-il finalement. Secouant la tête devant cette prise de parole qui ne ferait sens à celle qui n'avait pas entendu les prémices de son allocation, Merrick se passa une main dans les cheveux et la langue sur ses lèvres gercées et craquelées. Se raclant la gorge qu'il avait desséchée par l'ivresse d'hier, le coutilier s'y reprit: "Bonjour." Satisfait de ce préambule de conversation, le jeune homme se permit d'hocher fugacement de la tête avant d'avancer à l'intérieur de l'antre de sa vis-à-vis.
"Est-il vrai que vous confectionnez un remède miracle contre les lendemains de veille ?" Se massant d'une main la tempe gauche, son état et son allant étaient la preuve qu'il serait un client idéal.
Fier de nature, Merrick Lorren n'avouerait pas encore qu'il venait ici à cause de cauchemars. Premièrement, le jeune homme voulait s'assurer du potentiel de l'inconnue qu'il prenait pour l'herboriste avant de lui livrer ses véritables maux qui le rongeaient. Étirant maigrement ses lèvres en une forme de sourire, le coutilier prit sur lui de se présenter :
"Merrick Lorren, mademoiselle...?" Demanda-t-il en retour