Marbrume


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 Le fils, le frère, le mari et l'ami égaré

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Serena de RivefièreCoutilier
Serena de Rivefière



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MessageSujet: Le fils, le frère, le mari et l'ami égaré    Le fils, le frère, le mari et l'ami égaré  EmptyVen 22 Nov 2019 - 14:22






Le fils, le frère, le mari et l'ami égaré



Fin Juillet 1166 - Marbrume


J’entends des sabots, des galops. Un cheval défilé au souffle glacial de la nuit. L’heure est sombre et le silence maître des lieux. Je ne vois rien. Je ne sens rien. J’avance, je cherche. Maladroitement, je me perds jusqu’à voir cette silhouette. J’essaie de la rattraper. Stupide, un homme à pieds ne rattrape pas un cheval dans sa fuite, mais je cours quand même. C’est là que je remarque mes pieds : nus de tout et déjà bien usés. J’ai froid. J’ai peur. De quoi ? Je ne sais pas.

Le cheval est déjà loin et l’ombre à son dos également. Je regarde derrière, je regarde devant et tout me semble flou. Que faire ? Où aller ? Une force me pousse à continuer. Lentement, je poursuis donc les traces de sabots. Désormais sur la route séparant Menebres à Piana, je réalise que le clair de lune illumine mon chemin. Mes souvenirs se mélangent lorsque je me remémore cette petite fille, ces marques, tout ce sang et ses cris. Mon cœur s’emballe, j’attrape ma tête et me laisse tomber à mes genoux. Les cris me hantent toujours. Les siens, mais aussi ceux des autres. La milice, le chaudron, Rivefière…

Combien sont parvenus à atteindre Marbrume ? Combien ont péri sur le sol du château ? Sur les vastes plaines d’or de mon enfance ? Combien se sont jetés des majestueuses falaises pour échapper aux pires ? Combien regrettent d’être encore en vie aujourd’hui ? Je…


« ...Serena... »

Une voix m’appelle. D’où vient-elle ?


« ...Serena... »

Cette voix, je la reconnais, je croix. Je la cherche. Anxieuse et essoufflée, je me retourne encore et encore pour en trouver la direction. Me faufilant à travers les vases et la végétation, je me rends compte m’enfoncer plus que de raison. Je tente alors d’en sortir, mais mon esprit me joue encore des tours. Aucune échappatoire, je ne trouve. Les marais m’entourent dans une brume et une odeur nauséabonde. Horrifiée, mon regard tente de détecter la moindre vague, le moindre mouvement. Mes pas sont difficiles tant par mes muscles tendus que par la boue et les algues qui agrippent mes membres d’une force inhumaine. Épuisée, je n’en vois pas la fin…


« ...Serena... »

D’un coup, une lumière, celle d’une torche attire mon attention. Oui, sa flamme illumine la brume et se reflète sans mal dans les eaux souillées. Ce n’est qu’à ce moment-là, que mes yeux remarquent la monture arrêtée. Le cheval ! La silhouette ! Oui, je la vois, plus loin encore. C’est elle qui m’appelle, je le comprends.

J’essaie de me rapprocher, mais plus j’avance, plus elle s’éloigne. Je ne la vois que de loin, mais je reconnais ses traits, sa chevelure. Mes lèvres sèches s’ouvrent et tentent de l’appeler à leur tour, mais aucun son n’y sort. Ma voix est perdue.

Sans comprendre pourquoi, je descends l’envie de courir le rejoindre, le rattraper. Mes yeux ne cessent de le fixer. Et je le vois, je le vois se rapprocher de l’eau. Non, ai-je envie de crier. Fuis, pars… Mais rien n’y fait. Je le vois, s’avancer pas à pas dans la fange. Lentement, mais sûrement, l’eau vient recouvrir ses pieds, ses genoux et bientôt sa taille. Que fais-tu ? Je me débats encore et encore. Je crie sans son et je tends ma main. Il ne me voit pas. Il ne m’entend pas. Son esprit est ailleurs et son visage relevé contre le ciel assombri. Désespérée, je pleure, je hurle son nom. Et lorsqu’enfin son visage se tourne vers moi, je distingue qu’un sourire désolé. Pourquoi ? Qu’as-tu fait ? Je voulais lui poser tant de questions, lui dire de rentrer à la maison… Mais avant même que je ne puisse parler, sa tête disparut brutalement sous les eaux.


« NON ! »


Mes yeux s’ouvrent enfin. La sueur à mon front et ma respiration saccadée me font toutes penser à un mauvais rêve. Mes mains agrippées aux draps en tremblent encore alors que mes yeux réalisent tardivement où je me trouve.


« Serena ! »


À côté de moi, mes compagnons d’armes posent tous des regards intrigués. Je soupire profondément en apposant une main sur mon front. Un cauchemar, voilà tout. Les minutes passent et je m’en souviens déjà plus. Seul un étrange mauvais présentement perdure au fond de moi alors que nous nous rapprochons de la dernière Citée.

Arrivée à bon port après avoir complété ma mission, je termine prestement de clore mon rapport. Je ne saurais l’expliquer, mais quelque chose en moi me rendait particulièrement anxieuse. Je dois me rendre chez moi, aussi rapidement que possible. Mon instinct me le dictait. Et je n’avais pas tort. Dès la porte franchie, je sentis que quelque chose de grave était arrivé. Le ton grave de la pièce, les plaintes de Margareth, les yeux humides de ma mère et de mes frères… Personne n’osait me regarder et bientôt je n’osai regarder personne.

Au fond, je compris même avant qu’un ou l’autre ne parle. Mais je me refusai à la croire. Cela ne pouvait être vrai. Cela ne devait être que ma misérable pensée, rien d’autre… Je voulais fuir, ne rien entendre et de l’autre entendre ce que je voulais entendre. Que cela n’était pas le cas…


« ..Ro.. Ton frère est parti, ma fille… »


« Parti ? Parti où ? »


Ma voix était fébrile, ma gorge nouée. Un sourire crispé envahit mes lèvres alors que je me sentais déjà succomber. Qu’était-elle en train de me dire ? Pourquoi était-il parti ? Où s’en était-il allé ? Je savais, je savais à leur regard, à sa voix et aux pleurs… Mais je refusais encore. Il ne pouvait pas. C’était impossible.


« Grande soeur… »


Je n’entendais plus rien, si ce n’est mon cœur brisé dans ma poitrine. Ma tête était lourde et mon corps jamais aussi léger. Je trébuchai une première fois, me rattrapant difficilement à la chaise face à moi. Mn visage était bas, mes yeux dans le déni le plus total cherchaient des réponses que je n’aurai sans doute jamais.


« Il a laissé un mot. »


Mon souffle, je ne le sens plus. Tout se met à tourner autour de moi. Impossible. Cela ne peut être vrai, je dois être encore endormie… Je… Muette, je sentis les larmes me monter au visage. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose ne tournait pas rond. Oui, il devait avoir erreur… Faussement persuadée, je ravalai encore une fois mon chagrin. Les sourcils froncés, les lèvres pincées, je relevai mon visage dans l’intention de leur faire comprendre. Leur dire que cela ne pouvait … Je me souviens alors avoir vu pour seconde fois ma mère en larme. La première ayant été à la perte d’Alys. Puis, plus rien.

Le lendemain, je me réveillai dans mon lit. Les yeux brûlés de chagrin et le corps douloureux, je restai figée durant plus d’une matinée. Mes pensées étaient aussi floues que mes souvenirs de cette journée. De nombreuses hypothèses occupaient alors mon esprit, toute plus folle l’une que les autres. Avait-il été piégé ? Étaient-ils juste partis ? Avait-il fui ? Perdu ?

Je ne comptais plus le nombre de fois où je me levais avec comme seul objectif le retrouver. Évidemment, mes proches tentaient toujours de me raisonner. Plusieurs jours plus tard, je me souvins être même allé chez lui, au manoir où se trouvait aussi Sydonnie. La pauvre n’occupait guère mon esprit. La douleur des uns et des autres, je ne m’en préoccupais plus. Seul importait mon frère aîné, mon modèle et mon pilier. J’étais donc arrivée comme une barbare à leur domicile, persuadée de le retrouver ou du moins une trace, un indice de sa disparition.

Le refus, la colère, la détresse me faisaient crier, hurler, pleurer. La réalité n’avait tout simplement plus de sens. Son absence mettait devenu insupportable, jusqu’au moment où la colère reprit le dessus. Pourquoi ? Pourquoi m’avait-il fait ça ? Pourquoi ne m’avait-il rien dit ? Pourquoi n’avais-je rien vu ? Pourquoi avais-je encore échoué à protéger les miens ? Je ne comprenais pas, je refusais de comprendre. J’en voulais alors à la terre entière. Tous étaient coupables. Le Roi pour l’avoir pris avec lui au chaudron, les prêtres pour ne pas avoir sur le guider, la famille pour ne rien avoir vu et moi pour ne pas avoir été là.

Des jours durant, je me posai maintes questions. J’avais un vide à combler, une présence et des repaires à retrouver. La colère s’étouffa sous une éternelle tristesse.





Mon frère. Je me souviens de jours plus heureux et si lointain. Si lumineux qu’aujourd’hui, je me demande encore s’ils ont vraiment existé. Nous étions deux. Un frère et une sœur. Un fils et une fille qui jouaient ensemble à heure perdue. Je te suivais avec admiration, des étoiles plein les yeux. Tu me protégeais avec tendresse et responsabilité. Je me souviens de nous deux, courant dans les plaines de Rivefière, des rires à perte de vue. Je me souviens de toi, voler quelques biscuits pour mieux me rendre le sourire lors de mes jours malades. Je me souviens de l’arrivée des jumeaux et à quel point j’étais heureuse de pouvoir devenir aussi grande que toi. Je me souviens de la fierté de notre père à te voir grandir. Je me souviens des larmes de joie de notre mère à ton premier mariage et à la tristesse de te voir prendre ton envole. Je me souviens de ton épée protégeant nos vies contre la fange et nous guidant jusqu’à Marbrume. Je me souviens de tes colères et tes incertitudes, mais aussi de tes convictions. Je me souviens d’un homme brave, mais meurtri par la fange…


Sans corps, l’espoir ne peut s’estomper. Sans corps, nous ne pouvons t’enterrer ou te bruler. Alors encore aujourd’hui je prie, bêtement, naïvement les Trois pour ta protection. Puissions un jour nous retrouver... Est la seule pensée qui me permet d’avancer.


Serena



















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