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 Juste un verre, ou deux [Irène]

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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyDim 8 Mar 2020 - 20:37


20 Septembre 1166,

La sergente avait laissé rouler le parchemin entre ses doigts, sagement, relisant les lettres finement rédigées à la plume. Elle ne connaissait pas énormément cette femme et si le souvenir n’était pas désagréable, elle n’en restait pas moins instinctivement hostile à tout ce qui pouvait la rattacher à Roland, lui remémorer des souvenirs communs. Sa tristesse avait petit à petit laissé place à la colère, la rancœur et l’incompréhension, bien que sa peine n’en soit toujours plus grande à chaque seconde qui s’écoulait. Elle avait abandonné l’ensemble sur son bureau, sans chercher davantage à comprendre, cette rencontre ne lui semblait pas nécessairement judicieuse, ou peut-être, sans doute même n’avait-elle envie de rien. Un léger sourire s’était affiché sur ses lèvres alors qu’elle terminait sa réponse à l’inconnu lui ayant répondu à sa lettre. C’était un étrange sentiment, que d’avoir la sensation de s’être livré sans le vouloir, la rédaction terminée, prenait-elle conscience bien que très furtivement que la vie ne devait nullement s’arrêter à une fin, aussi tragique soit-elle. Se relevant de son bureau, elle avait donc fini par se changer, remontant sa chevelure d’ébène en une queue de cheval haute, enfilant un pantalon et une chemise blanche un peu plus épaisse. Son visage pâle l’était davantage dernièrement, et la bande maintenant à la fois sa poitrine et protégeant la totalité de son dos purulent restait douloureuse. Elle avait remis sa cape sur les épaules, nouant l’ensemble au niveau de son cou, glissée sa lame au niveau de sa taille dans son emplacement de rangement avant de s’extirper de son bureau, terminant par enfiler ses gants.

- « Sergente » fit un milicien un peu surpris de la voir sortir de sa zone de travail
- « Je serais chez la comtesse de Valis si besoin » affirma-t-elle dans un hochement de tête entendu.

Le chemin, elle le connaissait, pas nécessairement celui menant chez Irène, mais celui menant à l’esplanade. Son cœur s’était mis à battre plus fortement dans sa poitrine, alors que cela faisait bien longtemps qu’elle ne s’était plus rendue là où elle estimait ne plus avoir sa place. Son souffle s’était fait plus saccadé, comme si l’effort de la marche l’épuisée alors qu’elle y était rodée, son ventre se gonflait puis se dégonflait au rythme de ses inspirations puis expiration, jusqu’à ce qu’elle juge nécessaire de s’immobiliser juste après avoir passé les portes de l’esplanade. La noiraude se demandait ce qu’elle faisait là, pourquoi. Ici, tout la ramenait obligatoirement à Roland, à son souvenir, son image était omniprésente. Dans l’angle de la rue, où son rire avait fait écho, sur le banc, où ils avaient échangé un baiser tendre, partout, partout, partout. Ses pas avaient repris brusquement, alors que ses doigts tremblaient, que ses jambes semblaient menacer de ne plus la porter. Ce ne fut qu’après un temps qui lui sembla interminable, où elle s’était même appliquée à prendre les chemins le plus longs et de ce fait moins fréquentés, pour ne plus avoir la sensation d’étouffer dans ses souvenirs. Une fois devant le domaine, l’hésitation fut une nouvelle présente, glissant les mains dans ses poches, elle avait manqué de faire demi-tour. À quoi bon, pourquoi faire, que faisait-elle là ? Autant de questions qui lui semblait soudainement si réalistes, si proches, si… tout. Laissant ses doigts effleurer le muret qui encerclait le domaine, elle ne semblait pas en mesure de prendre cette décision.

Comme s’il avait toujours été là, son regard s’était relevé vers le vide à ses côtés, réalisant que non, Roland n’était plus là pour l’aiguillier, plus personne ne serait jamais là, à cette place. Simplement, elle avait fini par se résigner, passant le portail pour s’annoncer, indiquant à celle ou celui qui lui avait ouvert qui elle était et qu’elle répondait à l’invitation de la dame de la maison. Pour le reste, elle patientait, avec la certitude, une nouvelle fois, de ne rien avoir à faire ici.


- « Précisez lui que je ne resterais pas longtemps, j’ai beaucoup de travail… » affirma-t-elle plus brusquement qu’elle ne l’aurait voulu « Je passais juste la saluer rapidement… »



Dernière édition par Sydonnie de Rivefière le Dim 8 Mar 2020 - 21:50, édité 2 fois
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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyDim 8 Mar 2020 - 21:49
-« La comtesse sera ravie que vous aillez put prendre quelques instant pour lui rendre visite. » Dit Alice à la milicienne en insistant pour lui prendre sa cape. Elle ne pouvait laissée une invitée attendre ainsi ! A peine eut-elle accrochée celle-ci dans la buanderie qu’elle cavala sur ses courtes jambes pour prévenir sa maitresse.

Le cœur d’Irène bondit dans sa poitrine. Non pas quand Alice enfonça la porte avec une force équivalente à la tempête survenue quelques jours plus tôt, mais bien quand elle lui annonça le souffle court qui était son invitée.
Elle se leva de sa chaise avec une raideur qu’elle ne s’expliquait pas vraiment, lâchant sa plume sur la feuille qu’elle couvrait de chiffres depuis près d’une heure. Sydonnie était venue, elle n’en avait pas été certaine en écrivant sa missive. Leur rencontre si particulière remontait à plusieurs mois, et la militaire l’avait sans aucun doute oublié. Après tout, elle n’était qu’une noble parmi tant d’autres face à cette femme si intrigante qu’elle avait voulue immortaliser son portrait.
Irène contourna son bureau en pressant ses mains l’un contre l’autre pour les faire cesser de trembler. Presque deux mois plus tôt, le visage de Sydonnie s’était imposé à son esprit à l’instant le plus intense qu’elle ait connu de sa mémoire, dans les bras d’une femme lui ressemblant vaguement. Sa première femme.
Depuis, ses traits ne parvenaient jamais tout à fait à quitter son esprit.
Elle ne se l’expliquait pas, ne voulait pas savoir. Elle voulait seulement la revoir, même un instant. Elle s’observa dans le haut miroir comme pour s’assurer qu’elle était présentable. Une de ses mèches avait quitté son chignon complexe et tombait sur sa joue. Elle se trouvait l’air fatiguée et trop droite. Alice croisa son regard et sourit en hochant la tête pour la rassurer. Elles n’avaient jamais parler de cet aspect de sa personnalité, de cette attirance interdite qu’elle ressentait pour les femmes. Mais bien évidemment Alice savait, elle savait toujours tout. Plus qu’elle ne devrait sans aucun doute.

Irène se rendit d’un pas pressé mais assez mesuré pour ne pas paraître trop avide de la voir, vers l’entrée de sa demeure. Sa robe noire comme la nuit, dont le buste corsé ne couvrait pas les épaules et les bras, glissait derrière elle lui donnant l’allure d’une ombre se déplaçant avec le soleil. Mais plus aucune lumière naturelle ne provoquait cet effet, l’astre du jour disparaissait déjà au loin derrière les montagnes laissant la cité dans le noir. Elle manqua trébucher en l’apercevant. Comme à chaque fois qu’elle l’avait vue, elle rayonnait. Pas de joie ou de lumière. Ses traits affichaient d’ailleurs toute la peine du monde, à un point tel qu’elle crut un instant se retrouvait devant un reflet de son âme. Mais cette aura qui la rendait si belle, si spéciale, elle, n’avait pas disparu.
Alors qu’elle s’approchait d’elle, elle éprouva un sentiment étrange. De la peine, pour sa souffrance, pour son deuil, qui se lisait sur son être. Ses poings serrés, sa mine grave, ses yeux violets comme deux puits sans fond.
Elle avait perdu l’amour, Roland. Elle avait envié et craint ce lien qu’elle les avait vu partager lors de leur dernière rencontre. Et maintenant qu’il était tranché, elle en voyait le coût sur celle qui avait survécu. Et pourtant au-delà de cette peine sincère, la partie d’elle qui voyait l’œuvre qu’était Sydonnie, ne pouvait s’empêcher de lui murmurer que jamais il n’aurait su la faire rayonner comme il aurait dû. A l’image d’un astre évoluant dans un ciel nuageux, la sergente ne pouvait être tout à fait elle-même avec Roland. Elle enterra cette pensée sous une couche de morale et pria pour l’âme du disparu.

-« Sydonnie, soyez la bienvenue, je… »

Elle tendit sa main pour serrer la sienne et constata que ses doigts été tâchés d’encre suite à ses nombreuses heures dans son étude, elle rabattit vivement ses mains dans son dos, les serrant l’une contre l’autre et sentit ses joues s’empourprer sensiblement. « Superbe entrée en scène ! » se molesta-t-elle intérieurement.

-« Pardonnez-moi, je travaillais à quelques missives pour mon beau-frère. Avez-vous le temps de boire une coupe ? Alice m’a dit que vous étiez pressée, j’espère ne pas vous avoir dérangée. »

Alors qu’elle parlait, elle essuyait le bout de ses doigts sur le sombre ruban qui lui ceignait le poignet. Au moins ce stupide signe de son veuvage se révéla-t-il utile pour une fois. Sydonnie ne semblait pas vraiment ravie d’être là. Quoi de plus normal ? Elle prit quand même une main entre les siennes et l’entraina à sa suite vers son petit salon dans une pièce adjacente.

-« S’il vous plait sergente, juste un verre, ou deux, le temps que je me rassure égoïstement sur votre état, vous pourrez ensuite retourner à vos affaires, d’accord ? » lui demanda-t-elle avec un sourire doux mais chaud.
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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyLun 9 Mar 2020 - 0:40


- « Ne vous pressez… » trop tard, la petite main est déjà bien loin.

Démunie de sa cape, la noiraude attend finalement, sans trop savoir pourquoi elle se trouve là. Son regard un peu perdu sur les premières marches de l’escalier, ses lèvres gercées qu’elle décortique du bout des dents. Le lieu est plus chaud que l’extérieur, ses mains viennent instinctivement encerclée ses avant-bras avec cette légère pression qui a toujours eu don de la rassurer. Son regard bleuté navigue entre le bas des marches et la hauteur de l’étage, son souffle reste dans cette incertitude étrange, la sergente est dans cette angoisse, dans ce souvenir. Elle est à la fois là et complètement absente. La dernière fois qu’elle est venue ici, s’était en compagnie de Roland et le couple était fâché. Avait-elle la sensation de l’être toujours avec lui, bien pire que durant cet instant qui aurait dû être agréable. Il l’avait délaissé, abandonner, elle et son enfant, ne la laissant que dans cette douleur mortifiante, assommante. Elle n’aurait pas dû venir, elle en a la certitude à cet instant précis. Il est trop tard pour reculer, même si son physique a déjà amorcé ce pas en arrière, presque instinctif, presque de survie. Son esprit s’est embué naturellement, la laissant dans ce flou se situant entre le passé et l’instant présent. Quand les bruits de pas se font entendre, elle relève instinctivement les yeux, détaillant cette silhouette qui semble aussi vive et dynamique que sa domestique. Elle n’avait pas changé, pas le moins du monde. La sergente aurait souhaité que l’instant soit repoussé dans l’obscurité du temps qui s’était écoulé, en vain, sans doute.

- « Madame de Valis » débutait-elle avant de se reprendre en s’appliquant à faire bonne figure « Irène » fit-elle en l’avisant descendre l’ensemble des marches.

La silhouette féminine étant identique à son souvenir, de la couleur de sa peau, à la manière de se comporter, de se vêtir. Cette maîtrise naturelle couplée à ce sentimentaliste bienveillant qu’elle n’avait jamais su identifier. La comtesse lui avait toujours semblé être ce type de femme épanouie dans sa noblesse, dans sa vie. Se pinçant les lèvres, elle s’essaya à un sourire qui fana à peine être né sur sa bouche. La main tendue ne fut pas réceptionnée, non pas par une quelconque hésitation de la jeune femme, mais par la renonciation de la noble suite à une indisposition quelconque que la femme d’armes n’identifia pas entièrement. Ce n’est que lorsqu’elle avait évoqué avoir beaucoup travaillé sur des missives, qu’elle fit le lien avec les taches d’encre. Sydonnie se contenta d’opiner simplement, dans un demi-sourire qui se voulait compréhensif, mais qui faisait pâle figure dans cette situation.

- « Vous ne me dérangez… » s’interrompit-elle au contact des doigts de la comtesse sur sa main « Juste à faire alors » conclut-elle en se voulant rassurante « Nul besoin de vous soucier de moi, je vais bien. » affirma-t-elle

Une habitude, une redondance dans ses paroles, dans sa manière de le formuler et de tenter d’y croire elle-même. Je vais bien. Avait-elle dû répéter ses trois mots une quantité de fois impressionnante en si peu de temps. Prenant une inspiration légèrement, elle se contenta de pincer ses lèvres, se répétant qu’elle n’était là que pour un verre et que là où elle se trouvait Roland n’y avait jamais mis un orteil, peut-être que l’ombre du souvenir planant dans le lieu ne serait pas présente là-bas. La supposition fut juste, bien que la noiraude ne semblait toujours pas se sentir parfaitement à son aise. Aurait-elle certainement dû proposer un entretien en extérieur, ailleurs. Lorsque son esprit balaya les lieux environnants, elle n’en trouva aucun sans le moindre souvenir de feu son mari.

- « Je vous remercie pour votre sollicitude, je suppose que c’est pour mon absence dans les quartiers de l’esplanade ? » fit-elle en se détachant pour trouver assise sur un fauteuil, prenant soin de ne pas rentrer en contact entre le dossier et son dos « C’est juste que. » hésita-t-elle « Pour plus de faciliter avec mon travail, j’ai préféré m’installer à la milice. »

D’un bref geste de la main, elle se contenta de balayer l’air, comme si cela pouvait changer quoi que ce soit. Croisant ses mains sur ses cuisses, elle prit une légère inspiration, avant de détailler simplement le petit salon, qui n’avait rien de petit, évidemment.

- « C’est charmant, mais cela me surprend pas vis-à-vis de vos goûts » souffla-t-elle « Bien, je suis venue prendre de vos nouvelles. J’ai appris pour votre mari, je suis sincèrement navrée… Je n’ai pas pu, enfin. » Faire une missive, aurait été de circonstance « Il y avait beaucoup de choses à faire dans la milice, je n’ai appris qu’après coup » tenta-t-elle de se justifier « Comment vous portez-vous ? J’ai cru entendre que votre beau-frère était le gestionnaire de votre famille » parler de tout, de rien, sauf de la réalité, sauf d’elle « Juste un verre Irène, hein, pas trop. Je pourrais mentir et dire que l’alcool ne me réussit, mais je crains que ma consommation de fasse déshonneur à ma réputation. »

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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyLun 9 Mar 2020 - 2:11
Elle emmena son invitée dans un salon proche, n’oubliant pas de saisir une des chandelles qui éclairait le couloir sombre. Deux fauteuils étaient installés autour d’une petite table ronde sur laquelle étaient gravée et peinte un plateau d’échec. Elle invita la milicienne à s’asseoir et nota malgré elle sa raideur, sa manière de tenir son dos bien droit. Pas comme ces militaires trop habitués à leur rang, non plus comme celui de la personne qui prend mille précautions. Elle s’inquiéta instantanément mais tenta maladroitement de ne pas le laisser paraître.

A vrai dire, je ne savais pas que vous ne veniez plus sur l’esplanade. Même si je crois que cela peut s’entendre. » Elle voulait bien entendu parler de sa perte, mais Sydonnie ne voulait visiblement pas se diriger vers ce terrain. Elle lui accorda volontiers. « Toutes ces choses à faire avec la réorganisation de la milice, les habitants à reloger et l’accueil de ces nouveaux réfugier. »

Elle alluma les chandelles de la pièce, pas toutes, mais assez pour qu’elle se voient sans effort et sans gaspillage. Les paroles pleines de bonnes intentions de la milicienne ne la rassurèrent pas du tout sur son état. Bien au contraire. Elle s’empara dans un meuble de deux verres et d’une bouteille de vin qu’elle déboucha avant de venir s’asseoir face à elle. Malgré sa demande elle lui servit un verre complet. Elle pourrait ne pas le finir, mais quelque chose faisait dire à Irène qu’il serait bon que Sydonnie s’enivre pour quelques heures, pour que son esprit engourdit puisse se reposer.

Je vous remercie de votre sollicitude Sydonnie, mon époux est parti en brave. C’est tout ce qu’il souhaitait. Mon beau-frère s’en est aller pour le Labret, il souhaite faire prospérer les fermes du roi et nos propres possessions. Il a eu la grâce de me laisser gérer quelques affaires pour lui ici à Marbrume, comme je le faisais pour mon époux. Cela m’occupe. » Elle ne parla pas de peine, ni de regret, uniquement de ce que lui aurait ressenti si ça fin avait vraiment été celle déclaré. « Mais si votre objectif est de me faire croire que tout va bien, vous êtes mal partie. » Ajouta-t-elle en souriant sans méchanceté, juste d’une constatation honnête.

Deux rencontres avec vous m’ont bien fait comprendre que n’aimez ni les mondanités ni les platitudes. Sauf quand elles vous permettent de ne pas vous exprimer sur ce qui vous préoccupe. »

Elle porta son verre à ses lèvres et savoura la force boisée du breuvage.

Nous n’avons pas besoin de parler si vous n’en avez pas envie. Nous pouvons juste rester là à boire du vin, ou faire une partie d’échec, vous savez jouer ? Je peux vous apprendre. Je crois que vous avez besoin d’une pause dans votre… quotidien. Pourquoi ne pas la prendre ici ? Le siège est confortable, le vin doux et la chaleur agréable. En dehors de moi il n’y a personne dans cette pièce, vous pourriez laisser tomber votre masque quelques minutes. Je ne vous demande pas de vous confier, ni même d’être honnête, juste de ne pas faire semblant que ce monde a du sens. J’ai invité Sydonnie D'Algrange chez moi, elle n’a pas besoin d’être quoi que ce soit d’autres. »

La sergente allait sans doute lui rire au nez, ou s’en aller dans les secondes à venir pour son manque de tact qui confinait presque à une violation de son intimité. Elle n’avait pas fait semblant de ne pas voir sa détresse. Ni joué les sottes comme elle l’aurait dû et entretenir une discussion des plus superficielle. Irène n’arrivait pas imaginer une relation entre elles basée sur les faux semblant et les non-dits. Elle était d’ailleurs la première à qui elle ne jouait pas la carte de la femme éplorée par la disparition de son mari. Quelque chose dans la complexe personnalité de la milicienne lui faisait espérer qu’elle pouvait entendre ses propres nuances.
Mieux valait prendre le risque de briser ses espoirs d’un lien dépassant la personnalité qu’elle avait forgée pour le monde, plutôt que de croire que cela pourrait venir avec le temps, et s’enfermer dans un mensonge.
Elle bût une nouvelle gorgée, ses yeux fixés sur Sydonnie.
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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyLun 9 Mar 2020 - 13:25


- « Ah. » fit-elle un peu déranger par cette révélation qu’elle avait faite involontairement « En effet, cette nouveauté ravive une vague d’espoir, mais de crainte aussi. Ce qui donne pas mal de travail » murmura-t-elle simplement.

C’était sans doute aussi le fait d’accepter toutes les missions suicidaires, ce besoin de sentir son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine pour se sentir vivante, cette volonté peut-être de finir happé dans le royaume d’Anür que la déesse semble catégoriquement lui refuser. Les chandelles avaient fini par être allumées, une par une, plongeant la pièce dans cette visibilité légèrement, qui lui évitait de trop froncer les sourcils pour affiner une vue moins performante dans l’obscurité. La voix d’Irène avait toujours cette douceur étrange, celle qui est à la fois agréable et qui amène à cette méfiance non identifiable. Elle respirait cette assurance, du moins, c’est ce que percevait la noiraude. Elle s’était retrouvée avec un verre de vin plein entre les mains, qu’elle fit légèrement tournoyer par réflexe, n’osant y plonger son nez pour sentir l’odeur agréable du liquide. Son hôtesse s’était installée face à elle, sans qu’elle n’y trouve rien à redire. Elle l’écoutait évoquer son mari dans cette neutralité qu’elle lui enviait, il était mort avec bravoure, bien loin de son propre époux qui avait choisi le suicide, tout simplement. Prenant une légère inspiration, la sergente n’avait pu s’empêcher de venir avaler une gorgée. Ne souhaitant pas nécessairement converser, elle se faisait néanmoins violence pour s’y essayer. La conversation aurait pu lui paraître banale, si cette interlocutrice spécifique n’avait pas toujours cette fâcheuse tendance à flirter avec les règles de convenance. Presque naturellement, la jeune femme s’était mise à avaler une seconde gorgée, sans en savourer le mélange avant de déposer le contenant sur la petite table et de se relever.

Dos à Irène, la jeune femme observait l’environnement, silencieuse, à la fois piquer sans avoir la force de surenchérir, de repousser, de se battre dans une joute verbale bien inutile. Les bras croisés sous la poitrine, la milicienne s’autorisait à observer son environnement, ce goût de la décoration, la sensation que chaque objet est à sa juste place. Ce n’était pas comme chez elle, où tout puait la nostalgie, le désordre, la tristesse et le désespoir. La vie semblait se poursuivre ici, aussi naturellement qu’il était possible. Comme si de rien n’était. C’était déroutant.

- « Vous êtes une femme particulière» fit-elle avec lenteur après un long moment de silence « Je l’ai noté dès notre première rencontre, vous allez contre les convenances, les règles... Même si vous semblez en maîtriser parfaitement l’art. » affirma-t-elle sans que cela sonne comme un reproche.

Immobile, elle avait fait silence, semblant encore peser le pour et le contre des propos de la comtesse. Elle aurait pu s’en offusquer, peut-être même se rebeller se révolter, mais la fatigue psychique était trop importante et depuis peu, ses échanges avec l’inconnu la faisaient prendre en considération que la vie devait continuer. N’avait-elle aucun ami, Serena lui semblait bien loin, ne voulait-il plus rien savoir de tout ce qui touche de près ou de loin à la famille de Rivefière. Laissant un soupir fuir ses lèvres, elle sentit une petite douleur dans le creux de sa poitrine. Y avait-il nécessairement un masque et elle, le faisait-elle tomber ce masque ? Difficile de savoir ce qu’Irène cherchait vraiment, réellement et cette incertitude n’était pas si agréable. Pivotant finalement, la jeune femme l’avait détaillé mollement, entre difficulté de percevoir malgré les quelques flammes présentes et cette hésitation sincère à reculer, fuir, ne pas rester. Il serait si simple de s’éloigner, de laisser derrière elle cette entrevue qui n’était de toute façon, pas une si merveilleuse idée que ça. Pour la noiraude, il était difficile que la comtesse –noble donc-, puisses agir ainsi sans arrière-pensée, ce n’était pas le comportement habituel de sang bleu. Ce doute persistant lui laissait un arrière-goût amer, étrange en bouche. Depuis combien de temps était-elle restée ainsi, sans le moindre mouvement, simplement à détailler cette silhouette féminine l’esprit rempli de doute.

- « Je ne sais pas jouer » rétorqua-t-elle avant de revenir récupérer son verre, plongeant juste ses lèvres dans le liquide avant de redresser la tête « Je n’ai pas envie d’être quoi que ce soit d’autre. Si vous percevez un masque, j’en suis navrée, mais c’est moi. Pourquoi m’avoir convié Irène ? J’ai quelques doutes que ce soit uniquement pour que je consomme vos bouteilles d’alcool et pour jouer à une partie d’échecs. »

Elle avait relevé les yeux vers la femme, le verre toujours en main. La sergente n’était pas du genre à rester dans une incertitude, elle aimait comprendre, analyser, d’autant plus aujourd’hui. Elle était loin d’être de très bonne compagnie, on avait tendance à la fuir ou à tenter de la raisonner, sans jamais y parvenir. L’amitié dans la noblesse, elle ne connaissait pas, ne voyait-elle que de la manipulation, seulement et uniquement de l’intérêt. Peut-être avait-elle besoin d’une sergente, d’obtenir des informations ?

- « Vous comptez rester ici, ou partir au Labret vous aussi ? » questionna-t-elle simplement en s’installant sur l’accoudoir « Pour le reste, je vous propose de boire simplement, avant que je ne rentre à la caserne. » Conclut-elle « Vous n’avez cas m’expliquer ce dont vous avez besoin, on gagnera du temps aussi. J’ai toujours eu peu d’espoir de voir des membres de la noblesse faire preuve d’une véritable bienveillance vis-à-vis de son prochain. »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyLun 9 Mar 2020 - 15:25
Malgré son affirmation, Irène ne put que son confirmer intérieurement que la milicienne était bien venue avec un masque. Et que si elle ne s’en était toute fois pas totalement débarrassée, au moins laissait-elle sa personnalité filtrer au travers de ses fissures. En quelques répliques elle était passée des platitudes sans intérêt à la provocation presque directe. L’accusant à mots à peine adouci de n’être sans doute qu’une vile manipulatrice.
C’était cette facette acérée qui la définissait le mieux depuis leur première rencontre à cette soirée. Elle avait l’esprit plein de préjugés sur les nobles, dont une bonne part était vrai, même pour Irène. Mais aussi une sorte de curiosité pour la vérité brute. Elle voulait voir les rouages du monde.

Vous m’attirez Sydonnie. » Elle ne se donna pas la peine de nuancer son propos. Laissant la milicienne en tirer les conclusions qu’elle voudrait. Elle porta son verre à ses lèvres avant de poursuivre.

C’est le cas de peu de chose en ce bas monde. Je me fiche éperdument des échecs, il est juste de bon ton que je puisse le proposer. C’est ce que l’on attend de moi. Et le vin est là uniquement car je sais que vous aimez cela, même si ce soir vous ne semblez l’apprécier qu’à demi. »

Elle n’avait pas haussé le ton, pas pris d’accent argumentatif. Elle parlait avec tranquillité, comme si leur échange n’avait rien de notable. Une banalité qui accaparait pourtant toute son attention. Elle lança un sourire amusé mais sans taquinerie à la femme assise de l’autre côté de la table.

Mais maintenant que vous êtes assise et que vous avez bu de mon vin, vous êtes prise au piège ! Je n’ai plus qu’à vous demander comment corrompre la milice, renverser le roi et dominer ce qu’il reste de notre monde. Finement joué n’est-ce pas ? » Dit-elle en levant son verre comme pour porter un toast à sa victoire improbable. Elle reprit un ton plus sérieux après cette tirade très particulière qui en présence de certaines personnes pourrait lui valoir des ennuis, même dit sur le ton de l’humour.

Marbrume est ma cité, je ne partirais pas. Son doute chuterais-je avec elle. Je ne crois malheureusement pas pouvoir être celle qui démentira votre pensée. Je ne suis pas naturellement bienveillante avec mon prochain. A vrai dire je ressens même du mépris pour nombre de mes congénères. La seule chose que je puis vous promettre, même sans avoir de moyen de vous en convaincre, c’est que je ne m’intéresse à vous que pour vous-même. Pas pour le nom que vous portez, pas pour le grade que vous avez ou les informations que vous pourriez me donner. Uniquement vous. »

Elle fit tourner le sombre liquide dans sa coupe en réfléchissant à ses paroles. Pourquoi se montrer si honnête ? Elle aurait pu trouver une centaine de raison de la faire rester, de la convaincre d’échanger plus longuement avec elle. De vagues rumeurs sur un attentat, montrer une inquiétude pour sa sécurité. Rien qu’à cet instant elle aurait pu avancer une dizaine d’arguments, mais elle s’était contentée de cela. La vérité. C’était saugrenu mais agréable.

Vous êtes une flamme dans la nuit, et moi l’insecte sans doute trop curieux. Ni voyez aucune critique, c’est juste une image qui me semble correspondre. Vous ne faîtes rien pour, mais vous m’attirez par votre nature même. Mais je pourrais vous retourner la question, non ?»

Elle aussi se pencha sur son accoudoir pour faire face à la milicienne, ses yeux se promenant sur le visage de Sydonnie sans cacher son appréciation ou sa curiosité.

Vous ne vouliez pas venir cela me semble clair, vous aviez mille et une raison assez diplomatique pour ne pas me froisser afin de décliner. Et pourtant vous êtes là, assise en face de moi. Pourquoi avoir pris cette peine ? »
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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyLun 9 Mar 2020 - 18:11


Vous m’attirez Sydonnie. Cette simple phrase eut le don de provoquer cette multitude de frissons désagréable sur le corps de la noiraude, qui ne savait pas réellement comment prendre la chose. Elle avait détaillé simplement Irène avec cette curiosité au fond des yeux, cette interrogation qu’elle ne formulait pas. Incapable de comprendre, ou ne voulant simplement pas comprendre, la jeune femme s’était contentée de reculer légèrement, instinctivement comme pour se protéger d’un danger. La milicienne sortie finalement de sa torpeur passagère pour écouter la suite de la conversation et une comtesse qu’elle trouve étrangement franche et sincère. Toujours méfiante, toujours dans cette réserve naturelle, elle ne parvenait pas à identifier la sincérité ou non des propos, préférant simplement conserver son observation, sa réflexion. Néanmoins, il serait mentir que de prétendre que ses paroles ne trouvaient pas écho dans les pensées de celle qui était blessée. Cette rancœur vers l’humanité, savoir que le vin était uniquement là pour son bon plaisir, parce qu’elle avait retenu qu’elle appréciait ça avait ce petit quelque chose, ce petit murmure d’interrogation. Elle s’était comme redressée, sans pour autant le faire légèrement, pinçant ses lèvres, hésitante jusqu’à porter le récipient à sa bouche pour tremper ses lèvres.

Beaucoup aurait sans doute trouvé offense dans les propos d’Irène aussi humoristiques soient-ils. Pas Sydonnie. Qui était restée immobile, un demi-sourire au coin des lèvres. Amusée, peut-être pas de la manière façon, la noble venait soudainement d’obtenir la totalité de son attention et d’aiguiser une curiosité que ne s’illuminait plus aussi souvent que cela dernièrement. Son verre fut lui aussi légèrement levé comme pour accepter cet étrange sentiment d’amusement, ou tout du moins de curiosité partagée. Croisant les jambes, la position l’obligeant à se mouvoir pour soulager la douleur irradiant dans son dos, elle fit silence, comme bien souvent, préférant adopter une posture d’observation, d’écoute, d’analyse. La suite lui tira une nouvelle fois cet étrange mélange d’incompréhension, tout en trouvant écho dans ses propres pensées. Sydonnie n’aimait plus les gens, ne se retrouvait-elle plus dans les couples trop utopiques qu’elle percevait, dans les soldats espérant encore faire tomber la fange, dans les autres trop naïfs ou trop pessimistes, ou encore dans les magouilles pour s’assurer un confort bien inutile dans le royaume actuel. Un soupir avait légèrement fui ses lèvres alors qu’elle se relevait pour récupérer la bouteille et compléter son verre, proposant de faire de même à destination du récipient d’Irène.

Se réinstallant sur son accoudoir, reprenant une posture convenable qui la soulageait, elle avait une nouvelle fois offert ce drôle de sourire. Elle croisa ses bras sur ses cuisses, le verre dans sa main gauche, dans l’attente, le liquide tournoyant légèrement dans l’ensemble sans que la moindre goutte ne déborde.

- « Je crains de vous décevoir Irène, je n’ai aucune réponse à vous fournir. Votre invitation m’a surprise, simplement, c’est rare que nos jours on est envie de me fréquenter, je ne suis pas d’une compagnie les plus… joyeuse » elle leva son verre pour tremper ses lèvres dans le liquide et avaler une gorgé « Je ne voulais pas venir, parce que hormis mon travail, je n’ai envie de rien du tout, cependant, dernièrement on m’a fait comprendre que la vie devait poursuivre. » avait-elle complété « Ce n’est pas nécessairement vous que je fui, Irène, c’est tout. Tout ce que votre statut implique, tout ce que l’esplanade implique, tous les lieux que nous avons fréquentés ensemble, lui et moi et que je ne supporte plus le moins du monde. »

Elle penche légèrement sa tête en arrière, dévisage simplement le plafond et son ornement. Un nouveau soupir s’abandonne de ses lèvres, alors qu’elle redresse sa nuque pour avaler une énième gorgée.

- « J’espère que vous tenez l’alcool ? » questionna-t-elle en sa direction « Parce que si il y a bien des réputations qui déforment la réalité, celle-ci me concernant est loin d’être erronée. Cela avait tendance à rendre dingue Roland vous savez. » elle pince ses lèvres « Vous risquiez d’être ivre avant moi et pour moi aussi délicieux soit votre vin, une bouteille ne suffira guère » conclut-elle en terminant son verre « Je ne suis pas une flamme Irène, je ne l’ai jamais été et je ne le serais jamais. » confirma-t-elle en se penchant pour déposer le récipient sur la table « Me feriez-vous visiter votre domaine ? Avez-vous beaucoup de gens à votre service, la demeure à l’air grande pour une femme désormais seule. »

Elle n’avait pas le détachement que la noble semblait démontrer, elle n’avait pas cette patience et cette maîtrise, son masque était imprégné à sa peau, sans qu’elle ne fasse preuve pour autant de mensonges ou de toute autre chose. Elle se redresse simplement par douleur que sa position lui faisait ressentir, vagabondant une nouvelle fois dans la salle, sans céder à la tentation de se resservir du vin. Elle roula simplement des épaules, laissant ses souvenirs s’éloigner un peu pour se concentrer davantage sur l’instant présent.

- « Je ne peux que vous encourager à ne pas chercher sincèrement à devenir mon amie Irène, je crains ne plus avoir le soutien des Trois depuis bien longtemps et être condamnée à voir disparaître tous ceux qui s’approchent. Votre comparaison à l’insecte et très réaliste, mais n’oubliez pas que la plupart du temps il meurt brûlé. »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyLun 9 Mar 2020 - 19:27
La comtesse laissa volontiers sa coupe être remplie quand Sydonnie le proposa. Elle écouta sa réponse, ou plus exactement, son absence de réponse en sirotant par petite gorgée son verre. C’était assez plaisant de ne pas avoir à le goûter du bout des lèvres pour faire croire qu’elle ne buvait que peu. Habituée aux nuits tardives et aux crises existentielles, le vin était devenu un compagnon de voyage bien pratique. Malgré sa tirade, elle était là. Fuyant tout ce qui lui rappelait son époux, elle avait tout de même accepté de rencontrer celle qui l’avait peinte pour célébrer leur union. Un paradoxe qu’aucune d’elles ne semblaient pouvoir expliquer, mais qui était clairement une composante de l’admiration captivée que ressentait la comtesse pour cette femme qui ne voulait pas être autre chose qu’une ombre dans la foule.
Elle sourit en remplissant de nouveau son verre pas inquiète pour deux sous de la concurrence.

Peut-être vous surprendrais-je, je ne suis peut-être pas prête pour une compétition, mais j’espère pouvoir tenir assez longtemps pour voir vos joues rosir à cause du vin. S’il y bien une chose dont je ne manque pas, c’est de vin. » Elle ne releva pas son affirmation. La flamme ne se considérait jamais réellement ainsi, elle se contentait de brûler. Et pour ses yeux d’insecte, Sydonnie brûlait comme aucune autre.
La comtesse hocha la tête et se leva sans hésitation attrapant la bouteille et les resservant toute deux avant de se diriger vers la porte d’un pas tranquille, s’assurant que Sydonnie se levait à sa suite. Et surveillant ses gestes. Quelque chose n’allait pas dans ses mouvements, mais elle ne se sentait pas encore la liberté de le demander.

Je serais ravie de vous montrer mon habitation. L’époque est assez lointaine où les couloirs grouillaient de serviteurs affairés. Quand mes revenus le permettent j’embauche encore quelques fidèles employer le temps de dépoussiérer toute la demeure, ou d’organiser un événement. Cela permet de subvenir à leur besoin temporairement, et de rendre cet endroit moins fantomatique. Au quotidien seule Alice, ma gouvernante et nourrice, ainsi que Jehan, le capitaine de de ce qu’il reste de la garde des Valis occupent les lieux en ma compagnie. Mon jardinier vient presque tous les jours. Même quand je ne peux garantir sa solde. »

Elles avançaient dans le couloir à un rythme soutenu mais peu exigeant, laissant le temps à Sydonnie de souffler si elle en ressentait le besoin sans le dire. Arrivée dans le grand hall, la comtesse bifurqua sur la gauche, les faisant passer devant un immense tableau. Il y a quelques mois, pendant la soirée de leur rencontre, c’était une scène de batailles que l’on pouvait y voir. A présent, un cerf splendide s’abreuvait dans un lac entourait d’une forêt verdoyante et sombre.

Après les années que nous avons passé ensemble à donner vie et entretenir ces jardins, je pense qu’il s’y sens autant chez lui que moi. J’ai aussi la chance de recevoir ces temps-ci les jeunes apprenties du Temple, je leur prête une partie de l’aile pour dispenser leur leçon. La jeunesse insouciante qu’elles parviennent à exprimer est rafraichissante, et leur rire comble un vide depuis trop longtemps présent entre ces murs. »

Elle s’arrêta un instant pour contempler l’œuvre, comme si elle pouvait y lire quelque chose d’invisible.

C’est notre destin à tous que de voir nos proches disparaître jusqu’à ce que notre tour vienne. La fange n’a fait qu’accélérer un mouvement déjà inexorable. Si les trois ont décidé de voir là notre fin ou notre salut, peu importe que nous bénéficiions de leur soutien. Ils ont déjà choisi. Seul nous incombe de choisir quoi faire du temps qui nous est imparti. »

Elle se tourna légèrement vers Sydonnie et lui offrit un sourire complexe, plein de mélancolie et d’espoir.

Ne vaut-il pas mieux pour l’insecte de mourir brûler que de n’avoir jamais connu autre chose que l’obscurité ? Je crois que je serais fière de vous compter comme une amie Sydonnie, quand bien même cela me désignerait-il pour un quelconque courroux divin. »

Son âme était damnée depuis le début de son existence, elle ne craignait point ce genre fin. Elle entraina Sydonnie dans une pièce sombre, aussi large que le salon, mais dont les épaisses étagères couvertes de livre semblaient rendre le lieu étriqué. Une petite banquette et une table basse occupait le centre de la pièce.

Ma bibliothèque, de loin mon lieu préférait, du moins à l’intérieur. »
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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyLun 9 Mar 2020 - 23:46


Elle opine, tendant légèrement son verre pour permettre à la comtesse de la servir, puis de la devancer. Sydonnie c’était naturellement redressé en rythme, un brin hésitant vis-à-vis de la marche à suivre. Sa présence ici ne lui semblait pas bénéfique, ni pour elle, ni pour celle qui semblait tant l’apprécier pour une raison qu’elle ne parvenait pas à identifier. Roulant simplement une épaule, la jeune femme se contenta d’opiner en direction de la noble, consciente que malgré sa richesse, chacun était touché de la même manière par l’événement fangeux, présent depuis deux ans maintenant. Sans réellement le vouloir, certainement pas déformation professionnelle, la noiraude mémorisait les informations, ainsi que les prénoms. Un garde, une gouvernante, un jardinier, possiblement d’autres petites gens de temps en temps. Bien moindre vis-à-vis de la belle époque, elle semblait terriblement lointaine cette belle époque. Avalant une gorgée de son vin, sans pour autant encore en sentir le moindre effet, hormis ce délicieux goût qui se reprend dans sa bouche, imbibe ses lèvres. Le petit salon est derrière les jeunes femmes, déjà, seul le bruit des pas du duo se fait entendre. Elles étaient de nouveau dans le grand hall, là où la sergente avait patienté en bas des marches l’arrivée de l’hôtesse de maison. Elle l’avait suivi à un rythme convenable, à son rythme, sans ralentir, sans freiner ou accélérer, elle pivotait de temps en temps pour observer le plafond, le sol, la décoration.

La silhouette d’Irène lui semblait vaporeuse par instant, comme si elle était là sans être là, comme si l’obscurité de l’endroit provoquait ce charme presque agréable en compagnie de cette étrangère. Le silence était uniquement interrompu par les paroles de la comtesse, parole que la noiraude s’appliquait à confirmer par quelques hochements de têtes furtifs. J’écoute, sans trop écouter, comprenant qu’elle évoque très certainement les enfants, une famille. Sydonnie réalise qu’elle ne connaît rien d’Irène, même son ancien mari, sa vie, son influence. Égoïste l’était-elle très certainement, à un point qu’elle ne s’est pas préoccupée de ceux l’entourant, hors de ses enquêtes évidements. Relevant le nez vers le tableau, détaillant le cerf et sa représentation, dans son ensemble. La noiraude ne peut s’empêcher de penser à Serus et de ressentir cette colère qui l’a pousse à boire son verre plus rapidement. L’œuvre est magnifique, mais elle ne parvient pas à s’y concentrer, elle perçoit simplement Serus, la procréation, les enfants et sa douleur n’en est que plus forte dans sa poitrine, comme si on venait de la poignarder.


- « Cela doit être agréable » fit-elle avec lenteur en dévisageant le tableau « De percevoir un peu de vie » confirma-t-elle en récupérant la bouteille pour se servir un verre, le compléter, le remplir « Alors vous croyez encore Irène pour ainsi venir porter assistance au clergé ? » questionna-t-elle sincère croise les bras devant sa poitrine, faisant tournoyer le liquide.

Les doigts maintenant le récipient s’étaient crispés, faisant légèrement blanchir le pli de ses articulations. Les paroles de son interlocutrice ne faisaient plus écho sur l’instant. La noiraude ne pouvait accepter que la mort soit une fatalité, une ligne toute tracée, elle ne pouvait tolérer qu’on lui arrache les siens sans lutter, elle ne pouvait accepter que des prétendus Dieux décident sans jamais tendre une main, prenne sans jamais rien donner. Ses lèvres s’étaient pincées avec plus de force, alors que ses dents étaient venues mordiller l’intérieur de sa joue, contractant sa mâchoire pour ne pas s’exprimer, pour aller mieux, essayer de ne pas y penser, de tous les doutes la rongeant, de cette incompréhension, de ce clergé qui ne comprenait pas, qui la condamnait d’avoir perdu cette enfant, par volonté disait-il, par manque de combativité prétendait-il.

- « Et que voulez-vous faire, Irène du temps que vous pensez qu’il vous reste ? » questionna-t-elle en se détournant du tableau, avalant un nouveau verre, se mettant à rire lentement, désagréablement « Vous acceptez vous, aussi facilement que ça de regarder vos proches disparaître, parce que c’est soi-disant notre destin ? Vous n’avez jamais eu envie de renoncer à cette fatalité, finalité, comment pouvez-vous croire que c’est dicté, que nous allons regarder ainsi chacun des êtres qui nous approchent crever, sans même pouvoir le retenir, l’empêcher, le repousser. Et puis, ne sommes-nous pas tous le proche de quelqu’un. »

Elle s’était mise à rire, se reculant légèrement, laissant le liquide tournoyer dans son verre au rythme de l’impulsion de son poignet. Penser ainsi, puis dans le même temps admettre avoir envie d’être cette amie, cette proche vouée à la mort, cela avait de quoi amuser la sergente, sans que l’humour ne soit dès plus sincère. La noiraude avait légèrement secoué la tête de droite à gauche, comme pour imposer un silence, une hésitation, ses lèvres s’étaient pincées encore, puis entrouvertes avant de faire cet étrange silence, roulant une épaule pour indiquer que cela ne méritait pas réellement de réponses, à quoi bon. La dernière pièce fut finalement comme une révélation, l’obscurité avait toujours tendance à la calmer, offrir ce sentiment de sécurité et de perdition mélangé. Prenant une inspiration, elle s’était éloignée de celle qui lui offrait cette fameuse visite, détaillant simplement du bout des doigts les étagères semi-pleines. Des livres, s’étaient rares, elle en avait conscience et n’avait pour autant, jamais eu dans son esprit cette satisfaction à les parcourir. Petite, ou au temple, elle avait toujours tendance à débuter par la fin et une fois la fin à l’esprit, il n’est plus nécessaire de lire le début.

- « C’est votre lieu préféré parce que vous aimez les histoires ou que vous aimez en raconter ? » l’interrogea-t-elle en pivotant vers elle et s’approchant d’un pas à la fois hostile par cette colère la rongeant et un véritable soupçon de curiosité « Comment vous écrieriez la vôtre avec quelle finalité, comme les fins sont tracées. » elle souleva légèrement son verre, s’appuyant contre une étagère « Et votre tableau, il est de vous n’est-ce pas ? Celui avec le cerf, qu’avez-vous voulu représenter, Irène ? »

Peut-être finit-elle par entrapercevoir sa maladresse dans ses actes.

- « Navrée, je n’ai jamais été très douée pour faire preuve d’une quelconque amitié ou d’une certaine délicatesse dans mes relations. »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyMar 10 Mar 2020 - 0:55
Il n’est pas nécessaire de croire pour porter assistance à ceux qui pourraient en avoir besoin. » Répondit-elle sans trop y réfléchir.

Au-delà de sa mission consistant à étendre l’influence de l’épurateur au sein du clergé, elle avait voulu alléger le fardeau et la peine qui étaient à sa portée. Elle observa Sydonnie la rejoindre, se détournant du tableau dans un rire sans joie. Elle ne fit pas le moindre geste, pas un commentaire. Elle se contenta d’observer la milicienne enflé telle une goutte d’eau à la pointe d’une feuille. Elle ne s’offusqua pas de l’acidité de son ton, ni de ses paroles. Elle voulait que Sydonnie parle, et peu à peu elle le faisait.
Si la provocation était l’arme nécessaire, alors pourquoi ne pas l’utiliser. Au moins temporairement. Elle porta le à ses lèvres verre laissant le silence durer comme semblait l’espérer son interlocutrice par ses gestes. La noiraude s’engouffra dans la bibliothèque sans y trouver le moindre intérêt, ou du moins rien qui ne transcendait sa puissante émotion de l’instant. Elle ressemblait à un fauve prêt à bondir, feulant, toute griffes dehors, mais pas encore passé à l’attaque. Irène lui sourit sans faire le moindre mouvement de recul, se contentant de fixer le prédateur dans les yeux tandis qu’elle faisait tournoyer le vin dans son verre, distraitement.

L’histoire de ma vie se finirait dans une clairière, loin d’ici, loin de tout ce que nous avons bâti, loin de tout ce que nous avons condamné. Un lapin passerait entre les herbes, sans craindre qu’une flèche ne le cueille pour la simple satisfaction de donner la mort. Je serais morte de nombreuses années auparavant, ce lapin ignorerait jusqu’à mon existence, tout comme celle des hommes et des dieux, et continuerait de vivre paisiblement sans jamais avoir à s’en soucier. Comme ce cerf sur le tableau. Il n’est qu’une vie dans la nature. » Son regard qui s’était mis à dérivé revint dans celui de la créature sauvage qui évoluait dans la pièce. « Je trouve que ce serait une très belle fin. »

Une nouvelle gorgée et elle s’approcha de Sydonnie de plusieurs pas, réduisant considérablement la distance de sécurité que celle-ci avait imposée. Elles se trouvaient toutes deux dans l’ombre, leurs yeux brillant dans le noir, à moins d’un mètre l’une de l’autre.

J’aime les livres car ils contiennent le meilleurs et le pire de l’humanité, ils sont à notre image. Aussi détestable et digne d’admiration que notre espèce. » Elle tendit son verre vide, invitant la milicienne à la resservir, comme s’il n’y avait eu aucune tension dans leur échange.

Si vous êtes maudite par les dieux, condamnées à voir ceux qui vous approchent s’éteindre. Pourquoi l’idée que toute l’humanité soit dans votre cas vous met-elle en colère à ce point ? Cela pourrait pourtant paraître d’une certaine logique. Cela expliquerait pourquoi nous souffrons tous, pourquoi vous souffrez.
Soit les dieux peuvent choisir qui souffre, soit non. Dans le premier cas, il est inutile de se battre contre cela. Dans le second vous ne pouvez pas vous en servir pour justifier votre isolement.
»

Elle but une longue lampée à sa coupe.

« Le tableau n’est pas de moi. Mais voici son titre si cela vous intéresse : “Un cerf n’est peut-être rien d’autre qu’un cerf“» Elle rit sans aucune joie, presque écœurée. « Mais cela était il y a presque un siècle. L’artiste est mort sous les ordres du clergé, et l’œuvre fut renommé “Serus dans le bois“. Je l’ai acheté au Temple. Il m’aide à me rappeler que tout ce que nous attribuons aux dieux n’est pas forcément de leur fait. Il m’a inspiré ma belle tirade sur la destinée, et vous a fait parler. C’est un bon tableau.»

Elle fit cliquer son verre contre celui de Sydonnie, propageant un son cristallin dans la pièce sombre, en signe de paix suite à ce petit stratagème.

Je suis prête à admettre que le destin des dieux n’est peut-être qu’une vue de l’esprit, pessimiste qui plus est. Mais dans ce cas il faudra accepter que je ne tienne pas compte de votre conseil de ne pas vouloir devenir votre amie. Puisque je ne risque rien si les dieux ne nous prédestinent pas. Je vais donc tenter ma chance. »

Elle afficha un sourire triomphal face à sa petite démonstration fallacieuse pour se servir de la colère de Sydonnie comme justification à sa tentative d’approche. Et surtout, faire parler la noiraude plus librement sur tous les sujets qu’elle trouverait.

J’aime beaucoup philosopher inutilement Sydonnie quand je ne réponds pas directement à une question, cela pousse souvent les gens qui ne sont pas d’accord avec vos dire à exprimer leur avis sans les filtres habituels. Il est bon de vous entendre parler de l’importance de défendre ses proches. Cela me laisse espérer que vous voulez encore en avoir. Malgré votre peine. Alors soyez-vous-même, peu délicate, et je serais moi-même, insistante. Venez continuons la visite. »

Elle passa un bras autour de celui de Sydonnie, et l’entraina, elle et leur bouteille, directement dans les jardins baignés dans la lumière lunaire.
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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyMar 10 Mar 2020 - 11:09


Dans une clairière. Sydonnie s’était arrêté à cette simple évocation du lieu, réalisant qu’elle-même n’avait rien imaginé de paisible pour sa propre fin, sans doute parce qu’elle ne se détachait que rarement de la vision de cette fange omniprésente, dévorante, terrifiante. La noiraude s’était toujours vu mourir l’arme à la main face à un monstre, succombant finalement après avoir lutté jusqu’à son dernier souffle. Elle serait sans doute seule, sans même aucune bête dans les environs et succomberait avec l’espoir qu’un membre de la milice, qu’un vagabond, qu’un banni passent peu de temps après sa mort pour la décapiter. C’était tout. Son interlocutrice avait donc à ses yeux, une certaine forme d’insouciance, comme si la vie pourrait reprendre après sa mort convenablement, comme si la fange finirait par disparaître, comme si l’Humain finirait pas disparaître pour ne plus jamais chasser le moindre lapin. Il serait sans doute trop rapide de prétendre que les muscles de la milicienne avaient finis par se détendre une fraction de seconde, mais la crispation fut plus légèrement. Irène rêvait donc d’une fin de conte pour enfant, digne des plus belles histoires, ne manquait-il sans aucun doute que les enfants pour pleurer. Sa conclusion sur les ouvrages tira un simplement haussement d’épaule chez la sergente qui se contenta de remplir le verre, complétant le sien avant de fuir une nouvelle fois cette proximité pour abandonner la bouteille sur un meuble.

Son interrogation naturelle vis-à-vis de sa colère entraîna ce même geste, un roulement d’épaule furtif, difficile de savoir pourquoi elle était si révoltée contre tout ça. Sans doute parce qu’elle avait juré de protéger, sans doute remontait-ce bien plus loin que l’arrivée de la fange. Enfant c’était-elle déjà indigné de ne pouvoir se battre, de ne pouvoir chasser, s’était-elle indignée de devoir devenir une professionnelle de l’aiguille, de la cuisine, s’était-elle indignée de la pression de sa mère pour s’intéresser à un homme, s’était attristée de la mort de son très cher et tendre père. Puis il y avait eu la Fange, libératrice des codes, annonciatrice du changement, l’avait-elle profondément apprécié dans un premier temps, malgré les drames, malgré la mort, malgré la guerre perdue d’avance. Sans elle, elle ne serait pas sergente, sans elle, elle n’aurait pas connu Chris, ni Gabriel, ni Dante, ni son ancien sergent et peut-être même pas Roland. Il fut un temps pas si lointain ou même dans le pire instant, Sydonnie était en mesure de tirer une conclusion positive à laquelle se raccrocher, mais maintenant ? Ses lèvres se pincèrent alors qu’elle venait simplement entrechoquer son verre dans celui de la comtesse. Cette dernière ne semblait pas abandonner l’idée, certaine de pouvoir soit conjurer le mauvais sort, certaine sans doute de ne voir dans certaines représentations qu’une représentation et pas un signe des dieux.

- « Faites comme bon vous semble » lâcha-t-elle finalement l’esprit encore embué « Je crois personnellement que c’est toujours plus complexe que ce qu’on peut voir avec nos yeux. »

Sydonnie n’était pas une adepte des œuvres d’arts, ni de la peinture en général, ni de la poterie, ni de la sculpture, ni de rien de tout ça. Ne fallait-il pas s’y méprendre, elle avait toujours eu une certaine fascination pour l’ensemble et appréciait regarder les artistes se réaliser au travers une œuvre. Elle avait toujours apprécié s’offusquer devant une représentation, ou bataillé avec un peindre pour obtenir gain de cause vis-à-vis de son interprétation de sa toile. Néanmoins. Ce n’était pas quelque chose qu’elle cherchait pour s’accomplir, avait-elle trouvé en cette représentation naturelle une profonde tristesse, refusait-elle sans aucun doute d’être ramené à sa souffrance, à sa perte, à ses doutes, à chaque fois que son regard se déposait sur un élément, à chaque fois que la conversation abordait un sujet quelconque, à chaque fois que ses pas l’amenaient dans un nouveau lieu. Détaillant Irène et cette volonté à toute épreuve de l’approcher, sans la comprendre, avisant cette femme, noble, qui restait là malgré ses aboiements perpétuels, la noiraude ne sut réellement comment réagir, quoi dire.

- « Je n’ai jamais aimé philosopher inutilement » souffla-t-elle simplement en avisant son interlocutrice, en cherchant à capter son regard pour trouver sans doute des réponses à des questions qu’elle ne formulait pas.

Un bras fut glissé sous le sien, naturellement, avant d’être entraîné à l’extérieur de cette pièce où les quelques ouvrages résidaient encore sans avoir eu la chance d’être survolés. Silencieuse, la femme d’armes se laissa simplement entraîner dans la direction indiquée par la gestionnaire des lieux. Le domaine lui semblait vide, mais rempli de cette âme étrange, comme si chaque bibelot, chaque peinture, chaque absence de tâche avait une histoire à raconter, un murmure à évoquer, une pensée à partager. Ce ne fut qu’après un instant de marche que la sergente avait fini par ralentir, immobilisant ses pas, pour détailler celle qui avait ce détachement de tout, cette distance pas toujours très juste, ce regard et cette détermination qui la dépassait sans aucun doute un peu. Les jardins. Sur l’instant, la jeune femme dut penser à une provocation, alors que son regard bleuté effleurait la silhouette féminine avec cette incompréhension persistance. Irène l’avait emmené dans les jardins, jardin qu’elle avait traversé avec Roland pour parvenir à l’atelier. La sergente sentit son cœur se crisper, se freiner, se révolter contre ce souvenir, la bouteille, l’alcool, la colère, tout ça n’y changeait absolument rien, sa souffrance et son obsession de son passé désormais révolue ne lui permettait pas de percevoir autre chose. Tâchait-elle néanmoins de faire preuve d’une certaine abstraction se concentrant à la fois sur la conversation, à la fois sur les paroles formulées par le passé.

- « Je comprends la raison de la passion de votre jardinier pour ce lieu » amena-t-elle simplement « Votre jardin pourrait presque faire ombrage au jardin du Roi. » Conclut-elle « Vous devez y être souvent pour peindre… Je suppose, à moins que vous n’ayez cessé votre art faute de temps ? »

À l’extérieur, un petit vent frais venait simplement souffler, sans que cela ne semble réellement gêner la jeune femme. Prenant simplement une inspiration, elle se détacha de la noble pour aviser les multiples plantes qui ne demandaient qu’à éclore ou à faner. C’était quelque chose de fascinant, constater que la vie, même d’une simple pousse continuait, se poursuivait. Sydonnie avait la sensation d’être restée déjà trop longtemps, d’avoir abusé du temps d’Irène ou même de son propre temps. Elle avait déposé ses mains, sur ses avant-bras, frottant légèrement avant de revenir sur les derniers événements.

- « Votre jardin n’a pas l’air d’avoir été trop éprouvé par la tempête, à moins que ce ne soit votre jardinier qui soit déjà venu durant des nuits entières pour remettre l’ensemble en état ? »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyMar 10 Mar 2020 - 13:40
Il était compliqué que de faire parler et réagir une personne qui en tout temps avait choisi d’isoler ses pensées et ses sentiments sous un bouclier imperméable de rebuffade et de distance. Mais Irène ne voulait pas en démordre. Si cela devait être la seule soirée où cette femme qui l’intriguait tant accepter sa compagnie, alors elle insisterait pour en obtenir le maximum. Quitte à s’y brûler elle approcherait la flamme pour tenter de la comprendre. Elle pouffa à sa réponse.

Je ne l’aurais jamais deviné. » Répondit-elle avec malice à celle qui visiblement n’était pas une adepte des mots prononcés pour ne rien dire.

Sydonnie se raidit légèrement à mesure qu’elles s’approchaient des jardins, réaction qui ne surpris pas la jeune comtesse, bien au contraire. C’était peu ou prou ce qu’elle avait envisagé sans pour autant l’espérer. Son but n’était pas de la faire souffrir inutilement, mais bien de la confronter à la vie continuelle qui se propageait ici même après les drames.
Elle laissa son bras lui échapper sans faire d’efforts pour la retenir, évitant de la faire plus se sentir prisonnière de sa présence qu’elle ne le ressentait déjà. Se rendait-elle compte que sa main trembler sur la bouteille ? Elle lui prit sans faire de commentaire et posa celle-ci sur l’avancée de pierre qui accompagnait les quelques marches jusqu’aux première plantes. Le chêne rouvre immense projeter une ombre sur le jardin qui allait en grandissant. D’aucun aurait pu y voir une forme menaçante, elle avait l’impression de le sentir étirer un manteau protecteur autour de lui.
Elle s’accroupit devant l’un des rosiers aux fleurs blanches qui à présent bordaient les deux côtés de la première allée. Elle caressa l’une des pétales, s’assurant inconsciemment qu’aucun germe ou raideur ne se propageait dans la plante.

Il serait honoré d’entendre votre compliment, tout comme je le suis. J’y suis souvent en effet, mais plus souvent pour m’occuper des plantes que pour la peinture. Malheureusement, il faut parfois faire un choix dans nos activités lorsque nous en avons trop. Au moins le jardinage leur sert à elles. » Dit-elle en englobant le jardin des yeux.

Elle avait très peu eu l’occasion de peindre ces derniers mois. Le château de cartes qu’elle fabriquait doucement avec l’aide de l’ordre de l’astre de l’Azur et des biens accumulés dans les cendres de la famille Sombrelune commençait à prendre forme, et son temps libre raccourcissait à vu d’œil. Sans parler des affaires courantes de la famille qu’elle dirigeait totalement à présent.
Elle devait sacrifier du temps à cela. Mais elle préparait bien une œuvre, sans pouvoir en parler à Sydonnie. Elle ne saurait comment l’interpréterait la milicienne, mal sans doute. Mais elle voulait l’aboutir. Elle en avait besoin.
Elle inspira doucement l’odeur de la fleur vivace.

Le manoir a plus souffert que le jardin. Il y a bien eu quelques buissons à demi déraciné, et un parterre de fleur dont les tiges sont brisées. Et l’une des branches du chêne a chutée. Mais dans l’ensemble la nature semble se respectait elle-même, et nous avons pu remettre en état ce qui devait l’être. Au contraire de la bâtisse, où des semaines seront sans doute nécessaire pour la remettre à l’état. De nombreuses tuiles ont étaient éjectées, des fenêtres brisées. L’une des poutres du toit s’est fendue et a besoin de tréteaux pour tenir en place à présent. Et la porte extérieure de la cuisine a était arrachée et a fini chez l’un de mes voisins. »

Un simple constat d’un événement pourtant cataclysmique. Heureusement cela lui avait aussi offert la couverture parfaite pour mener à bien certains projets. La milice, les habitant, le roi, tous avaient été trop occupé à maintenir la cité debout pour s’apercevoir de ce qui se déroulait sous leurs yeux. Elle n’avait plus qu’à attendre l’occasion de se servir des pièces mise en place.

Vous souvenez-vous Sydonnie, il y a des mois de cela, alors que nous venions de traverser ce jardins pour rejoindre mon atelier. Vous m’aviez déjà tenu des propos quelque peu similaires. Pour reprendre vos termes, “vous ne pouvez accepter qu’on puisse se résigner“… »

Elle laissa un instant l’air suspendu entre elles avant de reprendre avec toute la douceur qu’elle pouvait mettre dans sa voix, sachant que sa prochaine question irait chercher dans ce que Sydonnie voulait à tout prix ignorer.

En voulez-vous à Roland de s’être résigné ? »

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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyMar 10 Mar 2020 - 14:58


- « Visiblement » souffla-t-elle simplement en avisant les fleurs qui n’avaient plus rien d’envoûtant à ses yeux.

L’hôtesse s’était agenouillée avisant avec cette douceur la création de son jardin et de la nature. L’endroit était agréable fallait-il l’admettre, mais ne reflétait plus nécessairement les besoins de la noiraude. Sydonnie ne s’accrochait plus aux moindres espoirs, à la moindre lueur positive, avait-elle tendance à s’enfoncer dans les ombres de son cœur, à répondre par sa peine par de l’activité physique, par de la torture, pas des hurlements ou des missions suicidaires. N’était-ce que ça et uniquement ça qui lui donnait encore l’illusion d’être vivante. La beauté, la bienveillance, l’amour ou l’amitié était des éléments qu’il ne faisait plus parti de ses croyances, du moins pour l’instant n’était-elle pas capable d’ouvrir ce type de porte. Fallait-il néanmoins reconnaître que celle qui avait des passions et un comportement flirtant parfois avec le protocole avait elle aussi un don pour sublimer ceux qui l’entouraient. Le passé avait néanmoins appris à Sydonnie de se méfier des apparences. La sergente aimait les roses pour leur épine, aimait les champignons pour le risque des effets, aimait tout ce qui avait ce visuel agréable, mais qui pouvait se montrer terriblement dangereux et dérangeant. Ses doigts avaient effleuré le pommeau de son épée par un réflexe, alors que son regard se perdait dans son verre de vin qu’elle vida volontairement dans l’herbe sous ses pieds.

Irène avait évoqué simplement la porte, les dégâts de la bâtisse et presque naturellement, la jeune femme avait relevé les yeux pour détailler les éléments, du moins cherché à identifier les éléments avant de se mettre légèrement à rire.


- « Au moins cela vous offre un moyen de rencontrer vos voisins » fit-elle simplement en secouant la tête « Vous auriez dû être prêtresse Irène, avez-vous peut-être loupé votre orientation professionnelle » glissa-t-elle simplement.

Ne fallait-il pas s’y méprendre, derrière le calme apparent de la noiraude vrillait une véritable tempête émotionnelle dont les étincelles illuminant son regard devaient véritablement la trahir. Chaque problématique était une épreuve, un clou supplémentaire l’immobilisant, lui donnant la sensation de se noyer, d’être submergé par ses émotions. Avait-elle perdu patience durant des séances de tortures, avait-elle pris plaisir à regarder la vie s’éteindre juste pour espérer ressentir cette vague de soulagement l’envahir. Sydonnie était loin d’être idiote et observer son hôtesse creuser, comme les représente du clergé qui avait essayé de la faire s’ouvrir, s’exprimer, manifester une émotion autre que la carte du faux semblant. Malheureusement pour la sergente, sa fièvre, sa blessure, son inconscience aussi longue avait-elle ne lui avait pas permis d’oublier, aucune souffrance, aucun souvenir, rien. Ainsi, sa dernière visite était parfaitement ancrée dans sa mémoire, même si fallait-il bien l’admettre, la précision de la conversation lui échappait.

- « Vous avez une bonne mémoire. » Répondit-elle avec cet instant d’hésitation « Je n’ai jamais eu de temps à perdre avec les personnes se résignant, que ce soit lui ou un autre, peu importe, il a fait les choix qui lui semblaient les plus appropriés à son niveau » sa bouche lui semblait sèche, sa colère grondait c’était une évidence, ainsi s’était mise en mouvement « Vous jouez à un jeu dangereux Irène avec moi. »

Sa dernière phrase pouvait sonner comme une menace, alors sa fine silhouette s’immobilisait un instant pour lui offrir ce regard d’une froideur importante. Roland avait toujours été le mince fil maintenant la jeune femme dans un équilibre, du moins, s’était-il toujours appliqué sans le savoir à la ramener dans ce droit chemin plein de lumière, maintenant que le lien était coupé, il était plus complexe d’anticiper celle qui n’avait plus aucun barreau pour la maintenir.

- « Je suppose que vos fleurs préférez sont les roses blanches ? » l’interrogea-t-elle en se mettant à genou pour en effleurer une du bout des doigts « Lors de notre dernière rencontre, j’avais évoqué avec vous mon appréciation de leur beauté. » Se redressant elle laissa un fin sourire se dessiner sur ses lèvres « Lors de notre dernière rencontre, votre tenue avait déstabilisé mon époux et bien que je ne sois pas une femme jalouse, elle m’a fait constater une chose à votre sujet. Rien n’était fait sans le moindre intérêt… Quand je joue à un jeu Irène, j’apprécie d’en connaître les règles. »

Parce qu’elle jouait, l’une essayant de pousser l’autre dans ses retranchements, de la faire s’ouvrir pour une raison inconnue. Évoquer ainsi une blessure à vive, quand jusqu’à présent aucune forme de relation n’était présente, n’était jamais dénué de sens. Or la noiraude avait tendance à utiliser la même technique, à défaut, qu’elle avait tendance à pousser ses victimes dans ses retranchements avec la douleur physique.

- « Savez-vous que je suis tortionnaire ? » questionna-t-elle « Sans me vanter, je pense que personne ne me dépasse dans l’art de faire parler quelqu’un. A la différence, c’est que j’utilise le physique pour faire parler, alors que vous cherchez à utiliser le psychologique… » elle l’avisa un long moment « C’est inutile de chercher à me faire exprimer mes peines Irène, elles sont trop nombreuses pour être évoqués. Mon mari a fait ses choix, en fonction de sa perception du monde nous entourant. Il a, je suppose, jugé qu’aucun avenir ne l’attendait. Il s’est privé du royaume d’Anür et si Roland m’avait démontré ce type de mentalité avant, il n’aurait pas été mon mari. Faisons-nous tous des erreurs n’est-ce pas ? On va toujours payer les pots cassés d’une façon ou d’une autre. »

Elle continue sa progression, cherchant à détailler du bout des doigts l’écorce de l’arbre, les rayons de la lune percent légèrement les feuillages, offrant ses points lumineux plutôt agréables à l’œil.

- « On n’obtient pas une amitié en cherchant à repousser l’autre dans ses retranchements et en camouflant ses propres faiblesses. Je ne me suis pas amusée à titiller votre absence de réaction face à la perte de votre mari, je ne me suis pas amusée non plus à souligner cette indépendance que je perçois, ce regard qui en dit bien plus que ce que vous ne voulez bien laisser paraître. Vous voulez être mon amie Irène ? Alors, commencez par ne plus chercher à jouer vous-même et à ne jamais avoir l’ascendant sur votre future amie. Je suis lasse d'être un pion qu'on cherche à positionner parfaitement. »

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Irène de ValisComtesse & Modératrice
Irène de Valis



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyMar 10 Mar 2020 - 16:41
En effet prenait-elle des risques. Mais pas dans le cadre d’un jeu tordu comme semblait s’en être persuader la milicienne. Elle avait simplement dû aiguiser les seules armes à sa disposition. Sa beauté et son intelligence. Malgré ses peines, Sydonnie d’Algrange était parvenue, bien mieux qu’elle, à s’extirper de sa situation et du rang que son sexe et sa naissance lui avait imposé.

Est-ce donc ainsi que vous avez interprété notre rencontre ? Les roses blanches ne sont pas mes fleurs préférées. Elles sont simplement celles que j’ai pu sauver. Cela rapproche. » Elle examina le sourire parfaitement inamical de la femme face à elle et répondit très honnêtement. « Si ma tenue, au-delà d’être celle que je porte toujours lorsque je peins, devait être destinée à quelqu’un, cela n’aurait pas été pour votre époux… »

Elle suivit son avancée en l’écoutant. Une menace, une promesse ou une constatation, cela elle n’aurait sut le dire précisément. Mais une chose était certaine, c’est que l’information devait être prise en compte. Mais après tout, quoi de plus évident pour celle qui connait la souffrance physique et morale, que de savoir parfaitement la faire ressentir aux autres ?
A la manière dont Irène percevait toujours la noirceur chez les gens, du fait de la fréquenter au quotidien, Sydonnie avait fait de la souffrance sa compagne. Irène avait commis une erreur en abordant si frontalement le sujet. Mais elle ne pouvait pas envisager de ne pas l’avoir fait. Elle poursuivit donc.

Pourtant ce jour-là sur le balcon, n’avez-vous pas déjà noté avec dépit la conviction de Roland que nous étions déjà condamné ? Ne pensez-vous pas que cela était signe de ce qu’il était prêt à faire ? Il ne croyait déjà pas en un meilleur avenir. » Elle soupira las malgré elle de se remémorer cela « Vous ne voulez évoquer vos peines, et ne sembler pas avoir envie de parler d’avenir. Alors de quoi parler Sydonnie ? Quel genre de chose une tortionnaire veut-elle évoquer quand elle souhaite une conversation honnête avec quelqu’un ? On vous a dit que votre vie devait se poursuivre, et c’est selon vous, ce pour quoi vous êtes venu, à contrecœur. Alors pourquoi suivre cette intention ? Dites-moi ce qui vous pousse à vivre Sydonnie, malgré tout cela.
Pourquoi dès gens comme Roland abandonne malgré l’amour et la famille qui les attends, et pourquoi une femme comme vous continue malgré la peine et la solitude ?
»

Leurs pas les avaient menés jusque sous les feuilles du chêne, Sydonnie posant sa maint sur l’écorce rêche et humide, comme pour en apprécier les détails. Les mots firent mal à la comtesse, mais pas autant qu’elle l’aurait pensé. Elles étaient vraies pour la plupart et cette honnêteté brutale avait quelque chose de réconfortant.
Irène s’était accroupie inconsciemment, sans doute un peu plus atteinte par le vin qu’elle l’aurait cru. Les bras passés autour des jambes elle observait la silhouette de Sydonnie avec un mélange de curiosité intense, d’un soupçon de crainte, et d’un désir inconscient. Cette femme lui faisait peur. Pas par son métier, pas par le mal qu’elle pouvait faire à ses plans. Mais parce qui elle était. C’était une sensation étrange, nouvelle. Peut-être approchait-elle doucement de la raison pour laquelle cette presque inconnue la fascinait tant. Elle lui répondit.

Vous avez sans aucun doute raison. Je ne sais m’y prendre pour me faire des amis. Je ne sais pas ce que cela veut réellement dire. J’en comprends le sens bien entendu. Je sais même le jouer quand il faut, tout comme les larmes pour un époux disparu en ne pensant qu’à lui. Je sais donner les apparences de cela. Je suis celle qui doit plier Sydonnie, en toute circonstance. L’enfant qui ne peut pas dire non, l’épouse qui ne peut pas être triste. La prisonnière qui n’a pas le droit de vouloir une vie différente. A l’instar de ceux que vous faîtes parler sergente, on a travaillé ma chaire et mon esprit pour que je dise la vérité attendue et que je taise celle qui dérange.
Pouvez-vous me dire comment ne pas jouer, quand c’est la seule chose que j’ai eu l’autorisation de faire toute ma vie ? Je ne cherche pas à faire de vous un pion Sydonnie, aucunement. Je suis simplement enfermée dans le jeu depuis si longtemps qu’il met difficile de voir un monde qui existe au-delà.
»

Elle chercha sa coupe et fut surprise de se rendre compte qu’elle était posée à plus d’un mètre de là. Elle soupira et se releva pour aller s’en saisir et la finir. Elle serra le contenant vide entre ses mains, son regard perdu a ses pieds.

Pardonnez-moi mon manque de tact Sydonnie. » Souffla-t-elle d’une voix brisée qu’elle tenta de rétablir. « J’essaie de m’approcher, mais je ne trouve pas le chemin… »

Son esprit évoluant dans un labyrinthe de ronce, elle ne trouvait pas la route lui permettant de comprendre celui de Sydonnie. Elle ne voyait que des détours et des pièges. Et lentement la bête tapie en elle-même remonter sa piste.
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Sydonnie de RivefièreSergente
Sydonnie de Rivefière



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MessageSujet: Re: Juste un verre, ou deux [Irène]   Juste un verre, ou deux [Irène] EmptyMar 10 Mar 2020 - 18:17


Pourquoi. Ce mot se répétait inlassablement dans l’esprit de la jeune femme qui aurait pu coller ses mains à ses oreilles pour le faire taire. Pourquoi. Pourquoi fallait-il toujours une raison à tout ? Pourquoi n’avait-elle pas perçu cette possibilité sincère d’abandonner chez Roland ? Pourquoi avait-elle choisi de lui faire confiance ? Pourquoi l’avait-il abandonné ? Qu’avait-elle mal fait, qu’avait-elle raté, à côté de quoi était-elle passée ? Pourquoi continuait-elle maintenant qu’elle n’avait plus rien ? Immobile, elle avait senti cette colère se fondre en profonde tristesse, elle avait senti cette révolte évoluer en cette possibilité d’attaquer alors que ce pourquoi venait lui transpercer le cœur. Elle était une lame au service d’un roi, une fidélité envers un peuple, un souvenir d’un nom d’un père qui ne faiblissait pas, jamais. Avait-elle seulement le droit de ployer le genou, avait-elle seulement la possibilité d’admettre ne plus avoir de raison de poursuivre et espérer simplement mourir, enfin, trouver un semblant de paix, un semblant d’apaisement, un semblant de facilité. Elle avait senti ses lèvres vibrer, puis se faire dévorer par des canines hostiles à la sensibilité. Sa bouche n’avait plus le goût de l’amour, de la fragilité, de la vie, elle avait le goût du sang, de la rancune et de la mort. Immobile, elle écoutait, elle écoutait autant qu’elle détestait, qu’elle se fermait, qu’elle se consumait sur place par les flammes d’une rancœur si intense.

Laissant ses doigts effleurer, s’imprégner de la forme et la texture de l’écorce, la noiraude ne s’en détournait pas. Percevait-elle les battements de son cœur battre à tout rompre, percevait-elle cette fragilité provoquée par les légers tremblements dus à la contraction de ses muscles mis dans une certaine tension. Avait-elle toujours accepté sa culpabilité, sa culpabilité d’avancer à contre-courant, sa culpabilité d’apprécier se battre, sa culpabilité de ne pas respecter les préceptes à la lettre, sa culpabilité d’être trop faible pour sauver les autres, sa culpabilité d’être toujours mise en échec face à la fange, sa culpabilité de ne pas avoir pu sauver un homme profondément bon, sa culpabilité de ne pas avoir su protéger son bébé. Avait-elle sans aucun doute était la source de sa perdition, coupable, était l’unique fautive, l’unique responsable et pourtant, même aussi cruelle, Anür n’avait jamais voulu la prendre dans son royaume. Etiol ne devait pas la penser suffisamment monstrueuse pour l’accepter dans le sien non plus.

Silencieuse, elle ne trouvait le courage ni la force d’argumenter une réponse, son regard vagabondant sur l’arbre, alors que les mots s’enchaînaient dans ses tympans, alors qu’elle analysait ou se faisait noyer par le semblant de sincérité des paroles. Aucun mouvement ne fut pour autant réalité, aucun, jusqu’à ce qu’Irène évoque avoir été torturé pour être formaté à la vision de la femme noble. À ce moment précis et uniquement quand la noiraude eut la certitude d’avoir parfaitement traduit les dires, les propos, elle se redressant, laissant percevoir une grimace déformant son visage alors que la douleur de son dos se faisait plus violente. Pivotant avec lenteur, elle dévisagea cette femme dont l’apparence forte venait de se fissurer. À cet instant précis, Sydonnie ne voyait plus une noble et tout ce que cela impliquait, voyait-elle simplement une femme. Il n’y a ses yeux, pas toujours besoin de parler, d’évoquer, de raconter, de partager. Une présence suffit parfois, un soupir, un verre de vin. Immobile, toujours, sans que le moindre mot ne franchisse la barrière de ses lèvres, elle laissa ses pupilles effleurer la silhouette, jusqu’à s’immobiliser sur le verre qu’elle tenait entre les mains, puis remonter jusqu’à ce visage qui lui semblait perdu, incertain. Était-elle à ce point monstrueuse pour ne pas parvenir à s’ouvrir, pour arrêter de repousser avec toujours plus de violence, pour éloigner les mains qui se tendaient en sa direction.


- « Parce que même la mort elle-même ne veut pas de moi »

Ce fut soufflé, presque murmuré, formulé sans l’être réellement comme un aveu involontaire, comme une réalité inacceptable, comme un secret si précieusement gardé. Sa survie n’était pas dû fait d’une combativité excessive, ni même d’une aspiration à toujours plus grand, plus fort, non, c’était qu’elle survivait, son corps survivait toujours, se remettait des blessures alors que esprit se mourait toujours davantage. Sydonnie avait fini par détourner le regard, simplement, se fixant sur la tige d’une rose à la couleur si pure que la noiraude se sentait bien laide à côté. Elle pinça ses lèvres, consciente qu’une phrase ne suffirait pas à faire ce pas en avant, qui entrainerait sans aucun doute trois pas en arrière. Elle prit cette inspiration alors que ses bras se croisaient sous sa poitrine, alors que ses doigts s’enfonçaient dans le pli de son coude.

- « La raison du pourquoi je continue. Parce que malgré tous mes efforts, la mort ne veut pas de moi. » le clergé n’avait de cesse de tenter de la convaincre du contraire, pourtant, comment pourrait-il en être autrement « Je survis aux blessures qui devrait être fatales, je me remets des fortes fièvres, je ne tombe pas durant les attaques, je reste des jours inconscientes, mais je me réveil, je ne cède pas sous la torture, je n’arrête pas de croire alors que tout devrait m’amener à détester les dieux. Je regarde les autres mourir, sans jamais avoir l’espoir de les rejoindre.»

Peut-être était-ce là, sans aucun doute la pire des sanctions divines. Condamné à être à porter malheur, condamner à perdre les êtres chers sans jamais effleurer la possibilité de retrouver l’ensemble au royaume d’Anür. Condamné à la souffrance de s’attacher puis d’être trahi, condamné à se faire manipuler, à obtenir un peu d’espoir pour le voir s’envoler. Condamné, un point c’est tout. Elle prit une intense inspiration, laissant sa nuque tomber vers l’arrière pour détailler le ciel, fermant les yeux une seconde.

- « Je ne sais pas ce que vous pensez voir chez moi, mais il n’y pas d’héroïne, pas de femme puissante qui a su prendre sa vie en main, pas de règle infranchissable, pas d’indépendance, pas de joie, d’amour, ou de rire. » un pincement de lèvre « Et l’autre raison de ma poursuite, c’est que je ne veux plus être faible Irène, je me refuse à tomber aussi bas. Mes hommes ne vont pas mourir si je suis là, la ville ne tombera pas tant que des lames fidèles la protégeront, les sectaires ne vaincront pas tant que d’autres continueront de croire et d’espérer. Et si je n’en suis pas capable, ça ne m’empêche pas de pousser les autres à le faire. » elle offrit un premier sourire plus sincère en se redressant « Je suis âgée Irène, ma lame faiblira un jour, sans aucun doute, je ne porterais plus la vie en moi, je n’aimerais sans doute plus parce que je n’ai plus la force de le faire. »

Quant à Roland, à ce pourquoi qui n’obtiendrais sans aucun doute jamais de réponse, la question était plus délicate et sans doute n’était-elle pas en mesure d’affronter cette réalité si. Coupable, elle en était convaincue, mais jamais à ses yeux les autres ne seraient les fautifs, elle était la raison principale aux maux de l’ensemble de ses fréquentations, trop jeune pour sauver son père, trop têtue pour épargner sa mère, trop fidèle pour suivre Chris, trop égratigné pour trouver le courage d’aimer Gabriel, pas suffisamment noble pour rendre heureux Roland et lui donner envie de croire à cet avenir familial.

- « On a tous un choix à faire durant notre vie Irène. » ajouta-t-elle « Ne jamais abandonner et se ranger du côté du plus grand perdant de l’histoire, ou céder à la facilité et se ranger du côté de la fange. » elle haussa les épaules « Je n’ai jamais été une très bonne perdante » fit-elle « Mais je n’ai jamais apprécié gagner trop facilement non plus. Aujourd’hui, c’est peut-être à votre tour de choisir. Voulez-vous être le reflet, l’ombre de ce qu’on a décidé de faire de vous, ou voulez-vous être vous-même ? »

Elle s’approcha d’un pas, un unique et minuscule petit pas, l’avisant enfin au niveau de ses yeux.

- « Croyez-moi, il est beaucoup plus simple d’agir comme on nous a façonnés que de chercher à véritablement se trouver… Il est plus facile de manipuler que d’être sincère, plus facile de faire semblant que de ressentir vraiment… Plus facile de jouer que de vivre l’instant présent. »

Fais ce que je dis, pas ce que je fais, c’était bien souvent une ligne directrice de Sydonnie, pourtant s’approchait-elle de ses propres conseils.

- « Il n’y a pas de règle pour être amie, mais croyez-moi pour apprivoiser celle qui ne le veut pas, faut-il faire preuve d’une grande patience et peut-être que parfois, le dialogue est inutile. Vous m’avez demandé pourquoi, et vous Irène, pourquoi choisissez-vous d’être celle qu’on a faite de vous plutôt de luter et de chercher à vous trouver ? Chaque cicatrice ouvre une haine, une rancœur et une vengeance… Croyez-moi, il plus simple de se venger que de pardonner. »

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