Marbrume


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 Prémices d'un vertige [Terminé]

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Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



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MessageSujet: Prémices d'un vertige [Terminé]   Prémices d'un vertige [Terminé] EmptyLun 2 Sep 2019 - 16:35




Quartier du port
Août 1166


Un contrebandier et une voleuse des Bas-Fonds marchaient ensemble en silence, chacun plongé dans ses pensées, côte à côte, traversant les quartiers de Marbrume depuis Bourg Levant jusqu’au port. Ils ne risquaient pas d’oublier ce qu’ils avaient vu ou vécu, ni l’aperçu terrible de la noirceur qui se cachait dans le coeur des hommes, quelques fois. Pour Alaïs, c’était une victoire en demi-teinte. Ils avaient arrêté la femme du boucher, mais il restait un monstre en liberté et il était probable qu’ils ne mettraient jamais la main dessus, à présent. Tout ça à cause d’un stupide prêtre trop pressé qui voulait faire du zèle. A croire qu’elle était condamnée à voir les choses lui filer entre les doigts sans être capable de les retenir ou de les appréhender.

Le soir descendait déjà, et l’air se faisait doux. Pourtant, il semblait bien que c’était la seule chose qui l’était, à voir les mines fermées qu’affichaient les deux compères, l’un d’une froideur de glace et l’autre bouillonnant d’une colère sourde qui transparaissait dans sa démarche raide et nerveuse. Finalement, ils arrivèrent devant une petite bicoque qui ne payait pas de mine et le contrebandier ouvrit la porte qu’il referma soigneusement derrière elle, comme une habitude depuis longtemps inscrite dans son quotidien et qu’il faisait presque inconsciemment. Se faisant, comme elle demeurait droite et immobile au centre de la petite pièce, il finit par lâcher tout en se retournant :

— On ne mélange pas professionnel et privé, c'est dangereux, Alaïs.

Elle le fusilla du regard, comme si elle avait attendu ce reproche durant une éternité, et y voyait là le craquement d’une allumette près d'un barril de poudre prêt à exploser.

— C’est tout ce que tu trouves à dire ?
— Qu'est ce que tu attends de moi à la fin ?

Elle était finalement parvenue à le sortir de ses gonds. Alaïs savoura un bref instant cette sensation, notant le fait assez rare pour être remarquable dans un coin de sa tête. Pour plus tard. Pour le moment, elle avait besoin de déverser ce flot trouble de pensées, ce trop plein d’émotions qui l’encombraient et le contrebandier lui offrait une occasion parfaite de le faire. Et elle allait s’en donner à coeur joie, envahissant l’espace de ces mots tranchants comme des lames de rasoir.

— Je ne sais pas Karl ! Un peu plus de... chaleur peut être ? Je ne suis pas une putain d’étrangère ! Je suis pas une ligne de tes foutus chiffres dans ton livre de comptes !

Il avait l’air tout simplement révolté, et s’emporta à son tour, la pointant d’un doigt accusateur.

— Je t'offre un toit, je viens t'aider pour ton affaire et tu trouves le moyen de râler, Alaïs ? C'est quoi ton problème ? J'ai essayé de t'aider et tout ce que tu m'as donné c'est des paroles venimeuses. Remets toi en question, bon sang.

Alaïs se mordait la lèvre, le regard flamboyant… Il ne comprenait pas, comment pourrait-il comprendre ? Mais il commettait une lourde erreur. Croyait-il qu’elle s’en prenait à lui pour le plaisir ? Elle s’avança vers lui en fulminant, rattrapant les quelques pas qui les séparaient pour planter son regard dans le sien.

— Je ne râle pas, Karl ! Je suis en colère ! Une colère noire ! Un truc qui te bouffe les entrailles et te consume à petit feu !

Oui, c’était la rage qui l’animait, un orage grondant qui planait au dessus de leurs têtes depuis son retour du Labret, quelque chose de si énorme qu’il menaçait de tout emporter si elle s’y abandonnait. Peut être que sa colère l’emporterait aussi si elle continuait et il la fixa avec une expression perdue. Inconscient, aveugle. Du reste, comment pourrait-il comprendre ? Elle n’avait pas dit un mot, donné une seule explication à son retour. Elle était presque à bout de souffle, puis s’arrêta soudain.

— Et tu n’y es pour rien. Désolée.

Il y eut un bref silence dans la bicoque. L’orage passait et ses pensées s’éparpillaient comme une pluie d’été autour d’eux. Il avait encore le regard brillant de colère mais il se reprit bien plus vite qu’elle ne serait jamais capable de le faire.

— On est d'accord. Tu prends tout trop à cœur. Mais si tu en as besoin…

Karl s'avança et attrapa la jeune femme dans ses bras. Un peu de chaleur humaine ça ne faisait de mal à personne. Et il souffla finalement, avec une douceur qu’elle ne lui connaissait pas :

— Ca va te bouffer, si tu continues...

Elle avait été saisie par le geste, comme prise de court, mais s’y était abandonnée volontiers, pelotonnant son museau contre sa veste en cuir qu’il n’avait même pas pris la peine de retirer, avant d’avouer finalement à voix basse ce qui la torturait depuis des jours.

— Mon père a disparu, Karl... Je crois qu’il est mort. Et c’est entièrement ma faute.

Il prit la mesure de ses mots, mais il ne relâcha pas son étreinte, la maintenant étroitement contre lui.

— Tu crois. Tu n'es pas sûre. Je vais voir mes contacts au Labret.

C’était dit naturellement, concis et précis comme à son habitude. Elle en demeurait interdite, une fois n’est pas coutume, traversée par une foule de sentiments contradictoires qui semblaient lutter en elle même sans lui laisser un temps de répit, la laissant confuse, le regard brillant et hagard. Néanmoins quand elle redressa la tête pour croiser ses yeux, seule une lueur douce transparaissait par dessus son trouble et elle posa une main tout aussi délicate sur la joue de Karl. Elle lui en faisait baver et pourtant il s’obstinait à lui tendre la main, sans poser de question. Il était loin le temps du donnant-donnant entre eux deux.

— Tu as toutes tes affaires qui t’attendent...

C’était loin d’une protestation polie, plutôt une sorte de voile pudique qu’elle jetait sur les vestiges d’un passé honteux et auquel elle n’osait pas mêler le contrebandier. Il lui retourna un regard surpris, elle avait l'air si vulnérable alors qu'elle se démenait pour garder son masque de fille forte et maintenant voilà qu’elle lui caressait la joue. Non pas comme une amie mais comme une femme.

— J'ai du temps. Tu es primordiale pour l'équipe.

Toujours les affaires. Néanmoins, il ajouta après une courte pause.

— Et j'ai aussi besoin de toi.

Elle étira un sourire douloureux et néanmoins empreint d’une pointe de malice à la mention de l’équipe. Mais il sembla deviner ses pensées avant même qu’elle les formule ce qui était un fait assez troublant en soi, ajoutant qu’il avait besoin d’elle. Elle cilla en l’observant comme si une faille minuscule mais néanmoins visible s’était ouverte entre eux deux dans ce cours laps de temps. Elle se racla un peu la gorge sans pour autant s’écarter. Il lui semblait que s’il la lâchait maintenant, elle allait s’écrouler là et ne plus jamais se relever.

— A vrai dire... je ne sais même pas si mon père est encore au Labret, en admettant... en admettant qu’il soit toujours en vie quelque part.

La réalité reprenait le dessus, peu à peu, et ils tâchaient tous les deux d’écarter la faiblesse, les failles si dangereuses qui les feraient dégringoler de tout ce qu’ils avaient construit peu à peu, à force de volonté et d’acharnement.

— Je ne te promets rien. Tu peux dormir ici ce soir, c'était une rude journée. Tu peux prendre le lit, j'ai du travail. Et je dors mieux dans mon fauteuil en ce moment.

Elle cligna de nouveau, repoussant les pensées qui la préoccupaient pour ne pas dire qu’elles l’obsédaient depuis son retour bredouille du Labret. Elle en avait oublié tout ce qu’elle avait laissé derrière elle.

— Quel genre de travail ? Quelque chose te préoccupe ? Qu’est ce que j’ai raté ?

Elle avait besoin de se changer les idées, aussi il la libéra de son étreinte avant d'aller chercher une bouteille, tout en jetant sa veste sur une chaise au passage.

— Mon réseau commence à fonctionner, j’ai de moins en moins besoin d'acheter de la marchandise. On me paye pour en faire rentrer. Sans compter les demandes… Exotiques. J'ai un emploi du temps chargé.

Elle retint un bref soupir de dépit lorsqu’il la relâcha, et se jucha sur le bord de la table tout en suivant le contrebandier du regard en écoutant ses explications.

— Je suis désolée, Karl, je ne t’ai pas beaucoup aidé... Quel genre de demande exotique ?

Il déboucha la bouteille et s'enquilla une gorgée avant de la poser sur la table. Il observa la voleuse de son regard. Il pouvait lui faire confiance.

— On me demande de faire rentrer des gens. Ou d'en faire sortir.

Elle prit le temps de soupeser ce que cette révélation impliquait puis s’empara de la bouteille avant d’en prélever une gorgée.

— Des bannis ?
— Je ne demande pas.

Elle hocha seulement de la tête.

— Des pauvres gens qui n’ont pas la faveur des Trois, résuma-t-elle sous une étiquette formellement acceptable.

Elle poursuivit, soudain dans le besoin de parler, de révéler davantage que leurs affaires les autorisaient à le faire habituellement.

— Tu sais quand le Goulot a été attaqué... C’est la pire vermine du royaume qui m’a prise sous son aile. Sans eux, je ne serais sûrement pas là à te parler. C’est quand même étrange, non ?
— Pas plus que ça.

Elle esquissa un sourire doux, plongée dans ses souvenirs.

— C’est la nuit la plus horrible que j’aie jamais vécue... Et c’est là que j’ai compris que les monstres n’étaient pas ceux qu’on croyait.
— Tu penses que les bannis sont plus fréquentables ?

Il semblait attendre son avis, comme quelque chose qui comptait réellement. Elle haussa une épaule.

— Autant qu’un animal sauvage trop souvent battu par les hommes, Karl. Ça ne sera jamais une partie de plaisir de les apprivoiser.
— Si je cherchais la facilité, j'aurais ouvert une véritable boutique.

Il lui offrit un léger sourire avant de reprendre une gorgée de sa bouteille. Et de s'asseoir avec son livre de compte et un petit carnet. Etait-il en train de refermer la porte qu’il avait ouverte entre eux ?

— Tu connais la maison, si tu veux rester.
— Oui.

Elle se déplaça d’un pas et posa une main sur son épaule avant de se pencher au dessus de lui pour guigner les lignes qui demeuraient un mystère pour elle.

— Encore une chose que j’aimerais apprendre un jour.
— On peut apprendre les chiffres. Les aimer, c'est autre chose.

Karl n'avait pas l'habitude qu'on l'observe, encore moins de sentir une présence derrière lui. Il avait oublié ça. Elle sourit à sa remarque, gardant cette expression amusée et presque tendre pour elle même derrière son épaule. Son ton se faisait plus léger, un brin taquin.

— Ils en ont de la chance.
— Ils ont l'avantage de ne pas parler.

Sa remarque était légère, dénuée de méchanceté, sur le ton de la répartie, ce qui était loin de déplaire à la voleuse.

—Oh pardon, je te déconcentre.

Elle n’avait pas l’air le moins du monde désolée, mais il reprit bien trop vite son sérieux à son goût, précisant, s’il en était besoin :

— Tu ne me déranges pas. Tant que tu ne touches pas à mes livres, tu peux rester.

Elle piqua un bref baiser sur sa joue broussailleuse en souriant. Ces maudits livres.

— Et qu’est ce que je ferais de livres que je peux pas lire hein ? Mais tu finiras par t’user les yeux à force de fixer tes bouquins dans le noir.

Elle désigna la semi-pénombre qui régnait dans la boutique que la bougie avait du mal à éclairer vraiment. Il redressa la tête pour la tourner vers la voleuse, un brin sarcastique.

— Donc j'arrête de travailler la nuit ? Et par la même occasion, je focalise mon attention sur la personne présente dans ma maison ? Comme un bon hôte ?

Elle haussa un sourcil et croisa les bras, une expression mi-sérieuse mi-malicieuse s’affichant sur ses traits, tout en le fixant.

— Karl Stanner. Je suis ambitieuse. Mais pas à ce point.

Elle se prit à rire un peu avant de prendre une gorgée à la bouteille qui attendait non loin.

— Je te pensais plus aventureuse. Comme quoi, on est toujours surpris.




Dernière édition par Alaïs Marlot le Dim 22 Sep 2019 - 15:55, édité 2 fois
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Karl StannerContrebandier
Karl Stanner



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MessageSujet: Re: Prémices d'un vertige [Terminé]   Prémices d'un vertige [Terminé] EmptyMer 4 Sep 2019 - 2:28
Il cacha un sourire avant de retourner dans ses livres et de barrer une ligne du carnet pour en écrire une nouvelle dans le compte. Elle faillit avaler de travers et se passa un revers de main sur les lèvres avant de regarder le contrebandier avec une once d’étonnement.

"C’est un défi ?"

Elle semblait presque perplexe, Karl avait le truc pour rendre les plaisanteries sérieuses, et tourner les choses sérieuses en plaisanterie, avec ce ton pince sans-rire qu’elle commençait à affectionner. Elle s’y perdait parfois.

"Je te dis ce que je pense. Moi ça m'arrange. Mais ne mets pas de l'alcool partout, ça imprègne le bois."

Il hocha la tête sans la relever du livre de compte. Elle plissa les yeux. Il se moquait, le vil renard.

"Tu sais que tu ne vas pas t'en sortir comme ça."

Elle tira le livre de comptes d'une pichenette, sans le malmener pour autant, consciente de ce que risquaient ses doigts si elle s'y essayait.
Dans un pur réflexe, il lui attrapa la main. Elle l’avait tiré de sa réserve et lui offrit un regard où la victoire transparaissait.

"C'est un outil de travail, Alaïs. Sans doute le plus important."

Le ton n'était pas méchant, le geste pas menaçant le moins du monde. Et elle n’avait aucune envie de récupérer la liberté de ses doigts, savourant la chaleur de sa paume.

"Et quand on devient l'esclave de son travail, qui est l'outil ?"

Elle le fixait d'une mimique malicieuse, mais le détaillait attentivement à la lueur de la bougie. Elle avait envie de savoir et ne laisserait pas passer une telle occasion.

"Ça m'occupe depuis la Fange. Je suis l'esclave d'un but pas de mon travail."

Il avait retrouvé son air morose pendant ce bref instant tout en soutenant le regard de sa compagne du soir.
Elle ne baissait pas les yeux, sans compassion superflue ni pitié déplacée, seulement soucieuse de percer à jour ce qui se cachait derrière ces yeux bleus.

"Quel but alors ?"

"C'est si important ?"

"Bien sûr que oui. S'il faut renoncer à sa liberté autant savoir pour quoi."

"Tu parles bien pour une fille de la rue. Mais renoncer est bien grand mot, je m’occupe la tête en contrepartie du temps que je sacrifie."

Elle était presque déçue de la réponse et constata :

"C'est pas un but ça, c'est une impasse."

"Ma place me convient."

Elle frissonna malgré elle.

"Mon père aussi disait ça : "Al', tu dois connaitre ta place et savoir y rester”. Si tu croyais à ces conneries, tu l'aurais ouverte ta boutique."

"T'es ambitieuse, Alaïs. Moi j'ai juste envie que ça fonctionne. Etre le premier, cela ne m'intéresse pas. Je veux être bon dans ce que je fais."

"Alors pourquoi la contrebande, Karl, et pas simple marchand de grains ?"

"Ça, c'est une autre histoire."

Il hocha la tête calmement, poursuivant ses explications, lui dévoilant sa vision des affaires et de la vie, puisque les deux se confondaient chez lui.

"Y'a pas grand monde sur le marché, et encore moins digne de confiance. Ce n’est pas difficile de monter une équipe. Le Goulot grouille de talents.
La fiabilité c'est l'une des ressources les plus rares des bas quartiers. C'est ce que je fais moi, je propose de la fiabilité. Rien de plus, rien de moins."


Elle l'écoutait attentivement, un léger sourire sur les lèvres, sans l'interrompre ni sembler se moquer de ses motivations.

"Tu fais un drôle de contrebandier, tu sais."

"Tu t'attendais à un aventurier en quête de sensations ? Tu as l'administrateur. Il faudra aller voir quelqu'un d'autre pour rêver. Désolé de casser le mythe."

Il n'avait toujours pas lâché sa main et semblait presque la défier. Elle lui sourit un peu crânement.

"Oh ça je sais, Karl. Mais pour l'aventure, tu m'as moi."

Ça résonnait soudainement à ses oreilles avec un tas de sous-entendus qu'elle n'avait pas calculés de prime abord, mais il était trop tard pour revenir en arrière, et elle préférait garder sa contenance, un demi sourire en coin perché sur ses lèvres. Karl l'observa un bref instant, une question se devinait dans son regard.

"Je reconnais que tu as un peu bousculé mes habitudes. Ce n'est pas un mal."

Elle secoua la tête devant la bêtise de ses propres paroles, qu'elle avait lancées dans l'air pour l'impressionner, parce que ça sonnait bien et que ça lui donnait de l’assurance, et elle se demanda soudain pourquoi elle avait systématiquement besoin de lui démontrer qu'elle était à la hauteur. Elle préféra dériver sur un fil un peu moins périlleux, funambule qu'elle était.

"Moi, j'aime la nuit, les étoiles au dessus de ma tête, et ne pas savoir ce que je ferai demain. Même si c'est dangereux."

Elle ajouta finalement, plus sombre.

"Je n'ai pas envie de crever comme du bétail. Quitte à mourir, autant faire ça bien."

"J'admirerai toujours ta capacité à voir la vie du bon côté sans en oublier les dangers."

Elle se mordit la lèvre un instant en le regardant, puis se pencha en avant, pour murmurer non loin de son oreille.

"Pour être honnête, Karl.... Je suis toujours terrifiée. Mais... j'ai appris qu'il faut montrer les dents au destin, si on ne veut pas qu'il nous morde en retour."

Il se tourna vers elle à quelques centimètres de son visage.

"La peur, c'est un bon carburant. Ça permet de se sentir en vie."

Elle ne bougea pas d'un poil, sondant son regard ou s'y perdant un peu avant de répondre.
C’était une chute lente et sans fin, mais elle en savourait chaque seconde.

"Je ne cherche pas la peur. Mais quand on prend de la hauteur, on doit composer avec le vertige. Toujours."

Karl ne bougea pas ou n'osait-il pas. Du moins, il gardait son regard dans le sien, quelle étrange sensation.

"Je laisse les autres prendre la hauteur pour moi en général."

"C'est parce que tu n'as jamais goûté les étoiles. Mais tu as tort."

"T'es une rêveuse, Alaïs. Cela me change. Je devrais me laisser tenter."

"Rêver ne fait pas de mal, si on sait se rappeler où se trouvent ses pieds. Je te montrerai, quand tu voudras."

"Tu veux me montrer ?"

Il avait laissé échapper la question, un brin surpris par lui même. Elle pencha très légèrement la tête de côté, comme pour le jauger, pas bien sûre de savoir de quoi ils étaient en train de parler, désormais.

"Oui, bien sûr. Mais il faut être prêt à regarder. Les étoiles sont une chose aussi sérieuse que tes chiffres."

"Je suis un professionnel dans tout ce que je fais."

"Oui, je sais. Mais c'est avec ça qu'il faut regarder."

Elle posa sa main libre sur sa poitrine, dans un bref sourire doux, avant de la retirer.

"Je regarde plutôt avec mes yeux habituellement."

Il hocha la tête dans un bref sourire et recula cette dernière, admirant la voleuse. Elle ne bougeait pas, appuyée sur sa main, sur le rebord de la table, s’offrant à son regard sans broncher.

"Et quand tu les auras usés, tes yeux, il te faudra bien utiliser ce qu’il te reste."

"Je crois qu'on se sert de ses mains quand on ne voit plus."

Il était assis dans son fauteuil, il savait très bien ce qui se passait entre les deux compagnons et pourtant il ne cherchait pas à couper court. Il l'aimait bien.

"Le problème avec les étoiles, c'est qu'elles se laissent pas facilement attraper. Mais je passerai ma vie à essayer."

Elle hocha doucement de la tête, dans sa direction, consciente ou pas de ce qui se jouait, elle appréciait seulement sa présence et parler des étoiles avec quelqu'un qui ne lui riait pas au nez.

"Tu n'es pas mon Grimpeur pour rien, Alaïs. Si quelqu'un doit attraper les étoiles, c'est toi."

Il lui offrit un nouveau demi sourire dans un hochement de tête. Karl n'était pas le plus à l'aise avec les compliments. Avec les femmes non plus.
Elle était visiblement touchée par la remarque, néanmoins, la trouvait poétique, et lui sourit, effleurant sa joue de nouveau et répéta la formule sur un ton complice.

"Je ne promets rien."

"Je vais tout de même finir ça."

Il désigna les livres avant de se retourner dans une certaine gêne. Non, Karl n'avait plus l'habitude.
Elle sembla surprise en réalisant de quoi il parlait, puis inspira comme avant une pirouette particulièrement périlleuse avant de saisir son menton et poser ses lèvres sur les siennes, préférant fermer les yeux face à l’énormité de ce qu’elle était en train de faire. Il lui semblait impossible de faire autrement, peu importe ce que ça impliquait.
Il fallait bien que quelqu’un prenne les risques. Elle recula ensuite, le visage en feu. Sa poitrine allait éclater sous les assauts de son palpitant. Le contrebandier s'était crispé un bref instant avant de lui rendre son baiser. Regardant la jeune femme le visage embrasé de son air le plus calme.

"Je reconnais mieux l'aventurière."

Elle poussa un lourd soupir comme après un effort, incommensurable. S’il lui parlait de chiffres maintenant, elle se jura qu’elle allait l’assassiner.

"Comment fais tu pour être aussi calme ?"

"Déformation professionnelle. Je ne vais pas travailler ce soir."

Il referma ses deux livres avant de les ranger.

"Je n'ai pas… Je n'ai plus la tête à ça."

Elle restait perchée sur son bout de table comme au bord d’un précipice, mais elle semblait en apprécier le vertige comme tout bon acrobate.

"Quelque chose a changé."

C’était un simple constat mais elle avait besoin de le dire à haute voix pour le rendre évident. Il hocha la tête, après un bref silence.

"Il y'a quelques mois tu te tenais devant moi en guenilles. Aujourd'hui, j'ai du mal à soutenir ton regard. Pas mal."

"L’hiver avait été rude. Tu m’as montré que je n’étais pas juste une mendiante."

Manière de lui rappeler qu’elle savait ce qu’elle lui devait. Elle haussa doucement les sourcils dans sa direction.

"Et qu’est ce qu’il a mon regard au juste ?"

"Je ne te vois plus seulement comme une alliée. Et je ne suis plus habitué à des relations autres que professionnelles."

"Tu n’en parles jamais, acquiesça-t-elle."

"Pourquoi évoquer des souvenirs douloureux ?"

Elle poussa un bref soupir en haussant les épaules.

"Je sais pas. Parfois ça pèse."

"Tu dois être la première femme qui m'embrasse depuis mon épouse. J'en suis là, en termes de relation."

Elle l’observait dans l’expectative, toujours suspendue sur ce fil invisible qui semblait les relier. Jamais il ne lui avait semblé si difficile de rester en équilibre au dessus du vide. Mais elle avançait en s’armant de tout son courage.

"Je suis... désolée pour elle. Je ne veux pas..."

Que ne voulait-elle pas au juste ? Qu’il retourne dans son silence ? Qu’il la plante là avec ces livres froids et pleins de poussière ? Non c’était autre chose. Elle ne voulait pas le faire souffrir. Elle avait déterré quelque chose de fragile et n’avait aucune envie de le briser en mille morceaux.

"Je ne veux pas raviver de vieilles blessures."

Il leva la main en signe d'apaisement.

"J'ai fait mon deuil. Je n'avais juste pas envie de renouer avec quelqu'un. Les dieux ne m'aiment pas. Depuis quelques temps, je suis moins… Malheureux ?"

Elle prenait la mesure de ce qu’il avançait avant de répondre. Comment lui faire comprendre ?

"Les dieux n’aiment personne ces temps ci, Karl. Aide toi et le ciel t’aidera, c’est le seul moyen... Alors, tant mieux si tu es moins malheureux."

Elle prit la bouteille qu’elle éleva comme pour trinquer puis but une gorgée avant de la tendre dans sa direction. Il l’attrapa, l’éleva à son tour et but une belle gorgée.

"Je vais me coucher."

C’était si brutal qu’elle en resta un instant décontenancée, l’air idiot. Elle avait oublié l’heure et le temps.

"Oh. Oui. Il est tard."

Il se dirigea vers le lit, la bouteille en main. Il lui avait pourtant bien dit qu'il lui laissait. Elle le regarda lui tourner le dos, le maudissant un bref instant, et avant d’avoir réfléchi, elle avait quitté son perchoir et l’avait retenu par le bras, doucement.
Il n'avait pas cherché à continuer et l'avait regardée dans une interrogation muette mais pas vraiment surprise. Elle restait là, la main sur son bras et n’avait pas vraiment l’air sûre de ce qu’elle faisait au juste.
Ils se dévisagèrent en chiens de faïence avant qu’il ne se décide à placer quelques mots entre eux, presque maladroitement.

"Tu peux venir avec moi. Je ne serais pas contre un peu de chaleur humaine."

Il avait posé une main calme sur la sienne, cherchant sans doute à s'apaiser lui même.

"Du moins, si tu en as envie."

Elle hocha seulement de la tête, glissant ses doigts entre les siens.
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MessageSujet: Re: Prémices d'un vertige [Terminé]   Prémices d'un vertige [Terminé] EmptySam 7 Sep 2019 - 13:33




Quartier du port
Août 1166 - Le lendemain


Elle dormait sur le ventre, enlaçant son oreiller entre ses bras, un léger sourire aux lèvres, paisible. Longtemps qu’elle n’avait pas dormi si profondément. Au Goulot la nuit vous laissait rarement l’occasion de reposer. Cette fois, même les rayons du matin ne parvenaient pas à la tirer de ses songes. Néanmoins, elle fut finalement gênée par l’ardeur d’un rai de lumière acharné qui lui mordait le dos, entre les rideaux, menaçant de lui cuire la peau et elle roula dans les draps en s’étirant dans le lit, ouvrant les yeux paresseusement. Elle sembla soudain remettre l’endroit où elle se tenait, se couvrant d’un bras, en remettant machinalement ses cheveux épars en place, dans un geste un peu vain avant de parcourir l’endroit des yeux. Elle était seule et s’en trouva un instant dépitée, comme honteuse.

Elle se glissa de côté pour retrouver quelques effets et attrapa la première tunique qui lui tomba sous la main et qui ne lui appartenait pas. S’en servant comme d’une chemise de nuit, elle l’enfila avant de sortir du lit. Le tissu avait l’odeur de Karl, lui tirant un sourire, comme le souvenir d’une caresse sur sa peau. Où était-il donc ? Elle se sentait un peu perdue dans la boutique, maintenant que la lumière avait remplacé l’obscurité et les émois de la veille. Avançant de quelques pas elle s’arrêta finalement en trouvant le contrebandier à sa place habituelle, assis à la table, penché sur son livre de comptes, concentré sur sa tâche, il lui tournait le dos. Elle se sentait bizarrement déplacée dans cet environnement, comme une intruse dans la solitude de cet homme qu’elle découvrait à peine. La veille avait-il changé quoi que ce soit ? Ou était-elle la seule à se sentir différente ? Elle se racla la gorge pour signaler sa présence. Il redressa la tête sans se retourner, commentant de sa voix calme :

— Tu as le sommeil profond.
— J’avais perdu l’habitude de dormir dans un vrai lit...

Elle se frottait la nuque avant d’avancer encore un peu vers ce dos qui lui barrait la vue. A quoi s’était-elle attendue au juste ?

— Ce n'est pourtant pas la première fois que je te propose de dormir dedans.

Il s’appuya sur le dossier de la chaise avant de tourner la tête pour observer la voleuse débraillée.

— Ah bon ?

Elle était terriblement gauche et ne trouvait rien d’intelligent ou de piquant à répondre. Elle haussa un sourcil, espérant qu’il fasse un pas.

— Sans moi dedans, bien entendu.

Elle esquissa un demi sourire presque gêné, comme si la nuit précédente venait soudainement de se placer entre eux, sans qu’elle sache pourquoi.

— Hm. Alors disons que je ne voulais pas t’encombrer.
— Tu devrais savoir que je ne propose rien qui ne m'arrange pas aussi dans un sens.

Il lui retourna un léger sourire avant de se repencher une fois de plus dans son livre de compte. Elle acquiesça alors qu’il avait déjà tourné la tête, resta un instant plantée là et se décida à s'asseoir non loin à la table, calant son menton sur ses bras croisés tout en lorgnant sur le contrebandier. Elle avait déjà perdu son attention, semblait-il. Ce dernier portait une simple chemise de lin tout comme un pantalon du même tissu. Elle l’avait rarement vu autrement que dans son ensemble de cuir pour les affaires. Ca lui donnait presque un air moins sévère, plus accessible, mais son regard et ses pensées n’en demeuraient pas moins loin d’elle, tout plongé qu’il était dans ses chiffres. Elle patienta en silence, ses yeux vagabondant sur son voisin. Il tira finalement un dernier trait et referma le livre avant de poser son regard sur elle.

— Tu veux parler d'hier soir ?

Elle redressa les yeux vers lui, jetant un vague coup d’œil vers le livre qu’il venait de refermer, mal à l’aise. Elle ne s’était certes pas attendue à une explication de texte au réveil. Qu’attendait-il qu’elle dise concernant “hier soir” ? Devait-elle commenter ce qui s’était passé entre les draps ? Elle se mordit la lèvre de confusion.

— Je sais pas... On doit en parler ?
— Non. Je te dirais simplement que j'ai apprécié. Merci de ne pas m'avoir laissé seul.

Ca avait été dit maladroitement et cette fois, elle rougit un peu, confuse et comme légèrement piquée au vif sans pouvoir l’exprimer vraiment. Venait-il de la remercier pour service rendu ? Pour ses performances peut être ? Pour un peu, elle allait finir par se vexer. Ce n’était que ça entre eux ?

— Je... Hm. De rien ?

Elle se frotta le visage un peu vivement comme pour chasser son trouble puis se redressa, quittant sa chaise, pour finir de se couvrir. Elle se sentait ridicule.

— Désolé.

Il chassa l'air de la main en poussant un bref soupir.

— Je ne suis pas doué.

Elle s’arrêta à mi-chemin une jambe à moitié passée dans son pantalon, et finit par se retourner en délaissant le vêtement pour l’observer, le front légèrement plissé. Il avait tourné la tête, avec cette expression surprise en la voyant se rhabiller. Malgré son air calme, il affichait une mine… déçue ?

— Tu veux que je reste ?
— Tu pensais que je dormirais avec toi et te demanderais de partir le lendemain ? Tu n’as pas une très haute opinion de moi.

Elle étira un pauvre sourire, en haussant une épaule, presque penaude. Elle y avait pensé.

— Je suis une fille de la rue.

Il secoue la tête et se redressa, tirant la chaise avant de se diriger vers un placard, gardant le silence, ce silence qui lui semblait comme une chape de plomb entre eux. Désormais elle triturait le bord de sa tunique du bout des doigts, tout en le suivant des yeux.

— J’ai parfois du mal à te suivre, Karl. Je ne peux pas tout deviner si tu ne me dis rien...

La phrase avait été dite d’une voix basse sans l’once d’un reproche. C’était la pure vérité. Si elle était douée pour déchiffrer les gens, Karl faisait exception à cette règle, et elle avait l’impression de tâtonner comme une aveugle pour le comprendre.

— Ne t'excuses pas. Tu ne pouvais pas savoir.

Il parlait toujours de cette voix si calme et posée, cette voix de négociant, ce qui avait pour une fois le don de la désespérer.

— Je m’excuse pas. Et je regrette pas.

Elle reprenait un peu d’aplomb comme dans un sursaut de fierté, il était trop tard pour les regrets, de toute façon. S’il la rejetait maintenant, elle emporterait le secret de cette nuit dans son âme et on en parlerait plus. Et si elle devait revenir en arrière, elle ne changerait pas une seconde de cette nuit là, peu importait ce qu’il adviendrait. Cette certitude l’apaisa un peu. Il referma le placard après un bref moment, un petit sac dans la main.

— Tu dois te protéger, sans doute.

Elle aurait voulu rire. Il ne comprenait pas. Elle désigna sa tenue débraillée et ses jambes nues. Est-ce qu’il parviendrait un jour à voir ce qu’il avait juste sous les yeux ? Il fallait qu’elle songe sérieusement à lui offrir une paire de lunettes.

— Si je me protégeais je serais déjà loin et mieux couverte que ça, Karl. C’est juste que je veux pas m’imposer dans ta vie si tu veux pas que je reste. Ça m’empêchera pas de grimper pour toi.

Elle parlait dignement le regard droit et calme, s’astreignant à la patience. Si elle était novice en tout dans le domaine des sentiments, lui avait besoin de sérieux cours de rattrapage.

— Tu parles comme moi. Ca te va moins bien, Alaïs. Je te préférais avec un sourire aux lèvres. Et si je ne te voulais pas dans ma vie, je t'aurais envoyée paître quand tu m'as demandé un coup de main.

Etait-ce une invitation ? Se pouvait-il qu’il ressente quelque chose qui dépassait leur simple complicité en dehors de cette nuit ?

— Tu sais quoi faire alors.

Elle étendait maintenant un bras vers lui, sans bouger mais il gardait ses distances, comme un animal effarouché.

— T'es quelqu'un de confiance. Mais si tu attends que je parle d'amour, je ne suis pas encore capable de répondre à cette question. Etre avec toi me fait du bien, simplement.

C’était donc ça, il ne savait pas. Elle secouait ses bouclettes en réponse.

— Je préfère que tu dises rien plutôt que de me mentir.

C’était parfaitement sincère. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui déclare sa flamme comme dans les histoires de princesses et de chevaliers. Il avait déposé sa trouvaille sur la table et observait la jeune femme à demi-nue en face de lui. Elle rabattit le bras qu’elle tendait vers lui un instant plus tôt pour s’avancer.

— C’est quoi ?
— Un peu de céréales. Je vais nous préparer de quoi tenir une partie de la journée. Du moins, si tu ne t'échappes par la fenêtre.

Karl observa la voleuse. Un reproche ? Un sourire malicieux émergea doucement sur ses lèvres, faisant son retour, jamais bien loin.

— Moi m’échapper ? Comme si tu pouvais me retenir prisonnière.

Elle se glissa vers lui tout près avec un petit air de défi. Il secoua la tête, louchant sur ses jambes, il semblait perdre un peu de ses moyens, ce qui n’était pas pour lui déplaire.

— J'ai bien failli te faire fuir pourtant.

Elle posa une main douce sur sa joue. Il laissait entrevoir un brin de vulnérabilité, et elle ne pouvait pas résister à l’envie de le rassurer. A moins que ce ne soit elle-même qu’elle cherchait à apaiser.

— Tu saurais me retrouver non ?
— Je ne pourrais pas savoir si tu en aurais envie ou pas.

Il croisa les bras, plongeant son regard dans le sien. C’est ça, regarde moi, idiot, et ose me dire que je n’en ai pas envie. Un comble. Un léger sourire flottait sur ses lèvres, malgré elle.

— Essaie quand même ? Nos disputes finissent souvent bien.

Son expression se faisait plus tendre que provocatrice à mesure qu’elle parlait.

— Il faut le reconnaître.

Il déploya ses deux bras comme un oiseau déploie ses ailes et enlaça son amante. Elle soupira légèrement, retrouvant ce sentiment de sécurité, en glissant ses bras autour de lui à son tour.

— Pas trop tôt. fit-elle d’un ton canaille qu’il lui connaissait bien.
— Je ne te laisserai pas me mener à la baguette. Du moins pas tout de suite.

Elle détacha brièvement ses mains pour lui agiter sous le nez en riant. Il lui prêtait vraiment des intentions qu’elle n’avait pas, du moins pas encore.

— Aucune baguette, tu vois ? Embrasse moi plutôt que de raconter n’importe quoi.

Il soupira avant de pencher la tête vers elle et de retrouver la douceur des lèvres de la rousse, effaçant ce sourire moqueur qui le narguait. Moqueuse elle ne l’était certainement plus, se pressant davantage contre lui, tout en lui rendant son baiser avec toute l’ardeur d’un cœur jeune et sans calcul. Elle appréciait la pression de ses mains autour de ses hanches, et son souffle qui se mêlait au sien, retrouvant de cette passion qu’ils avaient partagée à la faveur de la nuit. Elle laissait courir ses doigts sur sa nuque, comme pour en retenir les contours, laissant perdurer l’instant suspendu quelque part hors du temps. Il finit néanmoins par abandonner ses lèvres avec un bref sourire taquin.

— J'ai vraiment faim.
— Ah oui, c’est vrai.

Elle s’était néanmoins placée ostensiblement entre les céréales et Karl, l’air innocent. Karl laissa courir son regard bleu sur les jambes nues et musclées de l'acrobate avant de passer une main dans ses cheveux en lâchant un faux soupir d’exaspération.

— Alaïs.
— Hm ?
— Ne fais pas l’innocente.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Elle lui dédia un regard rieur. Elle eut une pensée brève pour son amie Marianne et de ses confidences dans l’eau d’un bain de la Planche Cloutée. Ses fameuses guiboles qui pourraient asservir les hommes. Vraiment ? Il se déplaça d'un pas vers elle, collant son corps contre le sien, presque brusquement. Elle s’enroula autour de lui, Vipère qu’elle était, satisfaite de le détourner de son estomac pour le garder un peu plus longtemps entre ses bras. Elle était prête à déployer des moyens malhonnêtes pour parvenir à ses fins. Il la laissa faire, refermant son piège en plaçant ses mains sous ses cuisses pour la soulever et l'asseoir sur la table. Il lui lança un regard de braise en remontant ses mains sur ses flancs, plissant la chemise, avant de simplement récupérer son sac de céréales dans un petit sourire, et de s'éloigner vers ce qui ressemblait à un petit établi. Grognant de dépit quand il l’abandonna sur place, elle résista à l’envie de lui sauter sur le dos, décidant finalement de seulement l’embêter dans ses préparatifs, l’enlaçant en se plaçant derrière lui, se hissant sur la pointe des pieds pour souffler dans son cou.

— J'ai vu Ambre le faire plusieurs fois. Je devrais m'en sortir.

Il commença à préparer deux bols de gruau, imperturbable. Sans bouger de sa place, elle trempa son index dans la mixture qu’elle porta à sa bouche pour y goûter et confirmer son propos.

— Pas mal.
— J'essaye.

Il mélangea les céréales avec un peu de lait d'une bouteille déjà bien entamée. Il laissa reposer le mélange un bref instant, juste histoire de lui donner un bref baiser avant de chercher deux cuillères en bois. Elle se pourléchait déjà les babines en observant son bol. Elle avait plus faim qu’elle ne l’admettrait jamais mais parvenait désormais à occulter la sensation sans pouvoir toutefois empêcher son ventre de gronder. L’acrobate alla se percher sur une chaise, un talon appuyé sur le bord du siège et engouffra quelques cuillerées tout en souriant au cuisinier du jour. Karl se retrouva de l’autre côté de la table. Assis sur un trône semblable, il dégustait sa pitance en prenant son temps. Entre deux bouchées, il s’empara de la conversation

— Je retourne à Bourg-Levant aujourd’hui. Un type qui me demande mes services. Probablement rien de palpitant.
— Tu connais le bougre ?
— Un nouveau client, mais c’est lui qui me démarche, cette fois. J’aimerais élargir mes ventes et montrer que je cherche à m’étendre.

Karl parlait d’un ton neutre, il avait retrouvé son masque naturel, celui du commerçant.

— Bourg-Levant, hein... Faut se méfier de ces gens riches qui ont tôt fait de te prendre pour un pigeon.
— C'est juste un nouveau client.

Il affichait une assurance tranquille, pourtant elle le savait naturellement méfiant. Elle l'observa de côté, attentive, sa cuillère en bois suspendue en l'air.

— Tu veux que je t'accompagne ? Je pourrais surveiller les alentours pendant que tu discutes.
— Je n’ai pas les moyens d’engager un garde du corps. Et ça risque d’être long.
— Karl. Je ne te demande pas d'argent. Je te propose juste de surveiller tes arrières. Ça ne me dérange pas de faire le guet.
— Sincèrement, je pense que tu vas perdre ta journée. Mais je ne dirais jamais non à un peu plus de sécurité.
— Laisse moi décider si elle est perdue ou non. Tu m’as bien suivie pendant cette affaire de meurtres sans savoir si tu y gagnerais quelque chose ou pas.

Elle haussa une épaule comme si elle devait y ajouter un argument supplémentaire.

— Je me suis fait bien voir de la milice. J’ai gagné plus que tu crois. Peut-être même du clergé. J’ai sauvé un de ses membres d’une furie.

Il avait ajouté la dernière phrase en lui jetant un regard moqueur. Elle haussa un sourcil devant la provocation sous-jacente.

— C’était un imbécile. Il avait mérité son sort. A cause de lui, on n’attrapera jamais le complice de la femme du boucher.
— Tu as raison. Mais il existe des règles, Alaïs. On peut les violer, avec discrétion et prudence. Tu allais transgresser la loi devant ses gardiens. Ce n’était pas malin.
— Non, c’est vrai, sourit-elle. Donc si je comprends bien... D’un côté tu me demandes de réfréner mon caractère et de l’autre tu n’aimes pas quand je prends ce ton raisonnable que tu veux garder pour toi tout seul... Je vois.

Fourbe, elle venait de ponctuer sa phrase en le taquinant de la pointe de ses pieds nus sous la table. Il avait avalé la dernière bouchée de son gruau sans la quitter du regard.

— Je préfère quand tu dors dans un lit plutôt que sur le sol humide d’une cellule. Garde ton côté aventureux mais apprends ma prudence.
— Bien, Chef.

Elle se rencogna contre le dossier de sa chaise un bras autour de son genou tout en l’observant, un éclat de douceur se mêlant à la malice dans son sourire. Il gardait son air sérieux, refusant de répondre facilement à ses provocations, comme pour éprouver sa ténacité. Elle roula des yeux avec une certaine impatience devant cette montagne d’impassibilité puis quitta son perchoir avec la ferme intention de rejoindre ses genoux, se coulant entre la table et le contrebandier. On verrait bien qui perdrait son sang froid le premier.




Dernière édition par Alaïs Marlot le Dim 22 Sep 2019 - 15:59, édité 2 fois
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Karl Stanner



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MessageSujet: Re: Prémices d'un vertige [Terminé]   Prémices d'un vertige [Terminé] EmptyVen 13 Sep 2019 - 18:46
Karl gardait son calme, seulement trahi par sa main droite qui caressait la cuisse de sa compagne.
Ce bout de femme à moitié nue le regardait avec ses yeux malicieux et une idée en tête, elle n’allait pas le laisser tranquille.
Elle ne portait que la chemise de lin du contrebandier, lui non plus ne pouvait pas rester stoïque à la présence de la rousse sur ses genoux, il luttait pour rester impassible face à elle, cherchant à ne pas céder facilement à ses propres envies comme aux avances de la voleuse qu’elle ne cachait nullement.

Le voyant toujours aussi imperturbable, elle pinça légèrement les lèvres comme avec sévérité, qui se trouvait démentie par un regard trop canaille pour être crédible, et déposa quelques baisers contre son cou, selon un tracé qui lui était tout personnel.

« Tu prends déjà tes marques. Je devrais peut être me méfier. »

Karl n’arrivait pas vraiment à camoufler le sourire qui ornait son visage, bien qu’il essaya de conserver son masque habituel.

« Me laisser avoir me tente bien aussi. »

Il attrapa le menton de ce visage curieux pour y déposer un long baiser. Prémices d’une envie qu’il ne cherchait plus à cacher. Elle sentait la situation tourner à son avantage dans une sorte de petit triomphe personnel, tout en savourant l’idée qu’elle perdait pied dans le même temps en s’abandonnant à ce baiser. Ses pensées prenaient un tour diffus et opaque sous la pression de ces mains et de ces lèvres qui lui tirèrent un frémissement qu’elle ne cherchait pas même à réprimer.

« Je ne sais vraiment pas... qui perd dans cette histoire. »

Le contrebandier se faisait plus entreprenant, déjà il glissait ses mains sous la fine chemise de la voleuse, caressant un corps maintenant familier.

« Je ne vois pas de perdants. »

« Disons... disons qu’on est à égalité alors. »

Elle n’avait pas tardé à lui rendre ses assauts, un brin fébrile, et se prenait à espérer qu’il n’allait pas une fois de plus la poser dans un coin avec un sourire moqueur pour s’intéresser à autre chose. Il avait pensé à se jouer d'elle une fois plus. Son envie ne lui avait pas laissé le choix et avait repris les commandes de ces gestes.
Il ne l'avait pas lâchée, ni déposée dans un coin, ce qui semblait de bon augure. Sa peau la brûlait et elle les affranchit des barrières de tissu qui les séparaient encore, raffermissant sa prise sur lui, s'assurant qu'il ne s'échapperait pas cette fois. Il n'avait aucune intention de s'enfuir, déjà il la ramenait contre lui alors que leurs deux corps se retrouvaient pour une deuxième danse.
Il plaça sa main droite sur son dos alors que l'autre se perdait dans les cheveux de la belle.

Si la crainte de l'inconnu l'avait fait trembler dans l'obscurité la nuit précédente, c'était un tout autre sentiment qui la faisait frissonner désormais, et elle se laissa entraîner dans cette fusion des corps sans le lâcher du regard, comme on s'accroche à la raison dans une chute pourtant désirée ardemment.
Appréciant la nouvelle assurance de sa partenaire, le contrebandier n'hésitait pas à l'entraîner sur de nouveaux pas, se rappelant à cette danse qu'il maîtrisait autrefois.
Généreux dans l'effort, il n’était surpassé que par les caresses de ces mains conquérantes et de ce corps nu qu’il surplombait. Elle se laissait tenter à cette illusion de posséder l’autre pour quelques instants, comme si aucune contrainte ne pesait sur elle, rien ne semblant venir à bout de son insouciance.
Elle le couvrait de toute son affection et de toute cette passion neuve qu’elle découvrait elle même, sans égards pour les conséquences ou de ce qu’il pourrait lui en coûter, suivant seulement son instinct et les élans de son corps.

Le couple se trouvait sur une paillasse quand le bruit d’une cloche se fit entendre, malgré le calme du matin il ne fallait pas oublier que le taudis du Port restait une boutique. Quelqu’un essayait de rentrer malgré le verrou enclenché, le contrebandier n’avait pas jugé nécessaire d’ouvrir sa boutique ce matin.
Un deuxième son de cloche retentit dans la pièce, Karl abandonna à regret sa compagne qui lui envoya un regard grognon. Il ne comprenait que trop bien, lui aussi serait bien resté dans les bras de son amante à continuer leurs ébats.

« C’est sans doute un client qui n’a pas l’habitude d’attendre, je n’ai pas fermé la boutique depuis un moment. Je m’en débarrasse. »

Il regarda son petit minois se redresser avec souplesse, la voleuse lui vola un baiser avant de se diriger vers le lit pour se cacher dans les draps. Le contrebandier s’accorda un moment pour suivre ce corps nu d’un œil voyeur avant qu’un nouveau son strident ne brise sa rêverie.
Il ramassa son pantalon de lin et sa chemise du même tissu, se rhabillant rapidement avant de sortir de l’arrière boutique pour rejoindre la pièce principale.
Entre les caisses de grains et des étagères de bois, il emprunta le seul chemin pour atteindre l’entrée de son échoppe et venir soulager sa porte du rude traitement qu’un malandrin lui faisait subir. Il déverrouilla l’accès avec sa clef et tira sur la poignée d’un geste sec.

Sur le seuil, une femme ridées manqua de partir avec la porte de bois. Elle portait une robe simple et un châle sur la tête dardant ses yeux pleins de reproches sur le marchand.

« Karl Stanner ! Tu essayes de me briser les os en bloquant ta porte ? »

Elle parlait d’un ton sec propre aux vieilles pies de son âge, le contrebandier lui retourna son regard bleu et répondit avec calme.

« Quand une porte ne s’ouvre pas, Lise, c’est qu’elle est fermée. »

La dénommée Lise plissa les yeux avant de répondre.

« Depuis deux ans que je récupère mon grain chez toi, je n’ai jamais trouvé ta porte fermée un matin de marché. Pourquoi tu es tout débraillé ? »

Elle chercha à donner un coup d’œil dans la boutique et Karl se surprit à maudire les commères du Port, il les trouvait pire qu’ailleurs. Pourtant, sa nature marchande reprit le dessus, le client est roi levant la main pour apaiser l’aînée et continua sur le même ton.

« Je suis malade. Rien de grave, un peu de fièvre. »

« Tu m’as l’air bien rose pour un malade, Karl Stanner. »

« Et vous posez bien trop de questions pour une cliente, Lise. Je vais chercher votre grain. »

« Tu pourras passer chercher ton payement quand tu te sentiras mieux. »

Il entendit un gloussement, elle n’était pas dupe la vieille carne, il s’arrêta devant une étagère pour passer en revue plusieurs caisses. Quand il trouva la marchandise de Lise, il s’empressa d’aller lui remettre en main propre car il se doutait que la vieille femme n’allait pas l’attendre les bras croisés.
En effet elle avait déjà fait quelques pas dans la boutique à la recherche d’un ragot ou deux.
La commère regarda Karl avec un air surpris avant de se justifier.

« Je regardais tes nouvelles arrivées. »

« Bien entendu. »

Il déposa la caisse dans ses bras avant de gentiment lui indiquer la sortie d’un geste de la main. Elle se mit sur la pointe des pieds pour regarder derrière lui, cherchant à voir son arrière boutique mais le marchand lui laissa à peine le temps, la rabrouant d’un soupir sonore.
Lise lui retourna un sourire entendu avant de sortir d’un pas pressé avec son petit chargement, le contrebandier referma la porte derrière elle, légèrement surpris qu’elle lâche l’affaire aussi facilement, connaissant l’animal.
En retournant dans l’arrière boutique, il eut la réponse à sa question. Une jambe nue dépassait de la couverture, ostensiblement mise en valeur et nul doute que son interlocutrice l’avait vue.
Karl se passa une main sur le visage.

« Je pense que ça t’amuses de me mettre dans ce genre de situation. »

Une voix de canaille lui répondit sous ce tas de draps.

« Oui. »
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Alaïs MarlotVoleuse
Alaïs Marlot



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MessageSujet: Re: Prémices d'un vertige [Terminé]   Prémices d'un vertige [Terminé] EmptyMer 18 Sep 2019 - 15:09




Quartier du port
Août 1166 - Le lendemain


Le pied menu se tendit en direction du contrebandier et tâtonna de la pointe des orteils dans sa direction, se recourbant avec une agilité déconcertante sur le cordon de la ceinture, l’attirant vers l’avant pour le faire chuter sur le lit. La créature farceuse qui se trouvait sous les draps n’émergea que pour recouvrir sa proie des pans de tissu dans lesquels la lumière du jour parvenait tout juste à filtrer. Elle se glissa derechef sur le captif, tâchant de maintenir son emprise sur lui de sa peau nue et chaude, tout en coulant son regard malicieux dans le sien.

“Elle voulait voir tes nouvelles arrivées. Le client est roi, non ?”

Elle se moquait ostensiblement, et elle espérait vraiment qu’il allait se venger. Ses mains vagabondaient déjà sous le lin qui enrobait sa victime un peu trop consentante d’une couche de tissu salvatrice, mais dont elle n’aurait aucun mal à se débarrasser. Une fois fait, elle pouvait enfin profiter de cette posture avantageuse pour couvrir sa peau de ses baisers, s’arrêtant sur la courbure de ses lèvres.

“Je te préviens. Si un nouveau client frappe à ta porte, il devra attendre. Toi et moi, on a des affaires en cours. Et je ne compte pas du tout te laisser filer avant d’en avoir terminé, cette fois.”

A l’abri des couvertures, dans ce lit où rien ne semblait pouvoir les atteindre, elle se sentait en veine, et ne comptait pas laisser passer sa chance, quitte à en faire un peu trop, comme d’habitude. Il lui semblait que rien n’était excessif pour le retenir un peu plus longtemps. Qui sait, il pourrait peut être encore s’échapper ou l’abandonner à son sort ? Elle ne comptait pas lui laisser l’occasion de trop y réfléchir. Il ne lui avait fallu qu’une nuit, quelques heures pour tomber dépendante de ce vertige avec lui, de ce moment où elle sentait qu’il lui suffisait d’une toute petite poussée pour le faire basculer et elle avec lui, dans cette chute hors du temps. Peut être qu’elle aimait éprouver ce nouveau pouvoir, ou peut être simplement qu’elle n’avait que lui, ou ne voulait voir que lui. Elle aimait la façon qu’il avait de la regarder, de ce faux calme qu’il était si difficile de lui faire perdre, mais qu’elle parvenait désormais à lui arracher, par elle ne savait quel miracle.

Et là, entre ses bras, il n’avait plus l’air si triste, emprisonné dans un hiver interminable. L’acrobate était faite pour l’été, les grands brasiers au coucher du soleil et les coups de tonnerre des orages qui ne tardaient jamais à faire leur apparition. Elle était prête à danser sous la pluie, ne rechignait jamais à se mouiller. Elle s’abandonnait de nouveau, murmurant quelques mots absurdes et tendres à son oreille, et dont elle perdait aussitôt le fil sous ses caresses. Qui croyait chasser se trouve chassé à son tour… Tel était l’adage, et elle ne rêvait rien de mieux que de se laisser capturer par son contrebandier, lui laissant reprendre l’avantage non sans quelque petite sournoiserie de son cru. C’était de bonne guerre. Un cycle délicieux de vengeance sans fin et de batailles sans défaite. Voilà qui ne semblait pas si mal pour un contrebandier du port et une voleuse du Goulot.

Et ils volèrent ainsi quelques heures de plus au jour, s’endormant le corps alangui au milieu du lit devenu champ de bataille, entre oreillers en perdition et draps en pagaille. On avait largement dépassé les deux heures de l’après midi, lorsque le contrebandier reprit conscience du temps et des obligations qui l’attendaient. Il déposa un baiser sur sa tempe pour la réveiller, et elle ouvrit un oeil avec une petite moue de chat paresseux, étirant ses griffes sur les galbes de son oreiller favori, avec l’air de vouloir le retenir. Il esquissa un demi-sourire en secouant la tête :

“N’y compte pas. J’ai rendez-vous. Mais tu peux rester ici, si tu préfères.”

Elle souffla sur une de ses mèches qui lui tombait sur le visage et elle se redressa en grognant un peu, pour la forme.

“Il t’en faudra un peu plus pour te débarrasser de moi. Et qu’est ce que je ferais toute seule ici au milieu de tous ces sacs de grains, tu m’as prise pour une poule ?”

Elle avait essayé un trait d’humour qui lui tira seulement un roulement d’yeux à peine amusé. Déçue mais pas rancunière, elle piqua un baiser sur ses lèvres aussi vive que si elle ne sortait pas tout juste du sommeil et chercha de quoi faire un brin de toilette avant de s’habiller. Repêcher ses vêtements dans ce foutoir ne fut pas chose aisée, mais elle ne tarda pas à être fin prête, sautillant sur place pour enfiler ses bottes. Karl l’attendait déjà, habillé de pied en cap, affichant son indécrottable expression de calme sous ses traits de négociant, une main sur la poignée de la porte, attendant qu’elle daigne le rejoindre pour sortir.

Elle jeta un coup d’oeil vers l’arrière boutique où elle avait perdu son innocence sans un regret et passa la porte à sa suite, son éternel sourire aux lèvres.



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